Y avait quelque chose d'un peu humiliant à se faire harponner sans cesse par les clients, à sentir leurs paumes se perdre sur ses fesses et ses reins comme s'il leur appartenait, comme si payer une consommation leur donnait aussi le droit de consommer le serveur, comme si l'argent pouvait tout acheter, y compris les corps. Il ne disait rien, Terry, la plupart du temps. Acceptait que l'insolence et l'irrespect fasse partie intégrante de ce travail, acceptait d'être un objet qu'on désire de loin, lui le petit mec qui plaisait aux deux genres, lui l'androgyne qui éveillait surtout malgré lui des pulsions indécentes, crasseuses et inavouables chez des mecs hétéros. Il s'était toujours demandé pourquoi, d'ailleurs. Et en parlant avec Lexie, elle lui avait fait remarqué que c'était peut être ses traits fins, son corps longiligne, ses yeux aux cils aussi longs que les siens, sa voix fluette et douce, et sa vulnérabilité qui suintait au travers de chaque pore de sa peau. Et il avait compris qu'il devrait subir ça souvent, ces regards, ces billets coincés derrière la ceinture du jean comme s'il était une pute, ces mots glissés contre son tympans alors qu'il se contentait de venir déposer la commande à la table. Combien de fois Lexie lui avait dit "reste avec John, je vais prendre la table qui te fait chier"? Combien de fois s'était-il senti ridicule de lui dire "d'accord" sans chercher à rétorquer, la tête baissée et le coeur en souffrance? Il avait arrêté de compter. Même Lexie se faisait moins emmerder que lui par les clients, elle la beauté blonde et sensuelle. Peut être qu'elle s'imposait plus, peut être que lui faisait encore trop oiseau tombé du nid avec ses sourcils constamment tristes. Peut être qu'on le voyait tout de suite comme quelqu'un qu'on pouvait facilement altérer, modeler, faire tomber alors qu'il y avait en lui tellement de forces insoupçonnées. Souvent il repoussait les avances, un sourire contrit scotché à la gueule mais le regard affolé. Et puis ce soir, encore, ça avait été trop loin. La commande sur le plateau, il se dirige vers la table, pose les verres et sent tout de suite qu'on le tire pour le faire s'asseoir sur des genoux, comme un enfant. Il tente de se relever mais l'homme le maintient et ses trois potes ricanent. "on t'attendra, tu termines à quelle heure?" Terry ne répond pas, sourit en plissant les yeux et se relève. Vous désirez autre chose? Professionnel. Même décontenancé, même poussé dans ses retranchements et posé face à ses plus grandes peurs, il voulait reste professionnel. "ouais, ton cul, et crois-moi qu'on va t'attendre. On nous a dit que t'était plutôt du genre à te laisser faire" et les rires qui s'élèvent en rafale tandis qu'une main se glisse jusqu'à son entrejambe. Il se doute qu'aux vues des nuits qu'il avait passé avec des inconnus, à se laisser prendre sans rien dire, à se perdre dans leurs draps comme on tenterait de disparaitre, il fallait bien qu'un jour un de ces inconnus soit un client du bar. Ou un ami d'un client. Il déglutit, répugné, fait immédiatement un pas en arrière, le regard paniqué et le coeur qui bat à tout rompre. Il les observe, interdit le temps de quelques secondes puis c'est l'angoisse qui lui claque derrière les côtes comme une bannière au vent alors sans prévenir il se dirige vers le bar à grandes enjambées, la respiration saccadée. Il passe derrière zinc, pose son plateau et se tourne dos à la salle pour se servir un verre d'eau, yeux fermés, gorge serrée. Ca parait normal tout ça ici, normal de faire peur, normal de toucher sans demander consentement, normal de croire que payer un service servait à en payer un autre. Il refuse d'être un objet, Terry, pas là en tout cas, pas comme ça. Il l'était souvent quand il se laissait allonger sous d'autres corps, mais il choisissait, il était consentant. Pour les attouchements, on est jamais consentant. Il lance son regard vert émeraude à la recherche de John, John qui savait toujours le rassurer quand Harvey n'était pas là, parce qu'il était le seul en qui il avait confiance ici en cas de souci du genre. Il s'approche alors qu'il est en train de servir une pression et lui chuchote à l'oreille Ca t'ennuie si je reste avec toi jusqu'à la fermeture? Je.. y a... Des gars qui disent vouloir l'attendre à la sortir du travail, mais il ne termine pas sa phrase, ne donne aucun explication supplémentaire parce qu'il sait que John comprendra, parce qu'il l'a déjà vécu trop souvent pour qu'il ne saisisse pas le sens caché de cette phrase prononcée dans le creux de son oreille, la voix un peu tremblante. Il a peur Terry mais il ne le dit pas et instinctivement, ses yeux cherchent Harvey du regard au travers de la salle. Ca le rassure toujours de le voir déambuler dans le noir, ombre pourtant si lumineuse. Il aimait le savoir là, Harvey, soir après soir. Mais il sait qu'il n'est pas là, qu'il ne travaille pas aujourd'hui et ça lui fait quelque chose à Terrence, peut être le manque, il ne sait pas bien. Un peu perdu, il accroche un joli sourire sur son visage et pose une main sur l'avant bras de son collège. Vingt minutes à attendre. vingt minutes et il espérait qu'ils partiraient sans demander leur reste, ces clients relous. Il l'espérait vraiment. Je peux t'aider à nettoyer si tu veux. Et avant que John ne réponde il s'était déjà saisi d'une éponge pour nettoyer le bar.
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 10:08, édité 4 fois
Vingt-trois heures, Confidential Club. Si tu t'étais acclimaté rapidement au MacTavish, tu ne parviens pas à trouver ta place parmi les différents employés de ce nouveau lieu de travail. Tu n'es content de venir travail que si tu sais que Lexie sera présente elle aussi, en regardant la feuille du planning en arrivant aux vestiaires, t'as vite déchanté. La demoiselle est en repos ce soir. Un coup dur. D'un pas lent, tu rejoins ta place derrière le bar. La musique est assourdissante. Les cris des hommes dévorant littéralement les danseuses sur scène t'insupporte de plus en plus. Être barman ne te convient plus. Remplir des verres à longueur de soirées, écouter les états d'âmes de personnes que tu ne connais ni d'Eve, ni d'Adam ne t'intéressent plus. Si tu as accepté ce psote, c'est parce que tu as tout simplement de travailler. Dès tes dix-huit ans, tu as commencé à travailler. Baby-sitter, homme d'entretien d'une richissime famille de Brisbane. Mécanicien, serveur, barman. Tu as touché à tout, tu sais tout faire. À force de passer tes nuits dans ce club, tes collègues commencent à te connaitre. À leurs yeux, tu es John Williams, le petit nouveau. Certains ne te parlent jamais, peu importe. Lexie est la prmeière à être venue te parler, tu ne comprends pas comment une femme comme elle a pu se retrouver à travailler ici. Les hommes ne sont que des gros porcs, c'est sans doute un mort très fort mais tu le penses réellement. Ils ne respectent rien ni personne, ça t'insupporte. Tu as envie de les gifler, de les foutre à la porte mais ce n'est pas ton boulot. Tu n'es qu'un barman, c'est le rôle des videurs de mettre ces clients bien lourds à la porte du club. Cela dit, ça te ferais un bien fou de te défouler sur eux. Non John, on ne tape plus personne. Tu te l'ai promis, tu l'as promis à Maddie. Pas question de trahir cette promesse, surtout pas à elle. Il n'y a pas que les nanas qui se font emmerder par des types louches et parfois bien trop lourd. Il y a ce type, Terrence. Certes, il est différent et alors ? Ça laisse le droit à ces mecs de l'emmerder. Généralement, c'est Lexie qui l'envoie vers moi. Je ne sais pas si je trouve les bons mots pour le rassurer mais il ne s'en ai jamais plains de ma compagnie. Ce soir, Lexie n'est pas là. Terrence passe de table en table. Toi, t'es derrière ton bar. Tu sers les différents clients tout en surveillant le jeune serveur du regard. Tu n'entends pas ce que lui dise les autres assis à leur table. T'es en train de servir une énième pression à un homme déjà bien assez ivre pour prendre le volant de sa bagnole. Tu sens une présence derrière toi, tu reconnais la voix tremblante de Terrence. "Bah non, voyons. Ça m'gêne pas !" La voix de Terrence est bizarre, il a peur. Tu lance un regard noir en direction de la table des hommes où il était tout à l'heure. "C'est eux ? Ils t'ont fait chier ?" Et Harvey qui n'est pas là. Tu ne l'aime pas beaucoup l'autre videur, il ne défend pas Terrence comme il devrait le faire. C'est son job après tout. Terrence commence à t'aider à nettoyer le bar, les verres qui s'accumulent dans l'évier. "Mais Terrence .. Tu peux pas avoir tout le temps de ces mecs. Putain il fout quoi le vigile là ???" Tu le cherche du regard, rien. Il n'est pas là. Tu soupire et va trouver les mecs. "ça vous amuse d'emmerder mon collègue ? Vous avez rien de mieux à faire ? Vos verres sont vides alors oust, fichez moi le camp avant que j'appelle la sécurité !" Ton regard est noir, tu ne plaisante pas. Tu retourne au bar rejoindre ton collègue mort de trouille à cause de trois connards qui se croient drôles.
"Bah non, voyons. Ça m'gêne pas" c'est prononcé comme on tenterait de rassurer un petit frère à la sorti d'un cauchemar et ça lui suffit pour rester, Terry, pour continuer à nettoyer le bar, les mains tremblantes, un sourire scotché à la gueule pour faire illusion alors qu'il a le coeur qui s'enterre et les yeux brillants. Il a peur des mecs comme ça, des clients qui le considèrent comme un trophée, qui le réduisent à une vulgaire anecdote juste bonne à être racontée lors d'une soirée trop arrosée. "j'me suis tapé le petit serveur bouclé du Confidential et il s'est laissé faire c'était trop cool". Pourtant, il sait qu'il n'a rien à dire pour le coup, que si ces mecs l'ont provoqué c'est parce que quelqu'un leur a probablement dit qu'il était relativement peu résistant. Pourtant, ils n'avaient pas eu l'information la plus importante, celle qui laissait entendre qu'il se laisser faire quand il le voulait seulement, pas comme ça, avec une demande douteuse prononcée à la sauvage entre deux tables poisseuses, une main contre son entrejambe et le regard lubrique. Il sait qu'il n'a rien à dire et qu'il peut juste fermer sa gueule d'être aussi con de vouloir sans cesse repousser les limites de sa douleur, de s'offrir à qui voulait de lui mais il ne sait plus fonctionner autrement, Terry, lui qui s'est appliqué au fil des ans à perpétuer la violence sournoise de son père, celle qu'il ne lui claquait pas dans le dos avec sa ceinture mais qu'il frappait contre ses tympans et qu'il laissait là, faire son chemin jusqu'à son coeur pour le réduire en lambeaux. Une vingtaine d'années à s'entendre dire qu'on est laid, qu'on n'est le vilain petit canard de la famille, celui dont personne ne veut, que personne n'aime, celui qui ne vaut rien, rien, celui qui n'aurait jamais dû exister, vingt ans à comprendre qu'on est pas aimé par la personne qui, pour lui, aurait pourtant dû tout donner, parce qu'un père c'est un modèle, un référent, un héros. Dans le cas de Terrence, il n'y avait ni exemple ni héros, ni admiration, rien que du dégoût. Et il a réussi, Lincoln Oliver, il a réussi parce que même mort désormais, son fils adoptif n'était pas parvenu à se guérir du mal qu'il avait insidieusement faire naitre au plus profond. Il le sait qu'il n'est qu'une merde, Terry. Pourtant il refuse qu'on le touche sans son consentement, qu'on utilise son corps sans lui demander s'il en a envie et c'est pour ça qu'il est parti, qu'il a fuit en tremblant. Il remercie John d'un signe discret de la tête et il le voit se laisser envahir par la colère comme à chaque fois, alors il lance le chiffon avec lequel il nettoyait le bar pour venir vers son collègue et poser doucement une main sur son avant bras. Eh, John. Laisse. Laisse vraiment, ça vaut même pas la peine. C'est la première fois qu'ils viennent et j'pense pas qu'ils reviendront. C'est des cons. Laisse-les. John ne décolère pas pour autant, cherche le videur des yeux mais c'est le remplaçant d'Harvey qui se tient là bas et tout le monde sait qu'il fait de la merde à jamais checker personne ou à laisser passer des trucs qu'Harvey n'aurait jamais autorisé. Il soupire, Terry, parce que penser à Harvey lui tord l'estomac, surement qu'il lui manque et que sans sa présence il a peur, malgré John, malgré les autres gros bras du confidential. Il ne lui a jamais véritablement parlé en plus, à Harvey, ou peut être que si, un échange de "salut" et de "à demain" entre deux portes mais rien de fou. Et pourtant, c'est de lui qu'il a besoin ce soir, de son regard sombre et triste posé sur lui pour vérifier qu'il n'a rien. Il aurait besoin de savoir qu'il est là, qu'il serait intervenu nerveusement, aurait mis les mecs dehors sans autre forme de procès avant de replacer ses cheveux blonds en arrière et de continuer son travail. Terry aurait alors pris une pause clope pas loin de lui, à bonne distance et lui aurait peut être murmuré un timide "merci", les yeux sur ses pompes. Mais c'est John qui bondit et va trouver les mecs et il ne sait pas comment réagir, Terry. Tout s'enchaine trop vite et il panique, se dit que c'est une mauvaise idée, qu'il y aura des répercussions et elles ne se font pas attendre. A peine John revenu, les mecs se rapprochent du bar, sourire narquois placardé sur la gueule. "Eh, y a moyen de voir votre boss? On a des trucs à lui dire." Terry a le coeur en désordre, ça pulse et ça fait mal. Il lâche le patron n'est pas là. vous lui voulez quoi? la voix pas très solide, les yeux inquiets. "Rien, ça nous regarde. Au fait, parait que tu refourgues de la bonne? Tu m'en files pour 400 dollars mon mignon?" et c'est prononcé comme ça, devant tout le monde, avec dédain. Terrence observe frénétiquement autour pour voir si personne n'a entendu et se dit qu'avec la musique c'est peu probable, soupire, baisse les yeux puis leur fait un signe de tête en direction d'un couloir menant aux réserves. Il regarde John et lui dit je reviens avec les pupilles qui lui hurlent "si je ne suis pas revenu dans 2 minutes viens me chercher je t'en prie". Il file vers le couloir en se disant que plus vite ça serait fait plus rapidement il serait débarassé de ces trous du cul et au bout de plusieurs couloirs, dans une pièce bétonnée un peu sombre il farfouille dans un coffre dont il connait le code, le cache des yeux des clients puis sort de quoi contenter leurs 400 dollars. Tenez. Ils prennent la drogue, lui file le blé qu'il range dans le coffre et c'est à ce moment qu'il comprend que ça ne se résume pas à la drogue, parce qu'ils se mettent à rire et à l'encercler. "Et pour 400 dollars de plus, tu nous suces beauté?" Il esquisse un sourire, Terry, apeuré pourtant, le sang qui fonce à toute allure dans ses veines, le coeur qui bat à tout rompre. Il relève ses yeux verts vers eux, un peu plus féroce que tout à l'heure puisqu'acculé, animal piégé qui tente ce qu'il peut pour survivre. La patte emprisonnée dans le piège, il attaque. Ca fait cher la pipe, elles sont en or massif vos bites ou quoi? Et il n'a pas le temps d'en dire plus qu'un des mecs lui colle son poing avec force contre la mâchoire avant de lui attraper les cheveux pour le jeter au sol en lui lançant un "tu te crois drôle connard?". Il se releve, Terry, une paume contre sa mâchoire douloureuse, les yeux sauvages et il tremble si fort qu'il espère que ça fera vibrer les murs jusqu'au bar et que John rappliquera rapidement. Qu'il viendra l'aider. Parce qu'il ne savait vraiment comment il pouvait s'en sortir tout seul face à ces quatre mecs plus grands que lui, et surement bien plus forts aussi.
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 10:09, édité 3 fois
S'il y a bien une choise que toute cette histoire avec Charlie t'as appris, c'est de ne pas être une mauvaise personne. Tu n'es pas un mavais garçon, juste un mec méfiant avec les gens qui l'entourent. Les personnes qui fréquentent le club de trip tease sont radicalement opposés de celles que tu avais pour habitude de cotoyer au MacTavish. T'as énormément de mal à te faire à cette nouvelle ambiance. Le Confidential Club est plus sombre, la musique est plus assourdissante aussi. Et les clients, des hommes principalement, sont tout simplement infectes avec les danseuses. Pas qu'avec les danseuses, le pauvre Terrence en fait les frais quasiment quotidiennement. Oui, il a look pas très viril et alors ? Il a le droit de se faire emmerder pour autant ? D'ordinaire, c'est l'un des videurs qui prend sa défense. Or là, celui présent ce soir, ne semble n'en avoir rien faire. Il est à peine aimable en plus et dit à peine bonjour. Tranquillement derrière ton bar, t'essuie et range les verres que les clients ont laissés avant de s'en aller. L'heure de fermeture est proche, t'as hâte de rentrer chez toi et de te mettre au lit avec Maddie. Dans le tien ou le sien, en général, ça change un jour sur deux. Oui, t'as hâte de rentrer chez toi. Mais apparemment, les choses vont se passer tout autre ce soir. Terrence te rejoint au bar, il a beau te dire que tout va bien tu lis parfaitement sur son visage que non. Il y a quelque chose qui ne va pas et t'es persuadé que ça a quelque chose à voir avec ces types qui rient comme des idiots à la table en face. Eh, John. Laisse. Laisse vraiment, ça vaut même pas la peine. C'est la première fois qu'ils viennent et j'pense pas qu'ils reviendront. C'est des cons. Laisse-les. Tu n'écoutes pas ce que ton collègue t'ordonne de faire. Tu viens trouver ces types et leur dire rapidement d'arrêter et de dégager le plancher. C'est dommage qu'Harvey ne soit pas là, avec lui, t'étais au moins sûr qu'il te soutiendrait face à ces idiots. Tu ne sais même pas où il est passé l'autre abruti de videur. Encore en train de draguer les danseuses. Il faudra que t'en touche deux mots au boss, c'est un bon à rien ce videur. "Fichez moi le camp ! Y'aura pas de deuxième avertissement !" Ils ne te connaissent. T'as cassé la gueule à des types pour moins que ça dans le passé. Il n'y a qu'à demander à Léo. Tu retourne à ta place, derrière le bar, près de Terrence qui semble toujours peu à l'aise que tout à l'heur. "T'inquiète pas, ils t'emmerderont pas !" Tu doutes qu'ils aient compris la leçon et si tu dois en venir aux mains, et bien tant pis pour eux. "Eh, y a moyen de voir votre boss? On a des trucs à lui dire." Tu leur lances un regard noir et avant que tu ne puisses rétorquer quoi que ce soit, Terrence le fai pour toi. "Non, le boss est pas là. Laissez-nous votre message, on lui transmettra dès qu'on le verra !" Lances-tu en arborant un sourire faussement amical en leur direction. Tu n'as aucune envie d'être aimable avec ces types. Plutôt crevé ou te faire rouler dessus par un bulldozer. Soudain, tout s'enchaine vite devant tes yeux. T'es abasourdis par ce que tu viens de voir. Ils réclament de la drogue à Terrence. Tu n'aurais jamais deviner qu'il dealait. Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences. "Et pour 400 dollars de plus, tu nous suces beauté?" Tu tapes violemment du poing sur la table. Trop c'est trop, y'en a marre de ces abrutis qui se croient tout permis. Oui, le client est roi mais il y a des limites tout de même. "Nan mais vous croyez où bande de porcs ?!" Tu leur lance à nouveau un regard rempli de haine. Ton collègue ne se laisse pourtant pas intimider pour autant, tu n'es pas peu fier de lui. Ça fait cher la pipe, elles sont en or massif vos bites ou quoi? Et bim ! Prends ça dans tes dents connard ! Le spectacle ne te plait pas. les yeux grand ouvert, tu fait le tour du bar et attrape le plus costaud des groupe par le col de la chemise. "T'aurais jamais dû faire ça espèce de connard !" Les yeux remplis de haine, tu ne le lâche pas tant dis que Terrence s'en va avec les autres. Tu les suis du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent derrière le mur. Les yeux rivés sur l'horloge, tu compte les minutes. Une .. Deux .. Tr .. Terrence revient avec ces abrutis qui arborent un fier sourire sur leurs visages. T'essaie de déceler une inquiétude dans le visage de ton ami. Rien, tu ne vois rien. Tu poses tes mains bien à plat sur le comptoir, leur lançant un petit sourire en coin. "Fichez moi le camp d'ici maintenant. Y'a le videur qui va pas tarder à mettre les derniers pochtrons dans votre genre dehors, on va pas coucher ici !" Tu tentes d'être aimable, courtois mais l'envie de leur éclater la tronche sur le comptoir te démange au plus haut point. T'as promis à Maddie de ne plus avoir recours à la violence. Une promesse est une promesse. Elle commence à avoir une assez bonne influence sur toi la brune. Les mecs grommellent dans leurs barbes et s'en vont, enfin c'est pas trop tôt. Tu termines de tout ranger, nettoyer afin que ton collègue demain n'ai pas tout à faire avant de prendre son service. T'es comme ça, tu déteste laisser du bordel à ton collègue le lendemain. Sauf si c'est toi encore, ce qui est assez fréquent. "ça va aller ? J'avais envie de leur mettre mon poing dans leur gueule mais j'ai dû me retenir." Terrence ne connait pas ton passé, ni les problèmes que t'as eu avec la violence. C'est très bien comme ça. Pour repartir de zéro, il n'y a pas mieux. "jcomprend pas les gens qui emmerdent les autres bordel. On vit vraiment dans un monde de merde !" T'es sans filtre. Lorsque t'as quelque chose à dire, tu le dis sans prendre de gants. Tu n'es pas le genre à tourner autour du pot durant trois heures. Tu finis de ranger les verres et aide ta collègue à faire la caisse. L'heure de fermeture est là, c'est le videur qui se charge de fermer les portes. "tu viens ? On va s'changer !" Sans te faire prier, tu rejoins les vestiaires et reprends tes effets personnels. Sur l'écran de ton cellulaire, un message te fait sourire. Un sourire idiot d'un mec amoureux. C'est Maddie qui t'attend, apparemment, elle ne dort pas encore. Elle a dû passer la soirée, et la nuit, à dessiner encore. "t'es sûr que ça va aller ? Jte raccompagne chez toi s'tu veux." T'es certain que ces abrutis sont encore là, dehors à vous attendre. Cette fois, tu ne seras plus en service, leur mettre ton poing dans la gueule ne te posera aucun soucis. "allez viens, je te ramène. T'as pas peur de monter en moto au moins ?!"
Après une escapade à Gold Coast qui s’est légèrement éternisé, la faute à l’invitation chaleureuse de quelques touristes étrangers en quête d’histoires du pays autour d’un feu de camp, je rentre enfin chez moi. J’ai une mine ravagée, l’alcool a coulé à flot la veille et j’ai remis ça ce matin, si bien que je ne suis pas très frais ce soir. Je ne travaille pas alors, je considère que j’ai tous les droits d’être bourré comme un coin du soir au matin et du matin au soir. Éternel cercle vicieux dans lequel je plonge pour me désaltérer à la fontaine qui ne se tarît jamais, celle de l’alcool qui me tue à petit feu, lentement mais sûrement. Un peu chancelant, plutôt fier d’avoir laissé Daisy en dehors de ça pour une fois, je farfouille mes poches à la recherche du saint graal qui va me permettre de m’écrouler comme un phoque sur mon canapé et de cuver jusqu’au lendemain. Sauf que je ne le trouve pas et je râle. La cendre de ma cigarette allumée s’écrase sur le bord de ma veste en cuir alors que je marmonne entre mes dents – Fichues clés, putain… J’peux pas les avoir perdu… Fait chier ! Et me voilà, comme un con, bloqué devant ma porte d’immeuble, l’esprit complètement embrumé, le regard vide. L’abattement se lit sur mon visage, je suis exténué et à bout de force. Du coin de l’œil, j’observe les marches du petit escalier menant au rez-de-chaussée de l’immeuble, et durant quelques secondes j’hésite à m’y installer en attendant qu’une âme charitable veuille bien m’ouvrir pour que je pionce au moins dans le hall. Putain, je crains. Frottant mes cheveux d’un geste vif, je pense à aller vérifier au Confidential Club si je ne les ai pas laissés là-bas et je me mets en marche dans la foulée. Si je m’arrête de marcher, je serais bien trop tenté par mon autre idée, bien plus misérable, qu’est celle de crécher comme un mendiant sur le trottoir. Quand on n’a plus de dignité, hein… L’alcool a pour don de tout inhiber. De tout faire oublier. Je ne titube pas, je marche de manière déséquilibrée. Je ne vois pas flou, j’ai besoin de lunettes. Je ne suis pas alcoolique, je bois pour me détendre. Sauf que ça ne me détends pas, ça alimente seulement le dégoût de soi, l’envie d’en finir avec cette vie de merde, l’envie d’oublier, de tout oublier même celui que l’on est… Oublier ma mère, oublier mon frère, oublier mes échecs, sombrer… Puis tout recommencer, encore et encore. Les souvenirs ont la vie dure, ce n’est pas facile de les faire disparaître. Et les cauchemars sont toujours là, prêts à m’ensevelir sous leur couche putride de honte et de culpabilité. Je fuis la nuit et je fuis le noir prêt à m’engloutir dans son antre pour mieux me persécuter. Mais parfois je m’y jette aussi par dépit, ou par rage de désespoir.
Je salue brièvement le molosse de l’entrée, levant les yeux face aux clients qu’il laisse entrer à l’intérieur du club. Il n’a pas vraiment la lumière à tous les étages celui-là, alors dès qu’il se retrouve en solo, il déconne forcément. Je fais claquer ma langue contre mon palet pour marquer ma désapprobation puis, sans plus m’attarder que ça, je fends la foule avec une aisance particulière, qui prouve que malgré mon haut taux d’alcoolémie je connais les lieux comme ma poche (même si j’étais persuadé d’y avoir foutu mes fichues clés, je le concède). Arrivé au bar, je le contourne et salue mon collègue qui semble sur les nerfs. – Yo Johnny… Johnny Cash, tout roule comme tu veux ce soir ? Je le regarde à peine et me penche pour vérifier si je n’ai pas laissé traîner mes jolies clés sous le bar, mais apparemment ce n’est pas le cas. Je relève la tête vers mon collègue et, souriant un peu trop, lui dit – J’ai perdu mes clés. J’vais aller voir si je ne les ai pas laissés dans la réserve hier. La réserve qui pouvait servir parfois de casier quand j’avais la flemme de monter à l’étage pour me changer ou foutre mes affaires. – Et tiens, sers-moi un whisky, j’reviens vite. Sec hein. Pas de putains de glaçons ! L’eau ça brûle tout. Je ris comme un con en m’éloignant vers la réserve, tranquillement. L’eau ça brûle… Putain, c’est l’alcool qui est corrosif pourtant. Et c’est un peu titubant, un peu goguenard, un peu shooté aussi que je pousse la porte de la réserve et entre à l’intérieur rapidement. Je m’arrête brusquement et la porte claque dans mon dos. Je suis face à une scène vraiment… effroyable. Ça me glace les sangs directement et mes poings se serrent violemment, à m’en faire blanchir les phalanges. Terrence, le beau serveur aux boucles dansantes, toujours le sourire aux lèvres, plein d'entrain et de bonne humeur, celui qui illumine la pièce rien qu'en y entrant se retrouve contraint, à genoux devant quatre gros porcs aux frocs à moitié baissés. La colère m’aveugle aussitôt, la rage monte, fulgurante et mon regard lance des éclairs – Putain ! Mais quelle belle bande de petites bites que voilà ! Wow, et ça s’terre dans la réserve pour s’faire sucer le gland alors que tout est prévu de l’autre côté. Celui-là, il ne fait pas ça – que je dis en désignant Terrence du doigt. Je m’approche d’ailleurs de lui et d’une main ferme, le saisit par le coude et l’aide à se remettre debout en le soulevant. – J’vous conseille de remballer votre matos de puceaux excités avant que je vous démonte la gueule, bande d’enculés ! Me plaçant instinctivement devant Terrence pour faire barrière avec mon corps, je fais face aux quatre compères dégoûtés de mon intervention. Alors qu’ils ne se bougent pas vraiment, je chope le premier par le col de sa chemise et le pousse vers les autres violemment en beuglant un peu plus fort – DEGAGEZ ! DEHORS PETITES MERDES ! Ils tentent de faire de la résistance mais ma voix tonitruante alerte le molosse de l’entrée. Ce dernier ouvre la porte de la réserve brusquement et les fiottes en profitent pour dégager, la tête baissée. Bombant le torse, je clame haut et fort – Et qu’on ne vous revoit pas ici, fils de putes ! Blacklist moi ces connards, putain. Je regarde la bande de salopards quitter les lieux et siffle d’agacement, avant de me tourner vers Terrence, la colère retombant un peu pour laisser place à une sincère bienveillance. Je lui fais signe de me suivre et de sortir de cet endroit un peu sinistre après ce qui a failli s'y passer et demande – ça va ? Viens prendre un remontant au bar. Je comprends que l’humiliation subie peut être traumatisante, alors je m'adresse au barman en espérant que celui-ci veillera plus attentivement sur les autres employés. De son point de vue, peu de choses peuvent lui échapper, et entre collègues, l'entraide est souvent bienvenue. – John ! Sers-lui à boire ! Putain ces quatre enculés là… Tu les avais repérés ? Il était seul dans la réserve avec eux bordel ! Fallait alerter Minus. (Minus est le colosse de plus de 2mètres à l’entrée de l’établissement, un pois chiche en guise de cervelle mais qui a plus de muscle qu’un bœuf au meilleur de sa forme.)
Il n'est pas de taille à battre quatre mecs 1m90 au moins et de 40 kilos de plus que lui, Terrence, trop fragile surement. Il n'a plus la fougue qui le caractérisait quand il était jeune, lui qui n'hésitait pas à se jeter dans la mêlée toutes griffes dehors, sourire aux lèvres alors qu'il savait qu'il n'aurait aucune chance de gagner le combat, lui qui se battait jusqu'à ne plus sentir ses poings et ses bras, jusqu'à s'en éclater la peau des phalanges, jusqu'à ne plus savoir se contrôler. Il n'était plus ce gosse impétueux et fort, ce gamin perdu qui n'avait peur de rien ni de personne. Peut être qu'à l'époque il n'avait pas peur de mourir, inconscient du danger lui le petit con invincible et immortel. Parce que l'adolescence c'était ça, jongler avec l'inconscience comme on le ferait avec des sabres, flirter avec le vide en marchant sur un fil au milieu de la tempête en riant, incapable de voir que la plus petite bourrasque pouvait faire fatalement chuter. Peut être que maintenant, à 28 ans passés, il a la trouille de crever, de disparaitre. C'était ce qu'il cherchait de toute façon quand il allait se perdre dans les draps et sous les corps des autres, qu'on lui insuffle un peu de vie, qu'on fasse rebattre le coeur même si ça faisait prodigieusement mal à l'âme.
Là, dans la réserve debout face à ces molosses, il se surprend pourtant à ne pas se laisser faire, Terry, le regard noir et l'instinct animal farouchement agrippé à ses tripes. Cependant il n'ose pas agir et alors qu'il se relève douloureusement la main sur la mâchoire suite au coup de poing qu'il a reçu en espérant que John vienne lui filer un coup de main, l'un des types le pousse avec violence contre le mur et plaque son avant bras contre sa gorge pour l'empêcher de respirer. Un autre lui murmure à l'oreille "t'as intérêt à faire ce qu'on te dit, compris?" et il dit oui de la tête, Terry, les yeux qu'il sent déjà exploser sous la pression intra-crânienne et le manque d'air lui cramer les poumons. Il fait oui, on le relâche et il inspire et expire à grandes goulées, a envie de hurler à l'aide parce qu'il sait ce qui va se passer, il le sait au moment où des mains larges et puissantes le font se mettre à genoux de force et il ne veut pas pleurer devant eux, ne veut pas leur donner satisfaction. Il sent un poing venir tirer sur ses cheveux et ça lui fait si mal qu'il lâche un gémissement, sourcils froncés et dents serrées. Il sait ce qui va se passer parce qu'il les entend, les boucles de ceintures qu'on défait à la hâte et que ça lui donne la nausée. Pourtant il ne peut rien faire, Terry et il cherche John des yeux, se demande s'il va venir, prie pour qu'il débarque en héros et le sauve de cet enfer mais personne ne vient. Personne. Il ferme les yeux et essaye une dernière fois de se rebeller en tentant de se dégager de la paume qui emprisonne ses boucles mais sa tête est rapidement tirée en arrière et un visage dégueulasse s'approche un peu trop près avec fureur "oh tu te calmes princesse !" Et c'est à ce moment précis que la porte s'ouvre à la volée et comme par magie Harvey débarque. Harvey. Harvey qu'il avait cherché désespérément des yeux toute la soirée en sachant que c'était son jour de congé. Harvey qu'il ne pouvait s'empêcher de dévorer du regard sans savoir pourquoi. Il est là. Comme si l'univers lui avait envoyé un signe, un message pour le faire revenir ici alors qu'il était censé être chez lui. Et le coeur de Terry s'emballe et se gonfle d'une énergie nouvelle alors que son collègue s'approche, le relève doucement et le défend farouchement avec des mots suffisamment équivoques pour que les agresseurs remontent leurs pantalons, l'air effrayé. Parce qu'il crie, Harvey, il crie fort et il menace, il pointe du doigt, n'y va pas de main morte et il ne croit pas l'avoir déjà vu dans cet état, Terry. Puis il y a soudain une odeur qu'il ne connait que trop bien qui flotte dans l'air, celle de l'alcool qu'on s'est enfilé en trop grande quantité et il a soudain il prend peur, parce qu'il sait qu'un homme bourré peut aller très loin sans savoir s'arrêter. Parce qu'il l'avait bien trop vu, son père, se murger allègrement la gueule avant de venir claquer la ceinture contre la peau de son dos avec rage juste pour se défouler, alors il a envie de calmer Harvey, de lui dire que tout allait bien, qu'il n'avait rien, qu'il était arrivé à temps. Mais avant qu'il n'ait pu réagir le vigile se place devant lui pour faire barrage, Terry qui tremble juste derrière et qui se sent nul, nul, nul de ne pas avoir réussi à se défendre seul, comme un enfant qui aurait eu besoin qu'on vienne lui porter secours. Il se sent nul, ridicule, insignifiant. Mais il n'intervient pas pour autant, laisse Harvey mettre ces quatre connards dehors et se retourner vers lui, la respiration qui s'apaise alors, les yeux qui se délivrent doucement de la fureur qui les avait habité quelques secondes plus tôt. Il lui est reconnaissant, Terrence, et est troublé de la capacité qu'à le vigile à s'apaiser instantanément alors qu'il n'était que force et fureur quelques secondes plus tôt. Il se laisse guider jusqu'au bar tandis qu'il lui demande si ça va et il hoche la tête, Terry, le corps qui tremble encore, la nausée qui se calme doucement et sa main qui a envie de s'accrocher au corps de son collègue pour ne pas flancher mais il ne le connait pas après tout, il ne sait de lui que ses regards, que sa voix. Il ne sait pas qui il est alors il n'ose pas, le suit sagement, l'écoute parler à John et il a envie de lui dire qu'il a raison, qu'il n'a pas compris pourquoi John n'était pas venu parce que ça semblait pourtant évident, que lui n'aurait pas hésité si la situation avait été inversée. Mais au final il arrondit les angles, toujours à tenter de trouver des circonstances atténuantes à tout le monde et il pense qu'il devait avoir ses raisons. Il pose une paume sur le torse d'Harvey. Laisse. C'est rien. Il désigne la réserve d'un signe de tête avant de le regarder droit dans les yeux. Merci d'avoir été là. Il tremble encore de la tête aux pieds, Terrence, encore sous le choc de ce qui aurait pu se passer, les larmes qui s'agglutinent sous les paupières sans jamais sortir parce qu'il les retient. Ca brûle et il a besoin d'un truc pour tenir le coup alors il chope la bouteille de whisky presque vide avant que John n'ai eu le temps de lui servir un verre et descend tout d'une traite en grimaçant. Il n'écoute pas John qui lui parle parce qu'il lui en veut terriblement de n'avoir rien fait et quand il lui dit qu'il va au vestiaire il le laisse y aller seul, Terry parce qu'il n'a rien à récupérer, ses clés d'appart dans la poche, puis se tourne vers Harvey, l'air désolé. Tu devrais rentrer chez toi, ça ira maintenant. Merci pour tout. La providence. C'est la providence qui l'avait envoyé. Oh, attends ! Il s'agenouille, sort un carton de sous le bar et lui dépose des clés dans sa main. Minus m'a dit qu'il les avait trouvé devant le bar et qu'elles étaient à toi. John revient, lui demande s'il veut le raccompagner et il s'accroche à cette proposition lancée l'air de rien parce qu'en vérité il a peur de partir d'ici tout seul. Je veux bien.. et j'ai pas peur de monter sur un moto. La voix est un murmure. Et à ce stade il voulait juste rentrer chez lui et se défoncer à l'héro pour oublier, parce qu'il n'y avait pas d'autre héros en vérité, pour le sauver. Il adresse un regard vers Harvey en lui souriant timidement puis ils se dirigent tous les trois vers la sortie. Minus ferme derrière eux, et après avoir salué Harvey, il rejoint John et monte sur sa moto, les bras qui s'enroulent autour de son ventre pour ne pas tomber. J'habite pas très loin, à quelques rues d'ici, je pense qu'en cinq minutes on y est. Merci de me raccompagner. Instinctivement il tourne la tête vers Harvey, incapable de le quitter des yeux, à se demander s'il rentrera chez lui où s'il ira boire dans un autre bar, à se demander s'il y a quelqu'un qui l'attend quelque part pour le consoler ou s'il est aussi seul que lui.
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 10:14, édité 2 fois
S'il y a bien une chose que toute cette histoire avec Charlie et Léo t'as appris, c'est d'être la meilleure version de toi-même. Très peu -trop peu- de personnes croient en toi. Heureusement qu'il y en a qui ont foi en toi et croit que tu peux changer. Ils ne sont pas nombreux, ils se comptent sur les doigts d'une main. Mieux vaut avoir peu d'amis mais des vrais plutôt qu'une trentaine de faux cul qui te tourneront le dos au moindre obstacle que tu rencontreras. Au MacTavish, t'avais des collègues qui étaient devenus des amis. Depuis que tu bosses au Confidential Club, t'as du mal à te lier à tes collègues. Peut-être parce que tu sais que tu ne resteras pas éternellement dans ce bar remplis de débauches et dont les employés vendent de la drogue pour le compte de tu ne sais qui. Tu déteste ce milieu, la drogue, tu ne supporte pas ça mais apparemment, tu n'as pas le choix. Il faudra que t'en parle à ton boss, si c'est réellement une obligation, tu ne resteras pas là-bas c'est certain. Le temps d'un instant t'as perdu Terrence et les quatre types des yeux. L'autre connard que tu tenais à bout de bras en a même profité pour se faire la belle. Tu t'es déjà fait viré pour moins que ça du MacTavish, tu n'as pas envie de recommencer et perdre un nouveau job. De plus, t'as promis à Maddie de ne plus te retrouver dans les embrouilles. Tu ne veux pas trahir cette promesse que tu lui as faite, tu ne veux pas la décevoir. – Yo Johnny… Johnny Cash, tout roule comme tu veux ce soir ? Perdu dans tes pensées, c'est la voix rauque d'Harvey qui te fait sursauter. C'est l'un de tes collègues, il est videur et bien plus sympathique que cet abruti de primate que vous avez eu ce soir. – J’ai perdu mes clés. J’vais aller voir si je ne les ai pas laissés dans la réserve hier. Harvey te demande de lui servir un whisky sans glace. Ça, c'est une boisson d'hommes comme tu les aimes. "Ok. Je te prépare ça mec !" Tu jettes un regard sur l'horloge, Terrence n'est toujours pas revenu de l'arrière salle. Ça t'inquiète mais la peur s'empare de toi. Si jamais tu te bats contre ses quatre abrutis, t'as peur de redevenir cet homme violent et alcoolique que tu as été il y a encore quelques mois de cela. Tu ne veux plus être cet homme-là. Tu ne veux plus être cet homme qui ressemble un peu trop à un père que tu méprise au plus haut point. Le verre de whisky d'Harvey est prêt. Tu termines de nettoyer ton bar ainsi que les derniers verres laissés par les clients avant de partir. T'aime l'heure de la fermeture. Tou est calme, paisible. On es bien loin de l'ambiance de débauche et de luxure qui se tramait ici il y a encore une heure. Le MacTavish te manque pour cette ambiance calme et paisible. Mais ce qui est fait est fait, tu ne pourras pas retourner en arrière, malheureusement. Si le destin t'as fait changer de métier, ce n'est pas pour rien. Rien arrive par hasard, c'est ce que t'as appris la vie depuis que t'es gosse. Tout ce qui survient dans ta vie a une conséquence et une bonne raison de se passer. – John ! Sers-lui à boire ! Putain ces quatre enculés là… Tu les avais repérés ? Il était seul dans la réserve avec eux bordel ! Fallait alerter Minus. La voix d'Harvey retentit une nouvelle voix dans la salle vide. "Ouais jles ai repérés. Jsuis allé leur demander de dégager à plusieurs reprises et de foutre la paix à Terre .." Ton regard se pose sur ton collège serveur. Tu t'en veux terriblement. Tu n'as pas respecté ta promesse qui était de le surveiller et de le protéger de types que les quatre abrutis venant d'être expulsés du bar. Tu n'as aucune excuse à lui fournir. Terrence tremble, la peur se lit encore des yeux. Tu n'oses pas même plus le regarder droit dans les yeux. Harvey reste là. Tu te sers un verre de whisky sans glaçons et le boit d'une traite, sans demander ton reste. "Ecoute Terrence .. Jsuis désolé de .. Nan en fait, j'ai pas d'excuses à t'fournir. J'ai été lâche et jcomprendrais si tu ne veux plus jamais me parler.. " Oui, tu le comprendrais. De toute façon, tu ne termineras pas ta carrière ici c'est certain. Parfois, quand tu prends ton poste, tu te demande ce que tu fiche ici. Ce monde ne te ressemble pas, bien que beaucoup affirmeraient le contraire sans aucune gêne. Je veux bien.. et j'ai pas peur de monter sur un moto. Terrence ne semble pas t'en vouloir tant que ça, ou bien est-il trop mort de trouille pour rentrer seul ? Oui, c'est ça. Ça ne peut pas être autre chose. "Tu préfèrerais pas rentrer avec Harvey plutôt .. ?" Tu te sens vraiment un moins que rien d'avoir laisser ces types s'en prendre à ton collègue. Il y a encore quelques semaines, tu te serais plongé bêtement dans la bagarre, ruant de coups chacun de ces connards qui s'en seraient pris sans honte à Terrence. J'habite pas très loin, à quelques rues d'ici, je pense qu'en cinq minutes on y est. Merci de me raccompagner. Bon, si ce n'est que cinq minutes ça devrait aller. Cinq minutes ne vont pas te tuer. T'es mort de honte, tu ne sais même plus quoi lui dire. Tu t'occupes de laver les derniers verres et de les ranger à leurs places pour le lendemain. "Très bien, donne moi cinq minutes le temps de mettre les chaises sur les tables.." Comme si ton âme avait quittée ton corps, tu agis tel un robot. John Williams a changé. John Williams n'est plus John Williams. Une larme coule le long de ta joue, tu l’essuie en espérant que personne ne l'ai vu. Ni Terrence ni Harvey. Ni personne. Dans ce club, personne ne sait ce que tu as pu faire dans le passé et c'est très bien ainsi. Pour recommencer un nouveau départ, il n'y a rien de mieux que de fréquenter des gens qui ne te connaisse ni d'Eve, ni d'Adam.
[...]
Le rangement de la salle est fait, chaises sur les tables pour faciliter le passage de la serpillère demain, avant l"ouverture du club. La caisse est faite et la recette a été déposée dans le coffre se trouvant dans le bureau du boss. Une fois que toutes les serveuses, les danseuses et le reste du personnel présent ce soir est sortis, tu fermes le club à clé avec l'aide du vigile. Harvey est là, sur sa moto mais c'est toi qui raccompagne Terrence chez lui. Tu le lui as promis et, une promesse est une promesse. Faible sourire en coin des lèvres, tu t'aperçois que tu as laissé quelque chose dans ton vestiaire. tant pis, tu le récupérerais demain. "On vit dans l'même quartier il me semble non ?" Lances-tu au jeune homme. Tu te sens tellement honteux de ne pas avoir pu le protéger de ses hommes. Tu n'es plus toi-même depuis ton passage à tabac et ton séjour à l'hôpital. T'as changé, tu n'es plus le même homme qu'avant toute cette histoire. Tu t'en rendu compte de ce qui ne fonctionnait pas dans ta vie en ce moment, et tu es déterminé à changer. Il se fait tard mais le sommeil ne te manque pas. "T'es fatigué ? Ca t'dit qu'on aille se poser quelques part pour discuter .. ?" Tu ne veux pas le forcer, tu comprendrais que Terrence ne veuille plus jamais t'adresser la parole. T'avais promis de le protéger face à ces ordures. Tu ne te cherches pas des excuses, t'en as aucune. "Tu veux qu'on aille où ? A la plage ? On peut aussi s'poser sur le perron de l'immeuble et discuter ?" T'aime pas trop parler d'ordinaire mais là, tu sens que t'en as besoin.
"Ecoute Terrence .. Jsuis désolé de .. Nan en fait, j'ai pas d'excuses à t'fournir. J'ai été lâche et jcomprendrais si tu ne veux plus jamais me parler.. " C'est par ça qu'il commence, John, quand Terrence revient de la réserve accompagné d'Harvey. C'est sa réponse, après avoir répondu à Harvey qu'il les avait effectivement vus, ces quatre enfoirés, se dédouane en expliquant qu'il a essayé de leur dire de partir mais pour Terry, sous le choc, les mots ne sont rien. Et il ne sait pas s'il a vraiment envie de lui répondre quoi que ce soit, toujours à penser qu'il n'avait rien d'une priorité, qu'il devait avoir finalement toutes les raisons du monde de ne pas être venu l'aider, que c'était lui qui avait tous les tords, trop con pour penser que son collègue en avait quelque chose à foutre de son sort pour venir lui porter secours. Il avait passé la majeure partie de sa vie à se battre, Terry, le corps plein de bleus et de sang séché, et un sourire insolemment placardé sur ses lèvres. Il avait défoncé des gueules pour moins que ça, s'était fait refaire le portrait un nombre incalculable de fois, avait fini au poste de police ou à l'hosto, mais depuis son overdose, depuis que la vie l'avait laissé tombé, depuis qu'il s'était retrouvé seul, il avait changé. Année après année il était devenu progressivement ce qu'il est aujourd'hui, un mec qui se pensait faible, incapable de sauver son cul tout seul.
C'était un monde impitoyable, le milieu de la nuit. Travailler dans un bar c'était être conscient que l'âme serait malmenée, c'était être confronté à la pauvreté des coeurs, à la plus violente des versions de l'humanité, là où le respect n'existe plus, celui des autres et celui qu'on avait envers soi-même. Quand il voyait les danseuses se trémousser sur la scène et récupérer des billets dans leurs culottes, les seins à l'air et le cul exposé, il se demandait quel funeste destin les avait mené ici, à offrir le spectacle de leur corps comme on proposerait des chiots à l'adoption dans des cages de verre. Lui, il était venu ici par égoisme, pas foutu d'accepter la vie que ses parents avaient choisi pour lui. Il refusait de finir avocat, comme son enfoiré de père. Il avait fait la fac de droit parce qu'il n'avait pas eu son mot à dire, gamin paumé qui sortait tout juste de son overdose, le coeur écorché parce qu'il avait perdu coup sur coup ses deux meilleures amies et sa petite amie, les seules qui comptaient dans sa vie. Il avait sombré, s'était laissé faire, pantin de bois qu'on manipule avec les ficelles attachées aux poignets. Et puis finalement, après trois ans à encaisser cette vie dont il ne voulait définitivement pas, il avait été chercher son diplome et s'était barré. Chez un pote de fac qui l'avait hébergé quelques mois tandis qu'il avait trouvé un taff au Confidental, un nouveau bar qui venait d'ouvrir. Et depuis, il n'en était pas parti.
Quand John s'excuse il a envie de lui dire "ne t'excuse pas, je méritais pas mieux de toute façon" mais il se retient, fini par se laisser guider jusqu'au dehors et le cul sur la moto de john, il ne peut s'empêcher de regarder Harvey, le videur qu'il observait toujours en secret, le coeur qui s'agitait à chaque fois. Il le regarde parler avec minus puis grimper sur sa propre moto et il écoute John lui demander s'il n'aurait pas préféré aller avec lui et la réponse qui lui vient immédiatement en tête est "si, oui". Il se demande alors s'il n'aurait finalement pas envie d'aller le rejoindre sur un coup de tête, d'enlacer son ventre et de lui dire "emmène-moi où tu veux", lui le mec qui venait de lui porter secours, lui le mec qui remuait tout à l'intérieur sans que celui ne comprenne vraiment pourquoi, lui et ses sourires trop rares. Lui et ses yeux tristes, lui. Mais il a trop peur, Terry, est trop lâche pour oser faire ça alors il se contente de le fixer des yeux jusqu'à ce que la moto de John l'emmène en vrombissant, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus le voir, l'âme un peu lourde. Un jour l'occasion se présentera. Un jour prochain, il osera lui parler, n'aura plus peur. Mais il ne le sait pas encore.
Ils arrivent enfin en bas de l'immeuble où vit Terrence et ce dernier descend de la moto, les larmes au bord des yeux. Il a subit une agression et il en est encore ébranlé. Il n'arrête pas de se dire que si Harvey n'était pas venu, ces gars auraient probablement abusé de lui. Il se plante devant John et sort ses clés les mains tremblantes, se retient de pleurer devant lui, et s'apprête à lui dire "merci, à demain" quand finalement son collègue prend la parole. "T'es fatigué ? Ca t'dit qu'on aille se poser quelques part pour discuter .. ?" Il relève ses yeux verts dans sa direction, Terry, incapable d'articuler le moindre mot. Il est épuisé, vidé même, oui, aimerait parler aussi peu être, lui dire ce qu'il a sur le coeur et en même temps il n'en a pas envie. Il écoute sagement John lui énumérer des lieux où ils pourraient se poser et il baisse la tête avant de finalement indiquer du menton les marches du perron. On peut se poser là, si tu veux. Et il n'attend pas John pour s'installer, s'allumant un clope, le corps endolori. Quand il arrive enfin il lui lance doucement Tu sais, je t'en veux pas. De pas être venu, j'veux dire. C'était pas grave. Ils n'auraient rien fait de toute façon. Je pense pas. Et il sait qu'il ment. Que ces mecs avaient déja leurs queues à l'air, et qu'à quelques secondes prêt, ils l'auraient forcé. C'était rare de voir Terry mentir, parce qu'il ne savait pas faire, parce qu'il était généralement sans filtre. Mais il savait que pour le coup, c'était peine perdue que de lui dire qu'il souffrait. Il aurait pu lui dire "je t'en veux John, de m'avoir laissé dans la merde alors que j'avais besoin de toi". Il aurait envie de lui dire "pourquoi t'es pas venu John?" mais il se mord la lèvre pour retenir les mots. Ca servait à rien. Avant ce soir il avait eu confiance en John, mais quelque chose était désormais brisé et il ne savait pas si c'était réparable. Et puis Harvey est venu de toute façon, alors voilà, histoire réglée. Il hausse les épaules se forçant à sourire mais sa voix tremble quand il repense à ce qui aurait pu arriver, et quand il évoque Harvey. Harvey pour qui son coeur bat surement trop fort, Harvey avec qui il aurait voulu partir ce soir, Harvey... Il adresse une moue triste à son collègue et finalement tire sur sa cigarette, les yeux qui se perdent sur ses chaussures. Harvey...
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 10:15, édité 1 fois
Terrence ne te regarde pas, il ne te parle pas non plus. Tu ne le comprends que trop bien, tu te déteste. Avant de subir tout ce qui a pu t'arriver jusqu'à dernièrement, tu n'aurais jamais laissé Terrence se rendre en réserve accompagné de ces quatre enfoirés de première. Avant, t'aurais foncé dans le tas, leur infligeant un coup sur la mâchoire ou dans les côtes. T'ose à peine regarder ton collègue, Harvey se trouve toujours assis au sirotant son verre de whisky sans glace. Le regard vide d'expression, les mains qui tremblent. Ton coeur se serre dans ta poitrine, t'aurais jamais dû laisser ton collègue se retrouver seul face à ces quatre abrutis. Terrence est différent certes, mais personne n'a le droit de se moquer de lui et encore moins de lui faire peur. Le harcèlement -qu'importe la forme qu'il prend- est prohibé. Tu ne supporte pas ces gens qui se croient tout permis, jusqu'à harceler des gens qui ne rentrent pas dans la norme. Ça veut dire quoi ne pas être dans la norme ? Il n'y a pas de moule mis à notre disposition. Toutes les personnes qui composent cette planète est différent, rares sont les personnes qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau. À moins d'avoir un jumeau, ou une jumelle. Depuis que tu travaille au Confidential, tu t'es lié d'amitié avec Lexie et Terrence. Harvey est plus une connaissance, c'est aussi le videur le plus sympa et le plus cool qui soit. Enfin, il ne faut pas le chercher non plus. Aucun membre du personnel du club n'est au courant de ton passé. Personne ne sait ce que tu as fait, et c'est très bien comme ça. Si tu veux repartir de zéro, mieux vaut que personne ne sache ce qu'il s'est passé. C'est une chance de pouvoir tout recommencer, de prendre un nouveau départ. Il ne faut pas la gâcher. Sauf que ce soir, tu as certainement tout gâcher avec Terrence, il ne voudra certainement plus t'adresser la parole. Tu n'en as pas rien à faire de ton collègue, au contraire tu l'adore Terrence. T'aime bien lorsqu'il vient te rejoindre derrière le bar et que vous discutez de tout et de rien. Une petite amitié légère, sans prise de tête, c'est exactement ce qu'il te fallait. Terrence et toi avaient beau avoir discuter de nombreuses fois, tu te rends bien compte qu'aucun de vous ne connait la vie de l'autre. Tu ne sais rien de lui, sa vie, son passé. Et lui, il ne sait rien de toi non plus. Ce n'est pas plus mal qui te dit qu'il se serait tourné vers toi les soirs où des mecs l'ont clairement fait chier. Le monde de la nuit fait face à toutes sortes de personnes. Jamais tu n'aurais eu à faire à ce genre de type au MacTavish. Travailler au Confidential fut un choix de raison. Il faut bien travailler pour gagner sa vie, manger et payer le loyer de son logement. Tu ne finiras pas ta vie ici, derrière ce bar. Tu as un autre projet en tête mais le mettre en place seul n'a rien de facile. T'as beau avoir la quarantaine, quand ça concerne l'administratif tu n'y connais rien. C'est Maddie qui se charge de te filer un coup de main de ce côté-là en général. La soirée se termine. Le bar est vide, les chaises sur les tables. La caisse est faite et la recette placée dans le coffre fort se trouvant dans le bureau du boss. Tout les employés sortent, se dépêchant de rentrer chez eux. Il n'y a plus que Terrence et toi, sur le parking du club. Ton ami est assis sur ta moto. Debout, face à lui, tu as toujours un peu de mal à le regarder dans les yeux. Tu t'allume une cigarette. Terrence n'a pas l'air d'un mec méchant. Tout le monde est parti : les serveuses/serveurs, les danseuses. Même Harvey et l'autre andouille de videur qui ne semble pas avoir inventé l'eau chaude. Il n'y a plus que Terrence et toi sur le parking. Tu te résigne finalement à partir de cet endroit te rappelant l'énorme connerie que tu as faite vis à vis de ton collègue. Il ne semble pas t'en vouloir tant que ça puisque c'est toi qui le raccompagne et non Harvey. Clope jetée dans le caniveau, tu grimpe sur ta bécane et mets ton casque. Tu démarre et roule à la vitesse réglementaire jusqu'à votre quartier. Tu coupe le moteur et descend de ta bécane. Ton collègue a les larmes aux yeux, ça te fend le coeur. Tu lui propose de discuter, rien que vous deux, sans personne autour de vous pour vous ennuyer. On peut se poser là, si tu veux Bien, il te parle c'est déjà un bon début. Tu lui souris et viens poser ton postérieur sur les marches glacées du perron. Tu sais, je t'en veux pas. De pas être venu, j'veux dire. C'était pas grave. Ils n'auraient rien fait de toute façon. Je pense pas. Qu'il est bien naif Terry, ou bien c'est toi qui est trop méfiant des gens. Ou bien alors, ton ami essaie de te déculpabiliser de ne pas être intervenu à sa rescousse. Ça ne marchera pas, tu t'en veux énormément. Tu ne mérite même pas qu'il continue à te parler. "Il fut une époque de ma vie où j'aurais foncé dans le tas, tête baissée, pour te sauver la vie. Jsais pas ce que j'ai en ce moment, jme reconnais plus .. C'est sûrement dû à mon passage à l'hosto, à deux doigts de la mort.." Oulà attention Williams ! Tu viens de trop en dire à ton collègue, ça risque de l'intriguer ou, au contraire, il n'en aura rien faire de ce que tu viens de lui dire. Et puis Harvey est venu de toute façon, alors voilà, histoire réglée. Heureusement qu'il est venu, tu n'oses pas imaginer dans quel état t'aurais retrouvé Terrence si Harvey n'avait pas oublié ses clés au club. Que Dieu bénisse Harvey Hartwell ! Tu viens poser ta main sur celle de ton collègue et souris faiblement. "Tu m'aurais connu avant que je n'intègre le club, jpense que tu m'aurais évité." Comme la moitié des habitants de cette ville. Tu ne cherches pas de la compassion de la part de ton ami, t'es simplement honnête avec lui.
Il tire nerveusement sur sa cigarette, Terrence, le cul sur cette marche en pierre un peu trop froide, le regard vide rempli pourtant de toutes ces choses qu'il avait vu ce soir, de toutes ces choses qui se rapportaient invariablement à ça et qu'il avait subit sa vie durant, pellicule d'un film super 8 qu'on voudrait pourtant voir s'arrêter mais qui continue de défiler furieusement, inlassable rengaine, lancinante douleur. Il observe ses chaussures sans véritablement les regarder, écoute la voix de John et il réalise soudain qu'en vérité il ne le connait pas. Qu'il a passé ce dernier mois à chercher du réconfort et du soutien derrière son bar sans même savoir qui il était.
Il lui avait inspiré confiance dès le début, John, toujours le sourire en secouant le shaker, le petit clin d'oeil en tirant les bières et l'oeil méchant envers les clients qui se montraient relous, que ce soit envers Terrence ou envers les serveuses. Alors c'était un peu naturellement qu'il s'était tourné vers lui quand il n'osait pas aller le faire auprès de ce beau videur qui lui procurait beaucoup trop de choses au fond de l'estomac et pour qui il nourrissait secrètement des sentiments un peu compliqués à comprendre. Il s'était rapproché de John alors qu'il était un peu perdu dans sa vie, Terry, là mais pas là, coincé entre hier et demain, l'impression d'être de trop partout greffée contre les tripes en permanence, l'envie de disparaitre surtout, omniprésente, qui fourmillait sous la peau, lui qu'on voyait toujours trop alors que tout ce qu'il souhaitait c'était qu'on l'oublie. Mais John l'avait accueillit derrière son bar avec ce même sourire qu'il lui connaissait chaque soir alors il avait eu envie de lui accorder sa confiance, confiance qu'il n'offrait en général jamais vraiment.
Ce soir, la confiance qu'il avait placé naïvement entre les mains de son collègue avait été écorchée brutalement comme on aurait arraché d'un coup la page d'un livre sans réaliser l'impact que ce geste pouvait avoir sur l'histoire, sans imaginer qu'on venait d'arracher bien plus qu'un simple morceau de papier. On coupait le récit. On le privait d'une partie. Et Terry il avait ressenti ça, qu'on lui retirait un morceau de lui, qu'on l'abandonnait. Seul, face à ces quatre molosses les bites abjectes tendues devant son visage, il avait eu envie de crever. Littéralement. Que son coeur s'arrête. Que son cerveau se débranche. De claquer des doigts et de disparaitre, pour ne plus jamais ressentir de dégoût pour lui-même, pour les autres, cette terreur ubiquitaire qui le dévorait de partout, tout le temps, dans tous les sens. Il avait lancé des regards suppliants à John, avait vraiment espéré le voir débarquer et foutre dehors ces gros porcs aux pulsions dégueulasses. Mais il n'était pas venu. Il lui en voulait un peu, Terry, mais c'était surtout sa confiance qui s'était propensionnellement effritée jusqu'à étouffer sous le poids des doutes et des insécurités. Et il ignore s'il pourra un jour faire confiance à John à nouveau, lui accorder les restes de ce qu'il a piétiné.
"Il fut une époque de ma vie où j'aurais foncé dans le tas, tête baissée, pour te sauver la vie. Jsais pas ce que j'ai en ce moment, jme reconnais plus .. C'est sûrement dû à mon passage à l'hosto, à deux doigts de la mort..Tu m'aurais connu avant que je n'intègre le club, jpense que tu m'aurais évité." Il pose ses yeux verts sur lui, observe sa détresse et il en serait presque indifférent s'il n'était pas lui, trop altruiste, trop à penser aux autres en mettant sa propre souffrance dans une boite pour laisser s'exprimer la leur. Il regarde John et il comprend qu'il a surement ses raisons de ne pas l'avoir secouru, peut être qu'elles sont valables, peut être pas, et il aimerait avoir la force de lui demander des explications, de vérifier si ça valait le coup d'avoir failli se faire violer, de lui demander de lui parler de l'hopital aussi, de se livrer, mais il n'y arrive pas. Parce que pour une fois il essaye d'être égoïste. Pour une fois, il estime avoir le droit de balayer les excuses des autres pour ne penser qu'à lui, parce qu'il tremble encore et que John s'en fout, parce que ses yeux n'expriment que la terreur et que John s'en fout. Parce que son ventre est encore secoué de spasmes et de nausées mais que John s'en fout. Alors pour une fois, au lieu de demander à son interlocuteur de parler, il hausse simplement les épaules et lâche un nébuleux hmhm comme pour dire que la confiance n'est pas un boomerang qui s'en va et qui revient aussi facilement. Il feint l'indifférence, Terrence, relève le menton, tire avec force sur sa clope et relâche la fumée vers le ciel d'encre. La vie c'est pas cool parfois hein? Une généralité indolente pour éviter de trop s'impliquer et de buter son coeur trop vite. La vie est nulle. La vie est nulle. Et c'est au moment de donner crédit à ce constat qu'il repense à l'intervention d'Harvey, intervention sans laquelle il aurait été lourdement plus traumatisé qu'il ne l'est maintenant. Peut être pas si nulle en vérité.. On était tous différents, avant d'être embauchés au Confidential, je pense. Il dit ça pour parler mais en vérité non, il était le même, Terry, le même être humain en détresse qui avait perdu son chemin. Il ferme les yeux, les larmes qui coulent doucement, en silence, les sourcils froncés. Il ne veut pas pleurer devant John mais il n'arrive pas à empêcher les flots de se déverser alors il choisi de détourner la tête, les épaules qui tremblent. Sûrement que John le verra, sûrement qu'il le trouvera faible. Il renifle et choisi de ne pas se laisser aller, le visage qui finalement fait volte face, un sourire triste placardé sur les joues.Ca va aller ok? J'ai pas besoin qu'on me sauve la vie. Pour ce qu'il en reste, de ma vie... Il pose sa main sur le biceps de son collègue et se rapproche pour coller sa tête sur son épaule, seule option pour qu'il ne le regarde pas, qu'il ne puisse pas voir les larmes et son sourire qui se transforme soudain en grimace de douleur, les dents qui viennent mordre sa lèvre pour s'empêcher de faire du bruit en pleurant. "Ca va aller"; c'est ce qu'il dit mais il n'y croit pas une seule seconde, parce qu'en vérité tout fout le camps, tout est trop compliqué et il aimerait un truc, rien qu'un truc, pour pouvoir respirer. Et y a cette pensée fugace qui lui travers l'esprit, celle de finalement partir, voler la moto de John qu'il ne sait de toute façon pas conduire, partir et rouler à toute blinde jusqu'à ce que le monde disparaisse, déformé par la vitesse, jusqu'à ce qu'il percute un truc et qu'il explose en million de petites étoiles. John ? Il se redresse doucement, essuie ses larmes, renifle, inspire, expire. C'est dur. Il se perd un peu là, Terrence, les genoux qui s'entrechoquent et le coeur en défaillance. Je crois que.. j'ai besoin de remonter chez moi, je me sens pas super bien. Tu restes cette nuit? Et s'il a l'habitude de se faire du mal en glissant son corps trop fin sous d'autres plus lourds il ne le dit pas dans ce but là, cette fois. Il le dit comme un enfant qui demanderait à un ami de ne pas le laisser. De rester pour lui caresser le front, lui servir un verre de lait et le border, lui dire que ça ira. Qu'il ne ferait pas de cauchemar. Et il sait que c'est stupide, que John dira surement non parce qu'ils ne se connaissent pas tous les deux, mais il est toujours trop spontané, Terrence, les mots qui sortent de sa bouche sans filtre aucun, la conscience qui débarque toujours avec un temps trop tard. Fin j'veux dire.. on peut aussi coucher ensemble si c'est ce que tu veux, si ça peut te faire plaisir et rester un peu. Il a lutté, Terry, il a tenté. Il a voulu faire l'égoïste, mais les démons le rattrape toujours, vieux réflexe qui continue de rogner sauvagement ses pensées, ses os et son âme, à croire qu'il ne vaut rien de plus que ça, qu'un peu de sexe rapide, monnaie d'échange entre des draps blancs, à être persuadé que John ne restera que s'il s'offre à lui. A croire qu'il n'est pas assez important pour qu'on veuille l'aider sans contrepartie. Il vient d'échapper au pire et il ne peut pas s'empêcher de chercher à nouveau la douleur, à se débattre dans l'illusion éphémère qu'il maitrise encore un peu sa vie tout en sachant que tout se casse royalement la gueule. Il se relève, laisse tomber sa cigarette qu'il écrase sous sa Converse noire un peu usée et ouvre la porte de l'immeuble d'un coup de hanche sans rien prononcer de plus. Il tourne la tête vers son collègue, l'invite du regard à le suivre et il monte les trois étages, le coeur qui pulse trop vite, la peur qui s'insuffle partout. Y a plus de lumière dans la cage d'escalier et le plafonnier grésille, bruit blanc rassurant. Alors qu'il arrive devant sa porte il s'arrête, baisse la tête, expire, n'ouvre pas tout de suite et se retourne, laisse son dos se coller au bois, effrayé, et il attend de voir si John va la suivre. Parce qu'il ne sait plus exister autrement, Terry, surement qu'il s'enfonce dans des dédales trop violents pour lui, trop sombres aussi, sûrement qu'il s'est perdu dans les limbes, quelque part, et que personne ne pourra plus l'y retrouver et le sauver. Peut être que c'est ça, toucher vraiment le fond, s'abandonner contre un corps comme on le laisserait en offrande en échange d'un peu de tendresse. Parce que personne ne pourrait lui donner de la tendresse sans un truc en échange, à Terrence. Pas vrai?
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 21 Oct 2019 - 10:17, édité 1 fois
Vous êtes vous déjà demandés quelle trace laisse notre passage sur Terre. Si une seule vie peut réellement avoir un effet sur le monde, ou si les choses que nous faisons ont une quelconque importance. Toi, tu crois que oui et tu crois qu'un seul homme peut changer beaucoup d'autres pour le meilleur ou pour le pire. T'es pas le genre de mec à aller vers les autres, tu ne t'ouvre que difficilement aux autres. Ce n'est pas de la mauvaise volonté mais l'être humain te déçois de jour en jour. La solitude a toujours fait partie de ta vie, depuis ta naissance. Peu de personnes ont la chance de te connaitre par coeur. Depuis que tu as commencé à travailler au confidential, tu ne parle pas à grande monde. Harvey, de temps en temps, pour parler banalités le plus souvent. Avec Lexie, tu t'ouvre un peu plus à elle. C'est une jolie jeune femme et t'arrive à lui confier certaines choses plus ou moins personnels. Avec Terrence, c'est différent. Lui-même est différent, ça ne t'empêche pas de l'apprécier. Tu détestes ces types qui l'emmerdent quasiment tous les jours. Ils sont si fermés d'esprit, c'est malheureux de voir ça au vingt et unième siècle. T'as envie de les tuer, de les étrangler. Tu ne peux pas, depuis ce qu'il t'es arrivé tu n'arrive plus à être comme avant. T'as changé, tu ne refuse de devenir comme ton père. Un homme alcoolique et violent, tu refuse d'être ainsi. Assis sur les marches en pierre gelées, tu viens t'allumer une cigarette. Ton regard se porte sur Terrence. Il a le regard vide, le regard triste. Tu te rends compte que vous n'avez jamais pris le temps de discuter tous les deux, de vous connaitre. Vous avez beau travailler ensemble, être des collègues, ça ne vous empêche de devenir des amis. Terrence, tu l'aime bien. Il semble être gentil, doux, calme. Physiquement, Terrence est une belle personne. Différente certes et alors ? Tout le monde est différent et heureusement d'ailleurs. Ça ne fait que quelques semaines que tu as pris le poste de barman au Confidential, tu ne te mélange pas avec tes autres collègues. C'est dommage. Il n'est jamais trop tard pour changer, pour t'ouvrir aux autres. Alors tu lui parles, tu lui explique -brièvement- à Terrence comment tu étais avant de venir travailler au club. Un homme infidèle, incapable de s'attacher à qui que ce soit et, si c'était le cas, tu foutais tout en l'air aussi rapidement que cela était arrivé. T'es certain que ta relation avec Maddie va voler en éclats à un moment ou à un autre. Tu le sais, toutes tes relations amoureuses ont toutes été brisées. Une seule t'as marqué. Une seule te fait encore souffrir, c'est celle avec Mina. La différence d'âge est importante entre vous mais tu l'as aimé. T'as aimé la jeune femme à en crever et tu regrettes tellement d'être partis comme un voleur, il y a huit ans maintenant. Tu n'es pas beaucoup apprécié par tes pairs dans cette ville, tu le sais bien et tu t'en moque. Tu vis ta vie sans te préoccuper de ce que pense les autres de toi. Terrence n'a pas peur de toi. Les soirs au club, tu ne peux t'empêcher de surveiller Terrence ou les serveuses. Là-bas, les clients sont relou. Tu ne les supportes pas, si Harvey fait très bien son job de videur, l'autre molosse avec une moitié de cerveau devrait en prendre de la graine. Terrence est l'une des personnes avec qui tu aime passer du temps en ce moment. Il ne te connait pas, il ne te juge pas non plus. Tu t'es perdu sur le chemin de la vie. Tu ne sais plus de quel côté aller, ni même à qui te fier. Terrence avait confiance en toi, il te l'avait accordé et toi, tu n'as pas su être à la hauteur de ses attentes. C'est pour cela que tu lui as parlé, que tu t'es confié à lui afin que le jeune homme te connaisse un peu mieux. Tu baisses ta garde, tu fais tomber les murs tout autour de toi sans le regretter. Tu laisses Terrence voir l'homme que tu es sans peur, ou presque. Terrence aurait pu laisser Harvey le raccompagner, mais non, il t'as laissé le faire. Comme s'il te redonnait une seconde chance. Cette fois, tu n'as pas le droit à l'erreur. Le regard vide, tu fixe le bitume tout en fumant ta clope jusqu'à ce qu'elle soit entièrement consumée. Ça te fait mal de prononcer ces mots, de raconter ce passage de ta vie. Léo, Charlie, Prim... Ton passage à l'hôpital -grâce à Heiana- t'as failli mourir. Il aurait sans doute mieux valu que tu y restes, la vie t'offre une chance de te racheter. Là non plus, tu n'as pas le droit à l'erreur. Tu n'attends pas à de la compassion de la part du serveur, ni même à une étreinte amicale. Déjà, t'as horreur des câlins. T'en fais rarement quand t'es en couple, mais c'est encore plus rare avec tes amis. "en effet .." Te contentes-tu de répondre en jetant ta clope terminée plus loin, dans le caniveau. La vie est nulle. Ta vie est nulle et merdique. Depuis ta naissance, tu vis une vie merdique. Tu ne cesses de faire les mauvais choix, à croire que tu le fais exprès. Les quelques réflexions de ton ami -s'il l'est toujours- te font froids dans le dos. Tu ne le connais pas mais il semble porter le poids du monde sur ses épaules. Tu trembles, ton coeur s'affole plus qu'à l'accoutumé. Ton regard se pose sur le jeune homme qui tremble à son tour. Il détourne la tête, refusant de te regarder. Il ne faut pas être devin, il pleurs. T'en es certain. "Terry .. Tu pleures .. ?" Serais-ce à cause de toi ? A cause du fait que tu n'es pas allé le sauver. Ton coeur se serre, s'en est presque douloureux. Ta main tremblante vient se poser sur celle de ton ami, tu ne sais pas quoi dire. T'es désolé, tellement désolé. Terrence pose sa tête contre ton épaule. "On a tous besoin d'être sauvés .." Te contentes-tu de dire peu avant que ton ami ne te propose de rentrer chez lui, de passer la nuit avec elle. Pas comme deux amis qui vont passer le restant de la nuit à buter des zombies au travers d'un jeu vidéo. La proposition de Terrence te laisse voix, tu ne t'attendais pas à cela. Tu n'as jamais été attiré par les garçons, comment peux-tu dire que tu es hétéro sans même avoir testé les hommes ? "Euh .. je .. jveux bien passer la nuit chez toi Terry .." Bégaies-tu face à lui, tu ne refuse pas sa proposition. Tu viens te lever, t'étirer un peu. Tu ne veux pas t'offrir à lui, certainement pas ce soir. Terrence est fatigué, abimé et épuisé par le traumatisme qu'il a vécu ce soir. Mains dans les poches, tu suis le jeune homme jusqu'à chez lui, pas très loin de ton appartement d'ailleurs. Tu passes devant la porte de chez toi, sans même prendre la peine de rentrer à l'intérieur. Aucun bruit, Maddie doit certainement dormir depuis longtemps. Rien. Pas un mot, pas un bruit. Un silence s'est de nouveau installé entre Terrence et toi. Terrence s'arrête devant chez lui -tu le supposes- et tu lui lances "ça va aller ? Tu semble épuisé, fatigué.." Dis-tu d'une voix douce, calme et presque rassurante. Tu ne connais pas Terrence mais le jeune homme semble bien plus complexe que tu ne pourrais le penser. "On est pas forcés de coucher ensemble tu sais .. On peut discuter si tu veux .. T'as l'air d'en avoir besoin .." Une nouvelle fois, tu hausses les épaules face au serveur du Confidential. Avoir des amis est nouveau pour toi, tu ne vois pas pourquoi Terrence ne pourrait pas faire partie de ton maigre cercle d'amis. C'est absurde. T'attends qu'il vienne ouvrir la porte et, tu ne sais pas pourquoi mais ton corps se rapproche de celui de l'homme, tes lèvres viennent effleurer celles de Terrence. Un baiser furtif mais non loin d'être si désagréable que cela.
Il a vu les larmes que Terrence tentait pourtant de refouler et il renifle, fait non de la tête quand John lui demande s'il pleure en sachant très bien qu'il raconte des conneries, mensonge évident d'un mec beaucoup trop brisé pour assumer une faiblesse de plus au compteur. Pourtant, il sait que c'est grillé, que John l'a vu, qu'il voudra surement des réponses, mais il ne lui laisse pas le temps d'exprimer ses questions parce que plus rien n'a d'importance de toute façon; Terry, ce soir, il a touché le fond. Et puis ça s'enchaine trop vite et quand John accepte sa proposition il reste interdit quelques instants, son regard qui le sonde pour vérifier qu'il est sérieux. "ça va aller ? Tu semble épuisé, fatigué.." Il ne répond pas parce que la question est absurde. Oui il est épuisé, évidemment; il vient de se faire agresser. Oui il est fatigué. Il n'a plus foi en rien, là, Terrence. Ni en l'amitié, ni en l'humain et surtout plus en lui-même. Et c'est étrange de sortir d'une agression pour aller ensuite rechercher à nouveau la douleur mais il est ainsi fait. Il n'avait pas appris à se respecter, ne savait plus comment faire autrement, pas foutu de comprendre qu'il valait au moins un petit quelque chose de plus que ce qu'il s'infligeait. Il ne sait pas si son collègue parle encore parce qu'il est déjà parti, Terrence, les pieds lourds qui montent les marches des escaliers comme on irait à l'échafaud. Et quand il entend ceux de John à sa suite il déglutit, panique, le dos contre la porte et les yeux affolés. Il lui dit "on peut discuter" précédé d'un "on est pas obligés de coucher ensemble" mais pourtant il hausse les épaules, John, comme pour balayer les mots qu'il vient de prononcer et autoriser finalement ses lèvres à venir cueillir celles de Terrence sans le lui demander, au coeur du silence de ce couloir d'immeuble trop sombre et du grésillement de l'ampoule mal vissée. "On est pas obligé de coucher ensemble" mais c'est pourtant ce qu'il vient contredire en l'embrassant, amorce de quelque chose qui n'allait dans le sens de rien et qui suggérait que peut être que non, finalement, rien n'était gratuit et que si Terrence voulait qu'il reste ce soir pour lui distribuer un peu de tendresse en tout bien tout honneur, il allait devoir lui céder. Il n'est pas répugné par John, Terry, ne le trouve pas laid. Simplement, avec le temps il s'était vu anesthésié, l'âme un peu vide qui ne ressentait déjà plus rien, fatigué sûrement par tous les autres corps contre lesquels il avait dû se loger au fil des années pour se faire du mal, à tenter d'exister. Alors il se laisse faire, les yeux encore ouverts et les mains le longs du corps. C'est furtif et c'est timide aussi et il ne faut pas longtemps à Terry pour comprendre qu'il n'ose pas, John, qu'il n'a peut être encore jamais fait ça. Leurs lèvres se détachent et il l'observe dans les yeux, le regard un peu perdu qui semblait chercher de l'aide mais qu'il n'arrivait pas à en trouver et, le dos toujours contre le bois il cherche à tâtons la poignée pour ouvrir et les faire entrer tous les deux. Il fait sombre et il ne veut pas allumer, ne veut pas mettre en lumière la déchéance et les échecs de sa vie, ne souhaite pas montrer son visage effrayé ni voir à qui il a affaire même si dans le fond bien sur qu'iil le sait. Il reste un instant là, face à la porte et dos à son collègue, à se demander s'il ne ferait finalement pas mieux de lui dire qu'il ne veut pas mais il a peur; ce soir, il le sait, il n'arrivera pas à rester seul après ce qui s'est passé au Confidential. Il aurait pourtant aimé que John refuse ses avances, qu'il lui dise "non Terrence, je peux rester sans que tu m'offres ton corps en échange" mais ça n'est pas arrivé alors il déglutit, le visage triste, avant de se retourner. John est toujours là, léché par la lumière faible du lampadaire de la rue. Lentement, les poumons sur le point d'exploser, Terrence s'approche de lui et met en route les réflexes d'autodestruction: les mains qu'il pose contre les côtes de son collègue pour venir se coller à lui et sa bouche qui découvre sa barbe naissante en embrassant sa mâchoire anguleuse. Il ne veut pas discuter, veut que ce soit rapide et sans finesse alors il ne perd pas de temps et vient récupérer ses lèvres une nouvelle fois, les bras qu'il enroulent mollement entour autour de son cou aussi surement que sa langue roule contre la sienne, le corps sur la pointe des pieds. Ca y est, il a enclenché le mode automatique, l'esprit qui vagabonde déjà loin d'ici et qui se refait la chronologie de la soirée. John qui l'aide avant de finalement l'abandonner, Harvey qui arrive et qui le sauve, Harvey qui parle, Harvey qui le regarde... Harvey. Harvey. Il ferme fort les yeux, Terrence, alors qu'il se détache du baiser qu'il venait d'offrir à John et lui retire sa veste et son t-shirt, les mains fébriles, avant de l'attirer au dessus de lui sur son canapé. Le corps lourd sur son bassin il s'applique à enlever également son propre t-shirt et revient l'embrasser. Il sait qu'il n'a pas grand chose à dire ou à faire pour que la personne en face de lui ait envie de lui faire l'amour mais ce soir y a quelque chose qui ne va pas, les rouages tournent mal et il le sent, ce grain de sable qui vient dérailler la machine. Harvey. Ca fait comment d'être sans ses bras à lui, d'être sous son corps à lui et de s'offrir à ses baisers? C'est pourtant ceux de John qu'il reçoit contre la peau de son cou et il ferme les yeux avant de les ouvrir en grand. John attends je... il reste là, sans bouger, le corps de John encore trop lourd entre ses jambes qu'il repousse doucement du plat des mains avant de se redresser, les avant bras pliés contre son torse. J'peux pas... Pardon j'peux pas... Il sent les larmes monter, il sent qu'il a besoin de déverser la peur qu'il s'était prise en pleine face durant la soirée, de décharger un peu, d'accuser le coup. J'suis désolé. Je sais pas faire autrement. Je sais pas faire autrement... J'avais peur que tu ne veuilles pas rester ici sans ça. Pourquoi t'aurais accepté de rester ici sans ça de toute façon ? Il baisse la tête et fourre son visage dans ses mains en se repliant sur lui même. Les avants-bras sur ses cuisses. T'as le droit de m'en vouloir. T'as le droit de pas rester. Je comprendrais.. Et il lui fait face enfin, la tête qui se redresse, le regard plein de larmes qu'il ose enfin montrer, la main qui agrippe son biceps. Non, attends. Reste.. je... j'veux pas qu'on couche ensemble, je crois que je veux juste.. juste Un calin? Et cette idée lui parait si absurde qu'il explose en sanglots, pas foutu d'accepter qu'il y a droit aussi, que John acceptera peut être de répondre à sa requete sans arrière pensée. Il remet son t-shirt Terrence et s'allonge contre le canapé. Serre-moi, John. S'il te plait serre-moi.. j'veux juste ça. Et contre toute attente, il sent le corps de John s'installer derrière le sien, l'enlacer tendrement et c'est tout un torrent de larmes qu'il déverse en silence, le dos qu'il recule pour s'imbriquer parfaitement contre lui et récupérer sa chaleur, tout petite chose dans des bras surement pas assez grands pour contenir toute sa peine. Pourtant, ce soir, il ne sera pas tout seul, Terry, et pour la première fois, il n'aura pas eu à s'offrir en échange. Et même s'il avait été déçu, même s'il n'oubliait pas l'abandon et la douleur, il avait envie de la troquer au profit de la douceur. Juste pour quelques heures...