| | | (#)Ven 12 Juil 2019 - 23:34 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
"Ca fait trois ans qu'on te le dit, Nono." soupirait Caelan, en se détachant du dossier de ce canapé qu'il trouvait un peu trop confortable afin de passer le bras autour des épaules de sa jumelle. Son pouce caressait délicatement son bras en signe de réconfort, dans l'espoir d'apaiser les tracas de sa Norah. Elle était fatiguée, ce jour-là. Les journées s'enchaînaient au travail. Et les jours de congés se remplissaient par des impératifs administratifs, les horaires régulés par les emplois du temps de ses enfants, au rythme de leur horloge biologique. Quand elle allumait la télévision pour y mettre Netflix, c'était pour le dessin animé de la journée. Quoi que Julie était totalement absorbée par Harry Potter, et bien qu'Aidan était encore un petit peu trop petit, il semblait s’émerveiller par les balais volants. Sinon, il n'aurait certainement pas pris le sien pour l'enjamber et courir à travers tout le séjour, sans peur, alors que son attelle maintenait toujours son poignet endolori. "Et si ça t'a tant touchée que ça qu'Anwar te dit de te lancer, c'est que c'est certainement le moment, tu crois pas ?" Parce que ces mots avaient marqué l'infirmière, plus qu'elle ne l'admettrait. Elle n'en avait pas beaucoup dormi la nuit suivante, tout de même. "Je pensais les prendre en octobre, ou novembre ?" "Pourquoi si tard ?" s'interloqua Caelan, les sourcils froncés. "Parce que..." Norah baissait le volume de sa voix, les yeux rivés sur sa fille, Julie, concentrée sur les devoirs qu'elle avait à faire, installée sur la table de la salle à manger. "Julie veut prendre des cours de danse, et j'aimerais mettre de côté pour le lui payer." Bien qu'elle n'ait pas encore vu le fils d'Anwar sur scène, cette activité semblait l'inspirer et désirait se lancer. Norah disposait certes d'une pension suite au décès de son mari, et avait réduit les frais en prenant une maison plus modeste que la précédente. Elle restait une mère célibataire avec deux enfants à charge et Norah ne voulait pas se sentir redevable envers qui que ce soit qui lui avait proposé de lui prêter de l'argent. Il en était hors de question, elle refusait catégoriquement d'en arriver là. Alors oui, elle multipliait les heures supplémentaires, oui, elle se faisait moins plaisir à elle. Mais au moins, Norah arrivait encore à gâter ses enfants de différentes façons et c'était bien ce qui comptait le plus pour elle. Caelan acquiesça d'un signe de tête, l'air à la fois navré et compréhensif. "Alors si ça doit attendre jusque là, tu te prendras une semaine complète de vacances. Voire deux, tiens." dit-il d'un air amusé, mais suffisamment sérieux pour faire comprendre à sa soeur jumelle qu'il ne lui laisserait pas vraiment le choix. Sur ces paroles, il se leva, avec l'intention de partir car il avait quelques impératifs pour la soirée. Il s'approchait de Julie, qui était aussi sa filleule, pour l'embrasser sur le sommet de son crâne afin de lui dire au revoir, et s'approchait ensuite d'Aidan pour le prendre dans ses bras et lui rappeler, à raison, de faire attention à lui. Norah l'accompagnait à la porte et le regardait partir avec un fin sourire et constata au même moment qu'un autre véhicule se garait devant chez elle. Ce doit être le kiné s'était-elle dit en le regardant manoeuvrer. C'était un pédiatre avec qui elle s'entendait bien qui était de garde le jour-là, elle avait travaillé plusieurs fois avec lui, et avec Yasmine, quand elle venait prêter main forte en pédiatrie. Il avait insisté à ce qu'il s'occupe lui-même de trouver un kiné qui puisse faire le déplacement jusqu'à chez elle afin qu'elle n'ait pas à courir en ville au cabinet à peine le petit sortant de l'école. Norah avait assuré qu'elle y parviendrait, mais le collègue avait déjà passé le coup de fil avant qu'elle ne puisse empêcher quoi que ce soit. Touchée par l'intention, l'infirmière n'avait pas protesté outre mesure. Mais, le plus grand rebondissement de cette histoire de chute de balançoire, était que la personne qui allait s'occuper du poignet de son garçon, était un inconnu plus si méconnu que ça. Il fallait tout de même un sacré concours de circonstances pour faire que Stephen se présente au seuil de la porte, au moins tout aussi étonné qu'elle de ces retrouvailles plus qu'inattendues. "Si on m'avait dit ce matin que le kiné qui allait s'occuper de mon fils allait être vous, je n'y aurai pas cru un moment." dit-elle avec un sourire amusé une fois qu'il se trouvait face à elle. Norah ignorait même qu'il exerçait ce métier là. Ils avaient certes eu l'occasion de faire enfin connaissance autour d'une boisson chaude après avoir traîné sous la pluie durant un long moment, elle n'avait jamais songé à lui demander quelle était sa principale activité. Lui devait en avoir eu une vague idée : il l'avait bien vu en tenue le jour où Rachel était décédée et que Norah était restée auprès d'Alfie. Ils avaient eu d'autres choses à se raconter, et en avait certains beaucoup d'autres à se dire. "Mais je n'en suis pas moins contente de vous revoir." Peut-être était-ce l'angoisse de la perte générée par la disparition de Frank qui accentuait ce trait depuis quelques années, mais Norah se sentait toujours un petit rassurée lorsqu'elle voyait un visage connu. Il était encore là, il allait bien. "Viens, entre." lui dit-elle d'un signe de tête, lorsqu'elle sentait le vent frais se lever en ce début de soirée et sans se rendre compte qu'elle venait de le tutoyer. Elle fermait la porte derrière et laissait Stephen découvrir rapidement le séjour. "C'est ma fille aînée, Julie, là." dit-elle en indiquant la fillette qui s'était retournée sur sa chaise pour voir qui venait d'entrer. "Bonjour Monsieur." dit-elle poliment avant de retourner à son exercice de mathématiques. Elle avait les traits principaux de sa mère, quoi que ses cheveux étaient encore assez blonds, même si les racines laissaient deviner qu'elle n'allait pas l'être encore bien longtemps. "Et le grand blessé du jour, Aidan. Tu viens dire bonjour, trésor ?" dit-elle afin de l'interpeller, alors qu'il était retourné jouer avec ses voitures. Sans encore une fois se soucier qu'il avait le poignet blessé, il se levait et se précipiter vers sa mère. Lui, avait hérité surtout de son papa : personne ne pouvait le nier, avec sa tignasse rousse et ses yeux clairs. Quoi que Norah avait parfois l'impression que ses cheveux prenaient quelques reflets châtains, par moment. A mmoins que ce ne soit la lumière, elle n'en savait trop rien. "Aidan est très maladroit de base. Il tombe très souvent, mais jusque là, il se relevait et continuait sa vie comme si de rien n'était. Si Maman met un pansement sur le bobo, alors tout est guéri." La magie de maman, ça, ça n'avait pas de prix. Norah n'était pas vraiment inquiète. Pas qu'elle ne se souciait pas de ses rejetons, mais elle n'appelait pas les pompiers à la moindre chute et ne faisait pas de vagues quand un de ses petits faisaient une mauvaise chute. Si les petits voient leurs parents paniquer, alors ils en feront tout autant. Elle savait bien sûr détecter les critères un peu plus urgents, comme cette petite entorse au poignet. "Mais cette fois-ci, la chute de la balançoire a été un peu plus casse-cou que d'habitude." dit-elle en caressant les cheveux d'un Aidan ayant les yeux rivés sur cet homme qu'il n'avait jamais vu.
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| | | | (#)Dim 14 Juil 2019 - 13:42 | |
| Stephen n'avait pas vraiment réfléchi en acceptant de rendre service à son confrère l'autre jour ; peut être qu'il aurait du. Un rendez vous convenu à l'autre bout de la ville, en milieu de semaine, en toute fin de journée ; ce n'était sûrement pas une bonne idée tant son degré de fatigue et de stress était proche du maximum acceptable, mais pourtant sans la moindre once d'hésitation il avait accepté. Ces derniers jours lui étaient devenus compliqués à vivre, son quotidien s'étant mué au fil des jours en une sorte de gêne géante. Il fuyait son appartement. Entre deux cartons, un déménagement qui se profilait dans la douleur, Stephen vivait mal le fait de voir une nouvelle fois une page se tourner sans qu'il ne puisse faire quoique ce soit pour y remédier. Ils étaient heureux avec Leah, et peut être auraient ils pu réussir à passer ensemble cette étape douloureuse -à savoir, interrompre une grossesse qui ne les satisfaisait ni l'un ni l'autre- mais c'était un risque que le brun ne souhaitait pas prendre, de peur de trop souffrir face à un échec qui avait quatre vingt dix pour-cent de chances d'arriver. Leur histoire était terminée, ils s'en remettraient l'un et l'autre. Le temps ferait son oeuvre, alors en attendant ... autant s'occuper l'esprit pour éviter de trop y songer. En se garant devant la petite maison de la mère de famille dont il n'avait pas pris le soin de noter le nom -judicieux- Stephen se disait vaguement qu'il venait presque d'expérimenter ses nouveaux trajets cabinet › domicile puisque le bien qu'il venait d'acheter se trouvait lui aussi dans le quartier de Logan City. Attrapant son sac à dos laissé sur le siège passager, le brun s'extirpait de son véhicule, vérifiant au passage qu'aucun message de Leah n'était arrivé sur son téléphone. C'était sans doute stupide ; ils ne se parlaient plus depuis des jours, mais quelque part elle lui manquait terriblement. Rien pourtant. La jeune femme demeurait aussi silencieuse que lui. Encore une journée à ne pas s'adresser la parole, une douleur qu'il tacherait d'estomper en se montrant le plus efficace possible auprès de ce bonhomme qu'il s'apprêtait à rencontrer et qui venait de faire une mauvaise chute. Ses phalanges frappaient trois coups contre la porte d'entrée, mais il n'eut pas besoin de patienter longtemps pour voir cette dernière s'ouvrir, dévoilant une silhouette qu'il connaissait bien maintenant. Norah Lindley. Alors c'était elle son rendez vous de ce soir ? Enfin, son fils plutôt. Ça alors. " Si on m'avait dit ce matin que le kiné qui allait s'occuper de mon fils allait être vous, je n'y aurai pas cru un moment." Il esquissait un sourire en retour, son regard balayant rapidement l'entrée sans trop savoir quoi penser de ce coup du destin. " On est peu de kinés à s'être spécialisés en ville." répondit il simplement, se retenant bien d'ajouter qu'il était le seul assez cinglé pour charger son emploi du temps à outrance. " Mais je n'en suis pas moins contente de vous revoir." Et lui non plus. Quelque part, ce visage familier lui assurait une soirée qu'il aurait presque était tenté de considérer comme reposante, le dernier café qu'ils avaient pris ensemble lui revenant en mémoire comme faisant partie des bons souvenirs. " Viens, entre." qu'elle ajoutait sans que lui ne trouve ce tutoiement déplacé. Surprenant tout au plus. La suivant à l'intérieur, dans ce séjour abritant deux petites têtes blondes, Stephen esquissait un sourire en voyant une fillette assise à la table de salle à manger se retourner vers lui. " C'est ma fille aînée, Julie, là." " Bonjour Monsieur." D'un hochement de tête, le brun répondait à son tour : " Bonjour Mademoiselle." bien que rapidement zappé par cette petite qui reprenait ses exercices avec application. " Et le grand blessé du jour, Aidan. Tu viens dire bonjour, trésor ?" Norah interpellait son fils, son dernier patient. Un petit garçonnet aux yeux clairs et à la chevelure rousse qui délaissait ses petites voitures pour s'échouer contre sa mère sans véritablement se soucier de son poignet. " Aidan est très maladroit de base. Il tombe très souvent, mais jusque là, il se relevait et continuait sa vie comme si de rien n'était. Si Maman met un pansement sur le bobo, alors tout est guéri." Décidément, cette facette de Norah la rendait attendrissante. Il la savait mère de famille dévouée et d'une tendresse qui transparaissait sans qu'elle n'ait véritablement besoin de la montrer, mais de la voir à l'oeuvre avait quelque chose de véritablement touchant. " Mais cette fois-ci, la chute de la balançoire a été un peu plus casse-cou que d'habitude." Et le pansement de maman n'avait pas suffit. Stephen hochait la tête, pliant les genoux pour atteindre alors la hauteur du petit qui, collé contre la jambe de sa mère, ne cessait de le regarder avec de grands yeux. " Tu me montres ça bonhomme ?" demandait il en se relevant, se dirigeant vers l'un des canapés pour y déposer son sac à dos renfermant ses accessoires de kiné. " Tu l'as vu tomber ?" qu'il demandait, cette fois à l'attention de Norah, laissant à son tour tomber un vouvoiement qu'il ne jugeait plus être de rigueur.
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| | | | (#)Jeu 18 Juil 2019 - 18:29 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
Le monde était définitivement bien petit. Un peu trop, parfois, mais ce n'était pas le cas lorsqu'il s'agissait de Stephen. Malgré les circonstances de leur première véritable conversations, ils avaient fini par sympathiser, à ressentir un certain soulagement d'avoir enfin trouvé une personne capable de parfaitement comprendre la douleur d'avoir perdu son âme-soeur. Et dire qu'ils n'étaient que des étrangers. Celle qui connaissait Alfie et celui qui avait perdu un être cher. La surprise de ces retrouvailles inattendues les prit de court tous les deux. Les fins de journée ou de poste n'étant pas faciles, l'on pouvait se sentir blaser de devoir s'occuper encore d'un dernier patient, et la plupart du temps, ces personnes là étaient exigentes et insupportables à souhait. Pas pour cette fois, apparemment. "C'est toujours bon à savoir." répondit-elle alors. Parce que si Alfie avait raison, que la chute rude d'Aidan n'était que la première d'une longue série qui allait durer tout le long de son existence, il se pouvait que Stephen passe très régulièrement à la maison durant les années à venir. "Je ne suis pas une grande connaisseuse en pédiatrie, même si j'y fais des remplacements de temps en temps." Car si Stephen blindait ses journées avec les séances qu'il organisait, Norah, elle, cumulait les heures supplémentaires et il fallait admettre qu'elle commençait à fatiguer. "Quoi que je me suis un peu plus spécialisée en la matière depuis la naissance de cette énergumène là. Julie n'est pas trop casse-cou." Mais Aidan rattrapait largement ce manque. Alfie en serait particulièrement fier. Anwar aussi, sûrement. Avec un fils danseur, il en avait guéri, des sacrées blessures, et il était certainement prêt à prendre le relais pour son filleul. Norah adorait le lien qu'il y avait entre eux deux. C'était tout particulier. Et Julie l'adorait aussi. A chaque fois que l'inspecteur était attendu à la maison, les enfants Lindley étaient intenables, surexcités au possible (augmentant ainsi le risque de chutes pour Aidan, classique). D'ailleurs, le blessé de guerre s'était greffé à la jambe de sa mère, impressionné par cette figure masculine qu'il ne connaissait pas. Pendant ce temps, Norah expliquait dans les grandes lignes le tempérament d'Aidan et donnait de vagues indications sur les circonstances de la chute. Le kinésithérapeute s'accroupit pour se mettre à hauteur de garçon, demandant des informations supplémentaires pendant qu'il faisait connaissance avec Aidan. "Oui, c'était au parc. Il voulait se donner l'impression de voler sur la balançoire, du coup il ne tenait pas les cordes et il avait déployé ses bras. Je me doute bien que ça doit être génial en matière de sensation forte, mais pas très sécuritaire." dit-elle avec un sourire amusé, tout en continuant de caresser les cheveux du petit. "Et effectivement, on peut dire qu'il a bel et bien volé. En général, quand il tombe, il se rattrape plutôt bien, mais vu l'élan et la hauteur de la chute, je suis presque contente qu'il n'ait qu'une entorse." Il voulait amortir sa chute avec les mains, un réflexe humain quasi automatique, et c'était donc les articulations à ce même niveau qui en souffrait le plus. "Il raffole du Doliprane comme c'est sucré comme pas possible. Mais de base, en terme de douleurs, c'est un sacré petit combattant. Très tolérant à la douleur. Le médecin et moi avions juste peur qu'il finisse par adopter une position vicieuse au niveau du poignet malgré l'attelle, parce que la position antalgique n'est pas la plus naturelle qu'il soit." dit-elle en faisant une petite grimace. "C'est pour ça que le médecin a d'ailleurs fait appel... à toi." dit-elle avec un rire amusé. Norah prenait la main de son fils pour se rapprocher avec lui du salon, où Stephen avait déposé ses affaires. Etrangement intimidé par Stephen, Aidan s'installait sur les genoux de sa mère dès que celle-ci s'était posée sur le canapé. "Bah alors, je te trouve bien silencieux, toi." lui dit-elle en embrassant. "Tu sais, il va t'aider à bien guérir ta main. Ca va sûrement un petit peu mal, mais tu vas lui montrer combien tu es courageux." lui dit-elle avec un clin d'oeil complice. Et enfin, Aidan esquissait un sourire et hocha vivement de la tête. "Et alors, il va venir quelques fois pour faire des exercices. Ou peut-être qu'on pourra venir le voir de temps en temps là où il travaille, ça doit sûrement lui faire de la route pour venir jusqu'ici." Curieuse, Julie avait abandonné son crayon à papier sur son cahier pour observer attentivement ce qu'il se passait juste à côté. "Montre à Stephen comme tu sais bien enlever l'attelle comme un grands." l'encouragea-t-elle. Sans poser de question, Aidan s'exécuta en retirant délicatement les scratchs qui maintenant la coque autour de son poignet. "Et puis, il oublie souvent qu'il s'est fait mal au poignet donc il ne fait pas forcément plus attention qu'avant. Je trouve qu'il s'en accommode un peu trop bien, d'ailleurs." "C'est parce que je suis courageux !" rétorqua fièrement le petit. "Oh que oui." Norah passait une nouvelle fois une main dans ses cheveux. "Alors montre-le en t'installant à côté de lui, parce que là tu es si loin de lui qu'il ne pourra pas faire grand chose, le pauvre." Il n'en fallait pas plus pour que le petit saute de ses genoux avec un enthousiasme qui lui ressemblait beaucoup avant de s'approcher du brun, et lui tendant ensuite vivement sa main blessée.
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| | | | (#)Dim 21 Juil 2019 - 17:02 | |
| Stephen était soulagé de se trouver face à Norah ce soir et non face à une parfaite inconnue qui aurait sans doute rendue sa soirée bien plus longue qu'il ne l'imaginait déjà. Il la connaissait peu, mais la trouvait réfléchie, et suffisamment posée pour ne pas le noyer de questions. Elle le laisserait très certainement faire son travail sans l'interrompre ; ce qui n'arrivait que très peu lorsque les parents étaient présents aux séances qu'il dispensait. Par ailleurs, leur première conversation ne lui avait laissée que de bons souvenirs. Certes un peu étranges, mais la petite brune l'avait soulagé d'une partie du fardeau qui pesait sur ses épaules en le comprenant, et sans doute que la réciproque était vraie elle aussi. " C'est toujours bon à savoir." répondit elle sitôt lui avoir expliqué qu'il était l'un des rares kinés spécialisés en ville -du moins, l'un des rares à accepter des visites à domicile après sa journée de travail. Une situation tout à fait exceptionnelle. " Je ne suis pas une grande connaisseuse en pédiatrie, même si j'y fais des remplacements de temps en temps." Il hochait la tête, la suivant docilement à l'intérieur tandis qu'elle poursuivait sur une note d'humour : " Quoi que je me suis un peu plus spécialisée en la matière depuis la naissance de cette énergumène là. Julie n'est pas trop casse-cou." Ses lèvres s'étiraient d'un sourire en retour. " J'aurais aimé que ma fille soit comme elle alors, mais ... Anabel aussi est du genre casse cou." Une petite pirate, membre d'équipage d'un galion ayant largué les amarres dans le salon de son parrain ; le seul avec qui ses rêves éveillés de moussaillon pouvaient prendre forme sans cette limite que lui imposerait pour garantir sa sécurité. Alfie rendait à sa filleule cette parcelle de spontanéité et d'imaginaire qui s'était envolée avec sa maman, puisque Stephen, lui, était plutôt du genre papa poule à placer son enfant sous une cloche en verre pour la protéger du monde extérieur qu'un partenaire de jeu exemplaire. En aurait il était ainsi avec le bébé qui résidait encore sous le nombril de Leah ? Aurait il été ce genre de père si cet enfant avait été destiné à voir le jour ? Il n'en savait rien, et quelque part il n'avait pas la moindre envie de le savoir. Ce petit pois n'occuperait plus ses pensées d'ici la fin de la semaine. S’accroupissant pour faire face au petit Aidan, Stephen tâchait d'obtenir quelques informations concernant la chute, mais le garçon laissait sa maman parler, comme s'il était impressionné par sa présence. " Oui, c'était au parc. Il voulait se donner l'impression de voler sur la balançoire, du coup il ne tenait pas les cordes et il avait déployé ses bras. Je me doute bien que ça doit être génial en matière de sensation forte, mais pas très sécuritaire." Outch. Fronçant les sourcils alors qu'il tentait d'imaginer la scène, le brun fut rapidement contaminé par le sourire amusé arboré par Norah, bien qu'il compatisse avec la douleur ressentie par le petit bout. Cette chute avait du causer une belle crise de larmes. " Il raffole du Doliprane comme c'est sucré comme pas possible. Mais de base, en terme de douleurs, c'est un sacré petit combattant. Très tolérant à la douleur. Le médecin et moi avions juste peur qu'il finisse par adopter une position vicieuse au niveau du poignet malgré l'attelle, parce que la position antalgique n'est pas la plus naturelle qu'il soit. C'est pour ça que le médecin a d'ailleurs fait appel... à toi." D'accord. Le brun hoche la tête, reportant à nouveau son attention sur Aidan qui n'avait décidément pas bougé d'un poil de contre la jambe de sa maman. " Bah alors, je te trouve bien silencieux, toi. Tu sais, il va t'aider à bien guérir ta main. Ça va sûrement un petit peu mal, mais tu vas lui montrer combien tu es courageux." Il avait fallu l'intervention de Norah et d'un baiser sur la tempe pour insuffler à ce petit bout un peu de courage pour qu'il consente à hocher la tête avec vigueur. " Et alors, il va venir quelques fois pour faire des exercices. Ou peut-être qu'on pourra venir le voir de temps en temps là où il travaille, ça doit sûrement lui faire de la route pour venir jusqu'ici." A son tour, la brune s'installait à ses cotés sur le canapé, son fils sur les genoux. " Tu sais ça me dérange pas de passer. Je déménage à deux rues d'ici la semaine prochaine." lançait il alors que le petit ne savait pas bien s'il pouvait faire confiance à la boule de fatigue qu'il était ou non ; peut être que les enfants avaient un sixième sens après tout. " Montre à Stephen comme tu sais bien enlever l'attelle comme un grands." Un encouragement avait sans doute été nécessaire, puisque le garçonnet avait fini par s'exécuter comme un grand sous les paroles de sa mère procédant avec une tendresse qui lui serrait le cœur, réveillait des sentiments qu'il tentait de laisser enfouis au plus profond de son inconscient jusqu'à ce que le rendez vous de la semaine prochaine soit passé. " Et puis, il oublie souvent qu'il s'est fait mal au poignet donc il ne fait pas forcément plus attention qu'avant. Je trouve qu'il s'en accommode un peu trop bien, d'ailleurs." " C'est parce que je suis courageux !" Heureusement pour lui la spontanéité dont faisait preuve cet enfant chassait de son esprit ses idées sombres, déclenchant à la place un petit rire incontrôlé qui lui faisait le plus grand bien après des journées entières à broyer du noir. " Oh que oui. Alors montre-le en t'installant à côté de lui, parce que là tu es si loin de lui qu'il ne pourra pas faire grand chose, le pauvre." Et c'est ainsi qu'après s'être fait ébouriffer les cheveux, Aidan se plantait devant Stephen en lui dévoilant son poignet sans désormais plus aucune parcelle de doute. " T'es courageux bonhomme." lui lançait il avant de commencer son travail, de mobiliser avec une précaution propre à sa profession toutes les articulations de ce petit bout pour ne pas les laisser s'engourdir dans son attelle, veillant à ne pas lui faire mal. " J'ai une petite fille du même âge que toi à peu près. Si tu me promets de ne pas lui montrer comment on fait pour voler sur la balançoire ça te dirait qu'elle vienne jouer avec toi ?" qu'il soufflait pour le distraire, puisqu'il était évident que de demeurer immobile pour un enfant était une pénitence dont ils se passeraient bien. L'évocation d'une potentielle nouvelle camarade de jeu permettrait sans doute de le canaliser quelques secondes.
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| | | | (#)Lun 22 Juil 2019 - 22:25 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
De ce qu'elle avait compris de leur précédente conversation, Stephen n'était pas le géniteur d'Anabel. Du moins, quand il la qualifiait comme étant la fille de Rachel, il était évident que le brun ne se définissait pas dans la place légitime du paternel. Mais il en avait la garde et se considérait comme étant le père. Du moins, Norah fut un peu émue, à l'entendre dire ma quand il faisait allusion à la fille de la femme qu'il aimait. Ca ne devait pas être un statut simple pour lui, même quand il était avec Rachel. "Elle devrait bien s'entendre avec Aidan, alors." assura l'infirmière avec un sourire. "Après... Julie est une sacrée tête de mule quand elle veut. C'est pas évident tous les jours non plus." C'était peut-être tout aussi épuisant que de ramasser Aidan après chacune de ses chutes, seulement dans une autre mesure. Mais, par on ne sait quelle magie, Norah tenait tête et tenait le coup. "Il se complètent plutôt bien finalement. Ils s'entendent bien." dit-elle en les regardant avec affection. Ils lui donnaient du fil à retordre au quotidien, mais Norah ne s'en plaignait. Malgré tous les tracas, ils étaient adorables et faciles à vivre. "Si jamais un jour tu manques de moyen pour la faire garder, tu peux la déposer chez moi, si tu veux. Ils feront connaissance, comme ça." Peut-être était-ce un peu présomptueux de déjà faire ce genre de proposition alors que ce n'était que la deuxième fois qu'ils avaient une conversation un tant soit peu complète. Mais Norah avait une sorte de facilité à communiquer avec lui, lui faisant croire (et elle avait sûrement raison) qu'elle le connaissait déjà bien. Du moins, ils savaient ce que chacun traversait. Que devait-il penser d'elle, alors qu'il savait que Frank était mort il y a plus de trois ans et que jusqu'ici, elle se sentait presque incapable de s'envisager un projet pour elle. Pour les enfants, aucun soucis, mais pour elle ? Sa vie ne s'arrêtait pas là, elle avait droit d'avoir sa propre existence également. Mais elle n'y parvenait pas. A la place, elle cumulait les heures supplémentaires. "Il y a déjà la meilleure amie de Julie qui vient de temps en temps. Ca ne me dérange pas, si une fois ça peut te dépanner. Parce que vu l'heure qu'il est, je doute que cette séance rentre encore dans tes horaires habituelles." dit-elle en regardant rapidement les aiguilles de la montre qui entourait son poignet. Ca ne l'avait jamais gêné, de garder d'autres enfants, si cela permettait à ses petits de passer du temps avec ses amis. On pouvait dire par rapport à ça, qu'elle était une bonne hôte. Tommy avait presque été dérangée que Norah s'ajoute une charge supplémentaire en organisant une soirée pyjama pour Moïra et Julie. Mais ça lui occupait l'esprit (et oui, cela lui faisait un peu de boulot supplémentaire mais rien qui ne soit insurmontable). Le regard de Norah s'illumina lorsque Stephen lui dit qu'il allait déménager dans le voisinage. "Vraiment ?" Il y aurait enfin un autre visage connu non loin d'ici. Yasmine habitait aussi à Logan City, mais il semblerait que les cadres se soient mis d'accord pour que leur planning s'oppose. "J'ai déménagé ici en début d'année, mais j'avoue que je n'ai pas vraiment eu le temps de faire connaissance avec les voisins. Enfin... Je n'ai pas trop voulu me donner le temps pour le faire, plutôt." Norah commence à se sociabiliser à nouveau, mais elle ne se voyait pas toquer à la porte de la maison d'à côté et de forcer les présentations pour démarrer une relation qui ne serait pas des plus naturelles qui soient. Elle était fatiguée et quand enfin elle acceptait d'avoir un peu de temps pour elle, c'était surtout quand les petits étaient au lit, elle se couchait relativement tôt. Elle serait bien partante pour aller courir à ce moment-là mais il lui était inenvisageable de laisser les enfants tout seuls à la maison ne serait-ce que pendant une heure ou deux. En regardant Stephen, elle se dit qu'elle devait écrire à Alfie, voir quand il serait disponible pour aller courir ensemble, encore une fois. Ces moments-là lui faisaient du bien, plus que de raison. La séance de kinésithérapie commençait donc, et Stephen suggérait de lui-même qu'Aidan et Anabel fassent connaissance, sous certaines conditions qui faisaient sourire Norah. Le regard du petit s'illumina. "Tu crois qu'on peut Maman ? Elle vient, et tu fais des gâteaux, et on boit un verre de lait avec." "Rien que ça." répondit l'infirmière avec amusement. "Mais il n'y a pas de soucis. Je l'ai même déjà proposé à Stephen. Il faudra juste qu'on convienne d'une date, c'est tout." ajouta-t-elle avec un sourire, devant le visage ravi de son fils. "Maintenant tu restes tranquille le temps que Stephen te fasses les soins." dit-elle ensuite d'un ton plus ferme, sachant pertinemment qu'il était bien du genre à ne pas tenir en place. Mais le reste de la séance se passe sans encombre, jusqu'à ce que ce soit Julie qui les interrompe, ayant enfin fini ses exercices de math. "Eh Maman, c'est quand qu'Alfie revient ?" Norah écarquilla les yeux en direction de sa fille. "Pardon ?" Julie esquissait un large sourire satisfait. "On verra ça plus tard, Julie, ce n'est pas le moment." souffla-t-elle à sa fille en croisant les bras. Elle approchait les dix ans et avait déjà une certaine satisfaction à dérouter sa mère quand bon lui semblait. On pouvait supposer que Julie s'était mise en tête de trouver un copain à sa Maman, parce qu'elle était la plus belle et la plus cool, semblait-il. Elle faisait le coup pour toutes les figures masculines que Norah côtoyait. Pour Tommy, maintenant pour Alfie, il était presque surprenant qu'elle n'ait pas encore essayé avec Anwar. Julie venait se blottir contre elle, à observer le travail du brun pour les quelques minutes qui restaient. L'attelle remise à Aidan, celui-ci repartait déjà aller chercher un jouet pour s'occuper. "Ca te fait quand même beaucoup de route pour une toute petite séance." nota Norah, d'un air gêné. "Tu es sûr que pour les prochaines fois, tu ne veux pas que je te le ramène ?" insista-t-elle. Il lui était inconcevable qu''il fasse ça toutes les semaines. "Reste au moins boire un verre, si déjà tu as fait le déplacement." lui dit-elle en guise d'invitation. "Même pour manger un bout, si tu veux." A dire vrai, sa présence le rassurait. Elle qui cherchait à combler sa maison par des présences humaines et du coup surtout les enfants qu'elle proposait de garder sous couvert de les laisser passer du temps avec les siens. Elle ne voulait accaparer Anwar, Caelan, Yasmine, ou Alfie. Ils avaient d'autres chats à fouetter, et Norah était trop indépendante pour admettre qu'elle n'était pas en grande forme ces derniers temps. Caelan faisait partie de ceux qui savaient où un jour elle les martèlerait de "ça va", ce ne serait pas foncièrement bon signe. "Si ici n'est pas trop loin de chez toi, tu peux même aller chercher Anabel rapidement, si tu veux." lui proposa-t-elle, supposant que Stephen devait également avoir très hâte de retrouver sa fille adoptive.
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| | | | (#)Mar 23 Juil 2019 - 14:53 | |
| Stephen n’avait aucun doute quant à la sociabilité dont pouvait faire preuve Anabel. La fillette avait un caractère plutôt simple, et ne faisait pas vraiment de distinction entre garçon ou fille lorsqu’il était question de jouer. Du haut de ses six ans elle s’affirmait dans l’insouciance, et quelque part le brun était rassuré à l’idée de savoir que d’autres enfants de son âge pouvaient habiter le quartier qu’ils occuperaient dans les semaines à venir. "Elle devrait bien s'entendre avec Aidan, alors." que lui assurait d’ailleurs Norah, émettant pourtant quelques réserves au sujet d’une potentielle amitié avec sa fille. "Après... Julie est une sacrée tête de mule quand elle veut. C'est pas évident tous les jours non plus." Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut –et ses yeux non plus puisque la petite fille était sagement installée à quelques mètres d’eux- elle avait aux environs de neuf ou dix ans. Un âge charnière entre la pré adolescence et l’enfance, sans doute. Pour le moment lui n’en était pas là mais quelque part il comprenait que cela puisse demander du temps et de l’énergie pour cette maman. « J’espère pour toi que ce n’est pas le signe avant-coureur d’une crise d’ado explosive. » qu’il soufflait dans un demi sourire, l’idée fugace qu’Anabel puisse à son tour lui causer des cheveux gris lui traversant l’esprit. "Ils se complètent plutôt bien finalement. Ils s'entendent bien." D’un hochement de tête, Stephen suivait Norah du regard. Elle avait reporté son attention sur ses deux enfants avec une tendresse qui suffisait à rendre l’instant un brin moins douloureux qu’il ne l’était jusque-là. Qu’en aurait-il été d’Anabel et du bébé que Leah attendait s’il avait vu le jour ? L’aurait-elle accepté malgré leurs presque sept années d’écart ? Une question qui demeurerait sans réponse concrète, des bribes d’hypothèse ne pouvant être qu’émises à ce sujet. Heureusement pour lui l’infirmière interrompit le fil de ses pensées sombres avec une proposition qu’il ne manquait pas de garder en mémoire ; pas tant par nécessité que par envie. Si parfois il confiait sa fille à une babysitter il préférait autant qu’elle soit entourée d’autres petits bouts que par une quasi inconnue. "Si jamais un jour tu manques de moyen pour la faire garder, tu peux la déposer chez moi, si tu veux. Ils feront connaissance, comme ça." Il hochait la tête avec politesse, un sourire au coin des lèvres. « Merci. En général elle va chez ma mère ou chez Alfie quand je n’ai pas de solutions et une journée qui tire en longueur … mais l’inverse est possible aussi. Enfin, les jours ou je ne rentre pas si tard chez moi. » ajoutait-il dans un petit rire, conscient que cette configuration ne se ferait que lorsque leurs enfants auraient suffisamment fait connaissance. C’était gentil de proposer, et quelque part, si Alfie avait confiance en Norah, Stephen n’avait pas vraiment de soucis à se fier à la première impression qu’il s’était faite d’elle ; celle d’une femme douce et aimante. Anabel serait entre de bonnes mains. "Il y a déjà la meilleure amie de Julie qui vient de temps en temps. Ça ne me dérange pas, si une fois ça peut te dépanner. Parce que vu l'heure qu'il est, je doute que cette séance rentre encore dans tes horaires habituelles." Et effectivement. Il secouait la tête dans un sourire sans joie, se contentant vaguement de répondre : « Si je peux rendre service » ce qui était un mensonge sur toute la ligne. Certes il était soulagé d’être tombé sur Norah, mais ce fait du hasard n’enlevait en rien le fait qu’il tâchait à tout prix d’éviter l’appartement pour les jours à venir, ne serait-ce que pour s’épargner des souffrances inutiles. Toutes ces complications seraient bientôt derrière lui de toute façon, et c’est dans la suite logique des choses qu’il poursuivait en annonçant que d’ici quelques jours, son nouveau lieu de résidence serait à quelques encablures de là. "Vraiment ?" Son visage s’était illuminé et par mimétisme, Stephen avait arboré plus ou moins le même sourire. Plus le temps passait et plus il trouvait Norah vraiment sympathique ; heureusement pour lui, l’idée de l’avoir comme voisin ne la chagrinait pas, au contraire. "J'ai déménagé ici en début d'année, mais j'avoue que je n'ai pas vraiment eu le temps de faire connaissance avec les voisins. Enfin... Je n'ai pas trop voulu me donner le temps pour le faire, plutôt." L’écho de leur première conversation lui revint en mémoire. Depuis la mort de son mari, la brune avait du mal à sortir à nouveau, et quelque part cette information ne l’avait jamais vraiment quittée, tournant dans sa mémoire lorsque cette dernière s’autorisait à quelques flashs. « … tu auras fait la connaissance de l'un d'eux au moins. Enfin deux et demi. Anabel a une boule de poils. Un bouledogue, Bruley. » Le vestige d’un anniversaire catastrophique et unique souvenir qu’il emportera avec lui de son histoire avec Leah ; ce chien était une plaie plus qu’un cadeau, mais Anabel l’adorait et la brune avait consenti à le lui laisser. Faisant ce qu’il savait faire de mieux pour se tirer de ses pensées négatives, Stephen discutait avec le petit Aidan, s’occupant de sa main avec une douceur propre à celle des kinés. A nouveau sa fille revenait combler leur conversation, le brun suggérant qu’une rencontre entre ce petit bonhomme et son moussaillon était une idée à concrétiser. "Tu crois qu'on peut Maman ? Elle vient, et tu fais des gâteaux, et on boit un verre de lait avec." "Rien que ça." L’amusement se lisait sur les traits de Norah, ce qui ne laissait pas vraiment Stephen insensible. "Mais il n'y a pas de soucis. Je l'ai même déjà proposé à Stephen. Il faudra juste qu'on convienne d'une date, c'est tout." Cette simple remarque avait suffi à canaliser le garçonnet dont l’air ravi qu’il arborait laissait sous-entendre qu’il était détendu en sa présence. "Maintenant tu restes tranquille le temps que Stephen te fasses les soins." terminait elle finalement d’un ton plus ferme, contenant ainsi l’énergie de son fils pour le reste de cette séance tardive. "Eh Maman, c'est quand qu'Alfie revient ?" La voix de la petite Julie attirait son attention alors qu’il terminait à peine de prodiguer les soins de son petit frère. Stephen levait le menton sans pour autant relever les paroles de la fillette. Les yeux écarquillés de Norah trahissaient une gêne qu’il ne savait pas bien interpréter, et son : "Pardon ?" renforçait cette impression. "On verra ça plus tard, Julie, ce n'est pas le moment." Les bras croisés contre sa poitrine, la jeune maman accueillait la petite contre elle l’espace d’un instant, le temps qu’il ne termine pour de bon et que le petit Aidan remette son attelle. Rapidement ils se retrouvaient tous les deux ; l’un préférant la compagnie de ses jouets et l’autre celle de sa chambre maintenant que la séance était terminée. Stephen se passait une main fatiguée sur le visage, trahissant une lassitude qui aurait pu être mal interprétée. "Ça te fait quand même beaucoup de route pour une toute petite séance." Sans doute, mais ces derniers temps il aurait même été tenté d’accepter un rendez-vous jusqu’au fin fond de Bayside alors … "Tu es sûr que pour les prochaines fois, tu ne veux pas que je te le ramène ?" Il secouait la tête avec négation. « Non, non t’en fais pas. Ou peut-être la semaine prochaine si ça peut te permettre de te sentir mieux. Ensuite je serais à deux pas de là, crois moi ça ne me dérange pas d’embarquer du travail à la maison. Et ton fils est adorable. » Aidan avait sûrement des périodes où il se laissait aller à quelques colères, mais globalement c’étaient les aléas du métier. Stephen y était habitué. "Reste au moins boire un verre, si déjà tu as fait le déplacement. Même pour manger un bout, si tu veux." Proposait Norah avec gentillesse, et lui hochait la tête en retour, après quelques secondes de réflexion qui n’avaient pas été grandement utiles. Qu’avait il de mieux à faire après tout ? « D’accord. Va pour un verre. » Il ne resterait pas longtemps, et puis … peut être que cette soirée pouvait lui faire du bien. Le tirer de sa noirceur quotidienne. "Si ici n'est pas trop loin de chez toi, tu peux même aller chercher Anabel rapidement, si tu veux." Secouant la tête, Stephen déclinait avec politesse : « Non, elle est chez ses grands-parents. Je la récupère le weekend. Enfin. Ce weekend elle est chez Alfie. » pendant que l’envie de me rouler en boule sous les couvertures et de sombrer dans la dépression ne s’en aille. Anabel ne méritait pas de supporter son état émotionnel post séparation définitive –édulcorons les termes- alors plutôt que de faire de son mieux (et échouer probablement) Stephen avait préféré la confier à son parrain ; ce qui la ravissait. « Je … je t’ai jamais demandé comment vous vous étiez connus Alfie et toi. » avait-il fini par demander sans trop savoir sur quel terrain il mettait les pieds, mais alors que le Maslow venait dans leur conversation, Stephen avait jugé bon de recueillir des informations auprès de Norah.
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| | | | (#)Mar 23 Juil 2019 - 22:12 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
"Elle sait très bien à qui elle se frottera quand elle fera ses crises." répondit Norah, quand le brun commençait à parler de l'adolescence de Julie à venir. Elle passera par là, c'était certain. Il y aurait des disputes à gérer, ça aussi, Norah s'en doutait bien. Sa fille avait hérité de la force de caractère de ses parents et il se pourrait que certains éclats de voix soient particulièrement forts. Après, personne ne pouvait véritablement prévoir comment une ado allait traverser cette période de vie où l'on se cherchait, où l'on désirait véritablement se forger sa propre identité. "Laissons-la me surprendre." s'amusa-t-elle à dire en glissant ses doigts dans les cheveux longs de sa fille aînée. L'infirmière avait observé Stephen quelques secondes. Il semblait pensif, peut-être même un peu confus. Norah ne se voyait pas lui demander ce qui pouvait bien le travailler à cet instant précis. Ils se côtoyaient à peine et elle ne désirait pas se montrer trop invasive. Mais qu'importe ce qui pouvait le tracasser, elle se faisait du souci pour lui. Ca n'avait pas l'air anodin. Elle fit échapper cette pensée en reprenant la parole, tenant à se montrer aussi flexible que possible pour Stephen afin de lui éviter de longs trajets alors qu'il avait des journées déjà suffisamment épuisantes. Alfie semblait également avoir une place particulièrement importante dans la vie de Stephen. Elle les savait proche, seulement, avec Alfie, ils n'avaient jamais véritablement parlé de lui. Ils n'osaient jamais vraiment faire de pas en avant vers leur vie personnelle, avec cette peur constante de faire le pas de trop. Autant dire que les premières minutes après qu'il ait sonné à la portée des Lindley le jour où Norah l'avait invitée à manger des pâtisseries étaient particulièrement étranges. Ils ne savaient pas comment s'y prendre, que dire, mais Julie avait réussi à détendre l'atmosphère en ayant l'idée de mettre du vernis rouge écarlate sur les ongles du beau brun. Il avait eu un excellent contact avec les enfants, avec une facilité presque déconcertante. Et aussi, qu'il se régale avec les pâtisseries cuisinées par Norah avait détendu l'atmosphère. "C'est gentil." répondit-elle quand il retournait son aide à la jeune femme, en terme de garde d'enfants. Et bientôt, Stephen allait emménager non loin d'ici, à quelques maisons de Norah, pour son plus grand soulagement. Effectivement, si le déménagement était pour bientôt, le temps de trajet allait considérablement réduire pour lui. "Tu dis ça parce que tu as la chance de le voir relativement calme." dit Norah d'un ton amusé. "Mais même quand il est une véritable fusée, il reste adorable, je t'assure." ajouta-t-elle. Et Alfie le poussait à aller dans cette direction là, qui plus est. Malgré tous les bobos et toutes ses maladresses, Aidan était un gamin difficile à détester. Il était adorable. Très gauche, certes, mais d'une extrême sympathie et sociabilité. Julie, à côté, était un peu plus sur la réserve. Ravie qu'il accepte de rester pour boire un verre, l'infirmière lui servit la boisson qu'il avait préalablement demandé et se prit pour elle un verre de vin. "Ca doit certainement te permettre d'avoir un peu de temps pour toi, qu'il puisse la garder pendant le weekend, c'est chouette." dit-elle avec un sourire pendant qu'elle s'installait confortablement dans le canapé à côté de lui. Tu devrais prendre exemple sur lui, tiens. C'est ce qu'auraient dit Anwar et Caelan sans détour. Norah manquait d'avaler de travers lorsqu'il lui demandait comment Alfie et elle s'étaient connus. Le temps d'avaler sa gorgée, elle plaça une main devant sa bouche. "Désolée, je ne m'y attendais pas." dit-elle avec un rire nerveux, faisant référence à la question fraîchement posée. Ca n'allait pas l'empêcher d'y répondre, non sans un certain moment de réflexion. "C'était... Il y a quatre ans. Déjà." Norah n'avait pas l'impression que cela remontait à si longtemps déjà. Elle perdait parfois notion du temps qui passait. "Quand il était revenu de son voyage en Afrique et qu'il avait été mis en isolement comme il avait été exposé au virus Ebola." commença-t-elle. "Je revenais à peine de mon congés de maternité qu'on m'a envoyée là-bas en remplacement. En quelques jours il avait déjà réussi à mettre à bout l'ensemble de l'équipe qui s'occupait de lui. Il était intenable, et apparemment, moi, je savais très bien gérer ce genre de patients là. Je t'épargne les noms d'oiseaux que les collègues avaient utilisé pour le décrire." Un léger rire s'échappa, se souvenant parfaitement de l'air exaspéré des collègues, de la manière dont l'une d'entre elles avait fait un sacré descriptif d'Alfie, persuadée que Norah saurait le remettre à sa place bien comme il faut. Et la collègue en question avait eu raison. Norah avait une sorte de don pour gérer les situations conflictuelles : en restant parfaitement calme. "Et après ça, on m'a demandée de rester tant qu'il était encore hospitalisé, alors on se voyait quasiment tous les jours." Elle haussait longuement les épaules. "Disons que j'ai trouvé les bons moyens pour le canaliser. Et quand il a compris qu'il ne pourrait pas se débarrasser de moi durant son hospitalisation, le courant a fini par bien passer." Norah avait sûrement été un peu trop laxiste par moment le concernant. Mais quand on voulait lui taper sur les doigts, elle leur répondait gentiment "c'est soit ça, soit il vous démonte l'intégralité du service." Oui, ce n'était pas commun de demander à un patient de vérifier les dotations du chariot d'urgence et les dates de péremption, et alors ? "Et il sembleraitt que ça ait marqué les esprits, parce que je me suis retrouvée à m'occuper de lui plus d'une fois." Tout en le soignant avec des méthodes peu conventionnelles et peu approuvées. Mais c'était devenu de coutume aux urgences de faire appel à elle dès qu'il pointait le bout de son nez pour se faire coudre une énième fois la peau. Norah avait parfaitement conscience qu'il ne s'agissait pas là d'une simple relation soignant-soigné. "Nous sommes devenus de bons amis, à... force de se faire hospitaliser." Difficile d'utiliser le terme amis alors que c'était bien ce dont il s'agissait. Seulement, elle était si particulière, si étrange, eux-mêmes peinaient à définir avec exactitude la relation qu'ils avaient. De plus, elle ignorait l'idée que Stephen se faisait de cette relation. Elle s'attendait à n'importe quelle réaction de sa part. "Il... Il a été là après que Frank..." You know. Inutile pour elle de finir la phrase. "A sa propre manière, ... En restant qui il est. Il fait partie de cette toute petite poignée de personnes qui ont permis à ce que je tienne bon. Avec mon frère jumeau et l'ancien co-équipier de Frank." Le regard ailleurs, Norah avait eu comme une absence, se remémorant chacun de ces instants. Elle ne s'était pas posée de questions, quand elle avait vu Alfie assis par terre, à pleurer la disparition de sa cousine. Elle voulait être là pour lui aussi, et l'a été autant que possible. Norah ne se rendait pas compte que toutes les fois où elle s'était occupée de lui durant ses hospitalisation, il lui en était extrêmement reconnaissant. C'était son boulot, après tout. Quoiqu'elle lui en voulait encore de ne pas lui avoir permis de le voir quand il s'était grièvement blessé et qu'il était hospitalisé au service de soins continus. Norah n'osait pas trop s'épancher sur la complexité de leur relation, le fait qu'ils n'osent pas entrer dans la vie personnelle de l'autre alors qu'ils avaient été là durant des instants particulièrement privés. Norah l'appréciait énormément, elle adorait leur complicité et peut-être même l'incapacité de trouver un véritable mot pour définir leur relation. Il était un bel homme, sacrément charmeur, et... Non, Norah noyait cette étrange idée en buvant une gorgée de vin, perturbée par ses propres pensées. C'était idiot. Du grand n'importe quoi. Etrangement, elle ne parlait pas trop de lui, pas même à son frère. Elle aimait bien (et un peu égoïstement, soyons honnêtes), garder cette relation là pour elle. Et aussi surtout parce qu'elle savait que Caelan ne serait pas tout à fait serein à l'idée que sa soeur puisse avoir un lien particulièrement fort avec une personne qui fut originellement un de ses patients. Il tentait désespérément de lui tirer les vers du nez et aimait lui répondre que c'était un ami, sans préciser son nom ou les circonstances de leurs entrevues. "Ce n'est pas la façon la plus classique qu'ont deux personnes pour se rencontrer, mais... Ca me convient comme c'est." dit-elle avec franchise. "Et maintenant lui se vante largement d'avoir une infirmière attitrée dès qu'il met le pied à l'hôpital." conclut-elle sur une note de plaisanterie. Il fallait reconnaître que c'était un peu vrai malgré tout, elle n'était pas loin de connaître son dossier médical absolument par coeur.
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| | | | (#)Mar 30 Juil 2019 - 17:29 | |
| Julie s'était laissée aller contre sa mère, dans un geste tendre qui semblait trahir beaucoup de douceur, bien que cette petite semblait ne pas tenir uniquement de l’angelot. Stephen l'imaginait volontiers comme ayant un fort caractère, du genre à faire tourner sa mère en bourrique, et sûrement n'était il pas trop éloigné de la vérité. "Elle sait très bien à qui elle se frottera quand elle fera ses crises." Au moins Norah semblait prête à cette perspective. Il esquissait alors un sourire, remontant brièvement le menton pour les observer quelques secondes, le temps de voir la brune laisser ses doigts filer dans la chevelure de sa fille. "Laissons-la me surprendre." La surprendre ou la faire virer chèvre. L'amusement dont faisait preuve Norah était communicatif, et suffisait presque à redonner un sourire sincère à un Stephen qui usait de masques pour donner le change ; en l’occurrence ici celui du bon kiné. Ses doigts s'activaient sur la main du petit Aidan qui ne bronchait pas, courageux bonhomme qu'il était, et tandis que la conversation filait bon train, il lui semblait normal de proposer à son tour de garder les enfants Lindley, ce que Norah acceptait dans un "C'est gentil." qu'il commentait d'un hochement de tête. Le brun n'était pas la meilleure babysitter du monde, mais sa fille faisait la conversation pour dix ... et c'était suffisant. Il avait trouvé cela naturel de confier à la brune qu'ils seraient bientôt voisins, puis il lui assurait au passage que non, ça ne le dérangeait pas vraiment. "Tu dis ça parce que tu as la chance de le voir relativement calme." répondait elle avec amusement. "Mais même quand il est une véritable fusée, il reste adorable, je t'assure." C’était le principal. « Il a l’air de l’être. » Parce que le petit n’avait pas bougé, qu’il était resté silencieux et plus courageux que certains de ses mini patients qui auraient mis ses nerfs à rude épreuve ; lui qui n’avait déjà pas de patience en avait encore moins aujourd’hui. Heureusement tout s’était bien déroulé, et c’est avec un naturel qui le déconcertait encore –après tout ce n’était pas comme s’ils se connaissaient vraiment- que Norah lui avait proposé de rester boire quelque chose, et qu’il avait accepté. L’infirmière avait servi deux verres de vin, et bien que fatigué, il acceptait le sien dans un quasi soulagement ; il sonnait le glas d’une journée, encore une, à tenir debout sans avoir cédé à l’envie d’appeler Leah pour lui dire de tout arrêter. "Ça doit certainement te permettre d'avoir un peu de temps pour toi, qu'il puisse la garder pendant le weekend, c'est chouette." Oui et non. Esquissant un demi-sourire, Stephen haussait les épaules, se passant ensuite une main fatiguée sur le visage pour tenter de dérider ses traits. « En fait ils ont la garde. Je désespère pas de l’avoir plus. Ensuite. » Parce qu’il se battrait c’était certain. Pour le moment il laissait couler avec les Forbes, mais au moindre signe de faiblesse il ne ferait pas l’ombre d’un doute qu’il reprendrait la main sur la médiation pour récupérer leur fille. A défaut d’avoir été un mari idéal il se devait au moins de donner à Anabel une éducation et un cadre de vie qui lui convenait ; Rachel n’aurait jamais voulu qu’elle soit élevée par ses parents, bien qu’à force de les côtoyer il avait presque fini par les apprécier. Le fil de leur conversation déviait ensuite vers Alfie que Stephen n’avait pas vraiment pu s’empêcher de mentionner. Le fait que Julie l’ait cité plus tôt l’avait fait tiquer, et dans la mesure où il n’avait pas vraiment su par où commencer … "Désolée, je ne m'y attendais pas." Visiblement la question avait déstabilisée Norah. Cette dernière s’était plaqué la main contre la bouche, ne sachant sûrement pas bien non plus pourquoi il avait fait ça. Elle avait ri nerveusement, et ça Stephen ne le comprenait pas vraiment non plus. "C'était... Il y a quatre ans. Déjà." Commençait-elle après quelques secondes. "Quand il était revenu de son voyage en Afrique et qu'il avait été mis en isolement comme il avait été exposé au virus Ebola. Je revenais à peine de mon congé de maternité qu'on m'a envoyée là-bas en remplacement. En quelques jours il avait déjà réussi à mettre à bout l'ensemble de l'équipe qui s'occupait de lui. Il était intenable, et apparemment, moi, je savais très bien gérer ce genre de patients là. Je t'épargne les noms d'oiseaux que les collègues avaient utilisé pour le décrire." Un rire lui échappait, et par mimétisme le brun avait fait de même. Il n’avait aucun mal à imaginer Alfie telle qu’elle le décrivait. Il avait ce caractère unique qui faisait de lui une personne parfaitement insupportable pour quiconque ne se donnant pas la peine de voir plus loin. "Et après ça, on m'a demandée de rester tant qu'il était encore hospitalisé, alors on se voyait quasiment tous les jours. Disons que j'ai trouvé les bons moyens pour le canaliser. Et quand il a compris qu'il ne pourrait pas se débarrasser de moi durant son hospitalisation, le courant a fini par bien passer." Elle avait sûrement de la ressource, Norah. D’aussi loin qu’il s’en souvienne Alfie ne semblait pas être du genre à se laisser faire si docilement lorsqu’il était question d’être alité et de ne pas trop s’activer. "Et il semblerait que ça ait marqué les esprits, parce que je me suis retrouvée à m'occuper de lui plus d'une fois." Ce qui là encore n’avait pas grand-chose d’étonnant de son point de vue. Il ne faisait pas le décompte –ni n’était tenu informé par Rachel des allées et venues de son cousin à l’hôpital- mais les petits bobos étaient sûrement fréquents. "Nous sommes devenus de bons amis, à... force de se faire hospitaliser." Et quoi Norah était en quelque sorte son infirmière attitrée ? Ce qui expliquait sûrement sa présence à ses côtés lors du décès de Rachel alors qu’il avait été le premier sur place et que ni lui ni Jules n’avaient su venir assez rapidement. « Il a des pass VIP aux urgences, hein ? » qu’il soufflait dans un demi-sourire, avant de faire tourner son verre entre ses mains pour l’écouter poursuivre. "Il... Il a été là après que Frank..." l’infirmière n’arrivait pas à poursuivre, et quelque part pas besoin d’en dire plus. "A sa propre manière, ... En restant qui il est. Il fait partie de cette toute petite poignée de personnes qui ont permis à ce que je tienne bon. Avec mon frère jumeau et l'ancien co-équipier de Frank." D’accord. Silencieusement, Stephen hochait la tête en tâchant de s’imaginer ce qu’était la vie de l’infirmière à cette époque ; et il n’avait pas vraiment eu de mal à le faire étant déjà passé par là. "Ce n'est pas la façon la plus classique qu'ont deux personnes pour se rencontrer, mais... Ça me convient comme c'est. Et maintenant lui se vante largement d'avoir une infirmière attitrée dès qu'il met le pied à l'hôpital." Un demi sourire lui naissait au coin des lèvres avec amusement. « Je pense pas qu’il y ait une bonne façon de tisser une amitié, mais c’est vraiment quelqu’un de bien. » Non pas que Norah puisse en douter ou que son avis comptait mais il se devait de préciser. « … même si pour le coup je suppose qu’on espère tous qu’il passe le moins de temps possible là bas. » qu’il ajoutait dans un petit rire ou du moins, il l’imaginait. Stephen n’avait jamais su comment pouvait faire Jules pour demeurer si calme face aux appels plus ou moins réguliers d’un Alfie aux urgences entre points de suture et autres petits bobos plus ou moins graves ; une énigme puisqu’à sa place, il aurait frisé l’AVC. « T’as l’air de passer pas mal de temps à l’hôpital ceci dit. » En fait il n’en savait rien, mais sûrement qu’une infirmière devait enchaîner les horaires compliqués ; plus compliqués que ne l’étaient ceux des kinés du moins.
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| | | | (#)Jeu 1 Aoû 2019 - 21:16 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
L'entraide s'était instaurée presque de manière naturelle entre eux. Cela avait commencé par proposer de garder les petits, mais l'on pouvait deviner que les services rendus pouvaient être au-delà de cela. Même si Norah ne voudrait pas qu'il devienne complètement marteau en s'occupant d'Aidan. Parce qu'il était vif, il fallait arriver à le suivre. Norah reconnaissait qu'elle ne cherchait pas vraiment à l'arrêter. Il était comme ça et l'acceptait ainsi, même s'il lui avait donné plus d'une fois quelques sueurs froides. Quand Alfie avait fait sa connaissance, il le poussait dans la voie sans s'en sentir désolé. Il était l'exemple incarné de ce qu'Aidan pourrait devenir avec son hyperactivité. Stephen avouait ne pas avoir la garder de la petite, qui était finalement revenue aux grands-parents d'Anabel. Rien de foncièrement surprenant, en soi, Stephen étant le beau-père de l'enfant par alliance. Norah en était triste pour lui, car il semblait s'être profondément attaché à la fille de Rachel et ne cachait pas l'envie de l'avoir un peu plus avec elle, peut-être même d'en avoir la responsabilité totale. "Je l'espère pour toi, en tout cas." Car malgré eux, ces petites boules d'amour aidaient énormément pour le processus de deuil. Du moins, l'infirmière avait parfaitement conscience que sans Julie et Aidan, elle n'aurait pas fait long feu. Elle l'admettait et l'avait déjà confié à Anwar et Caelan – et ça ne les avait pas vraiment rassuré, à dire vrai. "Si avoir une voisine infirmière peut aider à convaincre ceux qui décident, tu pourras ajouter l'argument à ta liste." dit-elle avec une pointe d'amusement. Mais c'était vrai. Toujours utilie pour soigner les bobos quand on ne sait pas trop s'y prendre. "Et même si je peux aider pour quelque chose d'autres, n'hésite pas." Alfie lui aurait certainement vanté ses pâtisseries s'il était là. D'ailleurs, en parlant du loup, le kiné était curieux de connaître les circonstances de leur rencontre. Et il fallait reconnaître qu'elle était loin d'être des plus usuelles. Mais Norah aimait bien, elle n'en changerait rien si on le lui demandait. Cela ne l'empêchait pas d'être assez surprise que Stephen s'y intéresse. Elle n'avait rien à lui cacher alors elle le lui racontait avec une franchise qu'on lui connaissait bien. La belle brune laissait même échapper un rire quand il rebondissait sur ses nombreux passages aux urgences. "C'est exactement ça." lui répondit-elle. "Et il se croit véritablement VIP. Un véritable privilégié." Du moins, il en jouait largement et Norah s'en amusait tout autant. "A force, je peux certifier que je connais son dossier médical par coeur." Et même son carnet de vaccinations. Norah gardait même en tête les dates où il devrait faire les rappels et savait bien que lui faire un petit mémo des dates lui serait plus qu'utile. "Quand il y rapprochement entre un soignant et un patient, c'est jamais bien vu." Stephen devait en connaître un rayon, à moins qu'il n'ait jamais travaillé dans une institution. "Certaines des collègues aux urgences sont quasi persuadées qu'on finira ensemble, c'est dire." Elle riait nerveusement, tellement c'était ridicule. Il était pris, elle peinait encore avec son propre deuil, ils étaient amis. Ni plus, ni moins. "Mais tu as raison, c'est vraiment quelqu'un de bien." Qu'importe son passif. Le problème, dans les hôpitaux, étaient qu'à un moment donné, il était difficile de ne pas faire preuve de jugement face aux patients accueillis. C'est pourquoi pour certains, un toxicomane, même sevré depuis vingt ans, restait un toxicomane. Les clichés avaient la peau dure et par conséquent les attitudes et les interactions différaient d'une personne n'ayant jamais touché à la drogue. Joanne ne s'attardait pas sur ça, elle était la dernière personne à juger. Elle était plutôt du style : ils fument ? Ils boivent ? Ils se droguent ? Grand bien leur fasse, tant qu'ils assument derrière. Norah n'aimait pas faire la morale au moins tout autant que quand on venait lui faire la morale. "Aussi étrange que ça puisse paraître, on se sent plus à l'aise quand j'ai la blouse sur le dos que quand on se voit en dehors de l'hôpital." reconnut-elle. "Enfin, c'est comme ça que je le ressens en tout cas." Elle ne mettrait pas sa main à couper que c'était pleinement partagé, mais Alfie semblait aussi un petit peu mal à l'aise durant ces moments-là, même si cela avait tendance à s'estomper au fur et à mesure qu'ils se voyaient en dehors des urgences. "On peut espérer autant qu'on le peut, je pense qu'il trouvera toujours moyen d'y retourner. Si ce n'est pas pour des points de suture, c'est pour avoir un de mes muffins. Toutes les excuses sont bonnes à prendre. Mais je reste admirative de la façon dont il raconte ses aventures." s'amusa-t-elle à dire. Il avait ce talent d'enjoliver ses histoires d'une façon bien à lui. Alfie était un charmeur, il savait utiliser les bons mots, savait comment faire sourire. Son rire était contagieux, tout comme sa bonne humeur. "Il le faut bien." répondit-elle à Stephen, quand il constatait qu'elle passait bien trop de temps sur son lieu de travail. "Il y a toujours des arrêts, des démissions, enfin bref... Toujours des gens à remplacer. Aux urgences, le plus souvent." Elle haussait les épaules. Les heures supplémentaires faisiaent partie de son quotidien désormais. C'était devenu une normalité. Mais la dernière fois où Norah avait eu véritablement le temps de prendre soin d'elle remontait à bien avant le décès de Frank. Elle offrit à Stephen un sourire rassurant. "Je touche une pension, après que Frank soit parti. Mais je garde une bonne partie de l'argent pour quand les petits se lanceront dans leurs études. Je veux pas qu'ils commencent leur vie d'adulte avec une dette sur le dos." Alors oui, il fallait se serrer la ceinture, il fallait faire des concessions et pas mal d'heures supplémentaires, mais Norah s'était rapidement faite à ce rythme de vie là, bien qu'Anwar avait certainement du crier victoire intérieurement le jour où elle avait admis qu'elle aurait bien besoin d'une bonne semaine sans avoir qui que ce soit à charge. Se vider la tête, tout simplement. "J'ai la chance d'être tombée sur une nounou extrêmement flexible en terme d'horaires et que mes enfants ont chacun un parrain qui ferait n'importe quoi pour les garder un peu." Oui, Norah était bien entourée, elle s'avouait chanceuse. Même si elle n'aimait pas vraiment demander service. Et hors de question d'admettre qu'elle commençait à vraiment s'épuiser et qu'elle peinait à lâcher prise, à laisser un peu de lest. Elle n'avait pas peur pour les enfants, elle avait surtout peur de ce qu'il adviendrait d'elle. Cherchant la réponse sur la surface du vin qui se trouvait dans son verre. "C'est un sacré challenge, d'être parent célibataire." dit-elle afin de tenter de relativiser sa situation. "Si tu obtiens la garde d'Anabel, j'aurai sûrement deux-trois conseils à te donner." Norah plaisantait. Bien qu'elle ne connaissait Stephen que très peu, elle ne mettait pas en doute ses capacités à être parent. Il se faisait déjà beaucoup de soucis pour la petite, il s'y était déjà attaché. "Vous êtes proches, Alfie et toi ? Enfin... Vous vous connaissez depuis longtemps ?" lui demanda-t-elle. La disparition de Rachel les avait certainement rapproché. Elle savait qu'Alfie avait un lien de parenté avec la femme de Stephen, mais parler des personnes décédées ne faisait pas partie des sujets qu'ils abordaient régulièrement ensemble. Et quand ça arrivait, ils en effleuraient que la surface, bien conscients que le sujet était encore trop sensible. Sans pouvoir se l'expliquer, le fait que Stephen et elle partagent le même traumatisme rendait le sujet plus facile à partager. "Tu devrais venir un jour, avec Anabel." finit-elle par suggérer, l'idée venant de nulle part. "On pourrait faire... une sorte de crémaillère, une fête des voisins très privée, quelque chose du genre. Je mentirai si je disais que je n'étais pas plutôt douée pour la pâtisserie, même Alfie peut en témoigner. Mais je me dis que... Ca serait chouette. Ne serait-ce que pour se changer les idées et mettre de côté tout ce qui peut nous tracasser en ce moment." Norah l'avait bien vu, qu'il n'était pas sous son meilleur jour. Le jour où ils avaient discuté au cimetière non plus, cela dit. Mais cette fois-ci, c'était différent. "Et tu m'as l'air plutôt tracassé." Norah ne l'obligeait pas à la confession, loin de là. "Je suis prête à parier que tes traits fatigués ne sont pas seulement dus à la journée que tu viens de passer au boulot." Norah avait le sourire plutôt compatissant même. Les cernes qu'il avait, elle avait les mêmes, mais pas pour les mêmes raisons.
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| | | | (#)Sam 17 Aoû 2019 - 11:15 | |
| Stephen manœuvrait du mieux qu'il le pouvait pour obtenir la garde entière et définitive d'Anabel, mettant de côté sa fierté et parfois ses principes d'éducation pour s'attirer la considération de ses anciens beaux parents. Il ne se cachait plus vraiment, osant formuler ses buts comme il venait de le faire en avouant à Norah qu'il ne perdait pas espoir, et lorsque cette dernière lui répondait " Je l'espère pour toi, en tout cas.", il lui offrait un demi-sourire. Elle comprenait sans doute sa position, elle aussi devait composer en tant que parent solo depuis le décès de Frank. Ce qui n'avait rien d'évident, ni pour les enfants, ni pour personne. " Si avoir une voisine infirmière peut aider à convaincre ceux qui décident, tu pourras ajouter l'argument à ta liste." ajoutait elle avec une pointe d'amusement, comme pour dénouer une sorte de tension qui s'était instaurée d'elle même dans la mécanique bien trop complexe de son esprit névrosé. " Une infirmière et un kiné à domicile ou presque ... c'est parfait pour une enfant de six ans hyperactive et fan de motocoss." qu'il soufflait sur le même ton, avant d'écouter la brune conclure avec plus de sérieux : " Et même si je peux aider pour quelque chose d'autres, n'hésite pas." C'était noté. Stephen hochait la tête en lui glissant un coup d'oeil, soufflant à son tour que : " La réciproque est vraie elle aussi." ne serait ce que pour marquer d'une pierre blanche cette relation de voisinage à venir. Plus rapidement qu'il ne le pensait du moins. D'ici quelques jours il poserait ses valises et son cœur en miettes au #78, soit à quelques encablures de là. L'idée de savoir qu'il y avait quelqu'un à proximité sur qui il pouvait compter et qu'il commençait à apprécier le rassurait toutefois. Norah avait vraiment l'air d'être une quelqu'un de bien, et quand bien même, si elle avait tissé un lien avec Alfie ... ce devait être le cas. Ce n'était pas tant que Stephen ait une confiance aveugle en l'anthropologue question relations sociales, mais de façon générale s'il avait laissée l'infirmière être présente à ses côtés lors du décès de cette cousine qu'il aimait tant en l'absence d'Anabel ou de Jules, c'est qu'elle l'avait touché, et pour lui c'était suffisant. Rachel avait beau être aussi proche que possible de son cousin, et le lien qui unissait les deux hommes de sa vie avait beau s'être considérablement renforcé depuis la disparition de cette dernière, ils n'en étaient pas moins restés jusqu'à présent au cadre familial, et bien qu'il ne connaisse pas l'intégralité des ami(e)s du Maslow sur le bout des doigts, cette Norah l'intriguait, et il s'était risqué à quelques questions auxquelles la brune répondait sans se départir de son sourire. " C'est exactement ça. Et il se croit véritablement VIP. Un véritable privilégié." Imaginer Alfie aux urgences lui avait toujours filé des sueurs froides ; pas tant que son instinct de kiné prenait le dessus (ou peut être un peu) mais c'était davantage le papa poule qui se manifestait en voyant déjà sa petite suivre le même sillage que son parrain. Anabel lui ressemblait beaucoup de part son côté intrépide et entêté, et quelque part c'était comme si le brun savait déjà que la petite serait ce genre d'esprit libre casse-cou à l'adolescence. Il n'était pas prêt, pas prêt du tout. " A force, je peux certifier que je connais son dossier médical par coeur." C'est qu'il devait donc y passer plus de temps qu'il ne l'imaginait. Ou alors Norah avait bonne mémoire. Par mimétisme un sourire lui échappait, sans qu'il ne sache bien trop pourquoi d'ailleurs. D'ordinaire il aurait certainement froncé les sourcils et arboré la mine du type inquiet (une qu'il faisait à la perfection) en apprenant ces passages récurrents à l'hôpital, mais Alfie avait l'air d'aller bien et ce n'étaient pas ses oignons. " Quand il y rapprochement entre un soignant et un patient, c'est jamais bien vu." Rapprochement ? Le brun ne savait pas trop comment interpréter le rire nerveux qui lui parvenait. Le plus neutre possible il glissait alors un regard à Norah, attendant des précisions qui lui seraient utiles pour ne pas laisser les cellules grises de son cerveau s'activer trop vite. " Certaines des collègues aux urgences sont quasi persuadées qu'on finira ensemble, c'est dire." Oui ? Haussant un sourcil, Stephen n'avait pas pu s'empêcher de commenter, presque trop rapidement : " Des raccourcis sont vites faits quand certaines personnes s'entendent bien." Parce que même s'il n'avait pas les tenants et aboutissants de toute cette histoire il lui était inconcevable que la brune puisse lui avoir conté ces rumeurs sans qu'elles ne relèvent de rien du tout, bien que Norah puisse ne rien savoir de l'amitié qu'il y avait entre Jules et lui. " Mais tu as raison, c'est vraiment quelqu'un de bien." Oui. Cette fois avec bien plus de sérénité, Stephen venait hocher la tête sans juger bon de commenter cette partie puisqu'elle n'avait fait que confirmer des paroles qu'il avait déjà lancées. " Aussi étrange que ça puisse paraître, on se sent plus à l'aise quand j'ai la blouse sur le dos que quand on se voit en dehors de l'hôpital. Enfin, c'est comme ça que je le ressens en tout cas." Sûrement qu'ils avaient tissé leur lien dans ce cadre, qu'aux yeux du Maslow Norah était l'infirmière, l'élue des attelles et de l'arnica ? Il n'en savait rien, et ne souhaitant pas trop laisser place aux interprétations il se contentait vaguement d'avancer : " Je vois. C'est dur de se défaire d'un cadre, j'imagine." En fait il ne voyait pas du tout, ses patients avaient tous la taille de lilliputiens et jouaient aux playmobils, mais peut être qu'il en apprendrait un peu plus sur la brune un jour. Pour le moment il ne forçait pas le destin. " On peut espérer autant qu'on le peut, je pense qu'il trouvera toujours moyen d'y retourner. Si ce n'est pas pour des points de suture, c'est pour avoir un de mes muffins. Toutes les excuses sont bonnes à prendre. Mais je reste admirative de la façon dont il raconte ses aventures." Norah la pâtissière avait donc trouvé une clientèle fidèle en la personne d'Alfie. Se fendant d'un demi sourire, le brun haussait les épaules en songeant vaguement à la discussion qu'ils avaient eu lors de l'anniversaire d'Anabel ... se disant au passage que cette douceur n'avait certainement pas du provenir du même endroit. Et qu'elle ne devait pas être gluten free ou exempte de sucre raffiné. " Ma fille aussi en est admirative. Enfin, tant qu'il ne rentre pas dans les détails, et moi ... ça me fait flipper. Si tu savais comme je prie qu'elle ait pas la même fibre casse cou." Parce que si Rachel avait freiné ses cabrioles en devenant maman, elle n'en avait pas moins toujours été une sorte d'aventurière elle aussi. Et Anabel semblait prendre le même tournant. Par la suite ce fut un constat qui frappait le kiné ; Norah avait l'air de passer énormément de temps à l'hôpital, et si lui aussi ne comptait pas ses heures ... la question du pourquoi lui brûlait les lèvres. " Il le faut bien." Alors ce n'était pas la passion qui guidait les heures supplémentaires. " Il y a toujours des arrêts, des démissions, enfin bref... Toujours des gens à remplacer. Aux urgences, le plus souvent." Stephen avait déjà eu vent du manque d'effectif au St Vincent, sans pour autant se rendre compte qu'une partie du personnel portait sur ses épaules le fardeau des absents. L'infirmière avait beau lui offrir un sourire qu'il interprétait comme une volonté de le rassurer ... il ne pouvait pas pour autant prendre l'information telle qu'elle était. " Je touche une pension, après que Frank soit parti. Mais je garde une bonne partie de l'argent pour quand les petits se lanceront dans leurs études. Je veux pas qu'ils commencent leur vie d'adulte avec une dette sur le dos." Donc elle se privait d'une part d'un salaire qui pourrait l'aider à ne pas passer autant de temps au travail. Les lèvres pincées, le kiné comprenait le geste sans pour autant réussir à s'empêcher de penser qu'elle se tuerait rapidement à la tache à ce rythme. S'enterrer sous le travail n'avait rien de bon, et sur ce point il comprenait. " J'ai la chance d'être tombée sur une nounou extrêmement flexible en terme d'horaires et que mes enfants ont chacun un parrain qui ferait n'importe quoi pour les garder un peu." Esquissant un sourire, le brun ne put s'empêcher de commenter d'un " Et tu cases ou le temps pour toi là dedans ?" tandis qu'elle lui dépeignait une mécanique bien rodée mais qui manquait cruellement de self care. " C'est un sacré challenge, d'être parent célibataire." lançait elle ensuite, comme pour synthétiser ce qu'elle venait de dire plus tôt. " Si tu obtiens la garde d'Anabel, j'aurai sûrement deux-trois conseils à te donner." Le ton était plus neutre, plus léger, et c'est d'un : " Tu sais avec elle aucun des conseils que l'on m'a jamais donné n'a fonctionné réellement." qu'il répondait. Puisque c'était vrai. Anabel était une boule d'énergie que l'infirmière aurait l'occasion de rencontrer tôt ou tard, et qui s'entendrait certainement avec ses petits bouts. La conversation filait bon train, et c'est finalement lorsque Norah lui demandait : " Vous êtes proches, Alfie et toi ? Enfin... Vous vous connaissez depuis longtemps ?" que Stephen eut besoin de quelques secondes. " Euhm. Depuis presque cinq ans. Et ... c'est la famille. On est proches." qu'il soufflait dans un demi sourire. Il se considérait comme chanceux d'avoir encore l'anthropologue dans sa vie, dans celle d'Anabel, de continuer à former pour Rachel une cohésion. C'était ce qu'elle aurait voulu, et le brun avait fini par ressentir une profonde affection envers le cousin de sa femme, le parrain de sa fille, et désormais un ami. Ils avaient tous les deux perdus une personne qui comptait plus que tout, et si parfois un tel traumatisme divisait, dans leur cas ç'avait été l'inverse. Ils étaient restés. Ils étaient tous restés. Alfie, lui, Jules, et la petite tête brune de Rachel gardait un semblant d'équilibre. " Tu devrais venir un jour, avec Anabel." lui proposait d'ailleurs Norah. " On pourrait faire... une sorte de crémaillère, une fête des voisins très privée, quelque chose du genre. Je mentirai si je disais que je n'étais pas plutôt douée pour la pâtisserie, même Alfie peut en témoigner. Mais je me dis que... Ça serait chouette. Ne serait-ce que pour se changer les idées et mettre de côté tout ce qui peut nous tracasser en ce moment." Il hochait la tête, relevant que Norah usait du pluriel pour lui notifier qu'elle avait remarqué que quelque chose n'allait pas. Deux constats s'imposèrent alors : 1) Il était bien piètre comédien et 2) Elle aussi traversait quelques épreuves, visiblement. " Je suis d'accord. Et tu attises ma curiosité avec ces pâtisseries. J'ai droit de demander un panier de muffins à mon arrivée ici ?" qu'il soumettait avec amusement. Il y avait fort à parier que ce serait Anabel qui les dévorerait mais s'il réussissait à lui en grappiller quelques miettes ... " Et tu m'as l'air plutôt tracassé." Plutôt étant en deçà de la réalité, mais le "je viens de me séparer d'avec la mère de mon bébé, bébé n'ayant plus vocation à exister dans les semaines à venir" ne clignotait pas en lettres lumineuses sur son front. " Je suis prête à parier que tes traits fatigués ne sont pas seulement dus à la journée que tu viens de passer au boulot." Touché. Norah avait un sourire compatissant qu'elle semblait ne pas feindre, qui lui était naturel, et c'est sans doute pour cette raison que Stephen s'autorisait à lui répondre. " Ça va, j'ai un peu de mal à passer au dessus de cette rupture mais c'est mieux comme ça." qu'il soufflait, lui apprenant ainsi que le joyeux renouveau dont il parlait quelques semaines plus tôt ne tenait plus. " Mais c'est encore trop frais pour que j'en parle sans me décomposer et j'aime encore à penser que je suis de bonne compagnie." Faux, absolument faux. Stephen n'était pas exactement des plus expressifs ce soir, ni même des plus loquaces ... mais Norah ne semblait pas lui en tenir rigueur. " Mais et toi ? Tu l'as dit. Ce qui nous tracasse." Lui retourner la question était plus facile que de s'épancher sur ses problèmes, et quand bien même il se souciait vraiment des tourments qu'elle évoquait. La brune lui était toujours apparue comme une oreille attentive (bien qu'ils ne se connaissent que depuis peu de temps) et c'était sans doute le bon moment pour lui rendre la pareille.
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| | | | (#)Dim 25 Aoû 2019 - 18:25 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
Il est toujours difficile de s'intégrer dans un quartier où l'on vient juste de débarquer, surtout lorsque l'on gardait malgré tout les oeillères d'un quotidien souvent surchargé. Norah avait déjà croisé quelques uns de ses voisins, sans pour autant se lancer dans de grandes conversations pour faire plus ample connaissance. Des salutations, des sourires, quelques échanges des plus formelles, mais rien de plus. Et il fallait le reconnaître, la jeune femme n'en avait pas eu le coeur jusque là. Elle voyait son déménagement comme un nouveau départ, c'était le cas, mais elle ne se sentait pas capable de prendre l'initiative de toquer à une porte voisine pour discuter. Savoir que Stephen allait bientôt faire partie de son paysage quotidien était particulièrement rassurant. Leur relation allait déjà bien au-delà qu'une simple relation de voisinage, plus sincère et authentique. Alors oui, pour lui, cet intention de s'entraider coûte que coûte était plus qu'évidente. Naturelle, même. Le brun semblait vouloir lui rendre la pareille suite à sa suggestion, un consensus accepté par tous les deux avec un sourire confiant et une pointe de soulagement. Pour Norah, il était un peu étrange qu'ils reviennent sur la raison première pour laquelle ils s'étaient initialement adressés la parole, dans ce cimetière. Le veuvage leur était commun, et c'était aussi le cas de beaucoup d'autres habitants de Brisbane, mais leur fil rouge à eux n'était ni Frank, ni Rachel. Il s'agissait bien d'Alfie, et Stephen était bien curieux de savoir les véritables circonstances de leur rencontre, de cette amitié née d'une relation qui devait être totalement professionnelle à la base. Tout aurait pu s'arrêter là, mais les hospitalisations d'Alfie et ses visites régulières aux urgences avaient tisser un véritable lien entre eux, que Norah peinait à décrire et à verbaliser. Toujours est-il qu'il était devenu un véritable habitué des hôpitaux et par ce biais, une amitié profonde et sincère s'était liée entre eux. A dire vrai, Norah se trouvait particulièrement chanceuse de l'avoir dans sa vie, il était un véritable rayon de soleil. Ses visites lui faisaent toujours plaisir et dépit des raisons qui l'amenait aux urgences, et les collègues du service se faisaient déjà des illusions concernant cette relation soignant-soigné qui sortait définitivement du lot. "Au début, ce genre de remarques me faisait sourire, parce que ça me paraissait juste inconcevable. Mais à la longue, c'est devenu lassant et ça me passe juste par-dessus." Elle haussait les épaules. Peut-être était-ce le fait que les autres envisageaient qu'elle vive une relation amoureuse. Il serait temps, diraient certains. D'autres se montreraient plus compréhensif, n'osant s'imaginer la souffrance ressentie lorsque l'on perdait son mari. Peut-être que sa relation avec Alfie faisait parler parce qu'il était un très bel homme – Norah l'admettait sans sourciller –, un brin charmeur, avec une personnalité solaire. Du moins, c'était l'aura qu'il dégageait et qui gagnait en intensité lorsque l'on connaissait son passif. Il était fou amoureux de Juliana, il ne pouvait pas le cacher, et la brune trouvait cela incroyablement beau de voir qu'un tel amour existait encore. "Tu dois avoir raison." dit-elle concernant le cadre dans lequel leur amitié s'était établie. "Il y a quelques années, je n'aurais jamais pensé que sortir de ce cadre là serait aussi... compliqué." admit-elle, d'un ton laissant deviner qu'elle peinait à l'admettre. "C'est dur à expliquer, mais... Il m'est déjà arrivé de croiser d'anciens patients par hasard en ville. Ca se résume souvent à une discussion très formelle, en prenant quelques nouvelles en passant et ça ne me pose aucun soucis. Avec Alfie, quand on s'est vus pour la première fois en civil, ça nous a fait comme un choc, à tous les deux." Un rire s'échappait en se remémorant ce souvenir. "Et il nous a fallu un certain temps pour s'acclimater et pour qu'on se sente enfin un peu à l'aise." Alors qu'en milieu hospitalier, il n'y avait aucun soucis. Mais depuis, ils avaient bien plus de facilité. "J'ai toujours cette impression de trop me rapprocher de sa sphère privée." Alors qu'ils avaient été là l'un pour l'autre dans les moments les plus difficiles de leur vie. Une ambivalence que Norah ne s'expliquait absolument pas. Elle échangeait un sourire gêné avec Stephen. "Désolée, je ne pensais pas être d'humeur confidente aujourd'hui." dit-elle dans le but de détendre un petit peu l'atmosphère. Fort heureusement, Stephen relançait leur conversation concernant l'influence d'Alfie sur les enfants. "Les filles sont en général bien plus raisonnables que les garçons. Mes enfants en sont la preuve vivante." répondit-elle avec un sourire amusé. "Aidan est plutôt téméraire. Je ne le qualifierai pas de casse-cou non plus, enfin, pas encore. Alfie aimerait beaucoup qu'il se lance dans la voie là." Et il ne s'en cachait pas. "Disons qu'il est très gauche, très maladroit." Mais pas plaintif pour un sou, par contre. Il avait une sacrée résistance à la douleur. "Alfie était très fier de lui quand je lui ai dis qu'il s'était fait une entorse." ajouta-t-elle d'un air amusé. C'était l'un de ces petits instants de légèreté qui ponctuaient ses journées, tout comme quand Anwar venait passer pour boire un verre et profiter de son filleul, ou Caelan, avec qui elle communiquait régulièrement ne serait-ce que pour savoir si tout allait bien. Communiquer tous les jours avec lui était une évidence, depuis toujours. La relation fusionnelle entre deux jumeaux n'était pas une légende, du moins, dans leur cas. Tout comme lui, Stephen semblait se faire beaucoup de soucis sur le quotidien de Norah, à se demander à quel moment de la journée elle s'accordait un peu de temps pour elle. "Il n'y en a pas. Pas vraiment, en tout cas." admit-elle sans détour. "Et c'est peut-être mieux comme ça." L'infirmière passait une main dans sa nuque. "Quoi que c'est un peu mieux qu'avant. Dès que nos emplois du temps le permettent, on va courir ensemble. J'avoue que l'idée d'aller retourner nager aussi est plutôt séduisante. Mais..." Elle secouait négativement la tête. Durant ces instants où elle parvenait à se persuader qu'elle avait besoin de temps pour elle, elle culpabilisait parce qu'elle n'avait pas réalisé certains impératifs, ou le sentiment de solitude et le manque de Frank (à moins que ce ne soit tout simplement un manque certain d'affection), reprenait aisément le dessus. De plus, Norah était quelqu'un de très indépendante. Caelan et Anwar savaient très bien qu'il fallait être assez directif avec elle pour lui demander de décrocher un peu. Ils étaient les premiers à lui dire qu'elle y avait droit, qu'elle le devait même. "J'y arrive pas." finit-elle par reconnaître avec résiliation. Il y avait un blocage, quelque chose qui l'en empêchait, qui ne lui permettait pas de profiter de ces instants comme elle le pourrait. Encore une fois, revenir sur le sujet des enfants lui permettait de faire abstraction de ce qui n'allait pas dans son quotidien. "Les miens sont foncièrement différents et leur éducation est très différente pour l'un et l'autre." dit-elle. "Je ne dis pas que ma manière d'éduquer est parfaite, mais quand je vois Julie, je pense que je ne m'en sors quand même pas trop mal. J'ignore si je pourrais en dire autant quand Aidan aura son âge." Un rire s'échappait de sa bouche. "Mais si Alfie la fait virer dans cette voie-là, elle devrait sûrement bien s'entendre avec Aidan." Raison de plus pour qu'il vienne un jour avec elle à la maison. Idée qui semblait d'autant plus séduire Stephen lorsque Norah mentionnait son talent pour préparer des pâtisseries. "Tu n'auras même pas besoin de demander, ça fait partie du packaging d'accueil du nouveau voisin." dit-elle avec amusement, ravie à l'idée de se mettre à nouveau aux fourneaux. Le fait de prévoir de nouveaux moments pour discuter, partager, la réjouissait beaucoup. Bien qu'ils ne se côtoyaient que depuis très peu de temps, elle se faisait du souci pour Stephen. Elle avait mis le doigt sur un sujet sensible qu'il finissait par verbaliser la rupture avec la personne qui avait fait vibrer son coeur. "Je suis sincèrement désolée." lui dit-elle dans un souffle, l'air navré. Il ne voulait pas trop s'épancher sur le sujet. Peut-être que les faits étaient encore trop récents, que les circonstances de la séparation était difficile. Norah peinait à s'imaginer ce qu'il était en train de ressentir. Il avait réussi à se relancer dans sa vie amoureuse, à passer le cap sans pour autant oublier Rachel. Mais le voilà à nouveau célibataire, et bien peu serein. "Tu es de bonne compagnie, qu'importe comment tu sens." lui assura-t-elle en déposant une main délicate sur son épaule. "Si tu as besoin d'en parler, ne te prive pas." L'on pouvait dire qu'ils se connaissaient à peine, mais pour les premiers points communs qu'ils s'étaient découverts, peut-être que Norah était tout à fait capable de comprendre ce qu'il traversait. Mais pas suffisamment pour se permettre de lui demander ce qu'il s'était passé pour qu'il ait à vivre une rupture. Elle se doutait bien que se remettre en scelle après un événement aussi tragique qu'un veuvage n'était pas évident. S'il devait en parler, ce serait parce qu'il en avait envie et non parce que Norah aurait insisté. Elle n'était pas invasive et elle avait toujours été du genre à faire durer un silence qui motivera son interlocuteur à s'exprimer comme il l'entendait. Une technique plutôt efficace, en général. Alors elle lui laissait le temps, le choix de verbaliser son apparente tristesse. Au lieu de cela, il préférait détourner ce sujet de conversation et de le recentrer sur l'infirmière. Prise de court, elle le regardait quelques secondes, perdue. "C'est... un tout." soupira-t-elle. "Je suis juste un peu fatiguée dernièrement." C'était déjà une étape, qu'elle reconnaisse qu'elle n'était pas au meilleure de sa forme. Caelan et Anwar la connaissaient suffisamment bien pour savoir qu'elle était bien plus proche de l'épuisement que d'un coup de moi que tout le monde pouvait avoir. "Mes proches finissent pas me convaincre que, peut-être, une semaine de vacances sans les enfants, ou autre type de responsabilité ne me ferait pas de mal." Elle fit un sourire nerveux, baissant les yeux. "De le dire à voix haute doit certainement faire de moi une mère indigne." tenta-t-elle de dire de façon ironique, alors qu'elle n'en pensait pas moins. Norah culpabilisait toujours à cette idée. Mais elle reconnaissait. "Ce n'est pas plus mal, d'avoir un quotidien chargé." Au travail, elle devai se focaliser sur ses patients, à la maison, sur ses enfants. Et quand ils étaient au lit, à l'école, Norah gérait la maison, l'administratif, tous les impératifs difficilement réalisables quand Aidan et Julie étaient aux alentours. "Ca évite de penser à d'autres choses." A Frank, notamment. Les pires moments restaient en soirée, avant qu'elle n'aille se coucher. Creusée par un sentiment de solitude qu'elle ne voulait pas combler en dérangeant ses proches pour lui tenir compagnie. Un verre de vin était toujours le bienvenu devant la télé, jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment fatiguée pour qu'elle s'endorme rapidement une fois allongée. "Pour être parfaitement honnête, je ne trouve pas vraiment de... motivation personnelle ? Un projet à moyen ou long terme. Avant, mon objectif, c'était de déménager ici, changer d'air. J'étais persuadée que ça m'aiderait à me projeter, à voir autre chose que l'avenir des enfants. Mais c'est bien eux, mon objectif principal." Stephen, lui, rêvait d'obtenir la garde d'Anabel. Il avait réussi à se lancer dans une relation qui s'est malheureusement terminée et allait être sur le point de déménager. Il devait être doté d'une détermination sans faille pour tenir le cap malgré les obstacles. "J'essaie de me trouver des pistes, quelque chose qui... qui me relancerait. Je sais pas." Avant le décès brutal de Frank, les Lindley avaient des projets plein la tête, mais ils avaient aussitôt disparu. Et Norah avait l'impression de tout devoir reconstruire de zéro. Caelan pensait, à raison, qu'il serait peut-être qu'elle parvienne à envisager de faire sa vie avec quelqu'un d'autre. Il lui avait déjà suggéré vaguement l'idée quelques mois plutôt, sans vouloir la brusquer en quoi que ce soit. "Il y a des jours où, parfois, je me sens... vidée." admit-elle. Cela lui coûtait très cher de le dire à voix haute. "Et durant ces moments là, c'est juste insupportable de se rendre compte qu'on n'arrive pas à avancer alors que le monde, lui, continue de tourner." Elle soupirait. "C'est ce à quoi je pense quand j'ai des jours sans, tu sais. Quand je me retrouve seule. En général, le lendemain, ça va mieux. Ca va, ça vient." Elle haussait les épaules. Norah dédramatisait énormément sa situation et c'est quelque chose qu'elle nierait en bloc si on le lui faisait rendre compte. Son jumeau l'avait fait plus d'une fois déjà, bien qu'il savait que se frotter à l'indépendance et la fierté de sa soeur n'était pas la meilleure idée qui soit, mais un mal qui serait, un jour, ô combien nécessaire.
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| | | | (#)Jeu 5 Sep 2019 - 16:23 | |
| Au fil de leur discussion, Stephen apprenait doucement à connaître Norah, et bien qu'il ne sache pas exactement comment l'expliquer, cette dernière l'apaisait, lui rendait une partie de cette sérénité qui semblait avoir disparu des radars depuis des jours entiers. Elle avait cette sorte de douceur, de bienveillance qui l'amenait loin de la morosité ambiante dans laquelle il se plongeait lui-même depuis que sa rupture avec Leah avait pris le pas sur son quotidien, alors il se laissait guider. Il lui laissait le lead de leur conversation, et découvrait une facette de la vie d'Alfie sur laquelle il n'avait jamais eu l'occasion de se pencher ; ses amitiés. Non pas que ça le concernait forcément, mais Norah s’était montrée présente à un moment particulier et quelque part, il aimait en savoir plus à son sujet. La brune lui confiait qu'ils s’entendaient bien, et qu'elle était la seule à avoir le privilège de pouvoir s'occuper de lui lors de ses passages à l'hôpital ; privilège ou calvaire, au choix. "Au début, ce genre de remarques me faisait sourire, parce que ça me paraissait juste inconcevable. Mais à la longue, c'est devenu lassant et ça me passe juste par-dessus." répondit elle en haussant les épaules, alors qu'il s'imaginait vaguement ce que cela pouvait représenter d’être la cible de sous-entendus de ce type. L'anthropologue était un patient, et si l'on faisait une totale abstraction de toutes les raisons qui s'opposaient farouchement aux fabulations de ses collègues, il était évident que la déontologie désapprouvait totalement. Cela ne voulait pas dire que la jeune maman ne méritait pas d'avoir quelqu'un dans sa vie, mais peut être que ces remarques lancées ci et là signifiaient simplement qu'elle avait passé un cap. Du moins, il n'en savait rien, et ses méninges déjà douloureuses n'étaient plus en mesure de réfléchir convenablement. Se contentant d'un sourire (poli, mais sincère), Stephen l'écoutait plutôt poursuivre avec attention. "Tu dois avoir raison." que concédait d’ailleurs Norah en évoquant les bordures de leur amitié, expliquant ensuite : "Il y a quelques années, je n'aurais jamais pensé que sortir de ce cadre là serait aussi... compliqué." au prix de ce qui semblait être un bel effort. "C'est dur à expliquer, mais... Il m'est déjà arrivé de croiser d'anciens patients par hasard en ville. Ça se résume souvent à une discussion très formelle, en prenant quelques nouvelles en passant et ça ne me pose aucun soucis. Avec Alfie, quand on s'est vus pour la première fois en civil, ça nous a fait comme un choc, à tous les deux." Un rire lui échappait, et comme si ce dernier était communicatif le brun se fendait d'un sourire à son tour, s'imaginant cette scène du mieux qu'il le pouvait. Ce qui n’était pas très concluant vu qu’il était la personne la moins imaginative au monde. "Et il nous a fallu un certain temps pour s'acclimater et pour qu'on se sente enfin un peu à l'aise. J'ai toujours cette impression de trop me rapprocher de sa sphère privée." Stephen n'avait pas vraiment eu le loisir d'observer avec plus d'attention les liens entre Norah et Alfie, mais si ces derniers se composaient d'une amitié sincère ils expliquaient sûrement ce malaise face au passage patient > ami. Alors qu'il s'apprêtait à répondre quelque chose, la brune l'avait comme devancé en concluant dans un sourire gêné : "Désolée, je ne pensais pas être d'humeur confidente aujourd'hui.", une phrase qu'il balayait d'un revers de la main en s'empressant presque aussitôt de souffler "Non non, c'est bien." Bien n'était peut-être pas le terme le plus adéquat, mais il avait été le premier à lui venir à l'esprit. "Je trouve ça bien que vous ayez une amitié qui dépasse les murs de l'hôpital. J'imagine que ça doit être encore un peu compliqué à mettre en place, mais un jour vous réussirez sans doute à passer au-dessus de la barrière de la blouse." Du moins, pas dans le sens espéré par ses collègues, mais la brune comprenait. Sans s'être penché davantage dans les liens qui les liaient, Stephen se contentait de savoir que Norah avait été là pour épauler le brun à faire son deuil, et qu'Alfie ait contribué à la tirer un peu du quotidien qui lui pesait depuis la mort de Frank lui apparaissait comme étant une amitié touchante, qu'importe la façon dont ils se sont connus. Lui confiant ensuite qu'Anabel représentait la fan n°1 du Maslow en ce qui concernait ses prouesses de cascadeur, Stephen fit face à une révélation dont il se serait volontiers passé. "Les filles sont en général bien plus raisonnables que les garçons. Mes enfants en sont la preuve vivante." Ne restait plus qu'à espérer que tous les enfants soient différents. Allez savoir pourquoi il était tout de même persuadé que ce ne serait pas le cas pour sa petite tête brune. "Aidan est plutôt téméraire. Je ne le qualifierai pas de casse-cou non plus, enfin, pas encore. Alfie aimerait beaucoup qu'il se lance dans la voie là. Disons qu'il est très gauche, très maladroit. Il était très fier de lui quand je lui ai dis qu'il s'était fait une entorse." Un demi sourire lui échappait. "Je sais pas comment tu fais pour les laisser vivre. J'ai tellement peur qu'il lui arrive quelque chose que ... je la mets sous cloche. Vraiment." Et Norah pourrait s'en rendre compte rapidement. Stephen était souvent dans les extrêmes lorsqu'il s'agissait de garantir la sécurité optimale de son enfant, et c’était une certitude qu'il en ferait de même lorsque Aidan et Julie passeraient rendre visite à cette future amie qu'ils se feraient sûrement d'ici quelques semaines. Armés de brassards et de jouets en mousse ils ne risqueraient pas la moindre entorse. Pas sous son toit du moins, et si cela pouvait dégager un peu de temps pour Norah, les battements de son cœur pouvaient bien gérer le stress de trois boules d’énergie. L’infirmière lui confiait sans la moindre hésitation qu’ : « Il n'y en a pas. Pas vraiment, en tout cas. » Lorsque le brun s’était risqué à lui demander si elle arrivait à s’occuper d’elle dans toute cette mécanique, et ce constat lui arrachait une grimace. "Et c'est peut-être mieux comme ça." Non ? La brune se passait une main sur la nuque, alors qu’il ne cachait pas vraiment ses sourcils qui se fronçaient. "Quoi que c'est un peu mieux qu'avant. Dès que nos emplois du temps le permettent, on va courir ensemble. J'avoue que l'idée d'aller retourner nager aussi est plutôt séduisante. Mais..." mais elle ne se sentait pas de sortir de sa coquille ? Stephen ne donnait que rarement son avis. Déjà parce qu’il ne se sentait pas d’interférer dans la vie des autres mais aussi puisqu’il ne s’estimait pas d’une grande aide. Il pouvait toutefois percevoir la fragilité apparente de la brune, et demeurait incapable de rester murer dans sa retenue habituelle lorsqu’elle concluait par un « J'y arrive pas » auquel il réagissait avec rapidité. « Tu devrais retourner nager. Tu te viderais la tête et peut être que ça te mettrait le pied à l’étrier pour les prochaines fois. » Un conseil somme toute assez bateau, mais si pour le moment il ne se sentait pas suffisamment proche pour oser lui proposer de lui laisser ses enfants et pour lui lui dire qu’elle méritait d’avoir du temps pour se retrouver avec elle-même, il tentait d’user de la bonne intonation et de montrer qu’il estimait qu’elle se trompait sur toute la ligne, que ce n’était pas mieux comme ça, et que quelque part il pourrait compter sur elle, comme elle semblait le lui proposer en retour en avançant être de bons conseils en ce qui concernait le challenge que représentait Anabel à ses yeux. "Les miens sont foncièrement différents et leur éducation est très différente pour l'un et l'autre. Je ne dis pas que ma manière d'éduquer est parfaite, mais quand je vois Julie, je pense que je ne m'en sors quand même pas trop mal. J'ignore si je pourrais en dire autant quand Aidan aura son âge." Un rire lui échappait, et l’espace d’une seconde Stephen se demandait vaguement ce qu’il aurait pu en être du petit pois s’il avait eu vocation à voir le jour. Une pensée qu’il chassait rapidement en arborant un sourire pour la forme. "Mais si Alfie la fait virer dans cette voie-là, elle devrait sûrement bien s'entendre avec Aidan." Et qu’ils forment un duo de parfaits casse-cou ? « Je crois que je ne serai jamais préparé à l’idée de la voir grandir et d’approcher la phase adolescente avec Alfie pour parrain pour tout dire. » Oh que non. Il voyait gros comme une maison la petite Anabel vouloir parcourir le monde, faire le mur sitôt son seizième anniversaire soufflé, et bien qu’il n’y serait pas avant un long moment Stephen ne se sentait déjà pas de taille. Avoir une présence féminine dans le voisinage l’aiderait sûrement à mieux appréhender ces phases futures (et d’avoir un indic dans le quartier qui le brieferait des potentiels déplacements inhabituels de la fillette étaient un sacré plus) alors si Norah était adepte des pâtisseries elle partait avec des dizaines de points d’avance. "Tu n'auras même pas besoin de demander, ça fait partie du packaging d'accueil du nouveau voisin." lui répondit elle après que le gourmand qu’il était ne se soit risqué à demander si un panier de muffins suivrait son emménagement, et bien qu’il ne soit pas encore dans le déballage intensifs des cartons qui s’accumulaient ci et là le brun se sentait déjà ravi à l’idée de voir Norah débarquer avec ses douceurs. « J’aurais dû emménager ici plus tôt. » qu’il répondait dans un demi sourire qui s’envolait pourtant rapidement. La brune avait mis le doigt sur la cause de l’air fatigué et assombri qui flottait sur ses traits, et plutôt que de tourner autour du pot Stephen avait fini par avouer que Leah et lui n’étaient plus ensemble ; ce qui n’était pas un secret après tout. "Je suis sincèrement désolée." lui lançait-elle dans un souffle qu’il percevait comme étant sincère, et en retour il se contentait de renvoyer l’illusion que tout allait bien. "Tu es de bonne compagnie, qu'importe comment tu sens." Avec douceur elle était venue poser une main contre son épaule, dans un geste naturel qui lui donnait l’impression de ne pas être seul, de ne pas vouloir être seul alors qu’il penser que les choses s’arrangeraient d’elle-même en s’enterrant sous le travail. "Si tu as besoin d'en parler, ne te prive pas." L’ombre d’un sourire lui naissait au coin des lèvres. Il appréciait la sollicitude de Norah, et bien qu’ils ne se connaissent pas depuis très longtemps il lui était reconnaissant de l’aide qu’elle lui portait déjà par le simple fait de comprendre sa position. « Ce sont des choses qui arrivent. Merci de me donner l’impression que j’arrive à donner le change. » qu’il soufflait avec une pointe d’amusement, dans le seul et unique but de faire diversion. Parler de Leah ne l’aiderait pas à avancer, et penser à ce bébé le renverrait dans une noirceur qu’il s’efforçait d’oublier. Après quelques secondes il s’était toutefois laissé aller à quelques mots, mais plutôt que de s’épancher sur son sort il avait choisi de recentrer le dialogue sur l’infirmière. Elle non plus semblait ne pas être au mieux de sa forme, et si à son tour elle laissait planer un silence, il l’attendait sans peine. "C'est... un tout." Commençait-elle dans un soupir. "Je suis juste un peu fatiguée dernièrement." Le « un peu » était sans doute de trop, mais Stephen se gardait bien d’intervenir. "Mes proches finissent par me convaincre que, peut-être, une semaine de vacances sans les enfants, ou autre type de responsabilité ne me ferait pas de mal." Si elle ne le formulait pas, le sourire nerveux qu’elle arborait trahissait sa gêne apparente, et en toute honnêteté il la comprenait, ce genre d’aveu n’avait rien de socialement acceptable même s’il était des plus naturels, mais dans la mesure où Stephen se fichait pas mal des conventions, Norah avait un allié. "De le dire à voix haute doit certainement faire de moi une mère indigne." Nous y voilà. Secouant le menton, le brun réfutait rapidement ces paroles. « Bien sûr que non. La fatigue ça ne s’en va pas avec un peu de bonne volonté, et si tu te sens à bout de forces … tes proches ont raison. Et le reconnaître c’est plus une bonne chose qu’un signe que tu relègues tes enfants au second plan. » A pas grand-chose de lui dire de lâcher du lest Stephen se disait toutefois que de la part du control freak qu’il était ce serait hypocrite, mais il le pensait néanmoins. "Ce n'est pas plus mal, d'avoir un quotidien chargé." Il esquissait un sourire sans joie en retour, son fonctionnement étant similaire au sien. "Ça évite de penser à d'autres choses." « Se noyer sous les tâches en attendant que ça passe, hein ? » Si seulement les choses pouvaient être aussi simples. Pour lui elles ne l’étaient pas, elles ne l’empêchaient pas de cogiter, seulement de fonctionner par la contrainte du planning jusqu’à épuisement. Sans doute était-ce identique pour Norah. "Pour être parfaitement honnête, je ne trouve pas vraiment de... motivation personnelle ? Un projet à moyen ou long terme. Avant, mon objectif, c'était de déménager ici, changer d'air. J'étais persuadée que ça m'aiderait à me projeter, à voir autre chose que l'avenir des enfants. Mais c'est bien eux, mon objectif principal." Stephen hochait la tête, commençant à comprendre où Norah voulait en venir. Du moins il espérait. Elle avait sans doute perdu tous ses repères en perdant son mari, et reconstruire toute une vie faite d’espoirs brisés n’avait rien d’évident. « J'essaie de me trouver des pistes, quelque chose qui... qui me relancerait. Je sais pas » Comme un projet ? Il haussait le sourcil, se rappelant au passage qu’elle venait de lui avouer avoir été au bout de tout ce qu’elle avait timidement entreprit au décès de Frank. "Il y a des jours où, parfois, je me sens... vidée." Après quelques secondes de silence, la brune semblait avouer ces mots sur le bout des lèvres, comme si elle ne les assumait pas. "Et durant ces moments-là, c'est juste insupportable de se rendre compte qu'on n'arrive pas à avancer alors que le monde, lui, continue de tourner. C'est ce à quoi je pense quand j'ai des jours sans, tu sais. Quand je me retrouve seule. En général, le lendemain, ça va mieux. Ça va, ça vient." Mais ce n’était pas la solution. Norah avait beau lui montrer qu’elle était coriace et qu’elle mettait un pied devant l’autre pour tenir contre vents et marées, elle s’oubliait, et ce manque commençait à lui peser. Un peu trop. « Tu m’avais dit que tu recommençais à … sortir. » Stephen ne se perdait pas vraiment dans les explications, l’un et l’autre savaient ce que sortir signifiait. « T’as réessayé ? » Non pas que ça le concernait, mais il se disait que c’était un début pour lui changer les idées et insuffler un semblant de nouvel air dans sa vie. « Mais partir quelques jours et faire quelque chose pour toi sans tes enfants peut aussi être une solution. Et ça ne ferait pas de toi une mauvaise mère, au contraire. » Il essayait de se montrer convaincant, puisqu’il pensait sincèrement ce qu’il disait. Se déconnecter permettait de recharger les batteries, et lui ferait sans doute ouvrir les yeux sur certaines choses qu’elle désirait et d’autres qu’elle pourrait laisser derrière elle. Norah semblait véritablement perdue et bien qu’ils ne se connaissent pas depuis bien longtemps, son histoire et sa façon d’être poussaient le brun à se sortir de sa retenue habituelle et à lui tendre la main.
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| | | | (#)Lun 9 Sep 2019 - 21:44 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
Pour une raison méconnue, l'infirmière s'était dit que l'entourage d'Alfie ne verrait peut-être pas d'un bon oeil son amitié avec elle. Parce que la relation avait bavé au-delà de la relation professionnelle usuelle qu'il y avait dans le monde hospitalier. D'habitude, ça ne l'aurait pas gêné outre mesure et l'avis des autres lui serait bien passé par-dessus la tête. Mais là, c'était différent. Norah restait perturbée par cette relation, si bien que les mots lui manquaient. Et étrangement l'avis de Stephen avait bien plus de valeur qu'elle n'aurait jamais pu l'imaginer. Ils se connaissaient à peine, pourtant, mais la facilité de l'échange avec lui laissait croire qu'ils se côtoyaient depuis toujours. Le kiné ne voyait pas leur amitié d'un mauvais oeil, bien au contraire, il semblait les encourager à poursuivre dans cette voie, malgré ce sentiment étrange qui persistait au fil du temps. "Ca prend des années à se mettre en place pour nous, en tout cas." lui répondit-elle avec un regard légèrement amusé. Il suffisait de se rappeler que, quelques mois plus tôt, lors d'un énième passage aux urgences d'Alfie, un simple contact de la main les avait mis mal à l'aise. Ce n'était pas désagréable, loin de là, au contraire, la belle brune avait apprécié son toucher. Mais ce geste fut particulièrement bref. Comme s'il était inapproprié. "Ca paraît stupide dit comme ça, mais une partie de moi s'était persuadée que tu désapprouverais notre amitié." finit-elle par confesser, suivi d'un rire nerveux. "Je sais même pas pourquoi j'en suis venue à penser ça." C'était injustifié et Stephen n'avait pas de raison de mal percevoir leur amitié. "Tu as de la chance de le compter dans ta famille, en tout cas. On n'en fait pas, deux comme lui." La jeune femme but une gorgée de sa boisson et reposait avec délicatesse le verre à pieds sur la table basse du salon. Norah supposait que son ami faisait partie des parents peut-être un peu trop inquiets pour leur progéniture. Pas que Norah était une mère indigne, à ne pas s'alarmer en voyant ses enfants chuter ou se faire mal. Elle avait suivi une éducation similaire à ce que ses frères et elle avaient eu à l'époque. Gérer les quatre enfants n'était pas de tout repos, surtout quand les trois garçons se chamaillaient à longueur de journée. Des chutes et des hématomes, il y en avait eu, et au final, ça les avait pas mal réussi. Elle était loin d'être laxiste, cela dit. Tout dépendait des moments et des situations, mais Frank et elle étaient même plutôt strictes. Du moins, les règles étaient instaurés et les gamins se devaient de les respecter. Ils connaissaient les limites et savaient les punitions qui en découlaient. Et elle les laisser vivre leurs propres expériences – ça forgeait. "Je ne les laisse pas traîner n'importe où non plus." lui assura-t-elle. "Seulement, je suis dans l'optique qu'un jour ou l'autre, ils seront confrontés à notre monde, alors autant les laisser tester différentes choses. Aidan ne maîtrise pas encore trop les lois de la gravité, cela dit." Non, il ne s'envolera pas en lever les bras en l'air sur la balançoire. "Je veux dire..." Elle lâcha un soupir. "Julie a déjà vécu le pire traumatisme qui soit, à mon sens. Du jour au lendemain, elle n'avait plus de papa. J'ai du lui expliquer, lui faire comprendre qu'elle ne le reverra plus jamais." Durant cet instant, il était difficile de déterminer pour qui c'était le plus compliqué : Norah qui l'expliquait à sa fille, ou Julie, qui devait comprendre l'information qu'on venait de lui transmettre. "Je ne sais pas si c'est une chance ou pas qu'Aidan ne puisse pas ce souvenir de ce jour-là." Il y avait du pour, il y avait du contre. "J'aurais pu, au contraire, vouloir les protéger à tout prix et à limite au maximum les risques de tous les jours, mais non. Le tout décupler au centuple avec la disparition de Frank. Quand je les laisse vivre, comme tu dis, je vois qu'ils s'éclatent, vraiment, chacun à leur propre manière. S'ils tombent et qu'ils se blessent, bien sûr qu'il y aura un moment où je ne serai pas sereine, en me disant qu'ils se sont peut-être cassés quelque chose, que ça pourrait être grave. Mais jusqu'ici, ils se relèvent, pleurent un peu, je fais de la bobologie et je suis une experte en bisou magique, et on repart comme en 40. Je ne les invite pas non plus à poser la main sur le fer à repasser pour comprendre que c'est très chaud, je t'assure." Elle n'était pas sadique non plus. "Tu devrais essayer, une fois. On ira au parc, Anabel et Aidan feront connaissance, et on les laisse s'amuser. Et toi, tu resteras assis avec moi. On les surveillera, et on verra bien ce qu'il se passe si l'un d'eux venait à chuter." Une sorte de petit test qui avait surtout pour but de le rassurer. "Ils sont bien plus solides, ces bouts de choux. Aidan, du haut de ses quatre ans... Je pense que dans les trois quarts des fois où il tombe, il y a ce petit moment où il évalue la situation. Où il se dit est-ce que j'ai mal ? Est-ce que je dois pleurer ?. Parfois, il sanglote parce qu'il s'est fait une sacrée frayeur. Il regarde ensuite ses mains et ses genoux. S'il y a pas de bobo, il se frotte les mains et reprend comme si de rien n'était. S'il sent que ça pique et qu'il y a du sang, mieux vaut aller voir Maman pour être sûr que ce n'est rien." Malgré son hyperactivité et son abonnement aux chutes, Aidan était un gamin facile à vivre, il n'était absolument pas douillet. "Je dis pas que c'est la technique parfaite, hein. Et je ne suis pas assez imbue de ma personne pour te faire des cours en matière d'éducation, chacun a son propre modèle." Tant que ça ne virait pas aux extrêmes. Norah était particulièrement perplexe vis-à-vis des parents qui se plongeaient dans des bouquins sur la psychologie de l'enfant, l'impact de l'éducation. Où il ne fallait pas gronder, pas punir, que tout devait se faire dans la négociation. Ce n'était pas des méthodes qu'elle approuvait. Grand bien faisait aux parents qui se conciliait dans ses méthodes là, mais ce n'était certainement pas une façon de faire que Norah approuvait. "Je veux dire... Si tu as peur pour elle, elle le ressentira automatiquement, elle adaptera ses réactions selon ton attitude et ton inquiétude. J'ai aussi peur pour les miens, mais je ne veux qu'ils aient l'impression de les faire vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Elle apprendra tout aussi bien en faisant quelques chutes. Même adultes, on nous rabâche encore que c'est en faisant des erreurs qu'on apprend. Ca s'applique tout aussi bien aux enfants." Norah ne le jugeait absolument pas. Elle donnait des conseils, des astuces et elle savait que Stephen pensait avant tout au bien-être de sa fille et à s'assurer qu'elle grandisse dans les meilleures conditions. "Et peut-être que ça te ferait un peu de bien aussi de lâcher un peu de leste." L'hôpital qui se fout de la charité. pensait mmédiatement Norah. Elle n'était pas mieux en matière de lâcher prise. Elle était même bien pire, mais sur d'autres tableaux. C'était d'ailleurs un sujet pour lequel le bel homme semblait véritablement inquiet pour l'infirmière. En effet, celle-ci reconnaissait qu'elle ne s'accordait quasiment pas de temps pour elle. Du moins, elle ne se le permettait que depuis très récemment et encore, cela restait à titre très occasionnel. Sans hésiter, Stephen l'invitait à reprendre la nage, en complément de la course à pieds. Elle lui esquissait un sourire triste, se sentant encore incapable de se dire que dès le lendemain, elle enfilerait son maillot de bain pour aller faire un crawl. "Et toi ? Tu fais quoi pour te vider la tête ? Tu fais comment ?" Comment sans culpabiliser, sans se sentir s'effondrer, perdre pied, se noyer dans les abysses. Se donner du temps pour elle était finalement ce qu'il y a de plus terrifiant pour elle. Le tempérament d'Anabel semblait parfois dépasser Stephen, et il ne cachait pas ses appréhension lorsqu'elle deviendra adolescente avec Alfie dans les parages. "Je me doute bien que de l'avoir pour parrain offre de sacrées perspectives." dit-elle en riant. "Finalement, en matière d'éducation, c'est équilibré. Entre toi qui es plus posé, qui privilégie de loin la sécurité, la prudence, et Alfie, qui est hyperactif et qui incite à faire des bêtises... C'est très complémentaire." Elle s'amusait de cette équilibre, mais pourtant c'était vrai. Norah ignorait à quelle fréquence Alfie voyait sa filleule. Dans tous les cas, il avait un excellent contact avec les enfants et Anabel était également entre de bonnes mains, avec Stephen et lui comme éducateurs principaux. Le brun semblait être dans une passe difficile, avec une séparation récente qui semblait le peser. Norah ne voulait pas le forcer à en discuter, mais elle se faisait du soucis pour lui. Il avait déjà bien assez à faire. Il n'était pas vraiment enclin à se lancer dans les détails et préférait recentrer la conversation sur sa future voisine. Sans surprise, ils se rangeaient du côté d'Anwar et de Caelan concernant la semaine de repos que Norah mériterait d'avoir. "Ca reste une réflexion difficile. Un processus compliqué à accepter." admit-elle. L'idée faisait son chemin, mais était bien loin d'être mûr. Encore un peu. Le risque principal était qu'elle craque avant la date de ses vacances. Alors oui, pour le moment, elle préférait se concentrer sur ses tâches quotidiennes et elle acquiesça d'un signe de tête les propos de Stephen. Oui, elle attendait que les mauvais jours passaient. Toujours encline à la confidence, Norah continuait des non-dits qu'elle n'exprimerait pas à n'importe qui. Peut-être à Caelan, à la limite, mais il aurait fallu qu'il lui tire les vers du nez. Norah n'aimait pas se sentir en position de faiblesse, elle l'était pourtant depuis trois ans. Elle ne se trouvait pas de projets, de motivations personnelles qui l'aideraient. Trouver quelque chose. Ou quelqu'un. Stephen s'était risqué dangereusement de lui poser une question délicate dans leur situation. Norah sentait son coeur se serrer, levant les yeux vers lui et l'observant. Son visage était neutre, ses yeux quasi inexpressifs, avant qu'elle ne finisse par secouer négativement la tête, de façon discrète. "Je n'ose pas. Pas vraiment." Elle n'était pourtant pas impressionnér par la gente masculine. Mais sortir. Sortir. "Comment tu as fait ?" lui demanda-t-elle. "Pour passer le cap, pour t'autoriser à... Aimer quelqqu'un d'autre. Parce que je sais que tu aimes toujours Rachel, ce sera quelque chose qui ne s'effacera certainement jamais." Tout comme elle aimerait Frank jusqu'à la fin de ses jours, et au delà. "C'était inattendu ? Comme un flash, une révélation ?" Norah cherchait comme un signe, un élément déclencheur. Elle peinait à croire qu'elle se lèverait un beau matin en se disant qu'elle allait rencontrer quelqu'un pour qui elle ressentirait quelque chose. "Même Julie m'a fait la réflexion un soir, sorti de nulle part. Elle vient me dire qu'elle ne serait pas fâchée si je partais un petit peu, qu'elle ferait attention qu'Aidan ne se casse pas trop la binette, et..." Norah lâchait un rire. Julie était déjà beaucoup trop mature pour son âge. Elle baissait les yeux, émue par les paroles qu'elle allait confesser. "Et après ça, elle m'a dit qu'elle ne serait pas fâchée non plus que je, cite, j'ai un nouveau chéri. Qu'elle ne m'en voudrait pas que je tombe amoureuse de quelqu'un d'autre que son papa." Les lèvres sensiblement pincées, elle levait vers lui des yeux plus brillants qu'à l'accoutumée. "Parce qu'elle a des camarades de classe qui ont des parents séparés ou que sais-je et elle voit des couples se former. Des nouveaux chéris, comme elle aime dire." Et la fillette avait sorti ces mots de nulle part, un soir où elle avait le droit de veiller un petit peu plus tard. Norah regardait la télévision, elle s'était plantée devant sa mère et avait lâché la bombe. L'infirmière était restée sans mot et toute aussi émue que lorsqu'elle partageait cet échange avec Stephen. "Elle a souri et a fini son petit discours en me disant "je pense que Papa serait triste de te voir te voir comme ça. Je pense qu'il serait heureux seulement si toi tu l'es aussi." et elle est partie se coucher comme si c'était la chose la plus naturelle à dire avant d'aller dormir." Elle secouait la tête, toujours éberluée par la façon dont Julie était venue lui en parler. "Je savais qu'elle est déjà très, peut-être trop mature pour son âge, mais je m'attendais à ce qu'elle, elle se sente prête pour passer à autre chose." La preuve la plus concrète qui soit qui montrait combien les enfants encaissaient bien mieux les événements difficiles que la plupart des adultes.
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| | | | (#)Lun 23 Sep 2019 - 14:39 | |
| Stephen ne portait pas de jugement sur l’amitié entre le parrain de sa fille et l’infirmière. Déjà parce que ce n’était pas dans sa nature de se mêler des affaires d’autrui, et ensuite car lui-même avait outrepassé de loin les limites imposées par le corps médical en épousant sa collègue et dentiste il y a trois ans. Alfie et Norah étaient devenus amis au fil de ses passages aux urgences, et comme elle le lui confiait, ce n’était pas tombé d’un coup. Pour lui il n’y avait rien de mal à cela. "Ça prend des années à se mettre en place pour nous, en tout cas." lui répondit-elle avec un amusement auquel il réagissait par un demi-sourire. "Ça paraît stupide dit comme ça, mais une partie de moi s'était persuadée que tu désapprouverais notre amitié." Ah ? Stephen haussait le sourcil, se rappelant par la même que Norah et lui avaient beau se rencontrer depuis des années, cette conversation était encore l’une des seules qu’ils aient tenues. La brune ne le connaissait pas suffisamment pour anticiper ses réactions, mais qu’elle se rassure. Le brun était du genre à laisser ses proches vivre leur vie sans mettre son grain de sel à tout bout de champ ; sa vie étant déjà un drama permanent il n’avait pas suffisamment de force pour se glisser dans les névroses des autres. "Je sais même pas pourquoi j'en suis venue à penser ça." Un rire nerveux la secouait, et presque aussitôt le kiné balayait le malaise ambiant d’un geste du bras. « Non, j’ai pas vraiment l’habitude de juger les choses au premier coup d’œil. Puis je connais Alfie. » Du moins, en partie. « Et on ne se connaît pas encore tout à fait mais … tu m’en aurais pas parlé si jugement il y aurait eu à avoir. Alors vraiment tout va bien. » Et il se gardait bien de le dire, mais d’avoir une amie aux urgences rassurait un poil Stephen quant à la survie de l’anthropologue, mais c’était un autre débat et là encore les allées et venues de son cousin par alliance à l'hôpital ne le concernaient pas. "Tu as de la chance de le compter dans ta famille, en tout cas. On n'en fait pas, deux comme lui." Un point sur lequel ils tombaient d’accord d’entrée de jeu, bien qu’Alfie ne l’ait jamais vraiment ménagé, en témoigne le test auquel il l'avait soumis lorsqu'il avait compris que le kiné et Rachel étaient un couple sérieux. « … et je l’adore mais je pense que le monde se porte bien avec un seul exemplaire. » qu’il soufflait avec amusement, songeant par la même que la relève était assurée avec Anabel et que l’esprit du Maslow avait trouvé un disciple digne de recevoir son enseignement ; au grand désarroi de son père d’adoption, plus controlfreak que parent cool. Chacun dispensait l’éducation qui lui semblait être la plus adaptée au tempérament de son enfant, et probablement que Stephen aurait été moins paranoïaque si la petite tête brune de Rachel avait été moins turbulente, mais ce n’était pas le cas, et comme le lui exposait Norah, tous les parents solo n’avaient pas le même point de vue. "Je ne les laisse pas traîner n'importe où non plus." avait-elle assuré, ce dont il ne doutait pas vraiment. "Seulement, je suis dans l'optique qu'un jour ou l'autre, ils seront confrontés à notre monde, alors autant les laisser tester différentes choses. Aidan ne maîtrise pas encore trop les lois de la gravité, cela dit." Cette remarque lui arrachait un sourire, et bien qu’il se garde de souffler un « j’ai cru comprendre » étant donné la raison de sa présence ici, le kiné la laissait poursuivre. "Je veux dire... Julie a déjà vécu le pire traumatisme qui soit, à mon sens. Du jour au lendemain, elle n'avait plus de papa. J'ai du lui expliquer, lui faire comprendre qu'elle ne le reverra plus jamais." Oh. Stephen hochait doucement la tête, se replongeant malgré lui dans sa propre expérience. Il voyait exactement où Norah voulait en venir, et bien que lui ait réagit en couvant Anabel à l’extrême, le brun comprenait que l’infirmière ait procédé différemment. "Je ne sais pas si c'est une chance ou pas qu'Aidan ne puisse pas ce souvenir de ce jour-là. J'aurais pu, au contraire, vouloir les protéger à tout prix et à limite au maximum les risques de tous les jours, mais non. Le tout décupler au centuple avec la disparition de Frank. Quand je les laisse vivre, comme tu dis, je vois qu'ils s'éclatent, vraiment, chacun à leur propre manière. S'ils tombent et qu'ils se blessent, bien sûr qu'il y aura un moment où je ne serai pas sereine, en me disant qu'ils se sont peut-être cassés quelque chose, que ça pourrait être grave. Mais jusqu'ici, ils se relèvent, pleurent un peu, je fais de la bobologie et je suis une experte en bisou magique, et on repart comme en 40. Je ne les invite pas non plus à poser la main sur le fer à repasser pour comprendre que c'est très chaud, je t'assure." Oula, oui, heureusement. Tandis qu’il faisait tourner son verre entre ses doigts, Stephen cédait à un petit rire, avant de laisser planer quelques secondes puis d’ajouter avec un peu plus de gravité : « Tu sais je pense que ça demande beaucoup de courage de réussir à les laisser faire. » Un courage qu’il ne se trouvait pas. Lorsque Rachel est partie, Stephen avait littéralement placé Anabel sous une cloche. Il l’avait couvée, coupée du monde, s’était enfermé avec elle durant des semaines, et hors mis sa mère qui se risquait à le confronter et Jules qui passait une tête à la maison parfois, le brun avait tissé un lien trop fusionnel avec son enfant. Aujourd’hui il s’était apaisé, et c’était sans doute pour cela que les paroles de Norah arrivaient à lui parvenir. La jeune maman avait fait preuve de bien plus d’objectivité que lui. "Tu devrais essayer, une fois. On ira au parc, Anabel et Aidan feront connaissance, et on les laisse s'amuser. Et toi, tu resteras assis avec moi. On les surveillera, et on verra bien ce qu'il se passe si l'un d'eux venait à chuter." Stephen aurait pu trouver ça amusement que Norah souligne le fait qu’il doive rester assis, en bon control freak qu’il était, mais pour le coup cette expérience sonnait un peu comme une mise à l’épreuve et il y avait de fortes chances que la gamine se retrouve affublée d’une paire de genouillères. "Ils sont bien plus solides, ces bouts de choux. Aidan, du haut de ses quatre ans... Je pense que dans les trois quarts des fois où il tombe, il y a ce petit moment où il évalue la situation. Où il se dit est-ce que j'ai mal ? Est-ce que je dois pleurer ? Parfois, il sanglote parce qu'il s'est fait une sacrée frayeur. Il regarde ensuite ses mains et ses genoux. S'il y a pas de bobo, il se frotte les mains et reprend comme si de rien n'était. S'il sent que ça pique et qu'il y a du sang, mieux vaut aller voir Maman pour être sûr que ce n'est rien." Stephen comprenait parfaitement le point de vue de Norah et lui donnait raison ; les enfants devaient se faire leur propre expérience, ne serait-ce que pour se développer convenablement, mais en bon praticien qu’il était, le « faites ce que je dis pas ce que je fais » était de rigueur avec lui. "Je dis pas que c'est la technique parfaite, hein. Et je ne suis pas assez imbue de ma personne pour te faire des cours en matière d'éducation, chacun a son propre modèle." Et qui sait peut être seraient ils complémentaires et que leurs enfants respectifs se retrouveront régulièrement. Que ce soit chez lui pour regarder le Roi Lion dans un salon à la sécurité optimale où chez l’infirmière pour jouer au ballon dans le jardin. « On essaiera. Et … j’aime assez l’idée d’avoir accès à tes principes d’éducation. Quand elle est arrivée dans ma vie Anabel avait trois ans, et Rachel gérait tout. Depuis deux ans c’est un peu chaotique alors j’imagine que partager avec un parent dans la même situation que moi ça ne peut qu’aider. » Parce que Stephen était incroyablement têtu en général, mais qu’il ne se montrait jamais contre l’idée de se remettre en question, d’autant plus que Norah lui semblait être suffisamment posée et réfléchie. "Je veux dire... Si tu as peur pour elle, elle le ressentira automatiquement, elle adaptera ses réactions selon ton attitude et ton inquiétude. J'ai aussi peur pour les miens, mais je ne veux qu'ils aient l'impression de les faire vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Elle apprendra tout aussi bien en faisant quelques chutes. Même adultes, on nous rabâche encore que c'est en faisant des erreurs qu'on apprend. Ca s'applique tout aussi bien aux enfants." Stephen esquissait un sourire, se rendant compte que la brune l’avait mieux cerné en quelques heures que d’autres qui le côtoyaient depuis des années. Touché. "Et peut-être que ça te ferait un peu de bien aussi de lâcher un peu de lest." Oh. Lâcher du lest n’était pas une chose qu’il avait l’habitude de faire, et sur ce coup il n’hésitait pas vraiment à se risquer à un : « J’aurais peur pour elle quoiqu’elle fasse. Mais tu sais que malgré tout je pense vraiment que le laisser aller est une sorte de mythe, quelle que soit la façon dont on éduque nos enfants. » Autrement dit, elle non plus. Norah semblait engager une énergie folle à garantir un équilibre à ses enfants, au point même de se délaisser. Elle finirait par craquer, et bien que son ressenti soit tout à fait arbitraire, Stephen se disait que sa carapace se fendillait. Elle parlait de reprendre le sport, et sans la moindre hésitation le brun lui confiait que c’était une bonne idée pour s’aérer l’esprit ; toujours le faites ce que je dis pas ce que je fais. "Et toi ? Tu fais quoi pour te vider la tête ? Tu fais comment ?" Bonne question. Le brun avait bien des manières de se changer les idées. La première étant de filer voir ses proches ou de se poser toute une après-midi devant un dessin animé avec Anabel ; ce qui n’avait rien de bien valorisant mais qui lui faisait un bien fou. « Je m’entoure de gens qui ne me demandent pas de parler. » qu’il soufflait après quelques secondes de réflexion. Bien qu'en l’occurrence, là, Norah et lui parlaient, mais c'était différent. « Mais chacun son truc, et nager ça permet d’évacuer le stress. J’imagine. » Et il ne pouvait faire que cela puisque le sport et lui formaient deux entités bien distinctes. Le sujet de leur conversation dérivait ensuite vers Anabel dont il confiait craindre qu’elle ne devienne une ado rebelle à l’adolescence ; il avait le temps mais dix ans n’étaient pas suffisants à le préparer à cette épreuve. "Je me doute bien que de l'avoir pour parrain offre de sacrées perspectives." lança Norah en riant. "Finalement, en matière d'éducation, c'est équilibré. Entre toi qui es plus posé, qui privilégie de loin la sécurité, la prudence, et Alfie, qui est hyperactif et qui incite à faire des bêtises... C'est très complémentaire." Ah ça. Depuis que Rachel est partie c’est un équilibre d’apparence précaire et pourtant profondément solide qui s’est instauré entre eux. Entre la distance imposée par les grands parents de la petite, et le duo formé par Stephen et Alfie, Anabel était une enfant ballotée qui grandissait plus vite que prévu mais dont l’insouciance pouvait poindre assez régulièrement. Ce qui n’était pas le cas de son père. Stephen préférait passer sous silence sa rupture avec Leah, se contentant d’annoncer qu’elle existait. Il préférait recentrer la conversation sur Norah qui lui confiait désirer s’échapper une semaine. "Ça reste une réflexion difficile. Un processus compliqué à accepter." Mais visiblement nécessaire à en juger par l’épuisement qu’elle ressentait et lui confiait à demi-mots. Il s’était souvenu que la brune avait évoqué une possible évolution dans sa vie sentimentale, et se risquait donc à lancer ce sujet dont il devinait qu’il était délicat. "Je n'ose pas. Pas vraiment." Une légère grimace lui naissait au coin des lèvres. Passer à autre chose n’avait rien d’évident même si sortir avec quelqu’un ne signifiait pas tourner la page. "Comment tu as fait ?" Stephen relevait le menton, plissant les lèvres. "Pour passer le cap, pour t'autoriser à... Aimer quelqu’un d'autre. Parce que je sais que tu aimes toujours Rachel, ce sera quelque chose qui ne s'effacera certainement jamais." A son sens Norah semblait bloquée, comme prête à voir quelqu’un d’autre sans vraiment l’être, mais le brun ne se sentait pas suffisamment en confiance pour s’accorder du crédit à ce sujet, alors il la laissait poursuivre. "C'était inattendu ? Comme un flash, une révélation ?" Oh. Avec Leah ç’avait été … compliqué. Bien trop. Mais ça en avait valu la peine, et malgré la situation déplorable dans laquelle ils étaient aujourd’hui leur histoire avait eu le mérite de faire changer un Stephen qui avait fermé hermétiquement son âme au monde extérieur. « Je me suis rendu compte que j’avais des sentiments pour elle quand je lui ai dit qu’elle n’avait pas sa place dans ma vie. Parce que je pensais que c’était le cas, mais je l’ai regretté et ça a été une prise de conscience. J’imagine qu’il faut essayer et peut être passer par quelques déceptions avant de se rendre compte qu’on est prêts. Si elle ne m’avait pas quitté à l'époque j’aurais peut-être attendu longtemps avant de savoir ce que je ressentais. » Et maintenant c’était lui qui partait parce qu’il ne voulait pas s’investir dans une grossesse qu’il ne se sentait pas d’assumer ; un fait curieux, mais un autre débat. "Même Julie m'a fait la réflexion un soir, sorti de nulle part. Elle vient me dire qu'elle ne serait pas fâchée si je partais un petit peu, qu'elle ferait attention qu'Aidan ne se casse pas trop la binette, et..." Norah s’interrompait, un rire ponctuant ses paroles empreintes d’émotion. "Et après ça, elle m'a dit qu'elle ne serait pas fâchée non plus que je, cite, j'ai un nouveau chéri. Qu'elle ne m'en voudrait pas que je tombe amoureuse de quelqu'un d'autre que son papa." Oh. L’infirmière relevait le menton, croisant le regard d’un Stephen qui d’ordinaire se serait rapidement échappé à une conversation si personnelle mais qui, dans ces circonstances, le faisait se sentir si concerné. "Parce qu'elle a des camarades de classe qui ont des parents séparés ou que sais-je et elle voit des couples se former. Des nouveaux chéris, comme elle aime dire." Julie semblait être une petite fille qui se sentait profondément investie dans le bien être de sa maman, et sans doute qu’elle devait être le fer de lance de toute cette remise en question qui la secouait récemment. "Elle a souri et a fini son petit discours en me disant "je pense que Papa serait triste de te voir te voir comme ça. Je pense qu'il serait heureux seulement si toi tu l'es aussi." et elle est partie se coucher comme si c'était la chose la plus naturelle à dire avant d'aller dormir." Le brun esquissait un sourire, s’imaginant non sans peine cette scène se tramer dans cette maison pleine de vie. "Je savais qu'elle est déjà très, peut-être trop mature pour son âge, mais je m'attendais à ce qu'elle, elle se sente prête pour passer à autre chose." Stephen laissait quelques secondes planer, s’accordant du temps pour savoir quoi dire. Il était une bonne oreille mais se considérait comme peu efficace lorsqu’il s’agissait de prodiguer des conseils. « Julie t’en parle parce qu’elle doit bien voir que qu’il y a un vide chez toi, et tu l’as dit toi-même, elle est mature et observatrice. » Du moins elle en avait l’air. « Tu devrais te laisser une chance à toi avant d’envisager quoique ce soit. Prendre du temps pour toi et ne pas fermer la porte aux autres. » Plus facile à dire qu’à faire, il le savait mieux que personne, alors sans trop s’attarder sur ce point Stephen s’empressait presque de poursuivre : « Commencer par t’accorder du temps et envisager le monde sous un autre angle ça va forcément t’amener à te sortir de ta coquille, et … je me dis que c’est sûrement un bon début. » Un bon début mais certainement une épreuve plus épineuse qu’il n’y semblait. Norah avait ses deux petits, et ils réclamaient de l’attention, chacun à leur façon. Tourner la page était un processus long, et pas forcément évident. Si Leah n’était pas revenue dans sa vie en février dernier il y avait de fortes chances pour que Stephen en soit encore à se noyer sous le travail et à accepter ponctuellement de sortir pour s’aérer l’esprit. Il ne connaissait pas suffisamment Norah pour savoir ce qu’il en était de ses relations, mais forcer le destin était parfois un bon début.
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| | | | (#)Ven 27 Sep 2019 - 14:05 | |
| HEALING HANDS and you were there for me when I was falling apart had I known how to save a life | |
Norah se demandait d'où pouvait bien venir un tel soulagement lorsqu'elle apprenait que son futur voisin était loin de voir son amitié avec Alfie d'un mauvais oeil. Le fait que la barrière professionnelle ait fini par se céder, que leur amitié s'est établi dans un contexte singulier. Toujours est-il que la plupart de ses appréhensions s'envolait au moment où Stephen partageait ses mots. "Ou peut-être que justement je t'en aurais parlé s'il y avait un jugement à avoir." rétorqua-t-elle avec un oeil pétillant, reprenant quasiment chacun de ses mots. Norah préférait la franchise des personnes, mais tout le monde n'appréciait pas la sienne. Quoi qu'elle était moins crue qu'une partie de ses connaissances, elle pesait un peu plus ses mots quand elle disait ce qu'elle pensait. Pas trop de moindre mesure non plus. Selon les circonstances, peut-être qu'elle était un peu moins délicate qu'à d'autres moments. L'humeur du jour, disons. Norah ne manquait pas de rire quand le kiné lui confessait que le monde ne se porterait pas si bien s'il y en avait deux comme Alfie. "Je pense que ce genre de spécimen est unique. Impossible à décupler." compléta-t-elle. "Pas le patient le plus facile qui soit, qu'on se le dise. Je pense que je suis la seule de l'équipe qui a du le gérer qui a pu trouver même divertissant." C'était totalement différent de ce que l'on pouvait voir au quotidien. "J'ai réussi à le dompter malgré tout." Des techniques un peu trop laxistes par ses supérieurs, elle en avait conscience et elle s'en fichait, de leur avis. Le plus important était qu'Alfie se portait bien désormais. L'un des sujets principaux des conversations entre Norah et Stephen restaient quand même les enfants. Etant chacun un parent à éduquer seule des bambins, ils savaient tous deux combien la tâche était difficile. La responsabilité leur revenait de plein gré et ils ne pouvaient pas forcément faire tout reposer sur les proches qui les aidaient au quotidien. Et puis, l'éducation d'un père ou d'une mère n'était pas semblable à celle d'un grand-père, d'un frère, d'un ami, ou d'un parrain. C'était tout à chacun, des méthodes différentes, des règles différentes à inculquer. Les oncles et tantes avaient plus la réputation d'apprendre toutes les bêtises possibles. Du moins, c'était ce que faisait Caelan et les deux frères aînés de la fratrie Leckie n'était jamais contre faire les fous avec leur neveux et leur nièce. Si Norah avait tendance à quand même lâcher un peu trop de leste, Stephen était au parfait opposé. Afin de garantir la sécurité de la petite Anabel, il restait à l'affût au moindre risque. Il la surprotégeait, même. Si cela semblait être une méthode efficace à ce jour, Norah restait persuadée qu'à terme, ce ne serait absolument pas bénéfique pour la petite. C'était dans son intérêt, mais aussi celui du kiné, qu'elle proposait un petit exercice qui se révélait finalement être un véritable challenge. "Je sais pas s'il s'agit vraiment de courage." répondait-elle avec franchise. Elle ne savait pas ce que c'était, ni d'où ça venait. Peut-être que c'était parce que les parents de Norah étaient de la même trempe et ces méthodes semblaient les convenir et les avaient donc adapté à sa propre sauce. Du moins, ça lui convenait et ça lui semblait juste. Elle poussait un petit peu Stephen au challenge de lâcher un peu prise sur la sécurité de la gamine et elle n'en fut que plus ravie d'apprendre qu'il était partant. "Tu as eu beaucoup à palier, du jour au lendemain." Il a dit se réinventer veuf, mais aussi papa. Un tas de responsabilités à gérer, et qui, à la longue finissaient par peser. "Tout ce qu'un gosse demande, surtout à cet âge, ce sont les limites. Parce que si on ne lui dit pas stop à un moment donné, il continuera, encore et encore." Norah utilisait plusieurs outils, la dernière étant le chantage. Elle détestait y avoir recours, mais il y avait ces quelques situations où il s'agissait de la méthode la plus efficace. "Je ne doute pas qu'Anabel soit maligne et soit déjà en mesure de comprendre tout ça. Je ne serai pas surprise si elle se montrerait un peu hésitante les premières minutes mais je pense qu'Aidan lui fera rapidement comprendre tout ce qu'elle aura le droit de faire." dit-elle avec un petit rire. Norah n'avait jamais eu de mal à partager son mode de pensées, ses façons de faire. Elle savait que certaines de ses méthodes étaient contestables parfois, mais l'avis des autres étaient à ce moment-là le cadet de ses soucis. Stephen, quant à lui, acceptait volontiers d'avoir quelques conseils de la part de son amie. Il semblait même un peu troublé quand la belle brune continuait de parler, d'exposer son opinion suite à l'analyse des faits qu'elle avait déjà pu faire avec le peu de données qu'elle avait. Et apparemment, elle avait vu juste. "Tu auras toujours un peu pour elle. J'aurai toujours peur pour mes propres enfants aussi." Un truc de parents, sûrement. Mais le parent qui ne s'inquiétait pas un tant soit peu pour ses progénitures ne devaient pas être les meilleurs parents qui soient. Du moins, c'était l'avis de Norah. Loin d'être parfaite, son principal défaut à elle était de ne pas s'accorder du temps pour elle. Elle cela finissait par énormément lui coûter. Elle espérait trouver des pistes en consultant Stephen à ce sujet. "Et si un jour l'une de ces personnes te demandent de parler, tu t'éloignes d'elle ?" lui demanda-t-elle sans détour, bien curieuse de voir comment il se comportaient. "Je veux dire... On en parle, là. On en a aussi parlé la dernière fois." A moins que, pour de certaines raisons, l'infirmière était une exception à la règle. "Remarque, je n'aime pas non plus quand on insiste pour que j'en discute, ceux qui sont persuadés que ça me ferait le plus grand bien." Avec ses patients, dans les cas de deuil, Norah ne forçait à rien. Certains préféraient s'isoler, d'autres de l'exprimer de plusieurs façons, d'autres d'être en présence de quelqu'un sans échanger le moindre mot. La présence suffisait. C'était tout à chacun, très singulier et unique. La rupture récente avec la personne qu'il fréquentait ne devait rien arranger, il devait également gérer cette perte là et ne semblait pour le moment pas enclin à en discuter avec elle. Quoi du plus normal, au fond, ils se connaissaient à peine. Mais ça ne les empêchait pas pour autant de parler d'autres blessures, d'autant plus profondes, de ces tracas que l'on n'osait jamais vraiment confier, et le dire à haute voix. Selon le brun, le chemin était plutôt rude. Comme les enfants, il fallait tomber plusieurs fois pour mieux se relever. "C'est le plus dur, finalement." dit Norah après un long moment de silence, alors que l'une de ses mains venait se masser légèrement la nuque. Elle lâchait un soupir. "Et ça me tue de devoir l'admettre." confiait-elle d'un rire nerveux. "Je veux dire, ça a déjà été une sacrée étape pour moi de partir quelques heures avec Alfie pour courir un peu. S'il y avait un premier constat à faire..." Norah lâchait un nouveau soupir. "C'est que j'ai sacrément perdu de la cardio que j'ai pu avoir avant." dit-elle afin d'alléger un peu l'atmosphère. "Plus sérieusement, ça m'a fait du bien." lui assura-t-elle. C'était bien plus facile de dire cela que d'admettre que Norah faisait un véritable blocage sur ce lâché prise que tout le monde lui préconisait. Elle ne voulait certainement pas faire tomber ce mur d'une façon ou d'une autre. Pour elle, c'était impensable. Au fond, il fallait admettre qu'elle était certainement tétanisée de ce qui pourrait bien se passer si elle baissait ces barrières-là. Si son deuil allait lui revenir en pleine face, si elle allait se noyer, ou si, au contraire, elle arriverait enfin à s'entrevoir un quelconque futur pour elle, et pas seulement pour ses enfants. Quitte ou double, et elle n'était pas encore prête à voiir ce qu'il adviendrait d'elle le jour où ça arriverait. "Qu'est-ce qui t'a fait voir le monde sous un autre angle ?" Parce qu'apparemment, Stephen avait déjà franchi cette étape-là. Son verre posé sur la table basse, Norah se laissait tomber en arrière pour se retrouver adosser contre le dossier du canapé. Le regard dans le vide, elle restait longuement silencieuse. "C'est frustrant." dit-elle finalement. "Nos vies ont changé brutalement, du jour au lendemain, il fallait tout revoir, tout retravailler pour que ça rentre dans les clous." Il n'y avait pas de notice, aucun bouquin qui avait pour titre comment survivre après la mort de son mari ?. Norah arrivait à en persuader plus d'un qu'elle gérait la situation, et elle le gérait, mais il y avait des jours où elle avait l'impression de prétendre d'exister. Retirez-lui ses enfants et sa liste de raison de vivre s'amenuisait considérablement. "J'ai cette sensation qu'il y a des choses que je dois réapprendre. Des évidences qui n'en étaient plus, comme... sortir de ma coquille, comme tu dis." Elle souriait nerveusement. Plus d'une personne de son entourage adorerait la voir s'épanouir de nouveau. "J'ai du mal à me projeter. A savoir ce que je ferai, qui je serai, dans deux, cinq, et dix ans." On lui avait posé la question en 2016, elle aurait répondu sans détour. Là, elle répondrait à ces questions en se centrant sur ses enfants. Dans dix ans, Julie sera à l'université, Aidan au collège. Et... voilà. Norah était incapable de dire ce qu'elle pourrait ou voudrait devenir. "C'est vraiment gentil de ta part de... prendre le temps de m'écouter." dit-elle finalement, en tournant sa tête en sa direction, avec une certaine reconnaissance. "Ca te fait faire des heures supp'." ironisa-t-elle. Ils avaient tous les deux des métiers où l'écoute et le relationnel prédominaient. Ils encaissaient tous les jours les mésaventures des autres et il n'y en avait finalement pas tant que ça pour les laisser se décharger de ce qu'ils accumulaient à longueur de journée. "Qui sait, l'avenir me réserve plein de surprises." De belles surprises, si c'était possible.
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