Le regard vide, les yeux embués par les larmes. Mains dans les poches, les yeux rivés vers l'horizon. Tu ne comprends pas ce qu'il s'est passé. Ça fait vingt minutes que tu te trouves là, sur le sommet de Brisbane. Il est tard, dix-huit heures. Aujourd'hui, t'as refusé d'aller au bureau. La nuit dernière est encore trop ancré en toi. Caroline, la plage, l'alcool. Huit ans sans boire une seule goutte d'alcool. Huit ans que tu te bats quotidiennement afin de ne pas retomber dans tes anciens démons. En une soirée, Caroline a tout chamboulé dans ta vie. Depuis des semaines, cette dernière tente par tous les moyens de te faire craquer, elle te fait du rentre dedans. Des semaines que tu te retiens, que tu tiens bon. Tu refuses de rentrer dans son jeu. L'alcool, c'est dangereux pour toi. Pas question de retomber là-dedans, jusqu'à hier soir. Pas très à l'aise d'ordinaire avec les femmes, tu t'es retrouvé nu devant cette jeune femme hier. Les yeux rivés vers le coucher de soleil sur la ville de Brisbane, tu te perds dans tes pensées. Tu n'as aucun souvenir de la soirée d'hier. Tu sais que tu te trouvais sur la plage et que, soudainement, Caroline est apparue de nul part. Elle est sortie de l'eau, trempée du bout des cheveux au bout des orteils. L'eau de l'océan ruisselant sur son corps magnifique à souhait. Tu n'es qu'un idiot Petterson. N'importe quel homme normalement constitué ne pourrait en aucun cas résister à la jeune femme. Sauf toi. En te réveillant tout à l'heure, tu ne savais plus ce qu'il s'était passé hier. Caroline se trouvait à tes côtés, tous les deux presque nus. As-tu couché avec elle ou non ? Aucune idée, tout est flou dans ta tête. La fin de journée est proche, tu as envoyé un message d'alerte rouge à ta cousine. Tu trembles. Le froid ? La peur ? Per de retomber dans l'alcoolisme. Connaissant Freya, elle va encore une fois te secouer et tant mieux, c'est ce qu'il faut. Tu te détestes te voir ainsi mais avec ce qu'il s'est passé hier soir, t'as peur de redevenir ce crétin que tu étais autrefois. Un crétin manipulable à souhait, accro à la boisson. Durant huit ans, tu as tenu bon. T'as gardé le cap en te tenant le plus possible de l'alcool. Tu pensais sérieusement qu'aller dans les bars et boire des cocktails sans alcool était sans risque, ça aurait pu l'être c'était sans compter les viles personnes qui peuplent cette planète. Impatiemment, t'attends l'arrivée de ta cousine. T'aurais pu appeler Matt mais c'est Freya que t'as choisie pour te réconforter. Elle te connait par coeur et c'est ce qu'il faut dire pour te secouer un peu, beaucoup. Matt aussi mais la famille avant toute chose. Tu t'allonge dans l'herbe et ferme les yeux un instant. Étrange, tu n'as pas pensé une seule fois à Anna aujourd'hui. Comme si la présence de Caroline dans ta tête y été pour beaucoup. Serais-tu en train de tourner cette maudite page de ta vie ? Avec les manigances de Maze pour te faire oublier ton ex compagne, ça ne t'étonnerais pas que ça fonctionne. Il reste une dernière chose à faire : te débarrasser de cette maison. Celle qui a vu votre début de couple naitre et qui ne cesse de te la rappeler à chaque instant.
C’est exactement ce qui lui vient en tête quand Freya entend son téléphone biper sur la table. Elle était dans une délicate opération de cuisine, la casserole dans une main, la passoire dans l’autre et de la fumée brûlante qui envahit la cuisine entière. Quand elle s’est levée ce matin, la première chose qu’elle a fait fut de prendre sa journée. Le travail attendra, elle a d’autres projets pour les prochaines vingt quatre heures. Elle se sent pleine d’énergie, débordante de volonté et avec la tête bourrée de plans.
C’est rare de la voir comme ça. Mais ses proches savent que ça peut être assez effrayant quand elle commence comme ça.
Mais Freya, elle s’en fiche, pour l’instant, parce qu’elle a trouvé une nouvelle recette de gratin de pâtes et qu’elle veut absolument essayer. Il est écrit que c’est une recette simple mais elle finit toujours par foirer quelque chose. Ce n’est pas étonnant puisqu’elle fait plusieurs trucs à la fois (le ménage, râler, secouer son frère, écrire dans son calepin, remettre les livres en ordre de taille).
Du coup, l’intervention de son téléphone ne tombe pas à pic. C’est même un moment très critique. Et Freya, elle n’aime pas qu’on l’interrompe dans un tel moment. Son gratin en dépend.
Une fois les pâtes égouttées, elle baisse le feu de la poêle (vivement qu’elle passe à l’électricité un jour), avant de s’essuyer les mains puis d’attraper son téléphone. Elle a un appel manqué (Romy), une notification instagram (Elias, elle ne s’est pas résolue de le défollower, c’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle garde un œil sur ses activités) et deux messages l’attendent. Wren qui prenait des nouvelles après leur petite virée remplie de confidences et Lukà.
Elle fronce des sourcils. Son cousin lui a écrit un simple « SOS, Kangaroo ? ». Bref, succinct mais que Freya comprit immédiatement. Elle regarde la cuisine d’une moue ennuyée – elle va devoir tous laisser en plan. Tant pis, c’est pour la bonne cause. Elle reprendra plus tard. En espérant que son jumeau n'est pas l'idée de picorer dedans.
Quelques minutes après, elle se trouve à pédaler furieusement vers le sommet de Brisbane. Bordel, il n’aurait pas pu choisir plus accessible comme endroit pour la voir ? D’ailleurs, une fois arrivée au point de rendez vous, Freya cherche son cousin du regard avant de le voir, allongé sur l’herbe, les yeux fermés. Elle pose son vélo – presque jeté serait le terme plus exact – avant de se diriger vers lui. Elle lui secoue brièvement la jambe de son pied. « T’es mort ? »
Tu ne savais pas qui appeler. Pas question de déranger Matt, il a déjà tellement fait pour toien six ans. Tu ne veux pas lui imposer cela. Tu ne sais pas, tu ne comprends pas. Caroline t'as eue, elle a réussie à te faire craquer en te faisant boire. T'es perdu, complètement perdu. Durant huit années tu as tout fait pour ne jamais craquer même sous l'insistance de tes amis et hier soir, tu as faibli. Un moment de faiblesse, voilà ce que c'était. Rien qu'un moment de faiblesse. Suite ua travail de Léonie sur toi et Anna, tu t'es sentis vidé, épuisé, à bout de force. Caroline a dû le sentir, elle en a profité pour te faire boire contre ton gré. Enfin non, t'étais d'accord pour boire et pour l'embrasser aussi. Il ne s'agit pas de la première femme que tu as embrassé depuis Anna. Il y a eu Kate, cette femme au bar qui t'as littéralement attiré jusqu'aux toilettes pour t'embrasser. Avec Caroline, c'était différent. Ça fait trop longtemps que l'on ne t'avais pas embrassé comme ça. Pas d'attache, pas de sentiment. Jamais, plus jamais. Assis dans l'herbe, le regard perdu vers l'horizon, tu attends que Freya arrive. C'est elle que tu as appelé à l'aide. Freya c'est ta cousine. Tu as toujours été proche d'elle, elle est comme une soeur pour toi. Tu l'attends. C'est long, trop long. Que fait-elle ? Va-t-elle venir ? Des milliards de questions tournent dans ta tête. Tu relis le message que tu viens de lui envoyer, elle va te tuer mais tant pis. Au moins, ces pensées cesseront de te torturer l'esprit. Caroline, Anna. Ta vie merdique. Des fois, t'as envie de partir loin, très loin. Mais à quoii bon ? Ce n'est pas en quittant la ville que tes problèmes resteront derrière toi. Au contraire, ils seront toujours là, bien ancrée en toi. Rien ne sers de fuir, tu décide donc de rester à Brisbane et d'affronter tes problèmes. Hier, tu as pris rendez-vous avec un agent immobilier. Ta maison sera bientôt en vente, en espérant qu'elle se vende vite et que tu puisses tourner cette maudite page à tout jamais. Tu ne sais pas comment tu pourrais réagir si Anna revenait demain. Tu ne pourrais pas faire comme si de rien était, impossible. Elle fera toujours partie de ta vie, d'autant plus que vous avez un enfant ensemble. T'as toujours les paroles de ta cousine en tête "Anna ne reviendra pas" Ca fait trois ans déjà mais tu ne les oublie pas. Elle tourne encore et encore dans ta tête sans jamais s'arrêter. « T’es mort ? » En parlant du loup, Freya est enfin arrivée. Tu te redresses et lance un -très- faible sourire à ta cousine. "Malheureusement non .." Cette remarque va te valoir une claque sur le sommet du crâne, tant pis, tu t'en remettras. Tu te lève et prend ta cousine dans tes bras. "Jsuis désolé de t'avoir dérangé.. T'as sûrement mieux à faire que d'écouter les jérémiades de ton cousin.." Toujours ce souci perpétuel d'embêter tes proches avec tes problèmes. Une larme coule long de tes joues.
« Malheureusement non. » Effectivement, cette remarque lui fait gagner une claque bien placée derrière son crâne. Imbécile qu’il est. Il n’a pas le même nom, il n’a pas forcément les mêmes gênes qu’eux, mais il a l’art de faire dans le drama tout autant que les Doherty. Il a dû trop traîner avec ses cousins pour en arriver à ce point, visiblement.
Puis Freya roule des yeux tout en croisant les bras. « La dépressive d’la famille, c’est moi, pas question que tu m’piques le rôle. » Elle est sincère parce qu’elle n’apprécie pas de voir son cousin comme ça. La déprime n’est pas quelque chose qu’elle souhaite à quelqu’un, même à son pire ennemi. Même si chez elle, c’est multiplier par cent et qu’elle connaît donc chaque recoin à risque de ce genre de comportement.
Mais Lukà n’est pas autant au bout du rouleau. Il n’en a pas l’air, en tout cas. (Enfin, elle espère surtout ne pas se tromper.)
Freya enlace son cousin à son tour tout en lui embrassant la joue. Le pauvre chéri a l’air dans un sale état. Il a beau avoir des années de plus qu’elle, d’avoir grandi plus sereinement qu’elle et d’avoir un mental médicalement plus équilibré qu’elle, il semblerait que pour une fois, c’est Lukà qui ait besoin d’elle. « Jsuis désolé de t'avoir dérangé. T'as sûrement mieux à faire que d'écouter les jérémiades de ton cousin. » Une nouvelle claque part mais cette fois, sur l’épaule. Elle s’éloigne de lui, air renfrogné sur le visage. « T’es con ou quoi ? J’t’aurai envoyé bouler si j’avais pas voulu t’voir. Tu m’connais. »
Avec Freya, l’expression « pas de nouvelle bonne nouvelle » peut être signe positif.
Elle ne l’a pas prévenu qu’elle venait parce qu’elle a été trop occupée pour… Et bien, pour venir. Doherty lâche son sac sur l’herbe avant de s’étirer les bras. Elle devrait se remettre au sport, un de ces quatre, quand même. Elle entend quelques os claqués et c’est dans un soupir satisfait qu’elle relâche la pression tout en se tournant vers son cousin. « Bon, allez, balance ton problème, Luke. J’suis toute ouïe et vision sur toi. T’sais que j’ai failli foirer mon gratin pour v’nir ici ? Ouais, je sais, Freya derrière les fourneaux, c’est rare mais si t’es gentil, tu pourras ramener ta fraise pour goûter. J’te promets pas de pas ressortir de l’appart les deux pieds devant par contre... » Focus, Freya, focus. Il n’est pas là pour t’entendre raconter tes exploits culinaires, bordel. Si elle commence déjà à se laisser emporter par ses discours sans queue ni tête, cette conversation est vouée à un échec cuisant. Et c’est d’autant plus dramatique pour son cousin qui s’est tourné vers elle pour vider son sac. Et peut-être trouver des réponses à d’éventuelles questions qu’il doit se poser. « Oui, donc ? Sache d’avance qu’y a pas de problème, que des solutions. Tu t’rappelles, hein, Lukà ? »
Décidément, si le jeune homme ne part pas dans le quart d’heure qui suit d’exaspération, ça serait une victoire en soi. Mais Lukà a l’habitude des humeurs de sa cousine. (Enfin, ça aussi, elle espère ne pas se tromper.)
Comme tu t'y attendais, Freya vient te mettre une claque derrière la tête. "Aie ! C'est pas des manières de saluer son cousin préféré !" Plaisantes-tu afin de détendre un peu l'atmosphère. T'es content de voir ta cousine, tu lui souris malgré tout et retourne t'assoir dans l'herbe, le regard vers l'horizon admirant le soleil qui décroit lentement. Les Doherty ne sont pas tes cousins pour rien, tout comme eux, ta vie est rythmée de drames en tout genre. Depuis six ans, tu les enchaine sans jamais pouvoir te reposer. C'est fatiguant à force, t'as envie de lâcher prise mais tu n'en as pas le droit. D'autres ont des problèmes bien plus grave que les tiens, tu n'as pas le droit d'abandonner. C'est pour cela que t'as appelé ta cousine à l'aide. Elle est l'une des seuls à savoir quoi dire et quoi faire pour te bouger, te redonner le moral. « La dépressive d’la famille, c’est moi, pas question que tu m’piques le rôle. » Un rire s'échappe de tes lèvres, t'as bien fait d'appeler ta cousine. Elle a au moins réussie à te faire, ce qui n'était pas gagné. Le but de Freya n'était pas de te faire rire, elle a pris son air le plus sérieux pour te le prouver. Ton rire s'arrête aussi brutalement qu'il est arrivé, tu te redresse et te racle la gorge. "Promis je te laisse ce rôle là cousine !" Tu prend également ton air le plus sérieux. Les câlins, ce n'est pas trop ton truc. Rares sont les fois où tu en distribues et où quelqu'un t'en fais en retour. Avec Freya, ça dépend. Soit vos avez envie de vous prendre à la gorge, soit vous avez envie de vous faire un câlin. Elle t'enlace doucement, tu te sens bien soudainement. Comme apaisé. Elle t'embrasse même sur la joue. "Oh que me vaux ce bisou ? T'as quelque chose à te faire pardonner ?" Tu la taquine la gourgandine, qui aime bien châtie bien. La vie te semble moins pénible depuis que Freya t'as rejoins. La luminosité baisse à mesure que le soleil disparait derrière la colline. « T’es con ou quoi ? J’t’aurai envoyé bouler si j’avais pas voulu t’voir. Tu m’connais. » Yeux levés vers le ciel, tu soupires. Tu n'es pas étonné de la remarque de la demoiselle, c'est du Doherty tout craché. "Moi aussi je t'aime cousine !" Dis-tu pour la taquiner, une fois de plus. C'est souvent toi qui prends des nouvelles de ta cousine, t'es certain qu'elle pourrait rester six mois au moins sans te donner la moindre nouvelle. Ça a le don de t'agacer et en général, tu craque le premier en l'appelant ou lui envoyant un message sur son cellulaire. « Bon, allez, balance ton problème, Luke. J’suis toute ouïe et vision sur toi. T’sais que j’ai failli foirer mon gratin pour v’nir ici ? Ouais, je sais, Freya derrière les fourneaux, c’est rare mais si t’es gentil, tu pourras ramener ta fraise pour goûter. J’te promets pas de pas ressortir de l’appart les deux pieds devant par contre... » Freya ou la fille qui ne mâche pas ses mots. Elle n'est pas ta cousine pour rien, tu ne sais pas cuisiner. Mis à part des pâtes ou du riz, tes repas sont loin d'être diététiques. Merci à maman Petterson de t'emmener quelques plats chaque dimanche soir. C'est la meilleure maman de toute façon. "Woh ! Freya Doherty en cuisine ? T'aurais dû m'appeler, j'aurais voulu voir ça. J'accepte l'invitation, jprends peut-être des risques mais c'est pas grave !" Bon, trève de bavardage. Tu te racle la gorge et plonge ton attention sur ta cousine. "J'ai bu de l'alcool .. ça fait huit ans que j'ai pas bu une goutte et hier soir, il a fallu qu'une jeune femme plutôt canon me fasse les yeux doux pour que je craque. Jsuis qu'un idiot de toute façon !" Lorsque tu es sortie du centre, tu t'étais fait la promesse de ne jamais toucher à une seule goutte d'alcool. Et là, hier soir, tu as craqué et trempé tes lèvres dans un verre d'alcool. Quel idiot tu fais, vraiment !
Il a intérêt. De lui laisser le rôle. Même si ce n'est pas régulier, même si ce n'est pas permanent. Mais la dépression peut se révéler destructif. Aussi bien pour elle que pour les autres. On pourrait croire que ce n'est que se terrer dans son refuge, en général sa chambre, et broyer du noir. Mais c'est plus que ça. Et pire. Vous vous sentez bouffé de l'intérieur, vos boyaux vous criant que vous êtes pourri de l'intérieur. C'est un cercle vicieux et tenir le coup revient toujours de l'exploit, au final.
Mais aujourd'hui, Freya est à des kilomètres de ce genre de sentiments. Au contraire, elle se sent énergique et téméraire, comme si elle peut monter le mont Everest tout en tenant la planète sur ses épaules. Rien ne lui semble impossible et elle a foule d'idées lui traversant l'esprit. Apprendre à jouer de la flûte, peut être ? Ou s'acheter un nouveau vélo ? Démissionner de son travail lui semble être aussi une des meilleures idées qui cogite dans son cerveau. Oh et faire du cheval ! Ça serait bien, ça, de faire du cheval !
Quand Lukà lui demande si elle a quelque chose à se faire pardonner, nouvelle claque derrière la tête. « J'ai rien à m'faire pardonner. J'suis parfaite, un vrai petit ange. Et pi, depuis quand j'peux pas embrasser mon cousin, hein ? »
Parce que Freya, on a beau qu'elle a une carapace blindée et un cœur de glace, mais une grande tendresse envers ses plus proches réussit à l'envahir. Son aîné et son cousin en sont les premiers à en faire les frais. Des petites attentions par ci, des petits gestes par là. Juste de quoi démontrer qu'elle les aime, même quand elle les trouve casse pieds et idiots. Et même si elle ne le dit pas forcément.
Pas comme Lukà vient de le faire à ce moment précis. Mais Freya sourit quand même, parce que même si c'est sous le ton de la rigolade, une petite boutade entre cousins, elle est bien placée pour savoir qu'il le pense sincèrement. Et ça fait toujours plaisir de le reconnaître.
« La prochaine fois, j'me filmerai et j'posterai ça sur insta. Histoire que la planète entière le sache. Jdviendrai ptetre aussi célèbre que... T'sais, la meuf que t'adore et dont t'arrête pas de parler ? Chui sure que j'peux atteindre son niveau. » Oui, Freya a des ailes qui lui ont poussé dans le dos soudainement. Instagrameuse, influenceuse, donneuse de style,... Ça pourrait être fun, ça aussi. (Ton cerveau s'éparpille de nouveau, gamine, keep it focus.)
Quand Lukà lui dévoile enfin la réponse ce meeting improvisé, Freya hurle. Littéralement. Un énorme "WHAT THE FUCK" jailli de ses lèvres. Heureusement que l'après midi s'éteint, qu'ils sont au sommet de la ville et que peu de personnes s'y trouvent actuellement.
Pas que ça aurait changé la réaction de Freya. Mais ça évite une certaine gêne pour son cousin.
Cette dernière n'y croit pas ses oreilles. Lukà, son cousin adoré, celui qui a fait preuve d'une force certaine pour rester sobre après des années de vice, ce même Lukà avait succombé. Pour une fille en plus ?
Elle lui fout une chiquenaude bien placée à la tempe, le genre qui fait bien mal malgré le un millième de seconde de douleur. « Putain mais t'es sérieux là ? Putain de merde, Lukà, t'as déconné grave, là ! » Oh ironie quand tu nous tiens. (T’es pas culottée, quand même, espèce d’hypocrite.)
Mais Freya n'a jamais arrêté. Elle le veut mais sa faiblesse reste là, nichée au cœur de sa poitrine, un appel de détresse dès qu'elle ne l'apaise qu'avec du liquide. Lukà a été l’exemple même qu’il est possible d’arrêter. Il suffit de le vouloir (spoiler : elle n’en a pas envie). Il est un modèle pour ça, une véritable force de caractère, de mental et de droiture.
Alors Freya se met à faire les cent pas, tout en tournant en rond, incapable de rejoindre Lukà sur l’herbe. « Non non non, c’est pas possible que t’es craqué pour une putain de meuf, Luke, c’est impossible ! T’as pas craqué depuis des années et là… Franchement, je sais même pas quoi te dire. » Une main sur la hanche, l’autre sur le front, l’air dépité placardé au visage. « Si toi tu craques, qu’est-ce que ça veut dire pour nous autres, pauvres mortels ? Pour être un idiot, c’est vrai que t’en ai un gros, là, c’est sûr ! »
S’il pense que sa cousine lui aurait passé de la pommade et lui dire que ce n’était qu’un accident, qu’une petite crise de folie, il se trompe sur toute la ligne. A vrai dire, Freya est cruellement déçue de lui. (T’es vraiment qu’une foutue hypocrite.)
À première vue, personne ne pourrait croire que les Doherty sont tes cousins. Toi, t'as la peau légèrement matte alors que Freya et ses frères sont parfaitement blancs. Pourtant, elle fait bien partie de ta famille. T'as quasiment grandie avec elle. Vous vous entendez très bien, ce qui ne vous empêche pas de vous chamailler régulièrement. Rien d'étonnant quand on connait le tempérament de feu de ta cousine. Tu connais le passé et l'histoire de ta cousine, tu sais que ce qu'elle a traversé avec son paternel n'a rien d'évident. Mais elle est forte Freya, et si elle a besoin d'une épaule sur laquelle pleurer, tu seras toujours là pour elle. Toujours. La famille cest sacré pour toi. Freya vient te prendre dans ses bras. Geste pour le moins surprenant venant d'elle mais tu ne vas pas te plaindre de cet élan d'amour de sa part envers toi. « J'ai rien à m'faire pardonner. J'suis parfaite, un vrai petit ange. Et pi, depuis quand j'peux pas embrasser mon cousin, hein ? » Tu manque de t'étouffer lorsqu'elle te dit qu'elle est parfaite. T'as souvent entendu dire que la perfection n'existait pas. "Je vois que t'es toujours aussi modeste cousine ! Ah mais je ne critique pas, je suis simplement surpris par cet élan d'amour !" Tu souris avant de lui tirer la lange. La détresse que tu as ressenti jusqu'à présent semble s'être envolé, comme par magie. À croire que la simple venue de ta cousine a suffit à te redonner le sourire. T'as beau la taquiner en disant qu'elle a un coeur de glace, tu sais très bien que ce n'est pas le cas. Elle n'est pas comme ça Freya. À l'époque, vous formiez un véritable trio avec Wren. Tu n'as rien contre son jumeau mais le feeling passe nettement moins avec ce dernier. « La prochaine fois, j'me filmerai et j'posterai ça sur insta. Histoire que la planète entière le sache. Jdviendrai ptetre aussi célèbre que... T'sais, la meuf que t'adore et dont t'arrête pas de parler ? Chui sure que j'peux atteindre son niveau. » Les répliques sanglantes de ta cousine, tu les adore. Elle est la reine de l'humour au second degré. Mais ce n'est pas pour entendre ces répliques que tu lui as demandé de venir, même si elle a ce don merveilleux de te redonner le sourire en moins de temps qu'il en faut pour le dire. Viens enfin le moment d'avouer ce que tu as fait la veille à ta cousine. Sa réaction ne se fait pas attendre, elle est surprise voire choquée. Honteusement, tu baisses et joues avec tes doigts. « Putain mais t'es sérieux là ? Putain de merde, Lukà, t'as déconné grave, là ! » Tu n'es pas déçu de la réaction de ta cousine, tu t'y attendais. Oui, tu as honte de toi. T'as déconné. Huit années de sobréité. Tout ça par finir par craquer à cause d'une fille ? Cette fille que tu connais à peine et que t'es même pas certain de croiser dans un avenir proche. "Ouais t'as le droit de m'engueuler Fre .." Le ton de ta voix est bas, calme et posé. "Cela dit ça ne reste qu'un verre .." T'essaie de te défendre comme tu peux, tu la connais elle trouvera bien quelque chose à redire face à cette phrase. « Non non non, c’est pas possible que t’es craqué pour une putain de meuf, Luke, c’est impossible ! T’as pas craqué depuis des années et là… Franchement, je sais même pas quoi te dire. » Même elle, elle ne sait pas quoi dire face à ton comportement. Tu fixes le vide en face de toi, t'as envie de te mettre des baffes. « Si toi tu craques, qu’est-ce que ça veut dire pour nous autres, pauvres mortels ? Pour être un idiot, c’est vrai que t’en ai un gros, là, c’est sûr ! » Tu ne peux t'empêcher de sourire en gardant les yeux fixés sur tes pieds. "Tu sais, je suis qu'un mortel moi aussi. Je suis ni un robot, ni un surhomme. Moi aussi j'ai des faiblesses." Le ton de ta voix est toujours calme et posé. Tu ne t'énerve aucunement, t'essaie simplement de lui faire comprendre que toi aussi t'as des faiblesses. Tu ne t'en ai jamais caché d'ailleurs. Tout le monde a des faiblesses, la tienne c'est l'alcool. C'est comme ça. T'as craqué mais rien ne te dis que tu le referas, du moins tu l'espère au fond de toi. Tu ne t'attendais pas à de la compassion de la part de ta cousine. Tu soupire et sors une bouteille d'eau de ta sacoche. "Ce n'est que de l'eau, rassures-toi !" Dis-tu à l'attention de ta chère cousine.
« Cela dit ça ne reste qu'un verre... » Elle s’en fiche, Freya, elle ne veut pas entendre ça. « Tu sais que c’est pas qu’un verre, Lukà ! Je suis bien placée qu’après un verre, ça sera un autre, puis un autre, puis encore et après, t’auras le pif dans la bouteille et t’diras ‘merde, c’était p’t’être le verre en trop’ ! » Franchement, il est pas non plus un type pour rien. Se laisser embringuer par une gonzesse, c’est pas la cerise sur le gâteau. Son cousin qui n’a pas regardé d’autres femmes depuis qu’Anna est partie et cela, malgré les insistances de sa cousine. Pendant des années, elle a essayé de le remettre en selle. Elle avait fini par avoir l’impression qu’il allait redevenir vierge à se braquer comme ça contre l’espèce féminine.
Malgré le déchirement qu’Anna lui a fait subir, Lukà mérite d’être heureux. Il est adorable, il est gentil et il est mignon – après tout, ils partagent du sang en commun, évidemment qu’il a de bons gènes. Elle n’imagine pas ce que c’est d’avoir perdu l’amour de sa vie et son enfant en même temps. Freya a toujours eu quand même cette petite culpabilité de savoir des choses que Lukà ignorait alors que ça le concernait lui. Mais elle n’a toujours voulu que son bien et ne rien lui dire, c’est sa façon à elle de le protéger.
Enfin, ça a marché pendant trois ans. Après, les trois années qui ont suivi, il a essayé, il a posé des questions mais il a buté contre un mur. C’était prévisible et guère surprenant. Les liens de la famille, oui, mais il y a aussi les liens d’amitié. Même si ça l’a foutu dans de beaux draps, quand même.
« Tu sais, je suis qu'un mortel moi aussi. Je suis ni un robot, ni un surhomme. Moi aussi j'ai des faiblesses. » Freya soupire avant de se poser devant son cousin, les mains sur les hanches. « Ça, je sais. Mais ton courage ça a été de la vaincre, ta faiblesse. T’as réussi à l’arrêter, à l’écrabouiller sous ta godasse. » Elle ne veut pas qu’il se trouve d’excuse. Qu’il ne compte pas sur elle pour lui passer de la pommade car il aurait mieux d’appeler quelqu’un d’autre dans ce cas-là.
Lukà sort une bouteille de son sac. « Ce n'est que de l'eau, rassures-toi ! » Elle arque un sourcil ; elle la connaît la technique de la bouteille d’eau sous couverture pour y foutre du rhum ou de la vodka. Alors Freya lui chipe sa bouteille et fourre son nez au dessus du goulot. Bon, il n’a pas menti.
Mais du coup, la jeune femme eut une réaction complètement spontanée. Il allait la détester ? Peut-être. Mais Freya ne se pose pas de question quand elle verse le contenu sur la tête de son cousin. « Parait qu’une douche froide, c’est bon pour les hormones. » Parce que franchement, ce n’est qu’une question d’hormone. Même pour un verre, juste pour un petit verre, les hormones ont parlé.
Quand elle lui disait de reprendre sa vie en main, c’est pas un verre qu’elle pensait y trouver.
« Tu sais que c’est pas qu’un verre, Lukà ! Je suis bien placée qu’après un verre, ça sera un autre, puis un autre, puis encore et après, t’auras le pif dans la bouteille et t’diras ‘merde, c’était p’t’être le verre en trop’ ! » Tu ne pensais pas que Freya le prendrait comme ça en apprenant qu'à cause de Caroline. Freya a raison. En apparence ce n'est qu'un verre mais c'est sûrement le verre qui te fera replonger dans tes anciens démons. Lorsque t'es sortis de ta cure, tu t'es fait la promesse -ainsi qu'à Anna- de ne jamais plus toucher une seule goutte d'alcool. Hier soir, t'es merdé. T'as déconné comme c'est pas possible. T'as bu de l'alcool et t'as même été plus loin : t'as embrassé Caroline en prenant un bain de minuit avec la jeune femme. Ça fait des semaines qu'elle essaie de te faire craquer. Des semaines que la demoiselle tente de te faire boire un seul verre d'alcool ainsi que de récolter un baiser de ta part. En soit, avoir pris un bain de minuit avec elle et l'avoir embrassé ne te dérange pas, mais ce verre ne cesse de te hanter. "Je suppose que t'aurais préféré entendre que j'avais embrassé une fille plutôt que j'ai pris un verre d'alcool .." Freya t'as vu au plus mal durant ces six dernières années, elle t'as vu plus bas que terre. Alors oui, elle ne pourrait que se réjouir pour toi de savoir que t'es capable d'encore plaire à une femme. "Mais t'as raison, j'aurais jamais dû accepter ce verre .. Tu m'connais, tu sais que jsuis influençable comme mec .." Moins que ces dernières années certes, mais ça reste l'un de tes principaux traits de caractère. Tu ne pourras jamais t'en défaire, c'est ainsi. Il faut te rendre à l'évidence. « Ça, je sais. Mais ton courage ça a été de la vaincre, ta faiblesse. T’as réussi à l’arrêter, à l’écrabouiller sous ta godasse. » A l'entente des mots de ta cousine, tu te sens tellement coupable de ce que tu as fait. Freya a raison, t'as réussie à vaincre ta faiblesse. T'as réussis à en venir à bout. Huit ans d'abstinence, huit ans de sobriété réduite à néant en une nuit. Tout ça à cause de ta putain de volonté. T'as envie de te donner des baffes d'avoir replongé si rapidement. "Mais regarde je vais bien. Oui j'ai bu hier soir, c'était une connerie monumentale de le faire. Je le sais. Je ne le ferais plus." Mieux vaut ne pas jurer cette fois, c'est mieux. Au moins, tu ne décevras personne. Anna serait fière de toi de savoir que t'es sobre depuis huit ans, presque dix ans ça se fête. En revanche, elle déchanterait vite elle découvrait comment s'est déroulée ta soirée d'hier. T'as essaye de savoir dans le passé si elle avait rencontré quelqu'un, Freya est toujours restée muette comme une tombe. Anna est devenue un sujet tabou entre vous deux. "Excuse moi .." Tu ne sais pas pourquoi mais tu t'excuse face à ta cousine. Ce n'est pas à elle que t'as fait la promesse amis comme elle est la seule à être resté en contact avec ton ex petite amie, c'est comme si tu t'excusais face à Anna en quelque sorte. Tu sors une bouteille d'eau de ton sac. Pas le temps de boire, elle te la prend et la renifle. "Qu'est-ce qu..?" Elle fait quoi là ? Freya te verse le contenu de la bouteille sur la tête. Tu te retournes vers elle, les yeux grands ouvert, la bouche ouverte sans aucun son qui n'en sort. « Parait qu’une douche froide, c’est bon pour les hormones. » Tu te lèves d'un bond et secoue la tête dans tous les sens comme le ferait un chien. "Bordel mais t'es pas bien ou quoi ?? C'est ma punition pour avoir bu de l'alcool ?" Si elle avait voulu t'énerver, elle n'aurais pas pu s'y prendre autrement. La colère s'empare de toi. Tu mets un grand coup dans la bouteille vide qu'elle tient à la main, la bouteille vole plus loin. "Que veux-tu que je te dise ? Je ne suis qu'un petit de faible, incapable de tenir la promesse qu'il a faite à la fille qui lui a brisé le coeur y'a six ans. C'est toi qui voulait que je sorte et que je rencontre une femme. Tu devrais te réjouir pour moi." Les mots s'emmêlent. Les mots sortent de ta bouche sans que tu ne puisses les contrôler. T'es énervé, la colère ne retombera pas de si tôt.
« Je suppose que t'aurais préféré entendre que j'avais embrassé une fille plutôt que j'ai pris un verre d'alcool. » Freya roule des yeux. « Nan, tu crois ? » La jeune blonde a toujours pris son cousin comme modèle pour ce côté là. Il y avait une période où il avait tout pour lui ; un travail, un chez soi, l’amour de sa vie. Elle sait qu’Anna a bataillé bec et ongle pour que Lukà se fasse soigner. C’est normal, quand quelqu’un qu’on aime se fout en l’air comme ça.
Cela rend donc la situation encore plus dramatique à ses yeux. Il a trahit Anna dans un sens et surtout, Freya est déçue pour lui. Une addiction peut vite vous bouffer de l’intérieur. Lukà le sait, il l’a vécu. Il veut vraiment recommencer tout ça ? Subir de nouveau le sevrage, la lutte, l’agonie de ne pas pouvoir toucher une goutte ?
What a waste.
« Mais t'as raison, j'aurais jamais dû accepter ce verre .. Tu m'connais, tu sais que jsuis influençable comme mec. » Freya secoue la tête. « Si t’étais si influençable, Luke, t’aurais pas attendu huit ans pour replonger, elle lève les mains, pas que t’es encore replongée j’ose espérer ! » De toute façon, si jamais il replonge, elle ira le chercher personnellement pour ramener ses fesses à la surface.
Elle peut être patiente mais il ne faut pas déconner, non plus.
« Je ne le ferais plus. » Ses sourcils se froncent. « Y a intérêt ! Sinon, j’te jures que tu vas entendre parler du pays ! » D’Australie, de Suède ou d’un petit d’Irlande ? Elle ne sait que trop mais l’idée est là. Il a compris l’image, de toute façon. Il n’ignore pas que sa cousine peut prendre les choses à l’extrême. Après tout, aux grands maux les grands moyens. Et cette expression, Freya l’applique à la lettre.
Parce qu’elle n’aime pas voir ses proches se perdre, ça la rend dingue. Elle connaît ce sentiment et ce n’est pas ce qu’elle veut pour eux.
Un coup de flotte et c’est parti, les vannes sont ouvertes. Freya en est presque satisfaite de le faire réagir comme ça. Ça prouve qu’elle a réussi à appuyer là où ça fait mal et qu’il n’est pas aussi insensible ou abattu qu’il en a l’air face à cette histoire. Il hausse le ton, il s’énerve. Freya garde le regard dans le sien et quand il a fini, sa main atterrit sur sa joue.
Décidément, les gifles pleuvent ces derniers temps.
« Reprends toi un peu, bordel ! Arrête de t’apitoyer comme ça et arrête de me parler de ce putain de cœur brisé ! Je sais, Anna est partie, bouhou, mais c’était y a six ans alors ressaisis-toi, p’tain ! » S’il veut qu’elle remette les idées en place, il ne va pas être déçu du voyage. « J’me réjouis pour toi, vraiment, mais j’t’ai pas dit de faire des conneries pour une meuf ! T’as couché avec elle, au moins ? » Non parce que, quitte à avoir bu, autant qu’il en ait profité un peu, hein. « J’te signale que tu m’as appelé ! Tu pensais que j’allais faire quoi ? Te faire un câlin et te dire que c’est pas grave, tu ferras mieux la prochaine fois ? T’as sonné à la mauvaise porte dans ce cas-là ! »
Ta cousine n'est pas connue pour avoir sa langue dans sa poche, au contraire Freya ne prends pas de gants. Elle ne mâche pas ses mots et quand elle a quelque chose à dire, elle ne tourne pas autour du pot durant trop longtemps. Elle est tout l'inverse de toi. Freya, elle fonce sans prendre le temps de réfléchir. Toi, c'est le contraire, tu réfléchis beaucoup trop et lorsque tu veux enfin agir, il est trop tard. La preuve aujourd'hui, depuis six ans, tu réfléchis afin de déterminer s'il est judicieux et bon pour ta santé mentale, de chasser Anna et votre fils de ton esprit. Lorsque quelqu'un te demande si t'es célibataire ou si tu as une copine, tu ne sais jamais quoi lui répondre. Tu bégaies et finis par dire "c'est compliqué." Oui, c'est compliqué mais il ne tient qu'à toi de clarifier la situation en tournant définitivement la page. Six ans ont été nécessaire afin de te rendre compte de cela. Te faudra t-il autant de temps afin de tourner à tout jamais la page de ce chapitre de ta vie ? T'as trahis Anna. T'as déçue ta cousine. Freya faisait partie des personnes qui t'ont poussés à intégrer cette cure. La décevoir t'es insupportable. Tremblant, tu prends sa main dans la tienne qui est glacée. "Je te demande pardon Fre .. jvoulais pas te décevoir .." Elle ne te l'a pas dit clairement mais tu lis en elle comme dans un livre, ou presque. Tu le vois dans son regard qu'elle est déçue de ton comportement de la veille. Le ton de sa voix et ses propos la trahissent également. « Si t’étais si influençable, Luke, t’aurais pas attendu huit ans pour replonger, elle lève les mains, pas que t’es encore replongée j’ose espérer ! » Encore une fois, ta cousine a raison. Mais c'est sans doute dû au fait que tu ne sortais quasiment plus ou jamais seul. Le plus souvent, c'est Matt qui t'entrainait avec lui dans les bars. La compagnie de ton ami d'enfance t'as beaucoup aidé durant cette difficile période. "C'est peut-être parce que je ne sortais jamais seul. Mais j'en ai marre d'avoir une baby sitter." Tu commences à t'énerver. Pas contre ta cousine, mais contre toi-même plutôt. Ras le bol d'être ainsi, d'être ce crétin incapable d'avancer seul, comme un grand. On dirait un handicapé qui a besoin d'aide avec son fauteuil roulant afin de monter cette marche qui l'empêche d'avancer. Tu t'excuse, tu confie ne jamais le refaire. On sait tous qu'il ne faut jamais dire jamais, c'est le meilleur moyen pour craquer. « Y a intérêt ! Sinon, j’te jures que tu vas entendre parler du pays ! » Bien sûr, ça ne pouvait en être autrement. Freya te lance une menace. Tu sais qu'elle est capable de le faire, elle est capable de tout et tu ne préfère pas prendre de risque avec elle. Tu refuse de te brûler les ailes, et ceci n'est pas une métaphore pour faire référence à son ainé et son attirance pour le feu. Sans que tu ne t'y attende, Freya, cette folle, vient te renverser ta bouteille d'eau sur la tête. Tu soupire et bondis soudainement sur tes pieds. Pour qui elle se prend ? Ou bien est-ce une ruse pour te faire sortir de tes gonds ? Si c'est le cas, c'est réussis. Tu te mets à l'incendier, lui hurlant dessus comme tu l'as fais il y a trois ans. Lorsque tu as découvert que ta chère et tendre cousine était toujours en contact avec ton ex petite amie. « Reprends toi un peu, bordel ! Arrête de t’apitoyer comme ça et arrête de me parler de ce putain de cœur brisé ! Je sais, Anna est partie, bouhou, mais c’était y a six ans alors ressaisis-toi, p’tain ! » Tu as beau crier mais Freya hurle plus fort que toi. Elle a de la voix pour mon mètre soixante-dix. Tu ne fais que huit centimètres de plus mais c'est toujours huit centimètres supplémentaires. Et puis, t'es son ainé en âge, elle est censée de te devoir le respect mais apparemment, il a foutu le camp. Cependant, les mots de Freya ne te font pas aussi mal que tu l'aurais pensé. Elle dit tout haut ce que tu refuses de t'avouer depuis six ans. « J’me réjouis pour toi, vraiment, mais j’t’ai pas dit de faire des conneries pour une meuf ! T’as couché avec elle, au moins ? » Tu soupire, repensant à la soirée de la veille. "Non .." Lâches-tu simplement. « J’te signale que tu m’as appelé ! Tu pensais que j’allais faire quoi ? Te faire un câlin et te dire que c’est pas grave, tu ferras mieux la prochaine fois ? T’as sonné à la mauvaise porte dans ce cas-là ! » En effet, si tu t'attendais à de la compassion accompagné d'un câlin, tu n'as pas frappé à la bonne porte. Même Matt aurait été plus remplis de compassion envers toi que ne l'est actuellement ta cousine, ton propre sang. "C'est bon ? T'as finis ?" Tu ne sais plus quoi dire, cela dit, tu n'as pas dit ton dernier mot et Freya ne gagnera pas cette manche. "Jt'ai appelé parce que t'es ma cousine et que je t'aime bien." Aussi étonnant soit-il au vu de vos nombreuses prises de têtes. "Tu m'connais bien. Tu sais c'qu'il s'est passé dans ma vie avec Anna, l'alcool .. J'avais juste besoin de parler, de m'confier à une personne que j'estime beaucoup.. et non pas me faire engueuler, ni prendre une douche gratuite." Heureusement qu'il ne fait pas moins quinze degrés, t'aurais déjà attrapé une pneunomie à cauase de ces conneries.
Ce n’est pas ce qu’elle veut entendre. Freya s’en fiche s’il la déçue, ce n’est pas le sujet, là. Elle secoue la tête en même temps que sa main pour lui faire comprendre que non, tu te trompes, ce n’est pas là la question. Ce n’est pas ça le problème. Elle n’est pas le centre de l’univers de son cousin, il n’a pas à juger ses actions en fonction de sa réaction. Aussi brutale soit-elle. Non, il faut que Lukà apprenne à arrêter de dire pardon tout le temps, de prendre ses responsabilités et d’assumer. Ce qu’il est, ce qu’il veut être. Pour son avenir, pour son bonheur futur. Il n’arrivera jamais à rien s’il reste accrocher aux jugements des autres et à son passé.
Le passé hante facilement, Freya en a plus conscience que n’importe qui d’autre. Elle ne s’est jamais vraiment remise du sien, après tout. L’accepter est une chose. Vivre avec en est une autre. Deux distinctions qui ont le mérite d’avoir leur importance. Il a fallu une longue thérapie pour la première. La deuxième reste un combat quotidien.
« Et c’est tout à ton honneur. Mais franchement, Lukà, à quoi tu pensais ? Elle en vaut au moins la peine, j’espère, hein ? » Non parce que si c’est juste une petite minette de passage, la situation est encore plus ridicule. C’est bien connu que la faiblesse des hommes, c’est le sexe opposé. Mais Lukà aurait été la dernière personne de sexe masculin qu’elle aurait vu se laisser succomber.
« C'est bon ? T'as fini ? » Freya voulut dire que non, elle n’a pas fini mais son cousin enchaîne avec la suite. Quand il eut fini à son tour, la blonde passe la main sur ses yeux. Les heures de sommeil manquées de la dernière nuit commencent déjà à se faire ressentir. Freya se pince l’arrêt du nez avant de soupirer lourdement. « T’sais que c’est parce que j’t’adore aussi que j’réagis comme ça. J’veux plus d’ça pour toi, parce que t’as réussi là où d’autres ont échoué. »
Elle finit par poser une main sur chaque épaule de son cousin. « Juste… S’te plait, fais gaffe la prochaine fois. Imagine ma tronche dès que tu vois un verre passé devant ton pif, elle eut un léger sourire, ça devrait te calmer direct, nan ? »
Décevoir l'un des membres de ta famille est impardonnable selon toi. Ta famille n'est déjà pas très grande, elle se limite à une mère, une grand-mère et un grand-père, un oncle et une tante, ainsi que les trois Doherty. Même s'il y en a que deux dont tu es le plus proche. Surtout Freya. Tu l'as très souvent considéré comme la soeur que tu n'as jamais eu, t'as longtemps essayé de la remettre dans le droit chemin mais c'est peine perdu. Il y a eu de très nombreux clash entre Freya et toi, cependant ça ne t'empêche pas de bien l'aimer ta cousine. Avec Wren, vous êtes proches, vous vous entendez bien mais il n'y a pas cette complicité qui existe entre Freya et toi. Ta cousine t'as vu au plus mal après l'abandon d'Anna, elle a essayée de te relever la tête tant bien que mal. Elle a finalement réussie par y parvenir -avec l'aide de Matt- et tu ne veux pas qu'elle te voit une nouvelle fois aussi mal qu'à l'époque. Pourtant, à cet instant précis, t'as honte de toi. Honte de t'être fait avoir par cette jeune femme aussi facilement. T'en as marre de sortir accompagné de tes amis ou de tes cousins. Ras le bol d'avoir un chaperon afin de vérifier que tu ne vas pas craquer pour un verre d'alcool. Itziar te l'as dit "un verre ne peut pas faire de mal". Et bien si ! Un verre ne te fera pas replonger dans tes anciens démons, en revanche, il te bouffe le moral. Tu n'as rien dormis la nuit dernière -ou très peu- tu as honte de toi et tu comprends que ta cousine t'engueule. Ça n'est pas la première fois de toute façon. « Et c’est tout à ton honneur. Mais franchement, Lukà, à quoi tu pensais ? Elle en vaut au moins la peine, j’espère, hein ? » Qu'entends-t-elle par-là ? Est-ce que tu vas faire ta vie avec cette demoiselle ? Certainement pas, il s'agissait simplement d'un bisou. Un seul bisou, il n'y en aura probablement pas d'autres. "Si la question est est-ce que je vais faire ma vie avec elle, c'est non." Clair, net et précis. T'es pas certain de pouvoir refaire confiance à une autre femme après Anna. À l'époque, vous ne cessiez de vous répétez une seule et même phrase à longueur de journée -ça en devenait agaçant à force d'ailleurs- Lukà et Anna n'existent pas l'un sans l'autre. C'est vrai, tu ne peux pas exister sans elle. Tu l'as très bien remarqué depuis qu'elle est partie. C'est ça en fait, tu cherchais peut-être juste à te consoler dans les bras de Caroline. Elle te plaisait, tu lui plaisait aussi. T'as sauté sur l'occasion, c'est simplement comme ça que ça s'est passé. « T’sais que c’est parce que j’t’adore aussi que j’réagis comme ça. J’veux plus d’ça pour toi, parce que t’as réussi là où d’autres ont échoué. » Tu souris et passe ton bras par-dessus l'épaule de ta cousine, lui offrant un bisou sur le front. "Moi aussi jt'adore cousine." Même si elle est chiante parfois, souvent. Le fait que Freya t'encourage et te félicite à avoir réussis à décrocher de l'alcool, ça te touche tellement. Une larme coule le long de ta joue, à moins que ça ne soit une goute d'eau qui ruisselle. Non, c'est bien une larme. « Juste… S’te plait, fais gaffe la prochaine fois. Imagine ma tronche dès que tu vois un verre passé devant ton pif, ça devrait te calmer direct nan ?" Tu ne pus t'empêcher d'exploser de rire. "Effectivement ouais. Jte demanderais bien de l'accompagner mais t'as certainement mieux à faire que surveiller ton vieux cousin. Et puis, t'inquiète pas, jsuis un grand garçon !" Un grand garçon qui a fait une connerie, oui, mais il n'y a qu'en faisant des bêtises qu'on apprend. Et même à trente ans passée, on en apprend encore. "Bon, on fait quoi on bouge ? Jte dois un café il me semble non ? Par contre, ça t'gêne si on va chez moi ? J'aimerais beaucoup retirer ses fringues mouillés." tu lui tires la langue, c'est bon enfant. Vous vous tirez très souvent dans les pattes mais au fond, vous êtes bien incapable de vous passer l'un de l'autre. La famille avant tout.
« Si la question est est-ce que je vais faire ma vie avec elle, c'est non. » Bon, au moins, ça, c’est réglé. Son cousin n’est pas encore tombé trop bas pour être du genre à tomber amoureux tous les quatre matins. C’est rassurant, dans un sens. Mais il ne faut pas qu’il recommence ou sinon, c’est un sceau d’eau rempli de glaçons, à la Ice Bucket Challenge, qu’il se prend à la tronche. « Effectivement ouais. Jte demanderais bien de l'accompagner mais t'as certainement mieux à faire que surveiller ton vieux cousin. Et puis, t'inquiète pas, jsuis un grand garçon ! » Freya sourit légèrement. « J’dis jamais non à un verre, tu l’sais bien. » Et c’est même un problème aux yeux de certains. Tu picoles trop, Freya. Tu bois trop, Doherty. Tes pensées ne sont plus là, tu les enchaînes sans réfléchir et tu t’uses. Tu as ces deux facettes, la sobre et l’alcoolisée. Deux personnalités, deux faces que tu n’assumes pas, que tu refuses de voir parce que c’est bien plus facile comme ça. Pauvre enfant, tu n’es pas un cadeau ni un cœur pour tes proches, qui essaient et qui échouent. Ils finissent par jeter l’éponge parce qu’au final, est-ce qu’elle vaut la peine de tous ces efforts ?
Freya pense que non.
« Bon, on fait quoi on bouge ? Jte dois un café il me semble non ? Par contre, ça t'gêne si on va chez moi ? J'aimerais beaucoup retirer ses fringues mouillés. » Freya récupère son sac poser au sol tout en haussant les épaules. « J’ai toujours pas fini mon gratin, j’te rappelle. Chui sûre que tout est déjà en train de moisir, là. » Quel art du drame, franchement. Ce n’est pas pour une petite heure d’absence que les aliments vont tourner. « J’ai toujours ma bonne vieille cafetière à la maison. Celle que t’adores. L’antiquité qui met deux heures pour se remplir. Y en a du tout frais ! » Parce qu’en trois ans, Lukà n’a pas tenu sa promesse et elle attend toujours la cafetière moderne promise. « Et pour les fringues… Bah, soit tu emprunteras à Tobias soit tu pourras te trimbaler en calbut, ça s’rait pas la première fois. » Freya eut un sourire amusé. C’est pas pour les trois grammes d’eau qu’il a sur les vêtements qu’il va fondre quand même.
Non, tu n'as jamais voulu refaire ta vie depuis qu'Anna est partie. Elle a toujours été la seule avec qui tu as souhaité faire ta vie. Te marier et fonder une famille, vous en parliez souvent tous les deux. Lors de son départ, tu as abandonné cette idée de mariage et de bébés. Tu ne comptais pas faire ta vie avec Caroline. Il y a juste un baiser entre vous, un seul et unique baiser. Il n'y en aura pas d'autres. "Rassure toi cousine, je compte pas me marier avec cette inconnu !" Tu te rappelle du nombre de fois où Freya t'as parlé de ton mariage avec Anna. C'était un peu son sujet de conversation favori. En même temps, Anna et toi étiez le couple modèle à l'époque. Un couple qui a traversé les années et les obstacles mais hélas, l'un de ses obstacles a eu raison de vous. C'est dommage de détruire une relation si forte et si belle dix-huit ans plus tard. La conversation a assez durée, t'as même pris une douche grâce à la bêtise de ta cousine. Tu ne lui en veux pas, tu l'as mérité dans un sens. « J’dis jamais non à un verre, tu l’sais bien. » Oh ça oui, tu le sais bien ! T'en as fait l'expérieuse dans le passé. "Ouais mais sortir avec son vieux cousin dépression et sevré de l'alcool, y'a plus fun comme soirée non ?!" C'est sûr qu'il y a plus joyeux comme soirée que de se trainer un cousin dépressif, incapable de tourner la page sur son ex. Mais Freya est la meilleure des cousines -même si on dirait pas comme ça- et tu es fier de faire parti de la même famille qu'elle. Tout comme Wren et Tobias même si le jumeau est le pire des cousins et que t'es loin d'avoir des affinités avec lui. Tu propose à ta cousine de rentrer chez toi, il faut que tu change de fringues, tu vas attraper la crève avec ces vêtements mouillés et l'air frais qui se fait sentir autour de vous. "Jte jure que si jsuis malade, tu viens t'occuper de moi !" Tu lui tires la langue. Cette relation entre Freya et toi est simple, sans chichis. Vous gueulez, vous riez, vous pleurez. Tu ne l'échangerais pour rien au monde. « J’ai toujours pas fini mon gratin, j’te rappelle. Chui sûre que tout est déjà en train de moisir, là. » Freya est en train de t"inviter chez elle. Ok, ça, ça ne se refuse pas. C'est toi qui décidé de t'incruster chez elle en général mais là, elle t'inviter d'elle-même. "Jvais pas refuser cette offre qui ne se produit qu'une fois tous les cent ans." Bon, t'exagère peut-être un peu mais juste un peu. « J’ai toujours ma bonne vieille cafetière à la maison. Celle que t’adores. L’antiquité qui met deux heures pour se remplir. Y en a du tout frais ! » Tu ne peux t'empêcher de rire lorsqu'elle mentionne sa cafetière. "Je te jure qu'un jour jvais me ramener chez toi avec une cafetière moderne !" Ces cafetières où tu mets la capsule dans la machine et hop, en deux minutes le café est prêt. Plus besoin d'attendre des heures entières pour boire un café. « Et pour les fringues… Bah, soit tu emprunteras à Tobias soit tu pourras te trimbaler en calbut, ça s’rait pas la première fois. » Tu lui tire le bras pour lui faire comprendre qu'il est temps de partir. "Je suppose que tu me laisse ton canapé inconfortable pour passer la nuit ?" Tu n'as pas envie de dormir chez toi, seul. Tu vas encore broyer du noir et ça, il ne le faut pas. Ou plus du moins. "Bon et toi, comment tu vas cousine ? Raconte moi tout !" Ca suffit de parler de toi, tu préfère te focaliser sur ta cousine.
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