I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
+ 14h05 Joanne venait tout juste de quitter le travail. Sachant que Jamie n'allait pas rentrer avant le dîner, elle décidé de profiter du soleil en allant se balader en ville. Elle avait laissé sa voiture garée près du musée, et préférait se rendre à pied au centre-ville, peut-être pour y faire quelques achats. Mais la jeune femme opta pour une simple promenade, observant les vitrines qui défilaient devant ses yeux. Il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid, et elle n'était donc pas la seule à avoir eu cette idée. Les bars et restaurants avaient ouvert leurs parasols, certains profitant de l'ombre pour boire un soda frais, d'autres profitant du soleil pour colorer leur peau. Il y avait là un parfum de vacances pour tout le monde, même pour ceux qui n'allaient pas en avoir. Tout allait bien. Elle commençait à bien s'adapter à la maison de Jamie, à y trouver ses marques. Même si l'emploi du temps de son compagnon était particulièrement chargé, le fait de vivre ensemble leur permettait de profiter de l'un l'autre, même si ce n'était que pour une poignée de minutes. Elle prenait toujours la même place dans l'armoire, ça ne s'était pas agrandi depuis. Ils s'étaient trouvés quelques habitudes, s'étaient créés de petits rituels. Tout irait bien dans le monde de Candide, mais la jeune femme avait toujours des pensées et des souvenirs qui assombrissaient ce tableau qui frôlait la perfection. Tout se résumait en un seul nom : Kelya. Jamais avait beau l'avoir rassuré, dit qu'il allait s'en occuper, l'effroi était toujours bien présent en elle. Si la thérapeute s'est donnée les moyens de traverser le monde pour le récupérer, de quoi était-elle capable lorsqu'elle était sur place. Elle avait déjà trouvé Joanne, mis les choses au clair avec elle, plus déterminée que jamais de récupérer l'homme qu'elle aimait. Même en menaçant sa compagne. Kelya était sûr d'elle, énormément d'assurance, de la détermination, de l'audace. Tout ce dont Joanne ne pensait pas avoir. Marcher lui changeait les idées, et dès qu'elle parvenait à s'échapper de ce sentiment d'oppression, celui-ci revenait au galop dans son esprit malgré elle.
+ 14h32 Mrs. Gale était une femme très dépensière. Le shopping, c'était sa vie, et elle se félicitait d'avoir un métier honorable pour compenser ses besoin d'achats. Elle était très joviale, très ouverte, et adorait discuter avec les vendeuses en boutique. Elle était fraîchement mariée, et comptait bien se faire une toute nouvelle panoplie de vêtements pour son voyage de lune de miel, qui allait se faire aux Caraïbes. Elle était très excitée à cette idée. Mrs. Gale était dans une boutique de prêt à porter. La climatisation lui faisait le plus grand bien, elle mourrait de chaud à l'extérieur. C'était une très belle femme, à la chevelure brune et avec des yeux d'un vert émeuraude. Son sourire était à ravir. Elle discutait avec la vendeuse, qui lui rangeait ses achats dans un sachet cartonné. Une fois ses nouveautés récupérés, elle enfila ses lunettes de soleil avant même d'être sorti de la boutique. La jeune mariée salua chaleureusement l'employée, comptait ouvrir la porte de la boutique, et s'arrêta net. "Bon Dieu, mais que se passe-t-il ?" s'exclama-t-elle. Perplexe, la vendeuse se rapprocha pour voir ce que sa cliente avait aperçu. Il y avait, sur le trottoir d'en face, une jeune femme à terre, vraisemblablement inconsciente. Par simple réflexe, Mrs Gale lâcha ses sachets pour se précipiter vers elle
+ 14h33 Louis profitait de l'un de ses rares jours de congés. C'était un pompier volontaire, mais avant tout un comptable. Il avait une quarantaine d'années, une vie bien rangée. Il n'était même pas de garde ce jour-là, c'était un véritable jour de repos. Il n'était pas le seul à avoir eu l'idée de sortir dehors. Il n'aimait pas trop quand il y avait beaucoup de monde, ça en devenait étouffant pour lui. Mais le beau temps l'appelait, et comptait bien commencer son après-midi en mangeant un sorbet au kiwi. Il était un peu flemmard, mais quelqu'un de bienveillant. Il venait tout juste de trouver le cadeau d'anniversaire pour sa fille âgée de dix ans. Il avait deux autres garçons aussi, de vrais terreurs. Louis déambulait dans la rue sans but précis. Il avait déjà son sorbet et ne voulait pas rentrer à la maison, détestant y être seul. La chaleur lui faisait perler de grosses gouttes de sueurs sur son front, il mourrait de chaud. Les clés de voiture en main, il comptait se rendre à la plage artificielle, jusqu'à ce qu'il entendit des cris de détresse. Son réflexe de pompier l'incita à venir d'où provenait le bruit. Il y avait là une femme assez coquette, totalement alarmée à côté d'un corps inanimé. Son coeur ne fit qu'un bond dans sa poitrine, un pompage largement suffisant pour distribuer l'adrénaline dans l'ensemble de son organisme. Louis s'approcha précipitemment, demander à la jeune mariée ce qu'elle avait vu ou entendu. Tous les autres passants restaient pétrifiés, incapables de faire quoique ce soit, d'autres préféraient ignorer la situation. Il fit un premier score de Glasgow, afin d'évaluer l'état de conscience de la personne. C'était une femme, elle avait des cheveux blons, et une robe. Louis demanda à la personne qui l'aidait de fouiller son sac à main afin de trouver ses papiers et donner un nom à l'inconnue. Il en profita pour voir l'état de sa respiration, son pouls, la dilatation de ses pupilles. Elle respirait très faiblement, trop faiblement. Manquant d'oxygène, ses lèvres étaient bleutées, tout comme ses extrêmités. Elle était d'une pâleur presque morbide.
+ 14h39 Matt était étudiant en langues étrangères. Un gars un peu rêveur qui passait le plus clair de son temps à l'extérieur, adorant voir les variations du temps, les différentes couleurs du ciel. Très érudit, il était aussi passionné de photographie. Il tenait même un site pour partager son talent. Il avait des rêves plein la tête, qui effrayait sa mère, qui était très pied à terre. Il mitraillait les rues de Brisbane, ses habitants, trouvant des angles de photographie que personne d'autre ne trouverait. Il était audacieux dans ses choix, cherchant constamment à faire ressortir tous ces petits détails qui faisaient de sa ville natale une véritable merveille. Il venait de finir ses cours à l'université, et comptait prendre quelques images des rues de Brisbane, noyées dans la chaleur et dans la foule. Portant son sac à dos, des écouteurs sur les oreilles, il écoutait le premier album de Muse, son groupe de musique préféré. Il discutait par SMS avec son meilleur ami lorsqu'il rentra dans une personne qui se trouvait devant lui et qu'il n'avait pas vu. Surpris, il s'excusa immédiatement, perplexe qu'on ne lui réponde même pas. Matt suivait le regard de l'homme pétrifié, qui regardait un bien triste spectacle. Une femme à terre, seulement deux personnes pour venir à son secours. L'un d'eux vit l'étudiant avec son téléphone en main. "Toi, compose le numéro des secours, et prête moi ton téléphone." Il avait une voix ferme, mais douce. Matt comprenait rapidement que le quaranternaire savait de quoi il parlait. Sans poser de question, le jeune homme s'éxecuta automatiquement, composant le 000, et tendant son Samsung à son interlocuteur. Matt supposait que c'était un médecin, ou un truc dans le genre. Parce qu'il employait des termes techniques, et il n'y comprenait strictement rien. Le téléphone raccroché, il le rendit à son propriétaire. Soudain, il demanda à ce qu'on les aide. Matt était surprise de voir tout le monde regarder, sans que l'on bouge un pouce. Il se sentit obligée de réagir vite, et demanda à l'expérimenté de dire ce qu'il fallait faire. Ce dernier lui dit de lever les jambes à la victime, et attendre que les secours viennent. Il avait juré avoir vu les yeux de la jeune femme s'ouvrir, complètement sonner, avant de se clore à nouveau. A la tête de l'expert, cela n'envisageait rien de bon pour la suite.
+ 15h02 Le Dr. Andrew Winters était bien connu de l'hôpital. Il était dans le service d'urgences. Un homme remarquable et très respecté par l'ensemble de ses confrères et du personnel de l'hôpital. C'était un homme assidu, érudit, et d'une attention toute particulière pour ses patients, ce qui devenait parfois une denrée rare, selon lui. Il prenait peut-être beaucoup plus de temps dans les chambres, mais il restait constamment persuadé que c'était loin d'être inutile. Il avait une cinquantaine d'années, les cheveux poivre et sel sans pour autant être dégarni. Des yeux bruns, et des lunettes à cause de sa presbytie. C'était un homme très calme, il en fallait beaucoup pour le faire paniquer. De part son expérience, il savait ce qu'il devait faire au regard de ce qu'on lui présentait, mais il continuait à avoir des surprises de temps en temps. Il portait beaucoup d'attention pour des personnes en difficulté, que ce soit moral, physique ou environnemental. Il n'hésitait pas à contacter des confrères spécialistes ou des personnes du paramédical pour pouvoir aider au mieux ses patients. L'après-midi là, les urgences se résumaient à des coups de chaud, des insolations, des personnes déshydratées. Jusqu'à ce qu'il reçoive un appel évoquant une victime présentant un tableau un peu plus inquiétant. La secrétaire lui apporta rapidement le dossier médical de la personne médical. Joanne Prescott. Ce nom lui était familier. Le médecin ne dut lire que quelques lignes pour se remémorer les raisons de la dernière admission de la jeune femme. Il se disait qu'elle n'était pas chanceuse, que le bon lui tournait le dos. Voilà qu'elle revenait dans un état similaire, peut-être pire. Il espérait qu'elle n'était pas hospitalisée pour les même raisons. A son arrivée, les secouristent avaient déjà placées des lunettes à oxygène sur son nez, placé une perfusion sur sa main, avec un suivi rapproché de ses constantes. Encore inconsciente, on l'amena dans un premier temps dans un box. Une multitude d'examens avaient été effectués. Durant ce temps, la secrétaire se chargea de mettre à jour son dossier, de préparer les numéros de téléphone à composer afin de contacter les personnes les plus proches. Il y en avait quatre. Son frère aîné, mais il vivait aux Etats-Unis. Sa soeur aînée ne décrochait, le téléphone n'avait certainement plus de batterie. Le troisième numéro, était le compagnon de Joanne. Dr. Winters avait horreur de ce genre de moment. D'appeler un proche, et ici, certainement le plus proche, pour annoncer une mauvaise nouvelle alors qu'il ne s'attendait pas à ce type d'informations. A son grand dam, il tombait sur la messagerie, et laissait un message vocal.
Bonjour, Mr. Keynes. Je suis le Dr. Winters, de St Vincent Hospital. Je me dois de vous appeler puisque vous êtes sur la liste des personnes à contacter en cas d'urgence pour Miss Joanne Prescott. J'aurai préféré vous le dire directement, mais ... nous avons du hospitaliser Miss Prescott en urgence suite à une détresse respiratoire. Même si elle est connue de nos services, nous aurions peut-être quelques questions à vous poser la concernant. Je reste à votre disponibilité si vous voulez m'appeler. Et je suis de garde pour le reste de l'après-midi et pour la nuit, si vous préférez venir sur place, vous me trouverez facilement.
Il se voyait souvent comme un oiseau de mauvais augure. Depuis, sa patiente avait été transférée dans un service où l'on pouvait la surveiller de plus près. Elle répondait à des stimuli physiques, mais toujours rien lorsqu'on l'appelait. Il y avait un mur en partie vitrée à sa chambre, permettant de la voir depuis les couleurs, et permettre au soignant de garder constamment un oeil sur elle. Les bip réguliers qui retransmettaient de manière sonore sa fréquence cardiaque était bien la seule chose que l'on pouvait entendre dans la pièce. Son médecin la trouvait pâle, plus que mal en point. Elle avait manqué d'oxygène pendant un bon laps de temps et il espérait qu'elle n'avait pas trop de lésions au niveau cervical. Il se souvenait bien d'elle désormais. Elle sortait tout juste de son divorce et venait de faire une fausse-couche, ne sachant même pas qu'elle était enceinte. Il avait facilement deviné que c'était une femme désireuse d'avoir une famille, et on lui avait privé de tout en l'espace de quelques semaines. Mais là, il ne s'agissait pas d'une fausse-couche. Il se souvenait d'avoir parlé de ses antécédents familiaux à l'une de ses consoeurs, qui semblait tout particulièrement intéressée. Sa patiente était porteuse d'un gêne, qui, activé, la rendait tout particulièrement vulnérable au niveau pulmonaire. Ce même gêne était donc transmissible, et aurait été la cause de la fausse-couche -en complément de sa période de stress-, créant une malformation précoce du foetus, ne le rendant pas viable. Le risque que ce gêne se transmette était toujours très bien présent, et le fait qu'il se manifeste était bien là, et venait juste de le faire. Il se souvenait très bien qu'elle lui avait supplié, en larmes, de n'en parler à personne, pas même à sa famille. Vraiment personne. Secret médical oblige, il se devait de respecter son choix. Son grand-père avait tout de même été porteur d'un cancer à cause d'une mauvaise traduction du gêne dans son organisme. Il ignorait si les autres membres de sa famille étaient également touchés. Alors qu'il prescrivait des médicament nécessaires afin de la stabiliser, il vit arriver vers lui un homme élégamment habillé, et plus que paniqué. Il n'avait même pas besoin de se présenter pour savoir de qui il s'agissait. D'un air désolé, il l'accueillit, voyant très bien qu'il était en quête de réponses. "Mr. Keynes... Pardonnez-moi de vous avoir contacté de cette manière, mais vous étiez la seule personne sur qui je pouvais compter." Sa voix restait calme, le plus posé possible, malgré son embarras d'être porteur de mauvaises nouvelles. "Nous venons à peine de la stabiliser, elle se réveille un peu et fait enfin signe lorsque l'on appelle." Il marquait une longue pause entre chacune de ses phrases, laissant le plus temps possible à son interlocuteur d'assimiler ce qu'il lui disait. "Elle a fait une sévère détresse respiratoire en pleine rue. Au point d'en avoir la respiration totalement coupée. Elle a beaucoup de mal à récupérer." Il tentait tant bien que mal d'employer des mots simples, ayant parfois l'habitude de dire des mots techniques pour se réfugier de la situation. "Il va falloir que nous la gardions quelques jours ici, Mr. Keynes. Nous avons besoin de nous assurer qu'elle ne fera pas de crises aussi graves pour les temps à venir." Il le regardait, le laissant réagir comme il en avait besoin. "Comprenez bien que s'il n'y avait pas là une personne ayant des connaissances en ce domaine, nous aurions pu la perdre. Mais elle est saine et sauve, et je ferai de mon mieux pour qu'elle retrouve au plus vite ses forces, afin d'envisager un retour à domicile." Il jeta un oeil sur sa patiente, toujours endormie, toujours avec même teint. "Néanmoins, j'ai besoin de quelques informations. Je sais que c'est difficile pour vous d'entendre tout cela. Y avait-il des signes avant-coureur ? Par exemple des suffocations inhabituelles, des sensations de manquer d'air, peut-être même que sa respiration se bloquait brièvement, durant ces derniers jours, ou dernières semaines ?" C'était beaucoup à encaisser, il en avait conscience. Il préférait s'expliquer. "L'année dernière, elle avait fait quelque chose de semblable, et c'était notamment du à un facteur de stress intense. De panique. En plus du facteur génétique. Y-a-t'il eu des événements récents dans sa vie qui puissent l'expliquer ?" Une fois qu'il avait eu un semblant de réponse, acceptant tout ce qu'il disait, le Dr. Winters dit à Jamie qu'il pouvait bien évidemment se rendre à son chevet, et qu'il pouvait y rester le temps nécessaire. Il lui garantit ensuite de l'informer du moindre changement, de la moindre information complémentaire, et qu'il ne devait pas hésiter à poser des questions et à le contacter s'il en ressentait le besoin. Il le salua d'un signe de tête silencieux, se rendant ensuite dans son bureau pour souffler un peu.
Pourquoi mentionner toutes ces personnes, à la vie pourtant si banale ? Il y avait une multitude de personnes qui se trouvait dans cette rue, qui ne savait pas quoi faire. On pouvait bien comprendre que la situation les dépassait totalement, qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose. Eh bien, ces trois personnes, aux vies si différentes, ont certainement sauvé une vie ce jour-là. Et pour eux, c'était certainement un des plus beaux accomplissements qu'ils aient pu avoir au cours de leur vie.
Sur la table de mon bureau, mon téléphone danse et tremble au rythme des vibrations. Le remarquant, Daisy s'en empare et se dépêche de courir jusqu'à la régie où j'assiste à l'une des émissions. Essoufflée, elle ouvre la porte avec un sourire forcé ; trop tard, l'appel est passé. Elle me tend l'appareil, me notifiant qu'il venait de sonner, et que le numéro était inconnu. Je plisse les yeux, me demandant de quoi il peut s'agir. Forcé de quitter la petite pièce sombre, je garde le regard rivé sur le téléphone qui m'indique qu'un message a été laissé. Il est assez connu que je n'écoute jamais mes messages vocaux, alors personne ne prend la peine de m'en laisser. C'est curieux. J'appuie sur l'icône de l'application me menant à ma messagerie et porte le portable à mon oreille, une main sur l'autre pour bien entendre. L'hôpital. La réponse concernant ma question sur ce qu'ils peuvent bien me vouloir ne tarde pas à m'être donnée. Lorsque la voix prononce le mot de Joanne, mon coeur s'arrête, se serre, se tord. Je saisis plus fermement mon téléphone pour qu'il ne glisse pas de mes mains subitement moites. Ma cravate m'étrangle plus que jamais, j'étouffe. Continuant d'écouter le message, je me dirige vers la terrasse à notre étage de bureaux. J'ai besoin d'air pour comprendre tout ce que l'homme dit. Non, cela ne suffit pas. Mon cerveau s'est éteint, arrêté après le nom de la jeune femme. Le reste n'est que bafouillage. Finalement, le portable glisse d'entre mes doigts et je dois violemment revenir sur terre pour déclencher assez de réflexes afin qu'il ne tombe pas par terre. Il me faut une bonne minute pour réunir mes esprits et savoir ce que je dois faire. Rapidement, j'appelle Roxy pour la prévenir que je dois partir sur le champ. Sachant la situation, elle n'ose rien dire et me raccroche presque au nez. Qu'importe. Je retourne dans l'open-space à la recherche de mon assistante, que je trouve à son bureau. Essayant de garder ma panique pour moi, je lance simplement qu'une urgence réclame ma présence ailleurs pour le reste de la journée. Je ne lui laisse pas le temps d'assimiler la chose que j'ai déjà récupéré ma veste, un pied dehors. Je me téléporte quasiment jusqu'à ma voiture, fait criser les pneus sur l'asphalte du parking et m'engage trop vite sur la route. Je sais que manquer de me tuer en chemin ne me fera pas arriver plus vite à l'hôpital -je ferais simplement mon entrée en ambulance plutôt qu'en Audi. Mais qu'importe, je ne réfléchis pas à ce genre de détails. Je suis un automate avec pour mission d'aller voir Joanne. La poignée de minutes qui me séparent de l'établissement semblent s'allonger malgré les feux vert sur tout le chemin. Je trouve rapidement une place à proximité et accélère le pas pour atteindre les urgences. Me présentant à l'accueil, j'ai à peine le temps d'articuler mon nom qu'un homme en blouse blanche vient à ma rencontre. Je reconnais sans mal la voix du message. Son calme, son air désolé, pourraient suffire à eux seuls à me rendre violent tant ils m'insupportent à cet instant. Joanne a bien failli mourir au milieu de la rue et lui essaye de me parler comme à un enfant. Je serre les dents, ma mâchoire devenant plus douloureuse de seconde en seconde, je pourrais sentir l'émail céder sous la pression. Mes bras tendus de part et d'autre de mon corps se terminent par deux poings aux phalanges tremblantes, les ongles courts réussissant à s'enfoncer dans ma peau. Je me concentre sur ses paroles, plutôt que sur mon envie d'exploser ces doigts qui me font mal contre un mur. Elle ne réagit pas lorsqu'on l'appelle. Elle ne récupère pas -pas assez. A ce moment, je crois qu'il n'y a que l'adrénaline pour me faire tenir sur mes jambes. Pas après pas, je suis le médecin jusqu'au couloir dans lequel se trouve la chambre de Joanne. Ma respiration se coupe en la voyant allongée là. Dans ce lit où elle devra rester pendant des jours, reliée à notre monde par tous ces fils. Mon attention focalisée sur elle, j'écoute à peine l'homme à côté de moi. Ses mots sont des échos, un peu perdus dans mon esprit. Des signes avant coureurs. A côté de moi-même, je m'efforce d'éplucher chaque souvenir que j'ai de la belle pour trouver un indice. « Elle… elle a toujours eu comme des crises de panique. Elle a du mal à avoir un souffle correct lorsqu'elle se sent submergée par des émotions et… et elle est émotive, alors… » J'ai l'air de somnoler. Je dis tout ce qui me passe par la tête. L'adrénaline s'effaçant de mes veines, j'ai l'impression de ne tenir qu'à un fil. Une de mes mains s'est posée sur le rebord de la vitre pour m'aider, relativement discrètement, à tenir debout. Mais je donnerais n'importe quoi pour une chaise. « Une amie m'a parlé d'un défaut -non, d'une faiblesse génétique, elle disait. Elle est chirurgienne, elle… elle m'a dit que Joanne avait un problème, mais je ne pensais pas que ça pouvait la mettre dans un lit d'hôpital. » Siobhan ne m'avait parlé que des risques en cas de grossesse, la possibilité accrue de fausse-couche à cause de malformations. Le fait qu'un enfant pourrait lui coûter la vie. Pour moi, cela se résumait à ce seul cas de figure. Naïf. « Je n'ai rien remarqué d'autre. » Cette phrase m'achève. Je n'ai rien vu, rien remarqué de louche. Je n'avais pas à chercher, je ne savais rien de tout cela, mais quand bien même, aucun signe ne m'avait interpellé. Je me retrouve incapable de donner plus d'informations, et cela ne fait que renforcer mon sentiment d'impuissance. Je me remets à chercher ce qui aurait pu causer cette crise là. Mais plus rien ne fonctionne correctement chez moi. Ma seule réponse est un parfait silence. Le reste m'importe peu, je n'écoute plus et remarque à peine la disparition du médecin. Je n'attends plus pour entrer dans la chambre, me rendre auprès d'elle. Je me jette sur la chaise près du lit, ne tenant plus. Je ne suis qu'une soupe étrange de colère, de peur et de peine. Je n'ose pas la toucher et passe une main sur mon visage. Je suis dans le cauchemar le plus cruel que je puisse m'infliger, et je vais me réveiller. Forcément. Mon regard reste posé sur Joanne. Elle est terriblement pâle. Je l'imagine bleutée, grise, presque translucide au milieu de la rue où elle a perdu connaissance. J'imagine le cadavre que je pourrais être en train d'observer si elle n'avait pas été amenée ici à temps. Une image qui permet à une unique larme de commencer son escapade sur ma joue -j'avorte sa route avant qu'elle se commence, au coin de mon œil. Pourquoi ne m'a-t-elle jamais parlé de ça ? Pourquoi m'avoir caché une condition aussi importante, aussi grave ? Est-ce que je n'avais pas le droit de savoir dans quoi je m'engageais ? Que je m'offrais tout entier à quelqu'un capable de m'abandonner du jour au lendemain ? Je sais que je ne devrais pas penser de tels reproches, mais je n'ai que cela en tête. Après la visite de Siobhan, je pensais que tout ce qui était lié à sa fausse couche était trop sensible pour être abordé, qu'il ne s'agissait que d'un détail qu'elle avait préféré occulté. Je ne lui en voulais pas. J'avais compris que, vu sa santé, elle ne pourrait pas avoir d'enfant -et au fond, cela m'arrangeait bien. Si cette faiblesse est aussi importante, elle aurait dû m'en parler. Je respire profondément, cherchant à balayer ces questions qui me torturent doucement. J'enfouis mon visage entre mes mains pendant de longues minutes, chassant la panique comme je le peux. Non, elle n'avait pas le droit de garder ça pour elle. Je retrouve mon amie la colère qui me fait sauter sur mes jambes pour faire les cents pas comme un lion en cage. Tout s'embrouille, s'assombrit, mes oreilles sifflent -j'ai l'impression de perdre pieds, mais je suis on ne peut plus là. Quand je reviens à moi, la chaise a laissé une trace sur le mur qu'elle vient de percuter dans un immense fracas et se retrouve renversée au sol. Une infirmière déboule accompagnée par le médecin. Nous comprenons tous les trois qu'une crise de colère m'a fait perdre mes moyens. Il suffit qu'ils me menacent de me faire sortir pour que je trouve un semblant de contrôle. Je récupère la chaise et la remet en place, m'assied, et ne bouge plus. Je fais glisser cette emmerdeuse de cravate hors de mon cou et la balance je ne sais trop où. Je me sens profondément trahi, et pourtant, je n'arrive pas à lui en vouloir. Je prends enfin sa main glacée et, penché légèrement sur elle, caresse ses cheveux à la racine, passe parfois le dos de ma main sur sa joue. « Réveille-toi, mon ange. » je murmure, ne me demandant même pas si elle m'entend tant cette question suffit à me faire souffrir.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Le Dr. Winters savait que les réactions de chaque proche, chaque famille, était singulière. Mais il avait rarement vu voir des émotions s'évacuer uniquement par la colère. Contre qui était-il en colère ? Contre elle ? Ce n'était pas le choix de Joanne d'avoir un problème de santé. Il se sentait désolé pour le couple, se doutant qu'il était difficile pour sa patiente de se reconstruire après de telles épreuves. Il les observait discrètement depuis la vitre, les bras croisés. Voilà qu'il s'était calmé, et qu'il s'approchait enfin de sa dulcinée, montrant un comportement dont le médecin avait beaucoup plus l'habitude de voir. De la tendresse, de l'amour, de l'inquiétude. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle réagisse à quoi que ce soit. Ce fut donc d'un air agréablement surpris qu'il la vit réagir au contact de la main sur sa joue, et de ce qu'il venait tout juste de lui dire. Elle allait se réveiller. Avant qu'elle n'ouvre ses paupières et retrouve un peu de sa conscience, il entra dans la chambre, pour parler un peu plus franchement au compagnon. Il était un peu plus ferme dans ses paroles, sans pour autant être agressif, loin de là. "La dernière fois qu'elle était aussi mal en point, elle venait de divorcer et de perdre un enfant. J'étais là, et je me suis occupé d'elle. Et je peux vous dire avec certitude qu'elle ne réagit de cette manière que si elle est confrontée à une situation qu'elle ne contrôle pas, et qui l'oppresse énormément. Par exemple... une situation financière qui dérape, une perte dans la famille, un sentiment de menace face à votre situation actuelle, je ne sais pas... n'importe quoi qui serait propice à la mettre dans cet état là, aussi émotive puisse-t-elle être. Ca fait plus d'un an qu'on ne la pas retrouvé ainsi, et je ne mise pas ceci sur de la coïncidence. Et je suis aussi certain que si vous parvenez à avorter la cause de son tracas à sa source, elle vivra de longs jours sans répéter ce problème, et peut-être même avoir des enfants." Il était déterminé. "Je n'ai pas encore tous les résultats dont j'avais besoin, mais je peux déjà vous certifier que votre compagne n'est pas stérile, même si le risque de malformation et de handicap reste considérablement élevé dans sa condition." La génétique, c'était comme la loterie. On avait un tas de chiffres donnés, mais on ne savait jamais sur lequel on pouvait tomber. Il hocha sèchement la tête avant de quitter la pièce, satisfait d'avoir mis les choses au clair. Les déformations d'informations étaient plus que fréquents dans le domaine médical. Joanne était sa patiente et finissait par la connaître du bout des doigts. Le fait de savoir que l'une de ses consoeurs ait osé briser le secret médical que sa patiente tenait tant à garder le mettait hors de lui, d'où la nécessité de ce bref éclaircissement. Il s'en allait enfin, un peu contrarié, dans son bureau afin de potasser sur le sujet.
Joanne sentait une présence dans sa chambre, mais elle était encore trop sonnée pour comprendre tout ce qu'il se passait. Ce fut un fracas, un bruit qui résonnait dans toute la chambre qui la fit sursauter, jusqu'à entendre des éclats de voix. Puis tout redevenait calme. Elle avait la tête lourde. Et là, un contact physique. Pas un toucher comme les soignants, qui démêlaient les fils de sa perfusion et du tuyau à oxygène, pas un toucher de professionnel. Non, un contact bien plus tendre, avec beaucoup plus de sentiments, d'attention. Ensuite, elle sentait des doigts caressant ses cheveux, qui descendaient ensuite au niveau de sa joue. Joanne savait qu'elle connaissait cette main, elle savait qu'elle aimait la sentir sur elle. Peu à peu, sa conscience revenait. Elle fronçait légèrement les sourcils, contractant quelques muscles de son visage, bougeant un peu sa tête. Puis un mumure, juste quelques mots. A la fois rassurant, mais douloureux, Joanne ne savait pas encore pourquoi. Jusqu'ici, sa respiration était calme, parfois trop, à peine audible. Elle ouvrait alors ses paupières, restant à demi-clos quelques secondes avant de les cligner à nouveau, et les ouvrir un peu plus qu'avant. L'image, encore floue, reprenait des formes, affichant ainsi le visage auquel elle s'attendait à voir. Il lui fallut peu de temps pour comprendre qu'elle n'était pas chez elle, mais dans un lit d'hôpital. Le réveil était difficile, perturbé. Mais le premier sentiment qui apparut en Joanne était le soulagement de le voir ici, près d'elle. Elle ne remarqua que l'inquiétude, la peur, peut-être même de la colère bien après. Joanne se sentait trop faible pour serrer la main qu'il tenait, c'en était frustrant. Sa bouche sèche, elle devait avaler plusieurs fois sa salive, et toussoter, pour être en mesure de lui parler. "Jamie..." Elle rassembla beaucoup de force pour arriver à lever légèrement sa main libre pour effleurer son visage, avant de retomber sur la couverture du lit. Comme si elle voulait s'assurer qu'il était bien là. Joanne était rapidement submergée par une vague d'émotions. Elle était perdue, ne comprenait pas ce qu'il s'était passé. La seule chose qu'elle parvenait à assimiler était qu'elle était mal en point, en sentant ainsi affaiblie, se voyant branchée à une multitude de machines. Alors elle rassemblait ses souvenirs. Le dernier dont elle était certain était qu'elle était en train de marcher en ville, puis plus rien. La suite était floue, n'ayant que de très vagues souvenirs de dires, de gestes, de personnes qui la touchaient pour l'examiner, rien de plus. D'autres souvenirs plus lointain refaisait surface, et peu à peu, le schéma se construisait. Ses yeux s'étaient humidifiés : elle restait paumée avant tout. Elle cherchait des réponses dans les yeux verts de son compagnon. Mais rien. "Je...Je..." Sa voix était faiblarde, et elle ne savait pas vraiment quoi lui dire. "Pourquoi..." Une dizaine de questions commençait par ce mot, mais elle ne savait pas laquelle poser. Ses yeux se bordaient de larmes, se sentant totalement égarée. "Je ne me souviens de rien..."
Le médecin entre à nouveau dans la chambre. Je m'attends à une réprimande quant à mon attitude, mais il s'en garde bien. Il se contente de m'expliquer qu'il y a forcément un événement déclencheur, une cause à son état. Que c'est à moi de trouver de quoi il s'agit pour éviter que cela se reproduise. Je me retiens de lui jeter un regard noir et de lui demander sèchement de partir, de simplement me laisser tranquille. Je prends ses mots comme une accusation. Comme quoi, je ne prends pas assez soin d'elle, je ne la protège pas assez de tout ce qui pourrait dégrader aussi gravement son état de santé. Il pourrait articuler mot à mot que ceci est ma faute et le message serait aussi bien passé. Et maintenant, je n'ai plus qu'à réparer tout ça. Est-ce que ce n'est pas son travail de faire en sorte qu'elle aille mieux, et non le mien ? Est-ce que Joanne n'est pas une femme adulte en mesure de gérer ses propres problèmes ? Pourquoi devrais-je les régler pour elle ? Pourquoi devrais-je être le seul garant de sa bonne santé ? C'est une responsabilité immense que me met le docteur sur les épaules, je me sens oppressé. Et elle qui se donne tant de mal pour que son entourage cesse de la voir comme une poupée en porcelaine… Elle n'a jamais eu l'air aussi fragile qu'aujourd'hui. Je ne regarde pas son médecin, c'est à peine si je considère sa présence. Je sais que je fais preuve d'ingratitude, mais je ne déborde pas d'émotions positives en cet instant. Il m'explique que Joanne n'est pas stérile pour autant, quoi que les risques sont importants. Je fronce les sourcils. Comme si le monde entier voulait des enfants, cela semble si impensable qu'une personne n'en souhaite pas que cette possibilité n'effleure plus l'esprit de qui que ce soit. « Je ne... » je débute, avant de me raviser. Le médecin, sur le départ, s'est tourné vers moi. Il m'interroge du regard. Je ne suis plus certain de ce que je voulais dire, attristé par l'idée que ma compagne soit privée d'enfants -ce qui est particulièrement perturbant. « Non, rien. » L'homme s'en va, et mon attention retourne vers Joanne qui tente de retrouver le monde des vivants.
La voir se débattre autant rien que pour ouvrir les yeux est un crève coeur. Néanmoins, un sourire imperceptible parvient à créer un léger rictus de soulagement sur mon visage. Quand sa main atteint mon visage, une vague d'émotion me submerge et je mets tout en œuvre pour garder mes larmes au bout de mes yeux, et non sur mes joues. « Bon retour parmi nous... » dis-je malgré ma gorge serrée. Je suis à peine maître de mes émotions et cela m'est insupportable. Entre la peine et la colère, tout tourbillonne en moi, et je n'ai aucune main mise dessus. Je suis perdu, et mon seul phare est dans ce lit d'hôpital. Réalisant sa condition, Joanne commence doucement à paniquer. Je pose une main sur sa joue, frôle ses lèvres sèches. « Chut... du calme. » La dernière chose dont elle a besoin, c'est qu'un trop plein d'émotions. Je me surprends à réussir à lui sourire, faiblement. Je caresse doucement son visage dans l'espoir de l'apaiser. Je déglutis difficilement, réalisant que je dois lui expliquer ce qu'il s'est passé -alors que je n'en sais pas grand-chose moi-même. Je massacre ma lèvre inférieure depuis plusieurs minutes, il n'y aura bientôt plus rien à mâchouiller. « Tu as eu une détresse respiratoire. Ton médecin dit que tu as perdu connaissance en pleine rue, tu ne pouvais plus respirer. Mais tu as été amenée ici à temps. Tu as été stabilisée, et tu récupères doucement. » dis-je d'une voix douce. Parler m'aide à prendre le dessus sur mes émotions. Énoncer des faits a quelque chose de rassurant pour un habitué dans mon genre. Mon rythme cardiaque tends vers une vitesse plus normale. Je recommence à pouvoir réfléchir de manière plus fluide. Les larmes continuent de border mes yeux, mais ma mâchoire serrée leur fait toujours barrière. « Tu vas rester ici quelques jours. Ils veulent s'assurer que tu ne referas pas une crise. » Je préférerais largement l'avoir à la maison pour veiller sur elle, quitte à prendre quelques jours de congé. Mais je suppose que personne ici ne me laisserait faire. Ils ont bien raison. Je ne saurais pas comment réagir si elle revenait à manquer d'air. Je dépose un baiser sur ses phalanges et garde sa main froide près de mon visage. « Tu m'a fait une sacré frayeur. » je murmure difficilement. Je garde ses iris bleus en otage, refusant qu'elle puisse les fermer à nouveau. Ses joues sont blanches, ses lèvres sèches. Cette vision me torture, et pourtant, je suis heureux de la voir ainsi plutôt que dans un état qui puisse être pire. « J'aurais pu te perdre... » dis-je encore plus bas, à peine audible. « Pourquoi tu ne m'as rien dit ? » Je sais que je ne devrais pas poser cette question, que le moment est on ne peut plus mal choisi. Elle se réveille à peine et n'a pas besoin de ce genre d'accusation à demi-mot. Mais je sais que je ne tiendrais pas plus longtemps sans la ressasser, la tourner dans tous les sens, qu'elle arrive à m'énerver, et qu'au final j'en vienne à la poser avec beaucoup moins de calme et de tendresse qu'actuellement. J'ai besoin de comprendre ce qui lui est passé par la tête quand elle a prit la décision que je n'avais pas à savoir.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Sentir sa main contre sa propre joue et l'entendre parler à voix basse la soulageait presque instantanément. Elle lâcha une profonde expiration, comme pour évacuer le début de panique qui s'était installée en elle. Les yeux de Jamie brillaient d'inquiétude, et pourtant, il arrivait à dessiner un léger rictus sur ses lèvres. Même si elle avait encore l'esprit diffus, Joanne se demandait tout ce qui pouvait lui traverser la tête en cet instant précis. Rien de bon, elle le sentait comme en ébulition, armé de centaines de mots et de questions. Tentant de rester calme et tendre au possible, le voir se mordiller fermement la lèvre pendant une poignée de minutes le trahissait. Il lui expliqua le tableau comme on avait pu le lui dire. Au fur et à mesure, certains morceaux de souvenirs prenaient tous leur sens, et commençait à se souvenir des quelques secondes avant de s'évanouir, et du moment où elle ouvrait à peine les yeux. Un tableau bien familier, ressemblant étrangement au jour de sa fausse-couche. Sur le coup, Joanne craignait être à nouveau tomber enceinte, même si elle prenait la pilule, et d'avoir perdu une nouvelle fois son enfant. Ca aurait été horrible à vivre pour elle si c'était le cas. Mais non, là, il ne s'agissait que d'elle. Etrangement, elle s'en rassurait, gardant un trop mauvais souvenir de son expérience de l'année passée. Jamie lui dit ensuite qu'elle devait encore rester quelques jours sous surveillance. Bien qu'on se soit toujours très bien occupée d'elle, Joanne n'aimait pas l'hôpital. Ces couloirs blancs, ces bips incessants, ces questions sans véritables réponses. Sa convalescence aurait été bien plus propice si ça se passait à la maison, mais Joanne comprenait qu'on la gardait ainsi. De plus, elle était facilement impressionnée par les blouses blanches et n'osait pas contredire ce que les professionnels de santé pouvait penser. La belle blonde restait silencieuse jusqu'ici, sentant les lèvres de Jamie se déposer sur ses doigts. Elle lui avait fait peur, comme si elle y pouvait quelque chose. Ses yeux verts ne la quittaient pas un seul instant, réalisant qu'ils n'auraient plus jamais voir ces iris bleus qu'ils aimaient tant scruter. Encore sonnée, Joanne n'entendait pas sa messe-basse. Et là, une question à laquelle elle devait s'attendre. Elle était trop épuisée pour lutter contre ses émotions, et les larmes commençaient à venir facilement. Joanne s'était trouvée beaucoup d'excuses pour ne pas mentionner son problème. Elle restait silencieuse pendant de longues minutes. "Parce que la dernière fois que c'était arrivé, c'était après mon divorce, au même moment où j'ai fait ma fausse-couche." Souvenirs encore très douloureux. "Que le médecin m'avait que ça ne reproduirait qu'en cas de stress, de panique, d'anxiété importante." Elle ne le regardait plus vraiment. "Et je pensais que ça ne se reproduirait pas, vraiment. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait cette..." Joanne ne trouvait pas de mots pour trouver un nom commun correspondant à Kelya. Elle avait semé la graine, Joanne en récoltait la tempête par le tumulte de sa propre imagination, ses plus grosses peurs, sa jalousie. Perdue dans ses pensées, elle dit plus faiblement. "Tu l' as dit toi-même, il s'en passe des choses, dans cette petite tête." Elle avait les yeux tristes qui observaient à nouveau Jamie. "Et pour une fois depuis longtemps, tout allait merveilleusement bien. Je ne voulais pas entacher le tableau par tout ça, je pensais pas que ça se reproduirait et...et je ne prendrai pas cette fichue pilule plus par peur d'avoir à vivre une nouvelle fausse-couche ou d'avoir un quasi mort-né en moi que par peur de tomber enceinte." Les larmes coulaient déjà depuis un moment. Joanne était en colère, mais seulement en colère contre elle-même. Elle ne pouvait rien lui reprocher. Il n'y avait qu'elle-même qui lui posait problème, elle et sa santé. D'autant plus frustrant lorsqu'on désire avoir des enfants. La frustration était incontrôlée, et il n'y avait strictement rien pour rattraper la casse."Et je serai devenue quoi, à vos yeux, à vous tous ? Encore et toujours la petite Joanne en porcelaine, tous prêts à s'inquiéter après chaque bolée d'air." Joanne s'était essoufflée par son discours et les sentiments négatifs qu'elle s'était tournée contre elle-même. Elle prit de profondes inspirations avant de retrouver son calme. De part la fatigue et les événements, on devinait que Joanne s'énervait, mais elle ne criait pas, loin de là. On le remarquait de par l'expression de son visage et le ton qu'elle employait, mêlé avec ses larmes. Il lui était difficile d'accepter sa condition et de savoir qu'elle ne changera jamais. Mais pour elle, cela prenait une tournure de non-reconnaissance. Pas au point d'en devenir insultant, mais c'était très blessant pour elle à la longue. Elle voulait se prouver, mais n'y arrivait pas, et retombait chaque fois encore plus bas.
Je regrette ma question à la seconde même où je la pose. Mais je dois savoir. Sans ses explications, il m'est impossible de comprendre à quel moment elle a pu penser que me cacher une chose pareille était une bonne idée. Elle n'a même pas l'excuse du caractère récent de notre relation : si elle est capable de vivre chez moi, alors elle peut me partager son état de santé. C'est le genre de choses dont on parle, normalement, non ? A un moment donné, ça se mentionne, ça se glisse dans une conversation, entre l'allergie au pollen et celle aux fruits de mer. Je n'en sais rien. Je suis terriblement blessé par ce secret qu'elle croyait bon de garder. Et qui me laisse parfaitement désarmé à un moment critique. Je me sens fautif, inutile, et, quelque part, humilié. Elle n'a pas eu assez confiance en moi pour m'en parler, je me dis. Gardant fermement sa main entre les miennes, Joanne m'explique que sa dernière crise remonte à sa fausse-couche et qu'elle ne pensait pas que cela arriverait à nouveau. Comme si elle pouvait se protéger de n'importe type de choc pendant toute sa vie. Mais qu'avait-elle en tête pour être naïve ainsi ? « Cette quoi ? » je demande afin qu'elle termine sa phrase. Elle ne me dit même pas ce qui a pu déclencher cette crise-ci. Je ne peux pas le deviner, je ne comprends rien à ce qu'il se passe dans son crâne à cet instant. Et toutes mes émotions mélangées m'empêchent de penser correctement. Le choc est encore entier. Elle ne voulait pas entacher le tableau. C'est vrai que tout est rose dans cette chambre d'hôpital. Elle avoue que la seule raison pour laquelle elle prend la pilule est le risque d'avoir un enfant mal formé ou mort-né. Ce qui m'assène le coup de massue numéro deux : elle veut des enfants. Elle se l'interdit par peur, mais c'est son souhait. Mon coeur bat de plus en plus fort. Mes doigts se crispent autour de sa main. Je me retrouve à tirer profit d'une situation qui est une torture pour elle, à être capable d'y trouver de quoi me satisfaire comme le pire des monstres. Vient ce que je pense être la seule réelle motivation de Joanne : l'envie d'avoir l'air forte, que son entourage ne s'inquiète pas et la laisse tranquille. Je serre les dents, mais je sais que cela ne va pas m'empêcher d'exploser. Je passe une main sur mon visage qui me calme à peine plus. Alors je prends une grande inspiration, sachant que je ne peux pas m'énerver dans cette situation. Je dois me contenir. Doucement, je me penche sur elle, gardant son regard dans le mien. Je ne souris pas, je ne m'énerve pas, je parviens à garder un certain calme -non sans une certaine fermeté. « Joanne, je sais que c'est difficile à entendre, mais vu ton état de santé, tu vas devoir prendre sur toi le fait que les gens qui t'aiment s'inquiètent pour toi et veulent te protéger, que ça te plaise ou non. » dis-je en contenant toujours aussi difficilement ces fichus larmes qui rougissent mes yeux et m'empêchent de voir net. « Est-ce que ça te fait sentir plus forte de n'avoir rien dit à ce sujet histoire de finir à l'hôpital comme une grande ? Tu es fière d'avoir gardé ça pour toi à cet instant ? Parce que si ça n'est pas le cas, alors tes cachotteries n'ont servi à rien. » Peut-être qu'en parler n'aurait rien changé, qu'elle aurait quand même atterri ici, mais j'estime qu'il était de son devoir de m'informer afin que je puisse faire quelque chose. Comme répondre aux questions du médecin plutôt que de paniquer. Ou simplement être attentif aux signes avant coureurs d'une crise afin d'essayer de l'aider, la calmer. Mais non, il fallait qu'elle gère ça toute seule. « Tu peux avoir la volonté de jouer la dure dans tous les domaines que tu veux, mais tu ne peux pas faire comme si ta condition n'existe pas parce que ça t'arrange. Il y a un moment où tu vas devoir accepter l'aide des autres en arrêtant de le prendre mal. Si tu n'est pas capable de t'endurcir toi-même, alors laisse ceux qui t'aiment prendre soin de toi. Quand ça concerne ta santé, la fierté n'a pas sa place. » Et au fond, sa volonté d'empêcher que les autres la trouvent faible reste basiquement une question d'ego. Elle a parfaitement le droit de vouloir gérer seule sa vie, mais sa santé et sa vie atteignent aussi son entourage. C'est égoïste de ne pas s'en rendre compte. « Et je ne peux pas prendre soin de toi et être à la hauteur si tu me caches des choses pareilles. » Je ne l'étais déjà pas à la base, et ses secrets me laissent croire qu'elle pense la même chose. « Tu avais encore peur que je te rejette à cause de ça ? Est-ce que tu ne peux pas simplement te mettre dans le crâne que je t'aime et que je ferais tout pour toi ? » Je me laisse retomber dans ma chaise, légèrement tremblant de peine et de colère. Tous les pores de ma peau laissent deviner ces deux émotions qui se battent en moi. Je la regarde sévèrement. Je ne devrais pas Mais mon coeur explose, je ne peux pas arrêter ce flux de paroles tant qu'il n'est pas soulagé, libéré de tout ce qui l'oppresse. « Tu aurais dû m'en parler. C'était égoïste de ta part de ne rien dire. J'avais le droit de savoir que la femme que j'aime peut mourir au milieu de la rue à n'importe quel moment. Tu n'as pas d'excuses. » dis-je dans l'espoir qu'elle se rende compte d'à quel point elle a réussi à me blesser. J'aimerais ne pas lui en vouloir, et à vrai dire, je ne suis même pas sûr d'avoir de la rancoeur. Seulement cette affreuse soupe de sentiments contradictoires. Je me penche vers le lit et dépose mon front sur cette main que je n'ai pas lâché. Je peux cacher l'unique larme qui parvient à s'échapper et tombe aussi rapidement sur le col. « Pardon. Je suis tellement désolé... » Je ne voulais pas être désagréable à son réveil, lui parler ainsi, j'ai conscience que la situation est assez difficile pour elle. Je suis le dernier des idiots, voilà tout, et un aussi parfait égoïste qu'elle a pu l'être. Je mériterais d'être jeté dehors. « Je ne sais pas ce que je ferais sans toi et…. » Je prends une grande inspiration pour me calmer. Retrouver un semblant de contrôle n'a jamais été aussi difficile. « Je t'aime tellement. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La dureté de ses paroles était extrêmement difficile à entendre pour la jeune femme. Elle se croyait vivre un cauchemar, un enfer. C'était le souhait de Kelya, pas vrai ? Elle ne quittait pas des yeux Jamie, qui la fixait en pensant chacun de ses mots. Chaque phrase était comme un coup de poignard qui s'enfonçait lentement dans son coeur. Ce dernier la faisait beaucoup souffrir. Elle restait muette, avalant chacune de ses pensées. Oui, il la voyait faible, oui, il voulait la protéger, et oui, elle devait l'accepter sans dire mot. Tout ce dont elle espérait de lui ne devenait alors qu'un vague mensonge, une douce désillusion. Il disait savoir ce que c'était difficile à entendre. Lui, quand il n'acceptait pas d'entendre les choses, il laissait la violence l'emporter sans la moindre résistance en détruisant tout ce qui pouvait se trouver à portée de mains. Même s'il restait calme, certains de ses mots étaient virulents pour elle. Le soutenir du regard était une épreuve douloureuse mais elle le faisait quand même, sans broncher. Elle le laissait enchaîner, encore et encore, prenant tout sur elle. S'excuser et dire qu'il l'aimait semblait bien dérisoire après tout cela, bien qu'elle n'arrivait pas à douter de ses paroles. Jamie était bouleversé, et ne le cachait pas. Il ne savait peut-être pas comment il fallait réagir face à cette situation. Joanne ne le savait plus non plus d'ailleurs. Elle restait longuement silencieuse avant de daigner dire quelques chose. La belle blonde avait tenté à plusieurs reprises de ravaler ses sanglots, et de s'assurer qu'elle avait assimilé tout ce qu'il venait de lui dire. Sa voix était faible, non agressive, mais mêlée entre beaucoup d'émotions qui la submergeaient. Elle était fatiguée, elle n'en pouvait plus. Le regard vide, elle finit par dire, d'abord calmement. par quelque moyen que ce soi "Qu'est-ce que ça aurait changé ?" Elle soupira "Qu'est-ce que ça aurait changé, que je te le dise ?" Les larmes étaient toujours là, elles aussi. par quelque moyen que ce soi "Il se serait passé la même chose dans cette rue, tu serais venu ici, et nous serions certainement en train de se prendre la tête sur autre chose." C'était certainement très défaitiste comme discours, mais elle le voyait comme ça. Son ton devenait progressivement, de plus en plus révolté, sans pour autant que ce soit excessif, loin de là. "Est-ce que ça aurait empêché Kelya de me rappeler quotidiennement,par n'importe quel moyen, qu'elle est toujours bien là, toujours très amoureuse de toi, et prête à faire n'importe quoi pour être avec toi ? Est-ce qu-" Prise par l'émotion, Joanne trouva la force je ne sais où pour porter sa main libre à sa bouche, pour y étouffer quelques pleurs. Elle renifla, et tentait de se calmer par de longues respirations. Elle se sentait être infantilisée, une nouvelle fois. "C'est pas de la fierté, c'est..." De la reconnaissance, une certaine estime. Joanne ne trouvait pas le mot qui sonnait le plus juste. "Laisse tomber, ce n'est rien." finit-elle par soupirer. La jeune femme n'avait pas la force pour commencer une nouvelle querelle, et préférait abandonner. Elle l'avait blessé, lui venait aussi de le faire. Une sorte de rancune involontaire. Et si elle reconnaissait ne pas mériter d'excuses, elle se serait rabaissée, il se serait énervée, et la fin aurait été similaire. "Voilà que je n'ai même plus de jardin secret." dit-elle, totalement plongée dans ses pensées. Joanne était certaine qu'il en tirait une certaine satisfaction, de tout savoir sur elle, d'en avoir le contrôle. Comme pour Mia et Reever, tous les deux s'étaient mis en tête qu'ils devaient tout savoir sur leur soeur pour la protéger au mieux. C'était un peu pour elle l'hôpital qui se foutait de la charité, parce qu'elle n'était pas certaine que Jamie lui confie ce genre d'informations à Joanne, s'il avait aussi des soucis de santé, par exemple. Il n'aimait pas partager ses émotions ou ce qu'il pensait. Joanne avait beaucoup plus de facilités, mais voilà qu'elle devait s'obliger à tout lui dire ? Elle était très malheureuse, à ce moment là. Le visage, triste, éteint, la couleur de sa peau ne ravivait pas réellement le tableau, au contraire. Mais Jamie lui tenait toujours la main, il ne s'était pas permis de la lâcher une seule seconde. "Il y a ces personnes qui vivent des jours bien pires que moi, et qui pourtant, arrive à tout surmonter, sans avoir à jouer les gros durs. Et moi, je suis à côté, avec ça, et je ne suis capable de rien." Ses yeux se bordaient de nouvelles larmes. "Je...Je veux bien accepter de l'aide, ce n'est pas ça le problème. Je ne veux pas devenir un fardeau." Ses yeux se fermèrent quelques instants afin de rassembler ses esprits. "Alors, oui, je suis impardonnable. Mais que tu l'aies appris avant, ou maintenant, de toute manière, tu aurais tout pris sur toi. Un nouveau poids sur tes épaules alors que tu as suffisamment de choses à penser." Joanne avait peur de pleurer de plus belle, craignant manquer à nouveau d'air et plonger dans des événements qu'elle ne contrôlerait plus. Cela n'empêchait pas ses sanglots. Ses yeux bleus captèrent son regard. Elle finit par lui répéter, toute triste et blessée. "Je ne veux pas devenir un fardeau pour toi."
Douloureusement, je relève la tête. Constatant qu'être désolé ne sert à rien. Le mal est fait des deux côtés et nous n'avons plus qu'à nous entre-déchirer jusqu'à ce que la tempête passe, lâcher nos pensées, tout ce que notre coeur nous dicte, et croiser les doigts. Joanne, toujours prisonnière de tubes divers, doit ravaler ses larmes. Vu sa faible respiration, ce doit être difficile. Bien sûr, j'ai honte. Je ne suis pas à son chevet pour faire empirer son état. Et si ses sanglots déclenchaient une nouvelle crise ? Mais, sur le moment, je n'y pense pas. Nous avons des choses à nous dire, et ils me semblent plus importants que le reste. D'après elle, m'en parler n'aurait rien changé. Je n'ai pas envie de lui faire la liste de toutes les situations hypothétiques où cette information aurait pu m'être utile, et encore moins souligner le fait qu'il s'agissait d'un peu de respect envers moi ; elle s'est pensé le droit de me mettre devant le fait accompli, et je n'arrive pas à digérer ça. Je me contente d'hausser les épaules, dépité par ses paroles, cette pseudo-mauvaise foi dont elle fait preuve. « On ne le saura jamais de toute manière. » Nous sommes ici, et nous n'avons plus qu'à faire avec. Je souhaitais comprendre la jeune femme, mais je ne me retrouve pas plus avancé. Elle en vient enfin à la raison de sa panique, la cause de son état, à savoir Kelya. Je serre les dents, ne voyants là-dedans qu'un parfait manque de confiance en moi et en ma promesse de la tenir éloignée de tout ceci. « Je t'ai dit que j'allais m'en occuper. Tu ne crois donc en rien de ce que je peux te dire ? » J'ai lâché sa main et posé la mienne sur le borde du lit, où je peux serrer la fine couverture qui la recouvre, respirant difficilement. Elle ne comprend pas, ou elle ne veut pas comprendre. Ou peut-être est-elle simplement complètement idiote. Non. Rapidement, j'avorte cette pensée.Je respire difficilement étouffé par l'énervement qui prend le dessus sur le reste. Mes oreilles sifflent doucement, c'est insupportable. « Ton Jardin secret ?! » j'hurle presque en me levant d'un coup, partant rapidement m'isoler dans le coin opposé de la pièce avant de faire quoi que ce soit que je puisse regretter. Je passe une main sur mon visage. Elle me tue. « Mais est-ce que tu t'entends parler ? C'est de ta santé, c'est de ta vie dont il s'agit ! » Il n'y a pas de putain de jardin secret qui tienne. Elle est libre de faire toutes les cachotteries foireuses qu'elle veut, mais pas sur un sujet pareil. Elle ne se rend pas compte. Mon dos plaqué contre le mur, j'essaye de l'écouter parler, mais le fait est que je ne veux plus rien entendre. Avant que je m'en rende compte le médecin de Joanne est à côté de moi. Un poids lourd se trouve dans l'encadrement de la porte, au cas où. Je les dévisage. « Je dois vous demander de sortir Mr. Keynes. » Je ne sais pas pourquoi une sorte de rire m'échappe. « Pardon ? » Il ne peut pas me jeter dehors, c'est n'importe quoi. Mais il est on ne peut plus sérieux, et l'air sévère, me fixe. « Mademoiselle Prescott a besoin de repos, et de calme, et votre attitude ne l'aide en rien. Elle est encore bien trop faible pour supporter vos états d'âme. Le mieux que vous puissiez faire si vous voulez son bien, c'est de partir. » Mon regard par dessus son épaule remarque l'infirmière qui s'est glissée auprès de Joanne pour vérifier que tout va bien. Cette ingrate est si obstinée qu'elle n'accepterait que la surprotection du personnel de santé, mais pas celle de ses propres proches. Elle est si mal en point… Et je ne l'aide en rien. Au contraire. Je l'ai mise dans ce lit d'hôpital, et je l'y enfonce. Sans plus rien dire, je baisse le regard et quitte la chambre. Appuyé contre la vitre de la pièce, je laisse mon dos glisser sur la surface jusqu'à finir assis par terre. Soudainement vide. Il ne faut que quelques secondes au médecin pour m'asseoir à côté de moi. Je ne lui adresse pas mon attention, préférant regarder le couloir se dressant devant moi. Cela n'empêche pas à l'homme de parler, et de me faire parler. Je hais toujours le calme dans sa voix. Je le hais autant que je l'admire. J'aurais pu perdre la seule femme que j'ai jamais aimé, et cette idée m'ôte tout contrôle. Sans que je m'en rende compte, la conversation dure avec le médecin. Il me pose une montagne de questions auxquelles je réponds machinalement, ne me demandant même pas la raison de cet interrogatoire, n'essayant même pas de cacher quoi que ce soit ; j'ai sûrement besoin de parler, beaucoup, évacuer, alors je ne réfléchis à rien. Oui, j'ai des crises de colère fréquentes. Je n'y peux rien, je ne me maîtrise pas. Avant de connaître Joanne, j'allais régulièrement à la rencontre des baguarres dans des bars. Je cédais à ce besoin les soirs où je me sentais seul, vide -et ils étaient fréquents. Non, je n'ai jamais été quelqu'un souhaitant s'attacher aux autres. Je n'ai jamais aimé avant elle, d'où l'importance de sa patiente pour moi. Je ne supporte pas l'idée de la perdre de quelque manière que ce soit. Oui, ma relation avec Joanne a toujours été ponctuée de crises, intenses, avant que le calme revienne. Nous fonctionnons étrangement, c'est parfois épuisant. C'est quand je commence à parler d'Oliver que mon cerveau réalise la situation. Mon regard se pose soudainement sur l'homme en blouse, yeux plissés. « Je rêve ou vous être en train d'essayer de faire un diagnostique ? Vous ne devriez pas plutôt vous occuper de Joanne ? » Toujours calme, il me sourit avec bienveillance. « C'est ce que je suis en train de faire. » Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il veut dire par là. Il me demande de reprendre au sujet de mon frère. Je survole la chose, ne souhaitant plus me livrer maintenant que j'ai compris les intentions du médecin. « Un sans faute, félicitations. Vous gagnez ceci. » dit-il en sortant un de ces flacons d'un orange insupportable qu'il me pose dans la main. Lithium, je lis. L'homme avait déjà prévu son coup. « Gardez ça, je ne suis pas cinglé. » « Ce n'est pas ce que je dis. D'après tout ce que vous m'avez dit, à mes yeux, vous avez un trouble de la personnalité borderline. Cela reste à confirmer, mais j'ai peu de doutes. Et ça, peut vous aider à vous réguler, avec une bonne thérapie. Faites moi le plaisir d'en prendre pendant trois semaines. Ensuite, vous reviendrez me voir. » Pendant une seconde, nos deux mains tiennent le flacon. J'ai envie de le lui rendre et l'envoyer paître. Mais j'ai promis à Joanne que je trouverais le moyen de me faire aider. Et cet homme la connaît bien, il sait prendre soin d'elle -contrairement à moi. Ma conscience me dit de lui accorder ma confiance. Alors je saisis les cachets, et, en signe de bonne foi, en gobe un tout de suite. Il m'assène une tape sur l'épaule et se relève. D'autres patients l'attendent. Je reste assis là encore une poignée de minutes, à regarder l'étiquette du flacon. Au pire, ça ne marchera pas. Je ne saurais pas dire depuis combien de temps la belle est seule dans la chambre. Longtemps. Je me met enfin sur mes jambes et frappe à la porte pour signaler ma présence à Joanne. Visiblement vidé, c'est un étrange calme qui m'anime. « Je peux entrer ? » je demande, restant dans l'encadrement de la porte. Mes bras croisés forment une barrière symbolique entre elle et moi, afin de me protéger de tout rejet que je puisse essuyer de sa part. Je lui monte le petit objet orange dans ma main, riant nerveusement -non sans avoir honte de devoir en arriver à la médication. « Ton médecin vient de me prescrire des bonbons. » Je souris quand même, sans trop savoir pourquoi. Ca n'a rien d'amusant. Quoi que, nous formons une belle paire de bras cassés, et ça, c'est assez cocasse. Mes dents viennent passer sur ma lèvre, mal à l'aise. Je ne me permet pas de faire un pas dans la chambre. « Je suis sincèrement désolé, Joanne. Je ne voulais pas... » dis-je sans trouver les mots pour finir ma phrase. « Tu dois sûrement regretter ton chèque de caution maintenant. » Un nouveau rire nerveux m'échappe. Elle doit aussi comprendre son erreur lorsqu'elle a refusé d'arrêter de me côtoyer à plusieurs reprises. Même si aucun de nous deux ne pouvait prédire la venue de Kelya, me connaissant, il était évident qu'elle finirait ici tôt ou tard. « Après tout, c'est entièrement ma faute. » C'est mon passé qui a frappé à la porte de son bureau pour la terrifier. La faire paniquer, l'étouffer jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus respirer. Kelya, sans rien avoir à faire, a quasiment tué Joanne. Mon esprit échafaude déjà le plan visant à lui faire regretter sa venue à Brisbane. Mais avant cela, je peux faire autre chose de bien, et enfin sortir de la vie de la jeune femme avant que sa situation n'empire. « Il a sûrement raison, ton médecin. Le mieux que je puisse faire, c'est partir. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Tout dérapait. Jamie était énervé, il avait envie d'exploser mais faisait tout pour se contenir. Mais il avait fallu que de quelques mots pour qu'il se lève d'un coup, et qu'il élève la voix contre elle. Elle avait l'impression que son coeur se tordait dans tous les sens dans sa poitrine, c'en était très douloureux pour elle, et avait l'impression que ça jouait sur sa respiration. Elle le regardait, apeurée, on entendait son rythme cardiaque s'accélérer sur le scope. Ses inspirations et expirations étaient brèves, et elle faisait de son mieux pour retenir ses nouvelles larmes. Il semblait être devenu sourd à tout ce qu'elle pouvait lui dire, se trouvant de l'autre côté de la pièce, dos au mur. Le Dr. Winters se sentait en droit d'intervenir, voyant que le comportement de son compagnon ne faisait qu'empirer son état. Il était accompagné d'un agent de la sécurité, et chargea l'infirmière du service de rester au chevet de Joanne afin de s'assurer qu'elle se porte bien, ce dont il doutait sérieusement en la voyant ainsi. Joanne avait porté le dos de sa main à sa bouche, étouffant ses pleurs du mieux qu'elle le pouvait. Elle réalisait vaguement ce qu'il se passait juste à côté, entendant le médecin dire qu'elle avait besoin de repos, et que le mieux pour elle était qu'il parte. L'infirmière, d'origine latine, demanda à Joanne comment elle se sentait. Dans ses sanglots, elle parvint à lui chuchoter "J'ai mal au coeur, j'ai du mal à respirer, je..." La soignante tentait de l'apaiser au mieux. Alors que Jamie sortait de la pièce, le médecin comptait le rejoindre rapidement. Juste avant, il dit à l'infirmière. "Faites lui un électrocardiogramme, et donnez-lui un Xanax. Il faut qu'elle se détende et qu'elle parvienne à se reposer. Et baissez un peu l'oxygène, on va essayer de commencer à la sevrer cette nuit." Puis il quitta la pièce. L'infirmière la força à faire quelques exercices de respiration afin qu'elle retrouve son calme, puis lui fit l'examen rapidement avant de lui administrer le médicament prescrit par son médecin. "C'est un choc que d'apprendre que la personne qu'on aime était à ça de perdre de la vie, alors que l'on ne s'y attend pas. Il faut le comprendre." Elle avait un léger accent, et sa voix était extrêmement douce. "Je suis certaine que vous aviez vos raisons de ne pas en parler, ce n'est pas à moi d'en juger. Il n'est pas en mesure de comprendre votre façon d'agir, mais vous, je sais que vous comprenez la sienne. Montrez-le-lui." Elle finit quelques réglages puis quitta la pièce, encourageant sa patiente à rester calme. Joanne était restait seule pendant longtemps, mais le silence de la pièce lui faisait du bien. Elle sentait le médicament faire peu à peu effet, sentant chacun de ses muscles se décontracter un peu, sa respiration trouvant un rythme serein. La belle blonde somnola pendant une durée qu'elle n'arrivait pas à déterminer, jusqu'à ce qu'une silhouette familière se dessine au seuil de la porte de sa chambre. Elle pivota sa tête pour voir que Jamie était toujours bien là. Elle pensait qu'il était parti, qu'il ne voudrait plus la revoir. Son compagnon lui confia que le Dr. Winters lui avait prescrit une thérapie. Ils auraient donc été ensemble pendant tout ce temps ? Joanne n'y comprenait pas grand chose. Nerveux, il s'excusa, sans terminer sa phrase. Il supposait alors qu'elle regrettait les choix qu'elle avait fait jusqu'ici. Elle pensait exactement la même chose de lui. Le bel homme se rejetait toute la faute et pensait que la meilleure solution était celle que le médecin lui avait recommandé plus tôt. Joanne le regardait quelques secondes, silencieusement. Elle tendit avec difficulté son bras en sa direction en lui soufflant doucement. "Viens là." Il n'avait pas besoin d'avoir des reproches et de rentrer à la maison la conscience alourdie. Sa bouche était sèche, il lui était difficile de déglutir sa salive. Joanne l'incita à s'asseoir au bord du lit. Elle aurait adoré avoir suffisamment de force pour caresser son visage ou glisser ses doigts dans ses cheveux. Elle tenta d'élever sa main, mais la tâche lui était impossible, et elle dut se contenter de la déposer sur l'une de ses cuisses, cherchant toujours à avoir un contact avec lui lorsqu'il était près d'elle. Les mot lui manquaient. Joanne ne le quittait pas des yeux. "Je ne regrette absolument pas d'avoir à déchirer ce chèque." Si elle en avait la force, elle aurait sûrement parler pendant de longues minutes, à lui étaler tout son ressenti et lui prouver à quel point elle l'aimait. Elle cherchait longuement à trouver un moyen de condenser tout ceci en une seule phrase. Sa main froide était toujours posée sur sa cuisse, ses yeux regardaient ailleurs jusqu'à ce qu'elle trouve une phrase qui pourrait la satisfaire. Ses iris bleus le regardaient à nouveau. "J'ai beau mettre toutes mes phrases au conditionnel..." Elle avait soudainement besoin de prendre une profonde inspiration. "...Mais c'est à l'inconditionnel que je t'aime." Durant les voeux de mariage, on disait tout le temps que c'était pour le meilleur et pour le pire. Ils étaient déjà passés dans ces phases, ils n'étaient plus à ça près et ils n'étaient même pas mariés. "Le Dr. Winters est un homme consciencieux, il a toujours cherché les meilleures solutions pour ses patients. Peut-être qu'il a raison, peut-être que tu dois partir..." Elle utilisa le peu de force qu'elle avait dans ses doigts pour serrer légèrement la cuisse de Jamie. Ses yeux s'étaient bordés de larmes. "...seulement si tu reviens me voir." Tout ceci devait lui être tellement paradoxal, mais elle espérait qu'il la comprenait. "J'ai besoin de toi." Elle commençait enfin à reconnaître qu'elle ne pouvait pas se débrouiller seule face à tout cela, sinon elle foncerait droit dans le mur, et la casse serait irréparable.
Restant dans l'encadrement de la porte, j'attends le moindre signe de Joanne. Celui qui me permettrait d'entrer, comme celui qui me dira d'aller me faire voir. J'aurais amplement mérité ce dernier. Pour avoir autant perdu mon sang froid, elle devrait me sommer de la laisser tranquille, rester loin d'elle. Je sais que je suis impardonnable. Je ne peux pas me le pardonner, en tout cas. Finalement, elle m'appelle avec le bras tendu. Je souris, ému, flatté qu'elle accepte de m'avoir auprès d'elle. J'ai rarement ressenti autant de gratitude envers quelqu'un. Elle ne me rejette pas, et au vu de l'intensité de la colère que j'ai pu ressentir depuis des dernières heures, c'est à mes yeux la rédemption la plus précieuse qu'on puisse m'offrir. J'avance, quelque peu timidement, jusqu'au lit et, après avoir posé le flacon orange sur la table près de celui-ci, m'assied sur le rebords, à côté de la jeune femme. Ma main serre tendrement celle qu'elle a posé sur ma jambe. Mon regard reste plongé dans le sien, essayant de faire abstraction de son teint blafard afin de ne pas avoir l'air triste. Je souris à ses paroles, restant muet, simplement heureux qu'elle soit capable de faire abstraction de ma précédente crise. Elle reste silencieuse un long moment, cherchant ses mots. Caressant doucement le dos de sa main, je la laisse prendre le temps de réunir les idées nécessaires pour parler. Difficile de ne pas montrer à quel point la voir chercher sa respiration à la moindre difficulté m'affecte. Je reste stoïque au possible, me doutant qu'elle a assez vu d'inquiétude sur mon visage pour les prochains dix ans. Me contentant d'un léger sourire, ses mots m'obligent à quitter son regard quelques secondes, gêné. Je ne réponds pas -elle sait à force que je ne sais jamais quoi répondre à ce genre de déclarations. Je serre un peu plus sa main, et la porte doucement à mes lèvres pour l'embrasser. « Je n'ai pas envie d'aller où que ce soit. » je murmure. Mais il le faudra bien à un moment. Afin qu'elle puisse se remettre de tout ceci. Jetant un coup d'oeil aux cachets sur la table de chevet, j'ajoute ; « J'espère qu'il aura trouvé la bonne solution pour moi. » Des médicaments. Une stabilisation artificielle. Je n'ai aucune envie d'en arriver là, mais je vois mal discuter les conseils de ce cher Dr. Winters. Il faut ce qu'il faut : si cette solution marche, je n'aurais plus qu'à l'accepter et faire avec. C'est ce que je dois à Joanne. Elle ne doit plus être la victime de mes excès. Une situation comme celle d'aujourd'hui ne doit plus se reproduire. Quand on regard retrouve celui de la belle, elle dit avoir besoin de moi. « Et moi de toi. » dis-je en posant une main sur sa joue incolore. Je me penche sur elle, veillant à ne pas l'écraser, pour déposer un baiser sur son front. Puis, plus timidement, toujours proche de son visage, descends le long de l'arête de son nez jusqu'à ses lèvres, encore terriblement sèches, que j'embrasse très légèrement. Caressant ses cheveux blonds, qui semblent eux aussi sans vie, je lui confie ; « J'aimerais tellement te ramener à la maison... » Qu'elle puisse être mal en point dans un endroit qui ne la fasse pas ressembler à une mourante. Qu'elle soit chez elle, en sécurité, là où je pourrais veiller sur elle. Ici, je me sens tellement impuissant. « Tu devrais te reposer. Si je ne te laisse pas dormir, ton médecin va revenir me taper sur les doigts. » dis-je, dédramatisant la situation précédente. Je reste étonné qu'ils aient cru nécessaire de prendre la sécurité avec eux, mais qu'importe. Ma discussion avec le médecin m'avait autant vidé qu'aidé. Je ne suis pas tranquille, loin de là, mais sa bienveillance m'a donné de l'espoir.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne savait qu'il ne s'habituera jamais à ce qu'elle lui parle de cette façon. A lui confier la manière dont elle le voit, dont elle considère leur relation, dont elle l'aime. Elle faisait des déclarations semblables à celles-ci assez régulièrement et il réagissait toujours de la même façon, en ne disant rien, en fuyant son regard, parfois même en se mordillant la lèvre. Elle avait aussi arrêté de lui demander qu'il se confie à elle, parce que ça ne donnait rien. Pourtant, elle adorerait qu'il partage plus ses pensées, et que ce soit en dehors de leurs disputes. Parce que ce n'était qu'à ce moment là qu'il parlait à coeur grand ouvert. Ce n'était pas toujours évident pour elle, et elle n'allait pas forcément s'y faire. Elle vivait avec, tout simplement. Jamie ne comptait pas rentrer pour le moment. Lui aussi était épuisé, lessivé par les derniers événements. Il avait aussi besoin de repos et elle commençait à s'en inquiéter. Ses iris bleus regardèrent le petit flacon en plastique, de couleur orangée. Elle aurait espérer qu'ils auraient trouvé d'autres alternatives que de devoir se shooter à longueur de journée. Voir ces comprimés la désolait un peu. Elle essayait de rester aussi positive que possible. "Peut-être que ce ne sera que passager, que tu pourras t'en passer un jour." Joanne ne doutait pas des compétences du médecin qui la prenait en charge. Elle aurait peut-être apprécié qu'il cherche autre chose au lieu de lui donner directement ses cachets. "Il sait ce qu'il fait." Jamie lui dit qu'il avait tout autant besoin d'elle. La jeune femme était surprise qu'il dise une telle chose après qu'il se soit tant énervé. Elle était certaines qu'au moment des cris, il la prenait pour la plus stupides des personnes. Joanne ne regrettait pas ses choix. Ne pas parler de ces choses aux personnes qu'elle aime était pour elle la seule solution pour qu'on la considère comme une personne qui sait gérer sa vie et ses choix. Elle en assumait les conséquences, certes. Mais elle était avant tout triste et désespéré qu'on ne fasse pas l'effort d'essayer de comprendre son cheminement. Ils n'arrivaient pas à se mettre à sa place, ce qui en soi, la faisait sentir horriblement seule de temps en temps. Jamie se pencha sur elle pour l'embrasser sur son front, puis sur ses lèvres. Elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il ne l'avait plus embrassé, et était un peu frustrée de ne pas pleinement en profiter. Elle l'aimait tellement. Les doigts de Jamie se mêlait à ses cheveux blonds, avouant qu'il préférerait largement la voir à la maison, se reposer dans leur lit. Le sommeil aurait été bien plus réparateur là-bas, la jeune femme n'en doutait pas une seule seconde. Mais cela signifierait qu'il devait s'occuper d'elle, donc certainement prendre congé au risque de se prendre une rouste de la part de sa patronne. La bienveillance de Jamie était démesurée, parfois inexplicable. Elle lui afficha un sourire triste, disant par là qu'ils savaient tous les deux que ce n'était pas possible. "Ils veulent me garder pour trois ou quatre jours, sinon plus. Ca dépend de beaucoup de choses, je n'ai pas tout compris." Joanne se sentait épuisée. Certainement le médicament qui faisait effet. Mais elle se forçait à rester éveillée tant que son compagnon était encore présent. Ce dernier ne tarda pas à dire qu'il valait mieux qu'elle dorme. Elle sourit. "Va. Rentre à la maison, il y a un petit gaillard qui t'attend là-bas et..." Joanne commençait doucement à s'assoupir. "...toi aussi tu as besoin de te reposer..." Puis elle se plongea dans son sommeil. Joanne sentit le bel homme l'embrasser une nouvelle fois sur le front, en lui souhaitant bonne nuit. Il lui caressait encore pendant quelques secondes les cheveux avant de se lever du lit, puis de partir, presque à contrecoeur.