J’ai la main de Levi qui s’enlace à la mienne, son rire qui fait pareil à mes oreilles. Il s’éclate pas des masses, y’a toujours un filet de détachement trop forcé pour être vrai qui s’accroche à lui, mais au moins, il tente. Il tente de voir au-delà, il tente de relativiser. Le nuage noir qu’il s’est fait chier à laisser flotter au-dessus de sa tête m’apparaît moins épais, moins intense, mais au final, c’est peut-être simplement parce qu’au fil de nos mots échangés, je l’ai attiré un peu plus loin. On s’en est éloignés. Mais je suis pas conne, encore moins dupe, et je sais, je sais pertinemment que la prochaine tempête même si elle n’est pas encore annoncée risque de frapper sous peu. I just hope he’ll hold my hand as hard as he is holding it now when the time comes. « You’re not wrong. » qu’il cède l’idiot, il me donne raison probablement pour l’une des seules fois dans sa vie, et je parierais que l’impression de nouer sa gorge d’avoir à statuer telle chose doit lui rendre la tâche d'articuler plus difficile. Non Ariane, ça, c’était avant. Get used to this, looks like something changed here. Something did.

Comme tant d’autres fois avant, Levi tourne la conversation vers moi lorsqu’il sent qu’il a assez donné, et que c’est à mon tour de faire pareil. Jo étant partie intégrante de mon quotidien – et de celui des gars compte tenu du fait qu’on se lâchait pas d’office Kane, Levi et moi – c’est presque évident qu’il allait venir sur le sujet. McGrath connaît de lui ce qu’il veut bien connaître, j’ai souvent l’impression qu’il écoute pas lorsque je lui parle de Joel, qu’il fait le filtre, qu’il s’en balance. Ou alors, qu’il se souvient des maintes fois – la seule – où mon état à cause de tout ça avait été si unbearable que j’avais dû quitter le pays en catastrophe. Je me suis toujours legit demandé si Levi ne laissait pas de la distance entre Joel, moi et lui strictement parce que me voir ainsi à l’époque l’avait fait chier, l’avait épuisé – l’avait inquiété. Je saurai jamais ; et c’est pas plus mal. What’s done is done. « Of course I am. » et à mon tour de rire, de secouer la tête aussi, la replacer à travers les mèches de Levi la seconde d’après. « Would you marry him too? » Levi demande, après un temps de réflexion qui a dû lui inspirer suffisamment pour qu’il s’interroge. Et à mon tour, j’y pense. J’y pense fort, j’y pense probablement pour la première fois le plus honnêtement du monde. Parce que devant Joel, ce genre de réflexion est juste obnoxious. Il y tient, il le veut tellement, il parle que de ça, continuellement. Avec ses mots, avec ses regards. Kane knows too, et la débandade de Joel qui lui en a parlé avant moi m’est encore restée en travers de la gorge. Kane qui devait être mon allié dans cette histoire-là, Kane qui devait me montrer le bon chemin, celui qu’il fallait pour moi. Parce que c’était apparemment à lui que je laissais toutes les décisions importantes concernant Joel – mais pour celle-là, ça suffisait pas. Ça suffisait plus. Levi reste donc la seule et unique personne avec qui je peux parler franchement de tout ça, avec qui je sais que peu importe ce que je dirai, il ne rétorquera pas ce que je veux ou dois entendre. Il me dira que la vérité. « He asked me. » about a thousand times. I have two rings to prove it, one on my index finger cause it doesn't fit elsewhere, the other one moves from my ring finger to my top shelf drawer each and everyday. « One day it’s a yes, and the next day it’s a no. Seems like we’re still a work in progress. » for about 15 years now. Mon visage finit par se fendre en un air sérieux forcé qu’il verra même pas, ma voix qui claque, faussement affligée. « Don’t you worry man, you’ll always be my first. » avant de laisser aller un rire désenchanté de plus au lot.

« I don’t know. » and he doesn’t want to know either, I can feel it. « Then we’ll deal with that when we’ll be there. » mon pouce qui joue avec le revers de sa paume, qui gratte une cicatrice que je ne lui reconnais pas, qui tente stupidement de l’effacer en sachant très bien que ça changerait pas quoi que ce soit.  « I’m supposed to meet with Kane close by and grab something to eat before the show. Do you want to have time here and cool down, or you’re tagging along? » I don’t want to leave you all alone here, don’t make me beg.

Tu détricotes péniblement tes angoisses, enfermes silencieusement tes doutes, remballes lentement les décors de tous ces scénarios qui t’effarent impitoyablement. Tu te souffles intérieurement de belles paroles colorées de ton impossibilité à lutter contre ta destinée comme refaire le passé. Aucune fuite possible ne s’expose à ta volonté et en quelques sorte, tu as recherché ce qui t’a fait ce soir tant paniqué. Tu as acté sur ces décisions qui sont tiennes, choix pris en pleine âme et conscience. Les regrets perforeront indéniablement ton cœur et heurteront ton être au plus profond de son essence, néanmoins, tu te dois d’en assumer les conséquences. T’as toujours fièrement payé le prix de tes actes, aussi élevé soit-il. Asher ne modifiera pas cette donne.

Tu bascules le sujet de votre conversation sur le couple de ton interlocutrice, ton processus de résignation de la situation ayant besoin de paisible. A agiter ce panier emplis de crabes, tu ne sauras jamais l’oublier et en panser les morsures. La rousse réfléchit, joue avec tes doigts, effleure distraitement tes mèches rebelles. Puis, elle indique sa demande solennelle, tu lèves les yeux au ciel, ironique : « No shit. » Tu prends sa main pour cesser son piano, porte sa paume contre ta poitrine tel un acte secret. « One day it’s a yes, and the next day it’s a no. Seems like we’re still a work in progress. » Un rictus fend tes lèvres, tu retiens ta vérité acerbe, ton romantisme de pacotille qui clairement, ne t’a pas tant rendu grâce au cours de ton existence. Is it really something you want to work on, though, Ari? Isn’t it supposed to just clearly be, whether it really is meant to be? « Don’t you worry man, you’ll always be my first. » « I’m not worry about that part. » Tu renseignes et tapotes à quatre reprises, de chacun de tes doigts excepté ton pouce, la main de la femme dont tu as dérobé la liberté. I’m not helpless.

Tu ignores quand tu reverras la rockstar exactement et tu ne veux pas disposer de cette information. Tu réprimes difficilement un frisson, tes appréhensions menaçant violemment de refaire surface malgré ta bonne volonté à les diminuer, quitte à être inapte à les annihiler. « Then we’ll deal with that when we’ll be there. » Please. Ta vulnérabilité supplie contre tes lèvres scellées. Le silence vous englobe, ton rythme cardiaque déraille de la norme pour la retrouver par intermittence. Tu expires doucement, te berce en t’envoûtant du parfum de la mer et de la chaleur inexpliquée produite par le vampire contre toi. « I’m supposed to meet with Kane close by and grab something to eat before the show. Do you want to have time here and cool down, or you’re tagging along? » Le choix est vif : « I’ll stay here. » Tu seras incapable de jouer la comédie devant Kane et tu n’as aucune envie de voir d’autres personnes. Tu as besoin de digérer les derniers événements, ré-apprivoiser ton téléphone et recadrer tes sentiments au creux du privé que t’offre ton domicile mobile. « Thanks for coming. » Ta raison salue sincèrement. « Thanks a lot. » Ton cœur souligne.

« No shit. » personne semble étonné par les demandes de Joel, par les répétitions, par l’évidence qu’il énonce après 15 ans à se faire autant de mal que de bien. La main de Levi se resserre contre la mienne autant que ses yeux se plongent une seconde de plus dans les miens. C’est une drôle d’impression, l’urgence avec laquelle j’avais réagi au quart de tour pour venir le rejoindre ici qui a désormais laissé place à un temps le moindrement ralenti, probablement même arrêté. Plus rien ne presse, sauf les confessions qu’il avance, et que je complète de mes propres secrets. Nos démons qui se mélangent comme nos doigts, comme nos soupirs aussi. « I’m not worry about that part. » mes iris trouvent les siens, et je roule des yeux en me doutant très bien qu’il n’en a rien à faire, qu’il s’en fou fort probablement, que notre historique commun n’a sûrement jamais tenu d’importance à ses yeux autant qu’il en a eu aux miens. Simple impression jamais confirmée, mais toujours soutenue de mon côté. J’ai pas perdu de temps à le confronter, un an plus tard et des poussières sa bague restant tout de même la première que j’ai eue au doigt.

L’entente est scellée, le pacte est bouclé. Il ne m’a pas fait venir ici strictement pour faire joli sur papier, y’avait un véritable fond, y’avait une vraie raison et nos deux silhouettes ancrées l’une à l’autre qui ne bougent chacune pas d’un centimètre ne font que le confirmer. We’re in this together. « I’ll stay here. » jusqu’à ce qu’il décide de ne pas suivre, justement. Et je fronce des sourcils, dégage mon visage de ses mèches pour attraper son regard au vol. « Thanks for coming. Thanks a lot. » il est bien plus idiot que je pouvais le croire de penser une seule seconde que je partirais aussi vite que j’étais arrivée rien que parce qu’il l’avait décidé. I was not asking you this so you could shut me down of your life once more. La question rhétorique, et mon corps qui reste toujours lové contre celui de Levi sans un seul mouvement pour briser l’étreinte. « Then I’m staying here too. » et je me replace, appuyant un peu plus mon dos sur la cabine derrière nous, décalant à nouveau mon bras autour de ses épaules. « And don’t waste your time thanking me. You knew I would come. » you knew there was no other way.

Ma main libre finit par se faufiler dans la poche de mon jeans, une heure, deux, je sais même pas combien de temps, d’expirations calmées et de réflexions muettes  plus tard. De base, mon offrande à Levi était prévue pour célébrer ses débuts à la télé en bousillant nos neurones comme les cons affectés aux substances illicites qu’on était d’aussi loin je me souvienne. Mais les cachets planqués dans le sachet que j’extirpe sous ses yeux auront un autre objectif apparemment. « Just these two. Will work magic for both of us. » une pour moi, une pour lui. Les autres pilules de toutes les couleurs finissent dans sa paume, alors que j’y loge le sachet la seconde d’après. La capsule sur ma langue que j’avale trop naturellement, trop en confiance, trop empressée de laisser les effets de la drogue annihiler les questions qu’il m’a posées et auxquelles j’ai répondu pour la première fois le plus honnêtement du monde. Et la sienne, que je l’encourage à prendre, attendant qu’il approche la bouche pour la poser moi-même contre ses lèvres. Here you go, let it all in. Avec un peu de chance, la drogue lui retirera la pression des épaules, le rendra plus heureux, plus léger, décuplera le beau de ce soir, le bon. Ses inquiétudes, les miennes, elles sont en attente quand je ferme les yeux à sa suite, et attends patiemment que les effluves illégales fassent enfin effet.