La rage te consume, elle est ton fuel qui cause ton implosion comme ton explosion. Tes mains tremblent, tu peines misérablement à retenir le bout de papier sur lequel sont imprimés ton identité ainsi que tes codes de santé. Ta gorge est irritée d'avoir tant hurlé sur Ariane, de lui avoir rejeté tous les torts de ta propre infortune, de l'avoir bafouée comme si tout ceci relevait de sa culpabilité lorsque ce n'était pas le cas. Tu avais frappé exactement là où la Parker était sensible, tas d'ordures que tu érigeais. Égoïste, faillible, tu avais désiré ardemment lui faire mal autant que tu souffrais présentement. Tu avais désiré instaurer une balance entre vous, établir un équilibre qui n'avait nullement lieu d'être. Tu avais mordu la seule en qui tu faisais confiance pour ta pathologie, avais craché sur l'unique et ultime pilier que tu tolérais.
Tu avais à peine perçu sa question. « Tu sais depuis quand? » Trop et pas assez longtemps, Ari. Cela fait un mois que tu traînes, minable lâche, couard récidiviste, percevant le couperet de la réalité grincer de plus en plus au-dessus ta tête au fur de l'intensité des symptômes que tu subissais. Aujourd'hui, il avait tranché. Il avait fait jaillir tous tes risibles espoirs que tu te soit trompé, tout en nourrissant cet ego amer confortant que tu avais raison. Ton cancer était de retour.
Tu enfonces non sans difficultés la minable parcelle de papier dans ta poche. A mesure que ta colère s'amoindrit, les douleurs reviennent. Ta vision se brouille, ta tête s'alourdit. Ça tourne autour de toi, tu te tiens à la façade d'une boutique pour essayer de te recadrer, de reprendre des forces. Tu finis par l'asperger de vomi malgré toi. « You okay mate? » S'inquiète un australien lambda, passant inconnu, frisant le méconnu tant il englobe le stéréotype du pays : blond, cheveux mi-longs, prêt à aller surfer. « I'm fine. » Tu assures et te redresses, réduis la distance sans demander ton reste entre ton méfait et ta personne.
« J'espère que t'es contente de toi. Démerdes-toi avec ça. Sans moi. » Les termes que tu as vociférés valsent dans ton esprit. Tu n'assimiles qu'à moitié la teneur de ce que ton cœur a beuglé avec tant de passion. Ariane n'a rien à faire dans cette histoire, elle n'a aucune responsabilité sur ton histoire. De plus, tu lui as promis de te battre, sous condition que tu ne sois pas condamné à une dépendance à la dialyse. Tu te diriges à pieds vers ton domicile, une certaine trotte t'attendant, mais tu te dis que ça te fera du bien. La discipline frise l'indispensable pour te clarifier les idées.
J’ai complètement oublié l’autre, ce qu’elle dit, ce qu’elle attaque, ce qu’elle a en tête, sur le cœur, n’importe où, n’importe quoi. Elle a pas d’importance, elle se perd dans le néant là. « Since when do you know? » il est arrivé en fanfare, il m’a foutu ses premiers résultats entre les mains, il m’a accusée, il m’a gueulé dessus et il s’est tiré. Bien sûr qu’il est parti. « Come back here. Now Levi. » probablement qu’il a réalisé à quel point il était un connard fini de me mettre la faute sur les épaules comme il vient lâchement d'agir, quand lui autant que moi savait que j’avais rien à faire dans cette histoire autre que de l’aider à combattre. À gagner. Yeah, that. J’ai pas la main mise sur les résultats, parce que si c’était le cas, ça ferait longtemps que je lui aurais foutu un diagnostic de rémission parfaite et infinie en travers de la gorge à l’en étouffer. À la place, j’ai les yeux rivés sur les chiffres et autres nouvelles données, je les apprends par cœur, je gratte tous les référents que j’ai accumulés au fil des heures à attendre et à être trimballée d’une salle à l’autre du Pacific Wellness center. Et surtout, je multiplie les pas à sa poursuite.
« You okay mate? » tu penses quoi, pauvre merde, qu’il prend du soleil et qu’il se tape une séance sympa et relax sur le trottoir à gerber sa vie pour le plaisir, hen? Je lance un regard noir au pauvre idiot qui s’est immiscé de trop proche selon moi et surtout mes propres standards d’un Levi épuisé, défait, démoli. « I'm fine. » puis mes iris se braquent sur McGrath dans la seconde, le soupir qui suit, la tête se secouant de la négative. « You sure look like you’re super fine. Mate. » le mate articulé rageusement alors que je fixe de nouveau l’intrus qui reprend son chemin comme si de rien était – comme s’il tenait à sa vie.
« Stop trying to run away. You know I’m faster than you. » and healthier. Levi a décidé de rentrer à pied, il snobe le bus qui passe à sa hauteur, ignore probablement volontairement que je l’ai rattrapé au vol, que je le suis au taquet. Mais mes menaces ne servent à rien, absolument rien, lui qui continue sa route et mes Converse qui évitent à peine (pas du tout) les pieds des passants qui me bloquent, mes coudes qui se chargent de leur rappeler que si je suis sur le trottoir, ils dégagent tous de là, promptement. « Levi. Stop. Breathe. Focus. » ma main attrape son poignet, je le retiens vers l’arrière, fais très attention à ne pas attraper au vol une partie de son bras trop sollicitée par les prises de sang dont ils l’ont asséné. Mes ordres donnés, sa silhouette stoppée, j’attends d’avoir son regard ancré dans le mien pour compléter, intraitable. « Let me process this. » you're going too fast man, you really are. « What's the next step? »
Tu t'essuies la bouche d'un revers de la main, la rinces par un crachat expert tout en laissant entendre au passant bienveillant qu'il peut disposer. La voix d'Ariane cingle en écho, tu t'imposes un filtre pour ne pas y réagir. Tu n'as pas le droit, tu te refuses de confronter la Parker tout de suite, quand ton sang bouille encore, quand ton cœur bat la chamade des nouvelles acides qui sont répandues sur le document que tu lui as livré, déposé, fourré entre les pattes avec en bonus ne plus avoir à le scruter. Tu rejettes tout avec véhémence, reprends ta route comme si de rien n'était, buté à marcher jusqu'à Bayside même si cela te prendra nombreuses dizaines de minutes.
« Stop trying to run away. You know I’m faster than you. » Stop following me. Can't you see I need to be alone? Tu t'appliques à faire abstraction à la rousse, la chasses de tes pensées comme tu essaies de mettre de l'ordre dans tes tourments. Tu repousses les mauvais souvenirs datés d'il y a une poignée de trimestres, tu joutes tes réactions détestables issues de ce constat incontestable. Tu t'en veux, tu aurais aimé être plus froid, plus distant, plus raisonné. Tu pries pour que cette peur et cette colère cessent de t'étrangler de manière si virulente. « Levi. Stop. Breathe. Focus. » Tu es sur pilote automatique. Tu est inapte à obéir à un ordre, de respirer, de t'arrêter, de te concentrer sur quoi que ce soit. Plutôt, tu t'enfonces dans monde parallèle où tout est flou, abstrait, inconnu. Tes jambes perpétuent leur marche sans objectif valable.
Elle stoppe l'engrenage. Sa main retient ton poignet, te freine, te force à t'orienter vers elle. Can't you go ? Why don't you run away? There's still time for you to back off. Mais si tu rêves de fuir, de ne pas faire face à la réalité, ta réalité, Ariane est prête au combat. Ses yeux perçants sont rivés sur la victoire quand t'es incapable de regarder devant toi. « Let me process this. » Tu te stoppes, soupires doucement, passes une main contre ton front fiévreux. « What's the next step? » Tu la fixes quelques minutes, comme si par ce délai, tu lui offrais la possibilité de changer sa question, de modifier la position qu'elle t'avait promise de tenir des heures plus tôt. Tu l'interroges du regard. Are you still in? Now that we're sure? « They now know for sure I'm sick. » Tu relates, imposes la sombre vérité, ayant presque l'impression de t'entendre parler de loin, que les mots sont sortis de ta bouche sans que tu leur en aies donnés l'autorisation. « They'll wanna know how sick I am. » Tu plonges tes mains dans tes poches et conjectures : « So they'll ask for a scanner, I guess. » Tu ne veux pas trop y songer, tu n'as pas envie de planifier quoi que ce soit par rapport à ta pathologie, ayant appris à la dure que ton fléau est imprévisible, qu'il trouve toujours des moyens de te surprendre et te fournir les pires présents pour te déstabiliser. C'est une maladie sournoise, pernicieuse, qui sait agir sur plusieurs fronts et s'unir avec une destinée barbare.
Tu parles d'eux, les acteurs vêtus de blanc, sans te risquer à te positionner dans tout ce manège. Tu toises la rouquine un moment, avant de reprendre ta route vers Bayside.
Are you still in? Now that we're sure? Ses yeux questionnent, ils font que ça. Et les miens tiennent le coup, ne baissent pas une seule seconde, restent là, stoïques, dédiés. Of course I am. You can ask away as much as you can, the answer will always be the same. « They now know for sure I'm sick. » j’hoche de la tête, attrape les informations qu’il me donne, les classe machinalement dans le dossier Levi qui prend en ampleur, en importance dans ma tête. J’y range le tout bien sérieusement, le plus objective possible, tentant d’enregistrer au passage qu’au moins, surtout, on était maintenant fixés. Qu’on allait arrêter de fabuler le pire sans savoir à quoi s’en tenir. Was bad, but at least, was something.
« They'll wanna know how sick I am. » like they did two years ago. J’essaie de me rappeler par quelles étapes on était passés à l’époque, je liste dans ma tête tout ce dont je me souviens, me rattache aux faits plus qu’à la boule dans mon ventre qui chauffe, à celle dans ma gorge qui serre. J’ai pas de temps ni d’énergie à perdre à laisser mes émotions prendre le relais sur les détails, sur les bribes de résultats auxquelles on a enfin droit, sur le tangible avec lequel on va avancer désormais. « So they'll ask for a scanner, I guess. » il est désabusé Levi. Il fout ses mains dans son hoodie, il baisse le regard, il continue son chemin. Et je demande pas la permission de le suivre, parce qu’il me dise oui ou non, ça fait la même chose à mon sens ; je suivrai où il ira, peu importe sa réponse, sa nécessité, son envie. J’en ai besoin.
« Did they plan it yet? » que ma voix finit enfin par demander, quand on a multiplié les pas pendant assez longtemps pour que j’ai tout assimilé ce que j’avais à comprendre. « When are we going to scan the shit out of you? » pas que mon agenda déborde et soit difficile à gérer. Au contraire, il est vide rien que pour lui. Mais de mettre une journée, une date, un moment fixe pour le prochain examen me sécuriserait à un point où jamais je ne lui avouerai à voix haute.
Je profite d’un silence de sa part pour finalement tourner la tête à son intention, quand on est bloqués à un feu rouge, qu’on peut pas traverser la rue pour encore quelques secondes. « You know that was a sucky move, earlier? » je fais référence à la façon dont il a agi, comme un vrai connard plus tôt en venant me trouver agressivement quand j'étais là, à me faire chier avec Jules. Comment il s’est comporté comme un enfant à me déléguer la faute alors qu’il est autant au courant que moi que tout ça, on le fait en équipe, on le fait à deux, on a pris l’entente, on est pas l’un contre l’autre, on l’est plus du tout en fait. La piqûre de rappel me semble nécessaire. « Don’t ever burst out on me like that again. I’m in this with you, remember? »
Tu statues les faits d'un ton détaché, armé d'une cruciale distance, car ils ont la puissance de te mettre hors de toi en l'espace de quelques secondes seulement. Tu reconnais le pouvoir de ces hideuses nouvelles, tu as goûté à leur acidité excentrique, saisis dans quelle mesure leur sournoise sémantique fait vriller ton être tout entier, provoque des orages tonitruants et désastres regrettables. Alors tu observes le vide, t'imagines dans un autre monde, où tu n'es pas concerné. Tu lui clarifies les vérités sordides : tu es malade, il faut désormais savoir à quel point tu l'es. Elle hoche la tête, encaisse l'information de manière méthodique. Elle n'a pas le temps pour les émotions, Ariane. Elle organise déjà ses armes et s'adapte selon le monstre qui s'oppose à elle. Même propulsée au milieu de la banquise, elle saurait survivre. Tu pensais jouir de cette capacité également, avant.
Tes mains plonges dans tes poches, tu reprends ta marche, nonchalant. La rousse t'emboîte le pas, fidèle malgré tout. « Did they plan it yet? When are we going to scan the shit out of you? » Tu hausses les épaules, incapable de sourire face à la formulation de l'auteure. « Dunno. I guess they asked for it and they're waiting for the appointment. There must be a waitlist. » Toujours eux, jamais nous. Le monde des praticiens hospitaliers et des soignants, celui que tu rejettes parce que t'es du mauvais côté du manège. Bientôt, tu ne seras que leur vulgaire marionnette, soumise à leurs idées et fabulations.
Ton doigt s'enfonce dans le bouton appelant le voyant des piétons à tourner au vert pour traverser en toute sécurité. Défait, tu te demandes pourquoi tu te prends cette peine, mais vraiment, une partie de toi te méprise de penser ainsi. Pull it together, Levi. Tu savais l'issue de ces examens, t'étais idiot d'avoir cru t'être trompé. Maintenant, il fallait que t'assumes et t'avances. T'inspires profondément, en quête de hardiesse et bonnes résolutions. « You know that was a sucky move, earlier? » « I know. » Tu réponds derechef, les éventuelles excuses restant coincées dans ta gorge toutefois. Quelque part où ton ego et ton orgueil crépitent encore sous le feu de la peur. « Don’t ever burst out on me like that again. I’m in this with you, remember? » Tu acquiesces discrètement, te retenant de la questionner sur ce qu'elle te ferait si tu venais à reverser l'odieux de ta panique sur elle comme tu l'avais réalisé quelques minutes plus tôt. « What were you doing, there? Didn't you have something to do with the gal? » Stop pushing her away, Levi. Puis, sautant du coq à l'âne, tu lances : « I think I'm gonna stop seeing the leprechaun. » Let's start cutting people out of my life, as last time.
Mes yeux suivent son doigt qui va peser sur le bouton de passage à piétons, et j’y peux rien, j’ai un sourire qui sort de nulle part, il est fin, il est minime, Levi le verra sûrement même pas tellement il est pris dans sa tête. Mais ça me fait d’office penser à une violente dispute qu’on a eue y’a des mois un peu après qu’il soit arrivé, quand non seulement on s’en était foutu d’appuyer sur le bouton pour traverser, mais qu’à la place, on avait cru que se crier dessus en pleine rue alors que les voitures se gênaient pas pour passer de part et d’autre de nos silhouettes était relativement une bonne idée. Je me souviens même plus pourquoi on s’exaspérait, pourquoi il était un lâche salaud à mes yeux, pourquoi j’étais rien qu’une connasse égoïste aux siens. On aurait pu se faire frapper mille fois ce jour-là, on en riait encore parfois. Et aujourd’hui, on l’a presque oublié. Et on attend patiemment notre tour, en silence. Fuck.
Il lève la tête vers moi, je croise son regard d’office. Pull it together, Levi que j’ai envie de lui dire, que je retiens juste parce que c’est à nous de traverser. « I know. » « Ok, good. » just making sure you won’t be a dick like that in the future. Mais il va me tester encore et encore, je suis pas idiote, je suis pas naïve, je sais pertinemment que ce n'est qu’une des premières fois d’une longue lignée. Il va redoubler d’ardeurs par moments, il va me faire atrocement mal, pour que je le lâche volontairement. Mais ça serait encore pire de rester loin de lui que de le supporter dans toute sa rage et son besoin faussé d’être seul. Alors je m’accroche, fort. De toutes mes forces.
« What were you doing, there? Didn't you have something to do with the gal? » stop trying to push me away, man. « Why do you care about her when I clearly don’t? » on passe le trottoir, on remonte la rue, on croise des commerces qu’on connaît d’une autre vie, des affiches qui me sont familières, qu’on ignore sans le moindre effort au fil qu’elles passent à notre hauteur. J’ai rien à faire avec Jules quand Levi a besoin, j’ai rien à faire avec Jules tout court. Je le lui statue le plus clairement possible au cas où il veuille discuter de mes connaissances étendues dans un nouvel élan de déni.
Il ralenti le pas Levi, il veut parler, il pense fort, je l’entends jusqu’ici. « I think I'm gonna stop seeing the leprechaun. » et ce serait mentir de dire que je ne m’y attendais pas. En ressassant toutes les étapes d’avant, y’avait celle-là aussi au compteur. Couper les gens de son existence, les retirer un à un de sa vie, certains plus sauvagement que d’autres. J’hoche de la tête, reste pensive un moment. Du menton, je pointe un supermarché à notre droite, l’invite fortement – l’oblige, ma main toujours autour de son poignet – à m’y suivre. L’allée des bouteilles d’eau où j’en prends une grande pour lui, un paquet de menthes pour l’haleine qui m’apparaît aussi une obligation vu sa récente gerbe que j'agrippe avec intérêt. Et dans la file d’attente pour les caisses, j’y reviens, je confronte. « So he matters that much to you you’re cutting him first? »
Ce qu'elle ignore peut-être, c'est à quel point tu milites contre toi-même pour ne pas partir en vrille. Tu appuies sur ce fichu bouton requérant l'autorisation de franchir le passage piéton quand tout ton être ne souhaite qu'imploser. Tu as envie de réaliser quelque chose de fou furieux, d'aller prodigieusement contre toute logique, toute loi. Tu fantasmes d'élever un énorme doigt d'honneur à toute ton existence et risquer ta vie de manière phénoménale, plutôt que de laisser une maladie la ronger sans aucun scrupule. Mais tu es là, à fixer un imbécile voyant lumineux, patientant sagement que les feux passent au rouge pour que tu puisses traverser en toute sécurité - quand il n'y a aucun filet à ton histoire, quand tu n'es que menace vitale. Acide ironie.
Tu reconnais tes torts en étant inapte à présenter quelconques excuses. Tu entames le passage piéton en accordant un regard vif à la rouquine, beaucoup trop prompt pour qu'il soit valable à ton sens. Tu l'interroges sur la vision floue d'une brune qui conversait avec la Parker avant que tu n'arrives en trombe avec un papier déchiré explicitant un des plus odieux des scénarios pour toi - pour vous deux ? « Why do you care about her when I clearly don’t? » « You always have a resting bitch face. How am I supposed to know whether you care ? » Vous passez devant les échoppes, les commerces, Brisbane qui bourdonne. Tu ne vois rien cependant, que l'horizon, et ce papier avec tes coordonnées médicales que tu jettes dans une poubelle au hasard, comme si la réalité était beaucoup trop lourde dans la poche de ta veste.
Tu lui expliques la suite de ton plan, et en guise de réponse, Ariane veut faire du magasinage. Elle t'est insupportable, mais tu la suis. Tu es beaucoup trop désorienté pour faire autrement. Tu ne perçois pas ce qu'elle achète, elle paie et la caissière te promeut d'un regard de travers. Tu te retiens de lui tirer la langue. « So he matters that much to you you’re cutting him first? » « Do you really think that's how I work? » Do you really still think or wish I don't give a shit about you? Vous sortez du supermarché, tu précises : « When I'm with him I feel responsible for him. » Vous continuez votre ascension de la ville, direction Bayside. « Same with Kane. » Ariane, quant à elle, est capable de gérer, selon toi. So you allow her to know it all. « You know I'm just going home, right? » Tu l'interroges, lui faisant comprendre par la même occasion qu'elle est libre d'aller vaquer à ses occupations quotidiennes : traumatiser ses ennemis davantage, humilier des inconnus sans raison, menacer la vertus de religieux, texter Kane sans vergogne, repousser Joel impitoyablement...
« You always have a resting bitch face. How am I supposed to know whether you care ? » fucker. Mais il a pas tort, l’expression que je lui renvoie à l’instant qui confirme absolument et parfaitement ses dires. « Then, you’ll always have to anticipate that I don’t. » que je chante, pique, pleine de cynisme quand l’un des blocages principaux de notre relation restait toujours de savoir si justement, I care. If he does too.
J’encourage à peine plus que je force ses pas à me suivre à l’arrêt santé du trajet. Il a pas envie d’être là, il râle intérieurement depuis l’instant où je l’ai rattrapé sur la rue, mais il sait que peu importe ce qu’il dit, fait, ne dit pas, et ne fait pas – je resterai là, sans aucune intention de le quitter. Might as well go with it. La file d’attente dans laquelle on se perd, lui et son regard vers le vide, moi et mon intérêt maintenant décuplé de lire chaque étiquette d’emballage, de m’assurer qu’il y a quelques vitamines à travers, des minéraux, n’importe quoi qui sustenta son appétit de merde et ses nombreuses lacunes depuis qu’il se nourrit comme une anorexique qui arrive pas à choisir entre le jeûne ou la boulimie. Et Asher qui revient sur le tapis, encore et toujours, le sujet récurrent aux lèvres de Levi apparemment. « Do you really think that's how I work? » mes yeux remontent vers lui, mon sourcil se hausse. That’s how you work, yep. You cut people for whom you care – and yet, I’m still there. « Can’t blame me for asking. » qui résume à peine ma pensée alors que les portes automatiques du commerce se referment derrière nous. Do you give a shit about me?
« When I'm with him I feel responsible for him. » ouais, j’ai eu le memo. L’inquiétude de le blesser, de le traumatiser, de pas être à sa hauteur. Un Levi que j’avais encore jamais vu de toute ma vie qui se retourne dans un sens et dans l’autre pour s’assurer que sa responsabilité ne pète pas un câble, qu’il le regarde encore avec estime et adoration, avec désir aussi, surtout. « Same with Kane. » mon rythme de marche qui s’adapte à celui du McGrath sans que je chigne, lui qui prend toujours son temps, lui qui presse jamais. Kane qui me manque. Kane que je préserve comme je peux. Kane que je suis en train de perdre assurément vu comment pour une des premières fois known to men tout mon focus et toute mon attention sont rivés sur Levi alors que 99,9% du temps avant, c’était vers Williamson qu’ils allaient. Et pourtant, je n’avais encore jamais pensé autant à Kane de toute ma vie. Drôle de corrélation.
La tête de Levi finit par se tourner vers moi, il perd pas le nord le gars. « You know I'm just going home, right? » « You know I’m going home with you, right? » j’ai l’habitude, maintenant, qu’il me chasse. Qu’il me trouve des excuses, qu’il pointe les dizaines de raisons, de motifs, de justifications et autres conneries qu’il gratte pour que je ne sois pas dans ses parages aussi souvent que je m’y impose. Mon sourire qui pique, les résultats toujours dans la poche de mon jeans que je ne réaborderai que lorsqu’il en parlera d’abord. Parce que là, j’ai l’impression qu’il a la tête bien plus occupée vers son boy toy que vers les choses sérieuses, les responsabilités d’adulte. Autant régler le tout d’emblée. « I won’t tell you what to do. Cut him of your life if you have to, keep him in it if it’s what you really want. Tell him everything about this if you wanna, or keep shutting him down if you like the idea. » implicitement, ça devrait faire partie du deal. Que j’agisse à titre de conseillère, que je lui dise exactement quoi faire et comment le faire. mais pour ça, faudrait que je sois à 100% sûre que Levi fasse ce que je lui dis de faire - lol. Et Asher est tellement une variable que je maîtrise pas dans la vie de Levi que j’ose pas ordonner, que je préfère qu’écouter. Déformation professionnelle on dira. « He’s your boyfriend, not mine. » and God bless.
À nos pieds, y’a une mouette qui finit par venir se poser, signe inévitable qu’on se rapproche de Bayside et donc de la marina. Home. « We should bring back something for Ginette. » que je sors de nulle part, ma nemesis, mon ennemie à abattre. Celle qui sert de réveille-matin à tous les jours depuis une bonne semaine, qui s’assure de ressortir son pire chant de crécelle à la fenêtre du bateau, alignant ses cris de connasse dans l’angle où ma tête est posée sur l’oreiller. Pourtant, mes yeux sont vrillés sur un étalage de pains et autres brioches, et je pense même pas à ajouter du cyanure à même la garniture. Faut croire que je suis la plus mature de nous deux face à l’autre démon aviaire.
La vérité qui claque contre ta langue sans demi-mesure, Ariane qui la réceptionne bon gré mal gré. Tu la défies du regard de nier tes paroles, son sens de la répartie acide t'invite à opter pour la négative, celle qui la métamorphose davantage en cœur de pierre, en femme indépendante qui nécessite aucunement l'approbation ni l'affection d'Autrui. Celle qui la glisse dans le mauvais rôle, quand vous deux sachez pertinemment que celui-ci permet de se préserver et que les héros sont rarement récompensés dans le vrai monde.
Tu lui annonces tes plans par rapport à ta relation avec Asher. Encore une fois, le leprechaun réapparaît sur le tapis. Il éveille tout le sérieux dans ton être, il pourrait te faire plus mal que tu n'oserais un jour l'avouer. Tu extrapoles après que tu aies rectifié ton interlocutrice, lui expliques que tu ne peux te permettre de garder ceux pour qui tu te sens responsable de leur bien-être à tes côtés lorsque tu pars en guerre. Tu ne peux pas imposer un calvaire à Kane, ni à Asher. Tu les considères fragiles et refuses d'élucider sous quelle amplitude ils seront atteints si tu venais à leur dire que tu entres de nouveau sur le ring t'opposant à une maladie mortelle. Tu n'as pas envie de ça et égoïstement, tu ne veux pas non plus les subir et de tracasser en te demandant s'ils supportent ce rôle de proche aidant ou d'accompagnant. Tu rejettes l'idée de devenir la source de leur désarroi sur un mal que tu ne maîtrises ni ne contrôles. Tu sais qu'Ariane a les épaules pour endurer, mais à ton sens, Kane et Asher, pour des raisons différentes, n'en sont pas dotés.
La rousse ralentit, emboîte ton pas que tu ne presseras pas pour elle de toute façon. Tu lui rappelles ta destination finale qui n'a rien de spectaculaire, elle honore, butée, sa promesse de ne pas te quitter. Puis Ariane s'essaie aux conseils - vulgaires dégueulis de mots qui se contentent de statuer les choix que tu disposes et que tu connais déjà très bien. Tu lèves les yeux au Ciel, commentes : « I hope you're more helpful when you're love doctor. » Puis tu rétorques, l'appellation te gênant toujours autant : « He’s not mine either. »
Puis elle pense à Ginette. Tu t'arrêtes, scrutes sans cérémonie la trentenaire comme si tu t'attendais à ce qu'elle soit soumise à une attaque quelconque. Elle fixe les pains et les brioches, tu en attrapes un au hasard que tu remplaces par quelques pièces qui reposaient dans la poche de ton pantalon, refusant de faire le poireau devant le stand le temps que le vendeur daigne vous servir. Tu fourres le pain dans les mains de la rousse et effectues les derniers mètres jusqu'à Cadence.
Une fois à bord, tu t'installes sur l'une des chaises et suis du regard la Parker se faire alpaguer par tous les volatiles du coin. « You're gonna ruin your relationship with Kane and Joel. » Tu préviens. « They're gonna be pissed you don't make time for them. Kane's used to have you with him and for him all the time. He'll start to replace you if you don't give him what he wants from you. He'll start to think you don't like him anymore. »
Et il soupire et il lève les yeux au ciel et honnêtement, là, de suite, j’oublie presque tout. J’oublie presque ses résultats, la débandade qu’ils ont occasionnée. J’oublie très certainement à quel point mon cœur se serre à chaque fois que je vois ses mots apparaître à l’écran de mon portable depuis que je suis revenue à Brisbane. J’oublie presque qu’il va pas, pas du tout, et comment je lutte à chaque seconde pour aller mieux pour deux. J'oublie presque tout tellement il me fait chier dans ses manies de gamin, dans ses mauvais plis d’enfant turbulent. « I hope you're more helpful when you're love doctor. » « Haven’t been doctor love in a while man, maybe I’ve lost my touch. » que je rétorque, piquante, noyant le rappel que je n’ai plus de boulot officiel depuis plus de deux mois, misant sur le fait qu’il doit s’en balancer même de l’avoir remarqué.
Mais ça revient, la mémoire, les référents, sa maladie qui est nichée sur les données cachées au fond de la poche de mon jeans. Ça revient et Asher aussi apparemment. « He’s not mine either. » à mon tour de lui faire le coup du long soupir tout sauf convaincu, de rouler du nerf optique à me le déchirer presque. « Doesn’t feel like that to me. » il a bien beau ne pas dire qu’il le possède, Asher reste quand même la personne la plus récurrente dans son discours depuis un long moment déjà et ça connaissant le personnage, ça en dit beaucoup. Autant le préciser à voix haute si Levi reste encore trop trouillard pour l’assumer même à demi-mot.
La boulangerie presque pillée – en vrai, il m’étonne de laisser des pièces et de pas juste se tirer avec ses choix, limite il veut commencer à s’assurer une place au paradis même s’il est bien trop tard autant pour lui que pour moi. Mais je dis rien, jusqu’à ce que Cadence devienne le pire repère à attaque, jusqu’à ce que ma bonne volonté m’attire l’occasion répétée qu’on me crève les yeux à force de becs et de serres qui pointent de tout bord tout côté. Fait chier d’être généreuse. « You're gonna ruin your relationship with Kane and Joel. » je suis encore dos à Levi quand il brise le silence le plus confortable du monde, celui-là même qui n’était plus ponctué des chants – cris gutturaux insupportables – de sa tribu de moineaux possédés. « They're gonna be pissed you don't make time for them. Kane's used to have you with him and for him all the time. He'll start to replace you if you don't give him what he wants from you. He'll start to think you don't like him anymore. »
Une autre mise en garde, c’est ça? Une autre raison, une énième excuse pour me chasser de sa vie, pour me prouver qu’il peut et veut faire ça tout seul? Faut lui donner. He’s cute for trying. « He can share. » je finis par faire volteface vers McGrath, les dernières miettes lancées furieusement aux volatiles qui ont clairement jamais appris le savoir-vivre. « They both can. » Kane et Joel sont de grands garçons, et même si j’agis comme une mère avec l’un et comme une tentative de mariée avec l’autre, je doute pas une seconde qu’ils peuvent bien prendre leur pseudo mal égoïste en patience le temps qu’il faudra. « You did for fifteen years. Now’s their turn. »
Elle traque sans relâche le dernier mot, Ariane, n'autorise aucunement que tu remportes au jeu de la laisser bouche bée. « Haven’t been doctor love in a while man, maybe I’ve lost my touch. » Tu hausses les sourcils, nullement compatissant. Tu sais pertinemment que son bien-être ne dépendait pas de son rôle de chroniqueuse pour une radio effrayamment ennuyante. « Such a short-lived skill. » Tu critiques, avant de soupirer une énième fois devant l’appellation de petit ami de laquelle Ariane affuble Asher. Tu as conscience qu'il faut que tu t'anesthésies de cet agacement qu'elle invoque parce qu'elle ne cessera jamais de profiter de cette corde sensible, mais c'est plus fort que toi, tu refuses ce poste, ce grade, cette sémantique qui rime à des devoirs, des responsabilités, une appartenance. Tu es libre, Asher aussi. Tu ne fais pas de promesse. « Good that your feelings are not taken into account, then. » Tu craches, revanchard, avant de soupçonner ton ouïe de te faire défaut devant l'annonce de la Parker de prendre de quoi sustenter Ginette. T'attrapes du pain au hasard, remplaces les aliments par des pièces de monnaie quelconques, refuses de t'attarder davantage sur le marché et grimpes sur ton bateau.
Un spectacle opposant la rousse aux volatiles maritimes du coin se tient devant tes yeux. Tu observes la scène, ton corps courbaturé s'étendant progressivement sur une des chaises installée sur le pont. Quand la jeune mariée revient vers toi, tu l'alertes par rapport à ses relations avec Kane et Joel qui pâtissent de celle qu'elle entretient à ton égard. « He can share. » Elle se retourne brusquement vers ta personne, te brûlerait presque de son regard flamboyant. Tes pupilles suivent les dernières miettes de pain happées sans ménagement au vol par les becs des mouettes et goélands et tu rattires ton attention sur ton interlocutrice. « They both can. » Tu l'observes, incrédule. No, Ari : you wish they could. « You did for fifteen years. Now’s their turn. » Tu croises les bras contre ton buste, cherches la position la plus confortable sur cette fichue chaise. « I chose to do it. » Tu lui rappelles. Joel et Kane n'ont pas signé pour ça, quand t'as jamais rechigné à leur laisser tout le spotlight dans la vie d'Ariane. Tu fermes les yeux quelques secondes, appuies ta tête sur le plastique du siège. « You're not gonna survive on this boat. » Tu continues ta liste des avertissements. « Ginette's gonna eat you in your sleep. She's that possessive. » Tu passes une main dans ton dos, masses quelques secondes une zone douloureuse avant de recroiser les bras contre ton buste. Si Kane et Joel ont toujours su être transparents envers Ariane et lui ont toujours avoué et confié ce qui n'allait pas chez eux et comment elle pouvait les aider à s'épanouir, t'as toujours été une tombe. Aucune jérémiade ni plainte n'a franchi tes lèvres, ni pour elle, ni à l'attention de qui que ce soit d'autre, parce que tu te juges le seul maître de ton bonheur. Tu t'étais bien révélé par rapport à Asher, mais jamais tu ne t'étais lamenté sur ton sort et avais tranché au terme de votre conversation l'attitude que tu adopterais. T'as toujours saisi chaque problématique et adversaire à bras le corps ou attendu patiemment que le problème disparaisse, t'accaparant l'entière responsabilité de tes maux. Tu n'as jamais fait dans les doléances, même quand t'étais malade comme un chien, qu'on t'annonçait une odieuse nouvelle, que tu étais privé de faire ce qui te faisait vibrer et insufflait un sens à ton histoire. Tu la soupçonnes de te dévisager pour ces raisons - peut-être tente-t-elle d'écrire le mode d'emploi du fonctionnement de l'énergumène que tu composes ? « D'you want to talk about it or d'you prefer to ask Google? » Tu fais référence à l'éléphant dans la pièce : les résultats biologiques reposant dans la poche du pantalon de la roadie.
« I chose to do it. » oh bitch please. Et je le regarde se replacer dans sa chaise, lutter pour trouver le confort à tout prix alors que j’ai juste envie de le pousser de là pour qu’il s’installe sur son lit, ou sur n’importe quelle autre structure qui ne sera pas en plastique de merde prêt à lui démolir le dos à chaque soubresaut. « You're not gonna survive on this boat. » ohhhhhhhh bitch, pleaseeee. Mes bras se croisent sur ma poitrine, mes yeux le lâchent pas même s’il renvoie un coup d’œil vers ses maudits oiseaux de malheur encore trop proches à mon goût. « Ginette's gonna eat you in your sleep. She's that possessive. » ma main qui quitte mon bras pour aller voir si le con m’a pas foutu un croissant ou un autre encas dans ma poche question de me faire chier bien jusqu’au bout.
Parce qu’il recommence Levi, parce qu’il me repousse, qu’il sait faire que ça. Qu’il liste les raisons, qu’il pointe Kane et Joel comme les excuses parfaites, qu’il est venu vers moi et qu’il m’a tout dit pour un second round pour être encore plus vil et cruel et self-centered cette fois-ci que la précédente. Pourtant, mon regard ne montre rien, aucun geste ne s’aligne, ni même un soupir plus fort que l’autre quand il gigote et qu’il fait craquer son siège la seconde suivante. Je bouille, mais je contrôle le tout à la perfection. Ça aide de vouloir tuer plusieurs fois par jour quiconque me fait rager – on se développe des tactiques pour calmer la colère assassine au fil du temps. « D'you want to talk about it or d'you prefer to ask Google? »
Il me le tend sur un plateau là Levi, il rend la chose beaucoup trop facile. « Do you want to talk about it? Or you prefer to ask me directly? » ses mots que je reprends, la nuque que j’arque et la voix qui chante ma condescendance avec autant d’acide que possible. « You’re pushing me away every chance you get, Levi. You’re doing that, only that, since you told me. » pas de surprise ici, mais là, ça suffit. Son petit jeu de courir d’un sens pour sprinter dans l’autre ne prend plus. Ses confidences que j’ai prises pour les miennes, sa maladie que je prends pour la mienne, et lui, il se la joue hot and cold à prendre mon aide quand il veut, et à lui cracher à la gueule quand il peut. Nope, not on my watch. « Google will always be there and I’m gonna drain that one for as many answers as I can get. » bien sûr que je vais saigner tous les sites possible et inimaginables au sujet des résultats. Mais chaque chose et chaque bataille en son temps. « But be sure that if you keep doing that prick routine of you listing each and every reasons I should not be here and instead be with either of them right now, I’ll punch you as hard as I can. And man you know I’m strong. » ce serait presque soulageant qu’il me laisse le cogner une bonne fois pour toute, qu’on lâche la tension qu’on accumule depuis l’annonce du retour de son cancer. « I want to be here, as much as you clearly don’t want me to. Grow a pair and handle it, or stop your whiny bullshit and kick me out of your boat once and for all. » do you want to talk about it? Or you prefer to ask me to leave you directly?
Elle fulmine, l'Ariane. Tu le devines à son regard aussi sombre que l'ébène, sa poitrine qui se soulève de manière trop rapide pour qu'elle ne trahisse pas sa colère sournoise qui croît possiblement dangereusement en elle. Mais elle se contrôle, aussi. Elle évite de mettre de l'huile sur le feu que tu ne cesses d'allumer, se doutant peut-être que vous finirez tous les deux à l'eau et que cette alternative n'est sans doute pas les plus judicieuses vu les circonstances actuelles. Tu fronces les sourcils, l'idée te séduit, toutefois.
Son ton est acide, la condescendance a atteint son paroxysme. « You’re pushing me away every chance you get, Levi. You’re doing that, only that, since you told me. » « I don't want to lose the chance to tell you that I told you. » Tu provoques, menaces, invites à un jeu pernicieux où vous gagnerez tous les deux quelque chose. Elle t'annonce son prochain raid sur Google, te promet un poing dans la figure si tu continues de lui énumérer les raisons pour lesquelles elle devrait mener sa vie comme si de rien n'était plutôt que de se consacrer à t'épauler dans tes problèmes de santé. « I want to be here, as much as you clearly don’t want me to. Grow a pair man, or stop your whiny bullshit and kick me out of your boat once and for all. » Un léger rire file entre tes lèvres, s'étend en un sourire alors que tu traînes à lui répondre, t'autorises de nouveau à fermer les yeux. Une minute, deux minutes, cinq minutes. « I want you to stay here, though. Glad to disappoint. » Tes émeraudes se fixent sur sa silhouette. « Does it mean that you don't want to stay now, since you want to be here as much as I clearly don't want you to ? » Tu singes, tires sur le bout de papier qui sort de sa poche, extirpes l'édition des résultats sanguins. « Plus, Cadence's yours too, as long as there's no divorce in the offing. » Tu te réinstalles sur la chaise, lui fais la place nécessaire afin qu'elle puisse t'y rejoindre si ses nerfs lui en autorisent. Tu résistes difficilement à la tentation de polluer la mer avec le document, sachant que si tu en venais à en disposer, Parker te crèverait les yeux de sang-froid. « Good ol' anemia's back. » T'annonces sur un ton plaisantin, malgré le sérieux des chiffres. « And all these reckless nights you won't regret. Someday soon, your whole life's gonna change. You'll miss the magic of these good ol' days. » Tu commences à chanter, le répertoire que tu as intégré n'ayant pas pu s'empêcher de tiquer sur la notion du good ol'. « You don't know what you've got. 'Til it goes, 'til it's gone. You don't know what you've got, 'til it goes, 'til it's gone. » Tu ne peux t'empêcher de moquer, poursuivant dans la même interprétation de Good Old Days de Macklemore, l’œil malin veillant les réactions de la rouquine.
« You’re pushing me away every chance you get, Levi. You’re doing that, only that, since you told me. » « I don't want to lose the chance to tell you that I told you. » « Fuck you. » j’y peux rien, y’a un sourire qui apparaît sur mes lèvres, il est bref, il est mauvais, mais il est là. Il s’accroche à la guerre du dernier mot qu’on arrive jamais à céder l’un à l’autre, il relate à quel point on finissait jamais nos joutes verbales, comment il me laissait pas gagner, comment je rageais qu’il s’approche de la victoire avant moi.
Mais j’ai autre chose à lui dire, j’ai autre chose à lui cracher aussi, surtout. J’accepte pas son comportement de lâche, il me répugne à trouver des prétextes et à s’assurer de me mettre sous le nez et d’emplir ma tête de tout ce qui, selon lui, vaut mieux que d’être ici. À mes yeux, y’a rien, absolument rien d’autre qui compte. Sucks that he’s such an asshole about it. J’insiste donc et je vocifère, et il m’enrage encore plus à rester stoïque, à fermer les yeux, assez que je cherche déjà le premier truc auquel j’ai accès qui risque de faire le plus de dommage et qui pourrait lui finir à la gueule s’il avait pas réagi finalement, s’il avait pas articulé un mot et un autre. « I want you to stay here, though. Glad to disappoint. » et ma respiration se calme, direct. Ou alors elle reprend tout court, j’avais même pas remarqué que j’avais arrêté de respirer en fait.
« Does it mean that you don't want to stay now, since you want to be here as much as I clearly don't want you to ? » « Fuck you. » que je réitère, les mêmes mots encore et toujours, mais ma cage thoracique qui fait un truc bizarre, qui se serre, se contracte, pour mieux se relâcher.
I want you to stay here. That’s the only thing I needed to hear. The only thing I wanted to hear too.
Il se replace sur sa chaise, me laisse un espace absolument tout sauf raisonnable pour que je m’impose dans sa bulle. « Plus, Cadence's yours too, as long as there's no divorce in the offing. » mais je m’en fous d’être à moitié assise dans le vide, que la chaise menace d’éclater sous notre poids, qu’elle craque comme une idiote à la seconde où je m’assoie sans demander mon reste, collée à lui. « There’s not. Yet. » menace de polichinelle. Son regard que je tiens une seconde et juste une, avant qu’il détache ses iris des miens pour les reléguer à ses résultats et parcourir la feuille dressant les plus récentes conclusions auxquelles on a eues droit. « Good ol' anemia's back. » j’hoche de la tête, refait en sens inverse le parcours mental des étapes qu’on avait dû suivre y’a des années pour pallier à ça en particulier. « Good. Cause I was starting to miss force feeding you green veggies and steak so bad. » ma voix est faussement affligée, il m’en tiendra pas rigueur.
Et il chante Levi. Il chante et je me cale un peu plus contre lui, ferme les yeux à un moment je pense, je suis pas sûre. Il arrête de se prendre pour un jukebox vivant quand je lève mes prunelles vers lui, que ma tête est posée contre son torse et que je soupçonne son dos et ses hanches d’anticiper le mal plus qu’il ne le montre. « Does this hurt? » il est bizarre le parallèle. Entre mon besoin urgent, criant, de le défoncer une poignée de minutes plus tôt, et l’inquiétude qui passe là, dans mes mots et dans mon coup d’œil, dans ma silhouette lovée contre la sienne que j'ai jamais eue à calculer de la sorte. Ou du moins, pas depuis Perth.
Tu ne te laisses pas démonter par la fureur d'Ariane, même si tu as été témoin - et victime - des conséquences lourdes comme désastreuses que cette dernière peut créer. Plutôt, tu provoques davantage le feu ardent, est gratifié d'un Fuck you qui passe très bien. « Yup. Fuck me. » Tu répètes, sur un ton chantonnant. Et elle continue, elle crache son venin, remets les pendules à l'heure quand dans le chaos de notre relation, il n'y a certainement aucune notion de temps ni règle qui perdure. Tu lui assures désirer sa présence, retournes ses propos contre sa personne, réceptionnes un autre Fuck you en guise de pseudo trêve.
Muni du document listant tes résultats biologiques, tu t'appliques à faire une place sur la piètre chaise installée sur le pont de ton bateau. Ariane s'y faufile, menace sur votre statut civil. « There’s not. Yet. » « Fuck me again. » Tu te lamentes faussement, déplaçant ton bras de manière à laisser un peu plus de place à la rousse et lui permettant de se lover contre ton flanc.
Tu annonces en chanson le retour de ton anémie, elle prévoit déjà de te gaver de haricots verts et viandes sanguinolentes. « When are we turnin' vegan? » Tu questionnes, anticipes, rêves un peu. Tu agites la feuille devant son visage pour qu'elle en prenne possession, reposes ton bras derrière sa tête qu'elle a installée sur ton torse, taquines son cuir chevelu pour le plaisir de jouer avec ses nerfs. « Does this hurt? » Elle s'intéresse, s'inquiète. Tu soutiens son regard plusieurs secondes, frises la minute de joute optique, avant de répliquer : « Would be more confortable if you were not a bag of bones. » Tu hausses les sourcils, insolent, et pointes de l'index le taux de calcium supérieur à la moyenne. « Another bad boy in the mix. Are you gonna drown me in water? » Tu interroges, l'humour noir t'étant un excellent allié.