Dépêche, dépêche, dépêche. J'ai juste ça à la bouche, les yeux rivés sur la silhouette de noa dans la pharmacie qui est partie à la recherche de tout le stock dont j'ai besoin pour que ma plaie devienne pas la pire des épée de Damocles.

Et même si je suis scotché à l'entrée, et même mon regard fait d'innombrables allers et retours entre la silhouette de la brune que je vois voyager à travers les rangées et la fenêtre de l'extérieur où y'a pas âme qui vive, j'y peux rien, si je suis en mode panique. On est tous en mode panique ces temps-ci, on est tous en mode angoisse, y'a rien ni personne qui peut contredire que le climat d'apocalypse dans lequel on vit nous rend absolument fous - tous.

Elora fait la garde dehors, je me charge de celle de l'intérieur et Noa finit enfin par arriver à ma hauteur avec ce dont on a besoin. « On fait ça ici. Viens. » pas le temps de penser à un meilleur endroit ou un meilleur moment, et ma main prend celle qu'elle a de libre pour l'entraîner avec moi vers les caisses. Un geste vif et je m'assoie sur le comptoir, mon t-shirt que je retire trop rapidement pour ne pas avoir à me mordre les lèvres d'avoir étiré la peau, et de ressentir encore ce foutu élancement dans tout mon flanc. Ça a pas touché d'organe - que j'arrête pas de me répéter depuis plusieurs heures. Ça a rien touché du tout que du superficiel. Et à force de me le dire, j'y crois.

« J'espère que tu me réserves pas le même traitement que celui de ta robe. » un sourire en coin, une expiration nécessaire, et je commence à l'aider à ouvrir les emballages de fil et d'aiguille pour procéder au genre d'opération qu'elle s'apprête à me faire.

on a galéré à la trouvé cette pharmacie, j'etais persuadé qu’il y en avait une juste à côté de l'hopital, celui dont je lui avais parlé plus tôt. C’était pas le cas, ça l'était plus ou ça l'a jamais été j’en sais rien, je sais plus mais pas grave on a pas perdu de temps, on est reparti et à force de tourner en rond en ville on a trouvé.
Tous à son poste, j'y vais, je fouille partout et si mo objectif c’est de trouver de quoi recoudre Matt et désinfecter la blessure j'en profite aussi pour prendre dans mon sac tout ce qui pourrait nous être utile. Y compris des vitamines, des gellules de protéines, des bandages en quantité et des pastilles pour rendre l'eau potable, on allait peut être arrêté d'avoir mal au ventre sans cesse à cause de l'eau qu’on voit des qu’on en trouve sans se demander si elle est bonne à boire ou non.
« J'ai tout ! » je reviens vers lui et il veut qu’on fasse ça la, sans perdre de temps. Il saute sur le comptoir et dégage sa hanche pour que je m'y mette. « J'espère que tu me réserves pas le même traitement que celui de ta robe. » je secoue la tête. « promis » j'espere. Je sors le fil et la grande aiguille que j’asperge d'alcool. « serres les dents… » C’est à vif et je suis pas sereine mais je dois pas réfléchir faut que je le fasse, que j’y aille maintenant. J'ai le cœur qui bat la chamade et je tremble un peu mais je tente de me contrôler pour être la plus précise que je peux, c’est pas évident. « ferme les yeux ! » j’y vais ! J'ai du mal à entrer l’aiguille parce que je pense que j'vais lui faire mal mais faut que j’y aille que j’arrete d'hesiter comme ça. J’enfonce l'aiguille et ressors de l’autre côté. J’dirais pas que ça me donne envie de vomir mais c’est pas loin. J’en ai pas mal à faire de points même si je sais pas si je my prends correctement mais c’est toujours mieux que rien… « ca va ? » Je souffle alors que j’ai presque fini, j’ai l’impression.

« J'ai tout ! »  autant un soulagement qu'une inquiétude. parce que les regards qu'on s'échange avec Noa sont pas si rassurants que ça, même si on y met du nôtre. On a jamais fait ça - et probablement que j'étonne personen en disant que je serais totalement okay avec le fait que ce soit la seule et unique fois. « C'est que moi ou on est en train de passer à une autre étape dans notre relation? » que je lâche comme un con, m'installant sur le comptoir alors que la brune étale le matériel à nos côtés. J'essaie de faire le con, je rigole comme je peux, mais elle est concentrée Noa et c'est tant mieux, y'en faut au moins un de nos deux qui joue le rôle sérieux là.  

Et j'inspire. « serres les dents… ferme les yeux. » tout ce qu'on rêve d'entendre dans une seule et même phrase, que j'ai envie de dire, mais non, les dents sont serrées. Les yeux eux, pas fermés du tout, ils se posent sur ses mains, ils scrutent le mouvement de ses doigts, ils anticipent aussi, quand elle dégaine l'aiguille. Y'a un soubresaut que je retiens de toutes mes forces quand l'aiguille rentre à travers ma chair, trop proche de la plaie pour ne pas faire un mal de chien. « ça va? » qu'elle demande, et je lâche un rire, un seul, le mal qui est relativement aigüe mais supportable, juste parce que je vois la moitié du fil là, qui est bel et bien entré. « J'ai jamais été aussi bien de toute ma vie. » que j'ironise, la voix qui chante presque.

Elle y retourne, mais je l'arrête dans l'élan une seconde juste avant qu'elle replante l'aiguille. « Toi, ça va? » je demande, parce que c'est important, autant pour qu'elle fasse un bon boulot que pour qu'elle ne s'évanouisse pas entre mes bras. « Avoue qu'il y a aucun autre gars qui t'a fait vivre un aussi cool rendez-vous galant. » mes sourcils qui dansent, l'air bien con que je force rien que pour la rassurer, me rassurer aussi. Tout va. « C'est presque fini. » l'encouragement, avant de serrer les lèvres à nouveau.

on s’en fou de savoir si j’vais bien, aux dernières nouvelles je me suis pas pris une balle dans la hanche et j’ai pas perdu tout mon sang. Ça par contre je me serai pas amusée à aller chercher des poches de sang à l'hopital. On sait toujours pas d’où ça sort cette merde, le fait que tout le monde se transforme en bouffeur d’humain une fois crevé. Des fois j'me dis que c’est peut être du à une experience militaire qui a mal tourné ou une sale volonté d’exterminer tous les etres vivants de cette planète. On allait droit vers la catastrophe de toutes façons alors quelqu’un avait peut être décidé d'anticiper et de zigouiller tout le monde. Good job si c’est le cas par contre nous, on est toujours la. Et moi je suis toujours concentrée sur Matt qui a beau faite l’idiot pour se distraire et penser à autre chose, je bouge pas d'un poil, en dehors de mes tremblements bien mieux maîtrisés maintenant. « Avoue qu'il y a aucun autre gars qui t'a fait vivre un aussi cool rendez-vous galant. » je levé les yeux et j'peux pas m'empecher d'enfin étendre mes lèvres pour un sourire franc. « de loin le meilleur rancart oui ! » et je me remets au taf. Trois points devraient suffire maintenant. « voila ! Tu crois qu’il faut mettre un bandage ? » j’ai aucune idée de ce qu’il serait mieux. S’il faut laisser ça cicatriser à l'air libre ou proteger dans un premier temps. Je me redresse. « faut que je me lave les mains » qui sont pleines de sang à la fois séchés et encore frais. Et si je pouvais aussi trouver un t shirt pour remplacer celui que j'avais utilisé pour compresser la blessure de Matt. J'avais vu une blouse derrière qui pourrait faire l'affaire en attendant.
Y a un pot de gel Hydroalcoolique sur le comptoir et je le vide sur mes mains. Ça brûle les plaies encore ouvertes que j'ai mais au moins ça nettoie bien. « on se trouve un endroit pour dormir ce soir ? » j'ai l’impression que le coin était assez calme. « et on a besoin de nourriture encore » en réalité j’ai surtout besoin de dormir, la fugue et toute ces émotions, c’est epuisant. J’espere juste que Matt tiendra vraiment le coup. « on va laisser comme ça pour voir ce que ça donne et j'ai pris un bandage. Si ça saigne ou quoi on le mettra. » ça m'semble être bon deal. « si tu ressens le moindre signe de fatigue inhabituel tu m'dis. Tu gardes rien pour toi. » comme un besoin de transparence, je vais m’inquiéter mais si besoin de quoi que ce soit, j'suis la.

« de loin le meilleur rancart oui ! » et elle éclate de rire, alors je ri aussi. C'est douloureux as fuck, tout dans ma hanche brûle à un niveau insupportable, je sens même sa foutue aiguille qui se plante un peu plus loin dans ma chair je hais ma vie là, clairement, ni plus ni moins. Mais elle éclate de rire. Alors je ri aussi. « voila ! Tu crois qu’il faut mettre un bandage ? » « Ils auront qu'à le mettre sur notre note. »  que je tente, encore tout aussi con, désignant du menton tout le matériel volé sans risque de nous être facturé.

Je m'attèle à remettre mon t-shirt poisseux en place sur mes épaules le temps qu'elle file se nettoyer les mains, pas peu soulagé qu'elle n'arbore plus mes blessures de guerre sur ses paumes. Et le rictus de douleur qu'elle arbore me fait chier, beaucoup plus que le mal qui reprend quand je saute du comptoir pour la retrouver, pour la rejoindre de son côté. « on se trouve un endroit pour dormir ce soir ? » les questions remontent, j'attends qu'elle ait fini de se laver les paumes pour l'encourager à faire volte-face, à se mettre face à moi, le dos qu'elle appuie sur l'étalage derrière elle. « et on a besoin de nourriture encore » j'hoche de la tête, l'évidence, il doit y avoir des supermarchés dans le coin, pas sûr qu'il y reste quoi que ce soit, mais ça sera inévitable d'y passer. « on va laisser comme ça pour voir ce que ça donne et j'ai pris un bandage. Si ça saigne ou quoi on le mettra. » Noa qui n'arrête pas de penser à voix haute, noa qui presse tout. « si tu ressens le moindre signe de fatigue inhabituel tu m'dis. Tu gardes rien pour toi. » Noa qui fait bien de tout presser, mais qui devrait prendre une pause là, juste un peu. la panique reviendra plus tard, of course it will. Dans quelques minutes par contre, pas tout de suite, surtout pas.

Mes paumes la ralentissent, et de filer et de s'emporter. Elles viennent se poser sur ses épaules, l'une remonte jusqu'à sa mâchoire pour remonter son visage, ses yeux dans les miens. « On a de quoi faire une tente dans la valise de la voiture. On a qu'à trouver un terrain isolé proche, et on s'y installe. » et de un. « Pour la bouffe on va manage sans soucis. J'ai repéré des épiceries, et sinon il nous reste encore quelques conserves. » et de deux. « Et promis je garde rien pour moi. » et de trois.

Puis j'inspire, j'attends qu'elle fasse pareil, espérant que mon ton un peu plus calme l'a forcé à se calmer à son tour. Mes yeux braqués dans les siens, le moment est un brin lourd là, presque trop sérieux. Alors je calme le jeu. « Ça serait le moment parfait pour te dire à quel point t'as fait une job de merde tellement c'était douloureux? Ou je devrais attendre que t'aies pas ton matériel à portée pour me découdre aussi sauvagement? » entre deux rires, mes lèvres vont se poser sur son front, essayant de ralentir les pensées qui y remontent trop fort et trop vite.

les mains de Matt se pose sur mes épaules alors que je vais dans tous les sens. Y a tellement à penser, tellement à faire. Trouver un toit, manger et de reposer, c’est autant de choses hyper importantes pour que Matt se remette sur pied rapidement. Pour pas aggraver la situation. Mais ses mains sur moi ça me calme, je comprends le message, je le regarde et je dégluti avant de hocher la tête. . « On a de quoi faire une tente dans la valise de la voiture. On n’a qu’à trouver un terrain isolé proche, et on s’y installe. Pour la bouffe on va manage sans soucis. J’ai repéré des épiceries, et sinon il nous reste encore quelques conserves. » je souffle, il a pensé à tout déjà, il a réponse à tout et tant mieux. Ok on va faire une tente s’il le faut, on ira dans cette épicerie qu’il a vu et au pire ce sera encore des boîtes… « Et promis je garde rien pour moi. » je me pince les lèvres, il est si détendu en apparence alors qu’il est sûrement entrain de souffrir le martyr. Il est fort, il limpressionne toujours, chaque jour un peu plus. « Merci… » que je réponds simplement, sentant ma tension redescendre d'un poil. « Je veux juste rien laisser au hasard… » Et ses yeux dans les miens, ses paumes toujours posées sur mes épaules. J'ai juste peur pour lui, peur pour toi Matt. « Ça serait le moment parfait pour te dire à quel point t’as fait une job de merde tellement c’était douloureux ? Ou je devrais attendre que t’aies pas ton matériel à portée pour me découdre aussi sauvagement ? » je souris, c'est plus fort que lui mais si le but c’est de detendre l’atmosphère, je sais pas si c’est le bon moment. « j'm'en voudrai jamais si ça s'empire de ma faute… » parce que j'suis pas médecin et que j’ai jamais fais ça, il peut bien y avoir un loupé. « j’ai fais au mieux » et ses lèvres sur mon front enclanchent bien trop de sentiments et d’émotions à la fois. Je relève la tête, tellement flippee que mes yeux se brouillent encore bien trop facilement de larmes, j'ai le cœur lourd et la poitrine qui compressé tout ça. « on y va ? » je dis avec la voix tremblante pensant à Elora qui nous attend encore dehors. Mais avant de faire un pas en arrière, je glisse une main sur la joue de Matt pour tirer doucement son visage contre le mien et embrasser doucement ses lèvres.

Et je secoue la tête en signe de dénégation, y'a absolument rien qu'elle a fait mal - à part me garder de ressentir le fil qui entre et l'aiguille qui pique - mais autrement, c'était all good. C'est pas sorcier vous me direz, de recoudre un flanc comme ça, n'empêche qu'en situation de crise et avec tout ce qu'elle a enduré dans les dernières heures, c'était pas aussi facile que ça en avait l'air. Probablement pourquoi je compatis à son cerveau qui tourne à 100 à l'heure, pourquoi je fais le con, encore, toujours. J'ai pas besoin de raison pour l'être, ouais, mais tout de même, ça lui arrache un autre rire et ça m'a tout l'air d'une petite victoire quand on y pense.

« on y va ? »  qu'elle demande, une fois que je me détache de son front pour reprendre son regard au vol. Et j'ai pas le temps d'acquiescer qu'elle vient doucement déposer ses lèvres sur les miennes, sa main qui sent le citron et les herbes sur ma joue. Y'a rien qui presse dans son baiser, y'a rien qui urge, contrairement à tout ce qu'on a pu poser comme gestes et avoir comme réactions d'aussi loin que je me souvienne. Et c'est probablement pour ça que lorsque je passe mes bras autour de sa taille, j'y vais au ralenti, j'y vais avec douceur moi aussi, rien pour presser le moment, rien d'autre qu'un élan de chaleur qu'on se partage, un cocon qu'on se crée sans penser au reste.

J'ignore on reste combien de temps comme ça, j'ai été idiot de pas compter les secondes en vrai, parce qu'Elora est dehors, parce que c'est égoïste ce qu'on fait là, mais j'en ai absolument rien à foutre du monde dehors quand j'y pense. Et mon visage s'éloigne à peine du sien, un sourire en coin qui étire mes lèvres à quelques millimètres à peine des siennes.  « On y va quand t'es prête. » mais j'ai pas l'impression que ni elle ni moi on a vraiment envie de bouger.