Cela faisait quelques jours depuis qu’elle avait croisé Leah au centre commercial. Lene y avait pensé le matin en se levant que, depuis leur dernière rencontre, cette dernière devait finalement avoir pris sa décision et quelque chose devait s’être passé. Leur conversation, elle y pensait beaucoup parce que même si elle n'était pas concernée, ça l’avait retournée. Etait-ce dû à sa propre condition qui l’avait rendu sensible au sujet ? Elle l’ignore mais toujours est-il qu’elle voulait des nouvelles de la jeune femme qui un jour ou l’autre pouvait être sa collègue de travail. Lene ne pouvait décemment pas attendre que Leah débarque un jour dans la caserne pour avoir le fin mot de l’histoire surtout qu’arrivé à ce moment-là, ça pourrait véritablement être délicat. C’est donc pourquoi elle avait texté la jeune femme pour l’inviter à prendre un café dans un coin pas très loin de là où elles s’étaient rencontré. Elle ne savait pas où Leah habitait mais elle pouvait toujours supposer que ce n’était pas loin. On sort rarement loin de chez soi pour faire quelque chose de possible dans les parages. Du moins, c’est que Lene avait observé. Elle laissait ses chiens à la maison pour sortir, ces derniers n’étant pas accepté en ville. Le café ouvre à peine en ce milieu d’après-midi quand elle entre. C’est drôle parce que pour deux femmes enceintes – enfin, au moins une, la deuxième est dans le flou – un café n’était peut-être pas le meilleur lieu d’invitation vu qu’elles ne sont pas autorisée à en boire ; Une réflexion que Lene se fait en se forçant à commander un thé, boisson qu’elle déteste car trop dépourvue de goût. Elle patiente, intriguée et en même temps inquiète de l’état dans laquelle elle pourrait trouver son amie. La dernière fois, même si elles avait papoté, ça lui avait fait mal tout de même de la voir dans cet état. Quand la porte s’ouvre, elle lève les yeux. Des yeux qui se posent automatique sur le ventre arrondi de la concernée. Lene a sa réponse et se sent à demi-soulagée pour Leah. A demi, parce qu’avoir gardé le bébé n’efface pas les peurs.
Lorsque Leah avait reçu le message de Lene, elle avait été étonnée et plutôt contente. Leur relation avait considérablement évolué depuis qu'elles s'étaient croisées la dernière fois au MacTavish, et même si la brune avait du mal à définir le niveau d'amitié exact de leur relation, elle savait qu'elle appréciait énormément Lene et que ça avait l'air réciproque. En tout cas ça en avait l'air, sinon elle ne se serait pas emmerdée à lui demander d'aller boire un café, pas vrai? La brunette était sortie de l'hôpital depuis quelques jours, et si on lui avait enlevé le plâtre de son poignet, elle portait encore un espèce de bandage renforcé qui soutenait celui-ci mais lui donnait l'impression d'être une momie. Soit. Elle était parvenue à cacher la plupart de ses contusions sous une épaisse couche de maquillage, mais nul doute que son amie viendrait à remarquer ses coups lorsque son visage serait exposé en pleine lumière. Ses côtes la faisaient encore beaucoup souffrir, mais elle s'en fichait. Elle voulait sortir, profiter et ne plus rester chez elle comme le lui demandait expressément Stephen qui s'inquiétait encore beaucoup pour son état et celui du bébé. Il se réveillait doucement et commençait à accepter la situation qui s'imposait à lui, même si le dialogue n'était pas totalement instauré entre eux. Leah espérait que ça viendrait rapidement, car elle avait vraiment besoin de lui et de le sentir à cent pour cent impliqué là dedans avec elle. La peur ne l'avait pas quittée, mais les savoir embarqués à deux dans cette histoire la rassurait quelque peu. Elle fit son entrée dans le café et repéra directement la pompier qui lui fit un geste de la main. Elle déposa ses affaires et s'installa sans lui faire d'accolade, l'idée de se pencher la faisait déjà pleurer à l'avance tant ses côtes lui menaient la vie dure. "C'est un choix intéressant que de vouloir boire un café pour une femme enceinte." Lança la brune sur un ton amusé en observant Lene avec bonne humeur.
Elle regarde Leah s’avancer vers elle tout en tentant de jauger l’esprit de la jeune femme pour éviter de faire une bourde. Si elles s’entendaient mieux qu’avant et que Lene se sentait plus proche, ça n’empêchait pas qu’elles se connaissaient pas autant qu’elle l’espérait et que la brune pouvait mal interprété un signe. Ses sourcils se froncent dès que Leah s’approche d’elle parce qu’il y’a quelque chose dans sa démarche qui parait peu habituel. Est-elle tombée ? On dirait que c’est le cas. Elle n’imagine pas trop et se dit juste que peut-être, elle a fait un énième malaise auprès de quelqu’un qui n’aura pas pu la retenir. Elle l’ignore, elle reste patiente vu que la réponse tombera bien forcément dans la conversation. Leah s’assied et aussitôt, Lene peut remarquer qu’il s’est passé quelque chose et ça se voit sur son visage qu’elle s’en est rendu compte. Elle intervenait souvent auprès de plusieurs types de violences, elle était sportive et pratiquait le krav maga. Des traces de coups, elle savait reconnaitre. "C'est un choix intéressant que de vouloir boire un café pour une femme enceinte." Pointa Leah, ce qui fit rire Lene qui ne voulait pas non plus paraître alerte trop vite. Si Leah blaguait, c’était certainement pour lui sous-entendre de ne pas verser dans le mélodramatique et ça, Lene pouvait le comprendre. « Ben figure toi que c’est ce que je me suis dit mais, j’avais trop peur que tu m’dises non si je te proposais de boire un thé, parce que le thé tu vois ? » Elle fait une grimace, justifiant tout de suite son opinion. « Alors que boire un café, ça sonne mieux. Même si au final, je bois du thé. » Histoire très palpitante. « Au pire, ils ont du déca. » Mais c’était contre les principes de Lene que de boire ça, le thé se sera. Peut-être qu’elle s’habituera après tout. « Et donc, je voulais de tes nouvelles. Je vois que tu as pris une décision. » Et ça, c’était pas mystérieux. Suffisait de la regarder.
Le regard de Lene en disait long, mais Leah n'aurait su dire s'il s'agissait d'une réaction à son ventre encore bombé alors qu'elle lui avait dit qu'elle comptait avorter, ou alors vis à vis de son apparence légèrement amochée grâce à ce cher Camden. Qui ne faisait de toute façon plus partie de ce monde, dieu merci. Les policiers avaient finis par tirer sur lui alors qu'ils étaient dans une course poursuite où le jeune homme les avait menacés dans un dernier élan pour s'en sortir. Ce fut une tentative ratée, donc. Elle s'installa à table, gratifiant Lene d'un très large sourire; à la fois contente d'être là et puis simplement heureuse d'être sortie de chez elle sans craindre que son ex-psychopathe ne lui tombe encore un jour dessus. Elle fit même une blague sur le lieu choisi par Lene, qui sourit à son tour. « Ben figure toi que c’est ce que je me suis dit mais, j’avais trop peur que tu m’dises non si je te proposais de boire un thé, parce que le thé tu vois ? » Oh oui, elle voyait. On leur faisait payer de l'eau aromatisée avec de l'herbe, une vraie arnaque. En attendant, c'est aussi ce qu'elle allait commander. "J'aurais accepté même si tu m'avais proposé un chinois Lene." Rétorqua-t-elle avec un petit clin d'oeil, signifiant ainsi qu'elle se fichait bien des circonstances et qu'elle était vraiment heureuse de partager un nouveau moment avec la brune. « Alors que boire un café, ça sonne mieux. Même si au final, je bois du thé. Au pire, ils ont du déca. » Leah hocha la tête, se disant qu'un déca serait sans doute une torture pour son esprit qui mourrait d'envie de boire un café, justement. La caféine et elle, c'était une grande histoire d'amour qui remontait à longtemps. "Je vais te soutenir avec un thé aussi." Lança-t-elle en relevant le menton vers la carte des thés affichée au mur. « Et donc, je voulais de tes nouvelles. Je vois que tu as pris une décision. » La brunette laissa son regard se poser sur la jeune femme, tout en posant une main protectrice sur son ventre. "Oui, j'ai décidé de la garder. Il s'est passé... Des choses." Très drôle Leah, bel euphémisme.
Tout dans la démarche de Leah est un appel à réveiller sa curiosité. Déjà parce qu’elle semble dans un sale état - ce qui fait froncer les sourcils de Lene mais elle se retient de broncher en se rendant que le sourire de la jeune femme est à l’antipode de son état et surtout, de la mine qu’elle adoptait quelques jours plus tôt quand elles s’étaient croisées – et enfin parce qu’elle arbore encore le ventre d’une femme qui ne s’est pas décidé à passer à l’acte. Lene était rassurée. Pas qu’elle soit pro-vie mais parce que ça voulait dire que Leah avait trouvé une réponse à ses questionnements et c’est ça qui importe le plus à ses yeux. Avant d’entrer dans le vif du sujet, elles partagent une conversation où elles plaisantent au sujet du café et de leur interdiction à en consommer. Interdiction qui semble générer une frustration partagée. "J'aurais accepté même si tu m'avais proposé un chinois Lene." Rétorque Leah, amenant Lene à simuler un trop plein d’émotion devant cette déclaration qui veut dire beaucoup connaissant le désamour de la nourriture chinoise qu’a Leah dernièrement. « Bordel, et dire que j’ai pas osé ! » Oui, elle regrette parce que contrairement à son amie, la bouffe asiatique, c’était tout ce qui lui faisait envie actuellement. On dit merci au papa dont les origines se ressentent déjà. « Je tuerais pour des raviolis chinois. » avoue Lene, déjà décidée à aller s’en chercher à emporter aussitôt qu’elles seront sorties d’ici. « Mais ne pense pas que j’ai oublié notre sortie une fois que le chinois sera possible pour toi, je peux attendre quelques mois de plus. » assure t-elle alors que Leah passe commande à son tour, résignée elle aussi. "Je vais te soutenir avec un thé aussi." Lene lui répond d’un sourire empli de compassion. Le thé c’est dur mais toujours mieux que de se résoudre à du décaf. « Allez, peut-être qu’on va y prendre goût. » Peut-être. Toujours est-il qu’avec la gorgée qu’elle vient de prendre, ça ne vient toujours pas. Il lui faut une tonne de sucre pour que cela passe, ce qui au final n’est pas meilleur que d’éviter le café. Elle cesse de plaisanter et finit par poser la vraie question. Ce n’est pas comme si Leah ne s’y attendait pas à ce qu’elle remarque que son bidon est toujours là. "Oui, j'ai décidé de la garder. Il s'est passé... Des choses." Elle reste mystérieuse, amenant Lene à se redresser et l’interroger du regard avant de conclure, ne voulant pas non plus mettre le nez dans ce qui ne la regarderait pas. « Je suis contente pour toi, ça veut dire que tu as réussi à mettre de l’ordre dans tes idées. »
Leah se rendait compte que son amie fixait un peu trop les contusions qu’elle s’était efforcée de camoufler avec du maquillage, mais elle ne fit pas de remarques à ce sujet et la brune l’en remercia mentalement. Peut-être que le sujet arriverait sur le tapis, mais pour l’instant elle voulait juste passer un moment agréable sans avoir à se remémorer les évènements d’il y a quelques jours. Elle sortait tout juste de l’hôpital et si il lui était conseillé de rester chez elle, la jeune femme devenait folle à tourner en rond – raison pour laquelle elle avait décidé de voir son amie à l’extérieur. Elle restait assise à une table, on ne pouvait pas dire que l’effort était extraordinaire en soi. Leah était contente de revoir son amie, comme elle le souligna en précisant que même une invitation à manger chinois n’aurait pas été de refus. Lene prétendit être touchée en plein cœur face à cette déclaration dissimulée et un sourire étira les lèvres de la brunette. « Bordel, et dire que j’ai pas osé ! » La jeune femme haussa les épaules sans se départir de son air amusé, l’air de dire « désolée ». « Je tuerais pour des raviolis chinois. » La pompier semblait déjà faire face à des envies incontrôlables et Leah laissa un rire s’échapper de ses lèvres en constatant que son amie traversait exactement la même chose qu’elle à quelques mois d’intervalle. Cette situation était dingue. « Tu m’étonnes. Et encore ça ça va, bientôt tu développeras des goûts bizarres et tu feras des mélanges absolument écœurants. Mais ça te plaira quand même. » Elle secoua la tête tout en se rappelant ce qu’elle avait déjà avalé sous l’œil ébahi de Stephen et ce souvenir la fit sourire une nouvelle fois. « Mais ne pense pas que j’ai oublié notre sortie une fois que le chinois sera possible pour toi, je peux attendre quelques mois de plus. » Leah hocha la tête, passant une main sur son ventre par automatisme. « Mais j’espère bien ! Ça commence à aller mieux au niveau des nausées, mais je suis effectivement pas encore prête à passer le cap du chinois. Je te ferai signe quand ça sera le cas. » Promit-elle en fronçant le nez. Il y a quelque temps, la simple mention de cette nourriture asiatique lui donnait des sueurs froides. Aujourd’hui ça allait beaucoup mieux, mais elle n’en ressentait pour autant pas l’envie de se jeter sur un plat de nouilles ou de raviolis. « Allez, peut-être qu’on va y prendre goût. » Lene s’efforçait de se montrer convaincante pour elles deux, mais sa tête en disait long sur ce qu’elle pensait réellement en avalant sa première gorgée. « Tu parles. » Leah étouffa un nouveau rire en ajoutant du sucre – en quantité raisonnable mais tout de même le minimum syndical pour que ce breuvage soit buvable – et en soufflant sur sa tasse avec douceur. La conversation glissa vers cette grossesse qu’elle avait finalement choisi de continuer alors qu’elle avait annoncé à la brune qu’elle comptait y mettre un terme quelques semaines plus tôt. De quoi surprendre la pompier qui lui posa donc la question avec curiosité, ce à quoi la brunette répondit qu’il s’était passé un tas de choses. Comment exprimer ça autrement ? Sa vie s’était transformée en un véritable thriller psychologique, de quoi remettre en question ses priorités. « Je suis contente pour toi, ça veut dire que tu as réussi à mettre de l’ordre dans tes idées. » Consciente qu’elle lui avait confié beaucoup de choses la dernière fois, Leah décida tout de même d’en dire un peu plus sur la situation. « Je me suis remise avec le père, et on a décidé de le garder… On vient d’emménager ensemble. » Elle ne put réfréner le sourire qui étirait une nouvelle fois ses lèvres ; elle était heureuse, pour la première fois depuis un long moment. « Et toi alors ? Ça se passe comment ? » Demanda-t-elle, désireuse de savoir si son amie s’en sortait.
En quelques jours, les choses avaient beaucoup changé depuis leurs dernières conversations. Lene s’est faite à sa grossesse même si elle ne l’a encore communiqué à personne en dehors de Leah et Anwar et qu’elle en est à découvrir les premiers effets, les premières sensations et peurs qui sont le chemin classique de l’expérience et Leah a décidé qu’elle garderait son enfant alors qu’elle avait annoncé ne pas en vouloir. Si cette décision lui appartenait, Lene reste malgré tout très soulagée que Leah ne s’impose pas une si grosse épreuve alors qu’elle est à un stade avancé de sa grossesse. En revanche, la raison qui se cache derrière d’apparente contusion reste passée sous silence. Leah arbore un sourire et si Lene apprécie l’idée de ne pas être de celle qui se laisse bernée par un joli minois alors que quelque chose de grave, elle se dit que ce serait de toute façon bien trop curieux venant d’elle que de poser une question sur le sujet et qu’elle a assez l’expérience de côtoyer des femmes battues dans son travail pour savoir reconnaitre une nana qui semble enfermée dans une relation abusive. « Tu m’étonnes. Et encore ça ça va, bientôt tu développeras des goûts bizarres et tu feras des mélanges absolument écœurants. Mais ça te plaira quand même. » Elle hausse les épaules avant d’admettre. « Je le fais déjà ça. » Les gros mélanges sucrés salés, le cheddar qu’elle étale sur un peu tout de même que le beurre de cacahuète, Lene n’avait pas attendu d’être enceinte pour faire des mélanges bizarres. L’inverse lui arriverait même, elle mange presque normalement maintenant à l’exception du thé et du chinois. « Mais j’espère bien ! Ça commence à aller mieux au niveau des nausées, mais je suis effectivement pas encore prête à passer le cap du chinois. Je te ferai signe quand ça sera le cas. » Pas de problème. Elle n’en est pas à ressentir de l’appréhension pour quoi que ce soit mais elle reconnait que les sens sont en exergue et que si côté bouffe ça va, certaines odeurs ne passent plus du tout. Elle finit malgré tout par mettre fin aux banalités en faisant son observation que à la grossesse de Leah qui s’est poursuit. Lene ne cache pas son entrain. Leah était bien trop mal la dernière fois pour qu’elle ne se réjouisse pas de la mine sur son visage. « Je me suis remise avec le père, et on a décidé de le garder… On vient d’emménager ensemble. » ajoute Leah, ce qui n’est pas tant la réponse que Lene attendant parce qu’à la prochaine connerie avec le père, ça risque à nouveau de dégénérer. Généralement, les suites à ce genre de chose n’est pas heureuse. Doit-elle le dire ? Non, ça ne la regarde pas et depuis que son dernier couple est pas en sucette, elle se garde de dire quoi que ce soit sur celui des autres. Elle aussi avait été amoureuse et bête. Maintenant, elle ne pouvait plus rien juger. « Et toi alors ? Ça se passe comment ? » intervient Leah, ce qui pousse Lene à hausser les épaules parce que y’a rien de vraiment sensass qui se passe de son côté. « Le père est au courant. J’ai un peu l’impression qu’il se met dans une position où il veut assumer et être là, j’arrive pas à savoir ce qu’il en pense vraiment. » explique Lene avant d’ajouter, vu que leurs situations n’est pas la même. « On ne se connait pas lui et moi. » Enfin, si, un peu, via Lou, via le Street Cat. « Enfin pas vraiment. Mais c’est cool, ça voudra dire que quand il sera grand, j’aurais une semaine sur deux pour moi et ça me va. » Si c’était aussi simple.
Leah était heureuse d’être retombée sur Lene dans la fameuse salle d’attente du psychanalyste supposé lui donner l’autorisation de pratiquer la profession de pompier. Et si elle avait réussi cette entrevue haut la main, les récents évènements avaient postposé son entrée chez les soldats du feu, et si cette perspective l’effrayait au début de sa grossesse, elle était dorénavant sereine face à cette situation. Il avait fallu une rupture et le risque de perdre son bébé pour qu’elle remette ses priorités en ordre ; un mal pour un bien finalement. Même si elle se serait volontiers passée d’une énième altercation avec Camden, bien que celle-ci ait permis de le rayer définitivement de la surface de la terre ; une vraie bénédiction. Cependant, elle pouvait retirer de ces derniers mois une amitié inespérée avec la brune – compte tenu de leurs rapports lorsqu’elle était barmaid et que Lene était sa cliente. Le franc parlé de son amie était rafraichissant et elle savait qu’elle aurait toujours sa vraie vision des choses, peu importe la situation. Le fait qu’elles soient enceintes à quelques mois d’écart était assez drôle, et Leah s’imaginait déjà partager une partie de cette nouvelle expérience avec elle. Elles n’étaient pas le genre de jeunes mamans à discuter des heures de layettes et autres, elle voyait surtout là une opportunité de vivre sa maternité avec quelqu’un comme elle. Leah n’était pas naïve, elle savait que ça ne serait pas de tout repos et qu’il ne s’agissait pas là que de bonheur et de paillettes. Avoir Lene comme alliée psychologique était plutôt rassurant, d’autant qu’elles finiraient rapidement par être collègues après tout ça. Ravie de discuter de ce sujet sans s’inquiéter de son intérêt pour celui-ci, la brunette lui exposa le fait qu’elle ne tarderait pas à développer des goûts plutôt étranges lorsqu’il s’agissait de la nourriture. « Je le fais déjà ça. » Ah. Leah étouffa un rire, se disant que finalement le fait d’être enceinte ne changerait pas grand-chose à la routine de Lene. Elle continuerait à manger chinois et à faire les mêmes associations bizarres qu’avant, et tant mieux pour elle. La jeune femme quant à elle avait expérimenté beaucoup de changements, et ceux-ci n’étaient pas tous forcément des plus agréables. Et après lui avoir confié que ses nausées semblaient la laisser enfin tranquille, elle lui promit de lui faire signe lorsqu’elle se sentirait apte à pousser les portes d’un restaurant chinois, recevant un hochement de tête compréhensif de la part de son interlocutrice. Désireuse de lui expliquer la suite des évènements depuis leur dernière rencontre, Leah lui apprit qu’elle et Stephen s’étaient remis ensemble et qu’ils avaient même emménagé dans la maison du bonheur. Un sacré tournant à 180° quand on repensait à l’état de la brune il y a quelque temps, mais tout rentrait enfin dans l’ordre. Curieuse, elle demanda ensuite à Lene comment ça se passait pour elle. Après tout, elle n’était pas en couple et cela indiquait que tout comme pour elle, la grossesse était une surprise. Restait à savoir si celle-ci était agréable ou non pour le principal intéressé. « Le père est au courant. J’ai un peu l’impression qu’il se met dans une position où il veut assumer et être là, j’arrive pas à savoir ce qu’il en pense vraiment. » La pompier se confiait à son tour dans un haussement d’épaule, feignant un détachement qu’elle ne devait probablement pas ressentir. L’incertitude et la peur faisaient partie intégrante du processus, et le tout était exacerbé quand on ignorait si la deuxième partie accepterait ou non sa paternité à venir. « On ne se connait pas lui et moi… Enfin pas vraiment. Mais c’est cool, ça voudra dire que quand il sera grand, j’aurais une semaine sur deux pour moi et ça me va. » Leah haussa un sourcil, surprise par la réflexion de son amie – quoique pas totalement étonnée. « Prendre la tangente reste la solution de facilité, donc s’il te donne l’impression de vouloir assumer… C’est sans doute le cas. » La brune adressa un petit sourire à Lene avant de plonger ses lèvres dans le breuvage encore fumant de sa tasse, puis de reprendre. « Il fait quoi dans la vie ? Vous n’avez jamais été… Un couple ? » Traduction ; c’était ton plan cul ? Un air malicieux apparu sur le visage de Leah qui n’était absolument pas dans le jugement. Lene était une femme indépendante et pas vraiment du genre à s’arrêter sur la présence d’un père ou non pour son bébé, bien que toute aide soit bonne à prendre aux yeux de la brunette.
Elle avait enchainé sur le fait que d’avoir des goûts culinaires douteux fait déjà partie de son quotidien, bien que d’autres ajouteraient qu’elle n’avait pas besoin d’être enceinte pour manger tout et n’importe quoi, elle avait gagné un ou deux niveaux dans l’art de manger tout ce qui lui tombe sous la main n’ayant que faire des goûts douteux de chaque chose et des mariages que son imagination l’amène à faire. Qui aurait deviné après tout que le ketchup savait si bien tout accompagner ? Qui savait que les pâtes étaient à leur max niveau goût dès qu’elles avaient passé trois jours dans le frigo ? Et est-ce que quelqu’un avait remarqué que n’importe quel légume était mangeable dès qu’il passait à la friture ? C’est un tout nouveau monde de sens qui s’ouvre à elle. Lene, elle est se sent comme le Christophe Colomb de la papille gustative et elle voit en Léa une copine d’exploration, bien que celle-ci se voit obligée de faire attention et visiblement plus limitée en terme de nourriture. L’avantage, c’est aussi que Lene peut voir chez Leah une version plus avancée de son quotidien et des choses qui l’attendent, une pas si mauvaise chose. La suite de la conversation ne tourne cependant pas vers la nourriture mais bien sur leurs situations respectives et si Leah semble avoir retrouvé un peu de stabilité et a vu sa situation s’améliorer depuis leur dernière rencontre, tout semble la tenir à des kilomètres de Lene. Si l’une ne se serait pas vue enfanter seule, l’autre est parfaitement en phase avec cette réalité et n’a pas vraiment de honte à évoquer à haute voix le fait qu’elle soit seule – enfin, pas en couple quoi – dans cette affaire et que la situation ne changera pas avec les mois à venir. Elle en tire même du positive à être maman qu’une semaine sur deux et se mettrait presque à vanter les vertus d’une parentalité partagée de la sorte. Elle se montre assez détachée au final, ce qui semble être de toute manière la seule façon dont elle s’autorise à réagir. « Prendre la tangente reste la solution de facilité, donc s’il te donne l’impression de vouloir assumer… C’est sans doute le cas. » Elle n’en doute pas. C’est juste que comme toutes les filles, si elle avait eu le projet un jour d’avoir un enfant, elle se serait imaginé avec quelqu’un avec qui elle aurait ressenti de l’alchimie pendant plus qu’une soirée alors que maintenant, elle a juste l’impression de devoir faire attention à tout ce qu’elle dit à propos de cette grossesse pour pas inciter monsieur à la pointer du doigts parce que ce serait forcément sa faute à elle si son corps à décider d’être fertile ce soir-là. « Il fait quoi dans la vie ? Vous n’avez jamais été… Un couple ? » « Policier. » dit-elle, en essayant de se rappeler du grade mais sans y arriver. Il faut avouer que Lene, elle n’avait jamais pensé à retenir quoi que ce soit qu’Anar lui avait partagé parce qu’elle n’avait jamais été dans l’optique qu’il fasse partie intégrante de sa vie. Maintenant, elle allait devoir se souvenir vu qu’il allait être le père de son enfant, un lien pour le moins important et l’amenant à au moins daigner s’intéresser à ce qu’il a à dire. C’est en disant son métier qu’elle se retrouve à se rassurer qu’au moins, le père du bébé n’est pas le premier péquenaud venu et avec lequel elle aurait pu partager un rapport dans sa période post –rupture. « Non, on a jamais été un couple et nos divergences d’opinions font qu’on aurait du mal à l’être. Mais bon, on a encore quelques mois pour apprendre à être de vrais adultes. » dit-elle pour se donner de l’encouragement parce qu’à dire vrai, si elle est capable de vrai les avantages d’une parentalité partagée, elle appréhende énormément ce que seront les valeurs d’éducations qu’ils comptent donner à leurs enfants. « Pour l’instant, j’essaie d’être optimiste et de me dire que tout va bien se passer. J’ai déjà peur de beaucoup de réaction quant à cette grossesse et j’ai pas les nerfs pour vraiment envisager plus loin que les deux prochains mois. » confie t-elle tout en posant ses doigts sur quelques granules de sucres tombées sur la table, une façon de détourner sa propre attention du problème.
La coïncidence était assez incroyable ; deux grossesses surprises pour deux amies qui allaient devenir collègues et qui pourtant partageaient une relation en dent de scie il y a encore peu de temps d’ici. Cependant, Leah pouvait affirmer qu’elle était heureuse d’avoir quelqu’un comme Lene dans sa vie car la jeune femme ne s’embarrassait pas de faux semblants et n’hésitait pas à crier haut et fort ce qu’elle pensait, ce que la brunette appréciait énormément chez ses amis. Amusée, elle réalisait qu’elle avait quelques mois d’avance sur la grossesse de son amie et elle commença à lister les choses qui allaient arriver à la surfeuse – sans se douter que c’était déjà le cas au moins pour l’une d’entre elle. En effet, Lene n’avait pas attendu de tomber enceinte pour commencer les mélanges douteux et faire de la nourriture une toute nouvelle expérience sensorielle. Ça n’avait pas été le cas de Leah et c’était bien pour ça qu’elle avait commencé à trouver ces nouvelles envies plutôt étranges, à l’instar de la pompier qui elle ne faisait finalement que continuer sur sa lancée. Les deux amies étaient différentes sur bien des points, et leurs papilles gustatives n’était qu’un exemple parmi tant d’autres. Il n’y avait qu’à analyser la façon dont elles abordaient leur grossesse ; Leah avait pratiquement cédé à la panique sans savoir comment annoncer la nouvelle à Stephen, appréhendant sa réaction et la perspective de devenir mère tout comme celle de ne pas l’être – un esprit tout en contradiction qu’elle avait encore elle-même du mal à suivre, c’était dire. Quant à Lene, elle semblait prendre les choses avec calme et détachement, ayant déjà annoncé la nouvelle au père qui ne faisait apparemment même pas partie du tableau, c’était en tout cas ce que laissait entendre la jeune femme tandis qu’elle dépeignait la situation avec un stoïcisme qui impressionnait la future maman. Restait à savoir s’il s’agissait là d’une magnifique prestation d’actrice ou si elle était réellement en paix avec toute cette histoire. Lene s’interrogeait sur les réelles ambitions du futur papa quant à son implication ou non dans la vie de ce bébé, mais comme le relevait Leah, s’il disait qu’il voulait participer c’est que c’était le cas. En général, la première réaction des hommes était celle de la fuite – en tout cas quand ils n’étaient pas prêts à faire face à l’heureux évènement – donc si celui-ci estimait qu’il voulait avoir un rôle à jouer, ça devait être réfléchi et sérieux. Curieuse d’en apprendre davantage, elle interrogea la brune afin de glaner quelques détails supplémentaires sur l’identité de cet homme ainsi que sur la situation de leur duo – sans savoir si le mot couple était ou non d’actualité. « Policier. » Oh. Pas mal Adams. Au moins elle n’était pas allée chercher un type sorti de nulle part qui vivait dans la précarité, et c’était déjà ça. Et puis si cet homme était dans les forces de l’ordre, il devait forcément avoir un minimum d’honneur et le sens des responsabilités, elle l’espérait en tout cas. « J’ai un ami dans la police, j’espère que c’est pas lui. » Plaisanta-t-elle en fronçant le nez, sachant que les probabilités pour que Lonnie Hartwell soit le père de cet enfant étaient proches de zéro – mais quand même, cette pensée fugace avait traversé son esprit imaginatif. « Non, on a jamais été un couple et nos divergences d’opinions font qu’on aurait du mal à l’être. Mais bon, on a encore quelques mois pour apprendre à être de vrais adultes. » Lene répondait toujours avec le même détachement, voyant la situation dans son intégralité là où Leah serait probablement au bord du gouffre à se demander comment elle allait faire pour s’en sortir. « Donc vous allez être parents… séparément. » Résumait Leah avec sérieux, réfléchissant aux tenants et aux aboutissants de cette histoire. « Mais oui comme tu le dis vous êtes deux adultes, y a pas de raison que ça ne fonctionne pas. » En réalité, il y en avait tout un tas. Mais il ne servait à rien d’être défaitiste dès le départ, et la brunette se doutait que si tout ceci allait exiger des compétences aiguisées en organisation et en logistique – parce que oui, un bébé c’était au moins tout ça. « Pour l’instant, j’essaie d’être optimiste et de me dire que tout va bien se passer. J’ai déjà peur de beaucoup de réaction quant à cette grossesse et j’ai pas les nerfs pour vraiment envisager plus loin que les deux prochains mois. » La brune fronça les sourcils sur les dernières paroles de son amie, comprenant qu’il y avait finalement des soucis sous-jacents à cette situation auxquels elle n’avait par l’air de vouloir penser. « Beaucoup de réactions, comment ça ? Enfin si tu te sens d’en parler, on n’est pas obligée. » Ajouta-t-elle avec un petit sourire, laissant ainsi la porte ouverte aux confidences si Lene en ressentait le besoin. En attendant, elle plongea son nez dans le thé que le serveur leur avait apporté, grimaçant légèrement en se demandant qui pouvait éprouver du plaisir à boire de l’eau chaude.
C’est que la situation de Lene peut paraître déroutante au premier abord parce que peu de personne imagine qu’une femme puisse faire le choix que d’élever un enfant seule. Certaines le font, Lene n’est pas non plus un cas unique mais dans la société bienpensante d’une Queensland, les gens en sont encore à s’imaginer que sans le soutien indéfectible d’un homme, la maternité est impossible. Lene faisait le choix comme toujours de n’avoir besoin de personne. Elle s’était cassé la gueule en laissant Matt être indispensable à sa vie. Elle ne reproduirait pas cette même erreur une seconde fois, même avec le père de son enfant. Au final, en prenant le recul sur la situation, elle arrive à parfaitement s’en accommoder en ne présentant que des avantages à cette coparentalité sur laquelle elle s’est accordée avec Anwar. « J’ai un ami dans la police, j’espère que c’est pas lui. » « Si tu reçois deux faire-part, tu auras ta réponse. » rétorque Lene en riant, là où il suffirait encore qu’à prononcer à haute voix le nom du géniteur. Curieusement, elle est frileuse à le faire. La dernière que le prénom d’Anwar est sorti de sa bouche, c’était pour annoncer la nouvelle à Lou qui a pris la grossesse de Lene comme un acte de trahison ultime. « Donc vous allez être parents… séparément. » Elle acquiesce. « Exactement. Après, on va dialoguer hein. » Elle marque une pause « Enfin, j’espère. Il est un peu con comme garçon, si j’avais été plus intelligente, je lui aurais rien dit » Mais c’était trop tard et ne restait qu’à espérer que le temps lui donne tort et que d’avoir fait la bonne chose à faire montre des fruits. « Mais oui comme tu le dis vous êtes deux adultes, y a pas de raison que ça ne fonctionne pas. » Non. Et de toute façon, Lene n’est pas une personne à se faire marcher sur les pieds. Elle reste parfaitement capable de jouer au plus con s’il le faut. Imaginer le pire de cette situation est là, mais elle se concentre sur le positif et le tangible, pour l’instant, elle n’a rien qui lui indique très clairement que cela ne va pas marcher. Elle préfère ne pas prendre pour acquis des paroles prononcés sous le coup de l’angoisse. « Beaucoup de réactions, comment ça ? Enfin si tu te sens d’en parler, on n’est pas obligée. »Elle hausse les épaules. Ce n’est pas son sujet de conversation préféré mais ses relations familiales ou de travail ne sont pas un secret non plus. « Mon frère, qui ne se gênera pas pour me remettre à la gueule tout ce que j’ai balancé à la sienne quand sa copine est tombée enceinte. Ma sœur, qui rapportera tout à elle et me fera un caprice parce qu’elle ne peut pas avoir d’enfant et moi si. Toutes les personnes que je connais qui ne se gêneront pas de souligner que je suis une personne horrible et que mon bébé sera malheureux. » Et encore, la liste n’est pas exhaustive parce qu’elle a déjà l’idée de tout ce qu’elle pourrait prendre d’autre dans la face. « C’est ce qui me bute aussi, les hormones, je me sens vulnérable et j’aime pas ça. » Parce que le bouclier était baissé et que là, la porte est ouverte à la méchanceté. Non pas que Lene ne le mériterait pas vu son passif mais bon, faut pas lui demandé d’être de bonne foi. Elle finit par porter sa tase de thé à ses lèvres avant de tordre son visage dans une grimace qui suit Leah. « Sinon, ce qu’on peut faire, c’est aller manger ailleurs ? Je prendrais bien du poulet frit. » Le sujet change mais de toute évidence, aucune des deux n’est satisfaite de sa commande. « Allons ailleurs. » dit-elle en se levant de sa chaise vu que maintenant qu’un bucket était apparu dans son esprit, rien ne saurait l’en retirer.