Y’avait quelque chose de reposant à être dans l’eau. Le son des vagues, la chaleur du soleil sur la peau, le rythme de la planche qui se cogne sur les ondées, ce genre de trucs. Fût un temps, je passais le plus clair de ma vie à surfer. Fuir les cours et les conneries qui ne me rentraient pas dans la tête, fuir la maison et les tensions avec Ginny, qui était à l’époque bien indéchiffrable pour ma petite caboche, du temps où elle me cachait des choses, aussi. Dévaler les kilomètres qui menaient à Bayside, qui se faisaient pour la plupart du temps en silence, à profiter du paysage, à faire le plein avant de ramer, de trimer, de flotter, de surfer. C’étaient les belles années et les pires, c’était la passion d'une vie, et c’était parti, un matin, quand je m’étais envolé pour Londres, laissant tout derrière. Il n’avait pas fallu longtemps après que j'ai reposé le pied en Australie pour que je remette la main sur une planche, pour que je remette les pieds dans le sable, les jambes dans l’eau. Aujourd’hui comme presque tous les jours depuis un an, c’est le trajet entre le loft vers la baie, c’est le réveil bien avant l’aube pour profiter des premières vagues, des meilleures, de celles qui cognent, qui tapent, qui volent. C’est aussi les têtes inconnues d'autres surfeurs qui sont là pour les mêmes raisons, qui se saluent, qui s'encouragent, se regardent, se laissent passer, se retrouvent.

Personne n’a pas besoin de parler, personne n'a besoin d'expression phatique pour que je sache que malgré l’heure matinale, on était tous motivés, tous passionnés. Pas besoin de dire grand chose tout comme moi, alors que je profite du bruit distinctif du mouvement de l’eau, de l’odeur salée, du froid momentané en entrant dans l'eau, qui finira par se transformer en chaleur suffocante d’ici midi. Un sourire, et j'attrape ma planche, la passe sous mon bras. Mes pas qui font crisser le sable, l’air salin qui s’occupe du reste. Et je m’étale de tout mon long sur mon surf, ramant de chaque côté, laissant glisser le plastique selon ce que l'océan a en tête pour lui, ce qu’il a bien humblement décidé.

Alors que j'étais sincèrement parti avec la conviction que je m'élancerais dans les vagues en arrivant à la plage, c'est d'un pas plutôt hésitant que m'avance vers l'eau. Même la sensation agréable de mes pieds s'enfonçant dans le sable ne m'aide pas à penser à autre chose que la grande étendue bleue et destructrice qui se trouve devant moi. M'immobilisant, je prend une profonde inspiration, le regard fixé sur l'océan. Il semble calme. Trop calme pour qu'un surfeur aguerri puisse y voir un quelconque plaisir, mais il reste toute de même trop agité pour moi. Pinçant les lèvres, je regarde autour de moi et était sur le point de me traiter d'idiot d'être venu aussi tôt le matin dans un endroit si reculé, lorsque mon regard se pose sur une autre personne. Planche sous le bras, c'est, elle, d'un pas décidé qu'elle s'avance vers l'océan, pose sa planche puis se jette dessus et commence à ramer avec ses bras.

Déglutissant, je soupire doucement et secoue la tête avant de forcer mon corps à se mettre en route. Arriver au niveau de l'eau, j'ai dernier instant d'hésitation avant de commencer à marcher dans la le liquide salé, dont la fraîcheur agréable se fait instantanément ressentir dans tout mon corps. Inspirant et expirant profondément, je continue à marcher avant de poser la planche et, la maintenant sur place avec mes mains, je l'observe quelques instants puis cherche à nouveau l'autre inconnu du regard. C'est le moment de faire comme lui, non ? Genre, me mettre à plat ventre dessus et m'élancer ?

Sans plus hésiter, sachant parfaitement que si je ne le fait pas tout de suite je ne le ferais sans doute jamais, je me couche sur la planche, attend d'avoir trouver un équilibre digne de ce nom et commence à utiliser mes mains pour m'avancer dans l'eau. Lentement -autant parce que la résistante aquatique ne me permet pas d'aller plus vite que parce que j'ai peur de faire un faux mouvement et me retrouver submergé sans y être préparer – je m'éloigne du bord. Après plusieurs instants, je me redresse et regarde en arrière, sentant une légère panique me prendre aux tripes lorsque je me rend compte que je me suis bien plus éloigné du bord que ce dont j'avais l'habitude. Je lance un coup d’œil vers l'eau et me doute fortement que j'ai dépassé l'endroit où j'ai pied depuis bien bien longtemps.

Essayant de me changer les idées, je relève la tête, mon regard étant instantanément capté par l'autre surfeur qui vient d'attraper une vague. Sans doute pas la plus grosse qui soit, mais tout de même assez grande pour que je sois obligé de me battre contre des souvenirs qui remontent et qui risquent de me faire paniquer. Faire une crise de panique ici, dans l'eau, à plusieurs dizaine de mètres du bord avec personne d'autre que cet homme comme compagnie, ce n'est pas forcément la chose la plus drôle à faire.

Je me redresse d'avantage lorsque je vois l'inconnu glisser vers moi après avoir chevaucher cette vague et je lui adresse un léger sourire  « C'est sympas ce que t'as fait» le complimentais-je  « Ton … enfin quand t'as fait ce truc, j'ai aucune idée de comment on appelle ça. Tu sais quand tu ...» expliquais-je, mimant un Roller avec mes mains  « Enfin bref» je repose mes mains sur ma planche pour me stabiliser à nouveau  « ça fait longtemps que tu surf ?» demandais-je, curieux. Il a l'air d'avoir assez d'années d'expériences pour maîtriser ainsi sa planche.

@Matt Mcgrath

Et j’ai les cheveux noyés d’eau, la vague qui se casse dans mon dos. J’avais oublié à quel point y’a rien de mieux, absolument rien de mieux que la sensation d’être debout sur sa planche. La respiration qui halète et le corps qui se nourrit d’une décharge d’adrénaline comme il ne s’en fait plus. Je rame un peu plus loin, cède les prochaines vagues à un groupe de surfeurs que j’ai vu dans l’angle, finit par dériver sans le vouloir mais sans l’éviter vers un petit brun qui a l’air rêveur, là. Il observe en silence, il profite que je pense, good for him.

« C'est sympas ce que t'as fait» j’aurais pas osé le déranger s’il était pas venu me parler d’abord.  Mais d’office, je lui rends son sourire. « Tu trouves ? » ma main que je passe distraitement dans mes cheveux en bataille, le rire que je laisse aller quand clairement j’étais pas si fier de ce à quoi je crois qu’il fait référence. « La fin était à chier. » je relate, la chute quand la vague s’était montrée un peu plus coriace que prévu, et la raison pour laquelle j’ai lâché mon surf dans l’eau pour y prendre une grosse tasse une poignée de secondes plus tôt. « Ton … enfin quand t'as fait ce truc, j'ai aucune idée de comment on appelle ça. Tu sais quand tu ...»  oh, ok. Et je fronce les sourcils d’amusement, le regarde mimer le tout, il parle pas du tout de ma cascade ratée, c’est bon ça, très bon. « Un glide slide. » et j’explique, le sourire toujours fendu aux lèvres.

Mon regard qui passe par-dessus son épaule pour pointer la côte qu’on voit pas d’ici mais qui est dans cette direction-là. « C’est ce que je fais pour impressionner les filles quand y’en a des jolies sur la plage. » mes sourcils qui dansent de façon bien trop exagérée, je suis con et je me moque, quoi que c’est tout de même un petit peu, tout petit peu vrai. On me refera pas. « Tu penses qu’elles ont vu ma finale de merde ou je suis sauf ? » le coup d’œil est complice avant qu’une vague nous agite un peu plus que les autres.

Mes jambes immobilisent ma planche alors que je me réinstalle à califourchon dessus. nouveau  « ça fait longtemps que tu surf ?» « Trop longtemps pour le niveau que j’ai là. J’devrais être bien meilleur, mais j’ai arrêté pendant 8 ans. J’ai du temps à reprendre. » Londres avait été bad sur tellement de points de ma vie quand j’y pense. « Matt. » et justement, j’évite d’y penser le plus possible, lui tendant la main de ma planche à la sienne. « Et toi ? Tu surfes depuis quand ? »  je l’ai pas vu faire encore, je peux pas vraiment anticiper sa réponse.

En voyant cet homme chevaucher la vague à la perfection, je me demande sincèrement ce que je fais ici. Est-ce que j’ai bien fait de venir ? Si je surf ici, devant lui, je vais encore me ridiculiser et je vais regretter d’être venu aujourd’hui. Pourtant je suis venu très tôt, exprès pour ne pas rencontrer trop de gens. Malheureusement, je ne suis pas le seul à penser ainsi. Toutefois, l’inconnu ne semble pas totalement inaccessible. Au contraire ! Lorsqu’il remonte à la surface et m’aperçois, nous échangeons un coup d’œil puis un sourire et je décide de lui adresser la parole. Mon compliment tombe, malheureusement, à l’eau alors qu’il me répond que la fin était merdique. Je viens de trahir mon manque d’expérience dans le domaine –non pas que je me targuais avoir quelque connaissances que de soit- avant de me dire avec une certaine bienveillance le nom de la figure qu’il était entrain de faire «Glide slide, voilà c’est ça » m’exclamais-je comme si le nom me revenait d’un coup en tête.

Il ajoute ensuite que c’est ce qu’il fait en général pour impressionner les filles de la plage et souhaite savoir si elles l’ont vu se vautrer ou s’il est sauf «je pense que c’est bon » assurais-je en lançant un coup d’œil vers le rivage « Au pire elles se seraient extasié de voire une baleine aussi proche de la plage » mon ton est sérieux, mais mon haussement d’épaules et mon sourire trahissent l’ironie que j’ai envie d’insuffler dans mes paroles. Je ne le connais absolument pas et j’espère simplement qu’il ne s’offusquera pas de ce trait d’humour.

Je fini par changer de sujet, lui demandant si ça fait longtemps qu’il surf et apprend ainsi qu’il n’a pas le niveau requis pour le nombre d’années qu’il a déjà passé sur la planche, avouant toutefois avoir fait une pause de 8 ans. « Ah ouais, je vois» dis-je, arquant un sourcil «Je pense que même si les bases ne s’oublient et que la mémoire musculaire est énorme, il peut y avoir de sacrées fautes qui peuvent s’être installées en huit ans. C’est normal, après tout » je pense notamment à la danse et je me dis que le surf n’est pas si différent, au final. «Clément » me présentais-je à mon tour avant qu’il ne me retourne la question « depuis … deux semaines ?» dis-je, laissant échapper un rire, mal à l’aise « Je me suis enfin laissé convaincre par mon meilleur ami pour qu’il m’emmène surfer un coup et j’avoue que j’ai pas mal accroché. » j’hausse les épaules « bon j’ai passé plus de temps dans l’eau ou assit sur la planche » à me battre contre d’éventuelles crise de panique « et maintenant mon meilleur ami est parti et je me retrouve sans prof. Donc j’avais envie de tenter de le faire moi-même mais je pense que je vais plutôt revenir à un autre moment» et voilà que je me dégonfle. Je savais que ça allait finir par arriver.

@Matt Mcgrath

« Au pire elles se seraient extasié de voire une baleine aussi proche de la plage »  « Très, très drôle. » que je réitère, faussement agacé, avant de laisser un éclat de rire bien sincère casser la mimique trop sérieuse que je forçais. Il est cool le gars, il a une bonne répartie, il justifie que je manque la prochaine vague passant près de nous pour rester à ses côtés et discuter un peu.

Mon historique modeste que je lui relate, les années à Londres qui ont bousillé bien des choses dans ma vie, mon amour pour le surf en faisant très clairement partie. C’était pas difficile de voir que j’étais assez buté pour revenir pratiquer à tous les jours le plus possible jusqu’à ce que j’arrive à reprendre ma forme d’antan, mais ses encouragements me font égoïstement beaucoup de bien. « Je pense que même si les bases ne s’oublient et que la mémoire musculaire est énorme, il peut y avoir de sacrées fautes qui peuvent s’être installées en huit ans. C’est normal, après tout » l’important reste de le savoir et de pallier là-dessus, non ? « Ça va revenir. » j’espère, que je garde pour moi, pas non plus l’envie de plomber l’ambiance avec mes doutes trop sentimentalistes.

Il se présente, avant de me faire son propre résumé. « depuis … deux semaines ?» son incertitude me fait rire, attendant de voir ce qui lui a donné envie de s’y mettre – et surtout ce qui le motive à continuer. « Je me suis enfin laissé convaincre par mon meilleur ami pour qu’il m’emmène surfer un coup et j’avoue que j’ai pas mal accroché. » « Il est dans le coin? » j’étire la nuque pour tenter de voir s’il est proche le fameuse ami, s’il est en train de s’éclater ailleurs dans les ondées ou s’il rame pour venir nous rejoindre à contre-courant.  « et maintenant mon meilleur ami est parti et je me retrouve sans prof. Donc j’avais envie de tenter de le faire moi-même mais je pense que je vais plutôt revenir à un autre moment» ah, crap. J’insiste pas donc, pas envie de me mettre les pieds dans les plats non plus.

« Bah, si t’es pas pressé on peut peut-être tenter de s’y mettre sérieusement tous les deux. » j’hausse les épaules, plutôt intéressé à jouer les professeurs quand moi-même j’aurais bien besoin de reprendre là où j’avais tout laissé. « Ça me fera pas de mal, de revenir aux bases. » que j’explique, espérant ainsi le dédouaner et lui retirer le stress de croire que je lui fait une fleur alors que j’ai plutôt envie, vraiment, de recommencer autant du début que lui. « T’as appris quoi jusqu’à maintenant? »

Matt rigole à ma réplique et il ne sait sans doute pas à quel point ça me rassure tout ça. Au moins nous partageons le même humour, du moins est-ce l'impression qu'il me donne. J'hausse les épaules avec une moue innocente alors que ses paroles transpirent l'ironie. Je souris doucement puis lui fait un compliment et lui demande finalement depuis combien de temps il surf. Le jeune homme fini par m'avouer à demi mots qu'il a arrêté pendant quelques et j'essaie de le rassurer en disant que je suis certain que ses reflexe reviendront très rapidement. Je me permet de comparer le surf à la dans : non pas au niveau technique mais dans le sens où j'ai, moi-même, après plusieurs mois d'absence, réussi à retrouver un certain niveau grâce à la mémoire musculaire.

Lorsque Matt fini par se présenter, il me retourne en même temps la question, curieux. Sans grande gêne je lui avoue que je ne surf que depuis deux semaines et vais même plus loin en expliquant que j'avais commencé avec Ambroise mais qu'il est parti.

Et presque sans hésité, le jeune surfeur me propose qu'on s'y mettent tous les deux, précisant que ça ne lui fera pas de mal de revenir aux bases.  «Je … t'es sûr … ? » demandais-je, arquant un sourcil, fortement surpris par sa proposition, mais aussi totalement touché par le fait qu'il s'intéresse un peu à mon cas.  « hm, je … pour l'instant on est vraiment juste rester au bord là où j'avais pied et mon but c'était de me mettre debout sur la planche et tenir en équilibre, tout simplement. Rien de plus, rien de moins. » je regarde autour de moi puis soupire doucement  « En fait ce ...que je fais là, on peut considérer ça un peu comme une thérapie» je pince les lèvres, grimaçant légèrement  « pendant 15ans j'ai eu affaire à une peur panique de l'eau » avouais-je, non pas pour m’apitoyer sur moi-même mais pour informer Matt afin qu'il sache dans quoi il s'engage  « Cette phobie à prit plus d'ampleur l'année dernière, si bien que j'ai décidé de tout mettre en œuvre pour la combattre » je pose mes mains sur ma planche pour me stabiliser alors qu'une vague un peu plus puissante nous soulève  «Donc ...Voilà. Mon meilleur ami a trouvé le parfait mélange entre patience et coup de pied au cul et ... » je pose mon regard sur Matt  «Désolé. Je t'explique tout ça juste pour que tu saches dans quoi tu t'engages et pour te donner une dernière chance pour prendre les jambes à ton cou » ajoutais-je en laissant échapper un petit rire de mes lèvres, espérant tout de même, dans un sens, que Matt ne me laissera pas tomber.

@Matt Mcgrath

Il a pas l’air certain, j’ai pas nécessairement envie d’insister, non pas parce que je veux le lâcher pour partir de mon côté, mais bien parce que je sens qu’il y a anguille sous roche. «Je … t'es sûr … ? » ce sont pas mes affaires par contre, et contrairement à ce que toute ma famille peut dire de moi, y’a des moments où je me mets pas le nez dans les soucis des autres, y’a des moments où je reçois le signal d’alerte qui me dit de garder mes distances. Maintenant, c’est un moment comme ça. J’ignore pourquoi mais je feel que Clément a un truc en tête et que c’est ça qui le bloque, alors je vais à son rythme, je m’adapte, apprivoise. « Sûr, sûr ; bah si toi aussi évidemment. »

« hm, je … pour l'instant on est vraiment juste rester au bord là où j'avais pied et mon but c'était de me mettre debout sur la planche et tenir en équilibre, tout simplement. Rien de plus, rien de moins. » et le gars fait état de ce qu’il sait. C’est pas rien, ce sont les débuts, c’est bien qu’il ait commencé par là parce que ça aurait clairement pu lui mettre la mine s’il s'était mis aux grosses cascades de con dès ses premières fois. Pas à pas qu’ils disent. « En fait ce ...que je fais là, on peut considérer ça un peu comme une thérapie pendant 15ans j'ai eu affaire à une peur panique de l'eau. Cette phobie à prit plus d'ampleur l'année dernière, si bien que j'ai décidé de tout mettre en œuvre pour la combattre. Donc ...Voilà. Mon meilleur ami a trouvé le parfait mélange entre patience et coup de pied au cul et ...  Désolé. Je t'explique tout ça juste pour que tu saches dans quoi tu t'engages et pour te donner une dernière chance pour prendre les jambes à ton cou » qu’est-ce que je disais.

Une seconde passe, je lui laisse le temps de se remettre de ses confessions sans pour autant baisser le regard et quitter ses yeux des miens. « Je te poserai pas de questions là-dessus si tu veux pas en parler ou si ça te replonge dans des mauvais souvenirs. » il a clairement dû ressortir avec des traumatismes sur lesquels il a travaillé assez fort pour se retrouver là à mes côtés sur les flots et ça, ça a le mérite d’être souligné. « Mais c’est vraiment cool et courageux que tu aies pris la décision d’apprendre à surfer. » j’estime que son passé a bien pu définir son présent, mais qu’il en a eu assez et c’est tout à son honneur. Derechef, je me redresse un peu plus sur ma planche, hoche de la tête de la positive, prépare mentalement un plan de match en quelques étapes simples, de quoi faire sans le braquer non plus.

Avant de lui exposer la suite du cours improvisé, j’esquisse un sourire en coin, me rapproche de son surf l’air insolent au visage. « Puis t’es vraiment mal barré tu sais, parce que j’ai aucun cardio. Ça servirait à rien que je m’enfuis à la course, t’inquiètes, t’aurais le temps de voir à quel point je suis nul en jogging et ça aidera clairement pas ma cause avec les ladies. » un énième éclat de rire supplanté d’un coup d’œil par-dessus mon épaule qui sert à rien parce que la côte est désormais trop petite derrière nous, et c’est un départ pour le premier module d’une classe de surf faite sur mesure pour lui. « Tu me dis si à un moment tu veux retourner sur la plage, ok? »

Pinçant les lèvres, j'adresse un léger hochement de tête et sourire reconnaissant à Matt, le remerciant silencieusement de ne pas vouloir insister d'avantage et me poser des questions plus spécifiques sur l'origine de ma phobie. Le nombre de gens qui savent que j'ai survécu à un Tsunami se compte sur les doigts d'une main et j'avoue que j'aimerais bien que ça reste ainsi. C'était déjà assez dur d'en parler avec Charlie il y a plusieurs mois de ça alors je préfère ne pas m'étaler d'avantage. Encore moins ici, dans l'eau car les crises de paniques elles ne préviennent pas quand elles arrivent et je suis quasiment persuadé d'en faire une si je me lance dans des explications plus détaillées.

Alors je laisse Matt me parler de courage, trouvant que c'est cool que j'ai décidé d'apprendre à surfer et j'hausse doucement les épaules  « Ouais, ça me démangeait depuis que je suis arrivé en Australie» dis-je en me redressant légèrement sur la planche  « On s'est très souvent foutu de ma gueule parce que je savais pas surfé» je roule des yeux  « en nouvelle zélande c'est pas trop le sport de prédilection ...quoique là-bas les gens trouvait ça incroyable que je choisisse la danse et pas le rugby» je rigole doucement et secoue la tête. De toute façon, peu importe ce que je fais, il y aura toujours des gens qui me critiquerons et j'ai assez facilement accepté l'idée de ne pas contenter tout le monde.

Je laisse échappé un rire lorsque Matt reprend que de toute manière il est mal barré car il n'a absolument aucun cardio et que je peux donc facilement m'enfuir  «C'est bon à savoir, je le note  » dis-je avant de lancer un coup d'oeil au-dessus de mon épaule  «Quoique t'es peut-être plus rapide que moi à la nage donc t'as tout intérêt à mettre le moins de distance possible entre nous dans la mer » dis-je en baissant mon sur la surface relativement plane de l'eau.  «Eh pis cesse de t'inquiéter pour les ladies, quand elles te verront sortir de l'eau avec ta planche sous le bras elles seront super impressionné » Peut-être suis-je simplement entrain d'apposé ma propre pensé sur celles des autres car, avouons-le, Matt est quand même pas mal beau. Plutôt bien foutu, pas forcément aussi bronzé qu'on ne le penserait pour un australien mais ...le surf c'est sexy, non ?  « En vrai je suis sûr qu'il te suffirait de te balader avec une planche de surf sur la plage pour les impressionné, sans forcément savoir surfé»

Je souris doucement, amusé, avant de reprendre mon sérieux lorsque Matt m'indique de lui dire rapidement si je ne me sens pas à l'aise ou si nous allons trop vite  «Oui, oui t'inquiète pas, je connais mes limites et je saurais te dire si on va trop loin » du moins espéras-je encore les connaître. Mais qui ne tente rien n'a rien, non ? Alors autant y aller maintenant et voir comme ça se goupille tout ça.

@Matt Mcgrath

« C'est bon à savoir, je le note. Quoique t'es peut-être plus rapide que moi à la nage donc t'as tout intérêt à mettre le moins de distance possible entre nous dans la mer » il perd pas le nord, et dans notre pseudo compétition de vitesse, dans l'élan qu'on s'est donné de jouer à un jeu complètement hypothétique qui, je l'espère, l'aidera à relaxer de plus en plus les vagues viennent se casser sur sa planche. « Je verrai ; ça se peut très bien qu'en situation de crise je perde complètement mon sens de l'orientation, et là ce sera drôle de me voir nager à pleine vitesse vers l'horizon et pas la côte. » que j'extrapole, l'air sérieux, le sourire en coin qui lutte pour venir se faire une place sur mon visage au fur et à mesure que j'articule mes conneries.

Mes conneries qu'il flag tout de suite, le gars il est rapide, il capte vite. « Eh pis cesse de t'inquiéter pour les ladies, quand elles te verront sortir de l'eau avec ta planche sous le bras elles seront super impressionné » doublement que j'éclate de rire, le vrai douchebag que j'ai l'air d'être quand t'y penses, quand je suis juste le gars lourd par excellence, celui qui s'amuse surtout, celui qui est heureux, qui est bien, qui est à sa place dans l'eau. Mes jambes ramènent ma planche qui arrête pas de dériver à cause des vagues de plus en plus nombreuses. Elles sont pas agressives, juste, elles commencent à prendre un peu plus en ampleur. « En vrai je suis sûr qu'il te suffirait de te balader avec une planche de surf sur la plage pour les impressionné, sans forcément savoir surfé » « Tu croiiis? » j'exagère les aigus et bombe le torse, je rigole de plus belle, la vérité c'est que je suis all talk and nothing else, et que même si je regarde, j'agis pas.

On commence à parler de surf et de choses sérieuses, je lui dis d'emblée que si y'a quoi que ce soit, c'est pas le temps de jouer les héros, de laisser gagner son ego. On reviendra à la plage, on prendra ça relax, ça sert à rien de traumatiser qui que ce soit, on est là pour s'amuser au final. « Oui, oui t'inquiète pas, je connais mes limites et je saurais te dire si on va trop loin » parfait alors. C'est un grand garçon, j'initie donc le mouvement, et regarde à plusieurs reprises par-dessus mon épaule pour m'assurer qu'il me suit.

Et ouais, il me suit pendant un bon moment. Je finis debout sur ma planche, reprend mes habitudes en forçant un peu le jeu à quelques reprises, me retrouve à boire la tasse entre des chutes qui font bien plus mal à l'orgueil qu'à quoi que ce soit d'autre. Clément s'en sort du mieux qu'il peut, je peux pas cacher que quelques fois je laisse passer des vagues juste pour m'assurer qu'il est ok, qu'il va à son rythme. « Dude, la dernière vague tu l'as presque eue! » et une poignée de minutes plus tard, je rame jusqu'à lui le high five que je lui offre comme le plus ultime des encouragements. « On y retourne? »

Non vraiment, ce Matt, là, il a beaucoup d'humour. Un humour qui, pour beaucoup, pourrait être qualifier de 'lourd' mais qui, pour moi, a quelque chose de rafraîchissant. Il semble, en plus de cela, d'avoir bien les pieds au sol, de ne pas se prendre pour n'importe qui. Il aurait pu se vanter envers moi sur son niveau de surf -avouons-le, j'aurais été incapable de dire si oui ou non il dit vrai tant j'ai été impressionné par son slide & glide- mais il choisit de se rabaisser un peu. Aussi, je pense que son changement de sujet concernant les filles qu'il souhaite impressionner, est peut-être une forme de protection ? Enfin, j'ai bien vite fait d'arrêter d'analyser tous ses faits et gestes et je le suis dans les différents sujets de conversation qu'il lance. Appuyant un peu le fait qu'il n'a pas besoin de beaucoup pour impressionner une fille, je rigole de bon cœur lorsque, encore une fois, il ne se prend pas au sérieux.  « T'inquiète pas, j'appellerais les gardes côtiers» dis-je en hochant la tête avec un certain sérieux  «Avec un peu de chance ce sera Pamela anderson qui viendra te sauver. A moins que tu préfère The Rock … ? » j'incline la tête sur le côté, mystérieux, comme pour le scanner. Préfère-t-il les hommes ? Ou trouve-t-il le bonheur du côté de femmes ? Je n'en ai aucune idée. Mais cela importe peu.

Après quelques paroles échangées à nouveau, nous nous mettons enfin au travail. Et je dois avouer que la patience ainsi que les supers conseils de Matt prennent leur fruits ! Au bout d'une quinzaine de minutes et après une bonne centaines de fail et un début de crise de panique que j'ai réussi à restreindre et gérer à temps, je parviens à surfer sur une vague avec seulement une chute à la fin quand j'ai du redresser ma planche.

Lorsque je ressors de l'eau et que je me hisse à nouveau sur ma planche, je relève mon regard sur Matt qui, tout joyeux, me félicite de ce qui est un sacré exploit à mes yeux avant de me demander si je souhaite si y retourner. Soupirant doucement, je me passe une main dans les cheveux pour les ramener en arrière et secoue la tête  « Non, je crois que je vais arrêter là-dessus» souriais-je en m'aidant de mes mains pour m'approcher du jeune homme  « Franchement, merci beaucoup pour cette cession de surf improviser» je lui offre un large sourire et une tape sur l'épaule  «J'espère qu'on se reverra un de ces jours et qu'ensemble on pourra peut-être impressionner un peu plus les ladies du coin » je lui adresse un dernier clin d’œil avant de laisser échapper un rire et pagayer vers la plage, fort heureux de ce début de mâtinée qui commence parfaitement bien.

@Matt Mcgrath