Tant de visages inconnus la perturbait. Elle avait à peine le courage de lever la tête, visser ses prunelles au bout des escarpins cirés que maman avait achetés strictement pour elle lui suffisait amplement. La robe qu’on lui avait fait enfiler un peu plus tôt dans la soirée en vitesse serrait sa taille, elle rêvait de retirer le ruban superflu derrière, de s’en servir pour natter ses cheveux à la va vite, les mèches drôlement trop coiffées pour sa tête brûlée à son sens. Tout le monde parle autour d’elle, et Ginny, elle pense aux tableaux qui sont accrochés sur tous les murs de la salle. Elle tente de se rappeler les titres qu’elle a remarqués dans la bibliothèque de l’étage, les nomme mentalement les uns après les autres, revoie les couleurs des couvertures, les dorures sur les volets. Elle pense aux rainures dans le bois du meuble qui siège devant elle, laisse ses prunelles se perdre dans les vagues et les noeuds, entend à peine son frère et son père dans l’angle avoir une autre de leurs énièmes disputes, l’adulte pris dans son stoïcisme bourré de jugement, l’adolescent qui tente d’une voix suppliante de se faire entendre. Elle espérait tellement Ginny, que sa famille s’aime un peu plus, un peu mieux. Elle savait, qu’ils étaient tous prompts à faire passe le bien-être des uns et des autres avant tout le reste, elle avait une confiance aveugle en tous et chacun ; son coeur se brisant un peu toujours de voir à quel point les tons prenaient en volume, à quel niveau les remarques et l’agressivité dissimulée finissaient par blesser, en profondeur.
Les paumes bien occupées à encercler son verre de coca, elle s’amuse à jouer avec la paille de plastique la gamine, elle vit très bien dans son monde, elle s’isole volontairement, songeant une fois ou deux pas plus pas moins à repérer une sortie libre pour aller errer dans les couloirs lorsqu’elle sentira le bain de foule ayant atteint sa limite d’endurance. Mais on l’interpelle la fillette, on pause une main sur son épaule, elle sursaute, échappe son verre au sol dans sa maladresse, les éclats et la boisson se fracassant, déversés à ses pieds. Au moins, ses ballerines n’ont plus l’air faites de plastique, complètement fausses sans particularités, sans trait unique. « Tu as vu Levi? » elle fronce les sourcils, elle cherche, elle veut être utile, elle tourne sur elle-même. « Il est là, avec Jillian. » et elle pointe de son long doigt fin, elle ignore encore qu’elle vient de donner le signal à un Colton qui interrogeait avec une idée bien précise derrière la tête, que son empressement à trouver son frère n’est gage que de mauvaise augure, de mauvais présage. Et elle regarde son cousin, l'autoritaire, l’impressionnant, le (trop) droit Colton qui s’avance vers son double, qui même si jumeau ne pouvait pas être plus différent, plus à l’opposé de sa copie tirée sur le parfait moule McGrathien anglais de la haute.
Un nouveau repas de famille, la seule chose qui peut réjouir Jill à cet instant, c'est qu'elle va passer la journée avec son frère et son cousin. Ce matin, sa mère l'avait obligé à se lever tôt pour se préparer, elle avait réveillé toute la maison pour que la maison et sa petite famille soient parfaits. Mais Jill en avait décidé autrement, son passe temps favori était de rendre sa mère totalement folle, et un repas de famille est le parfait moment pour ça. Comme à chaque fois que sa mère organisait des réceptions, elle avait soigneusement préparé des vêtements et des chaussures, pour toute la fratrie McGrath. Comme si Jill allait porter une robe à fleurs longue jusqu'au genoux et des ballerines blanche. « Cette robe est immonde maman ! Je ne porterai jamais ça ! », elle entend sa mère marmonner dans le couloir qu'elle n'a pas le choix et qu'elle doit se dépêcher, mais Jill en a décidé autrement, elle prend la tenue et les chaussures et les jette par sa fenêtre avec un grand sourire au lèvre. Elle se prépare soigneusement pour être sûre que ses parents seront horrifiés quand ils la verront. Elle cherche une tenue parfaite pour ça, elle trouve un mini short troué et un tee-shirt en dentelle transparent qui laisse apparaître son soutien gorge. PARFAIT. Elle passe ensuite par la salle de bain pour se maquiller, une tonne d'eye liner et de rouge à lèvre plus tard, elle est prête, et comme prévu, sa mère manque de s'évanouir en la voyant et son père à l'air désespéré, tout ça fait beaucoup rire Jill.
Quand elle croise son frère dans le couloir cette tenue le fait beaucoup rire « Les parents ont failli faire une syncope en me voyant, je crois qu'ils n'aiment pas trop style spécial fête de famille » Jill dit ça en tournant sur elle même avec un air faussement attristé. Quand elle arrive dans la salle de réception, il doit y avoir déjà les trois quarts des invités, elle aperçoit Levi au fond, exilé de la foule, elle le rejoint et lui tape sur l'épaule, « Alors comme ça t'as pas réussi à échapper au repas familiale ? » elle se pose à côté de lui pour pouvoir voir la foule. Quand elle voit Ginny arriver, elle voit que, elle, elle a fait exactement ce que voulait sa mère, c'est une petite fille modèle avec sa tenue tirée à quatre épingles. Elle reste seule assise à la table, toute sage et tranquille « Mon Dieu ce que Gin peut être chiante ». C'est la petite fille parfaite, elle ne bouge pas, se contente de faire acte de présence tout en souriant à tout le monde sans faire de vagues. Elle se prépare certainement à être présenté par sa mère comme la progéniture parfaite des McGrath. « Il va encore y avoir compétition pour savoir lequel des enfants McGrath est le plus parfait entre Cole et Ginny, et lequel est le pire entre toi et moi », « Celui qui est annoncé comme le pire McGrath de la journée a gagné » dit-elle en serrant la main à Levi.
En parlant des parfaits McGrath, ils sont tous les deux en pleine discussion, Cole a l'air de chercher son jumeau, et Gin lui dit exactement où il peut le trouver. Jill le déteste, et Cole déteste Jill, comme beaucoup de monde dans cette famille. « Qu'est ce que tu veux toi ? » Jill est agressive et s’adresse à son cousin avant même que Levi puisse dire quoi que ce soit. Mais elle n'écoute pas leur conversation, en attendant qu'ils terminent elle cherche Matt du regard, son frère a aussi pour habitude de s'exiler avec eux pendant une partie de la journée, même si lui essaie quand même de faire bonne impression à ses parents et à sa famille. « Je le déteste tellement ce mec, vivement qu'il se casse et qu'on ne le revoit plus jamais ce con », elle essaie de faire rire Levi, elle y arrive toujours. « Bon alors on reste là toute la journée à faire les enfants sages ou t'as une idée pour qu'on s'amuse un peu ? » Jill regarde Levi avec ce regard malicieux qu'il connaît bien, et tous les deux se mettent à rire à l'unisson.
Ginny est déjà perdue dans son coin à lorgner sur les différentes toiles imposantes qui sont accrochées aux murs, et lui, il a des vues sur de toutes autres distractions.
Profitant du fait que ni Marianne, ni Isaïah ne sont dans les parages, Matt rejoint d’un pas décidé le bar aménagé pour l’occasion, faisant exprès de grossir son ton, de forcer une voix bien plus grave et bien trop exagérée pour être prise au sérieux. C'est qu'il est stupidement persuadé que cela lui donnera un an ou deux, l’âge légal pour commander « Un bourbon glace. » qui lui donnera peut-être l'occasion d'être pris au sérieux.
Il ne faudra qu'une seconde et une seule pour qu'une main s'abatte avec violence sur sur son épaule, une poigne de fer qui le fait sursauter dans l'élan, qui immobilise de suite le serveur dans son mouvement. Même pas que l'employé se fera chier à valider l’âge de l’aîné de la cuvée australienne des McGrath, avant de tourner les talons et de laisser le père déverser sa rage sur le fils. « Matthew, ce n’est pas le collège ici. » la voix dure d’un paternel qui n’en finit plus de juger son fils passe à un autre niveau d’hypocrisie, l’air politically correct qui commande pour lui, vindicatif.
« Il prendra un soda. » Matt laisse échapper un soupir d’entre ses lèvres, un brin terrorisé par le regard qu’Isaïah lui renvoie, pas le moins du monde impressionné par la conduite en général de son héritier. Le breuvage de grandes personnes ne semble pas être l'argument de base, l'utile distraction. « Je pensais qu’il fallait que je me comporte en adulte. J’ai mal compris la demande. » il est bourré de rancoeur Matt, il en déborde, il se noie à travers. il essaie d'aller chercher l'approbation d'un père qu'il ne finira jamais par avoir, mais il est trop buté pour croire que ce soit possible, qu'il ne soit pas à la hauteur de ce que son père veut pour lui. Veut de lui.
La prochaine expiration se casse sur les lèvres d'Isaïah qui ne manque pas de renchérir. « Tu l’as également mal comprise à tes examens de classement. » et il le laisse là Matt, l'adolescent à peine adulte qui n’a pas envie de ça, pas ce soir, pas encore. Attrapant ses bulles de la honte, il part à la recherche de Levi, de Jill, de Ginny, de n’importe quel visage familier qui ne le fera pas encore se sentir comme une sous-merde à la première occasion.
« Maze, » Tu susurres doucement, frisant l'inaudible, à l'adresse de ta petite amie que tu soupçonnes assoupie à tes côtés. Traditionnellement, tu avais fait le mur, couvé par la lune et ses étoiles, pour rejoindre cette fille qui faisait battre ton cœur, pour laquelle tu avais découvert que le mièvre coup de foudre explicité dans les romans n'était pas que fabulation. La silhouette adolescente se retourne, te fait fasse les yeux mi-clos. « Maze. J'ai deux choses importantes à te dire. » Tu rapproches ton visage du sien, de manière à ce que ton souffle se mêle au sien, que sa chaleur effleure ton épiderme tremblotant inconsciemment, appréhendant une suite, une fin. « Tu t'en vas ? » qu'elle s'aventure, ses pupilles décryptant l'heure affichée sur son cadran. Tu inspires profondément, son interrogation innocente, censée vu la nuit entamée, s'apprêtant à obtenir néanmoins une innovante sémantique. « La première chose. » Et la plus importante, tu penses furieusement, ton cœur martelant ta poitrine quitte à en interloquer ton interlocutrice. « C'est que je t'aime. Okay, tu seras toujours quelqu'un de spécial pour moi. Unique. Inestimable. » Tu pourrais aisément te lancer dans une ode à la Crawley, mais ce n'est pas le moment. Tu déposes un baiser sur sa joue avant de reprendre plus sérieusement, ajouter cette amertume inexcusable à l'aveu de ton affection. « La deuxième, c'est que je pense sérieusement à partir. » Son sourire se fige, ses yeux s'écarquillent, le sens glaçant son sang. « Je peux plus vivre comme ça, Maze. Je vais fuguer. J'ai déjà préparé mon sac. Il y a plein de jeunes comme moi qui le font. Je vais pas leur survivre si je reste chez eux. Même si je t'ai, je peux plus vivre comme ça. Je veux partir. Être enfin libre. »
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Ginny erre dans son monde à elle, sa bouche tente laborieusement d'attraper la paille à rayures rouges et blanches plongée dans le verre de Coke vissé entre ses petites mains. Matt apprivoise le bar, espère y récolter quelques galons. Les abominables adultes discutent entre eux, tes parents installés dans un loveseat, ceux de tes cousins dans un fauteuil une place chacun. Tu ignores quel sujet les taraudent, mais ils ne cessent de jeter des coups d’œil dans ta direction et ça t'agace autant que ça te rend anxieux. Tu maintiens les yeux verts de ton père, le défie en toute impétuosité d'être le premier à rompre le contact visuel, perd à cette lutte quand Jillian entre dans ton sillage. « Alors comme ça t'as pas réussi à échapper au repas familial ? » Un sourire en coin apparaît sur tes lippes, bien que la gaieté n'y soit pas. Il y a quelques mois, ton cadet mourrait. Depuis quelques jours, la seule chose à laquelle tu pense est de fuguer. Et aujourd'hui, vous deviez célébrer l'anniversaire de ton jumeau Colton - et oui, ton frère était à l'accoutumée le seul mis en avant, car de toute évidence, tu représentais le voisin de pallier superflu et rejeté. « Malheureusement non. » Tu soupires, gardes contenance en songeant au fait que bientôt, tu n'auras plus aucun repas familial à endurer. Bientôt - ce soir même - tu partiras aussi loin que tes jambes et tes méninges te porteront. Bientôt, tu seras libre, sectionné de cette famille - tes parents et Colton - qui ne partagent absolument rien avec toi. « Mais rien que ta tenue vaut le détour, » tu complimentes, admiratif de la créativité inspirant chaque affront qu'érige sans cesse la brune.
Jill déplore le comportement de Gin, tu lances un coup d’œil à la benjamine qui vient de faire tomber son verre contre le carrelage. Same old story. « Il va encore y avoir compétition pour savoir lequel des enfants McGrath est le plus parfait entre Cole et Ginny, et lequel est le pire entre toi et moi. Celui qui est annoncé comme le pire McGrath de la journée a gagné » Ton sourire s'élargit, devient davantage sincère. Heureusement que cette McGrath était là. Tu aurais viré fou à être le seul déjanté de la famille. « Il faut que je te parle d'un truc sérieux. Vital. » Tu annonces à ton interlocutrice, l'air grave. Elle est la seule en qui tu as entièrement confiance. Par ailleurs, plus t'y songes, plus tu refuses de fêter ton anniversaire sans Gideon. Si tout le monde a fait la paix avec le départ de ton cadet, toi, jamais tu ne l'accepteras.
Tu t'apprêtes à révéler tes plans de fugue quand Colton s'invite. « Qu'est ce que tu veux toi ? » « Casse-toi. » Tu lui ordonnes, intonation acide. Ta voix vibre de colère comme de répulsion. Les deux images identiques se toisent, tu es à deux doigts de le pousser agressivement si Jillian ne le fait pas fuir en attaquant son orgueil. « Je le déteste tellement ce mec, vivement qu'il se casse et qu'on ne le revoit plus jamais ce con » « Sinistre abruti, oui. » Ta voix est assez forte pour que chaque McGrath puisse t'entendre. Tu suis son dos du regard, le fusillerait si tes yeux jouissaient de cette option. Colton ne t'offrira jamais le plaisir d'une altercation publique, il est beaucoup trop sournois et pernicieux pour cela. « Bon alors on reste là toute la journée à faire les enfants sages ou t'as une idée pour qu'on s'amuse un peu ? » Tu hoches la tête en signe de dénégation et entraînes Jillian plus loin. Vous quittez quasiment le séjour quand Matt vous barre la route. « Donne-nous juste deux minutes s'il-te-plaît. » Tu le pries, tapotant affectueusement sur son épaule avant de tirer ta cousine où personne ne devrait vous entendre. « J'ai un sac en haut. J'me casse. Je fugue. Je remets plus les pieds ici. J'en peux plus de cette baraque et de ces trois monstres. Si j'me casse pas j'vais les tuer. » Tu déblatères tes mots rapidement, flambant d’honnêteté, t'assurant que personne ne ruinera tes plans qui te sont essentiels. Aussi, tu nécessites Jillian en alliée pour obtenir ta liberté. « Tu peux m'aider ? Faire diversion ? » Ton regard la supplie. Avec elle à tes côtés, tu es sûr de réussir. Cependant, si elle refusait de tremper dans ton escapade, tu tenteras de la réaliser seul. Tu as atteint tes limites, ici.
Elle sait qu’elle a gaffé. Elle le sent, et ce n’est pas la boule de stress qui lui fait si mal si fort, si bouillante au creux de son ventre qui le lui souffle à l’oreille. Qui lui confirme à quel point elle est fautive. Ses prunelles brouillées suivent la silhouette décidée d’un Colton qui se frotte à Levi plus fermé que jamais, à Jill plus agressive que toujours. Ils le détestent, ils ne se font pas prier pour le lui répéter, quelques coups d’œil de membres de la famille s’envolent vers eux et Ginny détourne la tête, incapable d’assister à tant d’animosité. Elle est fragile la gamine, elle se construit à peine, elle espère encore. Mais ses iris quittant une scène la troublant à ce point tombent sur un duo qui lui fait autant mal, à savoir son père et Matt. Ses doigts se triturent, ses escarpins inconfortables qui pataugent dans la flaque de soda qu’elle a échappé plus tôt, et elle file de la pièce ni vue ni connue lorsqu’elle est persuadée qu’on ne remarquera pas son départ, sa fuite.
Ses pas perdus la mènent dans les couloirs de la maison dans laquelle vivent ses cousins depuis toujours. Aussi curieuse de nature que timide, elle n’ose pas tourner les poignées des portes closes, mais se surprend à étirer la nuque dans l’embrasure de celles qui sont restées ouvertes. Sa tête en l’air la fait évidemment se perdre dans les dédales de couloirs mal éclairées, sa silhouette finira par s’engouffrer dans ce qui semble être une bibliothèque, trop impersonnelle pour être considérée comme le bureau du père des garçons, trop meublée de livres pour ne pas rassasier l’intérêt de la brunette.
Elle entendra des voix un peu plus tard de l’autre côté d’un mur, alors qu’elle aura complètement oublié où elle se trouve une heure plus tard. Ginny qui est blottie dans un canapé enroulée de couvertures, le nez froncé et le yeux rivés sur les pages qu’elle fait défiler entre ses doigts. Incapable de cerner s’il s’agit de son frère, de sa sœur, d’eux deux, elle se fait violence à quitter le chapitre qu’elle dévorait sans distraction aucune pour tendre un peu plus l’oreille, immobile, muette, retenant son souffle. Terrifiée à l’idée qu’elle se fera sûrement disputer pour s’être enfuie de la salle familiale trop longtemps déjà.
Jill lance un regard noir à Colton, elle le détestait lui aussi, comme une grande partie de cette famille en réalité. Les deux seules exceptions étaient Matt et Levi. Elle rembarre son deuxième cousin et Levi fait de même pour qu'il s'éloigne le plus vite possible d'eux. Quand il tourne les talons Jill sourit, elle était enfin de nouveau tranquille avec Levi, ils pourraient enfin discuter de ce qu'ils allaient bien pouvoir faire pour s'amuser un peu pendant ce repas qui s'annonçait de nouveau ennuyeux à mourir. C'était le moment typique que ses parents choisissaient pour la descendre en public et pour dire à quel point la petite dernière était parfaite comparée à elle. Elle soupire rien que d'y penser. Elle lève la tête et elle ne voyait plus Ginny, elle s'était enfuit après avoir dit à Colton où trouver Levi. « Faut que je te parle d'un truc sérieux. Vital. ». Sans que Jill n'ai le temps de répondre quoi que ce soit son cousin la tire par le bras en direction d'un endroit isolé. « Donne nous juste 2 minutes s'il-te-plaît. », ça doit être vraiment secret si même Matt n'était pas au courant.
Ils se retrouvent presque dans le noir dans un couloir juste devant une porte fermée et Jill attend de savoir ce que va lui dire son cousin, il a su piquer sa curiosité. « Qu'est ce qui a ? T'as fait une connerie grave ? Faut tuer quelqu'un ? » et Jill rit légèrement, elle savait que Levi était capable de tout donc elle attendait juste de savoir. « J'ai un sac en haut. J'me casse. Je fugue. Je remets plus les pieds ici. J'en peux plus de cette baraque et de ces trois monstres. Si j'me casse pas j'vais les tuer. ». Jill le regarde assez surprise, mais un grand sourire étire ses lèvres. « C'est mieux que tout ce que j'aurais pu imaginer darl' ». Et elle commence à faire des allers-retours dans le couloir réfléchissant le plus rapidement possible. « Tu peux m'aider ? Faire diversion ? ». Jill s'arrête et le regarde, « T'as un plan déjà ? Une idée ? ». Et d'un coup Jill rit, « Et si on partait ensemble ? J'ai même pas besoin de préparer d'affaire... Tu nous imagine ? Les deux rejetés des McGrath à la conquête du monde ! » elle le regarde les yeux brillant d'excitation et d'impatience, c'était la vie parfaite. Mais, même si son cousin lui disait qu'il n'était pas d'accord pour qu'elle parte avec lui, elle l'aiderait. Elle l'aiderait parce qu'elle savait à quel point vivre dans cette famille était difficile.
« On va devoir trouver quelque chose, pour que toi au moins tu puisses partir d'ici. » et Jill décide d'ouvrir la porte à côté d'eux pour voir si ils pouvaient sauter par une fenêtre sans se faire repérer. « Je peux simuler une crise, Matt viendra me calmer, et après je ferais comme si j'avais besoin de m'éloigner de la table et toi tu viens avec moi, et c'est partie ! Ça te va ? ». Et Jill entre brusquement dans la salle et elle voit quelqu'un qui était en train d'écouter leur conversation. « Putain Ginny qu'est ce que tu fous là ? Si tu parles de ce que tu viens d'entendre je fais de ta vie un enfer ! Encore pire que ce que tu vis déjà ! ». Elle menace sa petite sœur sans aucun problème, elle ne voulait pas qu'elle parle de ça, elle ne voulait pas qu'elle empêche Levi de vivre sa vie, et ils se retrouvent tous les trois, enfermés dans cette salle.
Il cherche Levi, il cherche Jill, il cherche qui que ce soit pouvant lui remonter le moral, lui donner envie d’être là, envie tout court. Mais il est précédé d’un Colton aguicheur qui gâche tout, lui qui dérive autour de son jumeau comme un oiseau de proie, pure rapace que Matthew avait toujours autant admiré que craint. Il a peur de tout Matt, c’est pour ça qu’il parle si fort, qu’il blague à outrance, qu’il se lacère lui-même de l’intérieur à tenter de tout cacher au plus profond, de ne rien laisser transparaître. Mais il est terrorisé ; il sait qu’il ne sera jamais à la hauteur. Qu’il est trop con, trop gentil, trop avenant, trop lui-même pour être pris au sérieux. Marianne le tolère puisqu’il est son fils aîné, une certaine forme d’instinct maternel qu’il pense, qu’il tente de se convaincre. Mais son père et ses oncles, eux, n’en ont rien à faire de lui. Ni maintenant, ni jamais.
« Donne-nous juste deux minutes s'il-te-plaît. » Levi le rejette, ses mains qu’il tapote sur ses épaules et le cœur de Matt qui fait presque autant de tours que son ventre. Il est à part, de tous, avec tous. Il sert à rien, il servira jamais à rien d’autre qu’à être la bonne poire et encore, probablement que ce rôle-là aussi il serait incapable de bien le jouer.
Sa sœur et son cousin qui partent, Ginny qui est impossible à trouver. Les hommes parlent de plus en plus fort, le jazz de Noël fait suffoquer le pauvre adolescent qui se noie dans son Coca light et dans ses idées tout sauf légères. Il pense à faire une scène, il aimerait tant. Exploser des assiettes, éclater des coupes. Crier à qui veut bien l’entendre qu’il n’est pas qu’un numéro, qu’il est plus, qu’ils doivent le laisser être plus. Mais Matt assume pas sa crise, il la refoule, il ignore qu’un jour c’est ce qui lui causera bien des soucis. Pour l’instant, il a mal, mais il se tient les épaules carrées, le dos bien droit. Il a mal mais il ravale, et il quitte la salle principale quand il n’arrive tout simplement plus à se supporter avec eux tout autour.
« … que toi au moins tu puisses partir d'ici. » c’est Jill qu’il entend, il le sait, il est sûr, quand il erre dans les couloirs, qu’il ralenti le pas, qu’il écoute tout de même. « Je peux simuler une crise, Matt viendra me calmer, et après je ferais comme si j'avais besoin de m'éloigner de la table et toi tu viens avec moi, et c'est partie ! Ça te va ? » un sourire qui glisse sur ses lèvres, à moitié triste d’être si prévisible, mais au moins rassuré d’être toujours dans les plans, malgré le fait de ne pas être au courant. « Putain Ginny qu'est ce que tu fous là ? Si tu parles de ce que tu viens d'entendre je fais de ta vie un enfer ! Encore pire que ce que tu vis déjà ! » ils sont entrés dans la bibliothèque quand Matt les a rejoint, et qu’apparemment, Ginny y est aussi. « Faites juste me dire ce que vous voulez que je fasse. » et il distraira alors, totalement. Honnête et prêt à tout faire pour aider. Il a besoin d’une cause Matt, il veut se rendre utile, il ne veut pas terminer l’année aussi démuni qu’il l’a commencé. « Et laissez la hors de tout ça. » qu’il les menacera tout de même, Jill puis Levi, l’instinct du grand frère omniprésent envers Virginia qui remonte sans surprise aucune.
Colton dignement chassé, Ginny disparue, tu sollicites quelques minutes d'isolement avec Jillian au risque de heurter les sentiments de ton cousin. Tu espères qu'il comprendra, au regard aussi sincère que grave que tu lui adresses, à quel point tu as besoin d'être seul quelques minutes avec sa sœur, dans quelle mesure ces messes basses te sont essentielles, vitales. Vous vous évadez au fond d'un couloir, englobés par l'obscurité. « Qu'est ce qui a ? T'as fait une connerie grave ? Faut tuer quelqu'un ? » Elle rit, et si en temps normal tu l'aurais accompagnée, aujourd'hui, tes besoins sont beaucoup trop ardents et lancinants pour perdre ton sérieux. Alors, sans flamber le temps, tu exposes comme argumentes tes plans de fugue.
« C'est mieux que tout ce que j'aurais pu imaginer darl' » Elle commente, large sourire aux lippes. Elle crée des sillons dans le couloir, fait les cent pas ; tu imagines son cerveau en ébullition et un poids conséquent se ôte de tes épaules : Jill t'aidera, elle te soutient. Tu n'avais jamais douté pouvoir compter sur l'adolescente, mais le fait d'en avoir la certitude te procure l'envie immédiate de la serrer dans tes bras. « T'as un plan déjà ? Une idée ? » Elle débute. Tu hoches la tête, tu y songes depuis des années à quitter ce foyer familial intoxiqué. Gideon était le seul qui te rattachait ici, et depuis quelques mois, il n'était plus. Ainsi, tu devais partir avant que de sanglants assassinats motivent ta fuite. « Et si on partait ensemble ? J'ai même pas besoin de préparer d'affaire... Tu nous imagine ? Les deux rejetés des McGrath à la conquête du monde ! » Tu ouvres les yeux, agréablement surpris. « On part dans combien de temps ? » Tu valides le projet, le certifies, pries pour que le commencement de la cavale soit très prochain. Vos yeux brillent d'excitation, l'avant-goût de cette liberté inaltérablement salutaire.
« On va devoir trouver quelque chose, pour que toi au moins tu puisses partir d'ici. » Elle ouvre la porte, analyse la pièce - la bibliothèque - qu'elle dévoile. « Je peux simuler une crise, Matt viendra me calmer, et après je ferais comme si j'avais besoin de m'éloigner de la table et toi tu viens avec moi, et c'est partie ! Ça te va ? » Tu fronces les sourcils, t'imaginant la scène et étudiant les éventuelles failles à ce plan. « J'vais déplacer mon sac vite fait. » « Putain Ginny qu'est ce que tu fous là ? Si tu parles de ce que tu viens d'entendre je fais de ta vie un enfer ! Encore pire que ce que tu vis déjà ! » Ton regard verdâtre se pose sur la gamine ninja. Tu ne l'avais même pas remarquée dans l'ombre, quand la maladresse de la benjamine est en veilleuse, Ginny frise l'invisible. « C'est très important pour nous que tu gardes ce secret, sugar. » Tu prononces à l'attention de la môme, catégorique. Puis tu t'orientes vers ta chambre, décidé à mettre en oeuvre le plan de Jill le plus rapidement possible. Tu ne laisseras pas passer cette chance et il faut absolument que tu partes d'ici. Tu ne tiendras pas une journée de plus dans cette baraque avec ces horribles personnages qui composent ton noyau familial. Tu entraînes Matt au passage et l'attires jusqu'à ta chambre, bousculant ton double au passage. « J'me casse aujourd'hui. On perd pas contact. » Tu promets, demandes. Tu griffonnes une adresse email sur un papier que tu glisses dans la paume du cousin. « J'me connecterais dès que possible. » Puis tu tires ton sac de sous ton lit et t'apprêtes à le jeter par la fenêtre dans les buissons ornant l'immense jardin de la propriété McGrath.
Elle est déstabilisée, elle l'est toujours quand elle n'est pas seule. Et son coeur bat la chamade jusqu'à ses tempes, elle en échappe le bouquin qu'elle avait pourtant gardé de toutes ses forces, serré contre son ventre noué. Le bruit attire l'attention, Jillian attrape son regard, Ginny frissonne de terreur, les menaces fusent. « Putain Ginny qu'est ce que tu fous là ? Si tu parles de ce que tu viens d'entendre je fais de ta vie un enfer ! Encore pire que ce que tu vis déjà ! » mais elle n'a rien fait. Elle n'a rien dit. Elle tient le coup d'oeil noir de sa soeur pourtant, ose le retenir un temps. Sa salive qu'elle avale avec difficulté, bien sûr qu'elle tremble la gamine, elle ne sait faire que ça.
Matthew est arrivé sur l'entrefaite ; elle est rassurée. Parce qu'il se met toujours entre elles, parce qu'il fait tampon, parce qu'il a tous les traits qui la soulagent, parce qu'il est associé dans sa tête à quelqu'un qui veut foncièrement et éternellement son bien. « Et laissez la hors de tout ça. » la bulle de protection autour de Ginny qui n'en finit plus de grandir, suffocante. Petite chose fragile qu'on garde de tout élément destructeur, alors qu'elle ignore si elle est comme elle est à cause de leur règne de protection, si elle n'avait pas vu toutes ses chances d'être courageuse, d'être elle-même, bafouées dès le berceau.
Et c'est au tour de Levi de s'en mêler, quand il fait un pas vers elle, juste un. Elle a un soubresaut, s'apparente à reculer rien que par crainte d'être dans son chemin, de faire rater ça, aussi. « C'est très important pour nous que tu gardes ce secret, sugar. » « Promis. » qu'elle chuchote, murmure inaudible, confidence dédiée strictement à ce cousin qui la fascine autant qu'il l'effraie. Elle sait qu'il part, elle l'a su tout de suite, bien avant qu'il ne le confie à Jill, bien avant qu'il n'embarque Matt dans le plan. Elle sait qu'il part et elle le maudira probablement, un temps. D'avoir eu le courage de le faire, d'avoir eu le courage de tout laisser pour être lui, enfin. Elle ne l'aura jamais ce courage-là, et de le voir attraper son sac pour filer par la fenêtre ne le lui rappelle que trop.
Jill propose de partir avec Levi, d'abandonner la ville, même le pays avec lui, pour ne plus jamais revoir ses parents. La seule chose qui pourrait gêner sa décision ce serait Matt, elle n'avait pas vraiment envie de l'abandonner lui. « On part dans combien de temps ? » Jill sourit de toutes ses dents. Ils allaient partir, c'était réel. Elle se retient d'hurler et de sauter de joie, il ne faudrait pas attirer l'attention. « On mange deux ou trois trucs avant de s'enfuir ? » et elle lui fait un clin d’œil. « T'as prévu de l'argent ? ».
Ils se retrouvent dans une chambre sombre, et Ginny est là. Ils mettront du temps à la voir, elle est toujours tellement discrète et timide que ça en est horripilant. Jill lui lance un regard noir, et la menace, comme elle doit le faire à peu près 20 fois par jour. Et Matt fini par débarquer lui aussi, finalement, toute la fratrie McGrath sera au courant du plan de Levi. « Et laissez là en dehors de tout ça. » Il se met entre Jill et Gin, et Jill recule en soupirant et en lançant un regard noir à son frère. Il était toujours là pour la défendre, et elle ne disait jamais rien, c'est fou ce qu'elle peut être chiante celle là. Levi reste bien plus calme que Jill, il lui explique qu'il a besoin qu'elle tienne sa langue, qu'elle ne donne aucun détail à personne. « Promis » Jill roule des yeux, elle chuchote encore, elle n'est même pas sûre d'avoir déjà entendu le son de sa voix. Levi parle à Matt, mais Jill n'ose pas lui dire qu'elle veut partir, qu'elle veut suivre Levi même au bout du monde. Elle aide son cousin à jeter son sac par la fenêtre. « Il va falloir prendre de l'argent, on a qu'à aller dans la chambre de mes parents, où ils posent tous leurs vestes, ils doivent avoir du liquide sur eux c'est certain ! » Jill continue de marcher sans arrêt en réfléchissant. « Matt, il va falloir qu'on détourne l'attention, et Ginny tu fais comme d'habitude, tu te tais et tu ne fais rien ! ».
Et Ginny apparaît, il la discerne dans le couloir, il aime pas ça. Il aime pas qu'elle soit impliquée, même si Levi s'assure de la garder hors de tout. Il aime pas qu'elle voit, il aime pas qu'elle entende, il aime pas qu'elle risque de se faire disputer pour quelque chose qu'elle n'a même pas compris.
Il préfère et de loin la garder loin de tout, loin des risques, la protéger envers et contre qui que ce soit, quoi que ce soit. Jill rage, il la garde à l'écart elle aussi, il fait toujours Matt, c'est que là qu'il se sent nécessaire, que devant sa fragile cadette qu'il sent avoir une utilité. Être important.
« Il va falloir prendre de l'argent, on a qu'à aller dans la chambre de mes parents, où ils posent tous leurs vestes, ils doivent avoir du liquide sur eux c'est certain ! » ils complotent derrière lui, Matt fait un pas vers Ginny, s'assure qu'elle ne tremble pas, que les menaces qu'elle a reçues ne l'ont pas secoué tant que ça.
Et elle s'étire sur la pointe des pieds la gamine, elle tente une seconde une seule de voir ce qui se passe. Avant d'être prise sur le fait, et la langue de Jill qui claque à nouveau pour elle, pour eux. « Matt, il va falloir qu'on détourne l'attention, et Ginny tu fais comme d'habitude, tu te tais et tu ne fais rien ! » « Retourne lire. Je viendrai te chercher quand ce sera fini. » qu'il chuchote à l'oreille de Virginia, avant d'embrasser doucement son front, d'attendre qu'elle se réfugie à nouveau dans la bibliothèque sans dire un mot.
« Dites-moi de quoi vous avez besoin, je m'occupe du reste. » faisant volteface, le coeur serré, il affiche ses couleurs, il se veut leur allié. Dans son dos, il entend de nouvelles voix, des pas aussi. Un bref coup d'oeil par-dessus son épaule lui confirme qu'il ne s'agit que d'oncles et de tantes, rien qui se rapprochent de leurs parents - ou jumeaux - respectifs. Pourtant, il est persuadé que ça ne sera pas très long avant qu'on remarque l'absence du quatuor qu'ils formaient. « La fenêtre de la chambre du fond donne sur le jardin. La chute fera moins mal de là. »
Dans le supposé confidentiel de la bibliothèque, je divulgue l'étendue de mes vitales aspirations à Jillian. J'ai conscience, je suis inébranlablement persuadé, que je peux vouer mon indéfectible confiance à ma cousine. Elle m'assure son soutien et derechef, elle met en exécution son génie pour que ma fugue soit réussie. « On part dans combien de temps ? » « On mange deux ou trois trucs avant de s'enfuir ? » Avec une telle alliée à mes côtés, je suis convaincu d'être invulnérable et que liberté sera enfin mienne, après quasiment seize ans de pénitence. Je respire déjà mieux à ce constat, ce tableau coloré de milliers d'émotions que je me peins et que la toxicité, les ratures et la nocivité qu'imposent perpétuellement mes géniteurs comme mon jumeau n'accableront jamais. « T'as prévu de l'argent ? » soulève Jillian. J’acquiesce avec réserve. « J'en ai un peu. Et dès mes 18 ans, je vide mon compte en banque. » L'argent que je possède a été gagné à la sueur de mon front ou au gré de ma bonne fortune. Je n'avais jamais touché la moindre richesse émanant de mes parents, pour la simple raison que ça me répugnait et que je rejetais tous liens avec eux. Mon envol ne se ferait pas à leur crochet, même s'ils méritaient que je les dévalise.
Mon regard déterminé, catégorique, se tourne vers Ginny qui est tapie dans la pénombre de la pièce sans qu'on s'en aperçoive. Je lui somme de ne toucher nul mot de ce qu'elle a ouïe à notre insu, en dépit d'un Matthew en aîné protecteur qui nous prie de la laisser hors de ça quand jamais nous avions désiré qu'elle soit incluse. « Promis. » Sa voix fluette jure, avant que je ne presse affectueusement son épaule, reconnaissant.
Déplacement jusqu'à ma chambre, où mon sac est dissimulé. Le compte à rebours est lancé : il n'y a plus une seule seconde à perdre. Mon cœur bat la chamade, je trépigne d'impatience de quitter cette cage dorée empoisonnée. Jillian lance mon sac dans le jardin, dans un buisson, à l'abris des regards. « Il va falloir prendre de l'argent, on a qu'à aller dans la chambre de mes parents, où ils posent tous leurs vestes, ils doivent avoir du liquide sur eux c'est certain ! » Elle fait les cents pas, j'observe les alentours extérieurs pour décrypter les éventuelles premières embûches sur la voie de notre libération. « Matt, il va falloir qu'on détourne l'attention, et Ginny tu fais comme d'habitude, tu te tais et tu ne fais rien ! » Mes émeraudes se posent à nouveau sur la cadette McGrath que j'aimerais ailleurs. Moins elle en sait, mieux ce sera pour tout le monde. Matt l'a compris et la convie à revenir sur ses pas, rejoindre la tranquillité de la bibliothèque ornée d'univers lettrés à foison. La porte de la chambre s'entrouvre pour la môme. « Dites-moi de quoi vous avez besoin, je m'occupe du reste. » J'échange un regard avec Jillian, me glace en entendant des pas assurés se rapprocher périlleusement de notre quatuor. « La fenêtre de la chambre du fond donne sur le jardin. La chute fera moins mal de là. » Ivre de presse, je suis désormais prêt à payer plein pot pour mettre les voiles une bonne fois pour toutes. « Tu me rejoins à l'angle de la boulangerie ? Dans les bois derrière ? » Je propose à Jillian. « Dans quinze minutes ? » De cette manière, elle pourra saisir tout ce dont elle désire pour notre escapade. J'enjambe le châssis de la fenêtre, à quelques minutes de me soumettre à la loi de la gravité.
C'est mon portrait soigné arborant un large sourire euphorique que j'aperçois avant de glisser au-dehors de la riche demeure londonienne. Colton qui, lâche, néfaste, scélérat, hurle à s'en époumoner, comme si son plus beau rêve risquait d'être détruit : « Il se sauve ! » Hystérique, j'ai envie de lui beugler en même temps que de me ruer sur son corps pour le rouer de coups. Mon ire est prodigieuse, dévastatrice, mais c'est dans le jardin que je me laisse tomber, prêt à faire une croix sur une nouvelle vengeance pour me sectionner de ce monde. J'attrape mon sac dans le buisson et prends mes jambes à mon cou. Je cours à risquer d'en perdre l'équilibre, désirant aller bien plus vite qu'il me l'est humainement possible. Et l'impact m'est brutal lorsqu'un membre de la marine marchande me tacle et me rétame, me cloue au sol, ailes brisées, besoins happés, liberté perdue.
Haletant, enragé, je me démène pour m'extraire de l'emprise du militaire. Quitte à me briser tous les os, me rompre tous les tendons, m'assommer au passage. Je ne me laisserais pas faire sans avoir tout donné de mon être, je ne jetterais pas les armes tant que ma dernière once d'énergie, de souffle, ne sera éteinte. « Tu as déjà fait ton sac, Levi. Prévoyant, pour une fois. Est-ce le signe que nous nous retrouverons enfin sur la même longueur d'ondes. » Jamais ! je vociférerais à m'en érailler les cordes vocales si ma bouche n'était pas collée au gazon d'un vert impeccable du jardin, si je ne risquais pas d'inhaler encore plus de terre tel un animal en détresse. Il n'y a même pas de doute dans le ton de mon paternel, aucune émotion. « Tu rejoins l'armée. Toi qui aimes tant naviguer, toi qui refuses de nous obéir et honorer ton nom. Heureux anniversaire. » Et sans demander le moindre reste, l'hôte des lieux infâmes retourne à son domicile. « Déguerpissez. » Sa voix tonne une dernière fois, pseudo milice gracieusement payée me faisant voler du sol en position verticale. Je cherche mes cousins du regard, invoque résilience pour la frêle Ginny, prie hardiesse et force de caractère pour le docile Matthew, attarde mes pupilles dans celle de Jillian : Survis, Jill. Jouis de cette vie. Fais-le pour nous deux. Ne te plie jamais.
Elle veut qu'on l'oublie Ginny. Elle veut rester derrière, elle ne veut assister à rien, parce qu'elle sait qu'elle n'en a pas le droit. Elle n'est rien la gamine, elle n'est qu'une poussière que Jill balaie du revers de la paume, encore mieux à se cacher dans la librairie comme si elle en faisait partie. Les livres ne l'ont jamais déçue, ils lui ont toujours promis des mondes et des univers et des histoires et des intrigues qui lui plaisent, qui l'aident à se définir, à oublier, à nier, à être heureuse, à au moins à le tenter.
Elle les laisse discuter quand elle marine sa promesse, quand elle se refuse à rêver d'une évasion dont elle n'aura jamais droit. Elle est faite pour rester ici et pour rester docile Ginny, on l'a moulée ainsi. Quand elle retourne à la grande salle pour rejoindre sa famille, Matt sur ses talons, c'est ainsi qu'elle le perçoit. La benjamine, celle qui récolte tous les honneurs, c'est qu'on surprotège parce qu'elle est la dernière chance, la dernière tout court. Il n'y a rien qu'elle aime, dans tous les gestes de sa mère pour replacer sa robe et ses mèches. Il n'y a rien qu'elle aime, dans tous les regards de son père, tous réprobateurs, tous soutenus à tenter de cerner de quel mauvais coup on l'a exclue.
Elle rêve de retourner lire comme son aîné le lui a conseillé. Elle rêve de se perdre dans les mots et dans sa tête, elle rêve de se perdre tout court. Et surtout, elle rêve que Levi arrive à perdre ses bourreaux, quand elle retient une exclamation d'horreur, quand elle enregistre chaque fatale seconde de la scène, encore une énième preuve d'à quel point elle est démunie, inutile, vide et fragile.
« Tu as déjà fait ton sac, Levi. Prévoyant, pour une fois. Est-ce le signe que nous nous retrouverons enfin sur la même longueur d'ondes. » « Tu rejoins l'armée. Toi qui aimes tant naviguer, toi qui refuses de nous obéir et honorer ton nom. Heureux anniversaire. Déguerpissez. »
Ils se renvoient la balle et elle est horrifiée la brune, ses prunelles se verrouillant à celle de son cousin sans s'autoriser la moindre larme. Elle est trop jeune pour comprendre et pourtant elle comprend tout. On la met à l'écart pour qu'elle ne sache rien et pourtant elle sait tout. Elle la voit la rage, elle la sent la colère, elle la partage l'injustice. Ils lui ont coupé les ailes et elle en restera traumatisée pour toujours la fillette. La peur de se retrouver prise au piège, la terreur égoïste d'être leur proie qui deviendra l'une de ses plus grandes phobies au fil des années - alors que l'ironie d'être à leur merci la rattrapera bien trop tôt, bien trop vite elle aussi.
Elle était prête Jill, prête à le suivre Levi. Elle était déjà en train d'imaginer la vie de rêve qu'ils pourraient avoir tous les deux, loin de toute cette famille. Ils auraient voyagé, ils auraient fait le tour du monde ensemble. Et Jill en rêve à cet instant, et elle imagine tout un stratagème pour pouvoir fuir et prendre assez d'avance pour que personne ne puisse les suivre. « On va où en premier ? » Elle le suivra n'importe où, dans n'importe quelle pays sur cette planète. Elle ne sait même pas pourquoi elle demande, elle n'a pas besoin d'informations. Elle lui fait confiance et c'est tout ce qui compte. Elle l'écoute attentivement Levi, il a trouvé de quoi avoir de l'argent. Tout est parfait.
Mais il faut que Ginny débarque, mais elle ne dira rien, elle ne parle que très rarement de toute façon. Et Matt parle derrière eux, il veut les aider. Et l'idée d'abandonner son grand frère, ça lui fait un pincement au cœur à Jill. Elle le regarde avant de le prendre dans ses bras. Mais elle veut partir, elle a besoin de s'éloigner de cette ville, de cette famille. Elle prépare quelques affaires et cache son sac dans un coin de la chambre. Et Levi lui donne encore quelques indications, pour être sûr qu'ils puissent partir ensemble. « Une nouvelle vie commence. » Et Jill jure à son frère de lui donner des nouvelles le plus souvent possible et qu'ils se reverraient un jour. Et elle tient toujours ses promesses Jill.
Elle suit ce que lui a dit Levi, elle sort discrètement, elle sera un peu en avance mais elle s'en fiche. Mais elle entend Colton hurler. Elle tourne la tête et elle voit une voiture, et Levi en train de courir. Elle lâche désespérément son sac, elle ne peut rien faire. Elle ne peut rien dire, elle déteste encore plus sa famille, ses parents, le monde entier en fait. Tous ses plans s'écroulent, et son cœur se brise en entendant que Levi va rejoindre l'armée. Son acolyte, le deuxième pire McGrath de la famille, une partie d'elle. Elle ne le reverra plus avant un bout de temps. Une larme seule roule sur sa joue, et elle croise le regard de son cousin. Son regard parle pour lui, comme le regard de Jill parle pour elle. Je vais survivre darl', je vais profiter de cette vie pour nous, je ne me plierai jamais. On se retrouvera. Promis.
Elle se tourne vers les parents McGrath. « Vous allez tellement le regretter, tous autant que vous êtes. Je ferai de vos vies un enfer. »
Tout va trop vite et il sert à rien le grand frère en carton, le pauvre con qui arrive pas à en protéger une, à en laisser s'échapper une autre. Il regarde la scène parce qu'il enregistre tout, parce qu'il est prêt à intervenir à tous moments pour tout le monde, pour sa famille sa seule sa vraie, celle qui veut partir et celle qui se terre dans l'ombre, et il est là Matthew, il est là et il bouge pas et justement, c'est ça le foutu problème.
Il bouge pas quand le père de Levi le prend sur le fait. Il bouge pas quand Ginny tremble au bout du couloir. Il bouge pas quand Jill hurle sa rage qu'elle va faire de leurs vies un enfer comme autant de signaux d'alarme.
Il bouge pas parce qu'il sert à rien, finalement, le jeune premier qui n'en sera jamais vraiment un. Il voit le regard qu'Isaïah lui renvoie comme autant de couteaux dans les yeux, comme autant de mots rageurs et de déceptions accumulées alors qu'il lui reproche le monde entier pour un rien, qu'il lui reproche tout dans l'instant au pire du mieux, au mieux du pire.
Il bouge pas et ça le démange de pas bouger, elle est là l'incertitude, il est là le drame, elle est là l'impulsion, il est là son poing. Celui qui s'écrase violemment sur la tête de prince de Colton, lui qui se marre, lui qui rigole et qui regarde le spectacle en se délectant, ne cachant pas chaque seconde du plaisir décuplé qu'il avait le connard, l'hypocrite. Chaque seconde dont il profitait avant que son nez craqué ne tache sa belle chemise blanche fraîchement repassée.
« Ça suffit.» que le père scande, à son trio de cassés, au cousin éclaté. Nope, ça fait que commencer.