Allie arborait encore des pupilles dilatées, gains de son passage au squat. Cela faisait des années qu'elle le fréquentait, elle faisait désormais partie des réguliers, des meubles, des minois qu'on salue même quand elle peine à reconnaître des personnalités elle-même. Installée dans le canapé qu'elle aimait désigner sien, elle avait enchaîné les différentes mixtures de manière à gommer la matinée de travail qu'elle avait dû essuyer dans le cadre de son rôle de modèle pornographique. Elle appréciait Michael, il ne lui avait jamais manqué de respect ni d'affection à son égard. Toutefois, jouer l'amoureuse complice avec son époux, quand elle avait passé récemment une nuit avec l'homme qui faisait véritablement battre son cœur, inculquait la force nécessaire à la déglinguer. Secrète, elle se gardait bien de rendre des comptes à son mari toutefois, et une fois un sandwich englobé en guise de déjeuner, elle s'était rendue à Redcliffe.
Il y a toujours de quoi anesthésier les cœurs, là-bas. Taire les souvenirs, calmer les ardeurs, rendre amorphe les sentiments autant que l'inertie inhibe les corps. Les heures avaient agonisé, sa thérapie avait purifié l'esprit de la brune de manière à ce qu'elle s'en contrefiche désormais de tout, incluant les mecs qui l'interpellent alors qu'elle quitte le squat pour vagabonder dans le quartier.
Elle n'avait jamais porté Redcliffe dans son cœur. Elle méprisait les touristes heureux qui dégainaient sans arrêt leurs appareils photos comme si Brisbane composait une merveille du monde. Les retraités qui suaient tels des porcs sous le soleil australien, rejetant leur allure si stéréotypée. Les familles munies de mioches peu ragoûtants qui avaient toujours des traces de morve ou de crème glacée sur le visage. Elle fait volte-face et s'enfonce davantage dans une ruelle, s'extirpant de cette fanfare de gens heureux. Elle s'allume une cigarette et remonte son pied contre le mur de briques, sa robe noire voletant contre ses cuisses pâles, remontant parfois assez pour laisser aux yeux curieux le loisir d'investiguer si elle porte un sous-vêtement ou pas. Elle compte, indifférente, les véhicules de secours qui se ruent sur la route, sirènes pimpantes. Un blond sur le trottoir les suit du regard, l'air paumé, à moins qu'il compatisse. « Ils ont l'air d'avoir l'affaire bien en main, » sa voix lui lance sur un ton désinvolte, avant que son regard ne scrute l'homme de la tête aux pieds sans ménagement.
Je suis off aujourd’hui. Ca me fait pas de mal. Je suis allé au sport mais ma salle habituelle est fermée. Ils font des rénovations depuis quelques semaines et c’est assez chiant. Je dois venir jusqu’à Redcliffe pour faire mon sport. Je sais que je pourrais prendre un jour off de sport aussi et juste attendre d’être au boulot pour ma prochaine séance, mais j’ai pas envie. Je me remets à fond dans le sport depuis quelques semaines. Tous les jours. J’en ai besoin. Ca me fait le plus grand bien. Je me défoule autant que je peux. J’ai été bien à fond aujourd’hui. Je suis fit af et ça me fait du bien de voir ces tablettes de chocolats et tous les muscles de mon corps. Je suis peut être un mess à l’intérieur, mais à l’extérieur, je suis au top. La santé ça va. La santé mental, ça va moins bien. Mon sac de sport sur l’épaule, je suis en train d’aller vers ma voiture qui est garé super loin parce que Redcliffe c’est la merde comme ça à l’heure où je me suis pointé. Et j’avais pas envie de payer le parking de la salle de sport. Je suis économe. Ca me dérange pas de marcher une demi heure jusqu’à ma voiture. En plus j’ai quelques endroits à vérifier sur le chemin… Comme toujours quand je suis dans ce quartier. Je les entends d’abord. Je les vois ensuite. Les secours. Hmmm. Ils tournent pas loin, je les entends plus d’un coup. Ils sont arrivé à destination. C’est juste là. Au coin de la rue. Ils ont besoin d’aide ?
« Ils ont l'air d'avoir l'affaire bien en main, »
Je tourne la tête vers la voix qui a répondu à mes pensées. Je suis pas bien sûr de pourquoi elle a ce ton là. Qu’est ce que ça peut lui faire si ça m’inquiète ce qui est en train de se passer ? Parce que je connais les environs et en plus, je sais très bien que cette rue juste là bas, c’est la rue où Jared squattait à l’époque. J’aime pas trop tout ça. C’est pas des coïncidences.
« Hmmm… »
Je sais pas si elle a raison. Parce que le truc c’est que, je l’ai peut être pas remise tout de suite, mais dès que Jared m’est venu en tête, je réalise que je la connais. Que ça fait de très longues années qu’on s’est pas croisé aussi. Je ne sais pas si elle m’a reconnu. La vérité c’est qu’elle était high la plupart du temps. On s’est pas vu tant de fois que ça non plus. Mais elle m’a marqué. Tous ceux de ce squat m’ont marqué. Mes yeux retournent vers la rue où on peut voir une ambulance stationnée.
« There might be more people than they think that needs help. »
Parce que je sais que c’est grand par là bas. Un immeuble entier abandonné, il n’est pas véritablement abandonné. Je retourne les yeux vers elle. C’était quoi son prénom déjà ? Allie. Ah yes. Is this where you live still ? Et je me retiens fort de pas penser à Jared. De pas lui demander directement. Mais… Non. Je tiens pas du tout cette résolution. Parce que Jared occupe toutes mes pensées à chaque fois que je suis dans le coin et tourner là bas, juste là bas précisément, c’était sur mon itinéraire.
« Ils ont l'air d'avoir l'affaire bien en main. » Elle dévisage la silhouette du blond qui demeure en suspens à observer les secours tonitruer sur les lieux du prochain drame. En effet, vu les moyens déployés, il semble bien optimiste - et naïf - à Allie de songer que personne ne perdra la vie à Redcliffe cet après-midi. Il tourne la tête vers elle, la brune inspire le nocif issu de sa cigarette et recrache la fumée devant elle, désinvolte, indifférente. « Hmmm… » Elle hausse les sourcils, est à deux doigts de lever les yeux au Ciel. Why do you care so much, dude ? Les yeux bleus de l'australien s'accrochent sur une ambulance, désormais. Il t'ennuie à tant se tracasser. « There might be more people than they think that needs help. » « What are you waiting for then? Go save them! » Elle lève son poing en l'air, dans un effort nonchalant d'imiter un super héros ou d'encourager le trentenaire à se ruer à la rescousse des victimes du moment. Il n'émet pas le moindre mouvement en leur direction, toutefois. Elle hausse les épaules, tire de nouveau sur sa clope. « There always is more people that we think who needs help. That's why you gotta learn how to take care of yourself. » Son pied glisse du mur de briques, elle s'approche du jeune homme afin de juger à son tour le spectacle - ou feinter de. « You can't live your life depending on people. » Il est une proie si facile et elle ne possède pas assez d'argent sur elle pour continuer la journée comme elle le souhaite. Alors, tandis qu'il est fasciné par les secouristes, elle met en application ses talents de pickpocket en vue de lui dérober son porte-feuille qu'elle glisse à l'arrière de sa jupe. Il n'a pas bronché, comme toutes ses victimes avant lui. You shouldn't trust people either, mate. Elle pense, satisfaite.
« What are you waiting for then? Go save them! » Elle se fou grave de ma gueule. Je le vois. Tout dans son attitude le montre. Elle en fait trop. Elle me trouve ridicule. Franchement je préfère être ridicule à sauver des gens qu’à les arnaquer pour avoir un peu de poudre ou je ne sais quoi pour se flingeuer les neurones. Was good tho. Non. J’ai pas le droit de penser ça. J’ai pas le droit de me languir de cette époque. J’étais si mal… Not that good lately dude. Si ça va. Je suis pas dépressif. Je suis juste contrarié. Would be good to have a shot of something. Non. Non. Plus jamais. Pourquoi je pense à ça ? Fuck. Je déteste. Je veux pas. Plus jamais. « There always is more people that we think who needs help. That's why you gotta learn how to take care of yourself. » Elle me sort de mes pensées avec ses mots et je tourne la tête vers elle. Les sourcils froncés. What is she trying to say here? Je suis pas sûr de comprendre ses motivations. Je mange pas de ses conneries. Elle est pas en train réellement de s’inquiéter pour moi. Je le crois pas. « You can't live your life depending on people. » Je continue de réfléchir et elle continue de parler et dire des trucs qui sortent de je ne sais où.
« What does my life has anything to do with all these junkies dying over there? »
Parce que c’est exactement ce que c’est. Is Jared still alive? Yup. C’est ça ma véritable question au fond. Est-ce que je lui dis ? Est-ce qu’elle va me répondre ? Non. Elle va rien dire. Je le vois déjà sur son visage qu’elle est pas là pour m’aider. Ses mots font genre, mais elle en a rien à foutre. Elle s’est rapproché de moi par contre, je m’en rends compte que maintenant.
« Why do you care ? »
Sérieux, elle veut quoi ? Tell me if Jared is still alive. C’est le seul truc qui me retient de partir. Ca fait si longtemps que je cherche la réponse à cette question. Je regarde les registres des hôpitaux régulièrement pour voir si son nom apparaît. Parce que je me dis qu’il habite toujours en ville. Enfin, qu’il squatte toujours en ville. Et puis je me repasse les mots que j’ai dit et je m’attends à ce qu’elle me cogne d’un moment à l’autre. She sure could.
Sa clope fixée entre ses doigts, elle se moque éperdument du blond qui demeure en suspens sur le trottoir, fasciné sombrement par les véhicules de secours qui se précipitent sur les lieux d'un potentiel drame. Il craint que les secours ne soient pas en assez grand nombre, elle ne comprend pas pourquoi il s'en soucie autant. C'est pas comme s'il allait enfiler une cape et voler à la rescousse des souffrants du moment.
Elle s'approche du garçon, lui fait part de sa philosophie. Il ne bronche pas, il a l'air bien plongé dans ses pensées. Elle en profite pour dérober son porte-feuilles qu'elle voile à l'arrière de sa jupe, aussi fière que satisfaite. Un bon butin, elle pense. Vu l'allure du mec, il doit bien avoir quelques éléments intéressants dans son porte-feuilles. Elle a hâte de découvrir tout cela plus tard. « What does my life has anything to do with all these junkies dying over there? » Elle hausse un sourcil, incertaine. Elle a parlé de junkies ? Il pense que tant de moyens sont déployés pour une overdose ? « You tell me. You seem to think a lot about junkies. Or a junkie in particular. » Elle tire sur sa clope, casse la fumée contre l'épaule de l'australien.
« Why do you care ? » Sur quoi il tourne ? « I couldn't care less. I'm not the one worrying whether people could need help. » Elle refuse qu'il fasse un transfert sur elle. Elle lui demanderait bien de cracher le morceau de ce qui l'atteint tant, animée d'une morbide curiosité, mais vraiment, ça signifierait qu'elle en a à cirer de lui quand c'est pas le cas et ça irait à l'encontre de ce qu'elle vient de lui articuler. Et elle n'a pas envie de jouer à Mère Térésa, elle. Elle croise dans les bras contre sa poitrine, finit sa cigarette, songe à sa prochaine destination.
« You tell me. You seem to think a lot about junkies. Or a junkie in particular. » Elle sait. Bien sûr qu’elle sait. Je pense qu’à lui. Elle me connaît qu’au travers de lui. Elle se souvient de moi donc ? J’aurai pas cru. Mes cheveux sont plus long, mais c’est vrai j’ai pas tant changé que ça. J’ai pris du muscle ça aussi mais ma grand mère le dit elle même que j’ai pas changé. Donc je comprends qu’elle m’ait remis. Juste assez surpris qu’elle ait assez de neurones qui fonctionne pour que sa mémoire aille si loin. « I couldn't care less. I'm not the one worrying whether people could need help. »
« You speak a lot for someone who doesn’t care at all. » What do you want?
Je comprends pas. Mais still, je bouge pas. Parce que je veux savoir pour Jared, parce qu’elle détient cette information.
« Is Jared around ? »
Et fuck everyone je pose la question. Parce que j’ai aucun moyen de la recontacter cette fille et qu’elle va sûrement se barrer sous peu. Moi aussi mais cette information là me reteint depuis tout à l’heure. Maintenant que je lui ai posé, je m’attends pas à ce qu’elle me réponde mais au moins j’aurai dit ce que j’avais à dire. Je pourrais me tirer sans me demander mille fois « et si ». Nope. Je lui ai demandé. J’attends maintenant. Je l’observe, pensant naïvement que son body langage va me donner des réponses plus que sa bouche. Mais elle est assez douée pour ne rien laisser paraître j’en suis sûr. Pas comme moi. Je suis genre un livre ouvert c’est affolant.
« Is he alive ? »
Je mets des mots un peu plus précis sur ma demande. Si jamais il est pas around mais qu’il est toujours vivant je veux le savoir aussi. Je la sens assez chiante pour me répondre - si elle le fait - au premier degré. Vraiment j’ai aucune confiance en elle. Je sais même pas si je vais croire la moindre chose qui va sortir de sa bouche. Mais je compte sur un petit quelque chose qui pourrait ressortir de son regard ou quoi. Je rêve. Je sais.
« You speak a lot for someone who doesn’t care at all. » Il l'agace déjà, avec son syndrome profond de Mère Teresa doublé de sa tendance à interpréter voire psychanalyser les autres. Sans se mêler à son propre jeu qu'elle déplore, Allie se dit connaitre ce genre de type, ceux qui ont besoin de mettre leur nez dans les affaires des autres pour se sentir importants, ceux qui viennent d'un milieu si aisé et chéri qu'ils n'ont jamais éprouvé de grandes difficultés à avancer dans la vie, si ce n'est franchir quelques amitiés échouées et amours brisés. Elle le voit, sur lui, à quel point il transpire le bon petit garçon qui ne peine pas dans son histoire, celui qui a peut-être connu quelques périodes difficiles mais qui ne l'ont certainement pas brisé. Il doit avoir des piliers, des gens qui veillent sur lui. Tant mieux pour lui, tant pis pour elle. Les nerfs de la Oakheart deviennent de plus en plus à vif, elle opte donc pour quitter directement les lieux, tourner les talons, laisser le blond dans son admiration sinistre des secours prétendument insuffisants et junkies apparemment en fin de vie.
« Is Jared around ? » Il la rattrape au vol. Elle marque un arrêt, tire profondément sur sa cigarette. Jared. Un sourire étire ses lippes, elle souffle la fumée devant elle. Elle a toujours le porte-feuilles de l'australien à l'arrière de sa jupe, elle se demande ce qu'il a d'autre de valeur sur lui. « Is he alive ? » Il y tient donc, au toxicomane qui flirte constamment avec la Faucheuse. « That's valuable info. » Elle se retourne vers lui, le toise sans merci, regard insolent et espiègle. Elle conserve les quelque mètres de distance entre eux, précautionneusement. « I don't talk about friends except if I got a good reason to do so. Can you give me a good enough reason to tell you about Jared? »
Je le vois son sourire sur ses lèvres. Je le vois combien il est insolant. Combien elle l’est tout entière. Elle a l’impression d’avoir gagné la partie. Mais la partie de quoi ? Moi je veux juste savoir si Jared est toujours vivant malgré ce qu’il m’a fait traversé dans la vie. Je l’aime toujours ce junkie. Je sais très bien pourquoi d’ailleurs. Mais je ne le dis pas. Je ne le pense pas. Je suis dans le déni. Je veux juste savoir s’il est vivant. J’ai aucune nouvelles de lui et elle là, elle sait qu’elle a toutes les cartes en mains dans cette partie. But there’s no game. There is. Le jeu de la vie. « That's valuable info. » Je sais. Et qu’elle se retourne me donnant de la consideration je trouve ça déjà énorme. Je l’avais déjà imaginé en train de partir de son côté comme elle avait commencé à faire. Est-ce que je vais avoir une réponse ? Est-ce que je vais devoir faire un chèque ? Ca me rappellera mon temps à côtoyer Jared. « I don't talk about friends except if I got a good reason to do so. Can you give me a good enough reason to tell you about Jared? » Elle le considérait donc comme un ami. Elle a parlé au présent. Ca veut dire qu’il est toujours en vie nan ? Ouais. J’ai envie de le voir comme ça. C’est bon signe. Elle a pas assez de cervelle pour réfléchir autant à me la faire à l’envers sur le volet. Il est vivant. Elle a parlé au présent.
« Yeah nevermind. »
J’ai aucune bonnes raison. J’ai arrêté de le côtoyer quand j’ai arrêté les substances. J’ai pas arrêté de lui donner de l’argent pour autant. Je sais pas si elle sait. Ca a duré encore quelques années avant que mon père s’en rende compte et mette un terme à cette mascarade. Je l’aidais comme je pouvais, Jared. Je pouvais juste pas être avec lui parce que la tentation était grande. Je suis faible comme gars. Les drogues c’était vraiment des sensations que j’aimais beaucoup. Le lâché prise. Elle a parlé au présent. Il est vivant. Maybe not. Mais j’aurai pas plus d’infos et j’aime m’imaginer qu’il est vivant. Je m’accroche à ça. J’aime pas que ça me tienne tant à coeur. J’ai pas envie de l’entendre dire qu’il est mort aussi si c’est le cas. Je veux rester dans l’illusion qu’il est en vie. Dans quel état je sais pas. Mais il est vivant. C’est un miracle quand on y pense. Et les sirènes des ambulances non loins qui reprennent du services. Les véhicules qui roulent dans l’autre sens. Direction l’hôpital certainement. Ca m’arrête dans ma lancée. J’avais fait deux pas et me voilà de nouveau immobile à regarder les premiers secours filer. Is Jared in there?
Sa langue passe suavement sur ses lèvres gercées. Elle a envie de drogues, Allie ; elle crève de désir de flamber le butin qu'elle osera dénicher dans le porte-feuille dérobé au blond pour se procurer de la dope et en envoûter son organisme. Pour l'instant, tout ce qu'elle a à disposition, c'est sa clope sur laquelle elle tire, cette cigarette qui goûte trop peu. Elle inspire profondément, se promet une nouvelle dose imminente.
Elle le toise, insolente, arrogante. Elle lui répond au compte-goutte tandis qu'il lui semble pendu à ses lèvres. Elle percevrait presque les constats comme les interrogations valsant dans le regard du garçon qui mène une fulminante enquête interne. Il pense trop, elle songe. Il ne devrait pas demeurer tant en retrait quand tout le touche autant. Pourquoi ne va-t-il pas aux devants pour répondre aux questions qui le taraudent, pour agir comme il voudrait que son environnement le fasse ? L'indépendante qu'elle compose et qui a appris à se battre pour obtenir ce qu'elle veut et faire en sorte que le monde tourne à son rythme n'assimile pas l'inertie de l'australien. Comment fait-il pour être heureux s'il ne prend pas les choses en main franchement ?
« Yeah nevermind. »
Elle laisse filer un rire narquois, sec. A son sens, son interlocuteur n'aurait pas pu prononcer des termes aussi contraires à tout ce qu'il rejetait. Il a tout sauf l'air de s'en moquer, de s'en détacher. Il a plutôt l'allure d'être incapable de prendre le moindre recul. Jared, les secouristes. Voilà qu'il a de nouveau son regard rivé sur ces derniers, soucieux. « Yeah for sure. » Elle nargue, le singe, conservant une distance avec sa silhouette bien qu'elle ne craigne désormais absolument provenant du blond. « Your bad. » Elle juge, intransigeante, visage fermé. Selon Allie, il cause son propre malheur à conserver ses distances, à ne pas œuvrer pour obtenir ce dont il peut nécessiter, à ne pas se battre pour ce qu'il désire. Comment peut-il tant s'inquiéter pour Jared s'il n'est pas capable d'argumenter son droit d'avoir des nouvelles de lui ?
« Yeah for sure. » Ouais I do mind. Mais c’est un environment beaucoup trop toxique pour que je passe plus de temps par là. C’est pas bien. C’était assez dur de se défaire de lui. Tout seul je ne l’avais pas fait. Apparemment quand j’aime quelqu’un je prends toutes les décisions les plus absurdes. Mais parfois c’est trop grave et il faut se rendre à l’évidence. Faire une coupure nette. Le pire dans tout ça, c’est que je pense à lui, mais il me manque pas. Je vis très bien sans lui. C’était pas un hreatbreak. C’était étrange comme sensation. Mais mon cerveau pense à lui toujours. Je rêve de lui souvent. C’est jamais des rêves très reposant. Rien n’a jamais été reposant avec Jared et mes éventuelles retrouvailles avec lui ne le serait pas non plus. Y’a juste à voir comment je suis en train de cogiter à 8000 parce que Allie est devant moi là. Parce qu’elle sait ce qu’il devient. « Your bad. » Ouais mais ça n’en n’est que mieux au final. Je pense à moi d’abord. Il faut vraiment pas que je me rapproche de Jared de nouveau. Je suppose qu’il est vivant après ce qu’elle a dit, même si c’est pas du tout fondé et je vis bien comme ça. Dans le déni. I don’t need someone like him in my life. C’est trop de dégâts. La vie est compliqué. Il n’a jamais émis le souhait de devenir clean malgré mes tentatives d’aller dans cette direction avec lui. Alors la coupure nette était tout ce qui était possible. I hope he’s better now. J’aimerai trop une surprise. Le croiser dans la rue un jour. Pas dans un squat. Il aurait retourné tout dans sa vie et il serait clean maintenant. I’m dreaming… Et mes pieds qui reprennent leur route une fois que les ambulances ne sont plus dans mon champ de vision. Ok let’s go. Cette parenthèse avec Allie était beaucoup trop intense. J’ai besoin de soulager mon esprit. Je m'en vais.