| (noranwar) ours is just a little sorrowed talk |
| | (#)Sam 10 Aoû 2019 - 6:26 | |
| norah & anwar ours is just a little sorrowed talkWhat has happened to it all ? Crazy, some'd say, where is the life that I recognize ? Gone away, but I won't cry for yesterday, there's an ordinary world somehow I have to find. And as I try to make my way to the ordinary world, I will learn to survive. ☆☆☆ Jamais l’expression « être à côté de ses pompes » n’avait semblée aussi limpide aux yeux d’Anwar. Depuis que Lene avait quitté son appartement le brun avait la sensation d’assister à sa propre noyade en tant que spectateur ; Il se voyait aller de la cuisine au salon d’un air désœuvré, en donnant l’impression de ne pas savoir quoi faire de lui-même, mais c’était comme assister à la perdition de quelqu’un d’autre. Sa discussion avec Lene lui semblait lointaine, presque irréelle, mais l’arrière-goût de panique qui refusait désormais de le quitter suffisait à lui rappeler que tout cela s’était bel et bien produit, et que si son esprit s’empêchait pour le moment de relier tous les points et de prendre conscience de tous les éléments qui en découlaient, les faits étaient bien là : Lene était enceinte, de lui, et il allait devoir en assumer les conséquences. Jusque-là il n’avait pas été capable de pousser la réflexion plus loin que ça, il ne songeait pas encore à tout ce que cela impliquerait fatalement – et il aurait largement l’occasion de s’en inquiéter plus tard – mais pourtant il sentait déjà un vent de panique le gagner, lentement mais sûrement, et savait qu’il n’était pas prêt de s’en débarrasser. Car son subconscient, lui, n’avait aucun mal à retourner piocher dans sa boite à souvenirs pour se rappeler du cataclysme qu’avait été la naissance de Tarek dans son existence ; Et quand bien même les deux situations n’étaient pas comparables son esprit faisait avec ce qu’il connaissait, et bientôt Anwar avait eu la sensation qu’il étoufferait s’il restait une minute de plus enfermé dans le silence de son appartement. Il aurait aimé pouvoir dire que ses souvenirs des mois qui avaient précédé l’arrivée de Tarek étaient tous bons, avec le recul, mais il n’en était rien. Il ne le déplorait pas, malgré tout, et aussi compliquées avaient pu être les choses il les referait à l’identique sans la moindre hésitation parce qu’elles avaient mené à l’enfant, l’adolescent et désormais l’adulte qu’était son fils : de cela Anwar en était terriblement fier. Mais les choses avaient été difficiles, pas simplement parce que l’adolescent qu’il était alors s’était du jour au lendemain retrouvé avec des responsabilités d’adulte, mais également pour les conséquences que cette « erreur de parcours » avait eu sur sa famille, sur ses amis – dont beaucoup avaient subitement disparu – et sur la suite qu’il espérait donner à sa vie à cette époque. Il lui avait fallu se battre contre l’hostilité de ses futurs beaux-parents, qui avaient tout fait pour le tenir à l’écart de la grossesse de leur fille, il lui avait fallu abandonner ses rêves de voyages et d’études pour trouver rapidement un moyen de gagner sa vie et de nourrir cet enfant qui, sans être encore là, demandait déjà que l’on fasse des sacrifices à son égard. Il lui avait fallu se résoudre à un mariage de raison, et à être celui des deux qui sacrifierait ses projets et s’effacerait pour n’être plus qu’un parent. Tarek désormais indépendant, Anwar commençait donc tout juste à goûter à une indépendance qui lui avait fait défaut à l’aube de sa vie d’adulte … Et c’était ça, c’était ce château de cartes tout juste construit et qu’il apprivoisait à peine, que l’annonce de Lene venait de balayer d’un revers de main. Marcher lui donnait la sensation désagréable de faire du surplace, et rebroussant chemin il avait finalement récupéré sa voiture et pris la direction du sud, roulant vitre ouverte le long du front de mer avec la ferme intention de ne s’arrêter que lorsqu’il serait parvenu à semer son angoisse. Un échec programmé, bien sûr, l’obligation d’une halte matérialisée plutôt par la loupiote du tableau de bord indiquant que le réservoir de sa Ford tournait sur la réserve. Au retour, la grisaille qui avait couvé tout l’après-midi s’était transformée en pluie, et le temps qu’il ait parcouru à nouveau en sens inverse la distance entre Southport et Brisbane de grosses gouttes s’écrasaient sur son pare-brise et servaient de bruit de fond, le ballet des essuie-glaces agissant comme un métronome qui suivait les rythmes de la soupe musicale diffusée par la radio. Anwar rêvait de se rouler en boule sous sa couette et d’y passer tout son dimanche, mais n’avait paradoxalement aucune hâte de rentrer chez lui et de retrouver le silence et la solitude de son appartement. Et sans qu’il ne sache bien dire comment, sans qu’il n’y réfléchisse réellement et ne puisse dire pourquoi chez elle et pas ailleurs, c’est dans la rue où avaient emménagé Norah et ses enfants quelques mois plus tôt qu’il avait coupé le moteur de sa Taurus, les doigts toujours fébrilement accrochés à son volant et le regard accaparé par la lumière du salon qui se projetait sur l’herbe du jardin malgré les voilages tirés sur les fenêtres. Il aurait pu trouver refuge chez Lili, chez Tad, ou même chez Caelan, mais ses pas – ou plutôt ses roues – l’avaient instinctivement mené chez la mère de famille, et s’il n’avait pas été si tard sans doute aurait-il déjà bravé la pluie pour aller frapper à sa porte. Mais il était tard, bien plus tard qu’il ne l’avait imaginé lorsque ses yeux s’étaient posés sur le cadran digital du tableau de bord, et soudainement en proie au doute Anwar n’osait plus. Les petits étaient au lit depuis un moment, à n’en pas douter, et peut-être même était-ce le cas de Norah également … Pourtant la lumière du salon brillait toujours, elle, alimentant l’hésitation du brun et le persuadant finalement de dégainer son téléphone portable et d’y pianoter un message à l’intention de l’infirmière. Un message juste pour voir, juste pour tâter le terrain, mais dont il avait attendu la réponse les mains tremblantes et la respiration retenue. Oui oui, c'est bon, tu peux passer. Tout va bien ?. Comme si elle avait deviné, sans qu'il ne dise rien. Le cœur battant la chamade dans sa cage thoracique, il ne s’était pas laissé l’occasion de faire marche arrière et avait bondi de sa voiture, recevant au passage une bonne dose de la pluie qui semblait vouée à tomber pour encore plusieurs heures, et enfonçant sa nuque dans ses épaules jusqu’à s’être réfugié sous le porche de la maison, au sec. Timidement, il avait frappé deux coups à la porte et enfoncé les mains dans les poches de son jean, offrant à Norah lorsqu’elle avait ouvert le spectacle d’un gamin penaud, avouant « Désolé, je sais qu’il est tard … » d’un ton fautif, et haussant les épaules de façon totalement défaitiste au moment d’ajouter « C’est juste que je savais pas où aller. » avant que sa gorge ne se sert trop douloureusement pour le persuader d’ajouter quoi que ce soit de plus pour plaider sa cause.
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| | | | (#)Lun 12 Aoû 2019 - 7:34 | |
| OURS IS JUST A LITTLE SORROWED TALK there's an ordinary world somehow I have to find | |
La veilleuse était devenue le seul halo de lumière qui éclairait la chambre d'Aidan. Une luminosité paisible, mais pas trop forte afin qu'il n'en soit pas réveillé, pas trop sombre afin que le noir ne l'effraie s'il se réveille par sursaut au milieu de la nuit. Dernièrement, il jurait qu'il y avait un monstre sous le lit. Norah avait besoin d'un peu plus de temps pour l'apaiser et s'assurer qu'il soit bel et bien dans les bras de Morphée. Cela faisait une bonne demi-heure qu'il était déjà profondément endormi, et pourtant elle se trouvait toujours là, assise au bord de son lit, à l'observer avec la plus belle des tendresses. Il lui fallait un certain temps pour quitter la chambre, grâce à une motivation particulière. Elle descendait les escaliers à pas feutré et se saisit de son téléphone portable tout en allant se servir un verre de vin. "Norah, sérieux, faut que t'arrêtes de m'appeler à chaque fois que tu bosses." dit Andy, au bout du fil, plutôt inquiet de voir que l'une de ses infirmières ait développé – à raison – de l'attachement pour le patient blessé par balles. "Tu reviendras bien assez tôt au boulot, va te reposer, maintenant." dit-il après plusieurs minutes de conversation, avec ce même calme qui dominait dans son caractère. "Il va bien, il est stable." lui répéta-t-elle une énième avant de mettre fin à l'appel. L'infirmière n'en avait parlé à personne, pour le moment. Ce n'était pas nécessaire, à quoi bon ? De toute façon, elle n'avait jamais été du genre à parler de son quotidien dans le service. Ce n'était pas tant le secret professionnel, c'était plutôt pour faire la part des choses. Ne pas ramener les problèmes du boulot à la maison et inversement. Cette fois-ci, c'était autre chose, Norah était persuadée qu'elle contrôlait parfaitement la situation et qu'elle gérait ses émotions. Le manque de sommeil, le tracas causé par les comptes faits toutes les semaines n'aidaient en rien. Elle était fatiguée. Pourtant, il était 23h passées et elle était toujours installée dans son canapé, à regarder dans le vide, dans un séjour éclairée par une lumière tamisée. Le message envoyé par Anwar l'avait extirpé de ses songes, non sans une certaine inquiétude, surtout après l'avoir lu. Le policier était toujours bienvenue à la maison, à toute heure, ça il le savait bien mais il ne se l'était jamais trop permis. Sauf pour cette fois-ci. Ce n'était pas son genre, ce qui inquiétait d'autant plus la jeune femme. Il toquait discrètement à la porte, ayant bien conscience que les petits dormaient depuis un moment, à cette heure-là. C'était avec tout autant d'attention que Norah déverrouillait la porte, puis l'ouvrit, laissant place à un Anwar ayant une attitude qu'elle n'avait pas trop l'habitude de voir. Quand il avait les épaules aussi basses, c'était surtout lorsque la culpabilité qu'il avait par rapport au décès de Frank était bien trop lourde pour ses épaules. Mais cette fois-ci, c'était différent, c'était autre chose. "C'est pas grave." lui souffla-t-elle avec un sourire rassurant, en déposant une main sur son épaule humidifiée par la pluie. "Tu sais que tu es toujours le bienvenu ici." Une phrase qui n'avait pas changé depuis des années, même si la maison avait changé entre temps. Les règles étaient les mêmes. "Viens, entre." La pluie était toujours aussi diluvienne dehors, ils seraient bien mieux à l'intérieur. Norah le laissait s'installer dans le salon et elle allait lui chercher une bière dans le frigo. Simple réflexe, ou peut-être juste un pressentiment qu'il ne la refuserait certainement pas. Elle s'installait ensuite à ses côtés tout en arrangeant un peu ses cheveux, avant de se concentrer sur lui. "Il te faut bien plus qu'une sale journée au boulot pour que tu sois dans cet état." lui dit-elle après de longues minutes de silence, bien trop pesantes pour eux deux. Et quand même, Annie n'était pas la personne qui s'ouvrait le plus facilement. Souvent, il serrait la mâchoire et restait silencieux. Norah sirotait son verre de vin rouge, en but une nouvelle gorgée avant de déposer le verre à pied sur la table basse du salon dans un geste délicat. Toute son attention se portait désormais sur le brun, qui ne lui adressait pas un regard. "Et si tu me disais pourquoi pourquoi tu ne savais plus où aller ?" demanda-t-elle à voix basse, comme pour ne pas brusquer le silence qui régnait dans toute la maisonnée. Anwar avait un chez-lui, avec un perroquet qui l'attendait toujours avec impatience. Il avait un bateau sur lequel il aimait de temps en temps s'échapper, atteignant le grand large pour quelques jours pour prendre un bol d'air frais. Et pourtant là, il n'avait pas su où aller que chez les Lindley. A l'époque, Frank et lui étaient devenus de véritables confidents. Dieu sait tout ce qu'ils pouvaient se raconter quand ils étaient dans leur voiture, durant les planques ou la pause déjeuner. Mais ces nombreuses heures passées ensemble avaient créé de sacrés liens entre eux, quasi familiaux. Anwar avait fini par faire partie de la famille, le tout s'étant concrétisé quand il était devenu le parrain du petit rouquin. Et quand Frank est parti, le lien entre Norah et Anwar ne s'en n'étaient que plus renforcés. Cependant, elle ignorait s'il avait plus de facilité ou de difficulté à se confier à elle qu'il ne se confiait à Frank. "Qu'est-ce qu'il se passe, Annie ?"
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| | | | (#)Mar 1 Oct 2019 - 16:18 | |
| Les heures passées derrière le volant de sa voiture lui donnaient déjà l’impression de s’estomper dans son esprit, comme s’il les avait vécu en pilotage automatique et ne s’y était pas réellement intéressé – et il ne s’y était pas intéressé. Lorsque Norah avait ouvert la porte il avait eu l’impression que le brouillard qui l’enveloppait depuis la fin de l’après-midi se dissipait peu à peu, mais faute de le délester du sentiment d’angoisse qui lui collait à la peau Anwar avait eu l’impression de contempler d’encore plus haut le vide au-dessus duquel il se tenait. Et puis il avait compris. Pourquoi il était venu là plutôt qu’ailleurs, pourquoi il ne s’était pas réfugié chez Lili comme il l’avait si souvent fait en cas de coup dur, pourquoi il n’était pas allé s’échouer chez Tad et son flegme inégalable pour tenter de se calmer, pourquoi il n’avait pas frappé chez Caelan et Silk pour s’en remettre à la candeur du frère de Norah … Il était là parce qu’il avait besoin de Frank. Et d’en prendre conscience alors que la mère de famille lui assurait « Tu sais que tu es toujours le bienvenu ici. » avec douceur lui avait douloureusement serré le cœur, et fait baisser les yeux le temps de ravaler les larmes qui auraient aimé s’y frayer un chemin. Obéissant en silence lorsque Norah l’avait invité à entrer, il avait abandonné son blouson humide de pluie sur l’un des porte-manteaux de l’entrée et réprimé un frisson en croisant les bras. Son amie partie à la cuisine il se sentait soudainement stupide de s’inviter ainsi chez elle, à une heure si tardive et sur le simple fait de ne pas être capable de gérer ses émotions tout seul. Se plaindre et chercher à se faire plaindre n’était pas du tout dans ses habitudes, Anwar était plutôt de ceux qui gardaient leurs soucis et leurs frustrations pour eux – souvent à raison, parfois à tort – et parce qu’elle savait tout ça l’infirmière visait forcément juste lorsqu’après une éternité de silence elle avait amorcé « Il te faut bien plus qu'une sale journée au boulot pour que tu sois dans cet état. » faute de voir son visiteur de minuit prendre la parole. Les coudes appuyés sur ses genoux, le policier faisait tourner entre ses doigts la bouteille de bière que Norah lui avait tendue un peu plus tôt avec la force de l’habitude, et c’est finalement d’une voix un peu rauque qu’il avait répondu un « J’ai pas travaillé aujourd’hui. » qui n’expliquait rien et ne faisait pas avancer quoi que ce soit. La gorge nouée, il s’osait pas jeter un regard du côté de la jeune femme ; Il avait conscience qu’il ne pouvait pas débarquer ainsi puis garder le silence, et qu’elle avait suffisamment de ses propres enfants à gérer pour ne pas subir en supplément les tergiversations muettes des amis de Frank. Mais il ne savait simplement pas quoi dire, pas comment présenter les choses et expliquer la teneur des angoisses qui le mettaient dans cet état : il avait peur d’une leçon de morale, peur de s’entendre dire qu’il ne serait pas à la hauteur, et même peur de se porter malheur en parlant de quelque chose dont on conseillait généralement de le garder pour soi tant que la barre du premier trimestre n’était pas atteinte. Anwar n’était pas superstitieux, mais s’il arrivait malheur il serait bien capable de s’en tenir pour responsable. Et le voilà qui cogitait à nouveau en silence, obligeant Norah à lui tirer un peu plus les vers du nez « Et si tu me disais pourquoi tu ne savais plus où aller ? Qu'est-ce qu'il se passe, Annie ? » tandis qu’il portait finalement la bière à ses lèvres et en descendait un bon tiers sans reprendre sa respiration. Il ne savait pas où aller parce qu’il aurait voulu aller là où Frank aurait été son oreille attentive, et ça c’était une vérité qu’il ne pouvait pas se résoudre à admettre à voix haute parce qu’il savait qu’elle causerait de la peine à la jeune femme. Frank aurait su trouver les mots pour dédramatiser, il aurait su quoi lui dire pour remettre les choses en perspectives et lui redonner un semblant de sérénité – ils avaient toujours fonctionné ainsi tous les deux, Anwar avait été là pour le conseiller avant la naissance de Julie, Frank avait su répondre présent lorsqu’élever Tarek quasi-seul avait été compliqué, et l’un et l’autre avaient mutuellement appris à se voir comme l’épaule sur laquelle s’appuyer dans les innombrables galères de la paternité. Mais Frank n’était plus là, et pour Anwar ce n’était qu’une grande claque supplémentaire destinée à le lui rappeler. « Une des potes de Lou vient traîner parfois à la fin de nos concerts … Je la connais pas vraiment, on a discuté quelques fois, on a pris deux-trois verres et puis … » Anwar ne mentionnait que rarement les Street Cats à Norah, qui n’avait jamais vraiment semblé s’y intéresser et n’avait jamais démontré l’envie d’assister à l’une de leurs performances. Il ne lui en tenait pas rigueur, mais comme la navigation la musique était donc devenue une occupation que le brun gardait pour lui et sur laquelle il s’épanchait peu avec l’infirmière. Mais le groupe n’était que la toile de fond à cet instant, le décor de bien autre chose. « Elle est enceinte. » De lui, cela tombait suffisamment sous le sens pour qu’il ne juge pas utile de le préciser, sans quoi il ne se mettrait pas dans un état pareil. « Je sais pas comment c’est possible … Je sais pas ce que je vais faire. » Fébrilement Anwar avait passé une main sur son visage, que toute la fatigue accumulée ces dernières semaines semblait vouloir creuser en quelques secondes. « Qu’est-ce que je vais dire à Tarek … ? » Bien que posée dans un murmure, la question lui semblait d’autant plus terrifiante maintenant qu’il la formulait à voix-haute. Le jugement de son fils, il ne savait pas s’il le supporterait. La gorge nouée, il avait enfin osé relever les yeux vers Norah, questionnant encore « Et qu’est-ce que je vais dire à sa mère ? » avec la crainte qu’elle le juge, elle aussi. Car la mère de Tarek restait encore son épouse ; Une épouse avec qui la séparation était établie et consommée depuis presque trois ans maintenant, mais qui n’apprécierait peut-être pas l’idée que son mari ait fait un enfant à une autre, malgré tout.
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| | | | (#)Mer 9 Oct 2019 - 9:55 | |
| OURS IS JUST A LITTLE SORROWED TALK there's an ordinary world somehow I have to find | |
S'il y avait bien une chose qui n'avait pas changé chez les Lindley, et ce depuis toujours, c'était que leurs proches étaient toujours les bienvenues, à toute heure de la journée. Ils avaient beau être dans le gaz ou dans la précipitation, si l'un d'eux venait toquer à leur porter en quête d'écoute, de conseils, ils étaient accueillis en bonne et due forme. Les frères de Norah l'avaient déjà faits, les proches de Frank égalements. Anwar avait toujours été respectueux de leur vie de famille, même lorsqu'il en faisait partie depuis qu'il avait été nommé parrain de leur petit dernier. S'il venait toquer à sa porte à une heure aussi tardive, c'est que ça n'allait véritablement pas. La belle brune n'avait pas eu besoin d'attendre de le voir pour de vrai pour deviner que ça devait être suffisamment bouleversant pour lui. Ce qui l'inquiétait, c'est qu'elle ne savait pas à quoi s'attendre. Anwar n'avait jamais été véritablement dans la confidence. Il sera toujours bien plus proche de Frank qu'il ne le sera de Norah, cette dernière en avait pleinement confiance. La perte du policier avait soudé leur relation, cela allait sans dire, mais ce lien n'égalerait peut-être jamais ce qu'Anwar avait avec Frank. Des coéquipiers policiers, c'était à la vie, à la mort, envers et contre tout. Frank s'était beaucoup attaché à lui et c'était réciproque. Le survivant de la fusillade traînait avec lui toujours le poids de sa mort, sûrement bien plus que Norah ne pourrait l'imaginer. Elle-même était aveuglée par un deuil qui devenait pathologiques, et ils s'enlisaient dans leur situation, tous les deux. La jeune femme le laissait entrer chez elle et délaisser son blouson humide sur un porte-manteau avant de s'engoufrer davantage dans la maison tout en révélant qu'il avait été de congé ce jour-là. Alors qu'ils s'installaient au salon, Anwar évitait méticuleusement le regard de son amie. Difficile pour la jeune femme de comprendre une telle attitude alors qu'il était celui qui disait qu'il voulait passer... Au fond, Norah se doutait bien que s'il était venu vers elle, c'était parce qu'il avait envie de voir Frank. Elle se demandait aussi si, lui aussi, l'espace d'une fraction de secondes, il avait l'impression de le savoir encore en vie. Peut-être que c'était durant cette fraction de secondes qu'il avait envoyé le message à la Lindley. C'est pourquoi elle le relançait en le questionnant afin de lui soutirer quelques informations et connaître les raisons véritables de sa venue. Ce n'était pas que pour la bière qu'il avait entre ses doigts. Malgré tout hésitant, le policier finit par prononcer quelques mots pendant que Norah gardat ses yeux rivés sur lui. Une sorte de tension restait palpable dans l'air, et ce bien avant qu'Annie ne lui balance la raison de ses tracas et de son insomnie de ce soir. Les yeux de Norah s'arrondirent immédiatement, ne s'attendant absolument pas à cette nouvelle là. Les mots lui manquaient, quoi qu'elle fut prise d'un léger vertige qu'elle parvenait à contenir. Il ne savait pas comment c'était possible ? Pourtant, il n'y avait pas mille et une solutions pour concevoir un bébé. Elle ignorait comment il parvenait à se mettre dans de telles situations, à devenir papa d'un enfant dont il connaissait à peine la mère (et encore). Il n'en fallait pas plus pour qu'elle comprenne toutes les problématiques que cela soulevait. Si Norah était dans de meilleures dispositions mentales, elle aurait certainement répondu plus rapidement qu'elle ne le pouvait. Mais elle aussi était à bout, pour de bien nombreuses raisons. Mettant à côté l'accumulation de fatigue, le patient dont elle s'occupait un peu trop à l'hôpital, d'autres problématiques se soulevaient sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Mais il parlait de bébé, de grossesse. Et l'une des premières choses qui revenait à l'esprit de Norah était l'une de ces conversations avec Frank, à l'époque, quand ils envisageait d'avoir un troisième enfant. Frank n'était plus là, et voilà que son coéquipier allait redevenir papa. Un père se posait tout un tas de questions, celles d'Anwar devaient être bien différents que ce que l'on pouvait habituellement entendre. La situation était plus que singulière après tout. Après avoir eu une absence d'un temps qui était certainement trop long, pour l'un comme pour l'autre, elle remettait les pieds sur Terre. "Tu dois leur dire la vérité. A tous les deux." dit-elle sans concession. Norah aurait pu être plus pragmatique, le traiter d'inconscient ou lui demander s'il avait un don pour tomber sur les préservatifs troués. Mais ça ne serait pas bénéfique pour qui que ce soit, et Annie n'étant naturellement pas dans la confidence, elle ne voulait pas qu'il se referme totalement sur lui-même. "La moindre des choses que tu leur dois, surtout à Tarek, c'est d'être sincère. Pas d'attendre qu'il ne soit trop tard pour leur dire ce qu'il se passe." Elle ne connaissait pas l'ex-femme, enfin, elle était toujours sa femme en soit, et elle ne savait quasiment rien d'elle. "Je suis pas certaine que ton ex ait à dire quoi que ce soit, même si les papiers de divorce sont pas signés." Du moins, c'était son avis, peut-être qu'il désapprouverait. Pas encore toute à fait à l'aise suite à cette annonce, et ne sachant comment réagir à la situation, elle passait délicatement une main dans ses longs cheveux en haussant légèrement les sourcils. "...Même si c'est une sacrée nouvelle." Norah ne cachait pas qu'elle ne s'y attendait pas. "Tu ne sais pas ce que tu vas faire uniquement par rapport à Tarek et ton ex ? Ou pour toute la suite des événement ?" La paternité, les frais et les responsabilités que cela engendrait. Elle ne doutait pas à ses capacités à être père, il en avait déjà fait la preuve avec son fils aîné. La brune s'adossait contre le dossier de son canapé, peut-être pas aussi perdue que lui, mais perdu quand même. "C'est pas moi qui vais te faire la morale, Annie." Il devait certainement déjà se flageller suffisamment au quotidien à ce sujet. Ce n'était pas que Norah ne jugeait pas, mais elle savait que partager son avis n'allait rien lui apporter de très constructif. "Avant de penser à Tarek, à... comment il réagirait. Commençons par toi. Toi, tu te sens comment par rapport à ça ?" lui demanda-t-elle sans jamais quitter son regard. "C'est vraiment la peur de leur réaction qui te met dans cet état ? C'est le bébé en lui-même ? C'est quoi ?" La neutralité de la voix de Norah était parfois déconcertante, mais au moins elle laissait comprendre qu'elle n'allait pas non plus le mettre à la porte pour ne pas avoir été responsable durant une relation sexuelle. Elle cherchait simplement à comprendre son état d'esprit, à savoir ce qui le bouleversait autant. "Tu sais déjà comment tu envisages les choses par la suite ?" Ce ne serait qu'une fois que Norah ait pu récolté l'ensemble de ces quelques informations qu'elle parviendrait à l'aider, si elle le pouvait. Car, c'était ce que Frank aurait fait pour lui. Du moins, c'était ce qu'elle supposait.
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| | | | (#)Mar 12 Nov 2019 - 2:36 | |
| Jamais, jusqu’au SMS de Lene quelques jours plus tôt, Anwar n’avait-il envisagé sérieusement la possibilité d’être père une seconde fois. Deux décennies s’étaient écoulées depuis la conception de Tarek, une erreur de parcours sur laquelle le brun ne reviendrait pour rien au monde, mais qui avec le temps s’était imposé comme ce qu’il pensait être la seule et unique expérience qu’il ferait de la paternité et de toutes les étapes qui s’y attachaient. Là où certains construisaient un schéma familial tout ce qu’il y avait de plus banal – et rien de mal à cela, au fond – Anwar s’était engagé sur la route d’un mariage sans amour ni passion, si ce n’était celle purement physique qui les animait parfois, mais trop peu pour compenser tout ce qui n’allait pas dans cette union. Là où certains faisaient des enfants par amour, lui avait pris le parti de n’avoir d’yeux et d’amour que pour son fils et personne d’autre. Et il avait fini par s’y faire, par l’accepter sans même en garder une pointe de regrets, parce qu’Anwar n’était pas de ceux qui courraient après des rêves qui n’étaient pas à leur portée ou qui faisaient des plans sur la comète … Et pourtant, voilà où il en était désormais. Père en devenir qui le réalisait à peine, époux pas tout à fait divorcé qui se sentait coupable d’un écart dont il n’avait pourtant pas à se justifier, homme à cet instant plus terrorisé qu’un enfant et qui débarquait tête basse là où son instinct avait cru pouvoir trouver l’oreille attentive d’un ami pourtant disparu. Anwar pouvait presque s’imaginer la scène, Frank qui ouvrait la porte et lui offrait un regard soucieux, qui l’invitait à entrer et lui proposait une bière avant d’ouvrir la marche jusqu’au jardin de l’autre côté de la maison, qui s’asseyait à côté de lui en silence et attendait le temps nécessaire pour que le brun trouve les mots et forme les phrases qui se bousculaient dans sa tête, laissant libre court à un flots de paroles et d’angoisses qu’il n’aurait pas cherché à interrompre parce que Frank connaissait Anwar et savait que tout ce qu’il gardait au fond de lui était mieux dehors pour lui rendre les idées claires. Seulement lorsque le silence serait revenu, le rouquin aurait poussé un long soupir puis se serait autorisé une gorgée de bière avant de balancer un « Ah, Zehri. Faut toujours que tu fasses les choses à ta sauce, hein ? » pour désamorcer la nervosité de son ami, et malgré ses mains tremblantes et sa gorge nouée Anwar aurait laissé échapper un rire. Ils auraient peut-être discuté jusqu’au petit matin, et le brun n’aurait pas subitement trouvé de solution à ses problèmes entre deux bouteilles de houblon, mais Frank aurait su trouver les mots juste pour le rassurer, et le ton adéquat pour le mettre face à ses erreurs sans pour autant l’accabler comme un enfant après une bêtise. Ils auraient remué de vieux souvenirs, plaisanté en repensant aux premiers tâtonnements de Frank dans l’aventure de la paternité, et la brise de la nuit aurait été douce. Mais il pleuvait. Ils n’étaient pas au jardin, la maison n’était plus la même, la bière semblait n’avoir aucun goût, et Frank n’était plus là. Frank n’était plus là. « Tu dois leur dire la vérité. À tous les deux. » D’abord lointaine, la voix de Norah lui était revenue syllabe après syllabe jusqu’à le faire redescendre sur terre. « La moindre des choses que tu leur dois, surtout à Tarek, c'est d'être sincère. Pas d'attendre qu'il ne soit trop tard pour leur dire ce qu'il se passe. » Se retenant d’ironiser sur le fait que d’une manière ou d’une autre ils finiraient bien par être au courant si d’ici sept ou huit mois un nouvel habitant en couche venait squatter son appartement, Anwar avait laissé échapper un rire nerveux lorsque l’infirmière avait ajouté « Je suis pas certaine que ton ex ait à dire quoi que ce soit, même si les papiers de divorce ne sont pas signés. » Elle ne connaissait pas Joe et sa mauvaise foi, Joe et sa tendance à s’offusquer même lorsqu’elle ne devrait pas. « Comme si c’était ce qui allait l’empêcher de me faire une scène. » Et Anwar ne lui en tiendrait même pas rigueur : il n’aurait probablement pas réagi dignement dans la situation inverse, incapable de retenir la jalousie mal placée qui l’animait déjà chaque fois qu’il imaginait la blonde avec un autre. « ... Même si c'est une sacrée nouvelle. » avait en tout cas fini par admettre Norah d’un ton incertain, remettant une mèche de cheveux derrière ses oreilles. « Tu ne sais pas ce que tu vas faire uniquement par rapport à Tarek et ton ex ? Ou pour toute la suite des événements ? » La vérité ? Il ne savait même pas ce qu’il ferait dans les heures et les jours à venir, la nouvelle venait de lui retirer toute capacité à se projeter de quelque manière que ce soit. « J’ai eu approximativement … sept heures pour digérer l’information. » qu’il avait alors nerveusement répondu après un furtif coup d’œil à sa montre. « J’ai pas encore réfléchi au reste. » La suite des événements, rien que la formulation lui donnait des bouffées d’angoisses. Il ne pouvait pas commencer à réfléchir à ce que seraient les – au minimum – dix-huit prochaines années de sa vie, c’était trop pour lui, c’était trop d’informations d’un seul coup. « C'est pas moi qui vais te faire la morale, Annie. » Le ton laissait deviner qu’elle n’en pensait pas moins, mais il lui était malgré tout reconnaissant de ne pas enfoncer de portes ouvertes. « Avant de penser à Tarek, à ... comment il réagirait. Commençons par toi. Toi, tu te sens comment par rapport à ça ? C'est vraiment la peur de leur réaction qui te met dans cet état ? C'est le bébé en lui-même ? C'est quoi ? » La question de Norah, qui en avait profité pour s’installer un peu plus confortablement au fond du canapé, avait laissé l’inspecteur interdit. Ces sept heures-là il les avait passées à s’inquiéter du ressenti des autres – celui de son fils, essentiellement – et à envisager les choses d’un point de vue purement pratique … À aucun moment il n’avait pris le temps de réfléchir à ce qu’il ressentait. « Je sais pas, je … » Nerveusement à nouveau, il avait recommencé à faire tourner sa bière entre ses doigts, enivré bien plus par le tourbillon de questions et de contradictions qui se bousculaient dans son esprit que par les quelques gorgées déjà avalées. « J’ai pas … Je pensais pas … C’est pas l’image que je me faisais d’un potentiel deuxième enfant. » Pour le peu qu’il y ait déjà réfléchi, et cela ne pesait déjà pas lourd. Il ne pensait déjà pas remettre le nez dans les couches, de quelque manière que ce soit. « C’est pas comme ça que j’aurais voulu que ça se passe. » Il aurait préféré quelque chose de simple. Quelque chose qui coulait de source, quelque chose qui soit véritablement l’expression d’un choix et d’une envie profonde qu’il aurait partagée avec quelqu’un … « C’est bête. Je sais pas ce que j’espérais d’autre. » D’admirer la simplicité et la sincérité d’histoires comme celles de Frank et Norah ne signifiait pas qu’il pouvait subitement espérer jouer dans la même catégorie. Poussant un soupir, Anwar avait secoué la tête en gardant cette dernière réflexion pour lui et pris une grande gorgée de sa bière, n’osant croiser à nouveau le regard de Norah que plusieurs secondes plus tard. « Tu sais déjà comment tu envisages les choses par la suite ? » Presque soulagé de trouver au moins une question à laquelle apporter une réponse, il avait secoué doucement la tête « J’ai pas eu mon mot à dire sur la décision de le garder ou non, je suppose que ça au moins c’est réglé. » Amertume à peine dissimulée face à la volonté déjà naissante de Lene à le mettre de côté, il n’avait pas l’intention de se laisser faire pour autant, n’en déplaise à la concernée. « Pour le reste j’en ai aucune idée … Je sais même pas comment vont se passer les huit mois à venir, et si je vais devoir les passer à me battre pour le moindre petit début de place dans la vie de ce … bébé. » C’était la première fois qu’il prononçait ce mot à voix haute, et sans qu’il ne puisse l’expliquer il s’était senti envahi d’une vague d’émotion totalement inattendue, et qui avait fait trembler son menton un quart de seconde avant qu’il ne se reprenne. « J’ai pratiquement pas pu approcher la mère de Tarek pendant sa grossesse, ses parents m'en ont empêché ... J’ai pas envie que ces prochains mois soient une bataille qui n’en finit pas. » Malheureusement pour lui, son inconscient semblait avoir un goût prononcé pour les emmerdeuses, lorsqu'il s'agissait de pondre un mouflet.
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| | | | (#)Sam 16 Nov 2019 - 7:17 | |
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La différence d'âge ayant surtout influencé, Frank portait toujours un regard protecteur sur son co-équipier. Il le considérait et le respectait énormément, il était devenu bien plus qu'un collègue; son meilleur ami. Il répondait toujours présent dès qu'il avait besoin de parler alors qu'il peinait déjà à équilibrer sa vie entre son aspect personnel et professionnel. Sa complicité devait énormément manquer à Anwar, même dans son quotidien. Au delà de la culpabilité qui le pesait parce qu'il avait été là et qu'il n'avait pas pu le sauver, qu'il n'avait toujours pas trouver son meurtrier, il avait aussi perdu tout le reste. Un vide bien difficile à combler, et qui l'était tout autant pour l'épouse Lindley. Celle-ci donnait son avis après avoir pris le temps d'écouter et d'encaisser la nouvelle. Ses mots étaient peut-être un peu trop crus, mais on la connaissait bien pour sa franchise. Il ne s'agissait là que de conseil, à lui de voir s'il allait en tenir compte ou pas. Selon elle, il serait plus judicieux de l'annoncer à ses proches le plus rapidement possible, car la situation ne pourrait que s'empirer s'il mettait par exemple Tarek devant le fait accompli. Qui sait, peut-être qu'il allait finalement prendre la nouvelle relativement bien. "Et pourquoi elle te ferait une scène ?" lui demanda-t-elle en arquant un sourcil. Norah ne cautionnait pas totalement la situation d'Anwar à ce sujet, mais elle la respectait. S'il parvenait à gérer et à être plus serein comme ça, ainsi soit-il. Cependant elle ne comprenait pas pourquoi son ex (sans vraiment l'être sur le papier) ferait tout un cirque en apprenant que l'inspecteur devienne à nouveau papa. Norah tentait de digérer aussi la nouvelle de son côté, ignorant comment elle devait le prendre et surtout ce qu'elle pouvait faire de plus pour lui que de l'écouter et d'encaisser. "Sept heures ?" répéta-t-elle, surprise. Ah oui, il venait vraiment tout juste de l'apprendre. Elle supposait que son premier réflexe était de venir ici. A force de réflexion, Norah prenait de plus en plus en considération le fait que ce n'était pas elle que son ami voulait initialement voir. "Tu as encore un peu de temps devant toi." Même si les jours, les semaines, les mois défilaient à folle allure. "Il y a un temps imparti, certes, mais laisse-toi le temps de te poser et y réfléchir, sans prendre de décision hâtive, sur un coup de tête." Parce qu'après, à rattraper, c'était bien plus compliqué. Anwar semblait être véritablement perdu, comme s'il n'avait envisagé réitérer l'expérience. Et pourtant, le voilà, avec une responsabilité supplémentaire sur ces épaules. Norah aurait pu le sermonner sur comment il en était arrivé là et il savait très bien ce qu'elle en pensait. Mais c'était fait et il n'y avait pas de machine arrière, c'est pourquoi elle ne comptait pas tourner le couteau dans la plaie, ça n'aurait rien de constructif. Alors autant le questionner sur le reste, pour qu'il mette en place ses propres réflexions, que la machine se mette en route, pour l'aider à y voir plus clair. La manière de penser de Norah était très stratégique, très ficelé. Elle avait différentes méthodes qu'elle adaptait selon les situations rencontrées. Elle renfermait la plupart de ses émotions justement pour qu'elle puisse rester le plus objectif possible. Cependant, ses engrenages commençaient à s’effriter par de multiples raisons et il lui arrivait de ne plus avoir les idées claires; ce qui la frustrait au possible. Frank avait le même genre de tête pensante. Lui aussi aurait demandé à Anwar comment il se sentait personnellement par rapport à la nouvelle. A en voir son regard interloqué, le brun n'y avait absolument pas songé. Et force est de constater qu'il n'avait pas de réponses à ses questions. La belle brune se tournait légèrement vers le côté afin de pouvoir appuyer son coude contre le haut du dossier du canapé, la tête posée sur la paume de sa main. "Tu y avais songé, d'en avoir un deuxième ? Pas dans le contexte tel qu'il est maintenant, mais... Si ça avait différent avec cette nana, ou même une autre, tu l'aurais envisagé ?" Norah était assez curieuse de le savoir, car ce n'était typiquement pas le genre de sujets qu'ils abordaient ensemble. Tout comme elle s'était gardée de dire après coup que les Lindley voulaient agrandir leur famille. A moins que Frank ne lui en ait parlé durant leurs heures de travail. L'annonce ayant à peine été faite, Anwar avait déjà rencontré des difficultés qui le contrariaient au possible. "Sérieux ?" dit-elle, amère à son tour que la mère de l'enfant. Plutôt culottée. Même si l'enfant n'était pas désiré, Norah savait qu'Anwar prenait son rôle très au sérieux, tout comme il l'avait été quand il s'agissait d'élever Tarek. "Tu sais déjà qu'elle comptait garder le bébé. Mais quand elle te l'a annoncé, est-ce qu'elle t'a dit, ou sous-entendu, comment elle, elle voyait la suite par rapport à toi ?" Ou n'importe quelle insinuation qui aurait pu le mettre sur la piste même s'il avait déjà l'annonce à assimiler à ce moment-là. Norah pensait que tout était encore flou pour lui, qu'il était encore dans une phase où il lui était difficile de faire la part des choses. Elle ne voyait néanmoins pas en quoi elle pouvait l'aider, si ce n'est de l'écouter et de lui ouvrir la porte dès qu'il en avait besoin. "C'est pas vraiment moi à qui tu aurais voulu parler ce soir, pas vrai ?" lui demanda-t-elle de façon très rhétorique, car elle connaissait déjà parfaitement la réponse à la question qu'elle venait de poser. Elle avait marqué une longue pause avant de se décider à le dire. Ce n'était pas évident pour elle non plus de l'admettre. "Frank aurait été de meilleur conseil que moi." admit-elle. Norah avait parfois des avis bien tranchés, frôlant un léger pragmatisme que son mari parvenait à comprendre. Lui aussi l'était parfois, mais il parvenait à comprendre Annie mieux que personne et arrivait à considérer (avec sérieux tout de même), chaque situation avec une légèreté qui avait quelque chose de particulièrement apaisant. Il était parfois un homme de peu de mots, mais l'aura qu'il dégageait, par un simple regard, un simple sourire, valait bien plus que n'importe quel discours. "Si je pouvais échanger ma place contre la sienne, je te jure que je le ferai." souffla-t-elle la gorge serrée et les yeux brillants d'une profonde tristesse, désemparée et frustrée de ne pas se sentir capable de faire plus pour lui. Ce n'était pas le genre de paroles à prendre à la légère quand elles sortaient de la bouche de Norah. Bien sûr que c'était impossible, mais si l'on considérait ce monde avec un tant soit peu de magie qui offrait ce genre de possibilités, elle n'hésiterait pas un seul instant. Autant la vie sans Frank lui semblait de plus en plus insupportable – encore plus lorsque la date anniversaire de sa disparition approchait à grand pas –, autant elle était persuadée que son feu mari aurait bien mieux su gérer la perte de Norah. C'était peut-être une pensée égoïste, ou désespérée, mais elle lui traversait parfois l'esprit. Avec tous ces verbes conjugués au conditionnel, avec tous ces "et si". Mais Anwar aurait toujours eu son coéquipier. Frank n'aurait plus été le même, c'était certain, mais il aurait su quoi faire avec le brun. Oui, Norah persistait à croire qu'il aurait fait tout ce qu'elle avait accompli bien mieux qu'elle. Elle faisait en sorte de mettre de côté ce genre de pensées, ça ne servait à rien, cela ne lui causait qu'une torture supplémentaire. Elle avait beau être dans le soin, également douée, à sa propre manière, d'écouter les patients, de répondre à leurs demandes et à leurs besoins. Mais elle se sentait désarmée face à Anwar, qui ne cherchait finalement peut-être qu'une présence, une épaule sur qui se reposer. Norah avait bon espoir qu'il savait qu'il pourrait toujours compter sur elle. Un long silence s'était à nouveau imposé, le temps de mettre de côté ses propres problèmes pour se concentrer sur celui du policier ; la raison principale de sa venue. "Tu n'es pas seul, Annie." Elle ne savait pas trop s'il avait été bien entouré quand il avait le nez dans les couches pour Tarek, mais il serait pour ce bébé en devenir. "Je suis là." Pour ce que ça vaut, étant donné qu'elle devenait de plus en plus l'ombre d'elle-même. "Et je t'aiderai d'autant que je le peux." lui assura-t-elle avec un léger sourire. "Il paraît que je suis plutôt douée avec les enfants." Malgré la neutralité de son ton, Anwar pouvait deviner qu'elle plaisantait. "On verra ensemble ce qu'on peut faire pour que tu puisses avoir ta place pendant la grossesse." C'était en soi une bonne chose pour la mère de choisir de reconnaître ou non le père. Dans certains cas, c'était pour la protéger elle et l'enfant. Mais l'inspecteur ne faisait certainement pas partie de ceux qui avaient besoin de faire du mal autour de soi pour une raison ou pour une autre. Le bébé était inattendu, non voulu. Et Norah ressentait un profond respect à son égard du fait qu'il soit prêt à se battre et à assumer ses responsabilités. Pas comme certains hommes qui étaient de véritables enfoirés à préférer se délaisser de leur compagne dès lors qu'elle était enceinte. (la soignante avait un avis bien tranché pour ce type d'énergumènes). Les efforts qu'allaient naturellement fournir Anwar, elle espérait que son futur enfant le sache. Parce que si c'était le cas, ce bout de chou allait lui rendre tout autant d'amour et de reconnaissance au centuple.
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| | | | (#)Mar 19 Nov 2019 - 14:06 | |
| Il n’avait pas senti le besoin de répondre lorsque Norah lui avait demandé « Et pourquoi elle te ferait une scène ? » comme si cela tombait sous le sens. Il savait qu’elle en ferait une, leur mariage n’était pas un exemple de réussite mais il pouvait au moins se targuer de la connaître depuis suffisamment longtemps pour pouvoir anticiper ce genre de choses : elle en ferait une, parce qu’ils n’avaient jamais été capables de communiquer autrement que comme ça, et qu’aux yeux de tous leurs voisins ils étaient toujours passés pour ce couple en crise incapable de cohabiter plus d’une semaine sans que le ton ne finisse inexorablement par monter. Le brun s’était d’ailleurs toujours demandé de qui Tarek pouvait bien tenir son tempérament placide – pas de ses parents, ni des parents de sa mère en tout cas. Anwar aimait se dire qu’il le tenait peut-être de sa mère à lui, mais il avait conscience que de n’en avoir aucun souvenir faisait qu’il idéalisait probablement un peu trop l’image qu’il se faisait de celle qui l’avait mis au monde. Et c’était ça, ce schéma familial déjà bancal qu’il s’apprêtait à déséquilibrer un peu plus en devenant à nouveau père dans des circonstances qu’il estimait ne pas être idéales … Elles ne le seraient jamais, pas même lorsqu’il aurait pris le temps de digérer un peu mieux cette information capitale et de rationnaliser toutes les conséquences qui viendraient avec. « Sept heures ? » Sept heures, oui, et avec la surprise de Norah l’impression pour Anwar d’admettre n’être là que parce qu’il avait égoïstement besoin d’en parler à quelqu’un et de poser des mots sur la situation, pour commencer à l’appréhender. « Tu as encore un peu de temps devant toi. Il y a un temps imparti, certes, mais laisse-toi le temps de te poser et y réfléchir, sans prendre de décision hâtive, sur un coup de tête. » Silencieusement, et les doigts se cramponnant toujours à sa bière comme à une bouée de sauvetage de fortune, il avait acquiescé en silence et pris le temps de quelques inspirations pour se répéter tout cela intérieurement et tenter de calmer le fond de panique qui ne l’avait pas quitté depuis qu’il avait quitté son appartement. Norah avait raison, il avait encore du temps. Et en même temps pas du tout … Huit mois, à l’échelle d’une vie, ce n’était qu’un grain de poussière. Mais un grain de poussière qui allait absolument tout changer. « Tu y avais songé, d'en avoir un deuxième ? » avait finalement questionné la brune, lorsqu’il avait sans grand succès tenté de mettre des mots sur ce qu’il aurait aimé être les circonstances de l’arrivée d’un autre bambin dans son existence. « Pas dans le contexte tel qu'il est maintenant, mais ... Si ça avait différent avec cette nana, ou même une autre, tu l'aurais envisagé ? » D’abord Anwar s’était mordu la langue avec l’air de véritablement réfléchir à la chose, mais en réalité la réponse à cette question il la connaissait déjà. « Je sais pas … Je pense pas. » Il ne pouvait pas être sûr de lui, cela restait des suppositions et hypothèses, mais c’était le sentiment qu’il avait à l’instant T. « Peut-être que si j’avais rencontré la bonne personne … et qu’elle avait vraiment voulu un enfant. Ça aurait été une possibilité. Mais je pense pas que c’est quelque chose que j’aurai réclamé. » Pas qu’il ne se soit pas épanoui dans son rôle de père la première fois ; Tarek restait la plus grande de ses fiertés. Mais pour autant, il n’avait ressenti l’urgence de vouloir réitérer l’expérience une seconde fois. « Tu vas trouver ça très égoïste de ma part … Mais avec Tarek qui est indépendant, et sa mère et moi qui ne vivons plus ensemble, j’avais l’impression de pouvoir souffler un peu. De n’avoir plus que moi-même à gérer. Les couches, les cauchemars, l’école, les devoirs, tout ça je pensais que c’était derrière moi. » Et sans toute cette histoire il se serait contenté d’y repenser avec nostalgie, mais certainement pas avec regret. Comme quoi la vie, parfois. Reste que puisque « le mal » était fait, il semblait impensable pour le brun des rester sur la touche et de ne pas agir comme un père en bonne et due forme pour cet enfant à venir. C’était paradoxal, cette façon dont il aurait préféré de Lene qu’elle ne tombe jamais enceinte, mais dont il lui semblait malgré tout hors de question de ne pas s’impliquer autant dans cette grossesse et tout ce qui suivrait que si elle avait été un choix éclairé. Et là se dressait le premier problème, puisque la future mère avait déjà brûlé la première étape sans se soucier de l’autre moitié d’ADN concernée. « Sérieux ? » Sérieux. Et il était déjà parait-il bien chanceux qu’elle ait décidé de le mettre au courant en premier lieu, dixit la principale intéressée. Mais Anwar préférait ne pas se lancer dans un débat sur l’avis masculin dans l’existence d’un futur enfant, au risque de se voir encore brandir la pancarte du féminisme comme s’il impliquait aussi que le géniteur n’avait pas d’avis à avoir, et encore moins à donner. « Tu sais déjà qu'elle comptait garder le bébé. Mais quand elle te l'a annoncé, est-ce qu'elle t'a dit, ou sous-entendu, comment elle, elle voyait la suite par rapport à toi ? » S’il avait une certitude, c’était que Lene n’était pas le genre à faire des sous-entendus. Il fallait au moins lui reconnaître cela, la jeune femme n’avait pas la langue dans sa poche et disait les choses comme elles les pensaient – un trait de qualité selon Anwar, du moins dans la plupart des cas. Pas de sous-entendus, donc, mais rien qui ne soit une réponse convaincante à apporter à la question de Norah non plus. « Je crois qu’elle-même n’en a aucune idée. Ça a l’air d’être le genre qui ne veut rien devoir à personne, elle ne compte même pas en parler à sa famille. » Rien d’étonnant donc, à ce que la présence d’Anwar soit plus une épine dans son pied qu’une bonne nouvelle, à première vue. Et pour il ne savait quelle raison, il s’était bien gardé de préciser à l’infirmière qu’il suffisait de suivre un peu l’actualité politique du Queensland pour tomber sur le nom du père de Lene au détour d’un article de presse – élogieux ou non, selon qui signait le papier. « Je lui ai dit que j’allais essayer de pas la brusquer. » avait-il plutôt repris à propos de la future mère. « J’veux dire, je comprends qu’elle flippe. » Il se rappelait de l’état dans lequel il était vingt ans plus tôt, et de l’état dans lequel était Joe, et quand bien même Lene n’était pas une adolescente propulsée malgré elle dans l’âge adulte il pensait avoir une brève idée de tout ce qui pouvait lui passer par la tête. « Mais je peux pas la laisser s’imaginer qu’elle va pouvoir prendre d’autres décisions sans me laisser voix au chapitre … C’est mon problème autant que le sien. » Et c’en était aussi un autre, dans l’immédiat, de considérer un futur enfant comme un problème … Ce n’en serait pas éternellement un, le brun était capable de s’en persuader, mais à J+1 seulement de la perspective d’être père à nouveau, son unique certitude résidait encore dans le fait que ce n’était pas du tout ainsi qu’il imaginait 2020. Mais encore une fois la vie, parfois. A nouveau le silence s’était installé, Anwar sirotant sa bière maintenant presque tiède d’un air absent, Norah semblant le regarder mais le brun sachant pertinemment que son esprit était loin à elle aussi, perdu dans des pensées qu’elle n’aimait pas partager et qu’il n’avait, ce soir, pas le courage d’essayer de sonder. Un autre soir peut-être, mais pas celui-là ; On était rarement d’une grande aide quand on n’avait pas soi-même l’esprit clair. La question, mais aussi le ton sur lequel elle avait demandé « C'est pas vraiment moi à qui tu aurais voulu parler ce soir, pas vrai ? » lui avaient pourtant collé la chair de poule, celle désagréable qui vous serrait le ventre en plus de vous donner froid. « Frank aurait été de meilleur conseil que moi. » Penaud, relevant les yeux vers elle sans oser la contredire, il se demandait si elle hasardait ou s’il était simplement à ce point prévisible ; Si le fait qu’il était perdu sans Frank se voyait à ce point comme le nez au milieu de la figure, ou si ce n’était que parce qu’elle aussi était perdue sans lui. Son ami lui manquait. Pas autant qu’il ne manquait à Norah, pas autant qu’il ne manquait à ses enfants sans doute, mais il lui manquait, et cette paternité imprévue ce n’était au fond qu’une chose de plus à ajouter à la liste de ce que les deux hommes n’auraient plus l’occasion de partager. Loin d’être d’un quelconque réconfort pourtant, le « Si je pouvais échanger ma place contre la sienne, je te jure que je le ferais. » murmuré par Norah par la suite n’avait fait que lui coller un frisson supplémentaire – parce qu’elle le pensait, il en était certain, et c’était sans doute le pire. « Dis pas des choses comme ça Norah … » Le ton, malgré le murmure avec lequel il s’était exprimé, était sérieux comme rarement et après avoir secoué la tête Anwar s’était tourné de moitié sur le canapé pour faire entièrement face à la brune. « C’est injuste cette situation. On est tous d’accord là-dessus. Mais ça ne le serais pas moins si c’était toi, ou si c’était moi, ça serait toujours injuste pour quelqu’un … Ça ne sert à rien de te torturer. » Et c’était tellement plus facile à dire, alors qu’il ne valait pas mieux. Combien de fois se l’était-il dit lui aussi qu’il aurait échangé sa place sans hésiter, que son fils à lui était grand et que Julie et Aidan avaient bien plus besoin de leur père, et que c’aurait été plus simple pour tout le monde. Il se torturait lui aussi, mais d’imaginer Norah en faire autant lui était insupportable. Gardant le silence, cette dernière avait ravalé ses larmes et renvoyé la balle, assurant « Tu n'es pas seul, Annie. » à un Anwar qui se sentait maintenant bien bête d’avoir ajouté à l’infirmière un souci supplémentaire. « Je suis là. Et je t'aiderai d'autant que je le peux. Il paraît que je suis plutôt douée avec les enfants. » La précision, lancée sur le ton de la plaisanterie, était néanmoins parvenue à lui arracher un rire teinté de tristesse. Mais Norah en faisait déjà bien assez, et alors qu’elle ajoutait « On verra ensemble ce qu'on peut faire pour que tu puisses avoir ta place pendant la grossesse. » Anwar savait bien, lui, qu’il devrait régler ce souci-là seul ; C’était son problème autant que celui de Lene. Mais ce n’était pas celui de Norah, et le brun ne voulait pas qu’il le devienne. « Je suis un grand garçon, va. » avait-il alors commenté à son tour sur le même ton vague de la plaisanterie. « Je crois que j’avais juste besoin d’en parler à quelqu’un. Pour rendre tout ça … réel, tu vois ? » Et si cela paraissait en effet d’autant plus vrai maintenant qu’il l’avait énoncé à voix haute, Anwar avait paradoxalement le sentiment d’être moins perdu qu’à son arrivée chez Norah. « Merci. » avait-il alors simplement rajouté, de toutes jeunes rides creusant le coin de ses yeux lorsqu’il y avait ajouté un sourire. « Et toi non plus, tu n’es pas seule. À n’importe quelle heure, tu te rappelles ? » À n’importe quelle heure, c’était la formule exacte utilisée par Anwar la première fois qu’il avait laissé Norah après les obsèques de Frank, et qu’il avait promis de rappliquer à la seconde où elle appellerait. Il l’avait déjà fait, et il continuerait de le faire aussi longtemps qu’elle aurait besoin de lui – pas simplement parce qu’il pensait le devoir à Frank, mais parce qu’il leur devait à elle, à Julie et à Aidan. « Viens. » Pas des plus démonstratifs par nature, le brun avait pourtant attiré l’infirmière dans une étreinte dont l’un et l’autre semblaient à cet instant avoir besoin – sans doute un de ces moments ou un geste valait mille mots.
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| | | | (#)Lun 25 Nov 2019 - 8:45 | |
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La nouvelle apprise toute fraîchement, Anwar ne semblait avoir trouvé d'autres refuges que la maison Lindley. Pas même une enquête pour lui changer les idées ou un verre de boisson alcoolisée (Norah s'en doutait). Juste une présence, quelqu'un avec qui il pourrait discuter, évacuer un peu ce trop plein d'émotions et de stress pour s'éclaircir les idées et aller de l'avant. Et Frank, qu'est-ce qu'il dirait, lui ?, se demandait-elle de temps en temps. Il lui avait déjà fait la remarque qu'Annie avait un don tout particulier pour se retrouver dans des situations pas possibles et qu'il se chargeait de sauver ce qui était à sauver. Mais il n'en était jamais agacé, au contraire. C'était un trôle qu'il avait toujours pris à coeur. Mettant à part des pensées qui lui ferait broyer du noir à force d'y songer, elle préférait le questionner sur le fait d'être parent, si, dans d'autres circonstances, il aurait bien voulu avoir un deuxième enfant. La réponse n'était pas entièrement négative, mais de nombreuses conditions étaient à remplir. Conditions qui n'étaient absolument pas présentes avec l'aventure qu'il avait pu avoir et qui avait laissé un bébé surprise en guise de conclusion de leur nuitée. Anwar pensait être égoïste en se disant être débarrassé de tous les inconvénients qu'apportaient un bébé dans sa vie. Il y avait de la fierté, à voir son petit gagner en autonomie, mais aussi un sentiment de liberté. Moins de contraintes. "Je pense qu'au fond, tous les parents ressentent plus ou moins la même chose." Pas Norah. Dans son cas, savoir que ses enfants avaient encore besoin d'elle lui apportait du soulagement. "Je comprends que tu ne veuilles pas retomber dans les couches. Mais mis à part ça, pense à tout ce qu'un petit bout de chou peut t'apporter." On entendait les parents parlait de toutes les contraintes que leur apportait la venue d'un enfant. Les premiers mois d'Aidan avaient été loin d'être simples, tout comme la suite d'ailleurs, dans d'autres mesures. "Je sais pas s'il t'en a déjà parlé, maiis Frank était flippé comme tout avant Julie. Il était pas forcément très très partant pour avoir un enfant si peu de temps après le mariage mais j'ai tellement insisté qu'il ne pouvait qu'accepter." Surtout que Norah savait très bien user de son charme avec son feu mari. "Mais je peux comprendre que ce bébé surprise chamboule tout ce que tu aurais pu prévoir pour la suite." Elle ignorait quelles étaient les projets de son ami et il s'était toujours bien gardé de dire que depuis la disparition de Frank, l'un de ses objectifs principaux était de mettre la main sur son meurtrier. Malgré cela, ses réflexions semblaient avoir déjà bien mûries. Car même si la nouvelle n'avait été annoncée que sept heures plus tôt, il semblait déjà avoir assimilé le fait qu'il allait bientôt vivre avec un nouveau bébé dans les bras. Cela dit, la relation entre la mère de l'enfant et lui semblaient plutôt complexe (mais autrement compliqué que celle avec son ex-femme). Norah arqua un sourcil lorsqu'il lui faisait part des intentions de la future maman. "Et comment compte-t-elle le leur dissimuler ?" lui demanda-t-elle, perplexe. "J'veux pas dire, mais au bout d'un moment, ça se voit un peu quoi." Le ton était à peine ironique. A sa parole, elle avait joint la rondeur du ventre d'une femme enceinte. Elle aurait bien dit que la poitrine gonflait pas mal aussi, mais elle se voyait mal la saisir sous le regard du brun. "A moins qu'elle ne soit pas vraiment en contact avec eux." Ce n'était qu'une supposition comme une autre. Norah n'avait en commun avec l'inconnue qu'Anwar, et rien d'autre. Elle ne savait absolument rien d'elle. Anwar avait la ferme intention de s'imposer dans le devenir de cet enfant, et par conséquent, dans la vie de la jeune mère dans les prochains mois. "Toi aussi, tu es flippé." répondit doucement Norah avec un sourire discret. Elle ne le jugeait pas, loin de là, mais vu son regard perdu et le besoin urgent de venir en parler avec elle au beau milieu de la nuit, il avait clairement besoin de laisser sortir ce trop plein de stress accumulé au fil des dernières heures. "Je suis contente d'entendre que tu comptes t'imposer." Il gardait en tête le bien-être de l'enfant, le fait qu'il aura également un père avec qui grandir. "Qu'importe le tempérament, ça peut rassurer n'importe quel nana qui ne s'attendait pas à avoir un polichinelle dans le tiroir." Il arrivait même que les jeunes pères fuyaient leur moitié à ce moment-là– ce n'était clairement pas le cas d'Anwar. Il prenait déjà beaucoup à coeur ses responsabilités. Après un long moment silencieux, Norah avait prononcé quelques mots qui avait glacé le sang de l'inspecteur. Il était d'autant plus secoué de l'entendre dire qu'elle échangerait volontiers sa place contre celle de Frank. L'idéalisant au possible , elle était persuadée qu'il aurait bien mieux surmonter son deuil et gérer son quotidien qu'elle. Anwar n'acceptait pas le fait qu'elle puisse avoir des pensées pareilles, tentant de la raisonner en lui disant que n'importe qui aurait pu mourir ce jour-là que ce serait injuste pour tout le monde. "J'aurais quand même voulu qu'il soit là pour toi." Elle aurait voulu qu'il soit là tout coeur. Ils vivaient chacun son absence comme ils le pouvaient. Vivre au quotidien avec cette même souffrance commençait à lui être difficile, mais elle ne l'admettrait jamais. Norah préférait laisser ses pensées un peu derrière en recentrer le sujet de leur conversation sur Anwar. Elle voulait qu'il sache qu'elle pouvait compter sur lui. L'inspecteur tentait de maintenir le ton de la légèreté induite par Norah, lui assurant qu'il saurait se débrouiller. "Je vois ce que tu veux dire, oui." lui assura-t-elle avec un sourire compatissant. "Mais je veux quand même que tu viennes vers moi si tu as besoin d'un coup, pas que tu hésites." Norah s'en sentait capable, ne réalisant toujours pas son degré d'épuisement. Elle voulait aider, se trouvant par là peut-être une autre raison de supporter son quotidien déjà bien difficile. Il la remerciait humblement, alors qu'elle ne pensait pas avoir fait grand chose pour lui. "C'est normal." Le brun jugeait bon de lui rappeler une phrase qu'il lui avait déjà répété plus d'une fois depuis la disparition de Frank. Qu'il utilise toujours les mêmes mots, dans le même ordre, avec le même ton, impactait toujours Norah. Elle croisait son regard avec le sien, profondément touchée qu'il tienne encore autant à sa promesse. A n'importe quelle heure. Elle ne l'avait jamais vraiment sollicité au beau milieu de la nuit, et pour le peu de fois où elle demandait son aide (principalement pour garder pendant un temps imparti ses enfants ou pour l'aider un monter un meuble à la maison par exemple), il avait toujours répondu présent. Toujours. Sans s'y attendre, Anwar la prit dans ses bras. Il fallait attendre quelques secondes avant qu'elle ne pose à son tour ses mains sur son dos. Là, elle se permettait de relâcher un peu de pression, elle se permettait de laisser reposer sa tête sur son épaule et de fermer les yeux. Juste quelques secondes. Elle prolongeait même volontiers l'étreinte. Norah n'était pas non plus des plus tactiles qui soit, du moins, depuis quelques années. Ce genre de marque d'affection, elle en avait avant tout de ses enfants. De son frère jumeau de temps en temps, et sinon... Alors être ainsi dans les bras d'une personne qui lui était chère lui faisait bien plus de bien qu'elle ne pouvait le penser. Enfiin, elle lâchait un peu son étreinte, échangeant avec lui un sourire gêné. "Merci." souffla-t-elle à son tour. Pour le câlin, pour sa présence, pour le fait qu'il ait songé à venir se confier à elle. "J'espère qu'après une nuit de sommeil, ça restera toujours tout aussi réel pour toi." On disait toujours que la nuit portait conseil, mais pas toujours. "Et si jamais c'est le cas, t'auras qu'à venir prendre le petit-déjeuner." lui dit-elle avec un léger sourire. "Même si tu t'en souviens d'ailleurs, tu peux quand même venir, j'en connais deux qui seraient ravis de te voir quand ils se lèveront demain matin. Ou tu peux même rester dormir ici, vu l'heure qu'il est." Elle ne savait pas quelle heure il était, mais il était certain qu'il devait être très tard. Norah n'avait pas de chambre d'amis, privilégiant le fait que chacun de ses deux enfants ait sa propre chambre. Mais il y avait toujours le canapé, en cas de force majeure, qui était assez confortable pour un petit somme, ça, Norah pouvait le certifier. "C'est sûrement trop tôt pour le dire, mais... Tu sais, qu'importe comment sera ce petit bout de chou, il ou elle a déjà beaucoup de chance de t'avoir comme père." Il suffisait de voir ce qu'il était advenu de Tarek, du beau jeune homme qu'il était devenu, de sa réussite professionnelle, de son bonheur. "Je me doute bien que c'est pas ça qui va te rassurer, ou qui va te faciliter la tâche. Mais c'est important que tu le saches et que tu en sois convaincu. Regarde Tarek. Tout ça, c'est grâce à toi." Norah ne mâchait pas ses mots et ne manquait jamais d'honnêteté (sauf envers elle-même). Elle pensait véritablement ses mots, tout comme ceux qu'elle prononça ensuite. "Tu es un bon père, Annie."
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| | | | (#)Sam 14 Déc 2019 - 17:31 | |
| Il y avait de ces moments où Anwar retrouvait la sensation de se sentir en décalage, d’être assailli par des préoccupations et des réalisations qui ne cadraient pas avec son âge et celui des gens qui constituaient son entourage. Au ton employé par Norah pour assurer « Je pense qu'au fond, tous les parents ressentent plus ou moins la même chose. » on comprenait qu’elle supposait, mais que la sensation lui était en réalité inconnue. Et rien de plus normal, puisque ses enfants étaient encore à un âge où ils dépendaient d’elle au quotidien, et où leur indépendance future n’était qu’une perspective lointaine. Anwar, lui, avait dépassé ce stade voilà un moment, et l’idée d’un deuxième enfant lui donnait la sensation d’un retour en arrière qu’il n’avait certes pas prévu, mais surtout pas particulièrement espéré. Tentant l’approche du verre à moitié plein, l’infirmière avait ajouté « Je comprends que tu ne veuilles pas retomber dans les couches. Mais mis à part ça, pense à tout ce qu'un petit bout de chou peut t'apporter. » avec bienveillance, Anwar tentant un sourire maladroit en guise de réponse sans oser avouer que pour l’heure, cela ne suffisait pas à compenser le négatif de la balance. « Je sais pas s'il t'en a déjà parlé, mais Frank était flippé comme tout avant Julie. Il était pas forcément très partant pour avoir un enfant si peu de temps après le mariage mais j'ai tellement insisté qu'il ne pouvait qu'accepter. » Non seulement Frank lui en avait déjà parlé, mais la brune n’avait pas conscience du raz-de-marée de doutes dont il s’était fait l’oreille attentive avant, pendant et après la naissance de Julie, puis d'Aidan. Alors seul exemple de paternité de son cercle amical, Anwar avait rassuré les angoisses du rouquin, fort de certitudes et d’astuces qu’il se sentait désormais bien incapable de réappliquer à sa propre situation ; C’était toujours tellement plus facile à dire qu’à faire. « Je sais tout ça, mais … » Mais ce n’était pas pareil, en définitive Frank était devenu père par choix, il s’agissait du projet de deux personnes qui s’aimaient … et cela faisait toute la différence, à ses yeux. « Mais je peux comprendre que ce bébé surprise chamboule tout ce que tu aurais pu prévoir pour la suite. » Penaud, le brun avait baissé les yeux, se sentant à nouveau parfaitement égoïste de raisonner ainsi et de reprocher à un être humain même pas encore né de débouler à ce qu’il considérait être le pire moment possible. Et de la pire des façons possibles, car malgré une vague tentative pour se rattraper et temporiser Lene n’avait pas appuyé sur les bons boutons pour lui faire envisager les choses sereinement. D’en parler permettait néanmoins au brun de prendre un peu de recul sur son échange avec la jeune femme, dont il avait de toute façon bien conscience qu’il ne la connaissait pour ainsi dire pas du tout et qu’il ne pourrait forger une opinion à son sujet qu’avec le temps, et une patience qu’il tenterait de cultiver au mieux. « Et comment compte-t-elle le leur dissimuler ? J'veux pas dire, mais au bout d'un moment, ça se voit un peu quoi. » avait de son côté demandé Norah en arquant un sourcil, perplexe et un brin sévère, lorsqu’Anwar avait évoqué le refus de Lene à impliquer un quelconque membre de sa famille dans cette histoire. « À moins qu'elle ne soit pas vraiment en contact avec eux. » Offrant un regard qui voulait signifier qu’elle avait visé juste, l’inspecteur avait haussé doucement les épaules. « La famille c’est toujours compliqué. Elle a probablement ses raisons. » Et le brun préférait encore les savoir hors du tableau, que présents et créant des problèmes. « Je pense pas que je me donnerai la peine d’informer mon père non plus. Pour ce qu’il en a eu à faire de l’existence de son petit-fils. » En dix-neuf ans Anwar n’avait eu de contacts avec son géniteur qu’à deux ou trois reprises, et jamais dans des termes vraiment positifs ou élogieux – pas de quoi se donner la peine de le tenir au courant de ce nouveau rebondissement en somme. Et sa liste de priorités était de toute façon actuellement toute autre. Pour commencer : « Toi aussi, tu es flippé. » Et ce n’était que le premier point de la dite liste, juste devant une volonté de battre le fer tant qu’il était chaud pour se faire une place dans cette histoire. « Je suis contente d'entendre que tu comptes t'imposer. Qu'importe le tempérament, ça peut rassurer n'importe quelle nana qui ne s'attendait pas à avoir un polichinelle dans le tiroir. » avait en tout cas conclu Norah d’un ton rassurant, et par peur de la décevoir sans doute le brun s’était bien gardé d’avouer qu’il le faisait pour lui avant de le faire pour Lene. « Je pourrais pas me regarder dans un miroir en sachant que j’ai un enfant dans la nature dont je me serais pas occupé … Je pourrais pas. » Elle en devinerait peut-être les raisons en filigrane mais lui ne saurait pas les formuler à voix haute, comme toutes ces autres blessures qui n’avaient cicatrisé que parce qu’il les avait gardées pour lui. Songeurs, et baignés par une mélancolie communicative qui les avaient laissé silencieux un long moment, les deux amis en étaient inévitablement venus à mentionner Frank, et le spectre que son absence continuait de faire planer sur tous les moments de bonheur où son rire aurait dû retentir et sur tous ceux de doute où sa sagesse aurait été la bienvenue. « J'aurais quand même voulu qu'il soit là pour toi. » qu’avait finalement soufflé Norah, et la gorge serrée Anwar n'avait pas eu le courage pour rectifier que lui aurait surtout voulu que Frank soit là pour voir grandir ses propres enfants. Au lieu de ça il avait terminé ce qu’il restait de sa bière et ravalé par la même occasion l’amertume teintée de larmes qui était venue lui emplir la bouche. Cédant à une légèreté forcée mais nécessaire, il avait rassuré, assuré qu’en lui laissant déballer ce qu’il avait sur le cœur elle avait déjà beaucoup fait – peut-être même trop, réalisait-il – et que pour le reste il tâcherait de se débrouiller tout seul, comme souvent. « Je vois ce que tu veux dire, oui. Mais je veux quand même que tu viennes vers moi si tu as besoin d'un coup, pas que tu hésites. » Touché par la bienveillance de Norah à son égard, quand bien même il ne doutait pas qu’elle jugeait peut-être sévèrement la situation en son for intérieur, il ne se sentait pourtant pas capable de promettre une telle chose, et s’en était tenu à un « D’accord. » qui ne l’engageait à rien. Des instants de faiblesse comme celui-ci Anwar s’en autorisait peu, habitué depuis vingt ans à se débrouiller seul pour prouver à qui en doutait qu’il n’avait besoin de personne – et Norah avait bien assez à faire avec ses propres enfants, et son propre deuil. C’était elle qui avait besoin qu’on l’aide et qu’on soit là pour elle, et cette promesse-là en revanche le brun entendait bien la tenir aussi longtemps qu’il le faudrait. L’attirant dans une éteinte qui, si elle n’était pas dans leurs habitudes ni à l’un ni à l’autre, leur avait finalement fait du bien à tous les deux, il avait senti la crispation dans les épaules de l’infirmière diminuer légèrement en même temps que disparaissait une infime partie de l’angoisse qui l’accablait lui-même lorsqu’il avait frappé à la porte de la maison. « Merci. » Murmurant tout en relâchant son étreinte, Norah avait relevé les yeux vers lui et proposé « J'espère qu'après une nuit de sommeil, ça restera toujours tout aussi réel pour toi. Et si jamais c'est le cas, t'auras qu'à venir prendre le petit-déjeuner. » avec un léger sourire. « Même si tu t'en souviens d'ailleurs, tu peux quand même venir, j'en connais deux qui seraient ravis de te voir quand ils se lèveront demain matin. Ou tu peux même rester dormir ici, vu l'heure qu'il est. » Un coup d’œil furtif à sa montre lui avait indiqué qu’il était minuit passé de quelques minutes, et bien que l’idée d’accueillir les deux petits au saut du lit soit tentante, Anwar avait préféré rester raisonnable et récliner « C’est gentil, mais je pense que je vais rentrer. » Il ne dormirait pas, il en était à peu près certain, mais après avoir fui son appartement toute la fin de journée après l’impression d’y étouffer, il avait maintenant envie de s’y réfugier pour réfléchir avec l’esprit un peu plus clair. Quittant l’un et l’autre le canapé, le brun avait abandonné sa bouteille vide sur la table basse tandis que Norah reprenait d’un ton doux « C'est sûrement trop tôt pour le dire, mais ... Tu sais, qu'importe comment sera ce petit bout de chou, il ou elle a déjà beaucoup de chance de t'avoir comme père. » Plus touché qu’il ne pouvait le dire, Anwar avait senti sa gorge se nouer à nouveau lorsqu’elle avait ajouté « Je me doute bien que c'est pas ça qui va te rassurer, ou qui va te faciliter la tâche. Mais c'est important que tu le saches et que tu en sois convaincu. Regarde Tarek. Tout ça, c'est grâce à toi. Tu es un bon père, Annie. » Il n’en avait pas la certitude, et seul son fils pouvait véritablement le savoir au fond, mais ces vingt dernières années le brun avait en tout cas tenté de faire au mieux, et tout fait pour que Tarek devienne un adulte heureux, un adulte épanoui, peu importe que les conditions dans lesquelles il était venu au monde n’aient pas été idylliques. « J’espère … J’essaye. » Arrivés jusqu’au pas de la porte, ils y avaient vu la pluie qui tombait toujours, et la vieille Ford du brun toujours garée sous un lampadaire et n’attendant plus que de récupérer son conducteur. « Merci Norah. Vraiment. » L’embrassant sur la joue, il avait glissé un dernier « Bonne nuit. » et attendu qu’elle referme la porte pour tourner les talons et remonter jusqu’à sa voiture. Il n’était pas reparti tout de suite pourtant, restant derrière son volant de longues secondes, pensif, la lumière du salon projetant toujours un rayon de lumière sur l’herbe du jardin. Ni l’un ni l’autre ne trouveraient le sommeil ce soir-là.
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| | | | | | | | (noranwar) ours is just a little sorrowed talk |
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