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Message(#)upside down EmptyLun 12 Aoû 2019 - 5:30


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Un mois. Ça faisait un mois maintenant qu’elle se réveillait avec, sous ses yeux, les dégâts du mur lui rappelant combien tout avait changé. La douleur s’était amoindrie – c’est ce qu’elle pensait en tout cas – depuis qu’elle lui avait écrit. Même si cette lettre il ne l’avait pas reçu, poser calmement ses ressentis sur le papier lui avait fait du bien. Extérioriser, même si elle aurait préféré lui en parler, c’était mieux que rien. Et puis, la lettre était revenue et elle s’était inquiétée tout en étant incapable de le texter ou de lui téléphoner pour savoir où il était, où il vivait désormais. Elle ne se l’était pas permise, elle ne voulait pas revenir comme un cheveu sur la soupe, la fleur au fusil comme si de rien était. Elle ne le voulait pas mais c’est ce qu’elle avait fait, avec un stupide texto au sujet d’un concours auquel ils avaient participé pour se marrer… et ces deux crétins avaient gagné. Le prétexte était trop beau pour être réel et elle en avait profité. Sa réponse lui assurait à peu près qu’il allait bien – il n’était pas mort dans une ruelle et il avait encore tous ses doigts, assez pour taper sur son téléphone en tout cas – mais ça ne suffisait pas à la brune. Elle avait besoin de lui parler et envie de le faire, envie de le voir aussi. Idiote qui avait fait tourner son monde autour de lui. Sous la colère et la tristesse, elle l’aimait toujours et elle ne niait pas la difficulté de vivre sans lui. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait eu envie de l’appeler pour lui raconter ses aventures, des plus réjouissantes aux plus stupides, pour passer des heures à lui parler et simplement rire. Putain ce que ça lui manquait de rire avec lui.

Elle ne le comprenait pas vraiment ce stress qu’elle ressentait et qui lui nouait l’estomac. Elle n’avait rien mangé de la journée, elle s’était shootée au café encore et encore. La journée avait été pénible à supporter tant elle était dans l’attente et tant elle se posait des questions. Quelle idée à la con de faire un vol de montgolfière en soirée aussi. Et c’est quand elle était arrivée sur les lieux, légèrement en retard, qu’elle avait compris. Le ballon était en train de se gonfler sous les yeux d’un Joseph immobile, qui l’attendait certainement. Rouge, un peu courbé. La toile se tendait pour former un cœur parfait. « Est-ce que tu te souvenais de ce détail ? Parce que moi non. » lui demandait-elle en arrivant à sa hauteur, n’osant même pas le regarder, le yeux fixés sur le ballon. Ce concours avait été destiné à un couple dans le cadre de la Saint Valentin. A gagner, un vol hivernement doux et romantique en montgolfière au-dessus d’une Brisbane plongée dans la lumière tamisée de la soirée, champagne et roses compris. Le stress qu’elle ressentait jusque-là se transformait gentiment en malaise. Est-ce qu’ils allaient vraiment devoir jouer les couples ou le mec aux commandes de la montgolfière s’en foutait comme de l’an 40 ? Putain… le mec de la montgolfière… Debbie était davantage venue pour parler, le vol n’était qu’un foutu prétexte pour entrer en contact avec le brun, mais elle n’avait pas pensé à ce type qui allait monter avec eux. Elle qui n’aimait pas étaler ses états d’âme tout court, elle n’allait sûrement pas le faire devant un inconnu. « Tu veux toujours le faire ? » C’était lâche mais elle remettait ce moment gênant entre les mains de Joseph. C’était à lui de prendre la décision d’y aller ou non. Le moment opportun pour enfin poser ses yeux sur lui et constater son effort vestimentaire. Pour le commun des mortels, une chemise à carreaux, un t-shirt blanc, un jean et des baskets, ce n’était rien de dingue. Avec Jo, quand ça concernait une chemise neuve, un t-shirt pas délavé et un jean non troué, même accompagnés de ses baskets fortement abîmées, ça restait grand. « Tu t’es fait beau pour notre conducteur ? » Blaguer, en dépit du sourire un peu crispé, c’était sa méthode pour tenter de détendre l’atmosphère. Un fail, très certainement.
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Message(#)upside down EmptyLun 12 Aoû 2019 - 6:14


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Deborah & Joseph

Un mois. Et ses yeux sont complètement figés sur les trois billets rouges entassés dans son portefeuille abîmé. Il fait glisser ses doigts sur ces rubans de dollars en se mordant la lèvre inférieure, conscient qu’il n’aura plus rien avant la fin de la semaine pour s’acheter de quoi se mettre sous la dent. Certes, la cuisine de Gabriel est grande ouverte, son hôte l’a rassuré, mais il se déteste quand il dépend des autres. Il n’a pas l’impression de mériter cette faveur que lui offre son patron, bien qu’il lui ait sauvé la vie quelques années auparavant. « Cinquante-sept et vingt-cinq. » répète la caissière sur un ton plus fort, pensant que Joseph n’a pas entendu le prix de ses achats la première fois. Il souffle tout l’air par ses narines en relevant les yeux vers la jeune femme à peine majeure pour lui faire comprendre qu’il n’est pas sourd. Contraint à délaisser sa dernière paye, il balance les trois billets sur le comptoir d’un air détaché, tentant de ne pas trop penser à la bêtise qu’il commet. Peut-être que Deborah ne remarquera même pas qu’il a fait l’effort de changer de style, juste pour une journée. Une chemise rouge et une paire de jeans neuve qui écrasait ses bourses dans la salle d’essayage. S’il s’en sort sans ecchymose sur l’entre-jambe avant la fin de la soirée, il peut s’acheter un ticket de loterie et fuir Brisbane avant même d’avoir gagné le gros lot. « Il vous revient deux dollars et soixante-quinze cents. » Il tend la main pour récupérer son bien, le visage toujours aussi impassible, comptant bien récupérer chaque centime de ce qui lui est dû. La bonne nouvelle, c’est qu’il peut encore s’acheter un café de format moyen au Starbucks. Pressé de quitter cette boutique proposant des prix exubérants pour un homme à la rue, Joseph se dirige rapidement vers la sortie, accompagné de son sac en papier renfermant ses deux nouveaux vêtements. Il espère simplement ne pas regretter cet achat qu’il fait seulement pour gagner des points auprès de sa meilleure amie. Ce soir, c’est sa chance de faire bonne impression, de lui prouver qu’il regrette ses choix passés et qu’il peut changer de vie comme il peut changer de fringues.

Le soleil décore encore le ciel légèrement couvert de nuages. Il est dix-huit heures, et c’est la décision du jeune homme d’arriver beaucoup trop en avance sur le lieu de rencontre. Pour patienter, il se trouve un coin calme sur la plage et il observe quelques familles patauger dans les vagues, comme il aime le faire. Il y a quelque chose de thérapeutique dans cette activité à laquelle il s’apprête lorsqu’il se sent seul. Peut-être arrive-t-il à s’imaginer dans les groupes, accompagné de sa sœur et ses parents, dans un univers parallèle où il est né dans un foyer normal. Bien rapidement, Joseph sent son front se couvrir de sueur et il décide de remonter les manches de sa chemise. C’est lorsqu’il revoit les marques sur son bras gauche qu’il stoppe sa lancée, à mi-chemin, pour finalement décréter que la chaleur est supportable. Autour de dix-neuf heures, il remarque un peu plus loin sur la plage un camion reculant sur le sable. Intrigué, il délaisse la contemplation des vagues pour finalement comprendre que la montgolfière est arrivée. Il se redresse, balaye le sable de ses jeans et se dirige à tâtons vers le lieu de rencontre, incertain de vouloir arriver en premier – c’est qu’il n’a pas envie de se taper la discussion avec les organisateurs : il est bien assez nerveux comme ça. Gardant ses distances, il observe le grand ballon rouge gonfler progressivement pour remarquer que quelque chose cloche dans la forme qu’il pensait sphérique. « Est-ce que tu te souvenais de ce détail ? Parce que moi non. » Il pivote rapidement la tête pour découvrir le profil de sa belle amie. Il la scrute en silence un moment en se mordant la bout de la langue, et il reporte son attention vers la montgolfière en forme de cœur. Oh. « Nah. Moi non plus. » Il ravale son malaise, passe sa main dans ses cheveux épais et repose son attention sur Deborah, parce qu’il ne manquerait jamais une occasion de la contempler. Elle est réellement là, à quelques centimètres de lui. Il pourrait la prendre dans ses bras mais il sait qu’ils ne sont pas là pour se partager une fondue chocolatée avant de raconter leur journée. « Tu veux toujours le faire ? » Joseph scrute l’accompagnateur de l’activité, vêtu d’un costard noir. « S’il nous dérange, on peut toujours le jeter en bas. La mer ralentira sa chute. » Il hausse les épaules, préférant faire usage de l’humour pour cacher sa gêne, comme le fait Deborah. « Tu t’es fait beau pour notre conducteur ? » Il croise son regard, rougit immédiatement et hoche la tête en pinçant un morceau de sa chemise avec ses doigts pour la désigner : « Oh, ça ? C’est un vieux truc… » Oui, Joseph, et cette étiquette que tu as oublié de retirer au niveau du col confirme effectivement tes dires. « Bonsoir ! » lance l’organisateur en s’approchant des deux tourtereaux. Joseph cache sa surprise – et il a été surpris, ne s’étant pas attendu à ce qu’une voix aussi puissante vienne agresser ses oreilles. « Deborah et Joseph, c’est bien ça ? Montez, montez, nous nous envolerons bientôt. Ne vous inquiétez pas, c’est tout à fait sécuritaire. » Le brun observe son amie du coin de l’œil pour finalement lui faire un signe de la tête, l’invitant à monter la première.            

       
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Message(#)upside down EmptyLun 16 Sep 2019 - 6:10


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Elle n’osait pas le regarder. Sûrement parce qu’elle-même sentait ses iris posées sur elle, comme s’ils ne s’étaient pas vus pendant des années et qu’il analysait les changements de son physique jusqu’aux plus minimes détails. Ça ne faisait qu’un mois mais l’impression d’éternité était là. Comme si son mensonge avait tout remis en cause, il devenait comme un inconnu avec qui la gêne était de mise. La réalité voulait surtout qu’elle craignait d’affronter son regard qui avait toujours réussi à la troubler et qui serait sûrement à même de lui faire mal aujourd’hui. C’était cette douleur qu’elle avait cru faire taire en écrivant la lettre qu’elle craignait le plus. Parce qu’elle avait assez souffert, parce qu’elle ne voulait pas rouvrir une plaie à peine cicatrisée (et encore), elle peinait à le regarder dans les yeux. Alors les siens, d’yeux, fixaient le ballon et elle se rendait compte de ce qui était en train de se tramer devant eux. Elle avait oublié toute cette mascarade de romantisme autour du vol, alors en bonne lâche qu’elle était, elle remettait le destin de cette soirée entre les mains de Joseph. « Si tu sais piloter un truc pareil et nous faire redescendre sur la plage et non dans la mer, je suis preneuse de l’idée. » De jeter le mec par-dessus bord. Même si c’était du domaine de la plaisanterie, ça n’en cachait pas moins la vérité : son désir de juste être avec Jo, quitte à vivre le moment de gêne le plus important de la planète, pour (essayer de) lui parler.

Pendant un instant, son regard était attiré par la blancheur de son t-shirt tranchant avec le foncé de sa chemise. Cet instant d’égarement était suffisant pour rencontrer ses yeux bleu océan, quelques secondes à peine, le temps de dériver sur ses fringues. Un croisement douloureux qui lui rappelait que c’était ce même regard qui lui avait menti pendant plus d’un an sans cligner une seule fois, sans vaciller une seule seconde. Elle se rendait compte, pendant ce court moment, qu’elle lui en voulait encore, que la lettre qu’elle avait couché sur le papier n’avait pas suffi pour la soulager, qu’elle serait peut-être incapable de lui parler finalement et que si elle en était capable, ses mots dépasseraient peut-être une fois de plus sa pensée et que ses larmes risquaient de couler alors qu’elle avait déjà trop pleuré. Ouais, ça faisait mal de ressentir tout ça à son égard alors elle taisait ses sentiments, comme d’habitude, elle les gardait pour elle et ne les laissaient pas transparaître pour mieux centrer la conversation sur lui et plus particulièrement sur son choix de vêtements. « Un vieux truc, ouais... » et elle tendait simplement le bras pour atteindre l’étiquette et l’enfoncer entre sa chemise et son t-shirt. « Ça serait bête de la perdre si tu comptes la rendre. » Qu’il la garde ou non, elle ne pouvait pas nier que ça lui faisait plaisir qu’il ait fait un effort.

Mais elle n’avait pas franchement le temps (ni le cœur) à lui dire qu’ils étaient abordés par l’organisateur à qui Debbie serrait naturellement la main quand ce dernier leur tendait. Sous l’impulsion de Joseph, la brune emboîtait le pas et montait à bord du véhicule volant sous le regard (et objectifs) des quelques badauds encore sur la plage, bien évidemment curieux et émus de ce qui se jouait là. Naturellement Debbie saluait le pilote qui les saluait en retour d’une façon fort particulière… Il tirait sur son espèce de manette et la flamme au-dessus d’eux se faisait plus intense et plus bruyante faisant sursauter Deborah. « Si je meurs pas d’une crise cardiaque avant qu’on revienne, rappelle-moi de me suicider en revenant pour avoir eu cette idée à la con de participer à ce concours. » Est-ce qu’elle commençait légèrement à flipper à l’idée de finir dans le ciel, suspendu par un putain de ballon alimenté par une flamme plus grande qu’eux avec comme seule sécurité un putain de gros panier en osier ? C’était fort possible et le pilote se faisait un plaisir de lui faire remarquer. « Tout va bien se passer et puis votre petit-ami est là, il va vous protéger n’est-ce pas ? » Il s’adressait plus ou moins à Joseph mais c’est Debbie qui prenait la parole. « Ce n’est pas mon mec ! Et il va me protéger de rien du tout parce qu’il… » parce qu’il est celui qui la fait souffrir le plus en ce moment et qu’elle n’a pas envie de se lover dans ses bras pour un sentiment de sécurité factice. « … laissez tomber. » Le regard du pilote dérivait alors vers Joseph et à l’expression de son visage, on devinait aisément qu’il semblait se dire qu’elle se traînait un sacré caractère la petite. « Si tout le monde est prêt, on y va alors. »
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Message(#)upside down EmptyVen 20 Sep 2019 - 5:11


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Deborah & Joseph

Il est nerveux, mais cette nervosité alimente son désir de bien paraître devant son amie qui a accepté de lui donner une seconde chance – ou alors, ce n’est que ce stupide concours de balade en montgolfière qui lui permet de la revoir ce soir. Bien qu’il serait facile pour Deborah de justifier sa présence par leur victoire dans le tirage au sort, Joseph sait au fond de lui qu’elle ne l’aurait jamais recontacté si elle n’avait réellement pas envie de revoir sa tronche de menteur. Il ne pouvait donc pas faire les choses à moitié, se sentant comme un jeune gradué à son bal des finissants qui a mis un trop gros budget dans l’achat d’une chemise qui ne valait probablement pas dix dîners. « Si tu sais piloter un truc pareil et nous faire redescendre sur la plage et non dans la mer, je suis preneuse de l’idée. » Ils ne peuvent pas s’empêcher de se cacher dans l’humour. Deborah ne semble pas vouloir affronter la situation et, même si Joseph n’aurait aucune difficulté à parler du sujet cru, il ne le fera pas tant que son amie ne sera pas à l’aise. « Si la mer peut ralentir la chute du pilote, elle peut probablement ralentir la nôtre aussi. » qu’il répond, admettant qu’il n’a aucune idée de la physique de l’engin gonflé et que jamais il ne pourra les faire atterrir en un seul morceau sur le sol. Les usagers de la plage auraient probablement droit à un accident spectaculaire qui ferait la première page des journaux. Aussitôt que la jeune femme commente son accoutrement inhabituel, ses lèvres se pincent parce qu’il cache sa gêne, bien qu’il soit heureux qu’elle ait remarqué qu’il a fait un effort vestimentaire – c’est peut-être une métaphore pour lui prouver qu’il est prêt à faire des efforts dans d’autres domaines plus importants. Deborah n’avale pas son excuse et c’est d’un regard curieux qu’il observe sa main tandis qu’elle s’occupe habilement de cacher l’étiquette qu’il a oublié de retirer. « Ça serait bête de la perdre si tu comptes la rendre. » Oh. Le rouge lui monte aux joues et il se racle la gorge pour dissimuler sa nervosité derrière une fausse excuse de grippe imminente, préférant conclure le sujet de sa chemise par un hochement de tête… qui ne veut absolument rien dire. Oui ce serait bête de la perdre ? Oui il veut la rendre ? Non, il veut la garder, parce qu’elle vaudra beaucoup à ses yeux une fois la journée terminée, bien qu’il commence à détester cette impression d’étouffement qu’elle lui procure. C’est qu’il fait chaud au sud de la Terre.

L’organisateur ne tarde pas à inviter les deux gagnants du concours à monter à bord. Joseph ne se gêne pas pour observer son amie tandis qu’elle monte la première, observant son accoutrement à son tour, pour imprimer son image dans le fond de sa mémoire. Il se perd un peu trop longtemps dans les cascades de cheveux bruns qui caressent les épaules de la belle et il se secoue vivement les puces lorsque la flamme bruyante de la montgolfière se met à cracher vers le ciel. Par réflexe, il s’éloigne de quelques centimètres, préférant trouver appui contre le gros panier qui leur sert de plateforme et il y enfonce ses ongles, se rendant compte qu’il n’a jamais pris son envol auparavant. Même si les deux voyageurs sont submergés par les reflets rouges du gros ballon en forme de cœur, Joseph ne manque pas de remarquer le gris dans le regard de son amie. « Si je meurs pas d’une crise cardiaque avant qu’on revienne, rappelle-moi de me suicider en revenant pour avoir eu cette idée à la con de participer à ce concours. » Sa plaisanterie détend ses muscles et il se permet un petit ricanement en laissant ses yeux se balader en direction de l’horizon et, juste quand il pensait qu’ils allaient pouvoir réellement discuter, l’inconnu coupe le moment en faisant promesse d’une fausse promesse. C’est Deborah qui dérobe le micro en premier et qui répond d’un ton plein de reproches à l’encontre de celui qui lui a fait du mal dans le passé. Ce dernier déglutit en préférant encrer ses yeux bleus sur le sol, réceptif à ce que la belle a soufflé. Il sent l’attention du pilote rivé vers lui mais il ne relève pas la tête, ne souhaitant pas l’inclure dans l’histoire – c’est la personne la moins bien placée pour les écouter, de toute façon. Et, sa moustache ne lui inspire pas confiance (probablement un look italien qu’il a essayé de reproduire). « Ouais, on est prêt à s’envoler, on attend qu’ça. » qu’il balance assez sèchement, après avoir compris que la jeune femme ne semble pas ouverte à une quelconque paix éphémère. Des derniers ajustements sont faits et la montgolfière ne touche plus le sol quelques minutes plus tard, soulevant quelques grains de sable de la plage. Au même moment, le soleil étend ses derniers rayons roses par-delà l’océan et le regard perdu de Joseph s’accroche à cette image digne d’une toile d’un grand artiste. Plus la distance entre eux et le sol se rallonge, plus le vent devient frais contre ses joues – il serait presque confortable dans son accoutrement trop chaud s’il ne se sentait pas si étourdi en observant les miettes sur la plage (les humains). Il décide finalement de se retourner vers ses compagnons d’un soir pour oublier la hauteur. Il remarque aussitôt la jeune femme qui a décidé elle aussi d’observer en bas et, après avoir hésité quelques secondes, il se rapproche d’elle pour installer son nouveau coin d’observation des paysages à  ses côtés. Il n’attend pas de la laisser s’enfuir qu’il marmonne : « C’est cool. On est plus grand qu’le reste du monde. Nos problèmes sont tellement petits, vu d’ici. » Il l’observe du coin de l’œil, curieux de sa réaction, jusqu’à ce qu’une fleur rouge au bout d’une longue tige se glisse entre leur deux visages, brisant complètement ce moment d’intimité que Joseph avait tenté d’instaurer. Le garçon serre les dents et pivote la tête vers l’organisateur pour lui lancer un regard foudroyant, ce dernier le faisant immédiatement réagir. Il débarrasse la rose, la remet dans un panier, et tente, sur un ton incertain : « Ça faisait partie du concours… Il y a un repas pour vous, aussi. Des sandwichs au homard. »
           
       
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Message(#)upside down EmptyDim 22 Sep 2019 - 6:48


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Elle ne savait pas comment s’y prendre et c’était le plus compliqué là-dedans. Elle aimerait savoir le faire mais elle avait trop l’habitude de fuir quand cela arrivait. Rattraper une amitié fortement fissurée. Faire face à la peine, la colère, la déception et la douleur que tout ça entraîne.  Parler pour régler ce qui n’allait pas. Tout ça, elle n’en avait pas l’habitude, elle n’était pas douée parce que si fortement inexpérimentée. Elle se contentait de se tirer sans se retourner. C’est ce qu’elle avait fait avec Adorján, c’était aussi ce qu’elle avait fait avec son propre frère quand elle n’avait plus supporté son jugement du regard sur elle. Fuir était sa plus belle défense mais avec Jo, c’était différent. Il lui manquait trop cet enfoiré et si elle refusait de l’admettre, elle n’était pas vraiment capable de le fuir pour autant, elle n’était pas capable de vivre sans lui et de faire semblant que tout allait bien alors qu’une partie de son cœur était partie avec lui quand il avait claqué la porte de son appartement. Est-ce que c’était pour ça qu’elle s’était consciemment coincée avec lui dans les airs ? Pour se forcer à affronter ce qu’elle fuyait depuis des années ? Peut-être oui. Certainement. En y réfléchissant bien, qui mieux que Joseph était à même de lui faire faire une chose pareille ? Personne. Parce qu’elle avait toujours eu confiance en lui – à tort sur certains points, certes, mais c’était une minorité sur le reste – parce que, sûrement malgré lui, ils s’entraînaient l’un l’autre vers le haut. Si ce n’était pas avec lui qu’elle affrontait ses peines et ses colères au lieu de les ravaler, ça ne serait avec personne – sûrement parce que dans son esprit étriqué, personne d’autre ne méritait qu’elle en fasse l’effort. Sûrement parce que dans son cœur, personne d’autre n’avait une place aussi spéciale que celle possédée par Jo.

Mais elle parlait trop vite, Deborah. Sa langue se déliait plus rapidement que son esprit ne réfléchissait. Elle n’en restait pas moins blessée et incapable de cacher ses ressentis vis-à-vis du brun. Elle lui en voulait, beaucoup et ça s’entendait parce qu’elle n’était pas fichue de mentir. Mais ça s’entendait trop, trop fort, trop crûment, trop vite. Elle ne voulait pas de ça. Si elle était ici, ce n’était pas pour s’engueuler avec lui mais plus pour comprendre et essayer de savoir si elle se sentait capable de lui pardonner, essayer de faire un pas dans cette direction ou au moins l’envisager. Alors elle se taisait, un peu tard mais assez tôt pour ne pas regretter. Et puis la montgolfière avait pris son envol. L’amertume de Deborah laissait alors place à un stress, son bras s’enroulant naturellement autour d’un des énormes cordages qui reliait le panier et le ballon. Ses ongles s’y enfonçaient même un peu alors qu’elle préférait regarder l’horizon – magnifique soit dit en passant – que de regarder vraiment vers le bas. Stress naturel ou découverte du vertige, allez savoir, mais elle ne lâchait pas son petit coin, laissant l’occasion à Joseph de se rapprocher d’elle pour discuter. Atmosphère plus intime qu’elle ne l’aurait cru dans cet espace réduit accueillant pourtant trois personnes. Son regard se fixait un instant dans le sien et elle ignorait si le frisson qui venait de la parcourir était de son fait ou si c’était le vent qui s’engouffrait sous son pull trop court. Elle n’avait pas vraiment le temps de lui répondre que son souffle était coupé par l’irruption soudaine d’une rose entre eux. Ils avaient été prévenus, c’était un vol romantique… mais le pilote ne semblait pas avoir compris qu’ils n’étaient pas un couple… ou avait-il compris de travers, les pensant fâchés et tentant de les réconcilier ? Ce n’était pas impossible et Debra ne lui en tenait pas rigueur.

« Ça sera parfait, merci… » les sandwichs au homard. Déjà parce qu’elle n’avait jamais mangé de homard et qu’en gourmande qu’elle était, elle n’allait sûrement pas laisser l’occasion filer et puis ça lui permettrait de manger et on ne parle pas la bouche pleine, n’est-ce pas ? Un temps précieux de réflexion pour savoir quoi lui dire, comment lui dire, trouver les bons mots et surtout être capable de les dire – d’autant plus avec un mec dans leur dos qui avait forcément les oreilles qui traînaient. Sandwich en main, morceau en bouche, coupe de champagne dans une main – parce que s’il y avait à manger, il y avait forcément à boire – le rythme de sa mâchoire s’était calé sur le rythme de ses pensées : lent mais intense. Elle avait tant de choses à lui dire mais elle ne se sentait pas capable de trouver les bons mots pour les exprimer correctement. Son regard se perdait sur l’horizon comme Debra se noyait dans ses propres ressentis. Boomerang sévère qui lui revenait farouchement dans la tronche. Si elle se l’autorisait, elle se mettrait sûrement à chialer – encore – tant tout était mêlé, tant elle était perdue dans ce qu’elle ressentait. L’amer amour pour lui. La triste joie de le voir. C’était compliqué de poser des mots alors que tout semblait s’opposer, exactement comme ce qu’ils étaient ce soir : si proches physiquement mais si loin l’un de l’autre à la fois. « J’en ai marre, Jo. » Ça, en revanche, elle en était certaine. C’était sûrement les seuls mots qui reflétaient exactement son for intérieur. Elle en avait marre d’avoir mal, marre de lui en vouloir sans être à même de lui pardonner, marre de l’aimer sans pouvoir lui faire confiance à nouveau.

« Je veux juste... » que ça s’arrête, qu’ils reprennent de zéro sans pour autant effacer ce qui s’était passé. C’était compliqué, trop compliqué à gérer et elle se sentait trop observée, trop écoutée. Elle se pinçait l’intérieur de la joue, comme si elle retenait ses mots dans son souffle. « Tiens ça. » Elle donnait sa coupe de champagne et de sa main libre, elle attrapait son portable – duquel pendait ses écouteurs – dans la poche de son jean et le tendait au pilote après être rentrée dans la playlist. « Mettez ça. » Un ordre, clairement, qu’il ne cherchait pas à éviter. Ça lui importait peu d’entendre, il n’avait pas besoin de ça pour piloter son engin. Quand Debra était assurée qu’il ne les entendait plus – ou en tout cas, quand son esprit en était assez persuadé pour la décoincer – elle se tournait de nouveau vers le brun, reprenant sa coupe de champagne qu’elle finissait d’une traite comme pour se donner du courage. « Jo me manque. Celui qui m’écrivait, celui que j’ai rencontré à sa sortie de prison. Celui avec qui je pouvais parler de tout et rire de tout sans aucune gêne, sans avoir la sensation de marcher sur des œufs, sans avoir peur de dire un truc de travers qui pourrait le blesser et tout briser. Celui avec qui je pouvais me bourrer la gueule sans jugement. Celui avec qui j’arrivais à dormir en faisant parfaitement semblant qu’il n’y a aucune ambiguïté et aucun désir. Celui qui débarquait chez moi à pas d’heure sans avoir peur de me déranger parce qu’il savait qu’il ne me dérangeait jamais. Celui pour qui j’avais envie d’annuler un rendez-vous juste pour le voir et passer une bonne journée. C’est ce Jo qui me manque tous les jours. » Pas celui qui lui avait menti, pas celui qui refusait toute conversation un peu ambiguë parce que ça réveillait une jalousie chez lui qu’elle ne comprenait pas, pas celui qui avait détruit le mur de sa piaule qui ferait sûrement envoler sa caution au moment de rendre l’appartement. « J’ai envie de retrouver la complicité qu’on avait avant mais je ne sais pas si j’en serais capable parce que j’ai conscience que si je te redonne ma confiance, tu pourrais me briser comme jamais personne ne l’a fait et ça, ça me fait flipper plus que tout. » D’être incapable de se relever, d'être incapable d’avoir de nouveau confiance dans les relations humaines, c’est ce qu’elle craignait le plus.
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Message(#)upside down EmptyVen 4 Oct 2019 - 1:05


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Deborah & Joseph

Le ballon s’est envolé, les deux (ou plutôt les trois) passagers sont coincés dans le ciel et rien ne pourra les séparer avant l’atterrissage. Joseph ne peut faire que des pas en direction de celle qui évite son regard depuis qu’ils se sont maigrement salués plus tôt. Mais il ne bouge pas, pas tout de suite. Il a l’impression de ne pas pouvoir l’approcher, comme s’ils étaient deux aimants positifs – ou plutôt négatifs, en ce moment présent – qui se repoussent, parce que c’est comme ça que les lois de l’attraction fonctionnent. C’est peut-être ça qui les a réunis. Elle était le symbole positif, la boule d’énergie, la lumière dans la caverne. Et lui, représenté par le symbole négatif, avait décidé de se replier dans le fond de la crevasse sans avoir la force d’escalader la paroi rocheuse. Deborah est apparue dans sa vie comme un signal, une alarme qui l’intimait de relever la tête. Et il l’avait fait en répondant à sa première lettre, parce qu’il l’aimait, sa boule d’énergie, sa lumière.

Ils sont interrompus alors qu’il pensait avoir attrapé le moment parfait pour lancer une discussion des plus banales. Son regard noir fusille l’organisateur de l’activité qui s’empresse de donner la raison de son intrusion entre le « couple » gagnant. Des sandwiches au homard. Rien qui n’arrive à capter l’intérêt de Joseph qui pivote à nouveau la tête vers la jeune femme qui ne lui donne déjà plus son attention. Elle prétend apprécier l’idée de ce repas et le garçon se retient de soupirer bruyamment, parce qu’il sait qu’elle montre autant d’intérêt à un stupide crustacé simplement parce que ça lui permettra de retarder encore une fois le sujet. Pourtant, lorsque l’intrus lui tend sa part du dîner, il la prend en marmonnant un juron à peine perceptible et il mord dedans sans porter d’attention à la saveur. Il n’a pas la tête à décrire le goût du homard, ou la fraîcheur du pain, ou la touche citronnée dans la sauce épaisse. Voilà un mauvais moment pour profiter d’une richesse de la gastronomie qu’il ne pourra probablement jamais se payer dans le futur. Et, la coupe de champagne, il pourrait lui donner la même description qu’un verre d’eau pétillante. Tandis que les kilomètres se creusent entre les deux silhouettes, Joseph redresse vivement la tête vers son amie lorsqu’elle prononce enfin quelques mots. Il hoche mollement la tête en réponse à son affirmation : il ne connait pas exactement la raison de son épuisement, mais il en marre lui aussi. Marre de ce silence, marre de cette ambiance tellement pesante malgré le fait qu’ils devraient se sentir léger, perché juste en dessous des nuages. « Je veux juste... » Elle possède toute son attention. Yeux et oreilles. Tous ses sens font d’elle l’acteur sur la scène vide, la seule fleur au milieu du champ de blé. Et, indirectement, l’organisateur du concours les dérange une énième fois, mais simplement pour obéir à l’ordre d’enfiler les écouteurs que lui tend la brune. C’était donc lui l’obstacle qui avait cousu les lèvres de Deborah ensemble. Joseph, quant à lui, l’avait presque oublié comme il avait oublié le reste de son sandwich posé sur ses genoux. C’est lorsque la belle avale d’un coup le fond de sa coupe qu’il comprend que le sujet deviendra sérieux à partir de maintenant – comme s’il ne l’était pas avant.

Elle récite un discours qui semble improvisé mais tellement honnête. Le regard de Joseph se perd longuement dans le vide, parce qu’il ne sait pas comment réagir devant cet avalanche de reproches cachés – elle lui en veut de ne plus être celui qu’elle a rencontré. Il a porté de nombreux masques tout au long de leur parcours en tant qu’amis ambigus et c’est un mécanisme de défense qu’il a toujours adopté. Certes, il pouvait paraître tellement parfait le jour où ils se sont rencontrés tous les deux pour la première fois mais, cette journée-là avait sans problème atteint le top de sa liste des meilleurs moments de sa vie. Il n’était pas lui-même, assis au pied de cet arbre. Il était… heureux. Il ne luttait pas, il ne luttait plus. « Ne le cachons pas, il n’y a rien à cacher. Tu m’appréciais quand j’étais libre. » Une phrase soufflée en une seule expiration, dénuée d’émotions, sans joie ni peine. « Dans tous les sens du terme. » Libéré de cette prison qui le rendait fou et libéré de sa dépendance à la drogue dure. Un homme débarrassé de ses chaînes qui se fichait complètement de l’image qu’il projetait en ramassant les déchets derrière les consommateurs de livres à la bibliothèque. Oui, il était bien, à ce moment-là. « Je sais ce que tu m’as demandé. Tu veux que j’arrête de… m’empoisonner. » Il n’arrive toujours pas à parler de son addiction devant elle. C’est la honte qui l’empêche d’employer les vrais termes, parce que Deborah est la seule personne qu’il ne voudra jamais décevoir même si la pluie est déjà tombée. « Mais j’n’ai jamais été courageux, j’ai toujours opté pour la solution la plus facile. Le choix qui nécessite moins de sacrifices. » Ses yeux sont collés sur le sol de la montgolfière et son cœur s’agite de plus en plus dans sa poitrine, assez pour altérer le rythme de sa respiration. « Je ne peux pas te faire de promesse de guérison car je ne la tiendrai pas. Je ne suis pas un menteur. » Il croise enfin son regard. « Je ne t’ai jamais menti, j’ai juste voulu éviter que tu t’inquiètes pour moi. J’continue à croire tous les jours que mes problèmes se régleront comme par magie. » Faux rire, faux ricanement. « La seule chose que j’peux te promettre c’est que j’t’ferai aucun mal, si c’est ce que tu crains. Enfin… j’te ferai plus mal dans l’futur si tu m’laisses gérer ma propre chance. » Plus de secrets entre eux : seulement une confiance incassable.

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Message(#)upside down EmptyVen 4 Oct 2019 - 4:17


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Les opposés s’attirent et ils en étaient le parfait exemple. Contrairement à lui, Deborah n’avait jamais porté de masques, elle s’était toujours montrée telle qu’elle était vraiment. Quand bien même elle avait pu jouer aux dures, il la connaissait assez pour savoir qu’elle était un peu trop remplie de sensibilité. Quand bien même elle faisait preuve de je-m’en-foutisme, il savait qu’elle n’en était que plus impliquée et qu’elle s’efforçait juste de se protéger. Finalement, quand elle cherchait à se cacher, elle avait tellement été sincère avec lui dans ses lettres qu’il savait parfaitement ce que le masque cachait. Alors aujourd’hui, elle n’échappait pas à la règle, à cette sincérité qui transparaissait un peu trop sur son visage de poupée peinée. Il résumait la situation en des mots trop justes pour qu’ils ne résonnent pas comme d’amers regrets. Oui, évidemment qu’elle regrettait l’homme libre qu’il était, évidemment qu’elle aurait aimé le fréquenter plus longtemps. Son cœur l’avait cru, ses yeux avaient peut-être portés des œillères. Elle l’avait cru libre de ses démons bien plus longtemps qu’il ne l’avait été en réalité. Peut-être qu’au fond, elle qui ne l’avait jamais connu drogué jusqu’à la moelle – jusqu’à ce fameux soir de déchéance totale – avait eu la chance de fréquenter le véritable Joseph, le plus sobre possible qu’il avait pu être en sa présence. Elle avait eu l’opportunité d’être aux côtés de l’homme le plus libre qu’il pouvait être dans sa situation, même pendant ces quelques heures volées à son addiction. Elle avait eu ce privilège, parce que ça en était un quand il s’agissait d’une maladie si incontrôlable. Elle avait eu cette chance mais la déception du mensonge était si grande qu’elle ne parvenait pas à voir la situation dans ce sens. Elle était juste amère et triste de constater qu’il avait failli au principe même de l’amitié : l’honnêteté.

Néanmoins, elle le laissait s’exprimer sans le couper. Elle avait terriblement envie de lui dire que ce n’était pas s’arrêter de s’empoisonner qu’elle voulait mais c’était se soigner. Deux choses bien distinctes qu’elle serait pourtant incapable d’expliquer à l’oral. Son attention était braquée sur lui, ses oreilles étaient attentives à ses mots, aussi douloureux pouvaient-ils être. Elle avait la sensation, à travers ses dires, qu’il abandonnait le combat sans même avoir essayé, sans même avoir levé son arme. La solution de la facilité, le moins de sacrifice, l’absence de promesse de guérison parce qu’il ne la tiendra pas. Ça faisait mal à entendre. Son cœur se serrait et les larmes lui piquaient les yeux. Elle ne voulait pas pleurer, elle se l’était presque promis mais plus il parlait, plus elle comprenait que le Jo qu’elle avait connu n’existait plus et ne reviendrait pas. Cet ami en qui elle avait placé sa confiance, cet homme qu’elle avait eu en face d’elle à sa sortie de prison : envolé, disparu. Elle en pleurait parce qu’elle réalisait que c’était de lui dont elle avait besoin dans sa vie et qu’elle avait la sensation de le perdre, encore une fois. Il tuait ses espoirs dans l’œuf et si certains voyaient ça comme une bonne chose parce que ça lui éviterait une nouvelle déception, tout ce que Deborah voyait c’était un Joseph flou qu’elle quittait des yeux, incapable de le regarder davantage. Un hoquet de larmes coincé dans sa gorge l’empêchait de parler jusqu’à ce que, forcée par ses propres émotions, il finissait par se débloquer et faire couler cette faiblesse qu’elle s’évertuait tant à cacher avec les autres. Trop sincère avec lui, une fois de plus, elle n’était pas capable de retenir ses larmes et éclatait littéralement en sanglots, ceux d’une enfant perdue dans ses sentiments, ceux d’une adulte qui ne parvenait plus à en être une. L’éponge qu’elle était et qui avait tendance à tout absorbait débordait. Les larmes qu’elle essuyait maladroitement étaient remplacées par d’autres, s’alignant à une vitesse trop importante pour ne pas trahir ce qui était en train de se passer. Elle s’écroulait, psychologiquement. Comme si l’un de ses piliers mentaux avait foutu le camp, son équilibre était devenu précaire à l’annonce de l’abandon du combat et elle refusait de l’entendre.

« Essayer... » C’était le seul mot qui sortait de ses lèvres, déformé, murmuré entre deux larmes. Elle peinait à retrouver son calme, elle ne parvenait pas à trouver le souffle nécessaire pour s’exprimer et le courage pour le regarder en face. Ça durait une paire de minutes, celles qui ressemblaient un peu trop à l’éternité. « Ça ne sera jamais magique… J’ai besoin que tu essayes… je t’en prie… juste que tu essayes. » Pas guérir mais essayer de guérir, quitte à échouer. Elle en avait besoin pour se persuader que ce n’était pas perdu d’avance, qu’il avait fait l’effort de tenter parce qu’elle savait qu’il serait plus facilement pardonnable s’il essayait au lieu de s’avouer vaincu. Et d’instinct, elle s’était approchée de lui parce que si elle n’était pas capable de le regarder en étant dans cet état, elle était encore capable de se fondre dans ses bras pour s’y cacher et simplement le sentir contre elle. Ils étaient si loin l’un de l’autre mentalement ces temps-ci que de le sentir proche d’elle lui faisait paradoxalement du bien. A défaut d’être celui qui pouvait panser les blessures qu’il avait lui-même engendré, il pouvait la soutenir physiquement au creux de ses bras et simplement la laisser pleurer autant de temps qu’il était nécessaire pour évacuer. Et ça faisait du bien. Juste un instant volé, de ceux dont le temps ne se compte pas et elle finissait par se calmer, bercée par les battements du cœur du brun qui résonnaient contre les siens. Elle était triste et fatiguée. Elle pourrait s’endormir ainsi si l’endroit et le moment étaient appropriés tant elle n’avait pas ressenti cet apaisement depuis des semaines. Même le pilote avait disparu de son esprit. C’était juste eux et le silence qu’elle finissait par briser dans une confidence. « Tu me manques tellement, reviens-moi s’il te plait. » Promets-moi d’essayer avant de m’achever. « Je peux pas te forcer mais quoi qu’il en soit, je m’inquiète pour toi… » pour la drogue ou parce qu’elle ne savait même pas où il vivait en ce moment. Evidemment que ça l’inquiétait parce que c’était ce que tous les amis sont censés ressentir, n’est-ce pas ? « …alors si tu ne veux pas m’inquiéter, prends au moins la peine d’essayer. » Puis elle précisait un peu plus sa pensée, sa vérité même si ça lui brisait le cœur de l’avouer, le serrant un peu plus fort contre elle, comme pour se persuader que ça n’arriverait pas. « Je ne sais pas si je serais capable de te faire à nouveau confiance si je te sais sous influence. J’étais là quand tu es parti en vrille… tu ne peux pas me promettre de me faire aucun mal alors que tu n’es pas toi-même dans ces moments-là. » Ça serait comme donner sa confiance à un inconnu et ça, elle s’y refusait.
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Message(#)upside down EmptySam 19 Oct 2019 - 3:24


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Deborah & Joseph

Il est coincé. Pas seulement dans le ciel. Il est aussi coincé dans son propre corps. Il ne peut pas s’envoler : s’il saute par-dessus bord, la gravité aura raison de lui et ne fuira pas tous les problèmes qu’il s’est lui-même créé. Il n’a jamais pensé au futur, il a toujours pensé au jour le jour. Depuis toujours, il se réveille le matin sans savoir ce qu’il va faire de sa journée. Il aime les surprises, Joseph. Il aime découvrir le monde une seconde à la fois et c’est seulement lorsqu’il est trop tard qu’il comprend que cette façon de vivre ne le mènera qu’à sa perte. Il en a déjà perdues, des choses. Sa famille (bien qu’il ne l’ait jamais appréciée), ses amis, sa santé et, maintenant, Deborah. Et c’est cette dernière qui arrive à lui faire prendre conscience de la situation. Il a beau tomber nez à nez avec des cernes et un teint pâle lorsqu’il se pose devant un miroir, il a beau tourner quarante fois dans son lit avant de pouvoir – presque – s’endormir, il se mettrait à perdre ses cheveux qu’il ne se rendrait pas compte de l’impact qu’a la cocaïne sur sa vie. Il n’y a que Deborah qui arrive à lui faire ouvrir les yeux, parce qu’il ne veut pas la décevoir. Elle est la seule qui s’est ouverte à lui sans poser de questions. Elle n’a pas cherché à savoir quel crime il avait commis. Elle serait tombée sur un assassin qu’elle aurait continué à lui écrire, simplement pour mettre un peu de couleur dans sa cellule et dans son cœur. Deborah. Un inconnu pourrait dire qu’elle ressemble à toutes les autres filles. Certes, la couleur de ses yeux n’est pas unique, elle ne fait rien de spécial avec ses cheveux, elle ne décore presque pas son visage de maquillage superficiel et elle se camoufle dans la foule avec son style vestimentaire simple. Un zèbre parmi le troupeau, pour celui qui ne voit pas qu’au fond de sa poitrine se cache la plus merveilleuse des fleurs.

Alors il pleure. Il pleure sans pouvoir ravaler ses larmes avant qu’elles ne perlent à la commissure de ses paupières. Les gouttes salées glissent jusqu’à ses lèvres ; il les goûte pour ne pas oublier la saveur de la tristesse. La saveur qu’il a toujours voulu éviter mais qui roule contre sa langue sans qu’il ne puisse la détester. Il est heureux, au fond. Les mots de la jeune femme sont poignants et le raccrochent à la réalité, il la remercie en silence de l’enchaîner dans cette montgolfière parce qu’il ne ressentirait plus la peur si elle n’était pas là. Il la serre contre lui, les lèvres tremblantes, le regard flou, et ils sont seuls, ensemble. « Ça ne sera jamais magique… J’ai besoin que tu essayes… je t’en prie… juste que tu essayes. » Incapable de manifester la moindre réaction, il reste silencieux. Seul le sifflement de sa faible respiration caresse les oreilles de Deborah avant qu’il ne vienne poser un baiser rempli de pardons sur le dessus de sa tignasse brune. Sa barbe se mêle à ses cheveux et ses doigts s’agrippent fermement à chaque parcelle de chair qu’il peut atteindre : elle est sa bouée. « …alors si tu ne veux pas m’inquiéter, prends au moins la peine d’essayer. » Une promesse qu’il fait en silence, un hochement de tête déterminé qui s’accompagne d’un tressaillement, juste avant que Deborah ne s’attache à lui comme si elle avait besoin d’entendre son cœur battre, pour la rassurer. « Je ne sais pas si je serais capable de te faire à nouveau confiance si je te sais sous influence. J’étais là quand tu es parti en vrille… tu ne peux pas me promettre de me faire aucun mal alors que tu n’es pas toi-même dans ces moments-là. »  Il change, oui. La poudre blanche invite sa tête à négliger ses sens. Il est léger, volatile, au-dessus du sol, il ne touche que la terre du bout des doigts et ça lui suffit pour ne pas perdre la raison. « C’est quelque chose que je me suis toujours interdit. » qu’il commence, après avoir rassemblé assez de courage pour empêcher sa langue de se clouer contre son palet, inerte, inutile. « Jamais en ta présence, Debra. Je t’ai connue quand j’avais espoir d’être guéri. » Ce dernier mot lui lève le cœur, il prend quelques secondes pour se ressaisir. « J’avais réussi à respecter ma volonté avant ce soir-là. » Il n’a pas besoin de préciser la soirée qu’il mentionne. Son amie connait probablement la date par cœur. « Comme je t’ai dit… Je ne peux pas te promettre de réussir, mais j’essayerai. J’essayerai. » Il le répète une seconde fois, pour la convaincre, mais pour aussi se convaincre lui-même. Une voix s’éveille dans sa tête, la voix d’un diable qu’il l’insulte, le traite de menteur. Il ne peut pas le vaincre, ce diable. Il le reconnait. C’est son addiction qui lui susurre des mots doux lorsqu’il trempe son doigt dans la poudre et qui le maudit lorsqu’il résiste à la tentation. Après avoir chaudement soupiré, Joseph se sépare doucement de son amie pour ancrer son regard au sien, les doigts glissés dans sa chevelure. Il observe ses larmes et ses joues rougies pour se rappeler du mal que ces dernières causent à Deborah. Des larmes qui coulent par sa faute, et il se déteste une énième fois avant de souffler doucement : « Merci. » Tu es la seule qui se souci réellement de moi et je t’aime pour cette raison.         

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Message(#)upside down EmptyVen 6 Déc 2019 - 0:14


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Elle avait peur, tout bêtement. Peur de le perdre, de se perdre avec lui. Il n’y avait pas que leur amitié qui était mise en péril mais la santé de Joseph également et si elle parvenait à s’imaginer se relever de leur amitié ébranlée mais toujours existante, non sans mal certes, elle n’imaginait pas le perdre tout court parce que la cocaïne aurait gagné le combat, l’envoyant tout droit entre quatre planches. Cet avenir-là, elle ne voulait pas le voir venir, ils en avaient bien assez vu des bribes le soir de son badtrip, celui-là même qui précède sûrement une overdose. Elle craignait pour sa vie, alors oui, elle voulait qu’il essaie, qu’il se sauve, qu’il donne tous les efforts pour ça, qu’elle puisse l’aider à sa hauteur dans les démarches, pourtant parfaitement consciente que ça n’allait pas être simple et très loin d’être gagné d’avance. Elle s’attendait à des échecs, à le retrouver complètement shooté au moindre problème qu’il pourrait rencontrer et qui l’affecterait trop. Elle était prête à le voir comme ça tant que ça leur donnait une chance de ne plus avoir peur. Parce qu’elle le sentait, au creux de ses bras, que lui aussi avait peur, que lui aussi pleurait pour diverses raisons. Ses membres tremblants, son baiser dans ses cheveux qui lui permettait de tout dire sans poser les mots. Ils se serraient l’un l’autre, se maintenaient debout avec deux espoirs différents et liés à la fois : que l’un essaie et que l’autre le pardonne d’avoir failli.

Et elle confiait, aussi. Elle lui avouait qu’elle doutait être capable de lui faire à nouveau confiance les yeux fermés comme elle l’avait fait jusqu’à maintenant. Un mensonge – ou une omission, appelez cela comme vous voulez – ne s’efface pas d’une promesse. Il resterait là, dans un coin de son crâne pendant un moment, à se demander à chaque fois si ses mots sont sincères, s’il lui dit pleinement la vérité ou s’il a encore d’autres choses à lui cacher d’aussi important. Comme maintenant où sa langue se déliait enfin et où le son de sa voix faisait vibrer ses tympans. Une partie d’elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’il était parvenu à ne pas être sous influence en sa présence parce que ça lui permettait de conserver son petit secret. Un bon arrangement. Au fond, pourtant, elle savait très bien que c’était par amitié et respect pour elle qu’il ne s’était jamais montré complètement défait par la poudre blanche. Elle savait, quelque part, qu’il avait simplement cherché à la protéger de tout ça, à la protéger de cet aspect de sa vie peu reluisant et qui le ramenait à son passé de criminel pour ne pas la mêler à tout ça et ne garder que leur meilleur de leur amitié. Néanmoins, il allait falloir lui laisser du temps pour le réaliser pleinement.

« Ca me suffit amplement comme promesse. » Celle d’essayer, disait-elle la voix encore un peu chevrotante alors qu’il se détachait d’elle, gardant sa tête entre ses mains pour mieux l’observer. Ce n’était clairement pas son moment préféré. Elle était d’ailleurs bien incapable de le regarder dans les yeux à cet instant, préférant se focaliser sur la dernière larme qui coulait dans la barbe naissante du brun. « Arrête de pleurer, de nous deux, c’est moi la pleurnicheuse. » un sourire, un peu faible mais sincère, pour détendre l’atmosphère, alors que ses pouces glissaient sur ses joues pour essuyer les sillons. « J’ai toujours pas de tampon sur moi en plus, tu abuses, c’est jamais au bon moment. » En vérité, elle voulait qu’il ne s’arrête pas de pleurer, ou plus précisément, qu’il n’arrête jamais de lui montrer ce qu’il ressent vraiment, qu’il ne braque jamais ses sentiments, pas avec elle. La sincérité, la base de tout et elle souhaitait plus que jamais qu’ils puissent en faire preuve de nouveau, l’un comme l’autre.

Sujet terminé
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