Justine avait décidé de profiter de l’un de ses jours de congé pour refaire le plein de son frigo et de ses placards. Elle avait enchaîné les gardes de nuit durant les dernières semaines, et avait de ce fait passer les journées à dormir afin de récupérer. Ses réserves de nourriture avaient donc drastiquement baissé et elle avait besoin de refaire le plein pour repartir pour une nouvelle semaine. Elle décida de consacrer sa matinée du samedi à aller jusqu'au supermarché et se mettre à la tâche. Elle aimait énormément son travail, et être en compagnie de ces enfants tous les jours, les aider dans leur maladie, était vraiment gratifiant. Cependant il est vrai que le rythme des gardes, la fatigue qui s'accumulait, et les évènements qu'elle manquait étaient un point faible de sa profession. De nombreuses fois elle avait raté des anniversaires de famille, ne pouvant pas échanger sa garde avec une collègue, ou encore des concerts en ville qui tombaient sur le jour où elle travaillait toute la nuit. Si elle n'aimait pas autant ce qu'elle faisait, il y a longtemps qu'elle aurait pété les plombs, mais Justine était dévouée à son boulot. Aider, donner de sa personne, rendre la vie plus douce : c'était des choses auxquelles elle avait choisi de dédier sa vie, et aucune parcelle d'elle n'avait de regrets. C'est donc motivée par la nourriture et le remplissage de sa panse qu'elle se dirigea vers la rue commerçante de Brisbane afin d’aller dans le supermarché qu’elle avait l’habitude de fréquenter. L’infirmière avait enfilé une tenue confortable, un jogging et un sweat, étant donné qu’elle n’avait prévu aucun autre déplacement de la journée, et qu’elle ne comptait pas voir des amis aujourd’hui. Elle saisit quelques sacs en plastique qui était rangé dans le placard de sa cuisine, et sortit de chez elle après avoir refermé la porte. 15 minutes plus tard, elle était stationnée dans la rue du commerce. Elle descendit de sa voiture et passa les portes automatiques. Justine était organisée et avait déjà établi une liste bien précise d’articles à acheter. Elle avait pris l’habitude de dresser des menus pour la semaine, afin de n’acheter que ce qu’elle avait utilisé et éviter au maximum le gaspillage. Bon elle avait toujours tendance à craquer au rayon pâtisseries et se retrouver avec beaucoup trop de cupcakes pour une seule personne. Quand c’était le cas, elle faisait souvent le bonheur de ses voisins en leur proposant de partager. Aujourd’hui, elle allait essayer de résister –ce qu’elle se disait chaque semaine-. Elle commença par le premier rayon qui arrivait dans le magasin : les fruits et légumes. Elle se saisit de plusieurs pommes, qu’elle alla directement peser pour éviter la tâche aux caissières au moment de régler ses achats. Elle colla l’étiquette sur le sachet et continua à déambuler dans les étalages. Elle repéra un beau melon, qui traînait tout seul dans son cageot. Elle allait le saisir quand sa main rencontra celle d’une autre femme qui avait également repéré le fruit. Elle leva les yeux et croisa le regard de Ginny McGrath. Cette femme était la mère d’un patient qu’elle avait longtemps connu en service de pédiatrie, et avec qui elle avait créé de réels liens. Elle bégaya légèrement, se sentant tout d’un coup très mal à l’aise « Oh désolée, vous pouvez le prendre, vous l’aviez vu avant moi ». Elle retira sa main du fruit et s’éloigna un peu de Ginny, histoire de laisser une distance entre les deux et ne pas rendre la situation d’autant plus gênante.
« Maman? C’est quand tu veux pour avancer. » et j’y peux rien, si je pense à mille choses à la fois, à tout en même temps. Je pense à l’atelier de demain qui affiche complet comme tous les autres cette semaine, je pense à la galerie qui va devoir ajouter des heures supplémentaires d’exposition parce qu’on arrive juste à chaque mois tellement il y a de la demande. Je pense au plombier qui n’est pas passé réparer la fuite dans la salle de bain à la maison, la mienne, celle que j’habite un jour sur cinq ces temps-ci, celle qui manque d’amour et à qui apparemment je dois en donner avant que la tuyauterie se rebelle contre moi. Je pense à mes classes de yoga que j’ai manquées pendant presque trois semaines d’affilé parce que mes matinées sont ponctuées de course contre la montre pour m’assurer que Noah ne manque pas le bus, qu’il arrive sain et sauf à l’école avec un lunch relativement sain. Je pense à Isy qui s’est retrouvé avec un autre quart en plus de ceux qu’il a cumulés aujourd’hui, et qui rentrera à une heure impossible à nouveau cette semaine, épuisé comme jamais. « Elle fait peut-être sa méditation du jour? » et dans l’immédiat je pense à mon fils qui me fait de gros yeux, à Joy qui laisse un sourire en coin attendrir son visage, assumer sa curiosité.
« Non, ça c’était dans le jardin ce matin. » Noah relance, Joy fronce du nez, je roule des yeux et ils s’amusent les gamins, alors qu’on est perdus dans je sais plus trop quelle allée à l’épicerie, et que j’ai une liste approximative en tête qui reste pleine même si on tourne en rond dans le commerce depuis une bonne poignée de minutes. « T’es sûr? Je suis perdue. C’était avant ou après les fairy breads? » Noah jongle avec des citrons, Joy se laisse séduire par l’étalage de jus de fruits frais aux couleurs de l’arc en ciel. J’essaie de reprendre un minimum d’autorité en faisant avancer le panier, en espérant que les deux enfants à la répartie aussi fascinante que piquante suivent dans mon sillage. « Après – maman, on peut aller attendre dehors si tu préfères être seule pour ton instropection. »
« Introspection Noah, et non ça va, j’ai juste la tête un peu ailleurs. » j’assure, finalement. Et leur donne leur prochaine mission, envoyant Noah chercher les items nécessaires aux petits-déjeuners fruités prévus par Isy, et Joy voguer vers les légumes qu’on coupera distraitement plus tard en guise de collations. Ils s’amusent à s’élancer vers les étalages, ils sont encore à portée de coup d’œil quand ma main se dépose sur le premier melon du bord, mais que celui-ci a beaucoup plus une consistance de phalanges que de fruit exotique. « oh désolée, vous pouvez le prendre, vous l’aviez vu avant moi. » « Justine? » sa voix que je reconnaitrais entre mille, son sourire qui s’en échappe, mais son malaise que je remarque à peine. « Vas-y prend-le voyons, j’improviserai en collant quatre pommes les unes aux autres, et tout le monde n’y verra que du feu. » mon ton moqueur qui essaie d’alléger ce que je sens plus lourd entre nous deux, comme si elle se retenait, comme si elle se sentait tout sauf à sa place. Et je réalise que depuis que Noah est sorti de l’hôpital, je l’ai à peine revue, à peine recroisée. Une inspiration plus tard et je demande donc, véritablement curieuse, armée de toutes les bonnes intentions du monde. « Je suis contente de te voir. Comment est-ce que tu vas? »
Il y avait des jours comme ça où la blondinette était juste en mode automatique. Elle faisait les choses sans trop réfléchir, sans prêter attention à son environnement, juste avec des mouvements qui paraissaient presque répétés et mécaniques. La fatigue des derniers jours de travail était présente en elle, marquant le dessous de ses yeux d’une couleur mauve, et son teint d’une couleur plus pâle que le reste du temps. Faire les courses était devenue une tâche compliquée, et si elle ne posait pas tout ce qu’elle devait acheter sur papier, elle pouvait être sûre de sortir du supermarché en ayant oublié des choses. Sa mémoire lui faisait souvent défaut lorsque le repos n’était pas de mise, rien de bien inquiétant bien-sûr, juste deux trois bricoles qui pouvaient lui sortir de la tête. Elle pouvait oublier de nourrir son chat, qui ne perdait pas de temps pour lui rappeler à grands miaulements et coups de tête sur les jambes. Justine était déjà très tête en l’air et maladroite de nature, mais ses deux traits étaient accentuées dans ce genre de situation, et elle devait être doublement attentive à ne pas faire de bêtises. Des fruits et des légumes frais, voilà une chose dont avait bien besoin la jeune femme. C’était bien meilleur que les grandes poches de légumes prédécoupés et surgelés, qui perdaient nettement en goût et en valeur nutritionnelle. La demoiselle avait été habituée depuis toujours à manger sainement, à cuisiner des repas qui comprenait féculents, légumes, et des protéines en moindre quantité. Elle évitait les graisses saturées, l’huile de palme, les produits remplis de sels, et les colorants aux noms à rallonge. Ce n’était pas le genre de l’infirmière de prendre du poids, et pourtant elle ne se privait jamais. Elle s’accordait régulièrement des sorties au restaurant, cuisinait des pâtisseries au moins une fois par semaine et craquait quelques fois par les sucreries apportées par les parents de ses patients. Cependant le métier d’infirmière lui permettait d’énormément se dépenser : courir d’un bout du couloir à l’autre pour répondre aux sonnettes, monter et descendre les escaliers pour rejoindre la cafétéria ou les vestiaires, et parfois participer aux balades des enfants qui étaient autorisés à marcher dans les jardins du centre hospitalier. Avec tous ces éléments, elle avait un rythme de vie bien cadencé, et pouvait se permettre les quelques écarts qui lui faisaient plaisir de temps en temps. Quand elle cuisinait chez elle, elle privilégiait cependant les repas sains, en grande quantité pour pouvoir s’emporter des gamelles au travail, et parfois partager avec son voisinage. Etant tirée de ses pensées culinaires par la main d’une femme sur la sienne, elle releva les yeux, surprise de croiser le regard de Ginny « Justine? ». Elle tenta tout de même d’esquisser un sourire, ne voulant pas mettre la jeune femme mal à l’aise, ne voulant surtout pas l’affecter par le retour de mauvais souvenirs « Vas-y prend-le voyons, j’improviserai en collant quatre pommes les unes aux autres, et tout le monde n’y verra que du feu. ». Justine sourit, dévoilant légèrement ses dents, Ginny n’avait pas perdu de sa légèreté, de son humour qui avait tant touchée l’infirmière il y a quelques années. Elle saisit le fruit, ne voulant pas que le débat « vas y toi, non toi » ne rende le malaise encore plus lourd « Merci Ginny. Et connaissant ton petit bout et Isy, je pense que tu n’arriveras pas à les berner ! ». Elle sourit, essayant aussi par ce geste de dissiper sa propre gêne, d’alléger sa culpabilité qui n’avait pas lieu d’être. Noah allait bien, il était sorti de l’hôpital, il avait survécu et Justine essayait de se répéter ces phrases en boucle dans sa tête « Je suis contente de te voir. Comment est-ce que tu vas? ». Elle fut touchée par l’attention de Ginny et lui sourit timidement « Je suis également contente de te croiser. Ecoute je vais bien, et toi ? ». Elle ne voulait pas embêter la brune avec ses problèmes de fatigue, elle avait sans doute autre chose à faire que de l’écouter se plaindre de ses horaires de travail. Elle pensa ensuite qu’elle n’avait pas vu le petit garçon derrière sa maman, qu’elle n’avait pas aperçu de petite main accrochée aux longs doigts de la jeune femme « Et Noah ? Il est avec toi ? ». Elle regarda autour d’elles, mais ne le vit pas dans le monde qui déambulait entre les allées.
Je suis prête à lui céder le melon, je suis prête à lui céder tout en fait. Justine avait tellement accompli pour moi, elle avait tellement été indispensable à Noah tout au long de son séjour à l’hôpital, elle avait été son monde et le mien. Elle peut donc bien sûr repartir avec tous les fruits de la planète si elle le veut. Encore maintenant, elle mériterait tout ce que j’ai et tout ce que je pourrais lui donner que ce ne serait jamais assez à mes yeux. « Merci Ginny. Et connaissant ton petit bout et Isy, je pense que tu n’arriveras pas à les berner ! » mais surtout, elle connaît la maisonnée, elle connaît les phénomènes, elle sait dans quel piège je saute à pieds joints ; et mon éclat de rire ne le lui confirme que trop. « Si c’est pour m’aider à ne pas être ridiculisée par toute la famille, d’accord, je prends. » j’hoche de la tête en tentant d’être sérieuse, mais bien sûr qu’un sourire en coin ressort au détour d’un clin d’œil partagé. « Ton karma va être choyé aujourd’hui encore. » que je complète, mettant le fruit de notre négociation qui a à peine duré plus de trente secondes dans mon panier.
La voir me fait un petit quelque chose, bien sûr. Lui parler, entendre sa voix, discuter d’autre chose que d’un dossier trop chargé pour l’âge minuscule de mon fils, c’est étrange, c’est une dynamique avec laquelle je ne suis pas du tout habituée, mais à laquelle je n’hésiterais pas à revenir, si ce n’est que pour me confirmer que Noah vit enfin, que Noah vit mieux. « Je suis également contente de te croiser. Ecoute je vais bien, et toi ? » « On va bien. » il me semblait toujours tellement difficile de dire autrement. Depuis que les derniers résultats étaient positifs, depuis que la greffe et ses potentielles complications semblaient être derrière nous, depuis qu’on était sortis d’affaire et que la vie était simple, franchement simple, je ne pouvais pas demander autre chose. Impossible de râler, impensable de voir quelconque scénario comme un point négatif, comme une raison de me lever du mauvais pied, comme une excuse pour me plaindre. « Et Noah ? Il est avec toi ? » Justine me sort de mes pensées, et pour une fois, c’est pour une bonne, une excellente raison. Du menton je pointe le stand à quelques mètres de nous, de là où, d’ici, on ne voit absolument rien de différent en surface. « Il est caché avec Joy entre les bananes et les oranges. » les deux gamins ne me voient pas, ne se font pas voir, ne m’entendent probablement pas. Et contre toute attente, malgré mes aléas de tête en l’air constante et de maladresse omniprésente, je les ai repéré à chaque étape de leur jeu, les ait suivi des yeux jusqu’à ce qu’ils aboutissent à l’autre bout de la section du supermarché non sans sourire en coin pour les accompagner. « Juste là, la casquette bleue. » amusée, je laisse à Justine le temps de remarquer à ma suite le maigre centimètre bleu qui dépasse sur la droite, qui vend leur position, qui rend le tout particulièrement fun pour nous, alors qu’ils se croient être un duo d’espiègles au possible mais qu’au final, ils sont dans mon champ de vision depuis le début. Je prends pour acquis que Justine sait que je parle de la nièce d’Isy, que Joy a fini par devenir un visage connu au service entre les différentes mentions de son oncle et ses quelques passages de plus en plus fréquents à Brisbane ces derniers mois. Je n’avais pas creusé avec le Jensen à savoir pourquoi les raisons étaient aussi nombreuses pour que la gamine passe autant de temps avec nous, pas mes affaires autant que j’appréciais définitivement le fait que Noah et Joy étaient devenu au fil du temps plus amis que ce que j’aurais pu croire au début, vu leurs caractères parfois diamétralement opposés.
Rattrapant le regard de Justine au vol, je tente timidement « Tu sais, Noah parlait de toi y’a même pas quelques jours. », dans l’attente de pouvoir lui dire, utilisant lâchement les paroles que ma progéniture du haut de ses huit ans presque neuf avait imploré avec tant d’étoiles dans les yeux qu’il me semblait impossible de le lui refuser d’emblée. « Vos après-midis milkshakes lui manquent je pense. » je sous-entends, connaît leur tradition, ne m’en mêle pas, mais la souligne, espérant qu’elle reprenne, surtout l'habitude.
« Si c’est pour m’aider à ne pas être ridiculisée par toute la famille, d’accord, je prends. ». L’éclat de rire de Ginny qui raisonna dans le rayon fruits et légumes alléga quelque peu l’ambiance tendue, et détendit également les traits de Justine qui se sentait dans une situation étrange. Elle était face à la petite amie d’Isaac, ce qui était déjà assez perturbant étant donné ses sentiments pour son collègue, mais également la mère d’un ancien patient. Le tout ajouté, forcément que la blondinette n’était pas entièrement à l’aise avec la situation « Ça t’évitera une situation embêtante et d’éventuelles plaintes… ». Elle sourit à la jeune femme, tandis qu’elle rangeait le fruit dans le reste de ses achats « Ton karma va être choyé aujourd’hui encore. ». Justine estimait que sa vie était déjà rayonnante, elle pratiquait un métier qu’elle aimait profondément, elle était entourée d’enfants tous plus aimants les uns que les autres, elle avait des collègues en or et un service digne de ce nom. Malgré que sa vie amoureuse ne soit pas des plus remplies, elle avait des amis fidèles, remplis de loyauté en son égard et elle espérait bien leur rendre la pareille tous les jours. Se sentant touchée par les paroles de Ginny, et ne sachant pas trop quoi répondre à ça, elle lui sourit juste, un sourire remplie de sincérité. Elle espérait de tout cœur que la famille allait mieux aujourd’hui, maintenant que les problèmes de santé du petit bout étaient derrière eux « On va bien. ». Justine ne put s’empêcher de sourire, heureuse de savoir que tout allait bien, que la maladie avait laissé la place à un bonheur, au répit, et à une jolie vie « Je suis contente de l’apprendre Ginny, Noah est un petit garçon tellement solaire, et si intelligent, il a été très fort et je ne doute pas qu’il vivra une belle vie remplie de bonheur. Avec une maman comme ça, il ira loin ce petit bout ! ». Elle se souvenait de la malice du petit garçon, lors de leurs échanges ou de leurs jeux, où il battait parfois Justine à plate couture, de par sa ruse et son intelligence affutée. Malgré ses problèmes, lors des activités de groupe, il arrivait toujours à faire sourire les enfants qui n’étaient pas assez forts pour garder le sourire toute la journée. Il avait cette capacité de mettre ses propres émotions de côté, pour faire en sorte que les autres soient heureux et c’était une merveilleuse qualité. Justine interrogea Ginny sur la présence éventuelle de son garçon, ce par quoi elle répondit avec un geste « Il est caché avec Joy entre les bananes et les oranges. ». Justine tourna la tête dans la direction des stands concernés et plissa légèrement les yeux, tentant d’apercevoir ne serait-ce qu’un morceau des enfants. Elle ne savait même pas si Noah se souviendrait réellement d’elle. Certes ils avaient passé beaucoup de moments ensembles, mais est ce que les enfants ne font pas une sorte de refoulement des moments difficiles ? Une chose est sûre, malgré tous les enfants qu’elle voyait passer dans son service, la blondinette n’oublierai pas le garçon. « Juste là, la casquette bleue. ». La blonde repéra effectivement une parcelle bleue à travers les bananes et sourit à Ginny « Effectivement, bien joué ! ». « Tu sais, Noah parlait de toi y’a même pas quelques jours. ». Justine fut touchée d’entendre les mots de Ginny, et elle était presque sûre d’avoir les yeux brillants d’émotion. Il ne l’avait donc pas oubliée, c’était extrêmement touchant de savoir qu’elle était encore dans les discussions, qu’il verbalisait un quelconque manque « Vos après-midis milkshakes lui manquent je pense. ». L’infirmière sourit, de nouveau émue à l’évocation de ces nombreux souvenirs. C’était des moments précieux, qu’elle conservait dans son cœur et dans sa tête. Elle avait fait le pacte avec le garçon d’essayer toutes les saveurs de milkshakes possibles et inimaginables. Le pacte ayant été fait peu avant de temps sa sortie de l’hôpital, les seules saveurs goûtées étaient le basique chocolat, et la vanille « C’est vrai que c’était de beaux moments… Ils me manquent également mais malgré tout je suis contente qu’il soit sorti du service de pédiatrie ! ». Entre les milkshakes et la santé de Noah, le choix était vite vu « En plus j’ai pensé à lui récemment, j’en ai vu un à la barbapapa qui était proposé dans un stand… Il aurait probablement adoré ! ». Elle sourit, nostalgique à l’évocation de tous ces souvenirs.
« Je suis contente de l’apprendre Ginny, Noah est un petit garçon tellement solaire, et si intelligent, il a été très fort et je ne doute pas qu’il vivra une belle vie remplie de bonheur. Avec une maman comme ça, il ira loin ce petit bout ! » l’enthousiasme de Justine avait toujours été la chose que j’aimais le plus chez la jeune femme. Elle était bourrée de qualités et en avait fait la démonstration un nombre incalculable de fois, mais à mes yeux, c’était cette facilité qu’elle avait de voir le beau et le bon en chacun d’entre nous et de l’énoncer avec amour et générosité qui la rendait si spéciale, si importante à mes yeux. La chasse au Noah débute, me rappelant toutes ces fois où le gamin avait été en mesure de récupérer assez d’énergie pour sillonner les couloirs de l’hôpital, jouant à cache-cache avec une Justine et un Isy toujours prêts pour un moment avec mon fils lorsqu’il allait bien, mieux.
Le regard de la blonde suit le mien, l’inquiétude passagère d’une mère teinte mes iris pendant une fraction de seconde, quand je réalise qu’il pourrait très bien s’être enfui sans que je ne le remarque depuis. Que peut-être, plus il avance en âge moins je le connais par cœur comme notre relation fusionnelle me l’avait fait croire au fil du temps. Mais non, Justine confirme, et la casquette toute autant, un sourire couronné d’un léger soupir confortable ornant mes lèvres.
Joy rigole, Noah également, et les voilà qui ignorent que nous les avons repérés et qui doivent bien s’en féliciter le plus candidement du monde. La conversation reprend naturellement malgré le long moment sans se voir, et je constate qu’encore une fois la présence de Justine a tout pour me rassurer, tout pour me mettre à l’aise de pointer vers des confidences que ma progéniture raillerait de m’entendre dévoiler. Lui qui à l’aube d’être un grand garçon tente de projeter une image un peu plus mature à mon sens. « En plus j’ai pensé à lui récemment, j’en ai vu un à la barbapapa qui était proposé dans un stand… Il aurait probablement adoré ! » « C’est pas que lui qui aurait adoré, je confirme. » sans aucune gêne de répliquer, quand l’infirmière savait déjà à quel point les gâteries sucrées pour lesquelles mon fils craquait inévitablement étaient presque toujours les mêmes que les miennes.
Elle est douce la jeune femme, elle ne s’impose pas. « Il a commencé à venir de plus en plus avec moi, aux ateliers de peinture que je donne à l'hôpital. » alors à mon tour, je tente d’amener avec délicatesse ce qui à mes yeux serait une excellente façon pour elle se refaire un pas dans notre vie, d’y reprendre une place qui lui sera toujours dédiée. « Au départ il refusait, ou il me suivait en traînant de la patte ; c’est normal, vu les souvenirs que l'endroit doit lui rappeler. » je situe, tranquillement, jouant avec l’emballage à portée de moi d’agrumes lambas récupérés un peu plus tôt. « Mais il me demande de plus en plus souvent s’il peut être là depuis un moment. » viennent doucement les mots que je souhaite prononcer, ils franchissent mes lèvres timidement, mais ils les franchissent tout de même. « Le prochain auquel il assistera est dans quelques jours. » mes prunelles s’accrochent à celles de Justine, presque, elles supplient. « Tu viendrais ? » puis, mon sourire se dessine, la complicité remonte, je lui donne toute la place. « Avec ou sans milkshake, à ta discrétion. »
Justine aperçoit les deux enfants qui rigolent ensemble au loin. Ils ont l’air totalement ailleurs et n’ont probablement pas du tout remarqué la présence de l’infirmière, bien trop absorbés par leur jeu du moment. La blonde reporte son attention sur Ginny. Elle se souvient des moments qu’elle a passé avec le petit garçon, mais elle a également gardé en mémoire tous les moments qu’elle a pu passer avec la jeune femme. Les longues étreintes, les larmes chaudes qui coulaient sur son uniforme, les sourires rayonnants quand une bonne nouvelle arrivait, les jeux auxquels elle avait également participé, les anecdotes racontées sur son fils et bien d’autres instants qu’elle gardait précieusement enfouis. Ginny étant moins âgée que Justine, elle avait un peu eu la sensation de s’être sentie grande sœur. Elle l’avait d’ailleurs réconforté comme elle l’aurait fait avec son petit frère, avec toute la bienveillance et la douceur dont elle faisait preuve avec lui. Elle avait été présente pour elle pendant ce qui devait faire partie des périodes les plus difficiles de sa vie et malgré la distance patient-soignant qu’on impose au personnel, la blonde n’avait pas pu s’empêcher de s’attacher à la petite famille. Elle avait cependant préféré mettre des barrières après le départ du garçon, ne voulant pas aller au-delà de son rôle, refusant de s’imposer dans la vie de personnes qui vivaient peut-être bien mieux sans la fréquenter. Elle tenait à ses deux-là, et si une place dans leur vie était disponible pour elle, elle préférait que la demande vienne directement d’eux. Dans le sens inverse, Ginny et Noah avaient inéluctablement une place dans la vie de la blonde, mais elle ne s’estimait pas légitime de la demander. « C’est pas que lui qui aurait adoré, je confirme. ». Justine sourit, consciente qu’elle et Ginny partageaient un point commun : leur gourmandise. Quand elle ramenait des pâtisseries ou autres gourmandises à Noah, elle prenait toujours soin d’en prévoir le double pour également faire plaisir à sa maman. Elle n’était, certes, pas malade mais elle avait le droit à ces douceurs et Justine se faisait une joie de contribuer à son échelle à son bonheur « J’ai testé pour vous, et je vous conseille de foncer ! ». Un léger sourire sur les lèvres, et ses mains dont elle ne savait plus quoi faire qui se posèrent machinalement sur le « guidon » de son caddie. « Il a commencé à venir de plus en plus avec moi, aux ateliers de peinture que je donne à l'hôpital. ». Justine hocha la tête, elle avait entendu parler de ses ateliers et elle trouvait ça vraiment génial. Ginny avait beau dire de Justine qu’elle avait un cœur en or et que le karma lui rendrait la pareille, elle était également bien placée dans cette situation. Elle était également pleine de bienveillance et remplie de belles attentions, et la blonde n’avait aucun doute sur le fait que la vie lui rendrait, si ce n’était pas déjà fait « C’est super qu’il s’intéresse à ça. Et ça doit te faire plaisir également de le voir s’ouvrir, autant à l’art, qu’au partage et au bénévolat. ». Noah était un garçon intelligent, et Justine était presque sûre qu’il s’intéresserait à des tas de domaines différents plus tard, et possèderait une culture incroyable « Au départ il refusait, ou il me suivait en traînant de la patte ; c’est normal, vu les souvenirs que l'endroit doit lui rappeler. ». Justine hocha la tête doucement, elle imaginait bien que ce n’était pas toujours facile pour un petit garçon de revenir sur le lieu de tous ses tourments, et il avait fait preuve d’énormément de courage pour y retourner. Elle écouta Ginny qui continua « Mais il me demande de plus en plus souvent s’il peut être là depuis un moment. ». Elle sourit, contente de savoir que la peur, l’appréhension de Noah le quittait peu à peu, lui permettant des choses qu’il n’aurait pas osé faire quelques mois plus tôt « Le prochain auquel il assistera est dans quelques jours. ». Elle pensait avoir deviné où la femme voulait en venir, mais attendit qu’elle verbalise ses pensées, ne voulant pas se faire de faux espoirs sur ses intentions « Tu viendrais ? ». La blonde se détendit complètement face au sourire de Ginny et sa question. Tous ses doutes s’étaient dissipés avec cette question, pourtant extrêmement simple, mais si forte de signification « Avec plaisir Ginny. ». Elle lui rendit son si beau sourire « Avec ou sans milkshake, à ta discrétion. ». L’infirmière rit légèrement « Je ramènerai une nouvelle saveur, je n’en dis pas plus, vous aurez la surprise… ». Elle sourit à pleines dents, soulagée que le malaise se soit dissipé, soulagé de savoir qu’elle n’était pas un oiseau de malheur dans la tête de cette femme qui avait vécu tellement de mauvais moments à ses côtés « Je te remercie de ton invitation Ginny. Tu as toujours mon numéro pour pouvoir m’envoyer les détails ? ».
Et c'est doux, ça fait du bien. Retrouver Justine même au détour d'une allée, au hasard, n'a absolument rien de déplacé, ne fait pas aussi mal que je l'aurais cru. J'y avais pensé, à plusieurs reprises, à aller la voir à l'hôpital, à passer à la salle du personnel la saluer, à éterniser les banalités de couloirs pour reprendre la conversation où on l'avait laissée la dernière fois où on avait été toutes les deux. Mais chaque fois, il y avait cette boule dans mon ventre, il y avaient ces doutes, ceux que je n'aimais pas du tout, que je n'aimerai jamais, qui me soufflaient quand bon leur semblait que de remettre les pieds face à elle, face à tout ça, me ramènerait directement à ces années-là et à tout ce qu'elles représentaient.
« C’est super qu’il s’intéresse à ça. Et ça doit te faire plaisir également de le voir s’ouvrir, autant à l’art, qu’au partage et au bénévolat. » mais au fil des jours et des visites, au fil des mots de Justine aussi, je réalise que ces démons-là sont bel et bien disparus. Qu'ils ont fait leur temps, qu'ils ont pris tout ce qu'il pouvait, tout ce qu'ils voulaient de moi, mais que maintenant qu'ils ont vu que Noah et moi, on était plus forts que ça, plus forts qu'eux, ils s'en sont allés. « Et c'est rassurant ; ça m'assure d'avoir quelqu'un avec qui parler d'art jusqu'à pas d'heure alors qu'il n'aura pas le choix de l'endurer. J'aurai toujours l'argument que je suis sa maman et donc, qu'il doit m'écouter au mieux de ses capacités. » le faux rire machiavélique qui ressort, les mauvaises intentions si naïves et candides qu'il n'y avait absolument aucune menace derrière. Noah était un touche-à-touche du plus loin que je me souvienne et avait toujours été du genre à fouiller dans mon matériel de peinture sans demander la permission ; d'avoir la liberté de le faire aussi souvent qu'il le voulait maintenant entre la maison et l'atelier rendait les choses encore plus faciles et inspirantes autant pour lui que pour moi.
Et l'invitation franchit mes lèvres. Celle que j'attendais de lui faire depuis si longtemps, celle que je passe par les bons soins d'un Noah qui, réellement, s'ennuie d'elle. Ce serait mentir de dire que le petit stress qui naît dans mon ventre passe totalement lorsque Justine accepte, le sourire aux lèvres « Avec plaisir Ginny. » parce que je ne sais pas encore si elle accepte par politesse, où si je suis entrain de retrouver l'amie, l'ange d'il y a une vie. J'ignore si elle n'est que bonne pour moi, pour nous, et de toute mon coeur j'espère que la suite sera tangible, qu'elle ne s'envolera pas dans une vague de dates manquées ou de rendez-vous reportés.
« Je ramènerai une nouvelle saveur, je n’en dis pas plus, vous aurez la surprise… » mais elle renchérit, et doucement mes épaules se relaxent, mon sourire grandit un peu plus. « Si en plus tu me prends par les sentiments! » le rire fait du bien, il scelle quelque chose, j'ignore quoi, mais il sonne comme s'il apportait avec lui son lot d'espoir, de confiance en l'avenir. « Je te remercie de ton invitation Ginny. Tu as toujours mon numéro pour pouvoir m’envoyer les détails ? » d'un hochement de tête de la positive, je confirme que le numéro de Justine est toujours bien enregistré dans mon répertoire. la preuve s'en fait lorsque je dégaine l'appareil de la poche arrière de mon jeans pour lui envoyer un petit texto rempli d'emoji sucrés. « Ce ne sont que des suggestions. » un éclat de rire file à nouveau, alors que je la laisse constater à quel point la gourmandise est toujours chose commune dans la famille.
L'écran de mon portable s'illumine d'un message du Jensen, le flash de l'équipe qu'ils formaient tous les deux étant impossible à déloger de ma mémoire. « Si tu veux, j'invite Isy aussi et on se retrouve tous ensemble comme avant? » la suggestion qui à mes yeux est complètement logique, sachant à quel point ils s'appréciaient l'un l'autre.
Revoir Ginny provoque un ouragan de sentiments chez Justine. Avant tout, Ginny c’était la mère de Noah, la mère de ce petit garçon auquel l’infirmière s’était sincèrement attachée, et c’était une personne importante dans sa vie. Elle avait passé un nombre incalculable de moments avec ce garçon et sa mère, avait noué des liens invincibles, des liens qui –malgré la distance et le temps qui était passé- resteraient impérissables. Elle en avait la confirmation maintenant qu’elle se tenait face à elle. Elles échangeaient, elles discutaient, et malgré le malaise dans un premier temps, la blonde sentait qu’elle reprenait tout doucement sa place. Sans forcer, sans s’imposer, elle revenait en douceur dans la vie de cette famille qu’elle avait tant porté dans son cœur, et ça lui faisait beaucoup de bien. Elle en oubliait presque ses sentiments pour Isaac, qui était après tout, le petit ami de Ginny. Elle les mettait dans un coin de sa tête, laissant la place à tout le positif de cette rencontre, se concentrant sur la personne face à elle, et rien d’autre. « Et c'est rassurant ; ça m'assure d'avoir quelqu'un avec qui parler d'art jusqu'à pas d'heure alors qu'il n'aura pas le choix de l'endurer. J'aurai toujours l'argument que je suis sa maman et donc, qu'il doit m'écouter au mieux de ses capacités. ». La blonde accompagne Ginny dans son rire, heureuse de la voir si légère, si différente de la femme qu’elle a connu des années plus tôt. Elle avait toujours essayé de garder la tête haute pour son fils, mais Justine avait l’habitude des familles dans ce cas-là, et elle voyait toujours la peur au fond des yeux et la tristesse camouflée dans les phrases. Elle voyait bien maintenant que cette femme était soulagée, n’avait plus d’inquiétude en elle et avait réussi à accepter le bonheur « Tu as bien raison, à cet âge-là tu peux encore en profiter ! A l’adolescence ça risque d’être une autre histoire ! ». Elle glissa un clin d’œil à la jeune femme, lui souriant, d’humour plus détendue que quelques minutes plus tôt. « Si en plus tu me prends par les sentiments! ». Leurs deux rires se joignent, sonnant joyeusement aux oreilles de la blonde, et lui redonnant confiance en elle. Car sa confiance avait pris un coup après la guérison de Noah. Elle avait peur que leur relation ne soit basée que sur les soins qu’elle prodiguait, qu’elle ne reste que l’infirmière de son fils et non pas une amie. Elle était effrayée de raviver des émotions négatives dans l’esprit de Ginny si elles venaient à se croiser, et finalement, à l’entendre lui parler, à la voir lui sourire, elle se disait qu’elle avait eu faux sur toute la ligne, et pour la première fois, elle fut heureuse de s’être trompée. Elle observa attentivement la brune sortir son téléphone de sa poche et tapoter rapidement sur son écran « Ce ne sont que des suggestions. ». La blonde souleva un sourcil, curieuse de savoir ce que contenait le message qu’elle venait de recevoir. Elle déverrouilla son écran et sourit largement devant la panoplie d’emojis utilisés pour décrire différentes saveurs possibles de milkshakes « Oh, sois sûre que je vais retenir ça ! ». Elle rangea son téléphone en souriant. « Si tu veux, j'invite Isy aussi et on se retrouve tous ensemble comme avant? ». Une question si innocente, et pourtant si difficile à entendre pour la blonde. Le malaise s’installa de nouveau en elle, pour des raisons différentes de celles du début, et elle ravala sa salive lentement, tentant de cacher sa gêne. Elle croisa les bras sur sa poitrine, ne sachant plus quoi faire de ses mains qui s’agitaient. Passer un moment avec Ginny et Isy réunis ? Voir à quel point leur couple était parfait, et enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie ? Il fallait qu’elle trouve quelque chose, et vite « Oh tu es sûre ? Le pauvre travaille déjà tellement, il a peut-être pas forcément envie de passer en plus son temps libre à l’hôpital » Elle se félicitait intérieurement car elle trouvait que ce qu’elle avait dit était totalement plausible et crédible « De plus, je ne sais pas si j’ai réellement envie de vous partager pour le moment. » Elle hocha les épaules innocemment en souriant. Pour le coup, sa dernière phrase n’était pas une excuse, elle le pensait sincèrement. Passer du temps avec Ginny et Noah pour la première fois depuis des années était un moment qu’elle avait envie de rendre spécial, un moment rien que pour eux.
Et tout redevient comme avant. Justine qui s’accroche à nos plans, les escapades qu’on planifie ensemble, Noah qui s’ennuyait d’elle autant que moi. C’est le coeur léger que j’hoche de la tête de la positive à sa réponse, que j’imagine déjà les choses rentrer si bien dans leur ordre que ce sera comme si jamais rien d’autre n’avait pu se produire à travers les différents mois où nos chemins s’étaient savamment séparés.
D’office, je propose qu’Isy soit de la partie, lui qui était toujours venu en paire avec Justine, lui qui n’avait que de bons mots à dire à son propos. Ça me semble naturel, ça me semble évident ; l'infirmière qui aborde toutefois l'horaire du Jensen comme une friction, comme une attache. « Je suis sûre que pour toi il arriverait à faire une exception. » j’hausse l’épaule, absolument certaine qu’il ne refuserait pas, les mentions de Justine qui étaient communes, leur équipe d’avant qui devait foncièrement leur manquer autant à lui qu’à elle. « De plus, je ne sais pas si j’ai réellement envie de vous partager pour le moment. » sa complicité raffle tout, son coup d’oeil aussi, je laisse échapper un rire pour compléter le tout. « Ah ben alors je lui dirai rien ; ce sera notre petit secret à tous les trois. »
Pas le moins du monde curieuse, ni même assez attentive ou réticente de voir que quelque chose d’autre se trame, ou du moins, que les raisons de la blonde ne sont pas en totalité celles qu’elle prône, j’en profite pour ajouter un « Tu rayonnes Justine. » qui vient du coeur. De base toujours souriante, le véritable soleil qu’elle amenait partout où elle passait, elle me semble aujourd’hui épanouie, bien plus que dans mon souvenir. J’ignore s’il s’agissait d’un voile qui m’empêchait de voir correctement à l’époque où noah était hospitalisé, mais je l’ignore volontairement lorsque je poursuis, les lèvres dessinées en un sourire qui lui est dédié. « Je sais pas s'il y a quelque chose qui a changé dans ta vie, quelque chose qui te rend encore plus heureuse si c'est possible, mais tu le mérites, vraiment. »
« Maman! Du coca à la cerise, ça compte comme des fruits? » la voix de noah me fait sursauter, quand je fais volte-face pour le voir brandir la bouteille de soda bien haut dans les airs, l’étiquette de toutes les couleurs et la tentative, noblement exécutée, il faut le lui donner, de vendre son argument de poids. « Je lui ai dit que non, mais il me croit pas il semblerait. » Joy renchérit, gamine plus mature des deux, plus droite. Elle a les yeux d’Isy, je l’ai remarqué la toute première fois où je l’ai rencontrée, je suis persuadée que Justine le verra elle aussi.
La légèreté de leur échange qui s’était installée, les rires partagés, les sourires rendus… Tout ce mélange d’émotions positives était agréable à ressentir pour la blonde, qui avait l’impression qu’un trou dans son cœur se rebouchait peu à peu. La séparation entre elle et la petite famille McGrath avait laissé des traces, et elle avait ressenti le manque chaque jour depuis ce moment. Maintenant qu’elles renouaient, l’infirmière profitait de chaque seconde, de chaque mot échangé et appréciait cette amitié retrouvée. L’instant est parfait, jusqu’à ce que Ginny n’aborde Isaac. C’est le facteur déclenchant du malaise de Justine. Elle le cache tant bien que mal, ne voulant surtout pas gâcher la beauté de l’instant. Elle se sert de l’emploi du temps chargé de son collègue comme excuse, comme façon de ne pas dévoiler les vraies raisons qui la poussent à ne pas vouloir de sa présence ce jour-ci. Elle apprécie passer du temps en sa compagnie, bien évidemment, mais passer ce temps avec le couple était une toute autre paire de manches et elle n’était pas encore prête à passer par là « Je suis sûre que pour toi il arriverait à faire une exception. ». Elle sourit malgré tout, appréciant la gentillesse et la douleur de la jeune femme, se doutant qu’elle n’a que de bonnes intentions à son égard et n’a aucune idée du mal qu’elle pourrait si facilement provoqué. Elle prend Ginny par les sentiments, évoque le fait de ne pas vouloir partager ces petits moments précieux avec Noah et elle. C’est sincère, bien qu’utilisé à des fins détournées « Ah ben alors je lui dirai rien ; ce sera notre petit secret à tous les trois. ». Elle joint son rire au sien, heureuse de savoir qu’elle a réussi à se tirer de cette situation sans faire de mal et tout en douceur. « Tu rayonnes Justine. ». Ces mots sont sortis spontanément, le plus naturellement du monde et un sourire naît tout doucement sur les lèvres de la blonde. Elle apprécie le compliment et ça la touche de savoir qu’elle renvoie aux autres une image solaire « Oh c’est adorable Ginny. ». Elle n’a pourtant pas de raison particulière de rayonner en ce moment, bien qu’elle soit heureuse de retrouver Ginny et son fils « Je sais pas s'il y a quelque chose qui a changé dans ta vie, quelque chose qui te rend encore plus heureuse si c'est possible, mais tu le mérites, vraiment. ». Son sourire se prolonge, et elle enregistre ces douces paroles, pour pouvoir se les repasser en cas de petit coup de mou « Il n’y a rien de nouveau, mais je suis particulièrement heureuse de te retrouver, et de savoir que je vais recommencer à vous avoir dans ma vie. Ça me manquait. ». Elle plonge son regard dans celui de Ginny, s’ouvrant sincèrement à elle. « Maman! Du coca à la cerise, ça compte comme des fruits? ». La petite voix encore aigue de Noah surgit dans le rayons fruits et légumes du supermarché. Justine et Ginny se retournent en même temps, observant le petit garçon brandir une bouteille de soda, assez fière de sa trouvaille. L’infirmière ne peut s’empêcher de sourire à pleines dents, heureuse de le voir, et surtout de voir qu’il n’a pas perdu de sa malice et de ses astuces. Il est rapidement suivi par une petite fille, que Justine reconnaît rapidement comme étant la nièce d’Isy, qu’elle a vu à plusieurs reprises en photo « Je lui ai dit que non, mais il me croit pas il semblerait. ». Elle rit légèrement face à la remarque de la jeune fille et relève les yeux vers Ginny « Je vais peut-être vous laisser finir vos courses, j’ai moi-même encore pas mal de choses à acheter ! ». Elle lui sourit et reporte son attention sur le garçon qui s’est approché « Coucou Noah ! Ça fait longtemps dis-moi ! ». Elle n’ose pas trop s’approcher, ne sachant pas comment il va réagir et se contente de lever sa main et de lui adresser un sourire sincère.
Elle dégage quelque chose qui me rappelle la lumière qu'elle apportait toujours avec elle. Justine que je n'avais jamais connue autrement qu'heureuse. La voix qui chante, le sourire aux lèvres, l'oeil qui pétille : c'était chose courante avec elle de sentir qu'elle rayonne, à la seconde où elle entre dans une pièce. Secrètement, j'avais probablement toujours été un peu déstabilisée par ce charisme naturel qu'elle avait, incapable d'atteindre un niveau de confiance pouvant à peine flirter avec le sien. Alors je l'admire, en silence. j'admire ses traits rieurs, j'admire son visage qui ne prend pas une seule marque d'âge, j'admire ce rire qu'elle a facile, cette stature que même sa fine silhouette arrive à tenir. « Il n’y a rien de nouveau, mais je suis particulièrement heureuse de te retrouver, et de savoir que je vais recommencer à vous avoir dans ma vie. Ça me manquait. » elle diffuse, elle change de sujet, elle prend le compliment pour le laisser filer, je ne lui en tiens pas rigueur, jamais.
« Comme quoi, c'est juste une question de hasard parfois. » et je dédouane de nouveau, absolument pas encline à lui mettre la faute pour quoi que ce soit. Le silence qui s'était installé entre elle et ma petite famille n'avait rien d'étonnant, même si ce serait mentir de dire qu'elle n'avait pas cruellement manqué à mon quotidien dans les semaines suivant la sortie de l'hôpital de Noah. Elle était devenue avec Isy un puissant point de repère, m'assurant que malgré la noirceur il y avait toujours des pointes de lumières, et je lui en serai éternellement reconnaissante. Toutefois, je n'ose pas entrer à nouveau dans de tels discours, sentant que même la plus petite pointe de gratitude risque de la mettre plus mal à l'aise que je me l'autoriserais jamais. Notre rencontre au hasard sera défini par l'univers qui s'est amusée à nous donner des envies de melon miel au même endroit, au même moment.
Derrière ça gigote, ça s'exclame, les deux canailles qui reviennent à ma hauteur et Joy qui finit par se hisser dans mes bras parce qu'elle a porté son attention sur un reste de peinture rose que je n'ai pas retiré de mes mèches, qu'elle s'affaire à gratter le tout de ses petits doigts agiles. « Je vais peut-être vous laisser finir vos courses, j’ai moi-même encore pas mal de choses à acheter ! » mes iris croisent ceux de Justine une dernière fois en sachant que ça ne sera pas la dernière fois justement, et c'est tout ce qui me suffit. J'allais lui passer une nouvelle dose de cadeur quand Noah se dégage un grand, un immense sourire à la voir devant nous.
« Coucou Noah ! Ça fait longtemps dis-moi ! » elle s'exclame, mon fils qui fait pareil, son « Hey, Justine! » qui résonne d'excitation en plein supermarché bondé. S'il n'y avait qu'un seul mètre entre eux ou des dizaines, il aurait tout autant couru vers elle, le bambin de bientôt 9 ans qui me donne l'impression d'en avoir 5 ans à nouveau, à voir comment il regrette toutes ses inhibitions en public pour se jeter sur l'infirmière le coeur en fête. « C'est vrai que t'as fait des biscuits triple chocolat l'autre fois? » leur étreinte qu'il ponctue d'une gourmande question, j'hausse l'épaule complice, pas le moins du monde étonnée que ce soit la première question de Noah à son intention. « Il a ses sources. » c'était la discussion qui avait ravie toutes les autres la semaine dernière à l'atelier à l'hôpital, les gamins occupés à peindre du bout de leurs petits index potelés, et le souvenir sucré d'un cookie qu'ils avaient tous goulûment dévoré.
Lorsque je vois qu'elle s'applique à être sur son départ, je n'ose pas la retenir plus longtemps. « Tu passes à la maison ou tu me téléphones quand tu veux. » dans l'un comme dans l'autre des cas, sa présence est toujours plus que bienvenue.