by the phone looking for you.

EAVAN & DIMITRI.

Depuis qu'il avait embauché un peu de main d’œuvre pour l'aider avec le stand et veiller à ce qu'il puisse s'absenter sans mettre en péril l'affaire de son père et par la même occasion le salaire qu'il se versait chaque mois, Dimitri avait un peu plus de temps pour des choses auxquelles il accordait peu d'importance avant ça, comme remplir son frigo qui faute d'être régulièrement ravitaillé n'offrait plus grand chose d'appétissant à se mettre sous la dent quand il rentrait du boulot avec la faim au ventre. Et ce soir, il avait un rencart et pas vraiment envie de se tirer une balle dans le pied en l'emmenant au restaurant pour se retrouver quasiment incapable de déchiffrer la carte qu'on lui mettrait entre les mains. Si peu de gens savaient pour ses problèmes, c'était bien parce qu'il préférait mettre l'accent sur d'autres choses quand il rencontrait quelqu'un pour la première fois, et c'était d'autant plus vrai quand une fille n'allait probablement pas s'éterniser plus d'une soirée ou d'une nuit dans son appartement. Seulement, il y avait aussi une bonne raison au fait que son frigo soit généralement aussi vide que son compte en banque, parce que dans sa situation même faire ses courses devenait parfois un parcours du combattant auquel il n'avait pas toujours le temps ou l'énergie de se soumettre. Mais avec un peu de bon sens et de débrouillardise il restait capable de se nourrir en évitant de remplir son cadis de ce qu'il n'aimait pas ou avait déjà acheté, il faut dire que pour ça il avait eu pas mal d’entraînement. Compter sur ses sœurs, ça allait bien pour remplir des papiers importants, mais pour le reste il aimait se débrouiller seul. Les courses lui avaient pris une heure, et c'est au moment de remplir l'arrière de son van qu'il se rendit compte qu'Eavan avait cherché à le joindre pendant qu'il était obnubilé par ce qu'il allait pouvoir mettre dans son cadis. Pour ça aussi, il avait développé pas mal de trucs, et même si leur dernière vraie conversation remontait à trois ou quatre mois, il ne risquait pas d'oublier comment lire son nom. Ce coup de fil, il l'attendait probablement chaque jour depuis qu'elle avait mis cette distance invraisemblable entre eux, mais il ne savait pas exactement comment il se sentait en entendant le son de sa voix. Bizarre et un peu perdu, probablement. Rappelant mécaniquement son numéro, il laissa passer quelques secondes lorsqu'elle décrocha, et s'éclaircit la voix au moment d'énoncer. « Salut Eavan, je viens d'avoir ton message. J'ai pas décroché parce que j'étais occupé, mais je suis content que tu m'aies appelé. J'ai failli le faire plusieurs fois, mais... » Il s'interrompit au moment où il réalisa qu'avoir cette discussion par téléphone interposé et au milieu d'un parking n'était peut être pas l'idéal après des mois sans avoir discuté avec celle qui malgré ça restait probablement après tout sa meilleure amie, si tant est que ce titre l'intéresse toujours. « Attends, tu sais quoi, je suis pas très loin de chez Ian alors je vais passer. A tout de suite. » Il ne savait pas vraiment ce qu'il faisait ni pourquoi il accourait pour la voir quand elle avait pourtant passé des mois à le tenir à l'écart de moments importants qu'il aurait bien aimé partager avec elle, mais c'était plus fort que lui, cette situation lui pesait suffisamment pour qu'il veuille mettre sa fierté de coté. Au moins pour l'instant. Démarrant son van, il prit la direction de Logan City jusqu'à ce qu'il savait être l'endroit où habitait Ian et ce qu'il pensait jusqu'à aujourd'hui être encore celui où vivait pleinement Eavan. C'était l'inconvénient de ce genre de silences, surtout dans des situations déjà aussi compliquées que celle-ci, on passait facilement à coté d'informations importantes et Dimitri n'aurait jamais pensé qu'il apprendrait au détour d'un coup de fil à quel point sa vie avait de nouveau basculé. A coté, la sienne avait presque l'air à peu près ordonnée. Sonnant à la porte, il oublia tout le reste pour une seconde – y compris qu'il avait plusieurs kilos de nourriture entassés dans son van – et se surprit à étirer un léger sourire lorsqu'elle ouvrit la porte. Sacrée Eavan, toujours à l'avoir sur ce plan-là. « Hey. Je me suis dit que c'était plus simple si je venais directement... » Dimitri resta planté la bouche entre-ouverte lorsque la porte s'ouvrit entièrement sur la silhouette pour le moins transformée de celle qui il n'y a pas si longtemps était encore une brindille qu'il pouvait porter sur ses épaules. Là, pas sûr qu'il s'y risque. « La vache. » Eavan avec son ventre de huit mois de grossesse, ça lui faisait un léger choc après qu'il ne l'ait pas vu d'aussi près depuis un petit moment, et c'était une vision aussi déroutante que forcément attendrissante même s'il aurait aimé la découvrir dans d'autres circonstances. « Désolé, c'est pas de toi que je parle, c'est juste... qu'on dirait que j'arrive à temps avant que t'exploses. » Dimitri s'amusa, fidèle à lui-même pour ce qui était de détendre l'atmosphère et au ton de leurs échanges qui malgré tout n'avait pas vraiment changé, un peu comme s'ils s'étaient quittés hier. « Tu me fais entrer ? C'est pas si souvent que j'ai un peu de temps devant moi, et on a comme qui dirait plusieurs mois à rattraper. C'est pas le genre de choses qui peuvent se faire sur le seuil d'une porte. » Et lui avait relativement confiance en son employé pour ne pas faire exploser le stand en son absence, dans le pire des cas sa belle gueule irait rameuter toutes les gamines aux alentours et ce ne serait pas mauvais pour les affaires. En théorie. Et d'après ce qu'il avait compris, Eavan avait surtout un paquet de choses à lui raconter en détails. « Tu m'as manqué, à moi aussi. » Dimitri finit par souffler, presque à demi-mots, mais comme un cri du cœur, et parce que c'était peut être par là qu'il aurait mieux fait de commencer.

 

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EAVAN & DIMITRI.

La voix d'Eavan était bien la dernière qu'il pensait entendre sur sa boite vocale après plusieurs mois d'une distance qu'il avait appris à accepter même si ça lui avait coûté, et Dimitri n'avait pas vraiment réfléchi lorsqu'il avait aussitôt rappelé son numéro, comme incapable de laisser filer la première occasion qui s'était présentée depuis longtemps de renouer le dialogue avec elle. Souvent il avait été à deux doigts de l'appeler pour prendre de ses nouvelles et chercher à retrouver la place qui autrefois était encore la sienne dans sa vie, par amitié mais aussi parce qu'il ne pensait pas qu'Eavan lui donnerait un jour l'impression d'être de trop, mais jamais Dimitri n'avait osé se lancer, toujours retenu soit par la peur de ne trouver personne pour répondre à l'autre bout du fil, soit par celle d'entendre ce qui achèverait de lui donner l'impression de ne plus compter, ou plus autant. Alors le plus souvent, c'est par le biais d'autres personnes qu'il avait pris de ses nouvelles, ou depuis l'autre coté de la rue qu'il l'avait observée tandis que sa grossesse suivait son court, comme si ça suffisait à lui donner l'impression même brève de partager ces moments avec sa meilleure amie. Il était passé par à peu près toutes les émotions depuis le jour où Eavan avait préféré le tenir à distance, et souvent il s'était juré qu'il lui réclamerait des comptes dès l'instant où il pourrait de nouveau se tenir face à elle et lui dire ce qu'il avait sur le cœur. Mais un coup de fil plus tard, Dimitri s'était retrouvé incapable de laisser ressortir la frustration qui l'avait habité toutes ces semaines, parce que plus qu'en colère, il avait surtout été peiné d'être mis de coté par celle avec qui il pouvait d'habitude tout partager ou presque. Il aurait des choses à lui dire, mais ça attendrait un peu plus tard, et Dimitri n'était pas encore suffisamment égoïste pour oublier qu'il s'adresserait à une femme enceinte de huit mois sur qui chaque mot qu'il déciderait d'employer aurait forcément de plus grosses répercussions encore. Alors plutôt que d'avoir une discussion par téléphone, il avait préféré faire le déplacement jusqu'à l'endroit où il savait qu'il la trouverait pour encore quelques jours, et s'était rué chez Ian si tôt ses courses rangées à l'arrière de son van. Dimitri disait souvent qu'il accordait peu de secondes chances, mais c'était différent quand il était question de quelqu'un d'important dans sa vie, et ce n'était pas après avoir déploré pendant des mois qu'Eavan le tienne à distance qu'il allait tout à coup décider de lui tourner le dos. C'est la raison pour laquelle il sonna bientôt à la porte, galvanisé par la respective de l'avoir enfin face à lui. Une vision qui sur le coup fut déroutante, c'est vrai, parce que s'il savait qu'il la retrouverait presque au terme de sa grossesse ça n'en était pas moins déstabilisant de comparer l'image qu'il avait gardé d'elle la dernière fois qu'ils avaient vraiment discuté ensemble avec celle qu'il découvrait aujourd'hui. La Eavan d'il y a quelques mois était méconnaissable, mais si la situation avait été différente il lui aurait dit que la grossesse lui seyait parfaitement. « J'aurais peut être pas du sonner et tenter d'entrer directement, alors. » Dimitri plaisanta dans un fin sourire amusé, certainement pour détendre l'atmosphère et faire que celle-ci s'allège un peu plus, et parce qu'Eavan savait déjà que la voir nue n'était pas le genre de choses qui iraient semer de malentendus entre elle et lui. A une époque peut être, mais ça paraissait loin et ils avaient développé une relation saine et équilibrée, sans crainte qu'un verre de trop – du moins quand elle pouvait encore boire – ne les place dans une situation périlleuse. « Désolé, mon humour douteux n'a pas vraiment changé. Et j'ai pas non plus d'heureux événement à fêter avec toi de mon coté, mais par contre j'ai réduit la clope. » C'était une façon comme une autre, taquine et pas trop maladroite il l'espérait, de la tenir un peu au courant de ce qui s'était passé de son coté – ou pas passé, plutôt – pendant ces semaines qu'ils avaient passé chacun de leur coté, et comme une note un peu plus légère avant cet aveu plus sincère qu'il ne put s'empêcher de faire. Ça devait sortir, ça en avait besoin depuis assez longtemps pour qu'il n'ait pas pu attendre et il resta silencieux à guetter l'expression d'Eavan qui sembla garder pour elle ce que ça lui inspirait. Peut être que ça valait mieux, et que c'était plus facile pour lui de réagir à ce même aveu au téléphone que pour elle de le faire face à face. Elle le fit entrer et Dimitri avança d'un pas d'abord un peu hésitant, et pas seulement parce qu'il était chez Ian et n'était pas sûr qu'il soit au courant de sa venue. Mais pas le temps d'y penser, Dimitri s'installa puis hésita une seconde. « Juste de l'eau, ce sera très bien. Merci. » Fut un temps où il aurait demandé si elle n'avait pas un peu de bière au frais, mais s'il n'avait pas pu se montrer solidaire de son état pendant les quatre derniers mois, ce n'était sûrement pas trop tard pour ça et se montrer un peu raisonnable ne ferait pas de mal non plus. « C'est pour ça que Ian et toi vous avez rompu, parce qu'il te surprotégeait un peu trop ? Ou c'est parce que t'as toujours Cian dans la tête ? » Un léger sourire, bienveillant malgré toute cette histoire, s'accrocha à ses lèvres tandis qu'il posa sur Eavan le regard de l'ami soucieux, un peu mal à l'aise de découvrir autant de choses après coup, comme on apprenait les détails de la vie d'une célébrité en feuilletant les journaux. « Tu sais que t'as toujours pu me parler comme à un frère, quelqu'un qui te conseille sans te juger. Et même si j'ai pas vraiment eu l'impression d'en être toujours un à tes yeux ces derniers mois, pour moi rien n'a changé. » Il faisait son maximum pour ne pas déverser tout ce qu'il avait contenu en lui en une fois, pour ne pas gâcher ces retrouvailles, alors Dimiti prenait des pincettes, comme il arrivait généralement à le faire avec ses sœurs et Eavan. Il avait besoin de réponses, pas forcément d'excuses, mais surtout de rattraper le temps perdu en lui montrant qu'elle pouvait toujours se confier à lui sans craindre d'être incomprise. « Ce que je veux dire... c'est que je compte pas me laisser être tenu à distance une deuxième fois. » Pas maintenant qu'il l'avait face à lui et qu'il réalisait qu'il oublierait probablement tout dans la seconde s'il avait la seule certitude que plus jamais elle ne lui donnerait l'impression d'être la dernière personne qu'elle désirait avoir à ses cotés.

 

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EAVAN & DIMITRI.

Quelques années en arrière, Dimitri n'aurait jamais pensé que quoi que ce soit changerait un jour entre Eavan et lui, même malgré les aléas venus rythmés leurs vies respectives, et même après cette nuit où ils avaient beaucoup trop bu pour garder les idées claires et leurs fringues par la même occasion, mais dont ils avaient aussitôt plaisanté ensuite. C'avait toujours été comme ça avec elle, même les moments de doutes avaient toujours laissé place à leur complicité habituelle, même les petites engueulades ne les avaient jamais séparés plus d'une journée avant que l'un ou l'autre ne vienne sonner à la porte avec une bonne bouteille et des provisions. Mais cette fois c'était différent, ces quelques mois passés loin l'un de l'autre les laissaient aujourd'hui face au constat déroutant qu'ils n'étaient pas complètement à l'aise et eux-mêmes l'un face à l'autre, ce que Dimitri n'aurait jamais pensé possible. L'humour restait une bouée utile à laquelle il s'accrochait, bien décidé à conjurer le sort pour retrouver le naturel et la décontraction de leurs échanges, même s'il savait aussi que ça pourrait prendre un peu de temps. Peu importe, après ces mois de silence ce n'était pas d'attendre quelques jours que les choses reviennent à leur état naturel qui risquait de lui faire peur. L'idée de ne pas retrouver sa complicité ancestrale avec Eavan, par contre, beaucoup plus. « Huit mois de grossesse et tu parles déjà comme ma mère, qu'est-ce que ce sera quand le bébé sera né. » Il tenta à nouveau de plaisanter au sujet de cette histoire de cigarettes, face à une Eavan qu'il sentait elle aussi un peu désarçonnée par tout ça et qu'il avait aussi à cœur de préserver malgré tout. Il lui en avait voulu, sur le coup, mais la retrouver enceinte jusqu'aux yeux avait remué pas mal de choses en lui, et il ne voulait pas être le premier meilleur ami au monde à se comporter comme un salaud avec une femme enceinte qui était aussi accessoirement l'une des personnes les plus importantes dans sa vie. Encore aujourd'hui, personne n'avait pris la place qu'elle avait laissé derrière elle quelques mois plus tôt, comme s'il avait toujours su qu'au fond de lui la rancœur se dissiperait. « Je peux bien faire l'effort de me passer d'alcool pour aujourd'hui si t'as réussi à tenir plusieurs mois. Je ferais un piètre soutien si je m'ouvrais une bière juste sous ton nez. » Eavan n'avait visiblement pas envie qu'il se prive, mais qu'elle ait réussi à tenir huit mois alors qu'il était bien placé pour savoir qu'elle avait du se sentir atrocement frustrée pour partager avec elle une certaine tendance au « verre de trop », ça le faisait aussi un peu réfléchir sur sa propre consommation et ça l'incitait à vouloir faire un effort. « Mais message reçu, compte sur moi pour te faire rattraper le temps perdu une fois la naissance passée. » Sourire en coin fidèle à ceux qu'elle lui connaissait, regard brillant du type qui ne manquait jamais de suite dans les idées quand il était question de sortir s'amuser un peu, Dimitri n'avait pas de mal à lui sortir sa panoplie habituelle malgré les circonstances un peu différentes de d’habitude. Finalement, peut être que la meilleure chose qu'il puisse faire pour alléger l'ambiance, c'était d'agir exactement comme il aurait agi s'ils s'étaient quittés hier. Et comme un besoin de s'assurer que malgré tout ce qu'il avait pu rater il était encore capable d'être pour elle l'oreille attentive qu'il avait toujours été, il n'attendit pas davantage pour prendre la température et s'informer des derniers rebondissements. Avec Ian, avec Cian, qui qu'elle porte aujourd'hui dans son cœur il savait qu'il saurait se montrer un soutien et taire ses propres préférences. Sa réponse aurait pu le rassurer, et ce fut sûrement le cas en partie, mais il sentait bien qu'elle était perdue et probablement terrifiée dans son état. « Tu sais, j'ai toujours su que c'était pas complètement terminé entre vous deux. » Il avoua dans un souffle, un peu hésitant parce que c'était peut être la dernière chose qu'elle avait besoin d'entendre quand bien même elle savait qu'il avait toujours apprécié son couple avec Cian. Mais en dépit de ce qu'il avait su, de ce qui s'était passé, il n'avait jamais cessé de croire que ces deux-là étaient vraiment bien l'un pour l'autre, pourtant il était bien placé pour savoir que ce n'était pas toujours aussi simple. « Est-ce qu'il le sait ? » Il réalisait qu'il n'en savait pas beaucoup plus sur son dernier contact avec Cian que sur à peu près tout le reste, et c'était un constat forcément difficile quand comme lui on connaissait Eavan depuis aussi longtemps et était tout à coup suspendu à ses lèvres comme si la moindre information qu'elle pourrait lui donner l'aiderait à remettre tout le reste du puzzle dans l'ordre. Malgré ça il était sincère, à aucun moment ces derniers mois il n'avait songé à cesser d'être de nouveau là pour elle, et c'était bien ce qui avait rendu ça aussi difficile. Pour lui rien n'avait changé et il en prenait conscience en la voyant là, plus vulnérable qu'elle ne l'avait jamais été y compris sous ses yeux à lui, et en sentant sa gorge se serrer de l'entendre parler d'elle de cette façon. « Eavan, dis pas ça. Tout le monde fait des erreurs un jour. J'en ai fait, t'en as fait, mais ça fait pas pour autant de toi une mauvaise personne ou quelqu'un qui mérite pas d'être pardonnée. » Il redevint silencieux une seconde, puis se décala sur le canapé de façon à venir déposer une main sur son genou pour le presser légèrement. Le contact était hésitant là où autrefois il l'aurait serrée dans ses bras sans attendre pour couper court à tout le reste, mais c'était sa façon de lui montrer qu'il était là. Comme quelqu'un qui tentait encore de reprendre ses marques et sa place à ses cotés, mais qui n'irait jamais la juger quelles que soient les erreurs qu'elle puisse faire. Ça apaisait aussi peut être quelque chose d'entendre ses explications, tout comme ça allégeait sans doute un peu de la frustration qu'il avait éprouvé, de savoir qu'elle regrettait. « Finalement, t'auras fini par le faire. Et c'aurait pu être pire, t'aurais pu m’appeler de la maternité et là j'aurais regretté d'avoir raté ça. » Son ton se voulait à la fois plus doux et aussi taquin qu'il savait l'être quand il sentait que c'était ce dont Eavan avait besoin pour se sentir un peu mieux, et c'était aussi sa façon de dédramatiser toute cette histoire qu'il ne tenait pas forcément à voir planer au-dessus d'eux plus longtemps. C'était fait, il le regretterait toujours un peu pour les moments qui ne se rattraperaient pas, mais elle n'avait pas besoin d'être accablée. « Plus sérieusement, Ailis c'est très joli comme prénom. » Irlandais sans doute, mélodieux en tout cas, et Dimitri n'en attendait pas moins d'Eavan qu'il ne pouvait pas s'empêcher de regarder avec cette espèce de lueur un peu euphorique dans le regard à l'idée que bientôt, il y en aurait une deuxième comme elle. Parce que c'était évident qu'elle serait son portrait craché. « J'imagine que sa chambre est déjà prête ? Je suis certain qu'elle manquera de rien dès qu'elle aura montré le bout de son nez. » La chambre peinte et décorée comme dans ces séries où les pots de peinture traînaient partout sur le sol pendant des mois et où le berceau n'attendait plus que d'être occupé. C'est bête, mais ça faisait partie de ces choses pour lesquelles il n'aurait pas rechigné à se rendre utile, même s'il était plus doué de ses mains pour retaper un appart' que pour décorer une chambre d'enfant.

 

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EAVAN & DIMITRI.

Chacun s'efforçait peut être de marcher sur des œufs, et sans doute que les automatismes d'hier mettraient encore un peu de temps à revenir, mais Dimitri le savait, il n'y avait rien que son amitié avec Eavan ne puisse pas traverser. Des mois de silence qui lui avaient paru des siècles, c'était le genre de choses qui venaient parfois enrayer l'engrenage, mais certainement pas la fin d'une relation qui avait traversé les années et connu assez de rebondissements pour qu'il sache ce qu'ils étaient capables d'affronter. Il n'irait pas lui dire que tout avait repris comme s'ils s'étaient quittés hier, Eavan savait qu'il aurait besoin de quelques jours pour pleinement se remettre de cet ascenseur émotionnel qui avait commencé le jour où elle avait mis cette distance entre eux pour finalement finir sur ce coup de téléphone, avec un dernier pic imprévisible au moment où il avait ouvert la porte et découvert sa silhouette transformée par une grossesse qui avait suivi son cours pendant que « eux » étaient en stand-by. C'était étrange de la voir comme ça, mais surtout ça l’emplissait d'une joie dont elle n'avait probablement pas idée, parce que Dimitri n'était pas connu pour facilement montrer ce qu'il ressentait. C'est fou, mais une partie de lui avait toujours su que ça finirait comme ça, ou tout du moins que leurs deux existences prendraient ce chemin tôt ou tard. Elle sur le point de donner la vie, et lui avec un sourire d'imbécile heureux accroché aux lèvres en la voyant écrire cette toute nouvelle page. Lui qui ne s'attendait pas vraiment à passer par là un jour, ou dans ces cas-là dieu seul savait combien de malaises seraient à recenser du coté de sa famille si un beau matin il leur annonçait qu'il s'était enfin rangé des voitures pour fonder une famille, quand la stabilité n'était plus vraiment son fort depuis quatre ans. C'est pourquoi il se surprenait à vivre tout ça par procuration, et se redécouvrait un esprit particulièrement solidaire quand il était question de troquer une bonne bière contre un verre d'eau histoire de ne pas rappeler à Eavan les sacrifices qu'elle devait déjà faire depuis huit longs mois. Quant à Cian, rappeler à son amie qu'il avait toujours cru à leur histoire et à ses chances de renaître était peut être un peu maladroit, mais il n'avait jamais eu de secrets pour elle et elle savait qu'il souhaitait son bonheur. « Tu m'as dit dans ton message qu'il était prêt à faire partie de la vie de ta fille, et c'est déjà un bon début. Je sais que le reste va sûrement prendre un peu plus de temps, mais vous en avez aussi sûrement besoin. » De temps, de laisser retomber tout ce qui s'était passé, de s'offrir un certain recul sur les choses pour pouvoir se voir, et voir leur relation, avec un regard neuf. Dimitri savait qu'Eavan avait déjà eu tout le temps nécessaire pour réfléchir à certaines de ses décisions et à leurs conséquences, mais ce n'était que le début. « Toi, tu as aussi besoin de faire la paix avec tes erreurs. Et je sais que nous les mecs on a parfois notre fierté, mais je suis la preuve vivante qu'on peut pas non plus t'en vouloir éternellement. » Un sourire vint étirer ses lèvres lorsqu'il sous-entendit pas très subtilement qu'en la matière lui était peut être même un spécimen à part, capable d'éprouver une féroce rancune contre ceux qui lui causaient un mal irréparable ou s'en prenaient à ceux qu'il aimait, mais tout aussi incapable d'en tenir longtemps rigueur à ceux qui avaient une place spéciale dans sa vie. Eavan était de ces personnes à qui il voulait réussir à pardonner, et il était convaincu que Cian en était capable aussi. L'entendre avouer qu'elle en était probablement toujours amoureuse, c'était finalement comme la confirmation de ce qu'il pressentait, de ce qui suivait même une logique implacable quand on avait déjà vu ces deux-là ensemble, et sûrement que Cian avait compris. « J'espère vraiment que ça s'arrangera. » Il souffla simplement, peut être aussi parce que les amours contrariées était autrefois sa spécialité et qu'il n'avait pas de conseils miraculeux à donner dans ces cas-là, si ce n'est d'être patiente. Tout ce que Dimitri espérait c'était qu'Eavan finisse par retrouver l'équilibre dont elle et sa fille auront bientôt besoin, auprès de Cian si c'était ce qu'elle voulait. Et qu'elle s'en veuille pour ces derniers mois, ça le réconfortait un peu mais ça n'irait pas réécrire l'histoire, ainsi donc il ne voulait pas qu'elle se flagelle plus longtemps, d'autant plus qu'à une semaine de l'accouchement le timing n'était pas si problématique que ça. Sa façon de réagir tira alors à Dimitri un rire franc, alors qu'il avait enfin et pour la première fois de cet échange l'impression de vraiment retrouver Eavan. « Et moi je te promets que si tu es sur le point de merder à nouveau, je serai là pour te rappeler cette conversation. » Ce qui, il le savait, devrait être plus efficace que toutes les mises en garde du monde, parce que si Eavan n'avait pas toujours suivi ses conseils, il savait qu'en revanche toute cette histoire risquait de l'avoir suffisamment marquée pour qu'elle ne veuille plus prendre les mêmes risques avec les gens qu'elle aimait. Avec Cian, avec lui. « Pour ce qui est d'enterrer un corps, on va peut être d'abord attendre que ta fille soit majeure avant de prendre le risque de t'envoyer en prison, hm ? » Dimitri ajouta pour plaisanter, dans un clin d’œil qui mieux que le reste témoignait du fait que l'atmosphère s'allégeait et le poids qu'il avait porté des mois en étant loin d'elle, aussi. Il se sentait mieux d'avoir pu mettre des mots sur ce qu'il avait éprouvé, des mots sur ce qu'il éprouvait maintenant qu'il se sentait incapable de lui tourner le dos quand tout ce qu'il voulait c'était que tout revienne à la normale. Il pensait à la chambre du bébé parce qu'il mesurait tout ce que la naissance irait bientôt bouleverser, transformer, et d'autant plus alors qu'il savait que la situation d'Eavan n'était pas des plus banales. Pour autant, il était sûr qu'une fois sa fille entre les bras le reste n'aurait pas d'importance. « Oh, je vois, Cian t'a trouvé un appartement... » Il étira un sourire en coin suffisamment parlant, sans avoir sans doute besoin d'en dire plus sur ce que l'idée lui inspirait comme sentiment paisible, avant de demander. « Où est-ce qu'il est situé ? Et si t'es entrain de me mettre au défi de me battre avec Cian pour savoir qui décorera la chambre, laisse-moi te dire... que je suis ton homme. » Bien sûr, il plaisantait à nouveau et n'allait pas sérieusement entrer en compétition avec lui sur ce terrain-là, d'abord parce qu'il ne l'aiderait avec la chambre que si c'était ce que tout le monde voulait, et ensuite parce qu'une partie de lui avait sûrement la trouille de ne pas être à la hauteur du challenge que ça représentait. Finalement, la suite fit tomber un léger voile humide sur son regard, sans que Dimitri sache si c'était vraiment à lui qu'elle pensait à cet instant comme potentiel parrain ou si la suite allait faire un peu ralentir son rythme cardiaque. « Eh bien, tout dépend de ce que tu recherches. Si tu peux te contenter d'un type qui conduit un van plus vieux que lui, capable d'adopter tous les chiens errants qu'il trouve et qui sait cuisiner que deux plats... alors oui, là j'ai peut être quelqu'un à te proposer. » Est-ce que c'était le portait le plus flatteur qu'il aurait pu faire de lui-même ? Sans doute pas, mais certainement pas le pire non plus. « Je précise aussi qu'il a réduit la clope. Ah non, c'est vrai, tu le sais déjà. » Dommage, ça aurait peut être eu d'autant plus d'effet s'il ne l'avait dit que maintenant. Dimitri retrouva finalement un fin sourire, conscient qu'il donnait sûrement l'impression de s'emballer un peu alors qu'Eavan n'avait encore rien décidé, mais il était comme ça.