Everything that is casts a shadow

@Norah Lindley

Sa mère avait toujours insisté sur l’importance de ranger les couteaux la tête vers le bas quand il les mettait dans le lave vaisselle. Il le sait, elle le sait, tout le monde le sait. Pourtant il avait eu des envies d’enfant rebelle ce soir, à laisser la pointe aiguisée levée vers le ciel. Il avait sourit bêtement devant cet affront fait à sa génitrice contre qui il n’avait pourtant aucun ressenti. Caelan, enfant rebelle mais pas trop quand même. Il lui expliquerait surtout que le couteau était tombé et qu’il n’avait pas jugé bon de le retourner, qu’il n’allait tout de même pas se faire mal avec la pointe d’un vulgaire couvert alors qu’il était un adulte raisonné. Voyons. C’est tout à fait ce qu’il s’est passé pourtant quand il a été assailli d’une irrépressible envie d’éternuer et qu’elle a fatalement surgi au moment où il tenait ledit instrument entre ses mains. Il s’est finalement retrouvé avec une large entaille au niveau de la tempe et plus de peur que de mal. Il a même longuement râlé à l’idée de devoir prendre sa voiture à une heure si tardive pour aller se faire suturer cette plaie si risible. Le sang coulait pourtant abondamment alors que la plaie n’était pas bien longue, seulement trop large pour que le temps fasse son oeuvre sans l’aide de quelques points. Caelan n’est pas un grand aventurier et ne l’a jamais été mais il a déjà connu l’aiguille traversant ses plaies de part et d’autre par le passé. La précision chirurgicale de la chose l’a toujours fasciné et il pouvait passer des heures à regarder sa soeur s’entraîner sur la peau de diverses fruits avec de les lui voler pour les manger, bien sûr. S’il n’avait pas été un homme aussi impatient, il aurait peut être suivi les traces de sa petite soeur dans le monde médical. Heureusement pour tout le monde, ils n’ont eu à supporter qu’une seule Leckie et assurément la plus jolie de tous.
Ravalant sa fierté, le roux se présente aux urgences de l’hopital, du sang séché autour de son oreille gauche. On pourrait le prendre pour Van Gogh, de loin. En passant vite. S’il était dans le noir. Et avait effectivement perdu une oreille. Bon d’accord, il n’a de Van Gogh que la couleur rousse et les quelques traces de sang près de son oreille n’ont rien à envier à celle qu’il s’est tranché. C’est dommage pourtant, il aime bien les oeuvres de cet artiste ci. Il se contente de sagement faire la queue, de reposer son attention sur ses pieds alors qu’il repose le poids de son corps tantôt sur l’un et tantôt sur l’autre, guettant le moindre signe d’une asymétrie de sa force. Il fait seulement passer le temps comme l’aurait fait un enfant ; voilà ce qu’il fait. D’autant qu’il laisse passer à peu près toute la population de Brisbane avant lui pour n’importe quelle raison, l’attente commence réellement à devenir longue. Quand vient enfin son tour il en aurait presque oublié la raison de sa visite avant que l’infirmière de garde ne grince des dents face à sa mine blanchâtre et au sang peu glamour. Il gagne un mouchoir mouillé pour essuyer le tout et ressembler à autre chose qu’un mauvais maquillage d’Halloween. Son nom donné à l’accueil, des yeux intrigués se posent vers lui et les questions fusent en même temps que les messes basses. On le prend tantôt pour le mari de Norah et tantôt pour un de ses proches. Toussant légèrement (d’une manière plus que dramatique) il y met rapidement fin avant de simplement ajouter qu’il est son grand frère, ce à quoi on lui répond qu’ils vont bipper Norah pour lui et qu’elle devrait arriver sous peu. Il proteste rapidement, souffle légèrement, accepte le tout. Cette femme a un débit de paroles bien plus rapide que le sien et il ne peut décidément pas lutter. Il aurait pourtant aimé que sa jumelle ne s’inquiète pas pour lui, qu’elle ne perde pas de temps aux côtés d’un pseudo malade pas si mal en point que ça non plus. D’un autre côté pourtant il sait bien qu’elle enchaîne les heures à un rythme effréné et une chaise est toujours libre à ses côtés. Elle pourrait rester en sa compagnie quelques temps, se reposer. Caelan pourrait lui parler de tout et sans doute de n’importe quoi (il est assurément plus doué pour la seconde partie).
Lorsque sa brune préférée de la Terre entière et même au delà transparaît à l’horizon, il comprend rapidement que personne n’a jugé bon de l’informer qu’il n’a finalement aucun cancer en stade terminal. A vu d’oeil, il ne souffre même de rien du tout, son entaille étant habilement cachée par son épaisse chevelure. « J’ai pris le pass vip pour venir te voir directement au travail. » Qu’il annonce d’emblée, un sourire enfantin sur le visage. N’importe qui aurait sûrement eu envie de lui coller une belle baffe pour l’assurance dont il fait preuve alors qu’elle semblait tant s’inquiéter. Il joue cependant avec douceur, prenant la main de sa soeur dans la sienne alors qu’il l’invite à s’asseoir. Ses mots disent une chose et son corps en trahissent d’autres ; cas typique chez Caelan. « La bataille acharnée contre le Couteau Maudit vient de prendre fin et crois-le ou non mais j’ai gagné. On dirait pas comme ça, mais lui est clairement dans un sale état. » Le couteau de cuisine doit agoniser dans une marre de restes de sauce tomate au bout de sa lame, à même le sol. Quelle fin horrible pour un couvert pourtant si utile. Le roux coupera donc sa viande et ses spaghettis à même les dents, tel Rambo. Rambo fait la même chose, c’est certain. De toute façon ce n’est pas parce qu’il a une entaille qu’il a forcément battu la bataille ; Leckie peut même se vanter de beaucoup de choses car il sait qu’il rentrera seul chez lui tard dans la nuit et que personne ne sera là pour vérifier ses dires. Pas même Silk. Surtout pas elle. « J’ai essayé de leur dire qu’il n’y avait pas besoin de t’appeler mais personne ne m’a laissé le choix. » Ces quelques mots sont formulés en guise d’excuse pour le temps qu’il lui fait perdre alors qu’elle a sûrement bien mieux à faire que s’occuper de son imbécile de frère numéro trois. Il n’est que le troisième pour une fois parce que les deux aînés sont assurément bien pires. Cependant personne ne peut rejeter la faute sur eux cette fois ci et Caelan est seul face à la fatigue apparente de cette femme qu’il aime tant. « C'est juste une égratignure, Nord. » Il ne peut que la réconforter par son sourire et les gestes tendres focalisés sur une de ses mains. Son corps entier lui crie qu’il ne fait pas assez, pourtant. « Tu as mangé ? » Tu vas bien ?

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Pas mécontente de ne pas avoir eu affaire aux urgences depuis quelques temps, Norah profitait de ses postes dans le service dans lequel elle était initialement assignée et prenant en charge les mêmes patients depuis des semaines. Son esprit restait focalisé sur le policier blessé, mais dans les autres chambres tout aussi bien équipées, il y avait d'autres cas d'autant plus lourds en prise en charge, particulièrement instables. Le service de réanimation était particulièrement actif et l'on n'osait pas retirer de l'effectif pour le mettre ailleurs tout en connaissant la charge de travail. Par chance, les infirmiers et aide-soignants pouvaient compter sur des médecins et un cadre qui appuyaient ces propos et qui freinaient la direction qui demandait sans cesse de la polyvalence auprès de ses soignants. Andy, le médecin chef du service, ne fait confiance à aucun autre infirmier que ceux avec qui ils travaillaient quotidiennement. Ce travail d'équipe s'était construit et forgé au fil des années et qui garantissait une grande efficacité, surtout lors de situations d'urgences. D'ailleurs, parlant d'urgences, Norah était plutôt chamboulée par ce qu'il s'était passé la veille. Le policier, Dunn, de son nom de famille, avait enfin pu être réveillé et extubé après un coma de plusieurs semaines. Pour la première fois, Norah avait pu voir son visage s'animer, et même un peu lui sourire. C'était déjà une grande étape de franchie. Une étape qui impactait d'autant plus la belle infirmière. Même si elle cachait bien son jeu, il y avait certains signes qui ne trompaient, surtout lorsqu'on la côtoyait depuis longtemps. Ce n'était pas sans inquiétude et méfiance qu'Andy avait observé de lui, la conversation entre Dunn et Norah. Ce policier là, lui, avait survécu aux coups de feu, à l'instar de Frank. Le lendemain, la jeune femme revenait au travail. "On va pas se mentir, tu passes quand même ta vie au boulot, en ce moment." fit remarquer l'une de ses collègues en la voyant débarquer. Norah s'était étrangement accomodée de ce rythme là, c'était devenu comme une normalité, la part entière de son quotidien. Elle haussait les épaules en guise de réponse, sans faire davantage de commentaires. Elle n'en voyait pas l'intérêt. Installée dans la salle de soins devant l'un des ordinateurs afin de s'occuper de la traçabilité des soins prodigués aux patients, le téléphone du service sonnait une nouvelle fois. Il retentissait à longueur de journée, pour des raisons diverses et variées. Famille, collègues, résultats d'examens ... Norah avait l'impression d'être parfois plus une secrétaire qu'autre chose. "Norah, il y a ton grand frère qui est aux urgences." L'infirmière, au bout du fil, fronçait les sourcils. "Lequel ? J'en ai trois." répondit-elle en se massant l'arête de son nez du bout des doigts. "Caelan." Le coeur de la jeune femme bondit d'un coup. Quoi ? Son frère jumeau blessé. Prise d'une panique qui ne lui ressemblait pas, elle avait raccroché au nez de celle qui l'avait appelée, prévenait Andy qu'elle devait aller aux urgences et descendait les escaliers à vive allure. On pouvait peut-être parlé de syndrome post-traumatique, avec une peur possiblement exacerbée de perdre à nouveau un être cher. Mais avec Caelan, c'était encore différent. Ce n'était pas n'importe qui. C'était son frère jumeau. Sans adresser un regard aux soignants alentour, elle se dirigeait automatiquement dans le box dans lequel son frère avait été placé le temps qu'on prenne soin de lui. Mais le voilà, un large sourire sur ses lèvres, plutôt bien portant. Sans dire un moment, Norah marchait hâtivement vers lui et passait ses bras par dessus ses épaules afin de l'enlacer, surtout par soulagement. Elle se fichait bien d'avoir un peu de sang de son frère sur elle. Il lui racontait ses mésaventures et la raison de sa venue aux urgences. L'infirmière l'embrassait sur le front et regardait immédiatement la taille de l'entaille. Du sang séché avait déjà collé quelques unes de ses mèches de cheveux entre elles. "Comment tu t'es fait ça ?" lui demanda-t-elle. Caelan était comme Alfie, sur ce point. Il aimait dédramatiser une situation en utilisant beaucoup d'humour et en inventant une histoire à dormir debout pour alléger l'atmosphère. Il parvint ainsi quand même à arracher un sourire à sa jumelle, qui sentait son coeur encore battre sous le coup de la panique. "Ne me fais plus jamais peur comme ça." finit-elle par dire avec un sourire soulagé. Peut-être était-ce la fatigue, elle était beaucoup à fleur de peau dernièrement et ça n'allait pas en s'améliorant. Après coup, la brune se trouvait bien bête d'avoir autant paniqué quand on lui avait annoncé que son frère se trouvait aux urgences. "Tu t'es quand même pas loupé." dit-elle en indiquant la plein du doigt. Ce n'était pas qu'une égratignure. Elle prit délicatement l'une des mains de son frère, qu'il utilisait jusqu'ici pour prodiguer quelques gestes tendres sur le dos de la sienne. Le contact l'apaisait immédiatement. L'une de ces choses que l'on ne parvenait jamais expliquer, ce lien entre jumeaux. Cela avait toujours dépassé leurs parents et leurs deux frères aînés. C'était différent, quasi viscéral. Norah jurait qu'il y avait ces moments où elle pouvait dire si Caelan était heureux ou triste. Inexplicable, et,  la majeure partie du temps, juste. "Pas encore non. Il y a pas mal de boulot, là-haut." Le service dans lequel Norah travaillait se trouvait deux étages plus haut. Il y avait toujours beaucoup à faire en réanimation. Et selon Norah, ce n'était pas un mal dans la mesure où ça lui maintenait l'esprit occupé.  "Mais ça va." Un mensonge que son conscient avait réussi à se convaincre depuis un certain temps déjà. Mais l'accumulation de fatigue, Dunn qui se remettait peu à peu de ses blessures, et tous les soucis du quotidien la rendaient plus fragiles qu'elle ne l'accepterait jamais. Ca va était devenu une phrase qui sortait par réflexe, de par son indépendance et une part de sa fierté. Pour elle, elle devait gérer la situation seule, au détriment de sa santé mentale. Elle savait aussi très bien que Caelan et Anwar n'étaient pas dupes. Ils la connaissaient trop bien pour ça. Peut-être qu'Alfie se laissait un petit peu berner. Elle adorait passer du temps avec lui, avec sa bonne humeur et son optimisme quasi contagieux. Ce n'était évidemment qu'une façade, Norah le savait, mais ô combien efficace. "Je vais déjà te nettoyer un peu ça." dit-elle en pointant du doigt sa blessure. "On ne va pas en parler à Aidan, il va finir par vouloir faire des expériences similaires." dit-elle avec un léger rire pendant qu'elle décollait les mèches de cheveux de sa plaie.

Il garde ses mains posées sur le bord du lit, se retient aux draps blancs qui ont dû être lavés au moins trois milliers de fois. Ils sont rêches, sans vie et sans odeur. Ils ne racontent aucune histoire et rendent Caelan bien trop triste. Il a l’impression de se retrouver au coin, puni pour avoir parlé sans n’avoir levé la main au préalable. Sa sauveuse arrive, pourtant, sa petite soeur au pas pressé et à la mâchoire serrée, celles dont les quelques mèches dépassant de sa queue de cheval volent au vent et se plaquent contre son crâne. Il aurait été heureux d’assister à cette scène de sa soeur arrivant vers lui dans n’importe quelle autre circonstances, mais pas ce soir alors qu’elle a l’air si préoccupée. Elle est préoccupée par tant de choses, sa petite soeur chérie, mais à l’instant il en est la raison principale et il s’en veut fatalement. Sa gêne se cache derrière le sourire qu’il lui tend, malgré tout heureux de la voir même si les conditions ne sont pas optimales. Il a oublié sa plaie sur le crâne ; elle ne lui fait même plus mal de toute façon. Il pourrait oublier avoir été amputé de tous ses membres à chaque fois que Norah l’enlace de la manière dont elle le fait maintenant. Caelan relâche le bord du lit, raccroche doucement une de ses mains à son avant bras et ferme les yeux le temps de l’étreinte. Il ne dit rien, sait pertinemment que dans ces moments là les gestes des jumeaux valent mieux que tous les mots qu’ils pourraient se dire. Dans ces moments là, il ne pense plus à aucune blague vaseuse ou à ses histoires à dormir debout. Ils sont seulement eux deux, comme depuis toujours, comme ce nombre incalculable de fois où les gens les confondaient l’un l’autre quand ils étaient des nourrissons. Un nom de famille les sépare aujourd’hui mais cela ne signifie rien aux yeux de Caelan, ils seront à jamais ces jumeaux liés par quelque chose de bien plus grand et plus fort que leur adn commun. C’est la raison pour laquelle il accepte le baiser qu’elle pose sur son front, sourit à nouveau légèrement à ce doux contact que les adultes oublient bien trop souvent. L’océanologue finit par raconter sa version de l’histoire et tente de tout dédramatiser alors que ses yeux verts se lèvent en direction de sa soeur. Ses pieds se balancent dans le vide comme l’aurait fait un enfant hyperactif. Il cherche seulement à penser à autre chose, à trouver une tactique pour qu’elle n’aie plus à toujours s’en faire pour le reste du monde et qu’elle connaisse la paix elle aussi.
Le doigt pointé en direction de son front le sort de ses pensées, il rigole de manière gênée lorsqu’elle demande la cause exacte de tous ces problèmes. Cette fois ci il sait qu’elle souhaite seulement la vérité et pas la vérité à la Caelan, celle qui omet quelques petits détails et en ajoute d’autres dans le seul but de la rendre un peu plus belle, un peu moins moche. “J’ai éternué. J’avais un couteau dans les mains.” Il fait une moue, tend le même sourire à sa soeur que l’aurait fait un enfant à sa mère après avoir fait une bétise. Cette vérité là n’a rien de moche, pourtant, elle est loin d’être aussi intéressante qu’on aurait pu le croire. Il s’agit donc de la raison pour laquelle Caelan redevient lui même la seconde suivante. “Je pourrais raconter aux petits l’histoire du Couteau Maudit ?” Les enfants de sa soeur sont comme les siens. Elle le sait, il le sait. Tout leur entourage le sait aussi, eux qui doivent supporter toutes les anecdotes de tonton Caelan un peu trop souvent. “Si Anwar devient le meilleur parrain je vais vraiment finir par mal le prendre.” C’est de toute façon impossible. Cela n’arrivera jamais. Le jamais du jamais. “Et je le compte parmi les enfants, bien sûr.” Parce que s’il apprend l’histoire de Caelan vs le couteau il ne pourra pas s’arrêter de rire et de se moquer de lui jusqu’à la fin du monde et même après. Le roux n’est pas passionné par cette idée là, bizarrement.
Le sourire qu’elle lui tend est la plus belle des victoires, la seule chose qu’il a besoin de voir ce soir. Si elle a toujours la force de sourire alors cela signifie qu’il reste encore un peu d’espoir, que tout n’est pas encore perdu et qu’un jour sa vie redeviendra un long fleuve tranquille. “Je te le promets.” Il annonce ne plus jamais faire peur à sa soeur comme ça et les promesses sont sacrées entre eux. Ils peuvent les briser avec leurs aînés parce que les enfants d’une même famille se chamaillent entre eux, même à trente ans passés. Il ne peut pas les briser quand il s’agit de Norah et il ne l’a jamais fait, pas même quand il avait promis qu’il ne gouterait pas la glace de sa soeur si elle prenait la dernière au caramel alors qu’il en mourait d’envie.
Elle pointe à nouveau l’égratignure du doigt, annonce qu’il ne s’est pas loupé et il lui sourit à nouveau innocemment. “Je me devais de rendre l’histoire crédible. On ne fait jamais rien à moitié dans la famille.” Deux de ses doigts se retrouvent instinctivement sur la plaie mais il les retire aussitôt, craignant déjà la fureur de sa soeur à l’idée qu’il aggrave son cas. Le pointe de ses doigts est désormais teintée de rouge et il s’efforce de faire partir cette couleur significative en les frottant contre son pouce. Son autre main cesse de caresser celle de sa soeur, son regard se pose sur la main qu’elle approche en sa direction pour venir prendre sa main à son tour. Il arrête de raconter ses bêtises, admire l’enchaînement de courtes actions comme s’il s’agissait d’un ballet. Ses pieds arrêtent de gesticuler dans le vide et à cet instant précis il jurerait être capable d’entendre les battements de coeur de sa soeur traversant les deux corps par le biais de leur main.

Il redevient le grand frère inquiet lorsqu’elle lui annonce ne pas avoir mangé à une heure si tardive et commence à chercher des distributeurs du regard. Ils doivent bien avoir ça, dans les hôpitaux. Maintenant qu’elle est avec lui pour quelques minutes au moins alors elle peut en profiter pour grignoter quelque chose. Il serait rassuré de la voir manger ne serait-ce un paquet de chips. Une seule chips. Une demie chips. Quoi que ce soit. N’importe quoi qui l’aiderait à ne pas être trop fatiguée à cause de son travail “là haut” ; cet espace dans lequel il se passe tant de choses que le commun des mortels ignore. Caelan lui même sait qu’il n’a le droit qu’à une version édulcorée de tout ce qu’il s’y passe. “Mais ça va.” Les doigts du jeune homme recommencent à caresser doucement ceux de sa soeur qui se voile la face. Il sait que c’est faux parce qu’elle ressent le besoin de le lui dire quand bien même il ne lui a pas demandé explicitement. Elle anticipe ses questions pour ne pas se retrouver face au mur pourtant ses cernes et son teint plus banc qu’à l’habitude ne peuvent mentir. Il sent, de toute façon, qu’elle ne va pas aussi bien qu’elle l’aimerait. Il ne rajoute rien, ne cherche pas à la coincer dans cette histoire parce que ce n’est ni le moment ni le lieu. Le grand frère qu’il est se contente de sourire et replacer une mèche rebelle derrière son oreille. “Oui, je sais Nord, je sais.” Bien sûr qu’elle va toujours bien, Nord. Elle va toujours bien. Elle allait déjà bien ce jour où elle est tombée dans la cour de l’école et où il a vu le sang tâcher ses pantalons au niveau du genou. Elle est forte, sa soeur ; ce n’est pas n’importe qui.

“Il a intérêt de vouloir faire entrer en éruption des volcans en carton avant toute chose sinon il aura eu une enfance totalement gâchée.” Ca veut dire oui. Oui, personne n’en parlera à Aidan parce que ce petit garnement a le mauvais parrain et qu’il a une imagination bien trop débordante. Il serait capable de vouloir jouer aux fléchettes avec la tête de sa soeur. Les Lindley n’ayant sûrement pas vocation à ressembler à la famille Adams, mieux vaut s’en tenir à l’histoire des Couteaux Maudits. “On peut garder la véritable histoire pour sa majorité … ?” Il est fier de lui, sourit à pleine dents avant de se raviser immédiatement devant le visage de sa soeur qui a l’air bien moins emballée par cette brillante idée. “.. Ou jamais. C’est bien aussi, jamais.” Elle n’essaye pas déjà de tuer son grand frère, pourtant, et il sent ses mèches se désolidariser du sang séché de sa plaie. Elle a toujours été la plus douce de toutes et il est bien content qu’elle soit la seule à être devenue médecin et pas un des deux bourrins de grands frères. “Préviens moi si je dois m’attendre à ce que ça pique, hein." Il fait son grand garçon mais chouine pour un rien. Pour amuser Norah, aussi. Il parle pour ne rien dire, lui faire penser à autre chose. Ca ne doit pas être très joli à voir, cette égratignure. Au moins le couteau avait le mérite d’avoir été lavé à une température élevée et par conséquence totalement désinfecté. “Je sais que tu vas me tuer si je bouge alors je prépre déjà mes questions : snickers ou bounty ? Et si jamais ça reste coincé dans le distributeur, j’ai le droit de le secouer et de m’énerver ? Ou alors de mettre ma main à l’intérieur et risquer d’avoir besoin de la désincarcérer dix secondes plus tard ? Ou sinon il te reste le choix des chips écrasées et trop salées, c’est le dernier truc qui reste à chaque fois.”

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L'on critiquerait certainement le manque d'objectivité de la Leckie en disant que chacun de ses frères était parfait. Mais elle le pensait réellement, elle les aimait tout autant les uns que les autres, mais son jumeau aura toujours une place toute particulière dans son coeur. Ses trois frères avaient tous un tempérament différents, mais se rejoignaient toujours lorsqu'il s'agissait de plaisanteries, d'humour et de bonne humeur. Ils prenaient plaisir à se revoir même si ce n'était pas aussi régulièrement qu'ils le souhaiteraient. Ils prenaient tous les trois le rôle de grand frère un peu trop au sérieux, même si Norah avait désormais trente ans passés, et elle, elle restait leur meilleure conseillère. Elle lâchait un soupir lorsque Caelan lui expliquait les circonstances précises de son accident. "Dans ton malheur, t'es quand même un sacré petit veinard." Les événements auraient pu virer à un véritable drame. Ca se serait joué au centimètre près, au millimètre même. Enfin, Norah se détendait un petit peu, rassurée de savoir que son frère ne venait finalement que pour un petit peu de bobologie. Elle parvenait même à esquisser l'un de ses sourires – ceux que l'on ne voyait pas si souvent que ça ces dernières années. "Tu sais qu'il y a pas besoin de te donner tant de mal pour qu'on se voit." finit-elle par dire. Norah avait toujours un visage relativement neutre, mais il y avait toujours ces petites subtilités qui permettaient de déterminer quand elle plaisantait et quand elle était sérieuse. Pour cette fois-ci, il s'agissait bien de la première option. "Je sais que t'aimes jouer dans l'originalité, et je sais qu'on est du genre à être capable de se saigner pour l'un l'autre. Je ne pensais pas que tu allais mettre cette idée là à exécution." dit-elle en récupérant une compresse humide afin de nettoyer ses mèches de cheveux pleines de sang. La brune avait beau s'amuser sur le coup, ce qu'elle disait n'en était pas moins vrai. Les jumeaux étaient prêts à tout pour l'un l'autre. Il y avait une volonté de l'être, mais c'était avant tout viscéral, comme inscrit dans leur génome. La situation la plus extrême restait encore le décès brutal de Frank. Caelan n'aurait jamais abandonné sa jumelle durant les premières semaines. Norah avait étrangement géré son deuil. Le choc avait été intense, le déni extrêmement long comparé à d'autres deuils. Bien sûr qu'elle avait traversé un chagrin invivable, mais elle gardait tout pour elle. On ne la voyait que très rarement pleurer. Dès qu'elle se sentait sa gorge se serrer, elle contractait les muscles de sa mâchoire, et restait impassible. Et quand c'était trop, ses sanglots surgissaient souvent durant la nuit. Très vite, elle s'était cachée derrière ses impératifs : gérer les enfants, gérer la maison, la paperasse administrative à faire suite à un décès, revoir tous les comptes pour vivre avec un salaire en moins. Elle avait pris le pli, et poursuivait ainsi. Il lui arrivait parfois de verser quelques larmes quand elle se sentait un peu dépassée, mais ne s'en plaignait jamais. Caelan devait être l'un des seuls à la voir véritablement s'effondrer. C'était un moment bien trop intime pour le montrer à n'importe qui, et la Lindley restait une femme trop fière pour le montrer à tout le monde. Son frère revenait rapidement sur un ton bien plus léger en reprenant son histoire tirée par les cheveux. "Seulement si ça permet à ton neveu de comprendre qu'il ne faut pas jouer avec les objets tranchants. C'est ma condition." La complicité entre Caelan, Julie et Aidan était évidente. Ils s'adoraient. Il venait régulièrement à la maison pour boire un verre, ou ne serait-ce que pour voir sa soeur. "Tu restes le meilleur." lui assura-t-elle tout en continuant de prendre soin de sa plaie. Malgré la légèreté de leur discussion, Norah avait laissé surgir son inquiétude et lui avait donc demandé de lui faire la promesse de ne plus lui faire de telles de frayeurs. Sa main dans la sienne, il scellait leur promesse par son toucher et par ses paroles, permettant ainsi à Norah d'avoir un poids en moins sur son coeur, et d'esquisser un sourire rassuré. La valeur d'une promesse entre jumeaux était inestimables, ils le savaient mieux que personne. Ils respectaient même encore des promesses faites quand ils étaient enfants. L'infirmière fronçait légèrement ses sourcils lorsqu'elle le vit toucher sa plaie et il n'était pas nécessaire qu'elle en fasse davantage pour que Caelan le retire de suite. Elle secouait légèrement la tête. "Décidément incorrigible." Gardant sa main dans la sienne, le roux restait inquiet de sa soeur. Celle-ci continuait de convaincre son monde en disant que tout allait bien, mais elle savait qu'elle n'arriverait jamais à le leurrer lui. Et pourtant elle le faisait toujours et lui continuait prétendre la croire. Mais Norah savait qu'il ne la croyait pas. Un non-dit évident, qu'ils savaient tous les deux qu'il n'était pas nécessaire d'en parler. "Je suis certain qu'il serait déjà ravi de faire ce genre de petites expériences. Mais si tu te mets à l'idée de le lancer là-dedans, vous faites l'expérience en dehors de la maison, bien loin dans le jardin." commentait Norah, un brin amusée. Parce qu'ils en étaient capables. Alfie rejoindrait certainement la partie. Il était toujours partant pour ce genre de choses. Une fois que Norah avait fini de débarbouiller son cuir chevelu ensanglanté, elle pouvait enfin se concentrer sur la désinfection de la plaie. "Ca va piquer." dit-elle un dixième de secondes avant d'appliquer la compresse imbibé d'antiseptique sur la coupure. Un délai bien trop court pour que l'information monte au cerveau. "Je pense pas que tu auras besoin de points de suture." commenta-t-elle une fois qu'elle pouvait enfin voir la plaie de près. "C'est impressionnant parce que les plaies au niveau de la tête saignent toujours beaucoup." expliqua-t-elle. "Tu dois quand même être vu par un médecin parce que ce sont les règles, mais je pense qu'il suffira de mettre une colle cutanée qui va aider au niveau de la cicatrisation. C'est plutôt bien comme truc." Les nouveautés médicales ne cessaient pas. Norah en jugeait certaines inutiles ou futiles, mais d'autres permettaient de penser à de nouvelles alternatives, moins invasive, moins effrayante, accélérant ainsi le processus de guérison. Elle sourit en entendant sa suite de questions. Norah savait très bien où il voulait en venir. "Alors... Snickers, j'ai jamais été fan de la noix de coco. Tu peux secouer la machine et t'énerver." Elle croisait son regard bleu (quelque chose qu'ils avaient en commun) et pétillant. Impossible de ne pas sourire en le regardant. "Ou sinon, j'ai une autre option pour toi." ajouta-t-elle en mettant les compresses utilisées à la poubelle. "Je vais vite te chercher un interne pour qu'il regarde ta plaie, je m'en occupe ensuite, et on se chercher à manger quelque part, on récupère les enfants, et on mange chez moi." Aidan et Julie étaient chez leur nounou et Norah ne voulait pas abuser de sa flexibilité en allant manger dans un restaurant avec son jumeau, même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait (et elle ne pouvait pas trop se permettre d'abuser sur ce genre de petits plaisirs). Son option alternative lui semblait idéale. Elle serait ravie de passer la soirée avec lui. Enfin, au moins une heure ou deux en plus. Leurs horaires ne le permettaient pas toujours de le faire et Norah voyait en là une opportunité à saisir à tout prix.

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Les parents Leckie peinaient à dissimuler leur stupéfaction de leur de leur première échographie, en découvrant que la mère était enceinte de jumeaux. Oui, ils avaient voulu un troisième enfant, mais ils ne s'attendaient certainement pas à ce qu'il y en ait un autre en cadeau bonus. Les jumeaux bouleversaient toute une vie, dans tous ses aspects. Les frères aînés avaient particulièrement hâte de rencontrer leur nouveaux copains de jeu, de prendre le rôle de grand frère très au sérieux, autant sur le plan protecteur que sur les chamailleries (et surtout les chamailleries). Mais alors, quand ils ont appris qu'il s'agissait de faux jumeau, d'un garçon et d'une fille, c'était l'hystérie. Déjà, on se réjouissait qu'il y ait une touche féminine en plus parmi les Leckie. Et on se demandait ce que c'était, d'avoir une petite soeur. Ca, c'était nouveau. Mais la personne à prendre le plus au sérieux son rôle de grand frère, c'était bien Caelan. Ils n'avaient que quelques minutes de différence, et pourtant, c'était largement suffisant pour qu'il ait cet instinct protecteur qu'il montrait à sa propre manière. Il n'était pas comme leur frère aîné, qui était assez sérieux et qui s'était mis en tête qu'il était le responsable de toute la fratrie. Les frères étaient d'accord sur un point, c'était que leur Norah ait ses propres armes. Ils avaient bien vite compris qu'elle avait elle-même sa force de caractère, mais sur des points bien différents. Elle était une force tranquille, elle touchait là où ça faisait mal et ne mâchait pas ses mots dans ses moments de franchise. "Une promesse stupide..." dit-elle en arquant un sourcil. Son jumeau était bien de ceux qui prenait les promesses de sa soeur le plus au sérieux. Elle échangeait un sourire avec lui. Juste un simple sourire. Mais cela faisait partie d'une longue liste de ces gestes qui traduisaient toute leur complicité. "Tu n'as pas besoin d'enregistrer quoi que ce soit pour narguer Anwar." lui répondit-elle, amusée. "T'en rates jamais une, avec lui." Savoir qu'ils s'entendaient si bien avait quelque chose de rassurant, pour Norah. Ils étaient tous les deux ceux qui s'étaient montrés le plus présent, surtout après le décès de Frank. Et ils ne l'avaient jamais abandonnés, ils n'avaient jamais arrêter d'espérer qu'elle aille un jour mieux, jamais ils ne se lassaient de la voir enlisée dans son deuil, ils savaient qu'elle faisait ce qu'elles pouvaient. Etre ainsi à ses côtés de jour en jour leur avait permis de construire une amitié particulièrement solide. Une bonne entente entre les parrains de ses enfants, elle ne pouvait pas rêver mieux. Norah se concentrait à nouveau sur sa plaie, estimant que les soins n'allaient pas être bien complexes pour que son frère puisse guérir en deux temps trois mouvements. "Au moins, tu peux continuer de te vanter que c'est aussi grâce à toi que j'avais géré durant mes examens, à l'époque." dit-elle d'un air taquin. "Et tu as une peau qui cicatrise bien de base, petit chanceux." Elle déposa un rapide baiser sur son front avant de s'éloigner un peu de lui. Norah avait la chance de ne pas avoir de frères douillets. Ils enduraient très bien la douleur et ne tombaient pas dans les pommes à la vue d'une gouttelette de sang (oui, elle avait déjà eu des patients comme ça. Mais avant de faire quoi que ce soit, il était obligatoire qu'il y ait un avis médical. "Blonde aux yeux bleus, vraiment ?" répéta-t-elle en arquant un sourcil perplexe. "J'ignorais que tu aimais regarder ailleurs." plaisanta-t-elle ensuite avec un rire léger. Elle le savait éperdument amoureux de son épouse. Caelan savait quoi faire pour mentir avec brio devant sa soeur, prétendre qu'il vivait encore une vie de couple parfaite, que Norah enviait par moment, les jours où Frank lui manquait cruellement. Il valait mieux pour lui qu'il garde le secret jusqu'au bout parce que Norah avait un don certain pour les représailles et la rancune. Il ne fallait pas vraiment chercher à la contrarier, ça ne faisait jamais rien. En attendant que le médecin n'arrive, les jumeaux prévoyaient déjà la suite des événements ensemble. Au lieu de se contente de barres chocolatées, Norah allait plus loin en proposant d'aller chercher à manger en extérieur, pour ensuite s'installer tranquillement chez elle. "Non non, j'ai terminé ma journée." lui assura-t-elle en s'installant juste à côté de lui. "A vrai dire, je fais des heures supplémentaires depuis vingt minutes, exactement." dit-elle après avoir sorti son téléphone portable de la poche de sa tenue. Elle verrouillait l'écran et le remit à sa place initiale. L'infirmière mentirait si elle disait qu'elle n'était pas fatiguée par cette journée. Elle déposa sa tempe sur l'épaule de son frère, se permettant ainsi quelques secondes de répit, et de calme, après cette immense vague d'émotions lorsqu'on lui avait dit que son jumeau était aux urgences. "Le fast food me va. Qu'importe, à dire vrai." dit-elle avec un sourire. "Je te donne la responsabilité de choisir où on ira." Norah s'amusait parfois du rôle de grand frère que Caelan voulait à tout prix tenir avec elle. Prendre ce genre de décisions importantes en faisait partie. "Dis... La semaine prochaine, je finis à 14h. J'aimerais..." Norah poussait un soupir. Ca la tuait toujours de demander service. "Aller courir. Ca te dérangerait de récupérer Aidan et Julie après l'école ?" Norah avait bien conscience qu'il avait aussi son propre travail, ses propres obligations. "Ou sinon, je peux voir avec Silk, peut-être qu'elle sera dispo. Ou sinon Anwar, même s'il a des horaires tout aussi décalés que les miens." Elle lâchait un petit rire, purement nerveux. "Mais ça m'a fait du bien, d'avoir repris." admit-t-elle. "Je dois remercier un ami pour ça." Norah réalisait qu'elle n'avait jamais vraiment parlé d'Alfie à son frère jusqu'ici. C'était encore une relation étrange pour elle et elle n'admettrait jamais qu'elle ignorait trop quoi ressentir à son égard dernièrement. Toujours est-il qu'il était la personne qui l'avait aidé à remettre le pied à l'étrier en terme de footing et que depuis, dès que Norah avait un moment pour elle, aussi petit soit-il, elle se débrouillait pour aller courir un peu. Elle ne parvenait pas non plus à se vider totalement l'esprit, mais prendre l'air lui faisait le plus grand bien. [color=#009966]"Histoire d'éliminer ces frites bien grasses qu'on est sur le point d'aller manger." reprit-elle avec un peu plus d'humour. Elle se dépensait déjà beaucoup sur son lieu de travail, au quotidien. Norah mangeait plutôt sainement. Elle essayait de faire au mieux pour ses enfants aient une alimentation équilibrée, et variée. Les écarts n'en étaient que plus savoureux. Soudain, l'interne, un jeune homme aux cheveux blonds, avec des lunettes avec une monture métallique, survint dans le box. Norah le côtoyait quand elle travaillait aux urgences. Elle se relevait et laissait sa place au futur médecin, afin qu'il estime lui même l'ampleur de la blessure et qui, comme l'avait pensé, ne nécessitait qu'une pointe de colle pour favoriser la cicatrisation.

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Norah était persuadée qu'il y avait fond de vérité quand son frère plaisantait à longueur de temps sur ses chamailleries de qui était le meilleur parrain. C'était de bonne guerre et Anwar se prêtait bien au jeu, mais la jeune femme se demandait d'où avait pu leur venir cette sorte de rivalité fraternelle. Mais elle était heureuse de savoir qu'ils s'entendaient à merveille, qu'ils appréciaient passer du temps ensemble de temps en temps. S'ils n'avaient pas été là ces dernières années, elle aurait sombré depuis longtemps. Elle le savait, il le savait, mais ils n'en parlaient pas. Il s'agissait de pensées et d'évidence qui n'avaient pas besoin d'être verbalisées pour qu'ils en aient tous les deux conscience. Caelan savait sa soeur solide, ses frères et lui lui avaient bâti une sacrée carapace, alors qu'il y avait déjà une sacrée couche de base avec le tempérament de leur soeur. Mais il savait tout autant qu'il y avait aussi une grande fragilité. Ce n'était pas parce qu'elle était dotée d'un self-control hors-norme qu'elle était totalement insensible aux situations qu'elle rencontrait au quotidien. Mais ça non plus, il ne le disait pas à haute voix. Il le savait, il le voyait. Pas la peine de remuer le couteau dans la plaie en pointant du doigt ce qui n'allait pas. "C'est beau aussi, les yeux verts." lui répondit-elle avec une pointe d'amusement. "Mais je préfère les tiens." Elle lui fit un clin d'oeil complice. Caelan et Norah étaient clairement dans une façon de penser du genre "c'est mon frère le plus beau" et "c'est ma soeur la plus belle", étant parfaitement conscience de leur manque énorme d'objectivité. Et que l'on ne s'y méprenne pas, Norah était pareille avec ses deux autres frères aînés. Convaincus que se croiser aux urgences à cause d'un bobo issu d'une maladresse n'était pas suffisant, les jumeaux avaient très vite convenus d'aller manger un bout dès que Norah aurait abandonné sa tenue d'infirmière. Le bel homme s'imposait directement en décidant d'être le conducteur du véhicule de sa soeur. Il voulait qu'elle lâche un peu du leste et s'y prenait d'une façon dont Norah s'était accoutumée. Ce n'était pas imposé, ni brutal. "Dans tous les cas, tu sais bien que les deux me conviennent." dit-elle en faisant référence au plat qu'ils allaient manger ce soir. L'infirmière avait une alimentation assez saine, elle voulait faire découvrir un maximum d'aliments à ses enfants. Mais elle adorait faire des petits écarts de ce type de temps en temps. Elle pouvait se le permettre, après tout. Le sourire qu'elle esquissait ensuite quand elle entendait que Caelan allait s'occuper de ses deux enfants afin que Norah puisse prendre un peu de temps pour elle était empli de reconnaissance et de gratitude. Ce n'était pourtant pas grand-chose, et souvent, ça la tuait de demander ce genre de services. Mais elle en ressentait véritablement le besoin. Impossible de dire si c'était de bonne augure ou non. "Tu veux jouer avec les nerfs de ta filleule ? Tu dois être sacrément patient." ironisa-t-elle. Car il en fallait beaucoup pour pousser Julie à bout, tout comme sa mère. "Et pour Aidan, dernièrement, il me semble qu'il a compris qu'il existait d'autres cachettes dans la maison. Il pourrait te surprendre. Qui sait, tu n'arriverais peut-être même pas à le trouver." ajouta-t-elle avec un léger rire. En même temps, son frère esquissait un sourire. Difficile pour Norah de déterminer la signification de celui-ci car il ne s'agissait clairement pas des sourires qu'il pouvait avoir quand il se réjouissait de garder les petits. Néanmoins, la jeune femme ne s'attardait pas davantage sur ce détail. L'interne apparut enfin et il ne correspondait pas aux attentes que Caelan pouvait avoir. Se trouvant derrière le futur médecin, Norah avait deviné le regard de son frère et plaça une main devant sa bouche afin d'étouffer un rire. On lui prodigua les soins nécessaires et l'interne sortait de la pièce. Il était temps pour les jumeaux de quitter l'hôpital. "Les clés sont dans mon sac à main. Et il faut que je me change d'abord, éventuellement." lui répondit-elle en regardant la main qu'il avait tendu en sa direction. Pendant qu'ils quittaient le box et emprunaient les escaliers pour se rendre au vestiaire du personnel, Caelan se montrait un petit peu curieux. "Alfie. Il s'appelle Alfie." lui répondit-elle après un long moment silencieux, et une pointe de nervosité. "C'était un patient, je me suis occupée de lui en ... 2015." Quoi ? Déjà quatre ans ? Norah n'avait définitivement pas vu le temps filer depuis. "Et nous sommes devenus de bons amis. C'est un peu bizarre parfois, il y a des moments où on n'arrive toujours pas à passer outre la relation soignant-soigné." avoua-t-elle en échangeant un regard avec son frère. "Tu ne l'as jamais vu et tu l'apprécies déjà ?" souligna-t-elle en arquant un sourcil. "C'est quelqu'un de bien." Caelan n'avait pas à connaître son passif, ou tous les détails qui avaient forgé Alfie tel qu'il était. Il était souriant, solaire, d'un optimisme à dépasser toutes les normes existantes. Tout en restant lui, il était parvenu à égayer le quotidien de Norah, qui s'était, au fil du temps, beaucoup attachée à lui. Peut-être même un peu trop, parfois. "Je pense que tu t'entendrais bien avec lui." dit-elle finalement, alors qu'ils approchaient de la porte des vestiaires. "Je me dépêche." dit-elle en passant son badge devant le boîtier en plastique, qui lui donnait l'accès au vestiaire. En deux temps trois mouvement, l'infirmière était vêtue de ses habits civils. Elle avait également défait son chignon fait à la va-vite, rangeant l'élastique au fond de son sac à main. Quand elle sortait de la pièce, elle passait ses doigts dans les cheveux pour que sa coiffure reste potable. "Et c'est parfait pour Hungry Jack's, j'avais justement envie de manger des frites." Avec un burger et un soda, tant qu'on y est. Sans faire de concession, Norah lui donnait les clés de sa voiture. "Ca fait un moment que je n'ai pas revu Silk. Comment elle va ?" finit-elle par demander. Elle ne voyait que très rarement sa belle-soeur ces derniers temps. L'infirmière ne s'en alarmait pas foncièrement, ça l'interpellait juste un peu. Ce n'était peut-être qu'un juste retour du fait qu'elle n'ait pas été des plus loquaces durant les trois dernières années. Norah ne se voyait pas vraiment en dire beaucoup plus de sa relation avec Alfie. Elle l'appréciait énormément, les heures passées ensemble étaient synonyme de bouffées d'air frais.

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Caelan était l'oncle par excellence. Celui qui apprenait les quatre cents coups à ses neveux et nièces , les bêtises que leur mère devrait certainement corriger par la suite. Mais il était également un puit de connaissance incroyable. Il les avait déjà emmené sur son bateau, fait connaissance avec son cheval, corriger toutes les erreurs possibles concernant l'océan, sa faune et sa flore. Et Julie ne lui tenait pas rigueur de ne pas aimer les films Disney. Elle était si gentille qu'elle lui épargnait même ce calvaire quand il venait passer du temps à la maison, et préférait opter pour un jeu à l'extérieur ou un jeu de société. Il fallait le dire, il avait la meilleure des filleules. "Ca c'est parce qu'il a le meilleur tonton." lui dit-elle avec le regard pétillant. "Et la réponse est oui, tu pourras aussi dire ça aux frangins quand on les reverra." Il valait mieux le préciser, avant qu'il ne fasse le même type de remarques qu'il ne l'aurait fait au sujet d'Anwar. Le jumeau désormais soigné, il s'empressait de quitter le box avec sa soeur et de la suivre jusqu'aux vestiaires afin qu'elle puisse porter sa tenue civile. Pendant ce temps, ils continuaient de discuter d'Alfie. Norah n'était pas totalement à l'aise de discuter de cette amitié, ces derniers temps. Elle l'adorait, c'était certain. Un lien plutôt singulier, dans la mesure où ils se sentaient à l'aise dans certains domaines, et beaucoup moins dans des choses qui couleraient habituellement de sources entre deux amis normaux. Avec le brun, c'était différent, et parfaitement indescriptible aux yeux de la jeune femme. Elle aimait bien comme c'était, malgré le penchant perturbant qui la laissait perplexe depuis quelques semaines. Apparemment, Caelan n'avait pas besoin d'en savoir davantage pour déjà l'apprécier. Alfie parvenait à sortir Norah de son quotidien surchargé en lui refaisant pratiquer une activité qu'elle avait toujours adoré et rien que ça était suffisant pour qu'il l'apprécie déjà. Caelan était très sociable, très amical. Et bien qu'il ne manquait jamais de sujets de conversation pour faire passer le temps, il n'aimait pas les discussions trop sérieuses, trop profondes. Sauf peut-être Norah, et encore. Le regard pétillant à l'idée de savoir que son jumeau semblait déjà beaucoup apprécié Alfie, elle lui esquissait un sourire ravi. "Il a un abonnement pour les urgences, il y a moyen que tu le croises, la prochaine fois que tu feras une nouvelle étourderie pour mieux revenir me voir." le taquina-t-elle avant de s'éclipser derrière la porte des vestiaires. Le jumeau ayant rapidement récupéré les clés de voiture de sa soeur, ils se dirigeaient vers le véhicule en question. L'infirmière en profitait pour prendre des nouvelles de sa belle-soeur, qu'elle n'avait pas croisé depuis un moment déjà. "Je sais que tu as toujours cherché à me dédouaner de certaines choses, mais c'est quand même un petit peu de ma faute." dit-elle en passant son bras sous le sien avant de se séparer de lui pour commencer le trajet vers le drive. Caelan savait très bien ce qu'elle prernait d'habitude (pour le peu de fois où elle mangeait dans un fast-food), il n'avait eu besoin que d'un seul échange de regard pour avoir la confirmation. Juste histoire d'être totalement sûr. Plus tard, il confessait que sa vie de couple n'était pas au beau fixe. Le coeur serré, Norah le fixa. Elle n'aimait pas le savoir mal dans sa vie personnelle. "Tendu ?" répéta-t-elle, les sourcils légèrement arqués. Ils avaient toujours transpiré de l'amour, ces deux-là, Norah se demandait bien ce qui avait mal tourné. A moins qu'il ne s'agit que de l'une de ces petites tensions qu'un couple pouvait avoir de temps en temps ? "Il s'est passé quelque chose en particulier ?" lui demanda-t-elle, afin de parvenir à récupérer quelques informations pour se faire de la gravité (ou non) de la situation. "T'es sûr que ça va aller ?" Norah voulait en avoir le coeur net. Ca lui prenait aux tripes, à chaque fois qu'il n'allait pas bien, pour une raison ou pour une autre. Et la seule personne qui parviendrait à lui faire oublier ces quelques appréhensions, c'était bien la personne qui tenait le volant à ce moment-là. Il ne semblait pas vouloir s'épancher de trop sur ce sujet apparemment, car il rebasculait la conversation sur un homme qui semblait beaucoup l'intéresser, alors que ça ne faisait que quelques heures qu'il en connaissait l'existence. "Peut-être oui, ça dépend surtout de nos plannings respectifs." lui répondit-elle avec un sourire. "Mais j'aimerais beaucoup." lui avouait-elle non sans un certain enthousiasme. "Il t'intéresse tant que ça ?" Norah arquait un sourcil amusé. "Si tu y tiens, je vous organise un rencard." plaisantait-elle dans le seul but de le taquiner. Quoi que même Caelan viendrait à reconnaître qu'Alfie était un très bel homme. Du moins, il était au goût de sa soeur, si on lui posait la question. La belle brune sortait du véhicule pour aller ensuite sonner à la porte de la nounou pour récupérer ses enfants. Sans surprise, Aidan se dirigeait tel un boulet de canon vers sa mère afin de pouvoir l'enlacer et de se lancer dans un long discours pour raconter ses péripéties de la journée. Julie avait elle aussi envie d'enlacer Norah, mais à moindre mesure. C'était plus discret, plus réservé, mais tout aussi important. "Devinez qui va manger avec un nous à la maison." leur dit-elle en indiquant la voiture d'un signe de tête. Le regard des enfants s'illuminait immédiatement et ils se précipitaient vers le véhicule. "Vous lui ferez un câlin tout à l'heure, sinon les frites vont refroidir." dit-elle en s'approchant d'un pas plus tranquille que ceux de ses enfants. Julie tournait la tête en direction de Norah "Des frites ? Pour de vrai ?" C'était suffisamment exceptionnel pour le noter et pour s'en réjouir. "Pensez à dire merci à votre tonton." Norah aidait ensuite son fils à s'installer et à l'attacher dans un siège adapté à son âge et veillait à ce que Julie s'attache également. "Ca sent trop bon !" s'écria Aidan, en levant les bras en l'air, manquant de peu de mettre un coup de poing à se mère alors qu'elle était encore penché sur lui. Norah se félicitait d'avoir adopté des réflexes pour ça. L'enthousiasme d'Aidan était exacerbé, et le fait qu'il soit gauche avait permis n'arrangeait rien. Mais sa mère s'y était accoutumée. Toute la famille, d'ailleurs. A son tour, Norah entrait dans la voiture, laissant son frère conduire jusqu'à Logan City. Julie parlait surtout de sa journée à l'école, du fait qu'elle aurait certainement besoin d'aide le lendemain pour quelques devoirs qu'elle avait à faire. Aidan, quant à lui, continuait à manifester sa faim, invitant son oncle à "appuyer sur le champignon". Ils étaient surexcités. L'odeur des frites, certainement. Ils arrivaient enfin à destination. Les jumeaux se chargeaient de ramener les menus dignes de nourrir tout un régiment. Tout le monde était exceptionnellement autorisé à manger au salon, même Aidan. Norah prenait des risques et se doutait bien que le canapé risquait de n'en pas sortir indemne. "Ton neveu demandait l'autre jours des nouvelles de ton cheval." reprit-elle une fois que tout le monde avait déjà mangé quelques frites. Aidan hochait vivement de la tête. "Et Julie a hâte d'être en vacances pour faire un tour en bâteau, aussi." Le cheval et le bateau, deux des grands amours de Caelan.

Cet Alfie semble être quelqu’un de bien. Il faut dire qu’aux yeux de Caelan tout le monde est quelqu’un de bien jusqu’à ce qu’il ne prouve le contraire, et lui en plus de ne pas avoir prouvé le contraire a trouvé le moyen de faire sourire sa soeur. C’est amplement suffisant pour le roux qui vient déjà de l’accepter sans absolument n’avoir aucune idée de qui il est réellement - et s’il savait tout, il serait sans doute davantage sur la défensive. “Chouette, je pourrai lui raconter tous tes pires secrets quand on attendra le même internet hyper sexy/pas sexy du tout.” Qu’il rigole seul sans pour autant parler trop fort, imaginant déjà le regard noir que Norah lui tendra si jamais il ose parler du fait qu’elle disait “bleute” ou lieu de bleu les dix premières années de sa vie, parce que toutes les couleurs avaient le droit à leur équivalente féminin selon elle. Et cette anecdote là serait l’entrée en matière avant d’autres bien plus croustillantes, oui, sûrement. Il sait tant de choses sur elle après trente années passées à ses côtés ; tant de choses qu’il peut distiller à tout moment et d’autres secrets qui resteront à jamais scellés.

Norah cherche à prendre sa part de responsabilités dans le manque de nouvelles prises entre elle et Silk, et pourtant il s’agit bien d’une des rares fois où lesquelles Caelan ne cherche pas à la dédouaner sans raison. Il est le seul fautif dans cette histoire, le seul à s’être mis lui même dans une situation plus que délicate, entraînant Silk avec lui bon gré mal gré. Il ne répond rien cette fois ci mais remet lui même les deux pieds dans le plat après avoir passé la sacro sainte commande au fast food.
Si jamais il avait eu la référence en parlant de Dobby l’elfe de maison, Caelan aurait su que son cerveau faisait exactement la meme scène que le gentil petit héro, se tapant volontairement la tete contre la commode tout en répétant sans aucune finesse “stupide Dobby, stupide”. Le roux en est arrivé au même point, dans son cerveau en ébullition. Seul son visage garde les apparences alors qu’il se concentre sur la route et tous ces gens qui ne respectent pas les limitations de vitesse comme lui le fait pourtant si bien. Peut-etre qu’eux ne cachent pas une part importante de leur vie à l’être humain en qui ils ont le plus confiance sur Terre, ce qui semble vraiment très paradoxal comme situation. Il a créé sa propre route en a fait une impasse, sans connaissance aucune des conséquences de ses actions. Norah ne lui aurait pas voulu s’il avait gardé ce secret quelques jours, mais aujourd’hui que les quelques jours sont devenus neuf mois ; il doute qu’elle soit aussi clémente avec son imbécile de grand frère jumeau. Cela n’a pas empêché Caelan de lui tendre une perche si immense qu’elle ne pouvait faire autre chose qu’y répondre. Pourquoi est ce qu’il a dit que tout était “tendu”, ce stupide garçon qui n’apprend jamais de ses erreurs ? Le voilà dans de beaux draps maintenant, et ce n’est pas le moment pour tout lui avouer. “Non, vraiment, ne t’en fais pas. Il n’y a rien de grave.” Il ose même lâcher la boite de vitesse pour venir poser une main rassurante sur la cuisse de sa soeur pour appuyer ses propos et rend son mensonge plus digeste. “Elle est sous tension à son travail et on est débordés au mien aussi, ça doit être pour ça.” Une semi mensonge. Il dit vrai pour son propre travail (tant qu’il en a encore un) mais ne sait absolument pas ce qu’il se passe dans la vie de Silk maintenant qu’ils se contentent de se croiser tels deux fantômes incapables de communiquer.
“Tu noteras dans le procès verbal que je n’aurais pas été le premier à parler de rencard.” Caelan sourit à pleines dents alors qu’il se concentre toujours sur la route à prendre, tout aussi curieux qu’enjoué en même temps qu’il comprend que Norah évite soigneusement le sujet du fameux Alfie. Soit. Ils ont assez effleuré de sujets épineux pour la soirée et sa soeur mérite amplement une petite pause, qu’il lui accorde sans remuer le couteau dans cette plaie qui n’en a peut être que le nom. Il retient seulement la possibilité émise par sa soeur qu’elle aille courir avec cet homme là et le fait qu’elle parle de lui avec un léger sourire. Il n’a pas besoin d’en savoir plus, tout ceci lui suffit amplement. Elle a l’air heureuse, il fera de son possible pour le paraître tout autant. C’est tout ce qui importe.
Pour les enfants, tout ce qui importe c’est sûrement de trouver la source de cette merveilleuse odeur de friture qui enveloppe tout l’habitacle. Ils ont bien vite fait de saluer leur mère, courir partout, saluer Caelan, crier à tout va. Non, vraiment, rien à dire, ils sont en pleine forme et en pleine santé. Il a presque l’impression de les emmener à Disneyworld tellement leur niveau d’excitation est palpable - il n’ose même plus envisager cette possibilité, maintenant. Ou alors il ferait l’inverse de la blague, celle où les parents disent à leur enfant qu’ils vont à Disneyworld mais en réalité ça s’avère seulement être le petit surnom du dentiste. Caelan serait capable d’appeler Disneyworld “le dentiste”. Il le fera un jour, sans doute, quand Aidan aura arrêté de mettre à mal les suspensions de la voiture en sautant sur son fauteuil.

Enfin arrivés à la maison, les enfants se jettent sur la nourriture comme s’ils n’avaient pas mangé depuis des années. Les frites disparaissent rapidement et plus personne ne parle ni de sa vie, ni d’appuyer sur un quelconque champignon. Caelan a simplement le temps de laisser passer une main dans les cheveux d’Aidan et les ébouriffer avant que les deux ne manquent de le faire tomber en courant vers la maison. Il tente de les persuader de ne pas se précipiter de cette manière, en vain. ”Bulle va bien, il s’ennuie sans toi Aidan, faudra que tu reviennes lui faire coucou.” Même le cheval a un nom qui rappelle l’océan, la faute à Caelan. Il ne peut même pas dire que c’est un de ses neveux qui l’a choisit parce que tout le monde sait que c’est faux. Il n’est pas très doué pour nommer ses animaux, le prouve le nom de Rex le chien. Simple et efficace, ça devrait toujours faire l’affaire. ”Et le bateau n’attend que sa plus jolie matelot pour repartir en mer, bien sûr. Tu m’enverras un message sur le téléphone de maman quand tu voudras venir, je m’arrangerai.” Ca lui fait toujours bizarre d'appeler sa soeur “maman”, même après toutes ces années de pratique. Elle sera à jamais sa petite soeur, quoi qu’il arrive. Les enfants finissent par lui faire comprendre qu’ils ont tous les deux hâte - tout autant que leur oncle. Le repas continue sur le même rythme, ils racontent les innombrables anecdotes de leur journée, demandent à leur maman combien de gens elle a sauvé, à Caelan combien de tortues il a sauvé. Il n’a pas eu le courage de leur dire qu’il s’occupe seulement des échantillons, alors sauveur de tortue fait très bien l’affaire.

”Bon, et si je vous racontais le jour où j’ai prévenu d’un énoooorme séisme qui allait frapper les côtes ?” ”On la connait déjà cette histoire tonton !” ”Ouais et en plus t’avais dit qu’il était pas si gros que ça de toute façon le séisme !” Ah. ”Si, il était un peu gros quand même … Mais est ce que vous voulez entendre le jour où on a relâché un dauphin ?” Et là, bizarrement, quand ça parle de dauphin ils se mettent rapidement d’accord. Très bien. Caelan n’a plus qu’à inventer cette histoire de A à Z (comme il l’a fait pour celle du séisme), parce qu’il s’agit là de sa seule ouverture pour qu’ils puissent se calmer avant d’aller dormir. Norah a sûrement envie de se reposer aussi et proposer une bataille de Nerfs ne serait pas la meilleure chose à faire pour le moment, alors il les enjoint à aller se brosser les dents et se mettre en pyjama pour mieux leur promettre ensuite qu’ils auront droit à la meilleur histoire de l’univers tout entier. Rien que ça, ouais. Tonton Caelan ne sait pas faire dans la demie mesure. ”Je pourrai te les garder quelques jours si tu veux, pendant leurs vacances. Il y a de la place à la maison, Silk serait contente de les revoir elle aussi. Et comme ça on fera les activités poney et sortie en mer.” Et comme ça elle pourra se reposer autant qu’elle veut, ou au moins ne pas s’inquiéter de courir pour aller les chercher chez la nounou avant qu’elle ne facture une énième heure.

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La relation fusionnelle des jumeaux ne convenait pas toujours à tout le monde. Norah en avait même entendu certains la qualifier de malsaine et s'était toujours plue à leur renvoyer la monnaie de leur pièce quand ils se permettaient de les juger ainsi.Oui, ils étaient proches. Leurs parents l'avaient bien compris depuis leur naissance et leurs frères aînés avaient toujours reconnu cette proximité là. Norah ne les aimait pas moins pour autant. C'était différent, tout simplement. Et accepter leur lien si fort faisait partie des conditions principales pour les conjoints de chaque jumeau. A l'époque, Jasper s'en était accomodé sans trop de problèmes, et c'est peu dire : Caelan et lui étaient désormais des amis de longue date, et des collègues hors pair. Frank, par la suite, avait su s'y habituer, bien que son brin de possessivité avait mis quelques bâtons dans les roues durant les premières semaines. Mais ils étaient tellement amoureux l'un de l'autre que Frank avait très facilement le packaging complet de celle qui devint son épouse – dont une fratrie qu'il devait convaincre. Il avait suffisamment d'assurance et était sûr de lui, donc le courant était rapidement passé entre le Lindley et les Leckie. Pour Silk, à la connaissance de Norah, c'était plutôt la même chose. Les deux femmes s'étaient toujours bien entendues, mais comme beaucoup le savaient, Norah s'était un peu isolée après la perte de son époux et Silk faisait partie de ces personnes qu'elle voyait de moins en moins, ce pourquoi elle se sentait coupable de ne pas lui avoir écrit depuis. Caelan tentait de soulager sa conscience en lui assurant que son (ex-)épouse était très occupée par son travail, et que c'était aussi son cas à lui. "Toi ? Débordé ?" se permit-elle de soulever avec un sourire taquin. "Je suis surprise que tu l'admettes." s'amusa-t-elle à ajouter. Car s'ils partageaient un point commun, c'était surtout la fierté. Difficile pour l'un comme pour l'autre d'admettre quand ils étaient en difficulté et qu'ils pourraient avoir besoin d'aide. Ils ne pouvaient pas trop s'aider dans leur métier respectif, malheureusement, mais si Caelan avait besoin de soin, il se tournerait toujours vers sa soeur en premier lieu. "Qu'est-ce qui fait que c'est tendu, en ce moment ?" lui demanda-t-elle finalement. Bien que l'étude des océans n'avait jamais été son domaine, Norah s'intéressait toujours de près ou de loin aux travaux de son frère. En fait, elle adorait le voir parler si passionnément. Il aimait ce qu'il faisait et s'y atteler corps et âme. L'investissement de toute une vie. Ils continuaient à prendre des nouvelles de l'un l'autre et Norah se devait de lui parler (enfin) d'Alfie. Son frère semblait déjà beaucoup l'apprécier alors que leur chemin ne s'était pas croisé. Il se contentait du fait que Norah l'appréciait et cela était un argument suffisant à ses yeux. Caelan se renseignait sur la date de leur prochaine rencontre avec un intérêt tout particulier que Norah trouvait lourd de sous-entendus, qu'elle ne manquait pas de verbaliser. Elle rit en l'entendant rétorquer qu'il n'était pour une fois pas le premier à en parler. "Tu n'en pensais pas moins en me posant cette question, avoue-le." lui lança-t-elle avec un sourire amusé. Bien sûr qu'Alfie était un bel homme, d'une profonde gentillesse et qu'il était une source intarissable d'optimisme. Il avait tout pour lui, même si d'autres prendraient des distances en connaissant son passif. Ce que Norah ne soupçonnait pas elle-même, c'est qu'au fond, Alfe lui plaisait. Pour elle, il était un ami proche sur qui elle pouvait compter quand elle voulait se changer les idées. Elle le savait follement amoureux de Juliana et n'était certainement pas une briseuse de ménages. "De toute façon, il a eu une compagne, c'est pas nécessaire de te faire trop de films non plus." lui précisa-t-elle d'un ton neutre, normal, alors que ses yeux restaient rivés sur la route. Cela n'empêchait pas Norah de ressentir une affection toute particulière différente pour lui. Elle pensait que cela faisait partie de leur amitié qui, elle aussi, ne manquait pas de singularité. Arrivés à la maison des Lindley, les enfants, affamés, ne se faisaient pas prier davantage pour manger leur dîner. Julie et Aidan adoraient tous les deux le cheval que leur oncle avait, ainsi que le bateau. Ils avaient déjà eu droit à plusieurs virées et en demandaient encore. "Merci pour eux." lui souffla-t-elle en se penchant vers lui. Leur oncle leur offrait des activités supplémentaires qui leur plaisaient énormément (et qui auraient coûté un bras à Norah si les enfants avaient voulu s'investir là-dedans). Caelan accordait beaucoup d'importance à son rôle d'oncle et ne manquait jamais une occasion pour l'exercer à la perfection. Surtout lorsqu'il s'agissait d'aller de soulager Norah de quelques tâches du quotidien. Comme ce soir-là, où, sans même poser la question, imposait aux petits d'aller se changer et de se brosser les dents, avec pour récompense une histoire de leur tonton. Un moment de répit également pour les jumeaux, qui se retrouvaient seuls un instant. Caelan profitait de cette accalmie pour proposer à sa soeur de les garder chez lui quelques jours, afin que Norah puisse avoir du temps pour elle quand elle rentre du travail. Elle aurait moins à se courir dans tous les sens afin de remplir ses impératifs de la journée. "Tu es sûr de toi ?" lui demanda-t-elle, l'air soucieux. Ils étaient faciles à vivre, les petits, mais ce n'est pas pour autant que c'était de tout repos. Mais l'évidence était là : Norah était lessivée. Le mot était même faible pour le décrire, à se demander comment elle parvenait à tenir encore debout. Elle savait qu'il ne faisait pas que ça pour faire plaisir aux petits. Le regard qu'elle lui lançait en disait long : je sais ce que tu es en train de faire. Quelque part, elle appréciait qu'il ne l'ait pas abandonnée, ni qu'il se sente lassé au fil des années de la voir trimer ainsi tous les jours. Quelques mois plus tôt, elle aurait décliné la proposition, encore une fois. "J'avoue que... Ca pourrait être chouette, oui. Pour les enfants." Car c'était surtout pour eux que Caelan faisait cette proposition, n'est-ce pas ?  Songeuse, Norah restait longuement silencieuse. Elle entendait les enfants faire un peu de grabuge pendant qu'ils étaient supposés enfiler leur pyjama. "Ca fera bizarre, d'avoir un peu de temps pour soi." admit-elle à voix basse. Ca serait l'occasion de proposer à Alfie d'aller courir un petit peu ensemble à nouveau, de passer une soirée avec Anwar sans être sans cesse interrompus par ces deux petits bouts de chou, ou de rattraper un peu le temps perdu avec Justine et Yasmine. Il y avait de quoi faire, au fond. Tout allait dépendre de l'humeur de la jeune femme à ce moment-là. "On pourra se faire aussi un resto tous les deux, un de ces quatre." songeait-elle. "On pourra confier la mission de la garde des petits à Anwar, si ça le gêne pas." Norah ne voulait pas que passer du temps avec son frère jumeau sans que la rencontre ne soit le fruit du hasard ou quand on demandait un service. Elle adorait avoir ces moments privilégiés avec lui et elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'ils n'en avaient pas eu. "Et j'ai pensé que je pourrais dire aux frangins qu'on fêterait Noël chez moi cette année." Histoire d'inaugurer en bonne et due forme la maison de Norah. Mais le sujet des fêtes de fin d'année fut avorté dès lors que les enfants redescendaient les escaliers, car Aidan devenait toujours surexcité dès que l'on commençait à parler de Noël. Pour l'heure, ils étaient prêts à un temps calme avec une histoire de leur tonton, avant de filer au lit.

“Debor - quoi ? Hein ? Nan, tu dois confondre, je n’admets rien du tout.” Un moment de faiblesse qu’il rattrape bien rapidement (et maladroitement), parce que tel est le motto des Leckie. Ils sont forts et personne n’a besoin de personne, personne ne faiblit jamais et personne n’échoue encore moins. Cela n’a rien à voir avec un esprit de compétition toxique, seulement un besoin de toujours se dépasser pour faire de son mieux et rendre le monde meilleur. Chacun à sa façon, chacun à son rythme, chacun selon sa personnalités ; les grands frères autant que les jumeaux sont tous animés de ce même désir. Telle est la raison pour laquelle le roux se reprend aussitôt après avoir distraitement évoqué la possibilité d’être un peu débordé au travail - cela semblait n’avoir que peu d’importance face à son divorce avec Silk. Pour le moment cependant, Norah n’est au courant de rien du tout et il fait de son mieux pour ne pas que sa chère soeur n’ait à s’inquiéter à propos de lui. Elle a déjà beaucoup trop de choses à gérer dans sa propre vie et hors de question qu’il soit autre chose que le grand frère protecteur, nouvelle raison pour laquelle il ne lui répond pas alors qu’elle lui demande ce qui rend le tout tendu. Parce que c’est justement [î]tout[/i] qui rend son travail et sa vie tendue.

Caelan finit par redescendre de son petit nuage quand il apprend que le Alfie en question a en réalité une petite amie, ce qui vient briser tous les scénarios qu’il avait déjà établi dans son esprit avec sans doute un peu trop de hâte. Il n’est peut être pas si bien que ça, ce Alfie. Les doutes commencent à envahir le roux petit à petit et il ne sait plus réellement quoi penser de toute cette histoire alors il ne répond rien. Peut être qu’ils ne sont réellement que deux amis et à vrai dire, avec un peu de recul, c’est exactement ce qu’ils sont. Deux grandes personnes ayant su s’éloigner du contexte de leur rencontrer pour apprendre à se connaître et tisser une amitié singulière. Oui, d’accord, il n’y a rien de plus normal là dedans et le roux les comprend parfaitement. Si Norah trouve un peu de bonheur dans cette amitié nouvelle, c’est tout ce qui importe. Il saura purger son propre bonheur de tout le reste, c’est un art dans lequel il est devenu maître et lequel il n’a aucun problème à utiliser. Son silence est rapidement brisé par les cris de joie des deux enfants et tout s’enchaîne rapidement ensuite.

On leur promet des ballades à cheval, des tours en bateau et des soirées pizza/une canette de coca cola mais pas deux parce que sinon maman va me tuer à Bayside. Tout le monde est heureux de ces quelques propositions, les enfants autant que les adultes pour une multitude de raisons. Caelan a toujours mis un point d’honneur à rester proche de sa famille parce que quoi qu’il puisse arriver dans sa vie ils partageront toujours le même sang. Ils seront toujours éminemment importants, quoi qu’il se passe, quoi qu’il se dise, et il est important de tisser des liens dès que possible. En plus, honnêtement, il a enfin trouver deux personnes pour écouter ses blagues nulles et faire des batailles de pouce alors il profite de chaque instant passé en leur présence autant que Norah en profite pour prendre un peu soin d’elle. Sa vie se résume littéralement à soigner le monde entier, elle a besoin de souffler et c’est ce que son frère lui offre sans poser les mots dessus. Vis ta vie, Norah, toi aussi tu en as le droit. ”Je n’ai jamais oublié de nourrir les poissons et si jamais j’oublie avec eux ils me le rappelleront bien assez vite alors oui, je suis sûr, ne t’en fais pas.” Il sait bien que ce n’est pas à propos de ça qu’elle se faisait du soucis mais la réponse reste la même : oui je suis sûr, ne t’en fais pas. Il n’a pas d’enfants à étouffer sous son amour mais il a des neveux à étouffer sous ses câlins de tonton gênant.

La mère accepte finalement de laisser sa progéniture aux bons soins de son frère pendant quelques jours pour les vacances à venir et toute cette histoire va sûrement se terminer à Disneyworld pour le plus grand bonheur de tout le monde - sauf peut être de Norah qui aura à rattraper les tâches de glace à la pistache sur leurs plus beaux habits blancs. ”Tu m’appelles quand mes blagues commenceront à te manquer et je me libérerai pour qu’on se fasse ce restaurant.” D’ici à ce qu’elle le rappelle il aura peut être perdu son travail, alors il aura autant de temps à lui consacrer que de secondes dans une journée. Pour le moment cependant, il n’est au courant d’aucun de ces problèmes à venir et se contente de sourire à sa soeur en même temps qu’ils rangent les restes laissés là par les enfants partis se brosser les dents. ”... Si bien sûr tu n’as pas peur qu’Anwar fasse brûler la maison et les plantes vertes allant avec.” Elle lui a tendu une bien trop grosse perche pour qu’il soit capable de l’esquiver, c’était si gratuit et si facile que son sourire s’agrandit encore un peu plus en même temps que les frites froides sont happées par la poubelle.
Les mini Leckie finissent par appeler (hurler le nom de) leur oncle depuis leur lit et il n’a pas le temps de répondre à la proposition d’un Noël passé dans la maison de leur soeur, mais elle sait déjà que la réponse sera positive - bien qu’officiellement il devra en échanger quelques mots avec Silk avant. Pour le moment cependant il se contente de devenir tantôt un pirate des mers, tantôt une bonne fée, tantôt un beluga voguant sur les sept mers et tantôt une étoile dans le ciel. Il se transformerait en beaucoup de choses s’il s’agissait de toujours rendre ses neveux heureux, de les calmer peu à peu pour leur conter une histoire avant qu’ils ne s’endorment. Le processus est long mais fort heureusement il n’est jamais à court d’idée et Julie est toujours la première à s’endormir, souvent rapidement suivie par son frère qui trouve soudainement que la vie n’a plus autant d’intérêt si son double maléfique ne fait pas les bêtises avec lui. Caelan finit par prendre Julie dans ses bras pour la coucher dans sa propre chambre et ainsi apposer un doux baiser sur son front. La nounou a dû leur faire faire dix tours de terrain de football pour qu’ils se soient endormis aussi rapidement mais tant mieux dans un sens, au moins la soirée sera calme à la maison et cela fera du bien à tout le monde. Il ferme la porte sans la claquer et retrouve sa soeur dans le canapé une dernière fois avant de l’embrasser à son tour sur la joue. ”Dis leur que Noël se fera chez toi cette année, sinon ils vont encore se trouver des excuses à Bora Bora. Et compte moi dans les couverts, bien sûr. Pas de papier cadeau de La reine des neiges pour Aidan cette année, c’est noté.” Il avait pris peur quand l’emballage portait son prénom sur le dessus et ils ont évité la crise de larmes de peu alors oui, en effet, cette fois ci les papiers cadeaux seront choisis avec bien plus de soin que de raison. ”Je vais te laisser Nord, il se fait tard. Repose toi bien.” Son bras s’étend autour de ses épaules pour l’éteindre rapidement, parce qu’encore une fois il s’agit de ne pas montrer qu’ils ont réellement besoin l’un de l’autre pour subsister. C’est le cas, pourtant.