“You can count on me like one, two, three, I'll be there. And I know when I need it I can count on you like four, three, two, you'll be there.”
Depuis quand je traîne tout seul dans les bars à dix-neuf heures ? Depuis aujourd’hui apparemment. Alex m’a tout expliqué, on a parlé, je lui ai dit que je l’aimais. Elle m’a expliqué pourquoi elle a pris cette décision il y a huit ans. Et je lui ai demandé de me laisser du temps. Parce que je vais en avoir besoin. Du temps loin d’elle, loin de nous, loin des sentiments que je ressens pour elle malgré le fait qu’elle m’a, pour la deuxième fois, brisé le cœur. J’ai besoin de m’éloigner d’elle. Pas que j’en ai envie, mais je dois prendre le recul nécessaire pour réfléchir. J’ai envie de lui pardonner, vraiment. J’ai envie de pouvoir aller de l’avant et lui dire que cette histoire c’est du passé et que je ne peux pas lui en vouloir pour des erreurs qu’elle a commises il y a huit ans. Mais j’en suis incapable. Et je sais qu’elle va me manquer parce que même si les choses ne sont pas simples en ce moment, elle a tout de même réussi à me faire craquer à nouveau. Elle est bien la seule personne qui a réussi à me faire sentir aussi bien depuis la mort de LV. Pourtant je pensais que j’étais devenu une cause désespérée et je suis sûr que c’est aussi ce que la plupart de ma famille et mes amis pensaient. C’est sûrement pour ça que Romy m’a organisé ce rencard il y a quelques mois. J’ai l’impression qu’il s’est passé tellement de choses dans ma vie depuis ces quelques mois. Et c’est quand j’ai commencé à passer plus de temps avec mon ex que tout est parti dans tous les sens, je suis très vite retombé amoureux d’elle, il nous a fallu une seule rencontre en tête à tête chez moi pour qu’on recouche ensemble, et puis on s’est engueulés, et elle m’a avoué la vérité. Tout ça en l’espace de quelques semaines. Ça fait beaucoup à encaisser. Tout aurait été tellement plus simple si elle n’était pas morte. Mais on ne peut pas revenir en arrière. Parce que j’ai tué ma fiancée il y a deux ans et que mon ex petite-amie dont je suis retombé amoureux m’a annoncé qu’il y a huit ans elle est tombée enceinte et a abandonné cet enfant. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter toutes ces galères putain ? Bon, à la limite la première c’est de ma faute, c’est moi qui conduisais cette putain de voiture. Et on en revient toujours à cet accident, on en revient toujours à LV. Comme si la vie voulait vraiment me faire payer mon erreur. À ce niveau-là c’est bien plus qu’une simple erreur. Je termine mon verre d’une traite et j’en recommande un autre au barman. Je n’ai pas envie de rentrer chez moi, parce que je vais me retrouver seul face à mes pensées, face à mes sentiments. Alors je suis face à un dilemme : partir un restaurant pour travailler, même si aujourd’hui est censé être mon jour de repos, ou bien rester ici jusqu’à la fermeture du bar et me bourrer la gueule. Je soupire. Je ne sais même pas ce que je veux. Mais une chose est sûre ; je ne veux pas être seul ce soir et Prim m’a dit qu’elle passerait la soirée chez une amie alors, hors de question de rentrer chez moi tout de suite.
Et c’est tout naturellement que je pense à Romy, je ne l’ai pas vu depuis un moment et je dois bien avouer que sa petite bouille me manque un peu. Si elle savait que je pense ça elle me le répéterait jusqu’à la fin de ma vie. C’est donc d’un geste décidé que j’attrape mon verre d’alcool pour le vider à nouveau d’une traite grimaçant tout en sentant l’alcool me brûler la gorge. Et puis je quitte ce bar pour monter dans ma voiture. Oui je sais ce que vous allez me dire, conduire après avoir bu, quelle mauvaise idée surtout quand on sait que j’ai eu un accident qui a entraîné la mort de ma fiancée. Mais c’est pas avec deux verres que je vais être bourré, j’ai juste à espérer de ne pas me faire arrêter. Parce que dans ce cas, là je serais dans la merde. Je reste concentré sur la route, bien que je sois en même temps complètement perdu dans mes pensées et je trouve assez vite une place pour me garer non loin de son immeuble. J’espère qu’elle est chez elle et surtout qu’elle est seule. Pas que j’ai quelque chose contre sa colocataire, elle est effectivement très gentille. Mais j’avoue que j’aimerais éviter de la croiser ce soir, je ne l’ai jamais vraiment revu depuis ce rendez-vous. Je sonne à sa porte et j’attends. Priant pour voir ma cousine m’ouvrir, et non son amie. J’espère qu’elle est bien chez elle sinon je vais devoir opter pour mon idée de tout à l’heure à savoir ; passer ma soirée à boire dans un bar. La porte s’ouvre et je lève doucement les yeux pour constater qu’il s’agit bel et bien de ma cousine qui est debout devant moi… Je l’observe quelques secondes sans rien dire. Elle semble avoir tartiné son visage d’un magnifique masque vert, elle ne s’attendait certainement pas à avoir de la visite. Je la regarde, je me pince les lèvres mais je ne peux pas m’empêcher de rire de bon cœur. « Putain si tu voyais ta tête, t’es trop belle comme ça Romychou. » Je lui dis, toujours en riant. Au moins elle aura réussi à me faire rire. Totalement malgré elle et contre sa propre volonté, mais j’ai ri. Et ça me fait du bien. « Je peux entrer ? » Je lui demande tout en entrant sans réellement attendre sa réponse. Parce que dans tous les cas, je vais lui imposer ma présence qu’elle le veuille ou non. C’est égoïste oui je sais. Mais j’ai besoin de parler et surtout je n’ai vraiment, vraiment pas envie d’être seul. « T’es toute seule ? » Je jette un coup d’œil rapide dans le salon, puis dans la cuisine. Pas de Isla en vue. Peut-être qu’elle n’est pas là ce soir, et ça serait plutôt cool. Ou bien elle est tout simplement dans sa chambre et je risque de la voir débarquer à tout moment. « Tu vas bien ? » J’ai envie de lui parler de cette histoire qui ne quitte pas mon esprit depuis ces deux dernières semaines mais je ne sais absolument pas comment aborder ce sujet. J’enlève ma veste que je pose sur le dos du canapé, et je lâche un long soupir. Et voilà que la nervosité que j’ai ressenti tout à l’heure face à Alex refait surface. « Tu savais que t’avais un neveu ? Enfin même si techniquement c’est pas ton neveu parce que t’es pas vraiment ma sœur mais… bref. Ça c’est qu’un détail. » Je laisse un rire nerveux s’échapper de mes lèvres. Je viens de lui lâcher cette information comme si je lui racontais comment s’était déroulée ma journée. Elle ne va rien comprendre et elle va être totalement perdue, mais voilà comme ça au moins c’est dit et je me suis libéré de ce poids. C’est la première fois que j’envisage d’en parler à quelqu’un.
Caleb & Romy ⊹ You can count on me like one two three I'll be there And I know when I need it I can count on you like four three two You'll be there 'Cause that's what cousins are supposed to do
Elle avait prétexté une angine, un mal de crâne carabiné ainsi qu'un état général déplorable pour refuser de voir Jonas ce soir, et si ce dernier s'était proposé de venir jouer les gardes malade, Romy avait poliment décliné. Merci mais non merci. Pour elle leur histoire ne sortait pas du cadre de l’amusement, mais visiblement ce n’était une certitude que pour elle tant le brun semblait ne pas comprendre. Il venait régulièrement, prenait des nouvelles, et bien que la petite blonde trouvait ce dévouement attachant … Jonas n’avait rien en lui qui ne lui donne des papillons dans le ventre, ni toutes ces autres conneries que l’on était censé ressentir lorsque l’on partage le lit de quelqu’un aussi régulièrement. Se promettant de trouver une solution pour lui montrer la porte de sortie (ce qui se traduirait sûrement par une recherche google comment rompre avec son plan cul ou un appel à Clara) Romy repoussait l’échéance en ayant décidé de profiter de sa soirée pour s’adonner à ce qu’elle savait faire de mieux : se détendre. Depuis ce matin la blondinette s’organisait un planning de rêve, prévoyait de se retrouver en tête à tête avec une série Netflix, une bouteille de vin à portée de main, et cerise sur le gâteau, dans la mesure où Tad ne viendrait emménager officiellement dans l’appartement qu’en toute fin de semaine, le moment était parfait pour s’autoriser à se laisser glisser dans les méandres des masques et du cocooning intensif. Sitôt sortie du travail elle n’avait pas perdu une seule seconde. Un trajet prison > maison accompli en quelques minutes, un ravitaillement express au supermarché qui jouxtait le coin de l’immeuble ; en l’espace d’une heure Romy était passée de la conseillère pénitentiaire aux nerfs en pelote à cette sorte de Bridget Jones australienne délestée de la moindre petite tension qui pourrait obscurcir son programme du jour. Ses cheveux remontés en une sorte de chignon mal défini, elle avait revêtu un pyjama ample après une douche qui avait duré bien trop longtemps, puis se laissant ensuite poser un masque sur le visage elle avait atterri sur le canapé histoire de larver dans le cliché. Un paquet de cheetos sous le bras, un verre de pinot gris posé sur la table basse, Romy avait lancé une série en pensant naïvement que le bonheur pouvait perdurer le temps d'une saison, mais c'était sans compter son quota de malchance et le bruit de la sonnette qui retentissait alors que Holden venait tout juste de rompre avec Debbie. "Merde." qu'elle soufflait en se déplaçant vers la porte d'entrée, mettant visiblement de côté le fait qu'elle avait le visage vert et visqueux. La main sur la poignée, elle déverrouillait cette dernière avant de tomber nez à nez avec ... Caleb ? "Qu'est ce que tu fiches ici ?" demandait elle par réflexe, faisant une totale abstraction du fait qu'il s'était mis à rire en l'observant. « Putain si tu voyais ta tête, t’es trop belle comme ça Romychou. » Ahah. Levant les yeux au ciel, la petite blonde se fendait d'un : "Ouais mais au moins j'aurais les pores resserrés et une peau de bébé d'ici demain contrairement à d'autres." avant d'inviter son cousin à entrer à l'intérieur (ne manquait plus qu'elle croise un voisin sur le perron) et de refermer la porte derrière lui en réponse tacite à son « Je peux entrer ? » qu'elle ne commentait pas. La réponse était évidente, bien qu'il se moquait d'elle et qu'il ne l'avait pas vraiment attendue pour arpenter la pièce en long et en large, par ailleurs. « T’es toute seule ? » Ouais ? Fronçant les sourcils, Romy croisait les bras contre sa poitrine en l'observant, s'inquiétant encore un peu plus lorsqu'il poursuivait par : « Tu vas bien ? » D'accord ? "Mieux que toi j'ai l'impression." Et elle ne pouvait pas si bien dire. Après un soupir qui lui apparaissait comme interminable, Caleb avait largué l'équivalent d'une bombe sans lui laisser le temps de se préparer à quoique ce soit. Rien. Pas d'alerte, pas de pop up. Le néant. « Tu savais que t’avais un neveu ? Enfin même si techniquement c’est pas ton neveu parce que t’es pas vraiment ma sœur mais… bref. Ça c’est qu’un détail. » Un quoi ? Un neveu ? On parle d'un enfant ou il a décidé d'acheter un animal de compagnie ? Et pourquoi il tire cette tête ? Le chien est passé sous une voiture en sortant de l'animalerie ? "Caleb, tu parles de quoi là ?" qu'elle demandait après quelques secondes de bug complet. "Un neveu ? T'as consommé quoi avant de venir ?" Venant parcourir la distance qui les séparait, Romy fronçait les sourcils en posant sa main sur son avant bras histoire d'attraper son regard et de ne pas le laisser filer. Elle était plus petite d'une bonne tête mais ne se démontait pas. C'était quoi cette histoire de neveu ? Et pourquoi avait il l'air si paumé ?
“You can count on me like one, two, three, I'll be there. And I know when I need it I can count on you like four, three, two, you'll be there.”
Me voilà sur le point d’arriver totalement à l’improviste chez ma cousine. Parce que je ne me sens pas bien, parce que je suis perdu et que j’ai vraiment besoin de parler de tout ça à quelqu’un. Et que Romy m’a semblée comme étant une évidence. Et elle m’a déjà prouvé que je pouvais compter sur elle. Quand LV est morte elle a été très présente pour moi, elle m’a écouté, elle m’a supporté moi et ma mauvaise humeur. Et c’est quand elle m’ouvre que je me rends immédiatement compte qu’elle ne s’attendait pas à avoir de la visite. Un masque vert sur le visage, un paquet de cheetos sous le bras et une série lancée, un verre de vin posé sur la table basse. Je suis obligé de lui rire au nez. Ne m’en veux pas Romy, je t’aime quand même promis. "Qu'est ce que tu fiches ici ?" J’ignore sa question, je ne lui réponds pas tout de suite. Je préfère lui faire une réflexion sur ce masque qu’elle porte. Elle lève les yeux au ciel juste avant de me répondre. "Ouais mais au moins j'aurais les pores resserrés et une peau de bébé d'ici demain contrairement à d'autres." Contrairement à d’autres ? Elle me laisse entrer et referme la porte derrière moi. Avant de répondre quoique ce soit je commence à regarder partout dans son salon pour voir si sa colocataire était là, mais aucun signe ne m’indique sa présence. « T’es en train de me faire passer un message ? tu penses que je devrais me faire un super masque vert pour refermer mes pores moi aussi ? » Je lui demande, amusé. Non je ne suis absolument pas vexé au contraire ça m’amuse. Et si ça peut me permettre de me détendre un peu, je prends, je ne vais pas faire le difficile. Mais je suis stressé. Parce que je ne sais pas comment lui dire tout ça, et elle semble avoir décelé mon stress avec une facilité déconcertante. Elle me connait bien. "Mieux que toi j'ai l'impression." Effectivement, je ne vais pas bien. Je ne vais pas bien du tout. Rien ne va même. Je regrette presque d’être venu parce que je sais que le fait de lui en parler va rendre tout ça bien plus réel. Et je ne sais pas si je suis prêt pour ça.
Je ne cherche pas à tourner autour du pot. Je lui dis qu’elle a un neveu. Même si en fait, c’est pas réellement son neveu parce que Romy c’est ma cousine pas ma sœur. Mais c’est tout comme. Elle est un peu comme ma petite sœur aussi. Elle ne dit rien pendant quelques secondes mais elle reprend assez vite la parole. "Caleb, tu parles de quoi là ? Un neveu ? T'as consommé quoi avant de venir ?" Juste deux verres de vodka. Mais sinon ça va. Je garde cette information pour moi. Elle s’approche de moi et mon regard fini par croiser le sien. Et je finis par la regarder un petit temps. Sans rien dire au début. Je cherche les mots que je vais pouvoir utiliser. Les informations qui sont importantes pour qu’elle puisse comprendre cette histoire. Et je finis par me lancer. « Ok…alors euh…» Je déglutis avant de poser ma main sur ma nuque. Je ne sais pas par où commencer. Je ne sais pas comment tout lui expliquer. Je laisse quelques secondes de flottement, et je reprends. « Y a dix ans je suis sorti avec cette fille, Alex. On est restés…un an et demi ensemble. J’étais vraiment super amoureux d’elle. » Je me stoppe, et je réfléchis. Et je me rends compte que tout expliquer depuis le début, c’est franchement pas évident. « Et un jour elle est partie du jour au lendemain, elle m’a plus jamais donné de nouvelles, elle répondait pas à mes appels. » J’essaye de trier les informations utiles à lui donner, mais je suis complètement paumé. Je ne sais vraiment pas comment lui expliquer cette histoire. « Je l’ai revu il y a quelques mois et comme un con je me suis attaché à elle. Encore une fois. » Histoire de pas lui dire clairement que je suis retombé amoureux d’elle. « … Il y a deux semaines elle m’a expliqué pourquoi elle est partie comme ça il y a huit ans. Et c’est là qu’elle m’a dit qu’elle était tombée enceinte. Elle a fait un déni de grossesse et quand elle l’a appris elle en était déjà au cinquième mois. Du coup ; avortement impossible elle était obligée de le garder. Sauf qu’Alex, elle, elle en voulait pas de cet enfant. Et…elle pensait apparemment que ça serait plus simple pour elle comme pour moi de partir sans me parler de cette grossesse. Elle a accouché, et elle l’a laissé à l’adoption. » Je suis confus, paumé et presque même stressé. C’est la toute première fois que j’en parle à quelqu’un. Ça fait deux semaines que je garde ça sur le cœur sans en avoir touché un mot à une seule personne. Je lâche un nouveau soupir avant de me laisser tomber sur le canapé, laissant ma tête se nicher dans mes mains. « Il a huit ans. C’est un garçon. Il s’appelle Nathan. Donc…apparemment j’ai un enfant. Quelque part. Et je viens tout juste de l’apprendre. » Voilà, en gros voilà l’histoire. En résumé. Et je pense que c’est un plutôt bon résumé de la situation. J’ai un enfant. C’est la première fois que je dis ces mots à voix haute et même la première fois que j’associe cet enfant comme étant le mien. Je lève le regard vers elle attendant une réaction de sa part. il faut qu’elle assimile toutes ces informations alors je lui laisse le temps nécessaire. Je fais trembler nerveusement ma jambe alors que mon regard de perd dans le vide. « Parle-en à personne s’il te plaît. Le dis pas à tes parents et encore moins aux miens. J’ai pas envie qu’ils le sachent. De toute façon à quoi ça servirait de leur dire qu’ils ont un petit fils mais que je le connais même pas moi-même ? » Mes parents ont un petit fils, j’ai un enfant. J’ai encore du mal à me dire que tout ça est vrai. Mais pourtant…
Caleb & Romy ⊹ You can count on me like one two three I'll be there And I know when I need it I can count on you like four three two You'll be there 'Cause that's what cousins are supposed to do
Caleb avait véritablement l’air mal en point, et c’était sans doute pour cette raison que Romy ne l’accueillait pas comme elle l’aurait fait d’ordinaire, à savoir en retournant se glisser sous son plaid en lui désignant du menton la bouteille de vin. La prévenance dont elle faisait preuve ne l’empêchait pourtant pas d’essuyer une moquerie, et bien qu’elle doive admettre que le masque à l’argile qu’elle portait et ce paquet de cheetos ouvert sur le table basse ne renvoyaient pas d’elle l’image la plus sérieuse qui soit elle s’en foutait bien. « T’es en train de me faire passer un message ? tu penses que je devrais me faire un super masque vert pour refermer mes pores moi aussi ? » Elle haussait les épaules en retour, laissant sa question en suspens pour en venir aux faits. S’il se pointait chez elle à une heure aussi tardive c’était pour une raison particulière, et la petite blonde ne se privait pas de lui dire. En retour Caleb se montrait d’une franchise qui la laissait sans voix, lâchant une bombe qui ébranlait leur équilibre familial, bien qu’elle ne s’en rendait pas compte immédiatement. A la place sa réaction fut de rejeter l’information, une information qui lui semblait improbable. Ô combien improbable. Un neveu ? Sérieusement ? Il lui accordait un regard un bref instant, laissant un silence pesant s’installer. « Ok…alors euh…» ALORS QUOI ? Romy sentait les battements de son cœur s’accélérer, non pas qu’elle puisse trouver l’idée d’être tatie déplaisante, mais qu’elle sentait que cette information était un sujet qui avait profondément bouleversé Caleb, et qu’elle n’avait pas envie de le revoir plonger vers les abysses. Elle ne le supporterait pas. « Y a dix ans je suis sorti avec cette fille, Alex. On est restés…un an et demi ensemble. J’étais vraiment super amoureux d’elle. » Dix ans. Dix longues années. Il y a dix ans elle regardait Hannah Montana en rentrant du lycée. C’était il y a une éternité. Elle espérait que ce gosse n’ait pas une éternité. « Et un jour elle est partie du jour au lendemain, elle m’a plus jamais donné de nouvelles, elle répondait pas à mes appels. » Ok, ce gosse avait une éternité. Le sol se dérobait sous ses pieds, et même si elle sentait que Caleb avait besoin de soutien elle n’arrivait pas à contenir le flot de sentiments qui venait noyer ses pensées. C’était réel, c’était concret. Ses jambes ne portaient plus son poids plume, et sans demander son reste elle se laissa glisser dans le canapé, vidée de toute expression. « Je l’ai revu il y a quelques mois et comme un con je me suis attaché à elle. Encore une fois. » Stop stop stop. Romy releva le menton, soudainement alerte. Elle était revenue dans sa vie ? Elle avait osé ? Et alors qu’elle avait encore une amorce d’espoir que l’enfant dont il parlait n’avait rien à voir avec cette histoire (petite, l’amorce) Caleb laissa tomber le couperet. « … Il y a deux semaines elle m’a expliqué pourquoi elle est partie comme ça il y a huit ans. Et c’est là qu’elle m’a dit qu’elle était tombée enceinte. Elle a fait un déni de grossesse et quand elle l’a appris elle en était déjà au cinquième mois. Du coup ; avortement impossible elle était obligée de le garder. Sauf qu’Alex, elle, elle en voulait pas de cet enfant. Et…elle pensait apparemment que ça serait plus simple pour elle comme pour moi de partir sans me parler de cette grossesse. Elle a accouché, et elle l’a laissé à l’adoption. » D’accord. Son imagination ne l’avait pas trahie, donc. Immédiatement les larmes lui montaient, et alors que son cousin vint se laisser retomber à ses côtés en nichant son visage au creux de ses mains dans un geste qui trahissait toute sa nervosité, Romy essayait de reprendre le dessus. Pour lui. « Il a huit ans. C’est un garçon. Il s’appelle Nathan. Donc…apparemment j’ai un enfant. Quelque part. Et je viens tout juste de l’apprendre. » Huit ans. Huit ans. C’est énorme huit ans. Soudainement l’atmosphère se teintait d’une profonde tristesse que toute la meilleure volonté du monde ne réussirait à chasser dans l’immédiat. On parlait d’un enfant, d’un enfant qu’on avait soustrait à son père. D’une vie qu’on brisait encore un peu plus. « Parle-en à personne s’il te plaît. Le dis pas à tes parents et encore moins aux miens. J’ai pas envie qu’ils le sachent. De toute façon à quoi ça servirait de leur dire qu’ils ont un petit fils mais que je le connais même pas moi-même ? » Caleb tremblait, et ç’avait été le signe pour Romy de revenir dans le monde des vivants, de laisser cette claque derrière elle. « J’en parlerai à personne. » qu’elle soufflait, ne serait-ce que pour le rassurer d’emblée. Ramenant ses jambes en tailleur elle vint ensuite poser sa main contre l’épaule du brun, la pressant doucement pour lui amener un semblant de compassion. « Comment tu te sens ? Par rapport à …. tout ça. » Elle avait des dizaines et des dizaines de questions qui fusaient dans son esprit, mais avant toute chose elle voulait savoir avec exactitude comment il allait. C’était le plus important pour elle. « C’était pas juste de venir te voir si tard. » et tu ne méritais pas ça. Romy faisait du mieux qu’elle le pouvait pour réconforter son cousin, mais elle avançait sur des œufs, alors ne sachant pas encore comment la nouvelle lui était ressentie la petite blonde ne s’aventurait pas trop dans des remarques qui pourraient le blesser.
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Romy semble surprise de ma visite. En même temps, peut-on vraiment la blâmer ? Je débarque chez elle, un soir, sans la prévenir et je m’apprête à lui lâcher une bombe alors qu’elle ne s’y attend pas le moins du monde. Vous allez me dire que moi non plus je ne m’y attendais pas quand Alex a débarqué chez moi à trois heures du matin pour me dire qu’il y a huit ans elle est tombée enceinte de moi et qu’elle a préféré laisser notre enfant à l’adoption. Je me suis fait des dizaines de scénarios différents sur les raisons de son départ. Et pour moi le plus plausible restait celui où elle avait rencontré un autre homme, où elle était tombée folle amoureuse de lui et avait décidé de tout plaquer pour le suivre je ne sais où. Tout plaquer y compris moi, nous. Moi qui étais fou amoureux d’elle, j’aurais vraiment fait n’importe quoi pour elle. Mais elle en a décidé autrement. En partant elle avait décidé de donner raison à nos proches qui n’arrêtaient pas de nous dire que nous étions trop différents pour que notre histoire puisse durer ou pour qu’elle puisse être vraiment sérieuse. Y compris mes parents. Parce que je l’avais amené à la ferme deux fois. La première fois pour la présenter à mes parents. Et ils m’avaient dit qu’elle semblait très gentille, mais qu’ils ne pensaient pas que l’on resterait longtemps ensemble. Parce que en soit, on a quasiment aucun point commun, on vient tous les deux de deux milieux complètement différents. Et ça, mes parents ne s’étaient pas gênés pour me le faire remarquer. Mais moi je m’en foutais. Et je leur avais dit très clairement. Sauf qu’elle est partie, me laissant derrière elle et en prouvant à mes parents qu’ils avaient raison. J’aurais préféré qu’elle me dise qu’elle me trompait et qu’elle était tombée amoureuse d’un autre homme. Ça aurait été plus simple à gérer huit ans après, une infidélité. Il y a prescription quand même. Même si mon égo et ma fierté en aurait tout de même pris un coup. Alors me voilà chez ma cousine. Je ne sais pas comment aborder le sujet. Je ne sais même pas par où commencer. Parce qu’elle ne connait même pas mon histoire avec Alex. Alors il va falloir commencer du début. Je commence par lui raconter en quelques mots ma relation avec elle, et puis j’enchaîne sur son départ inattendu. Départ qui, à l’époque m’avait vraiment brisé le cœur. Départ qui, m’avait poussé un an plus tard à quitter l’Australie, direction l’Europe. Parce que j’étais tout simplement incapable de me sortir cette fille de la tête. C’est grâce (ou à cause ?) de son départ que j’ai rencontré celle qui deviendrait plus tard la femme de ma vie, ma fiancée, que je finirais par tuer plusieurs années plus tard dans un accident. J’essaye d’être le plus clair possible dans mes explications, mais je suis tellement concentré, perdu et voire même presque confus que je ne remarque même pas les larmes qui semblent lui monter aux yeux. Je finis par lui demander de n’en parler à personne et surtout pas à mes parents. Je n’ai pas envie qu’ils le sachent. « J’en parlerai à personne. » Sa main vient se poser sur mon épaule. C’est la première fois que j’en parle à quelqu’un et je dois dire que vider mon sac m’a fait du bien. « Comment tu te sens ? Par rapport à …. tout ça. » Très bonne question à laquelle je ne sais pas quoi répondre. Mon regard était depuis tout à l’heure perdu dans la vide, mais je finis enfin par me tourner vers elle pour la regarder, et je hausse les épaules. « J’en sais rien. » Mes yeux se baissent sur mes doigts, avec lesquels je joue nerveusement. « Je sais pas parce que quand elle est partie je me suis imaginé une dizaine de scénarios mais jamais j’aurais pensé qu’elle était enceinte. Enfin en même temps pour moi ça me paraît plutôt logique et naturel de tenir le père au courant en cas de grossesse. » Sauf que j’ai beaucoup de mal à me considérer comme étant le père de cet enfant. Parce que je n’étais pas là pendant la grossesse, ni pendant l’accouchement. Parce qu’elle m’a mis de côté m’empêchant de pouvoir donner mon avis et mon point de vue sur la situation. La dernière fois j’en suis même venu à remettre sa fidélité à l’époque en question en lui disant que je ne pouvais avoir aucune certitude que cet enfant soit vraiment le mien. « J’avais même presque abandonné l’idée de pouvoir avoir des enfants un jour et elle, elle arrive en me disant qu’il y a huit ans elle a accouché de notre enfant ? Je suis censé réagir comment moi ? » J’ai encore du mal à digérer tout ça et je pense que le ton de ma voix le laisse sous-entendre. « Ça me fait bizarre. J’arrive pas à me dire que c’est le mien en fait. » En même temps, je n’ai appris la nouvelle il y a seulement deux semaines. C’est peu pour digérer ce genre d’information. Encore une fois, ça aurait été plus simple qu’elle me dise qu’elle me trompait. « Le pire c’est que… » Je m’arrête, essayant de trouver les bons mots. « Ces dernières semaines on avait passé tellement de bons moments tous les deux qu’elle a réussi à me rendre nostalgique. Et je te jure que j’étais vraiment prêt à lui laisser une deuxième chance et à lui pardonner son départ. Même si j’en connaissais pas encore les raisons. » Peut-être que je suis trop gentil, peut-être que je suis trop con. Ça doit être ça oui, je devrais sûrement moi aussi me mettre à être méchant et irrespectueux avec ceux qui m’entourent, peut-être que la vie me sourirait un peu plus, qui sait. « C’était pas juste de venir te voir si tard. » Huit ans. Il lui aura fallu huit longues années pour qu’elle se dise que peut-être j’étais légèrement concerné par la situation. « Elle devait sûrement se dire que me tenir au courant, ça servait pas à grand-chose vu qu’elle avait déjà abandonné son enfant. » En parlant de lui, rares sont les fois où je m’inclus dans la vie de cet enfant, j’ai encore beaucoup de mal à dire qu’il est « mon » enfant. Parce que je n’ai de toute évidence aucun droit sur lui. Elle non plus, mais elle est au moins considérée comme étant sa mère biologique. Moi je suis quoi du coup ? Le géniteur ? Certainement quelque chose comme ça oui. Je sors de la poche de mon jeans une enveloppe sur laquelle il est noté son prénom ; Nathan. « Y a une photo de lui dedans. Le jour de sa naissance je suppose. » Je lui dis en désignant cette enveloppe. Je ne l’ai regardée qu’une fois. De toute façon, maintenant il a huit ans – enfin il va avoir huit ans, en Novembre – donc il ne doit plus du tout ressembler au bébé sur cette photo.
Elle faisait un vrai travail de mémoire pour tenter de faire revenir quelques souvenirs, quelques éléments qui pourraient lui faire se rappeler de l’ex copine de son cousin, mais rien n’y faisait et Romy n’avait pas la moindre idée de qui était cette Alex, ni même de quoi elle était faite pour être capable de cacher une grossesse si longtemps au principal intéressé. Caleb tentait d’être le plus précis possible, mais bouleversé comme il l’était (quoi de plus compréhensible) ce n’était pas un exercice des plus évidents. Romy, d’ordinaire si expansive, avait réussi à ne pas l’assaillir de questions, à demeurer la plus à l’écart possible, ce qui l’arrangeait dans la mesure où elle aussi avait toute cette information à intégrer ; leur famille avait accueilli un petit bout sans le savoir, et son cousin avait eu une seconde fois le cœur brisé. Promettant de n’en parler à personne, la petite blonde s’enquit avant toute autre chose de l’état de Caleb. Il avait le regard triste et assombri, mais lui accordant finalement un coup d’œil il répondait : « J’en sais rien. » avant de jouer nerveusement avec ses doigts. « Je sais pas parce que quand elle est partie je me suis imaginé une dizaine de scénarios mais jamais j’aurais pensé qu’elle était enceinte. Enfin en même temps pour moi ça me paraît plutôt logique et naturel de tenir le père au courant en cas de grossesse. » Qu’il se rassure ; pour elle aussi. Jamais Romy n’aurait envisagé qu’une femme puisse ne pas informer son partenaire qu’elle attendait son enfant si leur couple était solide, et même si elle était assez souple sur bien des principes familiaux (il n’y avait qu’à en juger par toutes les concessions qu’elle avait faites dans la sienne) à ses yeux chaque figure paternelle avait autant de droits que son opposé maternel. Caleb avait été privé d’une décision qui lui était due. « J’avais même presque abandonné l’idée de pouvoir avoir des enfants un jour et elle, elle arrive en me disant qu’il y a huit ans elle a accouché de notre enfant ? Je suis censé réagir comment moi ? » Le ton de sa voix traduisait sa détresse (quoi de plus normal) alors pressant un peu plus son épaule du bout des doigts Romy tentait de le tempérer. « C’est injuste ce qui t’arrive, et t’y es pour rien du tout. » « Ça me fait bizarre. J’arrive pas à me dire que c’est le mien en fait. » L’ombre d’un sourire sans joie lui naissait au coin des lèvres, et Romy en avait presque les larmes aux yeux. « Le pire c’est que… » Ah parce qu’il pouvait y avoir pire ? Haussant un sourcil, elle resserrait son bras libre contre sa poitrine, tortillant un pan de son peignoir en soie du bout des doigts. C’était quoi ce cauchemar hein ? « Ces dernières semaines on avait passé tellement de bons moments tous les deux qu’elle a réussi à me rendre nostalgique. Et je te jure que j’étais vraiment prêt à lui laisser une deuxième chance et à lui pardonner son départ. Même si j’en connaissais pas encore les raisons. » Teuteuteu. Des bons moments ? Une deuxième chance ? Il ne parle quand même pas d’un retour de flammes là … si ? « Me dis pas que vous avez re…mis le couvert. » Une expression un brin plus polie que le « couché ensemble » qu’elle aurait rétorqué avec naturel si la raison ne lui était pas revenue au dernier moment. Soulignant ensuite que huit ans, c’était peut être un peu long pour venir annoncer une grossesse, Romy semblait avoir remué de la rancœur chez son cousin qui répondait : « Elle devait sûrement se dire que me tenir au courant, ça servait pas à grand-chose vu qu’elle avait déjà abandonné son enfant. » « Votre. Caleb c’est le tien aussi et t’as droit d’avoir sa place dans sa vie. C’est pas trop tard. » La petite blonde tranchait, définitive. Il était hors de question pour le restaurateur de se terrer sans agir, de subir cette situation qu’il n’avait pas choisie. Certes il était une victime, le dernier au courant, mais maintenant qu’il savait ce serait encore plus douloureux de demeurer les bras ballants. « Y a une photo de lui dedans. Le jour de sa naissance je suppose. » Caleb venait de sortir de sa poche une enveloppe qu’il tenait du bout des doigts, presque comme si elle brûlait, et c’est en fronçant les sourcils que Romy l’attrapait en entrouvrant les lèvres, ne sachant pas tout de suite comment réagir. Elle ne s’attendait pas à ce que les choses soient rendues si concrètes. Il y a encore une demie heure elle était tranquillement affalée devant Bridget Jones à boulotter des Cheetos et maintenant elle se retrouvait à ramasser les morceaux de leurs deux cœurs brisés. « Tu … tu l’as regardé ? » demanda t-elle d’une petite voix, avant de poursuivre comme dans un souffle : « Et moi, je peux regarder ? » Bien qu’elle ne sache pas si cela lui ferait plus de bien que de mal, dans le fond.
“You can count on me like one, two, three, I'll be there. And I know when I need it I can count on you like four, three, two, you'll be there.”
Je ne sais même pas ce que je fais là, j’aurais peut-être dû opter pour l’autre option ; se bourrer la gueule dans un bar juste pour pouvoir oublier ne serait-ce que quelques heures toute cette histoire. Comme si ma vie n’était pas assez catastrophique comme ça il a fallu qu’elle vienne tout gâcher. Réduire en miettes le peu de stabilité que je venais de reconstruire. Mais en même temps je le savais. Je savais qu’en laissant Alex entrer à nouveau dans ma vie je lui laissais la possibilité de me faire mal. Mais je l’ai quand même fait, en connaissance de cause. Parce qu’avec elle c’est toujours comme ça et ça l’a toujours été. Je ne sais même pas pourquoi je suis venu ici. Parce que je suis perdu, et que je ne sais pas vers qui me tourner ? Et je sais que Romy ne me jugera pas, qu’elle m’écoutera et me soutiendra si j’en ai besoin. Comme elle l’a fait quand LV est morte. Pourtant j’étais pas facile à vivre à cette époque. J’étais chiant. Peut-être que je le suis encore un peu au final. Surtout en ce moment. « C’est injuste ce qui t’arrive, et t’y es pour rien du tout. » Est-ce que j’y suis vraiment pour rien ? Si elle n’a pas osé m’en parler à l’époque c’est sûrement parce que je ne devais pas être un très bon petit-ami. Pas aussi bon que je le pensais. Pourtant je me croyais attentif, présent et digne de confiance. Je pense que je lui avais prouvé plus d’une fois qu’elle pouvait tout me dire et me parler de tout. Mais apparemment non. Je ne devais pas être à la hauteur. Pas comme je le pensais. Alors j’ai peut-être et sûrement ma part de responsabilité dans cette histoire. Si j’avais été un meilleur petit-ami elle aurait eu moins peur de m’en parler. Et tout serait peut-être différent maintenant. Peut-être qu’on l’aurait gardé, ou pas. Parce que je lui ai dit qu’à l’époque j’aurais accepté son choix de le mettre à l’adoption mais en soit j’en ai aucune garantie. Je savais que je voulais des enfants, mais dans le futur. Je n’avais que vingt et un an et que je n’étais clairement pas prêt à assumer un enfant. Je venais à peine de finir mes études, je commençais mon premier job en tant que commis de cuisine. Ce n’était clairement pas le moment d’avoir un enfant. Et je pense que tout ça elle le savait, raison pour laquelle elle a fui. « Me dis pas que vous avez re…mis le couvert. » Si on a couché ensemble ? Le regard que je lui lance est suffisant pour qu’elle comprenne que la réponse est positive. Et le pire, c’est que je ne le regrette absolument pas. Si c’était à refaire, je le referais sans rien changer. Cette nuit et cette journée que nous avons passée ensemble a été vraiment magnifique. « Toi qui voulais absolument que je passe à autre chose tu devrais être contente, non ? » Elle ne me l’a jamais dit clairement, mais avec ce rencard qu’elle m’avait organisé avec son ancienne colocataire le message était plutôt clair. Je lui dis ça, mais ce n’est absolument pas un reproche. Je suis passé à autre chose – plus ou moins – mais peut-être pas avec la bonne personne. Coucher avec son ex n’est jamais une bonne idée, c’est connu. Mais encore une fois ; je ne le regrette pas. « Votre. Caleb c’est le tien aussi et t’as droit d’avoir sa place dans sa vie. C’est pas trop tard. » ‘C’est le tien aussi.’ Ça, c’est dur à encaisser. Est-ce que c’est vraiment le mien ? Oui, bien sûr que oui, la réponse est évidente. J’avais confiance en Alex et je n’avais jamais douté de sa fidélité à l’époque. C’est le mien. J’ai un enfant. Qui a bientôt huit ans. Et il s’appelle Nathan. Ces mots tournent en boucle dans ma tête depuis plusieurs jours. « Comment est-ce que tu veux que je puisse avoir ma place dans sa vie Romy ? Je sais même pas où il est. Et il a très certainement une famille maintenant. Une vraie famille. Il a déjà un père et c’est pas moi. » Ces mots me font mal, mais c’est la vérité. Bien sûr que c’est trop tard. Tout est trop tard. Je ne peux plus avoir une place dans la vie de cet enfant. « Il a déjà une vie et j’en fais pas partie. J’en ferais jamais partie. » Encore des mots difficiles à dire à voix haute, mais pourtant. C’est la vérité. Encore. Ces mots sont prononcés d’une manière déterminée. Je ne peux pas débarquer dans sa vie pour tout venir bouleverser. Il a déjà une famille, une mère, un père et peut-être même des frères et des sœurs. Tout ce que je peux espérer pour lui c’est qu’il est bien entouré et aimé par ses parents. Et pour continuer dans le drama, je lui tends cette enveloppe dans laquelle est enfermée une longue lettre de plusieurs pages, une photo et son bracelet de naissance. « Tu … tu l’as regardé ? » J’acquiesce d’un signe de tête. « Et moi, je peux regarder ? » Mes yeux se posent sur cette enveloppe et remontent ensuite vers ma cousine. « Oui oui tu peux. » Sinon je ne lui aurais pas parlé de l’existence de cette photo. Lire cette lettre et regarder ce cliché n’a pas été une tâche des plus simples. L’enveloppe est restée chez moi durant de nombreux jours avant que je n’arrive à l’ouvrir pour en regarder son contenu. Et ce bracelet. Ce tout petit bracelet qu’il a eu au poignet le temps de son séjour en maternité. Tout ça avait rendu la situation bien trop réelle : il existe pour de bon, et vraiment. « Il est assez mignon en plus... » Je lui avoue alors qu’elle ouvre l’enveloppe pour en découvrir son contenu. Je reste silencieux, lui laissant le temps dont elle va avoir besoin pour analyser cette photo. Et moi, je ne l’ai regardée qu’une seule fois. Je regarde ailleurs, mon regard fixant la télé qui semblait diffuser un film que Romy a dû voir environ un million de fois. Mais je finis par me retourner vers ma cousine pour regarder cette photo avec elle. « Il aura huit ans le cinq novembre. » Je ne sais même pas pourquoi je lui donne cette information. Je n’aurais peut-être pas dû lui donner sa date d’anniversaire c’est assez inutile vu qu’il n’est pas dans nos vies. C’est juste un moyen annuel de nous rappeler que j’ai un fils, quelque part, sûrement pas très loin.
Elle aurait préféré ne jamais avoir à tenir ce rôle d’épaule à nouveau. Caleb avait déjà tant souffert en perdant LV que de le voir replonger dans une spirale aussi sombre la chamboulait. Elle aurait eu besoin de temps pour accepter ces informations qu’il lui donnait, pour les assimiler, mais du temps elle n’en avait pas, et il fallait qu’elle soit là pour lui avant d’être là pour elle. Romy avançait à tâtons, ne sachant pas bien comment les choses avaient pu se passer pour qu’Alex en vienne à se livrer sur ce qui devait être la plus grosse erreur de sa vie, et visiblement elle mettait le doigt sur quelque chose de probant en suggérant qu’ils s’étaient remis ensemble. Le regard de Caleb était équivoque, et ce dernier suffisait à enfoncer le clou lorsqu’il rétorquait : « Toi qui voulais absolument que je passe à autre chose tu devrais être contente, non ? » Ouais ? Non, pas vraiment. Penchant la tête sur le côté, la crédibilité proche du néant avec son masque d’argile verte sur le visage, la blondinette soufflait : « Passer à autre chose et se remettre avec son ex … ça va pas vraiment ensemble. » Mais ce n’était pas vraiment le sujet, et Caleb devait être conscient de sa boulette vu la détresse émotionnelle dans laquelle il était. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas dans les réchauffés, et en l’occurrence là il s’agissait … d’un enfant. Les choses n’avaient pas été foirées à moitié. Romy avait beaucoup de mal à assimiler le fait qu’une mère puisse avoir caché l’existence d’un bébé à son père, mais pourtant ç’avait été le cas. Le seul point sur lequel elle se raccrochait à chaud était le fait que ce bébé soit aussi celui de son cousin, et qu’il fallait l’intégrer désormais. « Comment est-ce que tu veux que je puisse avoir ma place dans sa vie Romy ? Je sais même pas où il est. Et il a très certainement une famille maintenant. Une vraie famille. Il a déjà un père et c’est pas moi. » Débarquer huit ans plus tard dans la vie de ce petit bout n’était pas une excellente idée, mais partant de l’adage que « mieux vaut tard que jamais » et en s’imaginant que cet enfant voudra tôt ou tard connaître son histoire, elle n’était pas si absurde. Caleb n’avait rien demander, mais il était hors de question qu’il subisse, elle ne le laisserait pas se faire détruire. « Il a déjà une vie et j’en fais pas partie. J’en ferais jamais partie. » Ah non mon grand. Romy fronçait les sourcils, se surprenait à parler d’une voix plus affirmée : « Tu digères la nouvelle, et on fait quelque chose. » et elle ne poursuivait pas davantage pour ne pas le noyer dès le départ. La colère l’avait gagnée, et bien que la cadette Ashby soit profondément attristée par cette nouvelle, il était hors de question qu’ils soient deux à perdre pieds. Caleb avait des droits sur cette vie qu’on lui avait volée et il ne s’en sortirait pas uniquement avec le statut de dommage collatéral. Qu’il ne souhaite pas faire voler en éclat l’équilibre de son fils, cela pouvait se comprendre, mais il méritait d’avoir toutes les cartes en main pour décider et ne pas simplement subir. Comme pour rendre la situation encore plus dramatique, le brun lui tendait une enveloppe contenant des documents, et du bout des doigts Romy l’attrapait sans trop savoir si elle avait droit de rencontrer à son tour ce bébé. « Oui oui tu peux. » Caleb hochait la tête, son regard balayant cet amas de papier comme si sa vie s’y trouvait. Tremblotante, Romy s’avançait du canapé pour sortir sur la table tout ce qui s’y trouvait. Ce qu’elle devinait être une lettre, un bracelet de naissance, puis …. « Il est assez mignon en plus... » Oh seigneur. Heureusement qu’elle était assise, sans quoi le sol se serait certainement dérobé sous ses pieds. Le nourrisson était emmitouflé dans une couverture bleue, et malgré l’air de gnome elle distinguait des traits propres aux Anderson. Son regard était absorbé par la photo, mais comme pour s’occuper l’esprit ses doigts étaient venus attraper le petit bracelet qu’elle manipulait avec précaution. « Il aura huit ans le cinq novembre. » Oula. Stop. Trop d’émotions. Ravalant un sanglot qui menaçait de la faire fondre en larmes, Romy releva le regard vers Caleb en déposant ce qu’elle tenait sur la table basse. « Qu’est ce que tu lui as dit ? » A l’autre, celle qui avait privé cette petite crevette d’un foyer. « Et … comment t’as réagi ? Qu’est ce que tu comptes faire ? » Parce que si la blondinette, s’était d’emblée montrée méthodique, dans les faits les choses n’étaient pas si simples, et son cousin était suffisamment brisé pour savoir mieux que personne ce dont il avait besoin pour mettre un pied devant l’autre.
“You can count on me like one, two, three, I'll be there. And I know when I need it I can count on you like four, three, two, you'll be there.”
Romy a beaucoup informations à assimiler et égoïstement je ne prends même pas en compte son ressenti sur cette histoire. Je lui balance tout naturellement, sans tact sans faire attention à ce qu’elle peut ressentir. Et je m’en veux. Être égoïste ce n’est pas dans ma nature. Vraiment pas. Mais là j’ai tellement besoin d’extérioriser que je ne fais pas attention qu’en face de moi se tient une Romy complètement chamboulée et perdue par toutes ces informations que je viens de lui donner. Elle a un neveu quelque part certainement pas très loin d’ici. Enfin même s’il n’est pas vraiment son neveu mais Romy je la considère comme faisant partie des Anderson presque autant qu’elle est une Ashby. C’est assez triste mais je pense que c’est la mort de mon ex qui nous a rapproché. Le fait que Wylda n’ait pas pu venir à Brisbane pour son enterrement. Elle était là quand sa grande sœur ne l’était pas. Et même si j’ai compris que les raisons de l’absence de Wylda étaient légitimes, ou du moins pas volontaire de sa part les faits restent les mêmes. C’est sûrement la raison pour laquelle Romy est celle vers qui je me suis tourné pour parler ce soir. « Passer à autre chose et se remettre avec son ex … ça va pas vraiment ensemble. » Le pire c’est qu’elle a raison. J’ai toujours été le premier à dire qu’il ne faut jamais se remettre avec son ex, c’est une grosse erreur. Toujours. Si les choses se sont terminées une fois c’est qu’il y avait de bonnes raisons et quelque fois même une incompatibilité entre les deux. Mais là c’est différent. C’est Alex… C’est difficile à expliquer, mais le lien qui nous unit est fort et compliqué. Peut-être que c’est ça que veuille dire les gens en disant qu’on n’oublie jamais son premier amour. « On s’est pas remis ensemble. On a juste couché ensemble…une fois. » Non pas qu’une fois mais ça c’est un détail qu’elle n’a clairement pas besoin d’avoir. C’est ma cousine quand même. Et je pense qu’elle se passerait bien des détails sur ma vie sexuelle, même si celle-ci a été plus qu’inexistante pendant un peu plus de deux ans. Il y a des choses qu’il vaut mieux garder pour soi. Qu’Alex et moi On soit de nouveau ensemble, ou qu’on ait juste couché ensemble ça ne change rien sur le fait que les propos de Romy soient correctes. Même si j’ai beaucoup de mal à considérer ça comme une erreur. C’était tout sauf une erreur et je ne le regrette pas. On en avait tous les deux envies et de toute façon, ce qui est fait est fait et on ne peut pas retourner en arrière. Peut-être même que si on n’avait pas couché ensemble elle ne m’aurait jamais dit la vérité. Je finis par lui dire que je ne comptais rien faire, je ne suis pas sûr de vouloir retrouver cet enfant. Il aura bientôt huit ans il a déjà une famille et un équilibre. Je ne peux pas me permettre de venir tout briser. « Tu digères la nouvelle, et on fait quelque chose. » Elle me dit, d’un ton décidé. Je la regarde, mais je ne lui réponds pas. Parce qu’en fait, ce n’est pas que je ne veux pas le retrouver mais je suis presque sûr que ce n’est pas faisable. Et quand bien même on arrive à le retrouver, qu’est-ce qu’il va se passer ? Je ne peux pas débarquer dans la vie de cet enfant comme ça. Je dois d’abord presque contact avec ses parents adoptifs. Ses vrais parents. Ceux qui l’ont élevé. Ceux qui ont pris ma place. Et je finis par lui dévoiler l’existence de cette enveloppe et la laisse en découvrir son contenu. Je regarde pour la deuxième fois cette photo. Je suis toujours du même avis, il est vraiment mignon. Elle repose tout ça sur la table basse quand je lui donne sa date de naissance – sérieusement ne me demandez pas pourquoi j’ai fait ça, j’en sais rien. – et moi je reprends la photo pour la regarder encore une fois. Donc, c’est vraiment mon fils sur ce cliché ? J’ai encore un peu de mal à y croire. Mon regard se perd encore dans la photo. « Qu’est ce que tu lui as dit ? » Elle me fait redescendre sur terre avec cette question. Je prends une grande inspiration en pose la photo sur l’enveloppe posée sur la table. « Et … comment t’as réagi ? Qu’est ce que tu comptes faire ? » Ce que je compte faire ? C’est une bonne question ça. Je hausse les épaules tout en déglutissant. « J’ai très mal réagi. Enfin…je lui ai dit des choses vraiment pas cool. » Du genre remettre sa fidélité en question, sous-entendre qu’elle n’est qu’une pute bonne qu’à baiser par exemple. Enfin ça je l’ai même dit clairement. Mais je ne l’ai jamais traité de pute ou de salope. Pas directement du moins. « Je lui ai dit que j’avais besoin qu’elle me laisse du temps pour réfléchir, faire le point et digérer tout ça. On s’est tous les deux dits des trucs assez…violents. Mais il fallait que ça sorte. Au moins on a réussi à être honnêtes même si ça a fait mal. « Je sais pas ce que je compte faire, je suis complètement perdu. J’ai toujours voulu avoir des enfants, tu le sais. Moi je veux avoir une famille. Mais je sais pas, tu sais j’avais vingt-deux ans à l’époque j’étais pas prêt à avoir un enfant, et puis on était ensemble que depuis un an et demi. C’est rien du tout. » En lui disant tout ça je ne réponds absolument pas à sa question et je m’en rends compte seulement maintenant. « Je peux rien faire. C’est trop tard, c’était il y a huit ans. Je peux pas débarquer dans sa vie et bousculer tout son équilibre comme ça. Peut-être qu’il sait même pas qu’il a été adopté. Peut-être qu’il le sait et qu’il veut pas connaître ses parents biologiques. » On ne peut pas le savoir, malheureusement. On ne le saura jamais. Je relève les yeux vers Romy, et c’est seulement là que je me rends compte qu’elle semble vraiment chamboulée. Et c’est là que je m’en veux. Je débarque chez elle sans y être invité et je lui largue une bombe pareille. « Je suis désolé, depuis tout à l’heure je parle et je fais même pas attention à ce que tu pourrais ressentir… Ça va ? » Je lui demande sans la quitter du regard. Pas que cette information chamboule tout sa vie mais Romy c’est quelqu’un de très sensible, et je veux m’assurer qu’elle va tout de même bien. Un minimum.
Elle essayait d’y voir clair, de comprendre un peu mieux ce qu’il en était de cette histoire qui rongeait son cousin. A ses yeux il avait ignoré les signaux « alerte rouge » en se remettant avec sa première copine aka. briseuse de rêves, mais s’il était trop tard pour faire machine arrière et garder son cœur rafistolé intact, le brun se sentait tout de même de préciser : « On s’est pas remis ensemble. On a juste couché ensemble…une fois. » Ah ben dis comme ça tout était tout de suite bien mieux. Ou pas. Romy fronçait les sourcils, secouant finalement le menton pour laisser ce détail loin de son esprit. Elle voyait mal Caleb le beaucoup trop cute avoir un plan cul, encore moins s’il s’agissait de sa première vraie copine. Non, il avait déconné, et elle … elle avait signé son inscription à la morgue. Se pointer huit ans plus tard avec un gosse sur les bras ? Sérieusement ? Romy avait beau essayer de se montrer le plus à l’écoute possible pour Caleb elle n’en demeurait pas moins choquée, et profondément attristée par cette nouvelle qui chamboulait tout l’équilibre de sa famille ou presque. Elle avait suggéré une action, quelque chose pour réparer cette injustice, mais à la place le brun l’avait laissée dans le silence, et quelque part elle comprenait. Il lui avait tendu une enveloppe dont elle en découvrait le contenu avec les yeux baignés de larmes qu’elle ravalait difficilement. Il était mignon ce bébé, tout petit, minuscule, et … inconnu. Elle ne le connaissait pas, et Caleb non plus. Il avait récupéré le cliché, le contemplait alors qu’elle lui posait une salve de questions qu’elle aurait aimée plus prévenante. « J’ai très mal réagi. Enfin…je lui ai dit des choses vraiment pas cool. » Il avait dégluti, puis haussé les épaules. Romy ne le jugeait pas, au contraire. Son comportement était normal après une révélation aussi … tardive. « Je lui ai dit que j’avais besoin qu’elle me laisse du temps pour réfléchir, faire le point et digérer tout ça. On s’est tous les deux dits des trucs assez…violents. Mais il fallait que ça sorte. » Oui, c’était normal. Elle hochait la tête, le laissant poursuivre ensuite. « Je sais pas ce que je compte faire, je suis complètement perdu. J’ai toujours voulu avoir des enfants, tu le sais. Moi je veux avoir une famille. Mais je sais pas, tu sais j’avais vingt-deux ans à l’époque j’étais pas prêt à avoir un enfant, et puis on était ensemble que depuis un an et demi. C’est rien du tout. » Que ça fasse un an et demi ou dix ans, personne n’était préparé à la venue d’un enfant. Le vrai problème c’était surtout qu’il n’avait pas eu son mot à dire, mais si Caleb lui racontait tout ça c’est qu’il en ressentait le besoin alors elle ne l’interrompait pas tout de suite avec son point de vue sûrement bancal. « Je peux rien faire. C’est trop tard, c’était il y a huit ans. Je peux pas débarquer dans sa vie et bousculer tout son équilibre comme ça. Peut-être qu’il sait même pas qu’il a été adopté. Peut-être qu’il le sait et qu’il veut pas connaître ses parents biologiques. » La petite blonde esquissait l’ombre d’un sourire désolé. Non il ne pouvait pas, mais ce n’était pas pour autant que c’était juste … et ça la rongeait. « Caleb je … » Je te comprends ? Non. Elle ne pouvait qu’essayer. Il devait être dévasté, anéanti, alors comme elle avait pu le faire lorsqu’elle avait essayé de lui faire remonter la pente lorsque LV était décédée, elle se releva du canapé pour aller directement dans l’espace cuisine de la pièce de vie et tirer une bouteille de vin du placard. Ça n’arrangerait pas tout, mais discuter autour d’un verre de vin était toujours mieux que de le faire la gorge nouée par les larmes. « T’en sais rien. Il a huit ans … pour l’instant c’est compliqué de savoir ce qu’il peut vouloir ou pas. Mais t’envisages pas de … parler aux parents ? Enfin désolée, c’est tout récent. Mais je … c’est pas juste. » qu’elle soufflait en leur servant deux verres, deux bons verres qui feraient frémir n’importe quel sommelier. C’est qu’ils en avaient besoin, et finalement, lorsqu’elle venait se rasseoir se poser sur le canapé, Caleb lui demandait : « Je suis désolé, depuis tout à l’heure je parle et je fais même pas attention à ce que tu pourrais ressentir… Ça va ? » Mais qu’il ne s’inquiète pas pour elle. Romy marquait une pause, une expression indéchiffrable sur le visage. Elle était choquée, bouleversée, mais son cousin passait avant tout, alors lui refourguant son verre dans les mains elle hochait la tête. « Ça va aller. T’en fais pas pour moi. » Ce n’était pas sa vie qui était remise en question, même si cette histoire lui brisait le cœur. « Je … j’aurais aimé qu’on le sache avant mais on ne peut plus rien faire pour changer tout ça, hein ? » Un rire nerveux lui échappait, agrémenté d’un épisode crise de larmes qui menaçait de pointer dangereusement. Elle les essuyait du revers de la main, prenant une gorgée de son verre avant de le reposer sur un bout de canapé. « Tu restes dormir ? Isla est partie alors … je te laisse ma chambre, si tu veux. » Et tout en lui proposant, elle espérait sincèrement qu’il ne fasse aucune remarque sur le mont de fringues qui s’amassait au sol et le tableau de membres érectiles de Clara qui agrémentait le mur.
“You can count on me like one, two, three, I'll be there. And I know when I need it I can count on you like four, three, two, you'll be there.”
Je suis d’un côté extrêmement soulagé d’avoir enfin pu en parler à quelqu’un mais de l’autre, ça a rendu mes problèmes bien trop réels. C’est officiel, j’ai apparemment un enfant qui a bientôt huit ans et je viens de tout raconter à Romy. Mais j’ai encore beaucoup de mal à accepter cette vérité un peu trop tardive à mes yeux. En abandonnant cet enfant sans me consulter avant, Alex avait pris la liberté de décider d’une partie de ma vie à ma place. Je veux des enfants. J’en suis plus que sûr. Je veux fonder une famille. Et si je n’avais pas eu cet accident de voiture il y a deux ans c’est ce qu’on avait prévu. Juste après le mariage on devait essayer d’avoir notre premier enfant. Deux ans et demi qu’elle est morte. Et si je n’avais pas causé cet accident elle serait encore en vie, on aurait très certainement déjà eu notre enfant ou bien elle serait enceinte sur le point d’accoucher en ce moment même. Je n’aurais pas revu Alex, ou du moins jamais elle n’aurait repris une place aussi importante dans ma vie, et elle ne m’aurait donc jamais dit la vérité. À l’heure d’aujourd’hui si LV était encore en vie je ne connaîtrais très certainement même pas l’existence de cet enfant. Et ça n’aurait pas été plus mal au final. Parce qu’à quoi bon ? Savoir que j’ai un enfant, ne pas le connaître, n’avoir légalement aucun droit sur lui, savoir qu’il a certainement des parents, un père qui a pris la place que j’aurais pourtant dû avoir. C’est un sentiment tellement horrible. J’aimerais tellement me réveiller et me rendre compte que tout ça n’était qu’un rêve. Ou un cauchemar. Que les deux dernières années de ma vie ne se sont pas réellement déroulées. Que LV est encore en vie et que nous avons finalement pu nous marier. Mais non malheureusement tout ça, c’est la vérité. L’amour de ma vie est morte, et depuis, plus rien ne va. Cette révélation est tellement dure à encaisser. J’en ai marre. Marre de tout, de m’en prendre plein la gueule tout le temps. Peut-être que je suis trop gentil et que je devrais vraiment commencer à penser à moi avant de penser aux autres. Peut-être que ça serait une bonne idée. La photo de cet enfant entre les mains, je la regarde puisqu’il s’agit de la seule chose que je n’aurais jamais de lui. Une photo et ce bracelet de naissance. Ce si petit bracelet qui a été autour de son poignet le jour de sa naissance. Et maintenant c’est à Romy de digérer cette nouvelle. Je remarque d’ailleurs qu’elle se lève mais je ne cherche pas à savoir ce qu’elle est partie faire. Je reprends la photo, et je la regarde encore. Putain. Il était si petit. Et tellement mignon. J’aurais dû être là le jour où la photo a été prise. J’aurais dû être présent pendant l’accouchement. Mais en le regardant sur ce cliché je me rends tout de suite compte que oui, je serais tombé immédiatement amoureux de ce bébé et je n’aurais pas pu le laisser à l’adoption. Là-dessus, Alex avait raison. Accompagnant mes gestes d’un long soupir je récupère l’enveloppe pour ranger la photo dedans et au même moment Romy arrive avec deux verres de vin bien remplis. « T’en sais rien. Il a huit ans … pour l’instant c’est compliqué de savoir ce qu’il peut vouloir ou pas. Mais t’envisages pas de … parler aux parents ? Enfin désolée, c’est tout récent. Mais je … c’est pas juste. » Parler aux parents ? Non honnêtement je n’y avais vraiment pas pensé. Je prends le verre de vin qu’elle me tend. Je suis complètement perdu. J’en sais rien. Je ne sais plus rien. « Je sais pas. » Je lui dis tout en soupirant. Phrase que j’ai dû prononcer au moins une dizaine de fois aujourd’hui lors de mon rendez-vous avec Alex au café tout à l’heure. Je bois quelques gorgées le regard complètement perdu dans le vide. « Comment est-ce que tu veux que je parle aux parents je suis sûr que je ne pourrais avoir aucune information à leur sujet. Officiellement je suis rien pour cet enfant, moi. Juste son géniteur c’est tout. » Et prononcer cette phrase me brise le cœur, et je suis sûr qu’elle pourra le percevoir dans le ton de ma voix. Pourtant c’est vrai. Mon nom n’apparaît pas dans le dossier à l’agence d’adoption si j’en crois ce qu’Alex a écrit dans cette lettre. Je n’ai pas reconnu cet enfant. Donc officiellement je suis un inconnu pour lui. Juste la personne avec qui Nathan partage la moitié de son patrimoine génétique. Je bois de nouvelles gorgées du vin et je porte enfin mon attention sur Romy qui semble plus bouleversée que je ne le pensais. Je lui ai déballé toute cette histoire sans même me soucier de son ressenti. Sérieusement je suis nul. « Ça va aller. T’en fais pas pour moi. » J’hoche doucement la tête. La pauvre, elle qui pensait passer une soirée tranquille devant Bridget Jones elle se retrouve coincée à écouter les plaintes de son cousin dépressif. Elle avait sûrement mieux à faire. « Je … j’aurais aimé qu’on le sache avant mais on ne peut plus rien faire pour changer tout ça, hein ? » Ah, ça non on ne peut rien faire pour changer ça malheureusement. « Ouais…moi aussi j’aurais aimé le savoir avant. » Mais ce qui est fait est fait et on ne pourra pas faire de retour en arrière, malheureusement. Je bois une autre gorgée de mon verre et je le pose sur la table. « Tu restes dormir ? Isla est partie alors … je te laisse ma chambre, si tu veux. » Donc Isla ‘est partie ? Je lui demanderais plus tard les raisons de son départ mais je ne compte pas refuser son invitation à rester. « Ouais je veux bien rester. » Je lui réponds tout simplement avant de me tourner vers elle pour la regarder. Son visage est encore tartiné de ce masque verre, ce qui m’arrache un sourire. « Par contre il va falloir que tu te rinces le visage parce que sérieusement, t’as aucune crédibilité le visage vert. » Je lui dis avant de lâcher un petit rire histoire de dédramatiser un peu l’ambiance bien trop lourde et déprimante.
Romy mettrait certainement de nombreuses heures (si ce n’est des jours, voire des semaines) avant d’assimiler l’existence de cet enfant. Caleb avait un fils, et elle tenait son bracelet de naissance entre les doigts. Très bien. Non, pas du tout en fait. Submergée par l’émotion, la blondinette accusait le coup avec difficulté (ou du moins elle essayait) parce que ce n’était pas à elle d’aller mal, de vivre mal cette information. Son cousin venait de voir tout son équilibre être secoué à la base, et elle n’avait pas droit de le regarder s’effondrer comme un château de cartes sous prétexte qu’elle était sensible à ce fait qui chamboulait leur famille à qui l’on greffait un nouveau membre huit années trop tard. Le vin avait beau ne pas être une solution miracle, il l’était toutefois pour une Romy qui usait de ses compétences (dites le vite) en œnologie pour apaiser son cousin chaque fois que ce dernier se trouvait dans une situation tout à fait dramatique. Ramenant deux verres sur la table basse, elle délestait le sien d’une gorgée avant de suggérer au brun de contacter la famille de ce petit bout. Après tout c’était lui le père, lui qui aurait dû l’avoir chez lui. Rien n’était juste dans cette histoire, et si Nathan avait encore la chance de vivre dans l’ignorance, Caleb était brisé par cette nouvelle, et ça Romy avait bien du mal à l’intégrer. Elle aurait fait n’importe quoi pour arrondir les angles, pour apaiser sa souffrance, mais malheureusement elle était impuissante. « Je sais pas. » Il semblait complètement paumé, et elle comprenait son état. A sa place elle le serait aussi. « Comment est-ce que tu veux que je parle aux parents je suis sûr que je ne pourrais avoir aucune information à leur sujet. Officiellement je suis rien pour cet enfant, moi. Juste son géniteur c’est tout. » Elle fronçait les sourcils, n’appréciant pas ce terme si réducteur et cette voix qui menaçait de se briser à chaque mot. Que pourrait-elle dire d’autre pourtant ? Il était trop tôt pour envisager une bataille judiciaire qui viserait à donner une place à Caleb, et bien qu’elle bouillonne de colère, Romy devait la contenir pour maintenir un semblant d’équilibre. Au moins ce soir. Le brun avait suffisamment les nerfs à vif… et elle aussi. Après la semaine qu’elle venait de passer la blondinette était à pas grand-chose de craquer, comme elle le confiait ensuite. « Ouais…moi aussi j’aurais aimé le savoir avant. » Elle secouait doucement la tête, s’attachant les cheveux dans une sorte de chignon mal défini comme pour s’occuper l’esprit et réordonner ses pensées. Ils devaient avoir une autre discussion, c’était certain, mais pas ce soir. A la place Romy préférait lui proposer son lit pour la nuit, l’idée de le laisser rentrer seul à Spring Hill ne la rassurant pas le moins du monde, et heureusement il accepta. « Ouais je veux bien rester. » Au moins elle ne s’inquiéterait pas cette nuit, et alors qu’elle se relevait du canapé pour se diriger vers sa chambre (et vérifier au passage qu’elle n’avait pas laissé un bazar monstre) Romy s’arrêta net en entendant une remarque. « Par contre il va falloir que tu te rinces le visage parce que sérieusement, t’as aucune crédibilité le visage vert. » Hein ? Elle fronçait les sourcils face au rire de son cousin, ne comprenant pas bien où il voulait en venir. Ce n’est qu’en remontant ses doigts contre ses joues que la petite blonde comprit qu’elle avait laissé poser un masque ayant séché depuis bien trop longtemps … « Merde. » qu’elle soufflait en se demandant comment elle avait pu faire pour le zapper. Le choc de la révélation précédente, sans doute. « Je file à la salle de bain. Je te laisse de quoi te changer. J’ai des tshirts à papa dans mon armoire qui me servent de pyjama, ça devrait t’aller. » et joignant le geste à la parole, elle entraînait Caleb dans sa chambre/dressing, trouvant non sans peine le vêtement en question pour le mettre dans les mains de son cousin. « Fais comme chez toi, j’en ai pas pour longtemps » Elle attrapait à son tour son propre pyjama son regard accrochant sur le tableau de Clara affiché fièrement entre ses sacs à mains et son meuble à chaussures. « Ma copine s’est mise à l’art. T’occupe. » qu’elle coupait en claquant la porte derrière elle, se promettant de faire de sa douche un passage éclair dans la salle de bain. Il n’était pas question qu’elle laisse Caleb ruminer trop longtemps, alors autant que faire se peut, elle irait vite.