| | | (#)Mer 21 Aoû 2019 - 23:44 | |
| Ce matin, c’est officiellement en tant que nouvelle directrice de l’association Beauregard Brisbane que je passe la porte de nos locaux. Bye Bye la simple responsable des bénévoles, coucou Madame la Directrice, avec un grand D. J’en reviens toujours pas, pourtant j’ai eu plusieurs mois pour m’y faire, le temps de cette formation qui me prenait deux jours par semaines depuis le mois de février, le temps que James me laisse petit à petit prendre plus de place au sein de la fondation. Mais, maintenant, c’est pour de vrai, ca y est, James a vraiment vidé ses affaires de son bureau pour m’y laisser m’y installer pour de bon. Wow. Et tout le monde est au courant, car jusqu’à présent, c’était seulement une sorte d’intérim, comme si c’était provisoire. Maintenant que le gala de l’association est passé et que tout le monde a été mis au parfum, ça y est, je peux m’asseoir sur ce grand fauteuil en cuir et profiter. Mon Dieu, il est si confortable ! Je prends le temps de me poser juste cinq petites minutes avant de commencer à me mettre au travail, cinq petites minutes pour juste profiter et respirer un bon coup. Parce que je sais très bien ce qui m’attends avec ce nouveau poste à temps plein, je sais bien que ça va pas être des cocktails et des paillettes tous les soirs en sortant du boulot, que j’aurai des périodes compliquées, des situations difficiles à gérer. J’en ai déjà eu un petit avant-gout pendant ces quelques mois d’alternances. La fois où deux gosses ont été paumés en forêt lors d’une balade et que le groupe entier est rentré une fois la nuit tombé, une fois les gosses retrouvés, mais allez dire aux parents pourquoi les mômes sont toujours pas rentrés à l’heure du diner quand ils devaient être chez eux pour l’heure du gouter… j’me souviens tellement avoir eu peur, tellement pas savoir comment gérer tout ça, tellement comme j’étais reconnaissante envers James de pouvoir m’accompagner dans les étapes pour garder mon calme et canaliser les parents. Maintenant je savais que j’serai seule face à tout ça, si ca devait arriver et ca arrivera encore, pas la même chose, mais des difficultés, en tout genre. Mais là, laissez-moi juste cinq minutes. Cinq minutes pas plus, parce que j’dois déjà partir. J’ai rendez-vous et c’est quand j’allume mon ordinateur – nouvel ordinateur – et que je vois mon agenda que je m’en rappelle. Heureusement que j’ai encore mes vieux reflex. Hop, je quitte ce bureau aussi vite que je ne suis arrivée et je vais prendre LA voiture de fonction. La voiture de la directrice. J’avais signé les papiers pour les responsabilités et les assurances et elle était à moi à présent. Essence payée, assurance payée, entretien payé… c’est donc ça être directeur, plus on gagne de fric, moins on a à dépenser d’argent… je prends. J’ai rendez-vous au Centre social du quartier où j’ai pu faire un stage lors de ma formation d’éducatrice spécialisée. Un centre qui propose un tas d’activité pour les habitants du quartier dans un premier temps mais qui s’étend aussi à ceux qui en ont le besoin et qui en ressentent le besoin surtout. Les activités proposées sont assez diverses : activités physique et sportives, aide aux devoirs pour les enfants, théâtre, gymnastique douce, yoga pour femmes uniquement, une chorale, des activités d’art créatifs ; de la poterie, du dessin, création de bijoux… une vraie mine d’or. Mais ce qui m’intéressait particulièrement aujourd’hui, c’était les ateliers de lutte contre l’illettrisme. L’équipe de bénévole, notamment ceux qui ont mis en place les pièces de théâtres avec la compagnie Northlight se sont rendus compte que certains de nos patients n’avaient ni accès à la lecture ni à l’écriture mais qu’ils n’avaient pas les moyens de les aider sur ce point-là. Ils étaient bien compétents en art dramatique mais en aucun cas pédagogue sur les apprentissages de base. Il s’agissait de trois personnes sur un groupe de quinze adulte et le pourcentage me semblait être énorme. C’est pourquoi j’avais décidé de me rendre au Centre aujourd’hui afin de voir ce qu’il était possible de mettre en place, sachant qu’il s’agit d’adulte atteint de cancers et qui, pour deux d’entre eux, assumer la maladie est très difficile et il est tout aussi difficile de se rendre dans un endroit public. Les ateliers étant, certes restreint, être confronté au regard des autres est compliqué et douloureux. La rencontre se passe assez bien et l’animateur qui s’occupe des ateliers me proposent une solution qui m’a l’air adéquat. Qu’ils viennent à l’association pour commencer, apprivoiser les personnes concernées, que le lien se créé et une fois que la relation de confiance est mise en place, il leur suggère de venir dans leurs locaux, au centre. Ce qui me semble être une très bonne idée pour l’ouverture et travailler sur le regard des autres justement. Et maintenant qu’on a convenu de ce qui allait se passer ensuite, c’est l’heure du tour du propriétaire. Je connais déjà bien les lieux mais Edwige, la responsable du groupe d’apprentissage tien à ce que j’aille rencontre le groupe avec lequel elle devait travailler ensuite. Elle tourne à deux groupes par jours, certains viennent plusieurs fois par semaine et elle semble très attachée à ce qu’elle fait. C’est rassurant pour la suite, au moins. Je la suis dans les couloirs qui me rappellent de bons souvenirs et je sais dans quelle salle elle me mène, lorsque j’y étais en stage, on y faisait des ateliers slam, j’avais beaucoup apprécié. Il y a que deux personnes dans la salle pour le moment, que je salue et on a droit aux présentations. C’est rapide et en même temps, j’veux pas déranger. On sort de là et quand j’m’apprête à saluer Edwige, y a un mec qui entre dans la salle, j’me décale pour le laisser passer, pour pas le gêner et mes yeux se posent sur lui et se montrent insistant. Je le connais. Je le connais mais j’suis pas capable de dire qui c’est… et je suis emportée par la vague pour aller à l’extérieur. C'est l'heure de se dire au revoir mais j'suis déjà ailleurs, j'suis déjà loin, j'essai tant bien que mal de retourner dans mes souvenirs, de fouiller dans ma mémoire... y a rien. Qui c'était ce gars... J'profite d'être pas très loin du centre commercial pour aller faire des achats pour l'association, on a besoin de matériel pour le théâtre justement et il faut des accessoires pour la pièce qui se prépare. J'en ai bien pour une heure à trouver le chapeau de fée parfait, l'étole pas trop transparente, pas trop opaque, pas trop brillante, le pantalon en velours pas trop cher non plus et tout le reste. Et quand j'ai ce bout de tissu dans les mains, j'ai un éclair. « Dimitri ! » mais oui! C'était Dimitri ce gars, j'en reviens pas de l'avoir croisé aussi longtemps depuis la dernière fois... qu'est ce qu'il faisait là? je retourne à la voiture, ma nouvelle voiture de fonction, garée juste à côté du centre social, il s'est bien passé une heure depuis que j'en suis sortie et il y a un petit groupe devant l'entrée, je jette un œil, par curiosité et il est un peu à l'écart, de nouveau... Je sais pas si c'est opportun d'aller le voir maintenant... si ca se fait ou pas, mais en réalité j'en meurs d'envie. Je m'avance et je me pose à côté de lui. « C'est dingue comme on perd des personnes de vue pendant des années et un jour comme ça, on se recroise... » et j'ai aucune idée de s'il va me remettre ou non, je tente juste, je verrai bien. |
| | | | (#)Mer 28 Aoû 2019 - 20:22 | |
| Dimitri reconnaissait volontiers qu'il n'avait pas forcément mis beaucoup de bonne volonté au départ à se rendre au Centre social quand l'idée avait fait son chemin quelques mois plus tôt et à l'initiative de sa sœur Irina de s'inscrire à des ateliers censés l'aider à faire des progrès dans les disciplines qui lui posaient problème au quotidien. Il y était d'abord entré à reculons, la gorge nouée par le trac, paralysé à la simple idée qu'à l'instant où il y poserait un pied, alors tous ces gens sauraient dans quelle situation il se trouvait et qu'il avait attendu bien trop longtemps pour que ça change. Lui qui avait passé les vingt dernières années à le cacher à la plupart des personnes qu'il rencontrait, qui s'était sûrement privé de pas mal d'opportunités simplement par crainte que ses difficultés rythment sa vie professionnelle, qui s'était toujours senti moins capable et plus bête que les autres, avait du tout à coup arborer la pancarte qu'il s'était toujours efforcé de tenir aussi loin de lui que possible. Les premières semaines n'avaient pas été évidentes, il fallait parfois que ses sœurs préviennent Billy de ses rendez-vous au centre pour que son employé en personne s'assure qu'il quitte le stand aux heures convenues, et plus d'une fois Dimitri s'était demandé si ça en valait seulement la peine, si aujourd'hui il y avait seulement quelque chose à faire pour un cas comme le sien qu'on avait trop longtemps laissé patauger dans ses problèmes sans être prêts à les voir en face. Peut être bien que s'il avait su plus tôt que ces ateliers existaient et que comme lui des dizaines de personnes étaient dans la même situation, alors il se serait fait aider plus tôt et serait aujourd'hui capable de mener la même vie que les autres, à quelques détails près. Mais un enchaînement de choses avait fait que personne en dehors de ses proches n'avait jamais vraiment été capable de le conseiller, aussi en grande partie parce qu'il avait empêché pas mal de personnes bien intentionnées d'entrer dans sa vie, et aujourd'hui c'était forcément deux fois plus dur et deux fois plus long. Pourtant, depuis plusieurs mois, il pouvait vraiment commencer à voir une différence et ce qui lui paraissait autrefois être un mur infranchissable prenait peu à peu l'allure d'une barrière qu'il finirait peut être un jour par enjamber. Non sans efforts et sans patience, mais c'était peut être bien la première fois de sa vie qu'il avait autant envie d'y arriver. Pas pour sa famille, pas pour ces occasions manquées et ce désir secret qu'un jour ses propres aspirations n'auraient plus à être mises de coté, mais pour lui. Et un peu à la manière de ces réunions où des gens se motivaient entre eux à perdre du poids ou arrêter de boire, être témoin des progrès des autres avait sur lui un effet incroyablement motivant. Terminé le Dimitri qui s'éclipsait à toute vitesse si tôt ces ateliers terminés comme si la honte demeurait dans le fait d'être là plutôt que dans le fait de ne l'avoir pas été plus tôt, il prenait aujourd'hui souvent le temps de discuter un peu avec les autres, nouant des liens ici et là, osant même parfois proposer à l'une ou l'autre de ces personnes d'aller boire un verre ou manger un morceau en dehors du centre. Jamais pour la drague, jamais avec l'idée d'unir l'utile à l'agréable jusqu'au point de non retour parce que ce serait la pire idée qu'il pourrait avoir pour sa progression, c'était toujours uniquement proposé pour désacraliser ces ateliers et leurs participants, sur ce point-là au moins il était raisonnable. La plupart du temps il restait toutefois encore un peu en retrait et se contentait de saluer tout le monde avant de traîner à l'entrée du Centre comme s'il profitait encore un peu de ces moments où il pouvait être ailleurs qu'au parc sans avoir l'impression qu'il retrouverait un champ de ruines à son retour. Guettant le bal de voitures venant récupérer les participants comme des élèves de maternelle tandis que lui s'était garé un peu plus loin, plus à l'aise depuis qu'il venait seul. Son regard s'attarda sur une berline qui tranchait dans le paysage, le temps d'une pensée qui s'évanouit aussitôt qu'il sentit une présence à ses cotés. Tournant son visage vers des traits féminins qui n'étaient pas la pire vision qu'il aurait pu avoir, loin de là, Dimitri arqua un sourcil lorsque la jeune femme s'adressa à lui d'une manière pour le moins inattendue, infiltrant la surprise puis de nombreuses interrogations à l'intérieur de son esprit. « Pardon ? » Était-ce une erreur, ou un début d'explication au sentiment très particulier qui l'avait instantanément parcouru quand son regard avait croisé le sien et crut y déceler quelque chose de familier ? Parce que plus les secondes passaient, et puis ces quelques mots trouvaient un écho logique, évident, comme si brusquement il se rappelait avoir déjà cru l'apercevoir un peu plus tôt dans la salle, et avoir après coup senti une pointe de déjà vu sans pouvoir s'expliquer pourquoi. Et s'il y avait bien quelque chose dans ce regard qui devrait lui parler, quelque chose sur ce visage qui devrait faire tilt et le faire rougir de honte de n'avoir pas su faire le lien plus tôt ? Dimitri se pinça les lèvres, continuant de la fixer en silence, tout à coup rattrapé par une sorte d'illumination qui aurait mérité de se faire connaître quelques secondes plus tôt, et qui remit pas mal de pièces du puzzle dans l'ordre jusqu'à lui faire entre-ouvrir la bouche dans un « O » surpris et d'abord silencieux. « ...Noa ? » Bon sang, oui, Noa. La Noa d'il y a un paquet d'années, dont la seule présence dans le cercle proche de sa sœur avait rythmé une partie de son adolescence. Source de ses premiers émois, des premiers coups de crayon qu'il avait esquissé quand il l'avait dessinée, elle, chaque fois qu'elle venait à la maison, à l'époque où il aurait été incapable de lui dire les choses. Jusqu'à ce soir où il avait maladroitement tenté de se déclarer, sonnant la fin d'une histoire qui n'avait jamais commencé que dans ses rêves d'ado, dans un semblant de mélodrame familial qui ne constituait pas vraiment un bon souvenir. « Noa Jacobs. Bien sûr. Bon sang, si je m'attendais à ça. » Un air rieur et un peu intimidé prit place sur le visage d'un Dimitri qui devait bien être tombé de trente étages quand il avait fait ce bond inattendu dans le passé quand tout avait pris sens. « Je sais même pas comment j'ai pu ne pas te reconnaître plus tôt... t'as pas changé. C'est dingue. » C'était d'autant plus troublant que maintenant qu'il l'avait reconnue, c'était comme si leur dernier contact avait eu lieu hier et qu'il ne s'était pas passé tant de temps que ça depuis qu'ils étaient encore des lycéens. Tout semblait si loin aujourd'hui qu'il ne saurait même plus exactement dire quels mots ils avaient échangé en dernier, mais elle était là. Sur elle, le temps avait glissé sans lui faire prendre une ride, il aimerait pouvoir en dire autant. « Je... Qu'est-ce que tu fais ici ? C'est sûrement le dernier endroit où j'aurais pensé te revoir. » L'aveu était un peu éhonté, parce que Dimitri savait que si elle n'avait pas déjà compris pour quelle raison lui était là, ça ne saurait tarder. Noa, elle, avait sûrement une explication plus glamour à sa présence au centre, et il se demandait maintenant à quoi ils devaient cette rencontre inopinée, et un tel timing.
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| | | | (#)Mer 4 Sep 2019 - 0:23 | |
| C’était quitte ou double, soit Dimitri avait cette même allure d’esprit que moi pour me reconnaitre et alors, il n’allait pas capter tout de suite, soit il n’allais pas du tout me reconnaitre et on en parlerait plus de ce moment gênant, soit ca allait fuser aussitôt pour lui une fois qu’il aura croiser mon regard. J’ignore si j’avais réellement changé depuis l’adolescence, pour moi, j’avais toujours cette même tête avec mes yeux si caractéristiques qui m’avaient valu une bonne paire de blague au lycée. J’avais pris cher à cette époque, entre les yeux globuleux, les yeux de poissons et la grenouille, tout était bon. Et faut dire que pendant un moment, je le prenais mal, jusqu’à ce que j’apprenne à faire avec et que petit à petit, je devenais cette nana plus confiante et avec une meilleure estime d’elle-même. Je crois que mes premiers petits amis m’avaient permis de me sentir mieux, en plus de l’arrivée de ma sœur chez les Jacobs. Nicolas d’ailleurs avait été mon premier petit copain et c’est sans doute lui qui m’avait fait tellement décomplexer sur tout à l’époque. Me faisant toujours milles compliment, j’avais fini par les accepter et volontiers d’ailleurs. « Pardon ? » et c’est là que je met un temps avant de réagir, que je m’apprête à tourner les talons pour fuir devant ce fail magique et monumental. Je devais bien m’y attendre. Je reste figée un instant, en rougissant légèrement. J’allais m’excuser, me dire que je l’avais pris pour quelqu’un d’autre, mais il se rattrape et je suis soulagée. « Oui, Noa ! J’ai bien cru que j’allais avoir la honte de ma vie ! » et je me détends réellement. « Noa Jacobs. Bien sûr. Bon sang, si je m'attendais à ça. » J’étais loin d’imaginer recroiser le fameux Dimitri un jour, pensant que sa famille et lui n’étaient plus dans le coin, je me demande si son père tient encore les auto tamponneuses ou si c’est derrière lui tout ça. J’ignore quel âge il peut avoir à présent, dans mes souvenirs il était déjà pas tout jeune à l’époque où je trainais dans ce coin. « Je sais même pas comment j'ai pu ne pas te reconnaître plus tôt... t'as pas changé. C'est dingue. » et je le prendrai presque pour un compliment. « A en croire ma tante Luce, je suis plus belle de jour en jour. » je souris et me tourne doucement vers lui, posant mon épaule et mon bras tout entier contre ce mur blanc, me servant de béquille. « Je t’ai pas reconnu tout de suite tout à l’heure… Je savais qu’on se connaissais mais j’ai mis bien une demie heure avant de te remettre ! Toi, t’as bien changé ! T’es bien … » je me cache pas de bien le dévisager. « T’es un homme ! » avec de la barbe, ce qu’il avait pas du tout il y a de longues années en arrière. « Je... Qu'est-ce que tu fais ici ? C'est sûrement le dernier endroit où j'aurais pensé te revoir. » Il y a bien tant d’endroit à Brisbane où on aurait pu se croiser sans pour autant penser que c’était l’endroit idéal. « La prochaine fois, j’irai trainer à la foire… elle y est toujours ? » que je questionne, je me sens bête de poser cette question, bête de ne jamais y être allée pour vérifier par moi-même. «J’avais rendez-vous avec Edwige. Je travaille à l’association Beauregard et quelques-uns de nos patients seraient intéressé pour des cours d’alphabétisation. » et je me rends compte que c’est exactement dans ce contexte qu’on s’était revu, pas juste devant un centre social. Dimitri entrait dans cette salle de cours quand on s’est croisé. Je crois que c'était pas la peine de lui demander à son tour pourquoi il était dans le coin. « C’est chouette tout ce qu’il se passe ici. J’y ai fais un stage quand j’ai fais ma formation d’éducatrice. »
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| | | | (#)Mer 11 Sep 2019 - 2:38 | |
| Dimitri n'avait pas l'habitude de croiser des personnes qu'il connaissait aux alentours du Centre, un peu comme s'il ouvrait chaque fois une porte vers un univers parallèle où ses proches et ses amis n'existaient pas et où ses problèmes restaient enfermés une fois qu'il rentrait chez lui. On n'en parlait presque jamais autour de lui, du moins, si son entourage le faisait il savait généralement rester discret sur la question. Il y a encore quelques années c'était pourtant l'un des sujets de prédilection dans lesquels on aimait bien piocher pendant les dîners de famille, mais depuis que son père était malade, depuis son agression, depuis qu'il se faisait aider et avait enfin l'occasion d'être lui-même auprès de personnes qui ne le regarderaient pas de travers en apprenant qu'il savait à peine lire et écrire, c'était comme si tout le monde avait passé un pacte, celui de le laisser gérer ça tout seul. Il n'avait plus autant besoin de l'aide de ses sœurs et même s'il savait que ça ne les avait jamais dérangé, pour Dimitri c'était important. De pouvoir dire aux personnes qu'il rencontrait à ces ateliers qu'il arrivait plus souvent à se débrouiller par lui-même. Il savait bien que ses problèmes de confiance en lui ne se régleraient pas en quelques mois, mais se sentir un peu plus léger chaque fois qu'il quittait cet endroit, ça n'avait déjà pas de prix quand on s'était senti inférieur toute une partie de sa vie. Alors oui, côtoyer des personnes qui ne faisaient pas partie de son quotidien au dehors, ça lui faisait aussi du bien parce que cette frontière entre ces moments-là et le reste, il en avait besoin pour dompter la gêne qu'il avait longtemps éprouvé à l'idée de venir ici. Ça ne l'empêchait pas d'essayer de nouer des liens, de sympathiser avec ceux dont la situation lui rappelait certainement le plus la sienne, mais avoir un endroit et un public bien spécifiques pour évoquer ses problèmes, c'est ce qu'il lui fallait. Ainsi la dernière chose à laquelle il s'attendait en sortant de là aujourd'hui, c'est à entendre son prénom de la bouche de quelqu'un qui ne semblait pas faire partie de cet ensemble. Quelqu'un qui n'était pas non plus l'une de ses sœurs, Alec, Eavan, Tommy... et qui pourtant l'envahit d'un sentiment étrange au moment où ses yeux se déposèrent sur ses traits. Ses mots avaient résonné un instant dans son esprit sans qu'il comprenne si c'était une blague ou si on l'avait pris pour quelqu'un d'autre, mais au fond cette rencontre avait déjà un goût particulier, parce que quelque chose chez elle l'avait aussitôt troublé. Ce n'est qu'au bout de quelques instants qu'il comprit, tout à coup honteux d'avoir mis une bonne minute à la reconnaître. Noa, c'était comme une brèche ouverte vers son passé, une piqûre de rappel que le temps filait et que certaines choses ne changeaient jamais. « Et moi que j'avais un physique encore plus banal que ce que je pensais. » Il sourit d'un air encore un peu surpris, incapable en réalité de dire si c'était la première pensée qui lui ait traversé l'esprit, mais des bruns barbus ça devait pas mal courir les rues à Brisbane comme ailleurs, elle n'aurait pas été la première à le prendre pour quelqu'un d'autre. Et pourtant non, c'était bien une de ces rencontres qu'on pensait destinées aux séries avec rires enregistrés, entre deux anciens camarades de lycée qui retombaient l'un sur l'autre après plus de quinze ans. C'était fou, elle n'avait pas changé, ou à peine, elle avait juste des traits moins poupons que la dernière fois qu'il l'avait vue. Mais tout le reste était là, comme s'il ne s'était passé qu'un an ou deux. Elle semblait aller bien, ça faisait plaisir à voir. « Ta tante Luce a raison, tu rayonnes. » Dimitri ajouta dans un sourire un brin intimidé par la situation, pas sûr de ce qui se disait ou non dans ces cas-là, quand comme lui on avait avait perdu de vue une fille à laquelle on avait longtemps pensé, au beau milieu d'un psychodrame familial, et qu'on finissait par recroiser comme ça, par hasard, sans penser en se levant ce matin que cette journée marquerait un come-back aussi inattendu, sûrement d'un coté comme de l'autre. « C'est parce que j'ai l'air un peu différent sans ma veste en cuir, mes joues de bébé et mes t-shirts punk. Ma mère se plaint pas vraiment du changement, cela dit. » Ça l'amusait d'y repenser parce qu'à l'époque sa dégaine était souvent source de discordes avec ses parents. Mais c'est lorsque Noa lui fit remarquer qu'il avait l'air d'un homme aujourd'hui que Dimitri émit un léger rire, plutôt content que vieillir ait au moins ça de bon. « Tu valides la barbe, alors ? » Clin d’œil et expression amusée en prime, au fond il n'avait pas changé tant que ça si on mettait de coté le fait qu'il était aussi probablement moins idiot et impulsif qu'il avait pu l'être, et encore même là le naturel revenait parfois au galop, il suffisait de regarder sa vie certains jours. « Toi, t'es très élégante. C'est pas juste, si on s'était recroisés pendant une réunion d'anciens élèves tu m'aurais au moins vu un peu plus apprêté. » Parce qu'on espérait toujours que les personnes qu'on serait amenés à recroiser après un bail nous surprendrait au meilleur de notre forme, impeccables et rasés au millimètre près, et que Dimitri ne faisait généralement pas autant d'efforts quand il allait au Centre. Dommage pour lui, le Destin ne téléphonait pas avant de se manifester. « La Foire est toujours là, oui. Mais maintenant c'est moi qui m'occupe du stand, mon père ne pouvait plus. » Longue histoire, pas vraiment celle qu'il rêvait de raconter à quelqu'un qu'il n'avait pas revu depuis des années, mais ça lui faisait plaisir qu'elle s'en appelle, qu'elle ait l'air d'avoir fait du chemin surtout. Et ça n'avait rien d'une surprise, Noa ne pouvait être là que pour le boulot, pour quoi d'autre sinon ? L'Association Beauregard, donc. « Oh, j'en ai entendu parler. Je trouve ça bien ce qu'ils font, enfin ce que je vous faites je veux dire. Je suis pas du tout surpris que tu travailles dans le social, ça te correspond assez bien je trouve. » Il reprit sincèrement, Noa ayant toujours été quelqu'un qu'il imaginait faire un jour un boulot qui a du sens, et pas rester à taper sur un clavier d'ordinateur toute la journée. Son parcours la rendait d'autant plus légitime pour comprendre et aider des jeunes en situation de détresse, et elle lui semblait à sa place dans ce monde-là. « Oui, ce centre aide aussi beaucoup de monde. Je m'y rends... que depuis quelques mois, mais ça a déjà changé beaucoup de choses pour moi. » Il marqua une pause, hésitant une seconde avant de poursuivre. « Irina avait du te parler de mes problèmes à l'époque. Il aurait surtout pas fallu que tu me trouves intéressant, j'étais son frère et t'étais sa copine, pour elle c'était chasse gardée dans un cas comme dans l'autre. » Un rictus étira ses lèvres tandis qu'il porta son regard droit devant lui, réalisant combien c'était étrange de converser tranquillement avec quelqu'un qui n'avait plus fait partie de sa vie pendant de longues années, mais plus encore qu'on puisse se perdre de vue du jour au lendemain, comme on perdrait un objet. « Qu'est-ce que tu fais exactement, dans cette association ? » Le bien, sans aucun doute. Mais d'être ici, ça le rendait aussi curieux de savoir comment ça se passait ailleurs, et admiratif que des gens dédient leur vie à aider les autres. Des gens comme Noa, comme si même après tout ce temps on venait encore lui rappeler combien ils étaient différents et pas du même coté du bureau.
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| | | | (#)Dim 15 Sep 2019 - 12:33 | |
| « Et moi que j'avais un physique encore plus banal que ce que je pensais. » Je souris, secouant légèrement la tête. « J’ai pas dis ça ! » et j’ai beau le détailler avec peut être un peu trop d’insistance, mais j’suis loin de le penser. Si tout le monde pouvait avoir un physique banal comme Dimitri, la terre se porterait bien mieux sans doute. Il avait changé ou plutôt, il avait vieilli, pris en maturité et n’avais plus ses joues rosées et un peu gonflées comme il pouvait les avoir étant adolescent. Qu’est ce que les hommes pouvaient se bonifier avec le temps, comme un bon cru, un bon vin. « Ta tante Luce a raison, tu rayonnes. » Et voilà un compliment que j’accepte et ne refuserai pas, arrivant droit au cœur. Ca faisait plaisir à entendre. « C'est parce que j'ai l'air un peu différent sans ma veste en cuir, mes joues de bébé et mes t-shirts punk. Ma mère se plaint pas vraiment du changement, cela dit. » Ca je pouvais bien le croire. Les t shirt Slayer et punk à chien, ça n’a jamais vraiment été ma cam, ceci dit, la veste en cuir, ca donne un côté rebelle qui m’a jamais déplu. « Tu peux laisser tomber les t shirt, mais la veste, ça à son charme, indémodable ! » et même s’il semblait plus sage qu’il y a des années, il portait toujours sur son visage ce côté filou et un peu bad boy qui m’avait attiré et même séduite à cette époque. « Tu valides la barbe, alors ? » je hoche la tête. « D’autant plus, qu’elle est bien taillée. Y a rien de pire qu’une barbe mal taillée… qui part dans tous les sens ! Alors, oui, je valide ! » « Toi, t'es très élégante. C'est pas juste, si on s'était recroisés pendant une réunion d'anciens élèves tu m'aurais au moins vu un peu plus apprêté. » et je baisse les yeux pour balayer rapidement ma tenue. « J’suis là pour le taf, et si j’veux être crédible, faut que je mette le paquet. » que je plaisante. Me trouvant pas pour autant plus apprêtée que d’habitude non plus, si on prend pas en compte les journées où j’me laisse aller chez moi avec un sweet que j’aurai piqué à Andy et un pantalon de pyjama en coton. « Y a plus qu’à organiser une soirée d’ancien élève, pour que j’puisse voir ça. » et en réalité, j’le trouvais pas si mal fringué, son style lui collait bien à la peau. Je m’intéresse, m’interroge, cette foire ? Je n’y avais pas mis les pieds depuis des années, je crois n’y être retournée que deux ou trois fois après notre petit tour de manège clandestin en pleine nuit. J’en garde néanmoins un très bon souvenir, on s’y était bien amusé, même si j’avais pris lâchement la fuite et que je ne m’étais jamais vraiment excusé auprès de Dimitri. Il m’en avait voulu de l’avoir laissé dans la merde comme ça. De pas avoir assumé… est-ce qu’il était temps de préparer mon méa culpa ? Vaut mieux tard que jamais, comme on dit… « La Foire est toujours là, oui. Mais maintenant c'est moi qui m'occupe du stand, mon père ne pouvait plus. » son père ne lui avait alors pas tant tenu rigueur de ses bêtises de jeune adolescent. « T’as repris l’affaire familiale ! » j’me demande si c’est ce qu’il a toujours voulu. En générale y a deux cas d’école dans les transmissions d’entreprises de père en fils. Le jeune qui rêve de prendre en main le navire, de tenir la barre et rendre hommage à son père ou celui qui ressent la pression de devoir mener la barque sans savoir où il va et sans vouloir faire affront à son père et le décevoir. « C’est une affaire qui roule ? » autant pour lui que pour la boite. J’imagine que si la foire est toujours sur pied des années après, c’est que ça en vaut la peine aussi. « Oh, j'en ai entendu parler. Je trouve ça bien ce qu'ils font, enfin ce que je vous faites je veux dire. Je suis pas du tout surpris que tu travailles dans le social, ça te correspond assez bien je trouve. » J’ai mis un moment à trouver ma voie, ayant d’abord pris une direction que je pensais être bonne pour moi, le tourisme et finalement, me rendre compte que ce domaine me motivait pas plus que ça. Il suffit pas d’avoir fait des voyages et aimer les voyages pour vendre des voyages aux autres. « Ca a jamais été une évidence pour moi. J’ai d’abord fait des études dans le tourisme avant de savoir où j’voulais réellement aller. » et c’est en faisant un feedback sur mon parcours depuis que j’suis gamine que finalement, ca m’a semblait être logique. « Oui, ce centre aide aussi beaucoup de monde. Je m'y rends... que depuis quelques mois, mais ça a déjà changé beaucoup de choses pour moi… Irina avait du te parler de mes problèmes à l'époque. Il aurait surtout pas fallu que tu me trouves intéressant, j'étais son frère et t'étais sa copine, pour elle c'était chasse gardée dans un cas comme dans l'autre. » ca m’fait rire ce qu’il dit, par rapport à sa sœur et le fait que j’aurai pas pu l’approcher si je l’avais voulu. « Qui te dit que j’te trouvais pas intéressant même en sachant tout ça ? » nan et en réalité, Irina ne m’avait jamais rien dit à propos de ces difficultés. « J’étais pas au courant. » que je lâche, comme pour retirer cette mauvaise étiquette à sa sœur. « Elle m’en a jamais parlé mais j’trouve ça courageux de ta part, de venir ici. » en étant adulte, c’était jamais simple d’avouer qu’on avait des manques et qu’il fallait un peu d’aide pour les combler. J’étais admirative en réalité de ces personnes qui s’inscrivait à des cours comme celui-ci. C’est révélateur d’une belle personnalité et de motivation. « Qu'est-ce que tu fais exactement, dans cette association ? » et c’est avec beaucoup de modestie que je lui réponds. J’avais encore du mal a accepter cette fonction à vrai dire et surtout à ne pas paraitre prétentieuse lorsque ces mots sortent de ma bouche. « Je suis directrice. Depuis ce matin à vrai dire… »
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| | | | (#)Sam 21 Sep 2019 - 19:18 | |
| Un brun aux yeux sombres, ça n'était pas ce qu'il devait y avoir de plus rare dans les rues de Brisbane, à ce niveau même les origines slaves de Dimitri ne devaient pas faire une grande différence. Mais physique banal ou pas, il y avait sans doute beaucoup plus de chances au départ pour qu'il soit simplement pris pour quelqu'un d'autre, que pour qu'une connaissance de son passé l'interpelle et lui fasse remonter le temps en une fraction de seconde. Lui qui pensait qu'il ne pouvait pas lui arriver grand chose de très excitant à l'occasion de ces ateliers était tout à coup rattrapé par son adolescence aux cotés de celle qui avait longtemps été la meilleure amie de sa sœur, et accessoirement celle pour qui il avait développé son premier crush plusieurs années avant que sa vie sentimentale ne connaisse des péripéties heureusement un peu plus réjouissantes que cette soirée où il avait bien failli se faire chasser de chez lui à grands coups de pieds au derrière parce qu'il avait voulu l'impressionner – un peu plus malheureuses, aussi, par la suite. Pour sûr que si Noa rayonnait et donnait l'impression que tout ça s'était passé hier, le mois dernier tout au plus, Dimitri avait opéré une transformation physique un peu plus conséquente. Exit le look punk et la mèche qui lui tombait à moitié sur le visage. Aujourd'hui il n'avait peut être pas encore l'allure du gendre idéal, préférait toujours les blousons confortables aux vestes cintrées et s'était fait tatouer à plusieurs endroits contre l'avis de ses parents, mais il était relativement loin de l'adolescent rebelle que Noa avait connu. « Ça tombe bien je l'ai toujours, je suis simplement pas sûr qu'elle m'aille encore. J'ai aussi croisé quelques salles de musculation depuis cette époque. » Il s'amusa, parce que ça faisait aussi partie des choses qui s'étaient développées avec le temps, comme sa passion pour la photo ou, plus probant encore, la barbe qu'il portait aujourd'hui. Ça non plus, à l'époque, ça ne faisait pas encore partie de sa panoplie du pseudo rebelle qui ne pouvait pas espérer tricher sur son âge à l'entrée d'une boite de nuit. « Tu connais mes sœurs, elles ont toujours une remarque pour tout alors si je peux m'éviter un commentaire sur ma barbe en plus de tout le reste, je vais pas m'en priver. » En plus de son train de vie pas toujours raisonnable compte tenu du nombre d'heures qu'il faisait au parc et du fait qu'il n'était pas le genre à récupérer pour autant en se couchant tôt et en bannissant les sorties de son agenda. Sans parler de sa vie sentimentale à l'agonie, de certaines de ses fréquentations et de l'argent qu'il avait pu dépenser pour retaper son van et, maintenant qu'il devait trouver une autre façon d'occuper ses dix doigts, à rénover son appartement. Soigner son apparence était aussi l'assurance d'avoir la paix au moins sur ça et ça valait bien quelques efforts quand on connaissait ses soeurs. « Je te rassure, crédible tu l'es. T'as du le remarquer ici tu détones un peu au milieu des autres, et sans vouloir offenser personne c'est un compliment. » Dimitri ajouta dans un léger sourire, forcé d'avouer qu'il était le premier à ne pas se mettre sur son 31 quand il venait aux ateliers, histoire de désacraliser un peu tout ce qu'il y avait autour, et sans doute que c'était une chose que tous les participants avaient en commun. Un jean, c'était aussi ce qu'il y avait de plus confortable quand on n'avait pas le temps de rentrer chez soi pour se changer avant de repartir au boulot. Quant à la perspective d'une soirée d'anciens élèves, tout compte fait il avait quelques réserves. « L’inconvénient de ces soirées c'est quand tu te retrouves à devoir parler de ta vie avec des types que t'as pas vu depuis des lustres et qui te foutent des complexes parce que la leur est géniale. Mais au moins, y'a le buffet. » Dimitri ironisa en étirant une légère grimace, pas forcément du genre à trouver enthousiasmante la perspective de se retrouver au milieu de tous ses anciens camarades, qui pour la plupart étaient sûrement mariés, avec des enfants, une bonne situation, bref le genre de choses qui iraient surtout lui rappeler que pour lui rien ne s'était vraiment passé comme prévu à aucun niveau. Son boulot au parc d'attractions, par exemple, lui était tombé dessus quand son père avait eu ses soucis de santé. Il avait toujours été plus ou moins acté qu'il finirait par lui filer un coup de main, par lui dédier plusieurs heures de son temps à coté de son propre job, mais pas qu'il devrait renoncer à ses propres aspirations pour prendre la relève avant que sa famille se retrouve à devoir vendre. Il n'en voulait pas à son père, surtout pas avec ce qu'il traversait depuis plusieurs années, mais ça n'empêchait pas à cette histoire d'avoir un légère arrière-goût de gâchis. Outre la façon dont son histoire avec Tamsin s'était arrêtée pour le plonger en plein désarroi, outre son incapacité à faire des projets depuis ce jour-là quand la liste des choses qu'il rêverait de réaliser s'allongeait pourtant de jour en jour, c'était son boulot qui lui donnait l'impression d'être pris au piège. « Eh oui, maintenant j'ai plus besoin de forcer les grilles du stand. J'ai les clés. » Dimitri acquiesça après un rire histoire de dédramatiser par la même occasion cette histoire qui à l'époque avait déclenché la colère de ses parents et probablement convaincue Noa que sa famille était étrange et qu'il était le pire de tous. Elle n'avait pas besoin de savoir que la situation n'était pas idéale à tous les niveaux, il n'avait jamais aimé se plaindre de toute manière. Il y avait toujours pire que soi. « Ça marche plutôt bien, oui. J'ai l'impression que les bonnes vieilles attractions ont de nouveau le vent en poupe, ça doit être parce qu'à notre époque tout finit par revenir à la mode. » Une chose est sûre, si tous les soirs n'étaient pas équivalents en terme de fréquentations et donc de recettes, la plupart du temps il arrivait à se verser un salaire en plus de celui qu'il versait à Billy sans devoir se serrer la ceinture jusqu'au mois prochain, ce qui ne lui permettrait pas de déménager pour un appartement plus grand de si tôt, mais le sien lui convenait très bien. « J'ai même pris un employé. C'est une histoire un peu sordide, disons que ça a rassuré tout le monde et qu'on n'est pas trop de deux quand il y a du monde. » Il avait fallu pas mal de persévérance de la part de ses sœurs, de sa mère mais aussi de Tamsin pour que Dimitri accepte d'embaucher quelqu'un à l'époque, car même après son agression il s'était convaincu qu'il pouvait rester seul à s'occuper du stand comme son père l'avait toujours fait avant lui. Mais aujourd'hui, il mentirait s'il disait qu'il n'était pas soulagé d'avoir Billy, aussi parce que la solitude il l'expérimentait bien assez hors de son lieu de travail. Noa, elle, semblait dans son élément dans l'association où elle travaillait, bien qu'elle semble avoir eu besoin d'un premier essai peut être peu concluant pour savoir dans quelle voie elle désirait s'engager. « Il est jamais trop tard pour découvrir la voie qui nous correspond vraiment. Comment t'as découvert que le tourisme c'était pas un truc qui te branchait tant que ça ? » Ce n'était pas Dimitri qui risquait de trouver étrange qu'elle ait préféré se réorienter si suivre cette direction ne la passionnait pas autant qu'elle le pensait, et pour l'avoir connu un paquet d'années en arrière et savoir pas mal de choses sur son parcours de vie, voir où elle en était arrivée aujourd'hui n'avait vraiment rien de surprenant. L'occasion de se remémorer à nouveau le passé, non sans une bonne dose d'auto-dérision parce qu'il n'en manquait jamais quand ça touchait à ses problèmes. « C'est fou, j'aurais pensé qu'elle aurait saisi l'occasion. » Il nota en affichant un léger rictus, forcé d'avouer qu'il avait accusé sa sœur un peu vite sur ce coup, mais retenant quand même une information. « Donc c'était pas de la pitié quand vous me laissiez parfois traîner avec vous ? » Et il lui lança un coup d’œil amusé, comme si ça réécrivait son adolescence alors que non, sans doute qu'il y avait eu un million d'autres raisons pour que Noa soit restée l'amie de sa sœur, rien de plus, jusqu'au jour où ses bêtises avaient réglé la question une bonne fois pour toutes. « Merci, je crois que c'est une première étape vers une meilleure estime de soi. » Et ça le touchait toujours quand on reconnaissait les efforts qu'il faisait pour venir ici, après des années d'un déni un peu trop long qui l'avait rongé et qu'il avait finalement décidé d'attaquer à la racine pour tenter de se sentir mieux dans sa tête. Moins cher qu'une thérapie, et jusqu'ici ça fonctionnait plutôt bien. Et s'il avait pressenti que Noa allait l'épater davantage lorsqu'il l'interrogea sur ses fonctions dans l'Association Beauregard, apprendre qu'elle en était ni plus ni moins que la nouvelle directrice le laissa pantois d'admiration. « Oh, dans ce cas des félicitations s'imposent, t'aurais du commencer par là. Je vois qu'on est toujours aussi modeste. » Il souffla avec enthousiasme, ajoutant. « Noa Jacobs, directrice de l'Association Beauregard. Ça en jette. » Carrément, quand il allait raconter ça à sa sœur elle allait sûrement trouver ça impressionnant elle aussi, et pourtant Noa lui avait toujours semblé avoir les épaules pour ce genre de postes à responsabilités. Ce n'était donc rien de moins que ce qu'elle méritait. Mais voilà que d'un coup, il eut un doute. « Attends, c'est toujours Jacobs ? Ou t'as gardé le meilleur pour la fin ? » Elle n'avait pas l'air de porter d'alliance, mais c'était une question logique à poser à quelqu'un qu'on n'avait pas vu depuis aussi longtemps, et c'était tout ce qu'il lui souhaitait, d'avoir réussi sur tous les tableaux et d'avoir une vie personnelle bien remplie en plus d'une nouvelle carrière prometteuse.
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| | | | (#)Sam 28 Sep 2019 - 23:28 | |
| « Ça tombe bien je l'ai toujours, je suis simplement pas sûr qu'elle m'aille encore. J'ai aussi croisé quelques salles de musculation depuis cette époque. » et je ne pouvais pas nier. Si sa veste ne lui allait plus, c’était peut être plus pour sa carrure musclée qu’il avait à présent que pour les quelques centimètres qu’il avait pris depuis. Enfin, dizaines de centimètres… « Tu connais mes sœurs, elles ont toujours une remarque pour tout alors si je peux m'éviter un commentaire sur ma barbe en plus de tout le reste, je vais pas m'en priver. » En parlant de ses sœurs, je crois, que ça me ferait aussi très plaisir de les recroiser. Faut dire que pour des brouilles, on arrivait facilement à se perdre de vue à cette époque. Et c’était bien moins simple de reprendre contact avec les gens. MSN existait pas encore vraiment et on avait même pas un téléphone chacun pour communiquer. D’ailleurs, personne n’avait de téléphone sauf peut être Clarisse qui venait avec sa cabine sous le bras en cours, appareil qu’elle devait laisser souvent dans son casier, pour éviter qu’elle ne décroche quand sa mère pensait qu’il était bon de l’appeler en plein cours de sport ou d’histoire géo. Et dire qu’avec sa sœur, on s’était éloignée à cause de toute cette histoire, ce soir où Dimitri et moi avions décidé de jouer les rebelles en allant sur les auto-tamponneuses, fermées au public. « Comment vont tes sœurs ? » j’interroge alors, curieuse de savoir ce qu’elles deviennent à leurs tours. « Tu vas me rendre nostalgique de toute cette période, en te revoyant. » l’insouciance, l’inconscience aussi… ce moment où on s’inquiétait pas de savoir de quoi allait être fait le lendemain. Pas comme aujourd’hui, où je flippais littéralement de pas être à la hauteur de ma nouvelle mission, de mes nouvelles fonctions. Ca commençait par être certaine que mon passage ici allait avoir de bonnes répercussion sur l’association, qu’on allait pouvoir réellement mettre en place ce partenariat qu’on avait évoqué aujourd’hui. Ce pourquoi j’étais venue ici et ce qui faisait que maintenant, je me retrouvais à discuter avec Dimitri. « Je te rassure, crédible tu l'es. T'as du le remarquer ici tu détones un peu au milieu des autres, et sans vouloir offenser personne c'est un compliment. » Je prends le compliment mais j’me rends aussi compte que j’en ai peut être trop fait. J’baisse les yeux pour regarder la manière dont j’me suis sapée pour venir ici. « c’est trop ? » quand il veut dire que ça détone… « j’ai pas envie de passer pour la connasse qui prend tout le monde de haut, tu vois ? »j’ai presque envie de me frapper la tête contre le mur. « Je prends note pour la prochaine fois. Ne pas m’habiller comme une pétasse. » je souris, j’en fais encore trop là, j’avais pas pensé à ça quand j’me suis fringuée ce matin. J’me suis juste dis : DI-RE-CTRICE ! et du coup, qu’il fallait un minimum de classe et de style. Mais il a raison, en réalité, c’est pas moi. Et même James, l’ancien directeur de l’association restait toujours très simple, un jean et un polo, c’était parfait. J’allais en faire autant, rester simple. « L’inconvénient de ces soirées c'est quand tu te retrouves à devoir parler de ta vie avec des types que t'as pas vu depuis des lustres et qui te foutent des complexes parce que la leur est géniale. Mais au moins, y'a le buffet. » J’me tourne doucement vers lui, Monsieur Dimitri Horowitz en manque de confiance en lui, il semblerait. « Le buffet c’est pas mal… » je souris et ajoute aussi tôt. « J’suis sûre que t’as un tas de choses intéressantes à raconter ! Bien plus qu’un concours de celui qui gagne le plus d’argent, celui qui a la plus belle barraque et celui qui a choppé la plus belle femme de la ville ou du pays. Parce qu’on sait, que ce genre de soirée, ca vole jamais trop haut. » et j’en sais rien, si Dimitri a une belle barraque, une belle nana ou s’il gagne tant sa vie, mais même s’il a tendance à dire que sa vie est pas si géniale que ça, j’suis bien curieuse de savoir à quoi elle ressemble, sa vie, à présent. Et visiblement, c’est lui qui a repris les rennes de la foire, le roi des auto tamponneuse. « Eh oui, maintenant j'ai plus besoin de forcer les grilles du stand. J'ai les clés. » et ca m’fait rire. « Dommage, j’t’aurai bien proposé d’y retourner pour passer à nouveau au-dessus du grillage, mais sans enclencher la musique cette fois ci. » c’était bien ça qui avait attiré l’attention d’autres forains. Qu’est ce qu’on avait pu être bête, à se penser seuls au monde et intouchables. « Ça marche plutôt bien, oui. J'ai l'impression que les bonnes vieilles attractions ont de nouveau le vent en poupe, ça doit être parce qu'à notre époque tout finit par revenir à la mode. » je hoche la tête, il a pas faux. Parce que le vintage c’est à la mode ? Parce qu’on a besoin d’un retour en arrière pour se rassurer sur le temps qui passe ? parce que le bon dicton du « c’était mieux avant » peut pas s’empêcher de revenir peu importe les époques ? Faut croire que maintenant, les vieux cons, c’est nous. « J'ai même pris un employé. C'est une histoire un peu sordide, disons que ça a rassuré tout le monde et qu'on n'est pas trop de deux quand il y a du monde. » ça à l’air de bien marché alors, et tant mieux pour lui. « tu vois, que des choses intéressantes, t’es as en réserver. » parce que j’trouve ça si atypique et si fascinant, comme métier. « t’offre du bonheur aux gens, tu l’sais ? » ou il le vend, ca dépend du point de vue. « J’crois qu’au long terme, c’est un taf comme ça qu’il me faut. Dans le divertissement… où tu vois les gens s’éclater, qui passent un bon moment. » parce que l’association avait être un lieu de travail enrichissant et plein de bonnes ondes, il était aussi source d’angoisse et ca faisait froid dans le dos, de se dire que toutes les personnes qu’on croise, qu’on accompagne ne se soigneraient pas, que certaines d’entre elles étaient en phase finale et qu’elles s’accrochaient pour vivre du mieux possibles leurs derniers mois, dernières semaines… J’me dis qu’après être passé du tourisme au social, peut être que j’aurai envie de passer du social à autre chose, d’ici quelques années. Comme si j’avais l’impression d’avoir fait le tour d’un domaine après plusieurs années, et que j’m’en lassais et que j’avais besoin de renouveau. « Il est jamais trop tard pour découvrir la voie qui nous correspond vraiment. Comment t'as découvert que le tourisme c'était pas un truc qui te branchait tant que ça ? » j’hausse les épaules et je ris toute seule avant de répondre. « c’est con. » je hoche la tête et me reprends. « j’en avais marre de voir tout l’monde partir en voyage à l’autre bout de la terre alors que moi j’avais un salaire minable, et que j’étais condamnée à rester ici. Alors quitte à rester et à avoir un salaire minable, autant le faire pour la bonne cause. » bon, maintenant que j’étais directrice, je pouvais plus déclarer avoir un salaire minable, parce que James m’avait causé un instant salaire il y a quelques jours, et même si je n’avais pas encore touché ma première paie avec cette nouvelle fonction, je savais déjà que ça allait bien changer ma vie, sur ce point-là. J’vais peut être même pouvoir me payer des voyages à nouveau ! Et lui qui pense que sa sœur l’aurait balancé sur ses problèmes. Visiblement, il y a des choses qu’elle souhaitent garder secret, pensant ne pas vouloir l’humilier sans doute. Si sa sœur pouvait balancer des vacheries sur son frère, c’était pas de cet ordre-là. « C'est fou, j'aurais pensé qu'elle aurait saisi l'occasion… Donc c'était pas de la pitié quand vous me laissiez parfois traîner avec vous ? » je lève les yeux au ciel et le regarde à nouveau. « Et si je t’avoue que j’ai été obligée de supplier ta sœur pour te laisser trainer avec nous ? » supplier, c’est un grand mot, mais on peut dire que j’avais plaider sa cause, histoire qu’il ai droit à quelques temps à nos bask. Peut être bien parce que ça me plaisait de l’avoir dans les parages, de temps en temps. « Oh, dans ce cas des félicitations s'imposent, t'aurais du commencer par là. Je vois qu'on est toujours aussi modeste… Noa Jacobs, directrice de l'Association Beauregard. Ça en jette. » « J’voulais pas te filer de complexe. » que j’plaisante, et j’espère qu’il s’en rend bien compte. « Merci, en tout cas. J’vais essayer, d’honorer le titre, comme j’peux. » avec mes doutes, mes désirs, mes convictions, mes valeurs, mes peurs… . « Attends, c'est toujours Jacobs ? Ou t'as gardé le meilleur pour la fin ? » et je me met à rire de nouveau. « Non, c’est toujours Jacobs ! » le meilleur pour la fin, nope. « j’ai jamais aspirer à me marier ! » du moins, c’est pas un rêve de petite fille. « Mais un jour qui sait ! et toi, alors ? J’te demande pas si t’as changé de nom de famille, mais… y a une nana qui porte le tien ? » pourquoi je pourrais pas questionner à mon tour ?
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| | | | (#)Lun 7 Oct 2019 - 1:08 | |
| Quiconque connaissait Dimitri savait qu'il aimait ses sœurs plus que n'importe qui et ne disait jamais de mal d'elles sans une dérision évidente, celle du frère aîné doué pour les taquineries mais qui avait toujours pris pas mal de décisions en fonction de sa famille, pour ne pas les décevoir plus qu'il avait pu le faire étant jeune ou pour les tranquilliser comme lorsqu'il avait embauché Billy après son agression ou qu'il avait essayé de faire des efforts pour remonter la pente après Tamsin. Et si quelqu'un pouvait prétendre le connaître et savoir quelle relation fusionnelle l'avait toujours uni à ses sœurs, même après toutes ces années, c'était bien Noa. « Elles vont bien, toujours inséparables et capables de se liguer contre moi à la première occasion. Irina a une vie plutôt rangée, un boulot qui l'épuise et deux enfants qu'elle adore. A moins que ce soit l'inverse. » Dimitri étira un sourire amusé pour marquer la plaisanterie, convaincu que Noa ne serait pas surprise d'apprendre que la plus âgée de ses sœurs s'était plutôt bien débrouillée dans la vie, elle qui n'avait jamais manqué ni d'ambition ni de caractère. « Et Lena est toujours un esprit libre qui profite de la vie et passe la moitié de son temps à s'inquiéter pour moi. C'est elle qui m'a convaincu de venir ici, alors c'est en quelques sortes à elle qu'on doit de se revoir aujourd'hui. » L'idée était plutôt plaisante, d'autant plus que Dimitri était conscient des progrès qu'il avait déjà fait depuis qu'il fréquentait ce centre et s'était inscrit à ces ateliers. Quelques années plus tôt il aurait sûrement été embarrassé que Noa le surprenne ici, mais plus autant maintenant. « C'est vrai qu'à l'époque tout paraissait plus simple, la plus grosse de nos préoccupations c'était de savoir si on allait avoir notre diplôme. Je sais pas trop ce que le jeune Dimitri penserait du Dimitri de maintenant. » Sûrement pas que du bien étant donné qu'il s'était à la fois assagi et s'était en même temps embourbé dans pas mal de trucs pas toujours évidents à gérer. Alors lui aussi quelque part, ça le rendait nostalgique d'une époque où il avait moins de soucis en tête et ne savait pas encore tout ce qui lui tomberait dessus à partir de sa trentaine. Noa, elle, paraissait dans son élément maintenant qu'il savait qu'elle était venue ici pour son travail, elle qui pourtant tranchait facilement au milieu des personnes qu'on croisait dans ce contexte et avait l'air d'une honnête travailleuse à qui l'avenir ne pouvait que sourire. « Non, non, pas du tout. C'est très bien je t'assure, certainement pas trop. Et que tu puisses prendre les gens de haut c'est la dernière chose qu'on penserait en te voyant. » Dimitri lui assura lorsqu'elle parut s'inquiéter de ce qu'il voulait dire quand il soulignait le fait que sa tenue dénotait avec le reste. « Je veux dire, t'es pas plus grande que la dernière fois que je t'ai vu... » Un rire franchit ses lèvres alors qu'il lui adressa un clin d’œil, toujours capable de taquiner même après ces années, surtout avec Noa. « Je te charrie. Plus sérieusement, t'as vraiment pas à t'inquiéter de l'image que tu renvoies, crois-moi. » Qui était tout sauf celle d'une fille qui se prenait au sérieux ou voulait à tout prix épater la galerie. Elle avait toujours dégagé une simplicité qui mettait facilement à l'aise les personnes qui croisaient sa route, il en savait quelque chose pour avoir quasiment passé toute sa vie à se comparer aux autres et avoir parfois senti sa confiance en lui atteindre des records d'inexistence en leur présence. Le genre de choses qui pourraient survenir au milieu d'une fête d'anciens élèves où chacun se vanterait d'avoir une vie parfaite pendant que lui contemplerait le fond de son verre en repensant aux occasions qu'il avait raté ou à ce qu'il avait sacrifié et pourquoi. La remarque de Noa lui tira cependant un sourire en coin, amusé. « T'as sûrement raison, après tout celui qui aura chopé la plus belle femme de la ville aura peut être un jour à lui payer une pension alimentaire astronomique ou à lui laisser leur belle maison parce que le divorce sera passé par là. Moi, avec mes chiens et mon appart', je vis peut être pas la grande vie mais je suis à l'abri du scandale. » Comme quoi, ça avait peut être du bon d'être encore célibataire et pas vraiment en bonne voie de faire le beau mariage que ses parents ne désespéraient pas d'attendre le concernant, avec son historique amoureux désolant et sa tendance à garder un pied dans le passé. Peut être bien qu'il ne vendrait pas autant du rêve s'il racontait à ces types qu'il avait repris le stand de son père quand celui-ci était tombé malade, mais c'était peut être bien l'une des seules choses qu'il ait vraiment réussi jusque là. Rendre ses parents fiers pour quelque chose, même si ça lui avait coûté. « Rien ne nous empêche d'y retourner, je pourrais te montrer le stand hors des heures d'ouverture pour que tu le compares avec la dernière fois où tu l'as vu. » Dimitri proposa à Noa d'un ton plus sérieux qu'en apparences, à peine plus raisonnable qu'à l'époque pour ces trucs-là. « Aujourd'hui il est à mon nom, je risque plus grand chose même en cas de flagrant délit. Et on a une autre dégaine qu'au lycée. » Ça l'amusait, d'imaginer les flics débarquer comme le soir où on les avait surpris entrain de forcer les grilles, à ceci près qu'il arriverait sans doute davantage à justifier sa présence aux environs de son stand là où à l'époque le gamin rebelle qu'il était n'avait rien à y faire à part des conneries, ce qui lui avait valu une sacrée soufflante à son retour chez lui. Dimitri n'avait en tout cas pas à se plaindre, le stand marchait plutôt bien et ça lui plaisait d'être au contact d'autant de monde chaque jour, peut être parce qu'à défaut d'avoir suivi sa propre voie ça comptait pour lui de se sentir un minimum utile, même si ce n'était que pour offrir quelques minutes de joie dans une journée. Noa semblait l'avoir compris, et ça ne le surprenait pas. « C'est ce que j'essaie de me dire, que si je peux apporter un peu d'insouciance à quelqu'un alors je suis sûrement utile à ma façon. Même si je me leurre pas, à part pour les habitués la plupart m'oublient aussitôt passés au stand suivant. » Mais peu importe, ce n'était pas de marquer les gens qui l'intéressait au fond, plutôt d'avoir un impact aussi petit soit-il sur leur journée. Et quand certains revenaient, qu'un lien inattendu se créait entre eux et lui, il avait l'impression de pouvoir leur apporter encore un peu plus, et ça comptait. « Si un jour t'as envie de tenter l'expérience, pour voir si c'est une branche qui pourrait te plaire un jour, n'hésite pas à venir prêter main forte au stand. On dit que le patron est plutôt relax, et une présence féminine ça nous changerait. » Nouveau clin d’œil, plus complice, et proposition un peu délirante dans ce contexte mais plus sérieuse qu'elle n'y paraissait, si un jour elle avait ne serait-ce qu'envie de tenter le coup pour voir. Il la laisserait l'épauler avec plaisir, on n'était jamais trop de six mains. Et Noa n'avait pas besoin d'être sûre et certaine de ce qu'elle voulait faire à long terme, tout le monde pouvait s'engager dans une voie qui finalement ne lui correspondait pas et décider d'en changer, comme elle l'avait fait avec le tourisme. « Je comprends, personne ne devrait être frustré par son boulot. On a qu'une peau, demain peut être qu'on se prendra un bus en traversant la rue, alors t'as pas une seconde à perdre dans des trucs qui te conviennent pas. » Et c'est au moment où il le dit tout haut que Dimitri réalisa qu'il était beaucoup plus doué pour donner des conseils aux autres que pour les appliquer, quand sa propre situation n'était guère plus épanouie, mais là il n'était pas question que de lui. Le stand, c'était aussi son père, sa famille, des responsabilités qui lui incombaient en tant qu’aîné. Noa, elle, avait eu la chance de pouvoir choisir une voie qui lui convenait mieux, il en était content pour elle. Et ça avait toujours quelque chose d'amusant de se rappeler le passé, et l'époque où sa sœur Irina ne semblait jamais tellement heureuse de le voir traîner dans les parages, sachant bien à l'époque qu'il n'était pas indifférent à Noa qui était sa meilleure amie avant tout. Qu'elle n'ait rien dit sur ses problèmes, au fond, ne le surprenait pas tant que ça. Mais que Noa ait déjà supplié sa sœur de le laisser passer un peu de temps avec elles à l'époque beaucoup plus, et lui tira un rire franc. « Vraiment, et t'as réussi à la faire capituler ? Tu me donneras ton secret. » A vrai dire, l'idée n'était pas déplaisante si c'était Noa qui avait fait en sorte que sa sœur le laisse parfois approcher, malgré les craintes qu'elle devait avoir qu'il ait une mauvaise influence sur ses amies ou tente de s'en rapprocher. Le feeling avait toujours été bon avec Noa, mais Dimitri ne pensait pas qu'elle appréciait sa compagnie au point de plaider sa cause auprès d'Irina. Apprenant finalement que c'est ni plus ni moins au poste de Directrice que Noa prenait ses fonctions à l'Association Beauregard, Dimitri eut du mal à cacher son admiration, surtout face à autant de modestie. « T'en fais pas pour ça, je me débrouille généralement bien pour m'en filer tout seul. Je suis sûr que tu vas faire forte impression à ce poste. » Mais des complexes sociales, ça oui il en avait pas mal, alors ce n'était pas sa réussite qui irait l'embarrasser, il était au contraire ravi que ça marche pour elle. Et si elle n'avait pas d'alliance, elle lui confirma en effet avoir gardé son nom de jeune fille. « Qui sait oui, t'as le temps de changer d'avis. Tu vas sûrement côtoyer du beau monde maintenant que t'es directrice d'une association, et devenir un très bon parti. » La remarque était peut être soufflée sur le ton de la plaisanterie et parce que l'atmosphère légère de la conversation s'y prêtait, mais ça n'en était pas moins sincère, après tout elle avait déjà plus d'un argument qui donnerait envie à un type de l'épouser un jour, et maintenant la réussite professionnelle venait s'ajouter au reste. Quant à lui. « Non, personne. C'est pas forcément un domaine qui m'a beaucoup réussi, mais mes parents désespèrent toujours pas, étrangement. » Ils auraient pu, notamment après Tamsin qui était la seule à lui avoir par le passé inspiré des envies d'engagement et de fiançailles et avait ainsi laissé un vide d'autant plus béant au fond de son cœur lorsqu'elle était partie, mais il faut croire qu'il n'était pas encore totalement une cause désespérée à leurs yeux. « Et donc, pas de petit-ami ou t'aimes simplement vivre dans le péché ? C'est pas moi qui te jugerais. » Juste au cas où il aurait besoin de le rappeler, lui le type pas marié qui ne laissait plus vraiment entrer personne dans sa vie depuis un bout de temps et n'avait aucun conseil à donner à personne. « Et n'oublies pas qu'on est toujours moins à plaindre que ces types qui finiront plumés par un divorce. On peut même peut être encore espérer épouser un ou une millionnaire à défaut de faire un mariage épanoui. » Il rit. Lui, pragmatique ? Ce n'était pourtant pas l'argent qui le motivait dans la vie, loin de là, mais puisque jusque là sa ligne directrice ne s'était pas avérée très concluante, peut être qu'il s'était toujours voilé la face.
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| | | | (#)Lun 21 Oct 2019 - 20:53 | |
| « Elles vont bien, toujours inséparables et capables de se liguer contre moi à la première occasion. Irina a une vie plutôt rangée, un boulot qui l'épuise et deux enfants qu'elle adore. A moins que ce soit l'inverse. » Je souriais d’entendre ces nouvelles d’Irina, finalement, rien d’étonnant en ce qui la concerne. Maintenant que j’étais face à Dimitri, peut être que ce sera plus simple de pouvoir la croiser à nouveau, un coup de file, un stalkage sur les réseau sociaux, j’allais pouvoir prendre de ses nouvelles directement et peut être même lui proposer qu’elle me le dise de vive voix autour d’un verre. Si elle arrivait à s’en sortir avec deux enfants. Mon dieu, ce que parfois j’me sens en décalage complet avec certaines personnes de ma génération. Et je me sens chanceuse de fréquenter en grande partie des personnes célibataires et sans enfants, je comptais Loan dedant, même si elle avait un fils, nous vivions toutes les deux comme deux étudiantes qui n’avons aucune responsabilités… « Et Lena est toujours un esprit libre qui profite de la vie et passe la moitié de son temps à s'inquiéter pour moi. C'est elle qui m'a convaincu de venir ici, alors c'est en quelques sortes à elle qu'on doit de se revoir aujourd'hui. » J’avais moins de souvenirs partagés avec Lena mais je me souviens très bien d’elle quoi qu’il en soit, elle qui m’avait jeté ce regard noir dont je me rappellerai toute ma vie, le lendemain où Dimitri s’était fait sermonné par son père, par ma faute. Elle m’avait toujours intimidée, bien qu’elle soit plus jeune, bien qu’on ai jamais vraiment pris le temps de discuter ensemble, mais elle avait cette façon de vous faire comprendre que si vous approchez sa sœur ou son frère, vous avez intérêt à montrer patte blanche, si non… j’ignorais la fin de cette phrase mais je n’avais jamais voulu la défier. Elle semblait toujours aussi présente pour eux. « Lena me faisait flipper quand on était jeune. J’ai toujours cru que si j’osais trop m’approcher, elle pourrait me sauter au cou. D’ailleurs, je pense qu’elle avait voulu le faire le lendemain de cette fameuse soirée. » je dis en plaisantant, sans être offusquée mais pas si fière pour autant. « Elle a bien fait de te pousser à venir ici. Ca peut que être bénéfique pour toi ! » même si ça impliquait beaucoup de chose d’admettre de ne savoir ni lire ni écrire, de franchir le pas de cette porte où risque d’être stigmatisé malgré tout. Il fallait avoir beaucoup de courage. « C'est vrai qu'à l'époque tout paraissait plus simple, la plus grosse de nos préoccupations c'était de savoir si on allait avoir notre diplôme. Je sais pas trop ce que le jeune Dimitri penserait du Dimitri de maintenant. » c’était pas si bête comme question. Je me redressais, pensive, je me demandais moi aussi ce qu’aurais pensé la Noa de notre adolescence de ce qu’elle est devenue. Une chose est sûre, elle n’aurait jamais pensé une seule seconde où elle pourrait être. A la direction d’une association, ou plutôt d’une des branche de l’association. « Et qu’est ce que le Dimitri d’aujourd’hui aurait à dire à son Dimitri plus jeune ? » et si j’avais la même chose à me demander, je dirai sans doute que je dirai à ma jeune Noa de ne plus douter et de foncer tête haute et peut être de lui expliquer que sa première fois ne sera pas si terrible que ça ! Ca me faisait sourire d’y repenser, moi qui avait couché assez tard finalement, alors que Nicolas aurait sans doute pu être une très bonne première expérience. Je m’efforçais d’avoir l’air plus serieuse devant Dimitri pour ne pas à avoir lui raconter ce qu’il se passait dans ma tête. En attendant, je m’inquiétais de savoir si je n’étais pas trop apprêtée pour passer par ici… « Non, non, pas du tout. C'est très bien je t'assure, certainement pas trop. Et que tu puisses prendre les gens de haut c'est la dernière chose qu'on penserait en te voyant. Je veux dire, t'es pas plus grande que la dernière fois que je t'ai vu...» et il rigole à sa vanne, ce qui m’fait sourire. « Je te charrie. Plus sérieusement, t'as vraiment pas à t'inquiéter de l'image que tu renvoies, crois-moi. » Et moi, j’suis donc tirée d’affaire,. « tu m’rassures ! » quant à lui, qui a pas l’air d’être emballée par une soirée retrouvaille, peut d’être jugé et comparé aux autres, franchement, j’suis certaine qu’il a rien à envier à personne. « T'as sûrement raison, après tout celui qui aura chopé la plus belle femme de la ville aura peut être un jour à lui payer une pension alimentaire astronomique ou à lui laisser leur belle maison parce que le divorce sera passé par là. Moi, avec mes chiens et mon appart', je vis peut être pas la grande vie mais je suis à l'abri du scandale. » et c’était comme ça qu’on pouvait voir le bon côté des choses, en effet. « et ton chien mène surement sa plus belle vie aussi ! » « Rien ne nous empêche d'y retourner, je pourrais te montrer le stand hors des heures d'ouverture pour que tu le compares avec la dernière fois où tu l'as vu. Aujourd'hui il est à mon nom, je risque plus grand chose même en cas de flagrant délit. Et on a une autre dégaine qu'au lycée. » Il fallait absolument pas m’en dire plus. Je me redresse aussitôt qu’il fait sa proposition, j’ai aucune idée de si c’est serieux ou pas, s’il dit ça uniquement en plaisantant, mais la gamine en moi fait aussitôt surface. « arrête, me dit pas ça ! » j’suis excitée comme une puce, presque autant que la première fois qu’il m’avait proposé d’y aller, clandestinement. Là, c’était moins risqué, mais c’était pas plus mal. « Quand ? » je lance le défi. « J’suis partante, ca fait des années que j’y ai pas mis les pieds et j’suis vraiment curieuse de revoir tout ça, et que cette fois, tu me montre les coulisses sans avoir peur d’être chopé par les flics ou quoi. » j’suis courageuse, mais pas téméraire. « Moins insouciante, qu’avant, tu remarqueras. » que je lance en riant à mon tour. « Si un jour t'as envie de tenter l'expérience, pour voir si c'est une branche qui pourrait te plaire un jour, n'hésite pas à venir prêter main forte au stand. On dit que le patron est plutôt relax, et une présence féminine ça nous changerait. » je hoche la tête, c’était pas le moment de tout plaquer pour une nouvelle reconversion professionnelle, mais… « dit comme ça, la proposition peut être que alléchante ! Le patron sympa, relax » pour reprendre ses termes. « même si là, le patron, c’est moi. » enfin, presque, j’avais toujours les big bosses au dessus de moi, mais logiquement, ils me prendraient pas tant la tête. « le jour où j’en peux plus, je viendrai frapper à ta porte ! » Noa la forraine, ca m’étonnerait pas tant que ça en vrai, j’m’y vois presque. « j’ai droit à un essai ? » histoire de voir si ca m’va ou pas, même pour le fun. Le Dimitri, tout comme moi, n’a toujours pas sa bague au doigt et visiblement, il est tout autant emballé que moi à l’idée de signé un contrat d’engagement à vie avec quelqu’un. « Et donc, pas de petit-ami ou t'aimes simplement vivre dans le péché ? C'est pas moi qui te jugerais. » je me redresse du mur un instant et hoche la tête. « J’suis plus ou moins casée. » selon les personnes, les avis sont divergeants. « J’suis pas bien où j’vais, j’dirai que j’suis avec quelqu’un, mais c’est pas l’avis de tout le monde. » j’ai toujours les mots de plans cul qui me viennent en tête. « c’est particulier on va dire ! » mais pour moi, c’était clair pourtant enfin… j’sais pas, faut croire que non puisque j’me pose toujours toutes ces questions ! « Et n'oublies pas qu'on est toujours moins à plaindre que ces types qui finiront plumés par un divorce. On peut même peut être encore espérer épouser un ou une millionnaire à défaut de faire un mariage épanoui. » de nouveau, ca m’fait rire, ca tombait bien comme remarque finalement. « je garde l’option millionnaire en poche alors ! » et mine de rien, il fallait peut être que je retourne au bureau pour pas trop abuser ma fonction. « j’te donne mon numéro ? ou plutôt donne moi le tien, j’te bip et j’veux sincèrement passer te voir à la fête foraine, ta proposition est pas tombée dans l’oreille d’une sourde ! et en attendant, j’vais devoir retourner à l’association ! » |
| | | | (#)Lun 4 Nov 2019 - 20:08 | |
| Même si les années avaient passé depuis la dernière fois que Noa et Irina s'étaient vues, Dimitri supposait que ça devait faire plaisir à la brune d'avoir quelques nouvelles de sa sœur, au même titre qu'il savait déjà qu'Irina apprécierait d'entendre qu'il avait recroisée Noa au Centre. Aujourd'hui les bêtises d'il y a quelques années paraissaient dérisoires et les circonstances dans lesquelles elles s'étaient quittées aussi, il était même le premier à n'y avoir plus pensé une seconde lorsqu'il avait reconnue la jeune femme et avait été rattrapé par un tas de souvenirs de l'époque où elle et sa sœur étaient inséparables, bien avant l'histoire au stand qui lui avait valu pas mal d'ennuis. Si on lui avait dit à l'époque qu'ils se recroiseraient à ce moment-là de sa vie, il ne l'aurait probablement pas cru mais force est de constater que la vie savait encore le surprendre. Et celle qui devait être surprise d'entendre lui raconter comment Irina menait de front une vie de famille et une vie professionnelle, c'était sûrement Noa qui comme lui savait que sur le papier, Irina n'était pas forcément celle qu'on imaginait en premier faire des enfants quand on connaissait un peu son tempérament. Dans le rôle, Elena avait plutôt toujours fait office d'évidence, et pourtant aucune n'avait sans doute vraiment suivi le chemin qu'on imaginait pour elle à l'époque, pas plus que lui sans doute qui s'était considérablement assagi depuis sa rébellion. Et bien que Noa ait toujours eu l'étoffe de quelqu'un qui avait toutes les clés pour réussir dans ce qu'elle choisirait de faire, elle aussi avait fait du chemin et était loin aujourd'hui de l'adolescente qu'elle était à l'époque. Sa remarque au sujet d'Elena lui tira un rire, on jurerait qu'encore aujourd'hui l'attitude qu'avait pu adopter sa plus jeune sœur à son égard donnait encore des sueurs froides à Noa. « Ça, je m'en souviens. Je l'ai rarement connue aussi hargneuse qu'avec toi à l'époque, peut être que c'était sa façon de me rendre la pareille pour la façon dont je me mêlais souvent de sa vie amoureuse. » La théorie selon laquelle elle aurait voulu échanger les rôles en comprenant qu'il n'était pas indifférent à Noa se tenait, et était même certainement plus rassurante que l'idée qu'elle l'ait tout bonnement prise en grippe dans un élan possessif, mais en réalité les occasions d'en reparler avaient été plutôt rares après que Noa se soit éloignée. Inconsciemment, Dimitri avait évité de remettre le sujet sur le tapis. « Mais à ma connaissance elle a pas maltraité de poupée vaudou à ton effigie après cette soirée au parc, c'est déjà ça. » Dimitri ajouta dans un sourire plus amusé et pour enterrer pour de bon cette histoire qui à l'époque avait fait bien assez de bruit pour une simple virée nocturne entre deux adolescents légèrement inconséquents. Il avait regretté à l'époque d'avoir déçu son père mais aujourd'hui c'était loin d'avoir encore de l'importance, les moments avec lui étaient devenus assez précieux pour qu'ils ne s'encombrent pas de superflu. « Je crois aussi. J'ai été plutôt difficile à convaincre au début, mais aujourd'hui je regrette pas de l'avoir écoutée. » Juste de ne pas l'avoir fait plus tôt. Et quelque part, revoir Noa dans cet endroit au symbolisme évident pour lui donnait encore un peu plus de sens à tout ça, et aux efforts qu'il faisait depuis plusieurs mois. S'ils s'étaient recroisés lorsque tout ça était encore un chemin difficile à emprunter, il n'aurait probablement pas été aussi à l'aise qu'il l'était aujourd'hui et cette rencontre méritait qu'il soit en pleine possession de ses moyens, en l'honneur du bon vieux temps. Ils n'étaient peut être plus les adolescents qu'ils avaient été, et ce n'était sûrement pas une mauvaise chose, mais certaines choses paraissaient remonter à hier et repenser à ces années où tout était plus simple répandait dans l'air ce soupçon de nostalgie plutôt amusant et pas désagréable. « Beaucoup de choses, probablement. » Il souffla d'un air pensif, à la question formulée par Noa et parce que la liste serait sûrement longue s'il pouvait échanger ne serait-ce que quelques mots avec une version de lui plus jeune et plus irréfléchie. « Peut être de profiter au maximum de ce qui lui arrivera de bien, avant de le regretter. » Et parce que les bonnes surprises avaient été plus rares que les mauvaises, et les moments où il avait eu le sentiment d'avoir tout ce dont il avait besoin pour être heureux infiniment plus courts que ceux où son monde lui avait paru sans saveur. « Ou peut être de se protéger davantage. » De ne pas faire preuve d'autant d'insouciance à certaines périodes de sa vie, de ne pas autant s'exposer à certaines douleurs, le plus souvent par besoin d'exister pour les autres, de compter pour quelqu'un, sans pour autant laisser sa carapace l'isoler. S'il pouvait, peut être qu'une partie de lui aurait envie de réécrire certains chapitres de ces dernières années, d'en modifier peut être la fin, ou le début, mais tout au fond de lui Dimitri savait que s'ils pouvaient avoir cette conversation aujourd'hui, c'était parce que le chemin qu'il avait emprunté l'avait conduit à ce moment. Rassurant Noa sur son choix de tenue qui ferait assurément bonne impression sans pour autant envoyer le mauvais message, Dimitri étira un sourire amusé avant de plaisanter sur cette histoire de fête d'anciens élèves. « Oh ne t'inquiète pas pour eux, ils vivent la vie de château. » Ou presque. Ses chiens n'avaient ni de raison de se plaindre ni de raison d'envier la femme d'un quelconque mania des affaires, qui sûrement ne recevait pas tout l'amour que ses bêtes se voyaient offrir, grande demeure ou pas. Son appartement avait l'avantage d'être intime, conforme à ses goûts, et ça convenait très bien tant qu'il y vivait seul avec eux. La conversation déviant naturellement sur son stand et cette épopée que Noa et lui y avaient vécu des années en arrière, c'est spontanément que Dimitri lui proposa de l'y retrouver à l'occasion pour marquer leurs retrouvailles et le fait qu'aujourd'hui il ne risquait plus grand chose à y faire venir quelqu'un, étant celui qui en détenait les clés et n'étant plus forcé de les subtiliser à son père en douce. Une douce ironie, quand on y pensait, mais l'image avait de quoi faire sourire d'autant plus que Noa paraissait enthousiaste à l'idée d'y retourner. « Quand tu veux, dès que t'auras un moment de libre. C'est pas comme si j'y passais pas le plus clair de mon temps, de toute façon. » Il glissa, dans un clin d’œil, agréablement surpris qu'après toutes ces années la perspective de faire un tour au stand l'emballe toujours autant. Et sans risquer de s'attirer des ennuis, cette fois, ce qui était loin d'être un détail anodin pour les adultes qu'ils étaient aujourd'hui. « Tu verras les coulisses et tout ce que j'avais pas vraiment eu le temps de te montrer à l'époque, y compris un ou deux trucs qu'on ne montre généralement à personne. » Prenant son air le plus énigmatique, il lui lança un regard amusé. « C'est le genre de privilège qu'on gagne quand on a un passé de redoutable criminelle avec le gérant. » Et étira un sourire en coin et prit un air amusé, étant certes moins insouciant lui aussi qu'à l'époque mais aussi impatient de faire découvrir à Noa ce qu'elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de voir la dernière fois qu'ils s'étaient embarqués dans une visite du stand. D'autant plus que sa proposition de lui faire une petite place dans l'équipe le temps pour elle de tenter une nouvelle expérience était sérieuse, et motivée par le fait qu'il l'imaginait parfaitement les épauler Billy et lui. « Bien sûr, on te fera essayer et si tu te rends compte que c'est pas du tout pour toi, au moins tu te seras amusée. » Parce que si le boulot au stand n'était pas tous les jours reposant, il offrait en revanche un cadre de travail unique en son genre et ça Dimitri le chérissait tous les jours, même s'il nourrissait aussi parfois l'envie de se réaliser seul. Ce stand, c'était aussi une partie de lui. « Je te préviens, l'idée risque de beaucoup plaire à Billy, mon employé. » Une fille pour rejoindre l'équipe, même que pour un essai, c'était probablement tout ce qu'il lui fallait pour lui donner envie d'arriver à l'heure tous les matins. « Il est assez démonstratif, mais pas méchant. » Il précisa quand même, dans un sourire amusé, avant qu'elle ne découvre d'elle-même qu'il avait une certaine capacité à en faire trop en présence d'une fille mais était au fond un garçon inoffensif et une aide précieuse. Effleurer leur situation sentimentale respective apprit à Dimitri que Noa était « plus ou moins » casée, ou en tout cas aux yeux des autres de ce qu'elle semblait dire, parce que comme beaucoup de relations la sienne paraissait loin d'être simple. L'idée fit naître un sourire empathique sur les lèvres du brun, qui s'il n'était ni un peu, ni plus ou moins, ni totalement en couple avait connu son lot de complications du temps où il vivait une relation passionnelle mais parfois explosive avec Tamsin, et le désert sentimental qu'il traversait aujourd'hui était certains jours un gage de tranquillité, et certains jours un puits infini de regrets et de solitude. « Je dirais que l'important c'est que ce soit clair pour toi, mais j'ai pas tellement de conseils à donner en matière de relations. » Quelques années plus tôt, peut être, parce qu'imparfaite ou non sa dernière vraie histoire semblait faite pour durer, ce qui avait certainement rendu la chute d'autant plus rude le matin où il s'était réveillé seul. « Y'a pas à dire, c'était définitivement moins compliqué au lycée. » Dimitri reprit dans un sourire en coin, faisant par là comprendre à Noa qu'elle n'avait pas besoin de mettre des mots précis sur ça aujourd'hui, que maintenant qu'ils s'étaient revus elle aurait sûrement d'autres occasions de lui parler de cette relation, quelle qu'elle soit. De toute façon, de son point de vue, même leur vie sentimentale visiblement en chantier ne faisait pas d'eux les plus à plaindre, et l'option du mariage avec un millionnaire n'était pas plus aberrante que n'importe quelle idée qu'il aurait pu avoir des années en arrière. A ceci près que l'argent ne l'avait jamais intéressé, et qu'il était plus romantique qu'il le laissait paraître. « Le premier qui en chope un invite l'autre à son mariage ? » Il rit pour appuyer la plaisanterie, avant de hocher plus doucement la tête et d'arracher l'une des pages du calepin qu'il gardait dans son sac pour y noter son numéro de téléphone, avant de le lui tendre. « Tiens, et pour la fête foraine n'hésite pas. Ta réponse non plus n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. » Et il serait bien trop content de lui montrer le stand et de lui proposer de leur prêter main forte à Billy et lui pour revenir sur sa proposition. « Allez, je te retiens pas plus longtemps, t'as un monde à conquérir. » Il lui adressa un clin d’œil qui mêlait plaisanterie et encouragements avant de se pencher pour lui faire la bise en guise d’au-revoir, nostalgie oblige. « A bientôt, j'attends ton message. » Maintenant qu'elle avait son numéro, Dimitri espérait qu'elle n'hésiterait pas à l'utiliser, ils avaient après tout un paquet d'années à rattraper et encore des tas de choses à se raconter.
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