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Lene & @Eva Adams

Aller chez le médecin commence à être une habitude qu’elle aurait préféré ne pas prendre. Si le bon docteur Griffin avait pris soin de la mettre au monde comme chacun des enfants Adams, elle ne l’avait pas vu depuis la dernière fois qu’elle avait à faire contrôler qu’elle grandissait bien, soit au beau milieu de l’adolescence avant qu’elle ne parte pour un autre continent. Elle était revenue depuis plus de dix ans mais n’était jamais tombée malade au point de consulter et ce bon doc avait fini par ne plus avoir aucune de ses nouvelles jusqu’à ce qu’elle ait besoin de faire confirmer ou infirmer la grossesse qui semblait s’être déclaré sans son accord. Depuis, elle le voyait au rythme d’une fois toutes les semaines afin de suivre si tout se développe bien. Des rendez-vous dont elle se serait bien passé parce que se faire ausculter en écoutant toutes les anecdotes entourant la naissance de chaque bébé Adams n’est pas la façon dont elle souhaite passer ses après-midi bien que ce soit le meilleur moyen actuellement de lutter contre ses fringales puisque ça lui colle la gerbe. Qui a envie de savoir que maman  a dû attendre d’être très dilatée parce qu’Eva ne passait pas ? Personne. Cela n’avait de toute façon rien de surprenant quand on connait le personnage et sa grosse tête. Le ventre de Lene commence doucement à s’arrondir. C’est à peine perceptible en raison des tee-shirts amples qu’elle porte mais elle commence à le voir le matin dès qu’elle rejoint la salle de bain que les choses changent. Tout cela arrive un peu trop vite à son goût. Elle arrive sur les lieux, prête pour recevoir le même discours. A force, elle commence à être rodée et si elle ne reçoit pas les mises en garde, elle sait déjà qu’elle entendra le souhait du médecin de l’accoucher lui-même, faute d’avoir pu le faire pour Elliott.  C’est en arrivant dans le couloir prête à rejoindre la salle d’attente qu’elle reconnait une voix – au téléphone – plus loin d’elle et automatiquement dès que la propriétaire est identifiée, elle se fige. Eva semble avoir terminé puisqu’elle raccroche avant de s’être rendu compte de la présence de sa sœur. Lene l’observe un instant, au naturel, avant que celle-ci ne monte immédiatement sur ses grands chevaux comme elle le fait dès qu’elles sont dans un rayon proche. Sa non-envie de voir son aînée devrait se traduire par une fuite, pourtant Lene n’a rien à cacher et a tous les droits pour être là. Le moment ne dure pas longtemps, puisque la secrétaire semble interpeller l’une d’elle. « Madame Adams ? »

Ce bon vieux médecin de famille qui nous avais caché à tous la maladie de Maman. Combien de fois je m’y étais rendu depuis qu’elle était malade sans que même une seule seconde il ne puisse évoquer ses faiblesses, son peu de chance de survie et cette maladie qui ne faisait que la ronger petit à petit… J’avais confiance en ce docteur, le docteur Griffin si réputé. Un des meilleurs de Brisbane et pourtant, j’avais hésité à revenir ici pour le consulter. Une consultation que j’avais demandé la semaine passée, afin d’évoquer avec lui mon désire de commencer un parcours de soin afin d’envisager une FIV. Roman n’avait pas souhaité m’accompagner ou plutôt, il avait prétexté avoir un rendez-vous important pour la vente d’un immeuble a haut cachet et qu’il ne pouvait pas se permettre de repousser ce rendez-vous. J’espérais qu’il s’investirai plus lorsque ce sera plus concret. Je venais d’ailleurs de l’avoir au téléphone simplement parce que j’étais assez flippée à l’idée d’en parler à mon médecin et que j’avais besoin de ses encouragements, mais bien trop occupé, je n’avais eu qu’un petit : bon courage, que je ne croyais pas être sincère. Je raccrochai alors ce téléphone et soupira. Lorsque je me retournai pour aller m’asseoir à nouveau dans la salle d’attente, Lene était là. Je me fige, s’il y avait une personne que je n’attendais pas à voir dans ce cabinet, c’était bien elle. Moi qui pensais qu’elle avait tiré un trait sur ce qui se rapprochait de près ou de loin de notre famille… la voilà encore dans les locaux du docteur familiale. Quelle surprise… « Madame Adams ? » Je regarde la secrétaire médicale qui fixe Lene, comme si elle l’attendait, mais c’était pourtant l’heure de mon rendez-vous. « C’est à moi. » que je précise en faisant un pas. « Lene Adams ? » et elle semblait être sûre de s’adresser à ma sœur et non à moi. « J’ai appelé la semaine dernière pour prendre rendez-vous aujourd’hui. Eva Adams, regardez votre agenda… » et de nouveau très certaine d’elle, ce qui m’agaçait, elle pris son agenda sur son bureau pour me le mettre sous le nez. Et c’était en effet le nom et prénom de ma sœur qui y était écrit. Sauf que je remarquai aussi le numéro à côté de son prénom. Qu’est ce que ça veut dire ? Et je me rappelai alors que lorsque j’avais pris le rendez-vous, la secrétaire m’avait précisé « c’est déjà noté… » je n’avais pas relevé mais il semblerait en effet qu’il y ai eu un quiproquo. « J’ai besoin de ce rendez-vous… » la secretaire qui semblait être nouvelle d’ailleurs ne savait donc pas à qui elle s’adressait. « Comme chaque personne ici présente. Je suis désolée mais il faudra reprendre un autre rendez-vous madame… nous avons une disponibilité demain. » Je me tournai alors vers ma sœur, la dévisageant, parce que j'étais légèrement en colère, me demandant ce qu’elle pouvait bien faire ici, alors qu’elle semblait très bien se porter. « J’t’ai toujours pensé immortel, jamais malade, jamais un rhum, jamais une cheville cassé, jamais une égratignure, qu’est ce qui peut bien t’amener ici… »

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Le regard qu’elles partagent est glaciale, comme à l’accoutumée. Cela semble tout avoir d’une rencontre banale, comme avec une parfaite inconnue. Elle sait qu’Eva est partie pour ne même pas mentionner le fait qu’elles se soient croisées, que ce qui se joue là n’a rien d’autre que le même hasard avec lequel elle rencontre les vieilles de la paroisse. Elles vont s’observer et partir dans leurs directions. Lene lui avait tout dit la dernière qu’elles s’étaient croisées et Eva n’avait pas répondu. En ce qui la concerne, elle avait coupé le dialogue, pas elle. « C’est à moi. » annonce Eva, territoriale, alors que Lene s’apprête à répondre présente pour son rendez-vous. Même avec une pauvre secrétaire médicale, il fallait visiblement qu’Eva passe la première. « Lene Adams ? » appuie la jeune femme, provoquant immédiatement une expression de grande satisfaction chez Lene qui se voit passer la première. L’ainée Adams ne semble pas être du même avis. « J’ai appelé la semaine dernière pour prendre rendez-vous aujourd’hui. Eva Adams, regardez votre agenda… » Peut-être que Lene devrait s’avancer, signaler sa présence et rejoindre la salle d’attente en laissant la pauvre femme se débrouiller avec madame jeveuxtouttoutdesuite mais une part d’elle n’y arrive pas, le drama de la situation a quelque chose d’appréciable. « J’ai besoin de ce rendez-vous… » « Comme chaque personne ici présente. Je suis désolée mais il faudra reprendre un autre rendez-vous madame… nous avons une disponibilité demain. » BIM ! Mais Lene ne dit rien et tente de toutes ses forces de cacher le rictus qui nait au creux de ses lèvres tandis que ses mains viennent naturellement maintenant se poser sur son ventre. Elle patiente. Seulement, au lieu de chier son scandale à celles qui ont merdé les rendez-vous, elle semble être toute tracée pour la fautive. Ça faisait longtemps ça. « J’t’ai toujours pensé immortel, jamais malade, jamais un rhum, jamais une cheville cassé, jamais une égratignure, qu’est ce qui peut bien t’amener ici… » Elle hausse un sourcil tout en détaillant Eva qui n’a absolument pas l’air d’avoir besoin d’une aide médicale dans l’immédiat. Pour ce que ce valent les rendez-vous avec le docteur Griffin, elle aurait pu échanger mais elle décide que non. « Tu me poses cette question ? » Elle ne rit pas, bien que le comique qu’elle trouve à la situation s’entende dans le ton de sa voix. « C’est toi la sorcière, c’est toi qui n’a rien à faire ici. » Parce que c’est bien connu que les sorcières ne tombent jamais malade. Si elle ne savait pas que son utérus était en berne, Lene serait même persuadée qu’Eva sacrifie des bébés à chaque pleine lune. Lene finit par s’avancer, ne comptant pas répondre à la question d’Eva. Ses intentions en revanche ne semble pas importer à la jeune secrétaire. « Le docteur a bien reçu vos analyses et les résultats de l’échographie. Il y’aura un peu d’attente toutefois. » assure t-elle alors que Lene pose enfin un regard sur la salle pleine de monde. « C’est pas un problème. » dit-elle en reprenant bien vite ses affaires.

Ca m’embête bien et m’agace cette affaire. J’avais une disponibilité et c’était aujourd’hui, pour ce rendez vous que j’étais persuadée d’avoir pris la semaine dernière. Enfin non, je l’avais pris et eux s’étaient trompée de personne. Nota bene : toujours insister sur qui je suis vraiment et me présenter dans mon entièreté à l’avenir. Je ne manquerai pas de leur faire remarquer leur manque de compétence pour prendre un rendez-vous, à l’avenir.
Il a fallu que Lene tombe malade ou je ne sais quoi alors que je me décide à sauter le pas pour cette PMA. « Tu me poses cette question ? » et le rire de Lene qui ne m’agace encore qu’un peu plus. « C’est toi la sorcière, c’est toi qui n’a rien à faire ici. »  je rétorquerai bien qu’elle n’avait aucune idée de la raison de ma venue et qu’elle n’était pas si bien placée pour savoir qui était à sa place dans cette salle d’attente mais l’assistante médicale interrompit cette discussion familiale. « Le docteur a bien reçu vos analyses et les résultats de l’échographie. Il y’aura un peu d’attente toutefois. » Echo-Graphie… échographie. J’ose espérer qu’il ne s’agisse pas de ce don je pense. Il doit bien y avoir milles et une raison de devoir faire une échographie. Et je me tourne vers Lene, toute naturelle, semblant ne pas me calculer à nouveau. Je l’ai vu poser ses mains sur son ventre, il y a quelques minutes, je l’ai vu se toucher le ventre machinalement, comme si elle cherchait un contact particulier. Il y a des signes qui ne trompent pas. Je deviens blanche. J’en ai les jambes qui fourmillent, qui fléchisse. Je me tiens à cette secrétaire, j’ai des sueurs froides et le cœur qui palpite. « Une chaise, s’il vous plait. » j’ai besoin de m’assoir. Et un genou qui lâche, comme si mon articulation ne me permettait plus de me tenir debout, je me retiens toujours à cette secrétaire médicale. Une autre patiente dans la salle d’attente me cède sa place, juste à côté. Je m’assoit, reprend mes esprits alors qu’on s’agite autour de moi. « Ca va aller… » que je leur dis à tous, qu’ils se calment. Le médecin arrive, je lève les yeux pour le regarder. « C’est bon, ca va aller… » mes yeux vrillent vers Lene, toujours là. « Tu es enceinte ? » j’ai besoin de l’entendre, d’en être certaine.

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Eva a l’air en pleine santé, ce qui rend son ton plaintif, comme si elle avait entendu une seconde fois l’annonce de la mort de maman, assez curieux parce qu’elle n’a aucune raison apparente de se mettre à deux de la crise nerveuse parce qu’une assistante n’a pas donné le bon rendez-vous. Bon, ça, on peut s’en étonner aussi si on met de côté le côté princesse de la jeune femme et son habitude à tout avoir tout de suite. Cela n’empêche pas Lene d’être surprise bien qu’elle ne se prive pas pour répondre avec son talent à glisser des piques à l’adresse de sa sœur. Le cessez-le-feu qui avait été consenti et qui avait réussi à durer jusqu’à ce que la mère Adams ne décède n’est plus d’actualité et en raison des dernières paroles prononcées par l’ainée à son égard, Lene n’allait pas faire dans la dentelle. Eva s’était toujours confortée de cette animosité de toute façon. Le secrétaire finit par demander son attention pour la mettre à jour sur le médecin et là où en est son rendez-vous. Seulement, il suffit encore de deux secondes où Eva n’est pas le centre de l’attention pour que celle-ci se mette subitement à dramatiser. « Une chaise, s’il vous plait. » Lene se réagit pas, elle observe plutôt consternée la scène qui se produit devant elle. A en croire qu’Eva est tellement brusquée de devoir attendre le lendemain qu’il faut qu’elle dramatise pour que tout le monde soit à ses pieds. Un coup classique de l’ainée Adams.  « Ca va aller… » dit-elle à l’adresse du médecin qui a tout de même fait tout le chemin et retardé de ce fait les rendez-vous d’encore cinq minutes. Lene soupire et pense à la salle, aux gens qui ont vraiment besoin d’un médecin. « Je vais m’occuper d’elle. » ajoute t-elle à l’adresse du médecin pour que celui-ci retourne à ses moutons. Elle est pompiers, gérer des malaises vagales, c’est son quotidien si elle peut dire. « Tu es enceinte ? » finit alors par demander Eva alors que Lene s’installe devant elle et saisit un poignet pour prendre sa tension. « Oui, j’en suis bientôt à douze semaines. » explique t-elle tout en comptant les battements de pouls afin de mesurer l’état émotionnel d’Eva. Douze semaines, ce qui signifiait que le bébé était assez accroché pour se donner une chance de naitre. Dans ses projets, Lene n’avait pas l’intention d’en parler à qui que ce soit, et surtout pas à un Adams. Elle n’épilogue pas sur la suite, sur l’identité du père, sur ses projets. « C’est ma visite de routine. » explique t-elle parce que du coup, elle se sent obligée de lui faire savoir ce qu’elle peut bien foutre là. Elle repose soigneusement son poignet avant de se redresser. « Tu as le pouls rapide, tu es stressée en ce moment ? » Bon, Eva avait toujours été stressée pour tout donc ça répondait à sa question, mais tout de même, elle avait l’air plus abattue que d’habitude. Lene s’en pince la lèvre pour éviter de lui dire à haute voix qu’elle a une sale gueule, rapport à la fatigue.

Je reçois beaucoup trop d’information pour réussir à avoir une réaction raisonnable lorsque j’entends le mot échographie et que Lene pose ses mains sur son ventre pour en rajouter une couche. J’ai chaud, mes jambes fléchissent et j’ai besoin de boire un verre d’eau et peut être bien d’un sucre en supplément. Je m’en veux de lui accorder pourtant autant d’importance avec cette réaction spontanée. Mon corps et ma tête qui n’y comprennent rien ou alors peut être qui comprennent trop vite. Lene est enceinte. D’où ? De qui ? Depuis quand ? Chaque chose en son temps. « Oui, j’en suis bientôt à douze semaines. » réponse positive, douze semaines, trois mois déjà. Elle était donc déjà enceinte quand maman est décédée. Est-ce qu’elle le savait ? Je me laisse totalement manipulée par Lene, me rappelant alors qu’en effet, elle a surement ces compétences puisque depuis peu, elle est pompier. « C’est ma visite de routine. » Qu’elle me dit, naturellement, comme si c’était une discussion normale entre deux sœurs normales, au salon de thé ou en visite chez l’une ou l’autre, pas du tout dans une salle d’attente de notre docteur. Je reprends mes esprits, les vives émotions étant passées mais c’est encore un capharnaüm dans ma tête. Je ne me l’explique pas. Depuis quand Lene avait une relation si stable pour être enceinte et envisager une vie de famille ? « Tu as le pouls rapide, tu es stressée en ce moment ? » je la regarde avec un air surpris. Surpris qu’elle s’en étonne. « Stressée… » c’était plus du stress à ce niveau-là. « J’apprends par le plus grand des hasards que tu es enceinte… » et on s’étonne que mon pouls soit si rapide alors que j’assimile doucement la nouvelle. « C’est le monde entier qui m’en veut. » que je ramène encore à moi. Pourquoi Lene ? Pourquoi elle avait moi ? Pourquoi maintenant alors que je venais juste pour entreprendre des démarches en ce sens ? Pourquoi ça avait l’air si simple pour elle alors que de mon côté, c’était le début d’un parcours du combattant. « Qui est le père ? » je suis obligée de poser la question. Pas que ça m’intéresse vraiment mais ca me questionne. A quel moment Lene avait-elle un mec ? « Comment est-ce que ça se passe ? » là, je saurai pas dire si c’est une question sincère ou si c’est par simple curiosité ? Je suis presque entrain de me surprendre aussi de m’intéresser réellement à cette grossesse.

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Elle n’en attendait pas moins de sa sœur si elle venait à en apprendre un jour cette grossesse. Il fallait fatalement que cela fasse un drame et Lene reste convaincue que plus elle en saura, plus gênant cela deviendra. Vu leur dernière conversation, Eva aurait pu jouer les indifférentes et ne pas relever la situation de Lene même après l’avoir deviné. De toute façon, pour Lene, elles ne sont plus que deux inconnues. Elle avait compris que chaque main qu’elle tendrait serait mordue et n’y tenait pas plus que ça. Seulement, l’état d’Eva – ou plutôt sa comédie – nécessite un professionnel de santé et plutôt que de prendre sur le temps précieux du médecin, elle décide de porter assistance à sa sœur elle-même. « Stressée… » répète Eva alors que Lene observe à sa tension qu’il serait peut-être temps d’arrêter le café – ou de le commencer - « J’apprends par le plus grand des hasards que tu es enceinte… » Et donc ? Si les places avaient été inversées, Lene n’aurait pas sourcillé ou pris la peine de s’intéresser à la situation. « Si ça peut te rassurer, je ne comptais pas te l’apprendre. » Une façon maladroite de lui dire que cette réaction n’était pas voulue. Lene se relève, constatant comme elle s’en doutait que ce n’était rien qu’un petit vertige. « C’est le monde entier qui m’en veut. » Et là encore, tout est rapporté à elle. Lene doit se pincer l’intérieur de la joue pour ne pas rebondir dessus et partir dans un récit soulignant l’égoïsme de son aînée. Elle retient également le sarcasme qu’elle aurait pu lui répondre pour compenser de ne pas la fustiger. Elle ne dit rien, elle ne veut plus rien lui dire. « Qui est le père ? » Elle devait se douter que ce serait la première question à entendre. Elle sait d’avance que dès qu’Eva aura la réponse, elle se fera un plaisir de juger Anwar, de souligner son ascendance, son métier, leur absence de relation sérieuse. Elle sait déjà, Eva compensera en crachant son venin et si Lene n’est que très peu émue de ce que l’on pourrait dire d’Anwar, le fait est qu’il s’agit du père de son enfant le pousse à le protéger ou du moins, à limiter les conneries qui pourraient être propagées sur lui. « Pas Matt. » dit-elle simplement, vu qu’il était à ce jour la seule relation sérieuse qu’elle avait connu et le seul dont Eva pouvait avoir eu vent. C’est là le seul point de correction qu’elle souhaite apporter car il est hors de question que quelqu’un pense qu’elle puisse porter la progéniture de cet idiot. « Comment est-ce que ça se passe ? » poursuit-elle en montrant le ventre. « On va bien. » se contente t-elle de répondre, et même si ça allait mal, elle ne le dirait pas. Elle ne veut pas qu’un seul membre de sa famille ne prenne part à cette histoire, ce qui l’amène à demander. « Tu sauras le garder pour toi ? »

Les regards de la salle d’attentes étaient tous rivés vers moi et les patients qui attendaient leur tour ne perdaient pas une miette de ce qu’il se passait sous leurs yeux. Curiosité mal placée, mais je devais avouer que j’en ferai tout autant si une scène se jouait sous mes yeux ainsi. Rien ne se passait comme c’était prévu dans cette famille : Tony était le premier à offrir à nos parents un petit fils, bien que les premiers mois aient été compliqués, nos parents avaient fini par accepter Eliott et le chérir comme un enfant gâté. Maintenant, c’était au tour de Lene. Même si notre père allait sans doute refuser d’admettre qu’il avait un lien avec cet enfant, il était quand même le deuxième bébé de la famille. C’était moi, Eva Adams, qui était destinée à offrir une descendance à notre famille. Je faillais à tous les niveaux. « Si ça peut te rassurer, je ne comptais pas te l’apprendre. » un souffle agacé s’échappa de mes narines et je détournais mon regard désapprobateur, moi qui pensais que nous nous étions tous mis d’accord pour faire des efforts, voilà qu’à nouveau Lene m’écartait de sa route. Mais après tout, je lui avais sagement conseiller d’aller rendre visite au diable après qu’elle m’ait vomi dessus tous les reproches qu’elle pouvait me faire. Conversation sur laquelle nous n’étions toujours pas revenue… nous nous étions recroisées chez le notaire pour le scandale de la lecture du testament de maman et depuis, plus rien, le néant. Ça ne changeait pas bien de d’habitude mais, je ne pouvais nier que ses mots me revenaient souvent et d’autant plus depuis ma conversation avec Julianna. Même si mon amie n’avait pas tous les éléments de l’histoire, elle avait pointé juste en disant que la communication devait être la clé de tout. Et il m’était devenu évident de constater que je faisais défaut de communication pour bien de mes soucis. Préférant tenter de gérer les choses seule, sans vouloir partager mes doutes et mes craintes… et que toutes mes relations étaient basées à un moment donné sur des non-dits et que ça n’avait jamais rien arrangé, au contraire.
J’ignorai que Lene entretenait une relation sérieuse avec un homme depuis suffisamment de temps pour envisager de fonder une famille. Je me senti alors obligée de demander qui pouvait bien être le père, je me demandais si moi-même je le connaissais.  « Pas Matt. » me voilà presque rassurée, ce pilier de bar grossier n’allait pas salir à nouveau notre famille en enfantant avec Lene. Toutefois sa réponse ne répondait pas à ma question, et me laissait encore dans un flou artistique. Lene sans vouloir me le dire franchement n’allait pas me donner un seul indice de plus sur l’identité du père, me laissant alors dans mon coin, m’écartant de sa grossesse et de sa vie, comme ça avait finalement toujours été le cas. « Tu sauras le garder pour toi ? » bug du système. Tony n’était donc pas au courant et j’allais devoir garder le silence sans rependre cette nouvelle -bonne pour les uns, mauvaise pour les autres - à tous ? « Tony n’est pas au courant ? » que j’ai quand même besoin de m’assurer. Mais j’ai l’impression d’avoir la bonne intuition. « Ce sera pas la première chose que je saurai garder pour moi. » et l’assistante médicale revient à nouveau vers nous, s’adressant à Lene. « Je suis désolée Mademoiselle Adams, le médecin vous attend à présent. »

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Elle préfère être honnête et maintenant que le sujet du bébé est tombé sur la table, si elle doit dire à haute voix qu’elle ne compte pas en apprendre l’existence aux membres de sa famille, elle le fera (enfin, sauf si c’est Simon). Elle se dit que toute façon, vu le teint basané que l’enfant risque d’avoir, elle n’aura pas trop de mal à faire en sorte que personne s’y intéresse. Cette information, elle finit par la garder pour elle, surtout en observant la réaction d’Eva qui doit vouloir sous-entendre qu’elle ne comprend pas cette décision venant de Lene. Peut-être serait-il le moment de lui rappeler leur dernière conversation ou même les regards jetés sur elle lorsqu’ils étaient chez le notaire. Ni elle, ni le bébé ne seront les bienvenus. Elle ne gâchera pas son énergie à restaurer un lien qui n’a jamais existé et ne donnera pas satisfaction à sa famille qui doit rêver de la voir essayer pour la repousser que plus vivement. Puis finalement, la question qu’ils posaient tous était tombée, à savoir l’identité du père. Si Lene aurait aimé n’en avoir rien à faire de l’opinion des autres, elle ne tenait pas à observer ce regard que lui ferait chaque interlocuteur devant la confirmation que personne ne lui aurait fait d’enfant s’il n’avait s’agit d’un accident. Non, elle n’était pas dans une relation sérieuse. Peut-être parce qu’elle était une mauvaise personne. Peut-être pas. Mais elle reste certaine que chacun jugerait et ça, elle ne le permettait pas. « Tony n’est pas au courant ? » Elle hoche la tête. Eva, a-t-elle capté les réflexions désobligeantes de Tony à son égard ? La façon dont il la regarde ? Non, et de toute façon, ce ne sont pas ses oignons. « Nous n’avons rien à nous dire lui et moi. » « Ce sera pas la première chose que je saurai garder pour moi. » ajoute Eva, piquant la curiosité d’une Lene qui ne voit pas trop ce qu’elle aurait d’autre à garder pour elle mais une infirmière intervient avant qu’elle ne la lance sur le sujet. « Je suis désolée Mademoiselle Adams, le médecin vous attend à présent. » Son regard va de l’assistante à sa sœur, puis une nouvelle fois avant qu’elle ne se lève, n’osant pas interrompre cette conversation là. C’est finalement ce qu’elle fera parce que le médecin n’attend pas et en reprenant son sac, elle glisse un « Bonne soirée Eva. » et s’en va.