L’invitation était arrivée comme une surprise. Tu n’avais pas pris de nouvelles de Lizzie depuis quelques temps et tu n’avais pas daigné répondre à ses sollicitations pour en avoir de ton côté. Cela était inhabituel car tu n’avais jamais eu ce genre de comportements avec la jeune femme auparavant. Mais cette fois, tu lui en voulais. C’était peut-être idiot parce que ce n’était pas de sa faute si Cora voulait la voir à elle et pas à toi, elle n’y pouvait rien. Et Cora avait certainement besoin d’être entourée donc tu devrais remercier Lizzie d’avoir été là mais tu en étais incapable. Parce que la vérité c’était que tu aurais aimé être là aussi pour Cora, l’épauler dans les épreuves qu’elle avait traversées. Mais c’était elle qui avait refusé de t’avoir dans son entourage à ce moment-là. Certes, aujourd’hui vous vous êtes revues, une fois pour l’instant car tu dois toujours passer au refuge avec Morgane. Tu hésites pourtant … Tu aurais déjà dû t’y rendre mais contrairement à ce que tu pensais, Cora ne s’était pas coupée de tout son entourage, elle avait gardé Lizzie près d’elle. Et de tout ce que la jeune rousse avait fait, c’était ce geste là qui te faisait le plus mal. C’est par hasard que tu t’étais rendue compte de la chose, en tombant sur un reportage sur Cora à la télévision et par des bribes d’information donnés par Lizzie par-ci par-là. Le choc et la trahison que tu avais ressentis à ce moment-là t’avaient fait prendre tes distances avec la belle brune et tu avais arrêté de répondre à ses textos et ses appels. Cela ne voulait pas dire que tu ne les lisais pas. Voilà comment tu te retrouvais quelques semaines plus tard avec une invitation de Lizzie te demandant d’être son invité à une soirée caritative. Ce n’était pas rare que tu l’accompagnes d’habitude mais ton amie avait bien dû sentir que tu étais distante ces derniers temps. Morgane étant chez son père ce soir-là, tu avais pourtant décidé de briser la glace en lui répondant que tu l’accompagnerais à cette soirée. Tu ne pouvais pas continuer à infliger à Lizzie le traitement que t’avait imposé Cora et qui t’avait paru insupportable. Il allait falloir que tu la revoies et que vous discutiez à un moment donné de cette histoire. Cette soirée ne serait certainement pas le bon moment pour le faire mais c’était un moyen de revoir Lizzie dans une atmosphère qui te permettrait de penser à autre chose. Enfin peut-être.
Le jour J était enfin arrivé et tu avais sorti une robe classe mais également sexy qui ferait son effet tu n’en doutais pas. Tu pris le temps de te préparer sur les derniers airs populaires du moment. Si tu te déhanchais légèrement entre deux coups de brosse à cheveux, personne n’était là pour le voir. Une fois prête, tu regardais l’heure et tu commandais un taxi profitant du temps d’attente pour répondre à quelques mails professionnels confirmant ou non ta participation à des photoshoots dans les prochaines semaines. Finalement, le taxi arriva et après avoir fermé à clé la maison, tu montais dedans sans hésitation. Après lui avoir donné l’adresse, tu laissais ton esprit vagabonder et se perdre dans les méandres de tes pensées alors que les maisons et les immeubles défilaient sous tes yeux. Une vingtaine de minutes plus tard, tu arrivais près du bar huppé de Spring Hill qui accueillait l’évènement avec son rooftop très agréable, même en ce début de printemps où les températures étaient encore fraîches. Tu avais dit à Lizzie que tu l’attendrais pas très loin de l’entrée ce que tu fis car elle avait les invitations. La jeune femme ne tarda pas à arriver, plus belle que jamais dans sa tenue et tu la saluais : « Salut toi ! Tu vas bien ? » Faire comme si de rien n’était et engager la conversation, c’était la bonne méthode non ? Alors que Lizzie montrait vos invitation, tu lui dis : « Merci de m’avoir invité, ça a l’air plutôt sympa. » Dis-tu sincèrement.
Ce silence radio avait assez duré. Quand Lizzie reçu les invitations, elle réfléchit juste cinq secondes avant de savoir qui amener avec elle. Jessian est non seulement une tête connue dans le milieu mais en plus, c'est presque la meilleure chose à faire pour essayer de briser ce silence qui n'en finit pas. Jamais Elizabeth n'a connu de pareilles douches froides et le pire, c'est qu'elle ignore totalement pourquoi Jessian se montre aussi distante. Ne pas répondre à ses appels, ni ses messages l'a foutu avec un bourdon pas possible. Elles ont été proches, intimes même, et maintenant, Lizzie se trouve face à un mur. Et elle n'a jamais été douée pour l'escalade. Ses amis, c'est tellement plus que de simples personnes qui vont et qui viennent. Ce sont des entités à part, chaque être étant unique en son genre. Lizzie les aime tous, chacun d'entre eux. A défaut de ne pas avoir une situation familiale folle, elle s'est créée sa propre famille. Alors que son amie la coupe sans un battement de cil aussi brutalement de la sorte, Lizzie ne comprend pas. Ce genre de choses, ça peut vite se transformer en des heures de contemplation, de questionnement. On revoit les scènes de leurs dernières retrouvailles, on analyse les paroles prononcées, on essaie d'y trouver quelque chose, n'importe quoi pour justifier un tel comportement. Parce que Jessian doit bien la punir pour une quelconque erreur que la jeune Potter aurait pu dire ou faire. On ne provoque pas une douche froide comme ça, sans raison. Ce n'est pas son genre, à Jessian. Surtout après ce qu'elles ont vécu et supporté ensemble. C'est d'une très grande frustration parce que Lizzie n'a pas l'impression de mériter ce jugement. Elle n'a jamais de mal à affirmer ses erreurs, à les accepter et à vivre plus ou moins avec. Mais là, quand il n'y a que le silence et le vent pour répondre à vos messages, c'est très compliqué de faire un point rationnel sur le pourquoi du comment. Alors franchement, c'est avec appréhension qu'Elizabeth a envoyé un message à Jessian pour être sa cavalière de la soirée. Et c'est avec surprise qu'elle reçut une réponse positive. Sans plus de cérémonie, sans plus d'explication. Juste un ok, on se rejoint devant les portes. De toute façon, la jeune Potter avait décrété que si Jess ne répondait pas positivement à sa demande, elle serait aller la voir directement. Parce que cette situation a assez duré et qu'il faut mettre les points sur les lettres quand il le faut.
Pas sûr qu'une soirée associative soit le meilleur endroit pour ce genre de conversations, ceci dit. Mais ce n'est pas grave. Qui ne tente rien n'a rien. Et Lizzie ne voulait plus avoir le néant en face d'elle, ça la fait doucement souffrir.
Voilà juste dix minutes que Lizzie faisait les cents pas sur le côté. On a eu le temps de lui demander si elle voulait un verre en attendant, qu'elle pouvait rentrer dans la salle, qu'on peut prendre son sac aussi. Non, non et non. On a voulu l'interviewer, deux questions, mais elle a sourit poliment tout en leur promettant plus tard. Là, elle est trop stressée pour prononcer quoique ce soit de cohérent. Il ne manquerait plus qu'on la fasse passer pour la jeune actrice qui n'en a jamais fini avec la drogue (ce qu'elle n'était pas). Alors quand Jessian apparu dans son champ de vision, Lizzie sentit un soulagement l'envahir. « Salut toi ! Tu vas bien ? » Cette introduction est d'une banalité affligeante. Lizzie pourrait presque la maudire d'être comme ça, souriante et agissant comme si effectivement, tout va bien. « Merci de m’avoir invité, ça a l’air plutôt sympa. » « C'est gentil à toi d'avoir accepté. Je te cache pas ma surprise quand tu l'as fait, d'ailleurs. » De quoi commencer en douceur, elle espère. Lui faire comprendre que son absence a été notifiée. « Je vais bien, sinon. » (enfin façon de parler mais si tu avais retourné mes appels, j'aurai pu approfondir) « Jolie tenue, comme toujours. » Jessian n'est pas mannequin pour rien. Irréprochable de la tête au pied, tirée à quatre épingles, sa taille mise en valeur d'une façon affolante. Lizzie lui fait signe de la suivre. « On rentre avant qu'un journaliste nous tombe dessus. » Elle n'a vraiment pas envie de ça maintenant.
Lizzie présente les billets, on la dévisage, on regarde Jess avec un léger sourire. Elle roule des yeux puis entraîne son amie dans le bar, qui est déjà blindé de personnalités tout aussi importantes qu'impressionnantes. Même si pour le coup, la jeune Potter s'en fiche pas mal. « Comme d'habitude, priorité à la coupe de champagne. » Un petit rituel qu'elles avaient instauré il y a quelques années. Une fête ne commence jamais sans s'enivrer d'un bon millésime de champagne, surtout quand c'est offert par la maison. Lizzie attrape deux flûtes et en tend une à Jessian. « Je crois pas qu'on est eu l'occasion de fêter mon retour à Brisbane. Ça tombe à pic. »
Un nouveau reproche déguisé en banalité parce que c'est ce qu'elles savaient faire toutes les deux. Sourire tout en appuyant là où ça peut faire mal. Lizzie lève sa coupe, la faire tinter sur celle de Jessian et la porte à ses lèvres.
Cette soirée n’allait pas être de tout repos, il ne fallait pas être un génie pour le deviner. L’invitation de Lizzie suite à ton silence radio voulait forcément dire qu’il y allait y avoir un moment où vous allez devoir vous expliquer. Et tu sais que tu lui dois des explications, qu’elle ne peut nullement se douter de ce qui motive ton silence radio mais tu avais besoin de faire cette coupure, tu avais besoin de te retrouver une place dans ta relation avec Cora mais aussi avec Lizzie. Depuis que vous vous connaissiez, c’était bien la première fois qu’un vent glacial avait soufflé sur votre relation. Lizzie avait été là pour toi dans les pires mois de ta vie, au cours de cette grossesse qui n’avait pas été simple à vivre et tu lui en étais encore très reconnaissante. Mais tu avais été blessée par le fait que Cora la garde dans son entourage alors que toi tu avais presque dû supplier pour avoir des nouvelles que tu avais fini par aller piocher à droite à gauche au hasard des rencontres. Ce choix du silence, tu allais désormais devoir l’assumer car à peine arrivée sur les lieux où se déroulait cette soirée, tu retrouvais Lizzie qui t’attendait à l’entrée. Tu la saluais et essayais de faire comme si de rien n’était mais tu pouvais voir sur son visage qu’elle n’avait pas réellement envie de jouer à ce jeu-là ce soir. Toutefois, dans le hall, alors que les photographes et journalistes n’étaient pas loin, ce n’était pas le moment de régler vos problèmes. « C'est gentil à toi d'avoir accepté. Je te cache pas ma surprise quand tu l'as fait, d'ailleurs. » Tu peux lire dans son regard qui ne quitte pas le tient qu’elle a bien compris le jeu auquel tu avais joué ces dernières semaines. Et connaissant Lizzie, il fallait t’attendre à quelques petites remarques déguisées de ce genre dans les minutes à venir. Car même si à l’oeil extérieur elle pouvait paraître sereine et souriante, tu n’avais aucun mal à voir qu’elle était surtout blessée de ton comportement si atypique de votre relation. « Je vais bien, sinon. Jolie tenue, comme toujours. » Un sourire se dessine sur ton visage. Tu n’étais pas assez en colère contre Lizzie pour t’habiller n’importe comment et ternir son image auprès des personnes l’ayant conviées à cette soirée. Tu n’en étais pas là. « Merci beaucoup. Je te retourne le compliment, tu es sublime. » Elle l’avait toujours été mais tu avais mis des années avant de te rendre compte à quel point. Ton éducation, les valeurs transmises par tes parents t’avaient empêchée de regarder Lizzie autrement mais loin de Brisbane, tu avais pu poser un nouveau regard sur ton ami, un regard qui vous avait mené à vous connaître intimement. Un chapitre désormais tourné pour le meilleur car votre amitié, avant que tu filtres ses appels, ne s’était jamais mieux portée. « On rentre avant qu'un journaliste nous tombe dessus. » Tu hoches la tête avant de lui dire : « Je te suis. » Tu es son invitée après tout et tu connais assez ces soirées pour savoir qu’il est toujours plus agréable d’être accompagné pour pouvoir faire une pause de temps en temps.
Des billets sont présentés et tu suis Lizzie à l’intérieur du bar qui est magnifiquement décoré pour l’occasion mais surtout déjà bondé. Qu’importe, vous vous faufilez dans la foule à la recherche d’une coupe de champagne. « Comme d'habitude, priorité à la coupe de champagne. » Lizzie finit par en trouver deux et elle t’en tendit une. « Ne dérogeons pas aux bonnes habitudes. » Tu lui fis un clin d’oeil à ces paroles alors qu’elle enchaînait déjà : « Je crois pas qu'on est eu l'occasion de fêter mon retour à Brisbane. Ça tombe à pic. » Elle avait raison, vous n’aviez pas eu l’occasion de fêter son retour. Vous n’aviez pas eu l’occasion de faire beaucoup de choses vu que tu avais filtré ses appels. Une autre pique qu’elle te lançait de manière déguisée mais que tu n’eus aucun mal à comprendre. Tu fis tinter ton verre avec le sien avant de boire une première gorgée de ce très bon champagne. « Il est vrai que nous nous sommes peu vues depuis ton retour. Comment ça se passe ? » Demandas-tu réellement curieuse en faisant cependant comme si tu n’avais pas entendu ce qu’elle te demandait réellement. « Tu as revu du monde depuis ton retour ? » Une envie de voir si Lizzie allait te parler de Cora, une manière étrange d’aborder le sujet en quelques sortes alors que vous buviez votre coupe en attrapant à la volée quelques petits fours.
« Merci beaucoup. Je te retourne le compliment, tu es sublime. » C’est ce qu’elle dit maintenant. Bizarrement, ce compliment réchauffe un peu le cœur de Lizzie. Tout comme Cora, Jessian est une personne qui connait que trop bien la place qu’elle a occupé. Au moment où Jessian a progressé, Lizzie a fait le sens inverse. Dire qu’elle n’avait pas été jalouse serait mentir. Quand on est adolescente, quand on a une fierté abattue et sur laquelle on a tiré à balles réelles, ce n’est pas étonnant que Lizzie a regardé l’ascension de Jessian en tant que mannequin d’un œil lointain, d’un œil mauvais et critique. Bien sûr, rien n’est jamais sorti. Parce qu’elle l’appréciait, Jessian. Elle l’a toujours apprécié, et elle l’apprécie encore aujourd’hui malgré la douche froide, qui ressemble plus à un véritable tsunami dernièrement, qu’elle lui fait subir. Mais Lizzie a toujours su jouer sur les deux tableaux, un peu malgré elle. Parce qu’elle a été cette starlette adulée autant qu’elle a été cette gamine timide et réservée. Un jonglage permanent avec maintenant la jeune femme libre qu’elle veut être. Une cohabitation parfois chaotique qu’elle-même a dû mal à suivre. Mais pour Jessian, fraîche et pimpante, elle avait été là. Tout le temps. Un moral sans faille parce que même si elle prenait de l’avance sur elle, même si elle était amenée à faire le tour du monde dix fois dans l’année pour son travail, même si on voyait du coup sa tête partout sur les buildings et les affiches, il n’empêche qu’elle restait son amie. Et son amie avait eu besoin d’elle plusieurs fois. La Reed n’a jamais vraiment eu besoin de demander, Lizzie va naturellement vers ses amis pour les couver, pour les protéger, pour les rassurer. Elle considère qu’ils sont les membres de sa famille qu’elle a créés, une joyeuse bande de personnalités aussi différentes qu’attachantes, avec leurs bagages qu’elle aide à ramasser dès qu’elle le peut. Alors que Jessian lui retourne le compliment avec un sourire au visage, comme si rien n’était, Lizzie a du mal. Elle a beau connaitre les règles, sourire même quand ça ne va pas, se tenir droite même si ça fait mal, garder la tête positive même quand on a juste envie de hurler, il n’empêche que ça n’est jamais évident. Rien n’est facile dans ce monde, surtout quand les apparences sont reines et que l’on attend qu’un dérapage pour faire le beurre de la presse à scandale. Lizzie en a déjà été victime il y a des années mais cette pression s’est largement aggravée avec la pression de plus en plus de média et de réseaux sociaux prêts à vous attraper par la gorge. Lizzie ne réplique rien, elle se contente de sourire, sentant déjà sa mâchoire se crisper doucement bien plus qu’elle ne le voudrait. « Je te suis. » Pour une fois. Voilà qui change. Lizzie ne compte plus le nombre de fois qu’elle a voulu qu’elle la suive ces derniers mois. Elle a essayé les messages et les appels, elle a même envoyé une lettre. Elle a essayé instagram et sûrement twitter. Mais Jessian ne l’a pas suivi, elle ne lui a pas répondu, elle a littéralement fait la morte. Encore une fois, Lizzie ne prononce pas un autre mot et elles se laissent embarquer à l’intérieur.
« Ne dérogeons pas aux bonnes habitudes. » Et on en parle à la nouvelle habitude que tu as prise d’éviter une amie qui veut seulement savoir ce qu’elle a fait de si mal pour que tu lui fasses subir ça ? « C’est bête de s’en priver quand c’est si gentiment offert. » Lizzie sourit, elle n’en perd pas une seconde, elle observe le clin d’œil de Jessian en essayant de se détendre un peu. Parce qu’elle est un peu crispée, un peu tendue, elle ignore ce que cette soirée va leur apporter. Une véritable réconciliation ou un nuage de fumée ? Est-ce que Jessian n’est ici que par charité, pour elle et pour la soirée, ou elle est vraiment là parce que le cœur lui en dit ? Elle n’en sait rien, Lizzie, elle marche sur des œufs et elle en a déjà marre alors que ça ne fait que cinq minutes que ce manège dure. « Il est vrai que nous nous sommes peu vues depuis ton retour. Comment ça se passe ? Tu as revu du monde depuis ton retour ? » Elizabeth but quelques gorgées abruptes dans sa flûte en cristal tout en serrant les doigts autour avant de hausser les épaules. « On va dire qu’il y a des hauts et des bas. » Si tu avais gardé le contact, tu l’aurais su. « J’ai revu pas mal de monde, effectivement. » Des amis qui ne m’ont pas tourné le dos sans raison. « Ma mère en premier, ce qui est plus une plaie qu’un plaisir. » Mais tu vois, même si je bouffe de l’aigreur envers ma génitrice, je reste quand même à ses côtés. « Et puis il y a eu d’autres personnes. Un retour assez brutal. La preuve, j’ai même dû me trouver un travail. Dans un théâtre, histoire de bien remuer le couteau dans la plaie. » C’est loin des strasses et des paillettes mais elle s’y plait bien. Même si elle aimerait être à la place des jeunes de la troupe. Briller, rayonner, recevoir les applaudissements. (Oui, elle crève de jalousie à chaque représentation.) Lizzie attrape des petits fours après avoir demandé s’ils ne sont pas d’origine animale et regarde Jessian par-dessus sa coupe qu’elle porte de nouveau à ses lèvres. « Et toi alors ? Comment va Morgane ? Tu arrives à jongler entre ton travail et ton rôle de maman ? »
Conversation polie, sans accroche, tout ce qu’il y a de plus respectable. A savoir si la soirée va se poursuivre de la sorte.
En général, tu ne laissais pas les éléments extérieurs venir impacter tes relations avec les autres. Pourtant, celle fois, tu avais fait une exception. Enfin en quelques sortes parce que Lizzie, Cora et toi, vous aviez toujours formé un trio assez surprenant. Sur le papier, rien ne laissait penser que votre amitié pourrait fonctionner et pourtant … Cette amitié avait souvent avancé en duo. Les moments où vous vous retrouviez toutes les trois étaient rares et inexistants ces dernières années pourtant tu avais toujours associé Lizzie à Cora et inversement. Et le problème à tes yeux n’était pas que Cora ait préféré choisir Lizzie, lui raconter plus de choses parce que peut-être que Lizzie pouvait mieux la comprendre. Non, le problème était qu’elle n’avait coupé les ponts qu’avec toi, elle n’avait pas du tout écarté la jeune femme en face de toi de sa vie et ça t’avait fait mal. Alors que tu avais veillé à être là pour la belle rousse, à ne pas l’abandonner, c’était finalement elle qui t’avait abandonnée. Et tu en voulais à Cora certes mais tu en voulais un peu à Lizzie aussi à qui tu avais confié à quel point cet éloignement t’avait fait mal et continuait à te faire mal aujourd’hui. Tu avais revu Cora mais il fallait reconstruire toute votre relation avec ces longs mois d’absence. Et c’était injuste d’en vouloir à Lizzie qui avait toujours été là pour toi mais c’était plus fort que toi. Une fois les photographes passés et les invitations tendues, vous vous trouviez à l’intérieur de ce bar pour une soirée caritative. Tu commençais à comprendre ce que racontaient les personnes célèbres quand elles confiaient que ces soirées finissaient par toutes se ressembler. Tu arpentais le milieu depuis assez longtemps pour commencer à le remarquer. Mais ce soir, tu étais là pour tendre un drapeau banc à ton amie si c’était possible. Parce que même si Lizzie était la bonté incarnée et même si elle ne disait rien pour l’instant et faisait comme si de rien n’était comme toi, tu savais que ce n’était que des apparences et qu’elle avait été blessée de ton comportement. Ses messages étaient clairs à ce sujet. Alors tu essayais de détendre l’atmosphère, de rendre éphémère cette tension qui semblait inévitable entre vous. Mais il semblerait que toutes tes tentatives soient analysées par ton amie et la rendent encore plus tendues. « C’est bête de s’en priver quand c’est si gentiment offert. » Tu hoches la tête en faisant de légers petits cercles avec la coupe de champagne que tu viens de récupérer. Bête de s’en priver c’est bien le mot surtout que tu as furieusement envie de la descendre sans tarder pour essayer de dissiper cette gêne qui n’a jamais exister auparavant dans ta relation avec Lizzie. Cela te peine que vous en soyez arrivées là et tu sais que c’est de ta faute, ce sera donc sans doute à toi de briser les faux semblants. Tu essaies donc de faire la conversation, de prendre des nouvelles de Lizzie tout en voyant jusqu’où vous pouvez jouer à ce jeu : « On va dire qu’il y a des hauts et des bas. J’ai revu pas mal de monde, effectivement. Ma mère en premier, ce qui est plus une plaie qu’un plaisir. Et puis il y a eu d’autres personnes. Un retour assez brutal. La preuve, j’ai même dû me trouver un travail. Dans un théâtre, histoire de bien remuer le couteau dans la plaie. » Tu fronces les sourcils à ses dernières paroles. Du travail dans une compagnie de théâtre ? C’était quoi cette histoire ? Pour toi, Lizzie ne pouvait avoir qu’un seul travail et c’était de jouer la comédie dans des films, des séries ou sur scène si c’était ce qu’elle voulait faire. La dernière partie de sa phrase te fit comprendre qu’elle ne devait pas être sur scène, que son travail devait consister en autre chose. « Je … Tu n’abandonnes pas l’idée de revenir sur le devant de la scène n’est-ce pas ? » Tu étais consciente d’avoir eu de la chance. Reprendre ta carrière de mannequin n’avait pas été simple mais tu avais réussi à le faire car on t’avait bien aidée. Tu t’en voulais de ne pas avoir été là pour Lizzie, son retour à Brisbane ne semblait pas être de tout repos. « Ça ne s’arrange pas avec ta mère ? » Lui demandas-tu réellement inquiète pour elle. Tu avais voulu qu’elle te parle de Cora mais apparemment, ce n’était pas quelque chose que Lizzie comptait faire. Ce qu’elle venait de te confier toutefois te permettait de voir l’étendue de ce que tu avais loupé en filtrant ses appels et ses messages. « Et toi alors ? Comment va Morgane ? Tu arrives à jongler entre ton travail et ton rôle de maman ? » Trouver le bon équilibre n’était pas toujours le plus simple mais tu commençais à trouver que tu ne t’en sortais pas mal du tout. Tes parents trouvaient toujours que tu négligeais ta fille mais tu étais pourtant là tous les soirs pour manger avec elle et passer quelques heures en sa compagnie et tu ne sortais pas autant qu’ils semblaient le penser. « Morgane va très bien ! Elle sera ravie de te revoir si tu as le temps de passer. » Dis-tu à la jeune femme. « Mes parents trouvent toujours que je n’en fais pas assez mais j’ai l’impression que Morgane et moi avons trouvé un bon équilibre. Avec Abel aussi pour l’instant même si dernièrement c’est plus compliqué. » Ajoutas-tu. Parleras-tu à Lizzie de ta nuit avec Abel et de cette grossesse dont tu avais eu peur ? Tu n’avais confié cela à personne d’autre qu’à Camil qui t’avait vu t’effondrer. Tu lui étais extrêmement reconnaissante d’avoir été là ce soir là d’ailleurs. « J’ai revu Cora il y a quelques semaines. » Décidas-tu d’ajouter en finissant ta première coupe de champagne.
« Je … Tu n’abandonnes pas l’idée de revenir sur le devant de la scène n’est-ce pas ? » La question a un million. Lizzie regarde le fond de sa coupe qu'elle fait tourner distraitement, comme si dans le fond, il y a la réponse à sa question. Non, ce n'est pas une tasse de thé, tu ne trouveras aucune solution à ce problème qui plane sur ta tête. Jessian pose l'interrogation qui fâche, celle qui fait douter et celle dont elle n'est jamais sûre de la réponse. Enfin, ce n'est pas tant l'idée de revenir sur le devant de la scène qui la bloque. Non, c'est plus l'idée de se prendre une nouvelle cascade, un échec monumental. Un putain de frein qui la bloque entièrement, sans qu'elle sache vraiment comment y remédier. Lizzie lâche un léger soupir tout en haussant les épaules. « Je ne sais pas, Jessian. Je me demande parfois si je suis faite pour ça. Quand j'étais gamine, tout me semblait beaucoup plus simple. » Elizabeth n'a pas à mentir à Jessian pour ça. Cette dernière est dans le même milieu qu'elle, elles se connaissent depuis assez longtemps pour pouvoir être honnête l'une envers l'autre. Enfin, c'est ce que Lizzie pensait avant que son amie la couvre d'une douche froide non voulue. « T'as jamais eu envie de tout plaquer parce que c'était trop dur ? D'avoir la sensation que tu n'es pas assez bien pour ce métier ? » Parce que Lizzie a ces pensées constamment. Elle s'est souvent retrouvée à avoir des breakdowns. La pression est trop forte et les mots de sa mère s'incrustent dans sa tête à chaque fois, comme un poison meurtrier.
Speaking of which. « Ça ne s’arrange pas avec ta mère ? » Deuxième question qui fâche.
La jeune femme eut un léger rire sans chaleur, plus proche d'une ricanements pour cacher le vertige que cette question provoque en elle. « Ma mère reste ma mère. Encourageante à sa façon. On ne change pas une équipe qui gagne, paraît-il. » Lizzie ne s'étend pas plus que cela parce que ce n'est pas forcément son sujet préféré. Sa génitrice est la source de tellement de choses en elle qu'elle ne saurait même plus dire si elle continue à vouloir la satisfaire ou au contraire, à la détester. Un mélange sordide des deux, certainement.
La conversation dérive sur Jessian et sa fille. Lizzie sourit légèrement en l'entendant évoquer de possible retrouvailles avec Morgane. « Et je serai heureuse de la voir aussi. Elle doit avoir tellement grandi et changé. » Elle qui a vu la petite progéniture tout bébé, à quelques semaines pour la première fois. La jeune femme se rappelle d’avoir été terrifiée pour Jessian mais en même temps, il y a un sentiment qui l’a envahit tout en entier. Une sorte de mélancolie et peut-être un peu de jalousie aussi. Parce que Jessian avait maintenant quelqu’un qui allait l’aimer sans modération. Et que même si la responsabilité d’un enfant n’est pas une tâche aisée, force de constater que maintenant, non seulement elle réussissait à être une mère convenable mais aussi à tenir sa carrière à flot. C’est presque un exploit en soi, surtout dans le monde du mannequinat. (Enfin, ça, c’est ce que pense Lizzie en tout cas.) « Je pense que les parents trouveront toujours quelque chose à redire, quoiqu’on fasse. » Pour ça, elle parle en connaissance de cause. « Compliqué comment ? Tu as de la chance que le père soit toujours dans les environs, ceci dit. » Lizzie pense à sa propre mère qui, malgré tous ses défauts, a toujours réussi à faire tenir leur petit duo à bien dans leur maison certainement trop grande pour deux. Et ses voyages dans le monde lui ont prouvé bien trop de fois à quel point les mères célibataires se retrouvent bien trop laissé à l’abandon.
« J’ai revu Cora il y a quelques semaines. » Il y a un moment d'arrêt. Lizzie porte la coupe à ses lèvres, les yeux dérivant sur la foule devant elle. « Vraiment ? Par hasard ou d'une volonté de l'une ou de l'autre ? » Pourquoi elle a la sensation de marcher sur une pente dangereuse, là?
La surprise était totale quand Lizzie t’annonça qu’elle avait trouvé un boulot et particulièrement quand elle te dit de quel boulot il s’agissait. C’était ridicule parce que si cela lui plaisait, c’était vraiment une bonne chose. Mais tu avais toujours vu ton amie comme la star qu’elle aurait dû continuer à être. Cora et toi, vous aviez continué sur la voie du succès depuis vos débuts jusqu’à aujourd’hui. Bon, pour Cora c’était légèrement différent depuis le scandale qui était venu bouleverser sa vie, elle te l’avait dit elle-même mais pour toi, malgré les coups durs, tu avais toujours réussi à te relever. Tu avais toujours pensé que Lizzie repartirait de plus belle le moment venu mais peut-être qu’elle n’en avait pas réellement envie ? « Je ne sais pas, Jessian. Je me demande parfois si je suis faite pour ça. Quand j'étais gamine, tout me semblait beaucoup plus simple. » Ce n’était pas étonnant. Quand on est enfant, tout est toujours plus simple. Tu avais su apprécier avec le temps le fait d’avoir eu une enfance normale, loin de cette industrie et tu essayais de préserver Morgane le plus possible. « T'as jamais eu envie de tout plaquer parce que c'était trop dur ? D'avoir la sensation que tu n'es pas assez bien pour ce métier ? » La réponse à ces questions était non. Toutefois ce n’était pas aussi simple que ça. Bien sûr que tu t’étais demandée à plusieurs reprises si tu allais y arriver, si tu étais faite pour ce métier mais tu n’avais jamais eu envie de baisser les bras. C’était toujours le genre de pensées qui te faisaient redoubler d’efforts pour montrer à tout le monde de quoi tu étais capable. « Il m’est arrivé de douter, il m’arrive encore de douter mais je ne me vois faire aucun autre métier. Plus qu’un boulot, c’est une passion pour moi. Alors quand je doute de mes capacités, je travaille encore plus dur pour me prouver à moi-même que cette place je la mérite. » Dis-tu en haussant les épaules. Tu avais conscience que tout le monde n’avait pas la chance d’exercer un métier qui le passionnait de cette manière. « Tout est plus facile quand on est enfant. Je pense qu’il faut que tu te lances, que tu te fasses confiance car tu es une actrice formidable. » Lui confias-tu car tu le pensais vraiment. Peu importe le froid que tu avais installé entre vous ces derniers mois, cela n’avait pas d’importance quand tu sentais que ton amie était en train de se poser ce genre de questions. Tu pris ensuite des nouvelles de sa mère et il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu’elle ne voulait pas en parler : « Ma mère reste ma mère. Encourageante à sa façon. On ne change pas une équipe qui gagne, paraît-il. » Tu te contentais donc d’hocher la tête sans rajouter quoi que ce soit. Tu n’étais pas en position de pousser ce sujet et ce n’était de toute manière pas le lieu pour le faire. La conversation se tourna naturellement vers Morgane dont tu parlais à tout va et à qui voulait l’entendre. Et vu que Lizzie t’avait demandé des nouvelles, tu n’allais pas te priver ! « Et je serai heureuse de la voir aussi. Elle doit avoir tellement grandi et changé. » Ta fille était encore dans l’âge où chaque mois qui s’écoulait la voyait changer sous tes yeux. Cela te faisait toujours un petit pincement au coeur quand tu y pensais parce qu’elle grandissait bien trop vite pour ton coeur de maman. Sortant ton téléphone, tu trouvais une photo de Morgane que tu avais prise quelques jours plus tôt. « La voilà ! » Dis-tu à ton amie, fière de montrer ta fille alors que la première rebondissait sur les nouvelles que tu lui avais données. « Je pense que les parents trouveront toujours quelque chose à redire, quoiqu’on fasse. » C’était inévitable en effet et avec tes parents encore plus qu’avec d’autres certainement vu qu’ils avaient encore du mal à accepter la plupart de tes choix de vie. « Compliqué comment ? Tu as de la chance que le père soit toujours dans les environs, ceci dit. » Tu étais bien conscience d’avoir de la chance qu’Abel veuille jouer un rôle dans la vie de sa fille. Il ne t’étais pas venu à l’idée de l’en priver contrairement à ce que beaucoup t’avaient conseillé. Tu pris une gorgée de ta coupe de champagne avant de soupirer légèrement. « Depuis qu’Abel est à Brisbane, on a jamais réellement réussi à trouver un bon équilibre. Mais il y a quelques mois on a couché ensemble et ça a redistribué les cartes je suppose. Désormais on essaie de trouver un nouvel équilibre, un meilleur équilibre qu’avant. » Dis-tu en laissant ton regard se perdre au loin dans la foule. Cette situation te laissait pensive et légèrement inquiète des fois. Tu avais terriblement peur de ne pas arriver à trouver cet équilibre et si vous n’y arriviez pas, comment alliez-vous vous en sortir ? Tu chasses ces pensées de ton esprit pour amener sur la table le sujet qui te brûlait les lèvres. « Vraiment ? Par hasard ou d'une volonté de l'une ou de l'autre ? » Un peu des deux et en même temps aucun des deux. Ces retrouvailles n’avaient pas été réellement planifiées car tu avais fini par perdre espoir de renouer avec Cora un jour. « Une amie commune fêtait son anniversaire et Cora a décidé de s’y rendre alors on s’y est croisé. Je t’avoue que je n’y croyais plus. » Laissas-tu échapper avant de demander : « Et toi ? Tu l’as vue dernièrement ? » Tu savais très bien que oui mais tu voulais voir ce que Lizzie allait te répondre.
Avoir grandi des années sous les projecteurs et se voir humiliée en plein cœur de l’adolescence, les choses peuvent être remises en perspective. Longtemps Lizzie s’est demandée si elle avait mérité tout ça, d’avoir été celle qu’on a choisi pour ce rôle, d’avoir été celle qui s’est faite prendre la main dans le sac. Elle a perdu confiance aux personnes proches de son milieu, jugeant que l’un d’entre eux avait peut-être été complice pour ce moment d’égarement. De l’hypocrisie, des sourires en plastique, ce n’est pas surprenant dans ce genre de milieu. Mais quand on sort tout juste de l’enfance, on ne voit pas ces choses-là. On a confiance en tout le monde et on envoie sa mère maniaque du contrôle sur les roses. Enfin, pas qu’Elizabeth a réussi à se débarrasser de sa mère pendant ces années-là. Au contraire, elle finissait toujours par l’écouter car maman savait toujours tout, y compris comment réussir à être heureuse et en confiance. C’est complètement stupide maintenant que Lizzie y repense mais dans un autre côté, sa mère avait été là pour la protéger. A sa façon. « Il m’est arrivé de douter, il m’arrive encore de douter mais je ne me vois faire aucun autre métier. Plus qu’un boulot, c’est une passion pour moi. Alors quand je doute de mes capacités, je travaille encore plus dur pour me prouver à moi-même que cette place je la mérite. » Voilà qui ne l’étonne pas. Jessian est mannequin et elle a été enceinte. Rien que ça, les portes auraient pu se fermer et se voiler pour la jeune femme. Mais la preuve que sa force de caractère et de volonté est telle qu’elle ne s’est pas laissée abattre. Pas qu’un boulot, mais une passion. Elizabeth se pose la question ; et elle, alors ? Est-ce qu’elle a le même point de vue ? Après tout, elle n’a jamais connu que ça, comme travail réel. Elle porte la coupe à ses lèvres tout en réfléchissant à la formulation de ses mots qui forment des incohérences dans sa tête alors que Jessian continue sur sa lancée. « Tout est plus facile quand on est enfant. Je pense qu’il faut que tu te lances, que tu te fasses confiance car tu es une actrice formidable. » Potter lâche un léger souffle tout en reposant son regard ambré sur son amie. Elle vient (une nouvelle fois) de toucher là où le mal blesse. « Ta détermination est tout à ton honneur. Je suis ravie de constater que j’ai toujours ton soutien. J’aurai pu en douter quelques instants ces derniers mois. » Lizzie n’est pas quelqu’un de particulièrement hargneux ou qui va chercher à aller là où il peut y avoir conflit. Mais la petite pique à peine voilée a été presque volontaire alors qu’elle reporte sa coupe à ses lèvres.
Elizabeth regarde cependant avoir un sourire non retenu la photo que lui montre Jessian de la petite Morgane. Toute mignonne, toute adorable. Toute grande aussi. Le temps qui passe à une vitesse folle et elle a un instant de nostalgie en repensant à tout ce fameux temps qu’elle a perdu. « C’est fou comme ça change à cet âge. Demain, elle va être ado et on aura rien vu venir. » dit-elle en souriant un peu plus à son amie. Elle a été là à l’aube de la naissance de sa progéniture alors voir les années qui passent sur le visage de la fillette est toujours quelque chose d’affolant. Et un rappel qu’elle approche tranquillement une nouvelle étape de sa vie. « Depuis qu’Abel est à Brisbane, on a jamais réellement réussi à trouver un bon équilibre. Mais il y a quelques mois on a couché ensemble et ça a redistribué les cartes je suppose. Désormais on essaie de trouver un nouvel équilibre, un meilleur équilibre qu’avant. » A ces propos, Lizzie ne peut s’empêcher de faire les yeux ronds. « Attends, tu as recouché avec ton ex ? Et ça vous a permis de remettre les choses à plat ? Qu’est-ce que… J’ignorais que c’est une façon de faire pour régler les problèmes de garde d’enfant ou je ne sais quoi. » affirme-t-elle en finissant par rire légèrement tellement que ça lui parait improbable. « Une réaction d’adulte en somme. » ne peut-elle s’empêcher de rajouter avant de finir sa coupe (il n’y en a vraiment pas beaucoup là-dedans).
« Une amie commune fêtait son anniversaire et Cora a décidé de s’y rendre alors on s’y est croisé. Je t’avoue que je n’y croyais plus. » Elizabeth non plus. Cora lui avait déjà évoqué l’idée de vouloir mettre tout le monde qu’elle a connu entre parenthèses pendant une durée indéterminée. Lizzie n’a pas posé plus de questions que ça, jugeant que la rouquine viendra lui parler plus en détails quand elle le voudra. Jessian attend peut-être des réponses mais la jeune femme ne pourra sûrement pas y répondre. Pas qu’elle l’aurait fait de toute façon. Après tout, ce n’est pas vraiment ses affaires. Même si ça pourrait expliquer beaucoup. « Et toi ? Tu l’as vue dernièrement ? » La jeune femme penche la tête sur le côté en la regardant d’un air dubitatif. « Oui, Jess, je l’ai revu dernièrement. Plusieurs fois. Tu le sais, j’en suis sûre. » Parce que Cora ne s’est pas éloignée d’elle. Au contraire, Lizzie a fait en sorte d’être là pour son amie à chaque étape en Floride. « Ecoute, j’ignore ce que t’essaies de me dire, là, mais si tu as quelque chose à demander ou à évoquer, fais-le directement au lieu de tourner autour du pot. » Lizzie se sent nerveuse et elle cherche du regard une nouvelle coupe à prendre. Champagne, vin, autre, elle prend n’importe quoi pouvant la soutenir pour ce changement de vent. Mais est-ce qu’elle n’aurait pas pu s’en douter quand elle a invité Jessian à l’accompagner ?
Les doutes, les incertitudes, c’était normal d’y faire face dans la vie. Et particulièrement dans un métier qui était sujet aux goûts des spectateurs. Certes, quand on est acteur, le talent joue un rôle essentiel dans les rôles que l’on peut jouer mais tu ne pouvais t’empêcher de remarquer que certains acteurs n’étaient pas plus doués que d’autres et décrochaient des rôles parce qu’ils étaient la coqueluche des spectateurs et garantissaient des audiences. Cela fonctionnait un peu ainsi dans ton métier également mais beaucoup moins car les gens faisaient moins attention à qui se trouvait sur les publicités qu’ils voyaient sur internet ou placardées dans la ville. Que Lizzie doute de son avenir professionnel ne te surprenait pas. Par contre, elle te semblait découragée, comme si elle ne pensait plus vraiment qu’elle avait un avenir en temps qu’actrice. Certes son métier actuel lui permettait de garder un pied dans la milieu mais elle était en train de se faire du mal en ne s’autorisant pas à monter sur scène. Tu ne connaissais la compagnie pour laquelle elle travaillait que de nom mais elle avait une bonne réputation. Pourquoi est-ce que Lizzie ne tentait pas d’intégrer les rangs des acteurs ? De ton côté, tu avais beaucoup douté quand il avait fallu te remettre en scelle après la naissance de Morgane mais depuis, tu restais très optimiste. Quand un contrat ne se concluait pas, tu laissais tomber pour te concentrer sur le prochain. C’était comme cela que tu avais toujours fonctionné, certainement parce que tu avais eu la chance de ne pas avoir trop de refus non plus. « Ta détermination est tout à ton honneur. Je suis ravie de constater que j’ai toujours ton soutien. J’aurai pu en douter quelques instants ces derniers mois. » Tu baisses légèrement la tête à ces paroles. Tu sais qu’elles sont amplement méritées mais cela ne veut pas dire que les entendre est très agréable. Tu n’as pas été présente pour Lizzie ces derniers temps, trop occupée à lui en vouloir de jouer un rôle dans la vie de Cora de laquelle elle t’avait éjectée malgré tes multiples tentatives de reprise de contact à différents moments de cette longue absence. Tu n’aurais pas dû laisser cette histoire prendre le dessus sur ta relation avec Lizzie mais c’était plus fort que toi, tu n’arrivais pas à passer au-dessus. Pas à ce moment-là en tout cas. Ta présence ce soir à ce gala était toutefois un premier pas. « Je suis désolée de ne pas avoir été présente ces derniers temps mais cela ne change rien au fait que je pense que tu peux encore accomplir de grandes choses dans ce métier, il faut juste que tu y crois aussi. » Dis-tu simplement. Ton optimisme n’était pas partagé par ton amie, c’était indéniable. Pourtant, tu voulais qu’elle puisse croire en elle, croire qu’elle avait encore de belles choses à accomplir. La discussion se déporta vers un sujet moins glissant alors que Lizzie prit des nouvelles de ta fille. Tu ne tardais pas à lui montrer les dernières photos que tu avais de cette dernière. « C’est fou comme ça change à cet âge. Demain, elle va être ado et on aura rien vu venir. » Ton sourire se figea à cette pensée. Non, tu n’arrivais pas encore à voir ta petite princesse comme une adolescente. Tu n’avais pas envie que le temps passe vite. Tu voulais qu’elle reste ton bébé pour toujours mais bien entendu c’était impossible. « J’espère que ça ne passera pas trop vite quand même, je ne suis pas prête pour son adolescence. La prochaine étape c’est lui apprendre à lire. » Dis-tu à la jolie demoiselle en face de toi avec un clin d’oeil. Morgane était encore petite, il lui restait encore un an de maternelle avant de passer au primaire mais tu essayais de lui apprendre à lire quelques mots de temps en temps quand tu lui lisais une histoire. Et puis la conversation se tourna vers Abel et plus particulièrement ce qui s’était passé entre vous quelques mois plus tôt quand tu n’avais pas su résister à l’appel de son corps contre le tient. « Attends, tu as recouché avec ton ex ? Et ça vous a permis de remettre les choses à plat ? Qu’est-ce que… J’ignorais que c’est une façon de faire pour régler les problèmes de garde d’enfant ou je ne sais quoi. Une réaction d’adulte en somme.» Lizzie a raison. Ce n’est pas vraiment une bonne manière de régler les conflits de garde mais ce n’était pas le problème que tu rencontrais avec Abel. Vous n’aviez pas de conflits quant à l’accord que vous aviez actuellement c’était plutôt votre relation autour de Morgane quand vous étiez tous les deux qui était discutable. Et étrangement, coucher ensemble avait ouvert les discussions plutôt qu’empirer les choses ce qui n’avait aucune logique mais la vie ne faisait pas toujours sens. « On a pas vraiment de problèmes de garde avec Abel, c’est pas vraiment ça le problème. C’est … Depuis qu’il est à Brisbane on échange à peine deux mots quand il passe chercher Morgane et … On ne s’est pas quitté parce que l’on ne s’aimait plus ou parce qu’on avait été infidèle. On s’est quitté parce qu’on s’aimait trop pour s’infliger une vie qui nous rendrait malheureux même si on ne l’a jamais dit comme ça. » Abel et toi, vous aviez construit un mariage qui vous détruisait de l’intérieur et vous n’auriez jamais pu être heureux, être ce que l’autre voulait, ce dont l’autre avait besoin. « C’est peut-être étrange mais ça a ouvert la discussion. Mais je suis d’accord, ce n’est pas une solution et ça n’arrivera plus. » Vous vous étiez tous les deux mis d’accord à ce sujet, il était hors de question de replonger dans ces vieux démons. Pour votre relation et pour Morgane, il était hors de question que cela arrive de nouveau. Et puis finalement, tu entraînais la conversation sur le sujet qui fâche, sur le sujet qui avait fait que tu avais eu ce comportement envers ton amie ces derniers temps. « Oui, Jess, je l’ai revu dernièrement. Plusieurs fois. Tu le sais, j’en suis sûre. Ecoute, j’ignore ce que t’essaies de me dire, là, mais si tu as quelque chose à demander ou à évoquer, fais-le directement au lieu de tourner autour du pot. » Tu peux voir que Lizzie est nerveuse, que malgré le fait qu’elle te demande d’être franche, elle ne sait pas à qui s’attendre. A ton tour tu termines la coupe de champagne que tu as dans les mains avant de prendre une grande inspiration et de lui demander : « Pourquoi est-ce que tu as eu le droit d’être là pour elle ? Qu’est-ce que j’ai fait pour avoir droit à un silence radio pendant plus de deux ans ? » Parce que tu avais essayé, gosh comme tu avais essayé … Mais sans succès, toute tentative s’étant terminée en échec cuisant.
« Je suis désolée de ne pas avoir été présente ces derniers temps mais cela ne change rien au fait que je pense que tu peux encore accomplir de grandes choses dans ce métier, il faut juste que tu y crois aussi. » Tout est une question de croyance. De tripes, d’envie, de volonté, de niaque. Lizzie n’est pas très sûre d’avoir ça encore en elle. Ou alors pas maintenant. Même dans un gala aux bonnes vertus, là où ils les mitraillent à coup d’appareils photos et de flashs aveuglants. Où on les observe, peut-être que c’est Jessian qui attire l’œil parce qu’elle est grande, elle est fine, elle est mannequin pour une raison. Ce n’est pas pour rien. Lizzie essaie d’ignorer ce que l’on peut dire sur son propre compte car elle sait qu’on ne peut que dire d’elle qu’elle se nourrit de soirées comme ça pour sa propre célébrité, pour continuer d’exister quelque part. Peut-être qu’ils n’ont pas tort, peut-être qu’elle n’est bonne qu’à ça. Mais les mots de Jessian, elle y répond avec un léger haussement d’épaule tout en buvant sa coupe.
Ce n’est pas ce soir que sa carrière va décoller. Même si dans ce milieu, chaque moment est une occasion.
« J’espère que ça ne passera pas trop vite quand même, je ne suis pas prête pour son adolescence. La prochaine étape c’est lui apprendre à lire. » Lizzie sourit devant la fibre maternelle que peut avoir Jessian. « C’est déjà une grosse épreuve, ça. Apprends-lui avec Harry Potter, tiens. La nouvelle génération doit être influencée dès le plus jeune âge. » Toujours jamais loin de sa passion, Elizabeth sait néanmoins que ce n’est pas une lecture pour apprendre à lire. Même si franchement, ça serait sûrement beaucoup plus motivant et passionnant que les titres plus classiques que le système scolaire les force à lire. « On a pas vraiment de problèmes de garde avec Abel, c’est pas vraiment ça le problème. C’est … Depuis qu’il est à Brisbane on échange à peine deux mots quand il passe chercher Morgane et … On ne s’est pas quitté parce que l’on ne s’aimait plus ou parce qu’on avait été infidèle. On s’est quitté parce qu’on s’aimait trop pour s’infliger une vie qui nous rendrait malheureux même si on ne l’a jamais dit comme ça. » Voilà qui claque à pas mal de porte, ce qu’elle dit, Jessian. Le regard brun se perd un moment dans ses pensées avant de reprendre son attention sur elle. « C’est peut-être étrange mais ça a ouvert la discussion. Mais je suis d’accord, ce n’est pas une solution et ça n’arrivera plus. » « Après, il n’y a rien de mal si ça ne provoque pas de problème. Encore moins si ça en résout. Enfin, le motif de rupture est assez honorable, et ça n’a pas relancé une quelconque machine à sentiments ? » Qu’est-ce que Lizzie en savait, elle qui a tout fermé depuis son adolescence ? Absolument rien.
« Pourquoi est-ce que tu as eu le droit d’être là pour elle ? Qu’est-ce que j’ai fait pour avoir droit à un silence radio pendant plus de deux ans ? » Pour le coup, Lizzie ne s’y est attendue qu’à moitié. Elle regarde Jessian longuement, comme si cette dernière vient d’ailleurs. Après tout, cette question est assez étrange pour être notée. Elle finit par froncer des sourcils avant de finir sa coupe qu’elle pose sur le premier buffet avoisinant. « Pourquoi est-ce que tu me demandes ça à moi ? Est-ce que ce n’est pas plutôt à Cora qu’il faudrait que t’orientes ta question ? A part si j’ai les cheveux qui sont devenus roux sans que je m’en rende compte. » La brune croise les bras, le menton relevé. « J’ai juste été là. Je ne crois pas t’avoir vu aux Etats-Unis quand elle avait besoin de soutien. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre vous et encore moins pourquoi Cora s’est éloignée de toi. Mais j’espère que tu ne me blâmes pas pour ça, Jessian, parce que je n’y suis pour rien. »
Les remises en question, tu connaissais ça mais tu avais toujours fini par te relever. Parce qu’admettre la défaite, ce n’était pas possible à tes yeux. Pour toi, il n’y avait qu’une solution, c’était l’affrontement. Et tant que l’on ne t’aura pas fermé toutes les portes, tu refuseras de baisser les bras. Ton retour dans le mannequinat t’avait fait douter. Tu t’étais beaucoup demandé si ce monde avait encore une place pour toi et les débuts avaient été compliqués. Et puis finalement tu avais créé ta place et tu en étais très heureuse aujourd’hui. Tu ne voyais pas pourquoi Lizzie ne pourrait pas faire pareil. Si jouer la comédie était ce qui la passionnait, elle devait continuer à se battre car c’était un métier qui comme le tien ne pardonnait rien. Tu ne sais pas si tes paroles auront un impact sur ton amie ou non mais tu espères qu’elle arrivera à trouver sa voie et qu’elle pourra être pleinement heureuse parce que tu n’as pas l’impression qu’elle l’est actuellement. La conversation se porte ensuite sur Morgane et tu as du mal à imaginer ta petite fille grandir. Pourtant, c’est ce qui se passe tous les jours sous tes yeux … « C’est déjà une grosse épreuve, ça. Apprends-lui avec Harry Potter, tiens. La nouvelle génération doit être influencée dès le plus jeune âge. » Un sourire amusé se dessina sur ton visage. Tu connaissais la passion de cette série de bouquins de ton amie. Toi, tu n’avais jamais été une grande lectrice mais tu les avais lus tout de même pendant ton enfance. Tu n’étais pas devenue une fan mais c’était agréable. Par contre, tu n’apprendras pas à lire à ta fille avec c’est certain. « Je te fais confiance pour lui offrir la collection dès qu’elle aura l’âge. » Dis-tu à ton amie avant d’ajouter : « Pour la persuader de lire, j’aurai plus de chance avec des livres Disney en ce moment. » C’était une période ou peut-être pas mais Morgane adorait ces dessins animés et tu savais qu’elle y mettrait du sien si des mots venaient se poser aux pieds d’Elsa et Anna. Pour l’instant, elle était encore un peu petite mais bientôt, tu pourras la guider alors que les mots prendront un sens pour elle. Tu abordais ensuite avec Lizzie la situation compliquée que tu vivais avec Abel. La relation de stabilité que vous n’aviez jamais réussi à créer et qui entraînait des rencontres extrêmes. Soit vous vous criiez dessus, soit vous vous sautiez dessus, le juste milieu était l’ignorance et tu en avais assez. « Après, il n’y a rien de mal si ça ne provoque pas de problème. Encore moins si ça en résout. Enfin, le motif de rupture est assez honorable, et ça n’a pas relancé une quelconque machine à sentiments ? » Tu passes ta main droite dans tes cheveux. En quelques sortes si. Mais en même temps pas vraiment. Parce qu’Abel avait toujours le chic dans ces moments là de dire LA phrase qui te rappelait exactement pourquoi vous aviez divorcé. Et malgré l’amour que tu lui porteras toujours, il ne te rendra jamais heureuse. « J’aimerai toujours Abel, j’ai fini par l’accepter. Mais il ne me rendra jamais heureuse et inversement. Alors il est temps d’arrêter de jouer car au bout d’un certain temps, on finira par briser quelque chose ou aggraver la situation et c’est Morgane qui en pâtira. » Imaginer ta fille éclaboussée par tes histoires avec Abel n’était pas une possibilité. Il fallait être responsable, il fallait être adulte et comme d’habitude, c’était toi qui allais avoir le mauvais rôle. Et puis finalement, le sujet brûlant finit par être abordé. Plus ou moins par ta faute enfin … Il serait forcément venu sur le tapis à un moment de la soirée car tu ne te souviens pas d’avoir jamais vu Lizzie sans prononcer au moins une fois dans une conversation le prénom de Cora. Ton amie semble surprise de tes paroles et tu peux la comprendre : « Pourquoi est-ce que tu me demandes ça à moi ? Est-ce que ce n’est pas plutôt à Cora qu’il faudrait que t’orientes ta question ? A part si j’ai les cheveux qui sont devenus roux sans que je m’en rende compte. » Oh tu n’avais pas encore posé la question à Cora mais tu n’allais pas tarder à le faire. Tu ne voulais pas braquer de suite ton ancienne amie mais tu allais finir par la lui poser cette maudite question. « J’ai juste été là. Je ne crois pas t’avoir vu aux Etats-Unis quand elle avait besoin de soutien. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre vous et encore moins pourquoi Cora s’est éloignée de toi. Mais j’espère que tu ne me blâmes pas pour ça, Jessian, parce que je n’y suis pour rien. » Jessian … Quand tes amis prononçaient ton prénom entier, ce n’était pas très bon signe. Tu retins une petite grimace. Lizzie avait raison, ce n’était pas de sa faute mais en même temps, elle avait tord. Si tu n’était pas venue aux Etats-Unis c’était parce que la porte de Cora t’avait été fermée il y a bien longtemps et aussi parce que tu ne pouvais pas te lever un matin pour disparaître pendant trois semaines comme tu aurais pu le faire auparavant. Annuler des rendez-vous et des contrats, c’était jouable. Par contre, abandonner ta fille ce n’était pas envisageable. « Rien justement. Il ne s’est rien passé. » Dis-tu en haussant les épaules. « J’ai tout essayé pour la contacter, je suis même allée chez elle mais rien. Alors excuse-moi de ne pas avoir abandonné ma fille pour partir à l’autre bout du monde en sachant pertinemment que je n’étais pas la bienvenue. » Tout lâcher pour ses amis d’accord mais pas à n’importe quel prix. « Je lui demanderai, n’ai aucune crainte à ce sujet. » Finis-tu par dire en attrapant une nouvelle coupe de champagne et en prenant une gorgée pour te calmer un peu. « Je sais que tu n’y peux rien pourtant, une partie de moi n’arrive pas à l’accepter. » C’était peut-être ridicule et enfantin mais c’était comme cela voilà tout.
« Je te fais confiance pour lui offrir la collection dès qu’elle aura l’âge. Pour la persuader de lire, j’aurai plus de chance avec des livres Disney en ce moment. » Lizzie lève son verre. « Tu peux compter sur moi. Dès qu’elle sera en âge ! » Une promesse qu’elle fait parce qu’il n’y a rien de mieux que de s’assurer que la génération future n’oublie pas les bonnes choses du passé. Et parce qu’actuellement, il n’y a plus beaucoup d’histoire aussi prenantes et aussi magiques avec lequel un enfant peut s’identifier facilement. Mais pour l’instant, que la petite Morgane soit dans les Disney, cela n’est pas très surprenant. « Oh je connais quelqu’un qui travaille pour Disney, peut-être que je peux lui demander de se déguiser en princesse pour Morgane. » Et elle lâche un léger rire en imaginant la tête d’Heather si jamais elle lui demande ça. Jamais la (fausse) blonde n’accepterait, elle en est persuadée.
« J’aimerai toujours Abel, j’ai fini par l’accepter. Mais il ne me rendra jamais heureuse et inversement. Alors il est temps d’arrêter de jouer car au bout d’un certain temps, on finira par briser quelque chose ou aggraver la situation et c’est Morgane qui en pâtira. » Elizabeth reprend son sérieux et hoche la tête tout en engloutissant un petit four, ses oreilles pleinement concentrées sur les propos de son amie. « C’est vachement mature comme décision. Je suppose que le point de vue change totalement quand on a un enfant. Tu penses que vous seriez toujours ensemble s’il n’y avait pas Morgane ? » Après tout, un enfant est une telle responsabilité qu’il n’est pas étonnant qu’elle passe avant tout le reste, même de l’amour de ses parents, quand bien même celui-ci fut destructeur comme Jessian le dit. Pouvoir accepter que l’on aime quelqu’un mais sans pouvoir en vivre, c’est quelque chose qui mérite un respect certain après tout. Même si Lizzie n’a jamais été amoureuse, à part une fois, dans une autre vie, donc elle ne peut pas non plus tout comprendre.
« Rien justement. Il ne s’est rien passé. » Et visiblement, ça la chiffonne énormément, Jessian, ce vide d’action. De présence, de mots, de ce quelque chose. Elizabeth ne comprend pas trop où elle veut en venir, elle ne comprend même pas pourquoi elle semble vouloir tourner autour du pot jusqu’à maintenant. « J’ai tout essayé pour la contacter, je suis même allée chez elle mais rien. Alors excuse-moi de ne pas avoir abandonné ma fille pour partir à l’autre bout du monde en sachant pertinemment que je n’étais pas la bienvenue. » Lizzie fronce des sourcils et s’apprête à répliquer mais son amie reprend la parole. « Je lui demanderai, n’ai aucune crainte à ce sujet. » Elle l’observe boire sa flûte de champagne, son cerveau se demandant comment cette conversation va bien pouvoir finir. « Je sais que tu n’y peux rien pourtant, une partie de moi n’arrive pas à l’accepter. » Elizabeth regarde autour d’elles et elle prend le bras de Jessian pour l’entrainer un peu à l’écart. « Tu crois pas que tu as assez bu comme ça ? » La brune n’a pas pour habitude de voir la mannequin d’habitude en maitrise d’elle-même serrer ses phalanges autour d’un verre comme ça. « Ecoute, je ne sais pas ce qui s’est passé entre toi et Cora. Si je le savais, je te l’aurais dit. Mais tu sais, en ce moment, elle est un peu perdue, elle est peut-être juste… Dans une mauvaise passe. Laisse lui le temps, d’accord ? » Lizzie sourit légèrement. « On pourrait presque croire que t’es jalouse ou quelque chose comme ça. Ca n’a pas de sens, Jess, vraiment. »
S’il y avait bien une chose dont ta fille ne manquait pas c’était d’affection et de reconnaissance. Toutes les personnes de ton entourage savaient à quel point Morgane était importante pour toi et elle finissait toujours par venir faire son apparition dans tes conversations. C’était en plus un sujet assez innocent et vous aviez besoin de cela avec Lizzie pour détendre un peu l’atmosphère. « Tu peux compter sur moi. Dès qu’elle sera en âge ! » Tu ne doutais pas que ta fille adorerait Harry Potter mais elle était encore trop petite pour comprendre réellement cette histoire qui était assez complexe. Pour l’instant, vous restiez sur des histoires plus simples et des personnages Disney qu’elle adorait. Tu savais déjà qu’un voyage à Disney World en Floride était prévu dans ton futur mais tu attendais qu’elle soit un peu plus grande pour cela. « Oh je connais quelqu’un qui travaille pour Disney, peut-être que je peux lui demander de se déguiser en princesse pour Morgane. » Tu ne savais pas à qui Lizzie pensait mais vu son petit rire, tu doutais que cela fasse plaisir à cette personne. Morgane serait ravie de rencontrer une princesse mais elle serait surtout ravie d’être la personne déguisée en princesse. Tu savais déjà que pour son anniversaire tu allais lui faire réaliser les robes de ses princesse préférées sachant très bien que l’habiller normalement après ça serait un calvaire. « Pourquoi pas ? Pour son anniversaire peut-être ! » Dis-tu à ton amie avec un sourire. Même si cela n’arrivait jamais ou que c’était toi qui finissais par te déguiser, rien que le fait que Lizzie le propose te touchait beaucoup. La conversation se tourna ensuite vers Abel et la relation que vous aviez aujourd’hui et qui était tout sauf évidente, surtout après votre nuit ensemble. « C’est vachement mature comme décision. Je suppose que le point de vue change totalement quand on a un enfant. Tu penses que vous seriez toujours ensemble s’il n’y avait pas Morgane ? » C’était une excellente question et une question que tu t’étais toi-même posée il n’y avait pas si longtemps. Serais-tu toujours avec Abel si les choses s’étaient déroulées autrement ? Tu avais pensé que oui tout d’abord mais plus le temps passait, plus tu avais fini par te dire que si ce n’était pas Morgane, cela aurait été autre chose. « Je ne pense pas. Nous aurions été ensemble plus longtemps, c’est certain mais je me dis que quelque chose aurait fini par nous séparer. » Dis-tu en haussant les épaules. En vérité, tu n’en savais rien. Il y avait tellement d’inconnus dans une vie, tellement de choses qui pouvaient tout chambouler … Et puis finalement, le sujet qui te brulait la langue finit par être abordé. La relation inexistante que tu avais aujourd’hui avec Cora alors que Lizzie, elle, continuait à jouer un rôle dans sa vie. Une jalousie peut-être irrationnelle mais dont tu n’arrivais pas vraiment à te défaire. Tu finis par l’avouer à Lizzie et le regard qu’elle te lança te fit comprendre qu’elle ne comprenait pas que tu puisses réagir ainsi. Tu te laissais entraîner à l’écart alors qu’elle te disait : « Tu crois pas que tu as assez bu comme ça ? » Terminé le temps du ton aimable et ouvert. C’était comme si tu venais de te prendre un verre d’eau glacé sur la tête. Avais-tu trop bu ? Peut-être mais pas assez pour ne pas te souvenir de cette conversation demain. « Ecoute, je ne sais pas ce qui s’est passé entre toi et Cora. Si je le savais, je te l’aurais dit. Mais tu sais, en ce moment, elle est un peu perdue, elle est peut-être juste… Dans une mauvaise passe. Laisse lui le temps, d’accord ? On pourrait presque croire que t’es jalouse ou quelque chose comme ça. Ca n’a pas de sens, Jess, vraiment. » Lui laisser du temps … N’était-ce pas ce que tu avais fait depuis des mois, plus d’un an maintenant ? Tu avais gardé tes distances, tu n’avais pas abusé quand tu avais compris que Cora ne voulait pas te parler. Mais n’était-ce pas un peu trop simple que de jeter les gens et les rappeler quand c’était un bon moment pour elle ? Ramenant ton bras le long de ton corps, tu lui dis : « Je n’ai jamais prétendu que toutes mes actions avaient un sens. » Peut-être que cette jalousie était n’importe quoi pour Lizzie, qu’elle ne la comprenait pas mais cela n’empêchait pas qu’elle existait pour toi. « C’est vrai qu’on a tous une vie facile nous. Du temps je n’ai fait que lui en donner. Est-ce que c’est vraiment dur de comprendre que j’en ai assez d’attendre qu’on daigne me faire rentrer dans sa vie ? Peut-on réellement appeler ça une amitié si on ne laisse pas ses amis nous aider quand ça va pas ? » Le fait qu’elle laisse certaines personnes l’aider voulait dire que tu ne faisais peut-être pas partie des amies de Cora comme tu le pensais. « Mais tu as raison, je vais continuer à attendre, je ne suis bonne qu’à ça n’est-ce pas ? » Posant la coupe de champagne que tu avais terminée sur une table, tu savais que l’alcool était en parti responsable de ton honnêteté mais tu n’avais pas le temps d’y penser. « Merci pour l’invitation. J’étais vraiment heureuse de te revoir mais je pense que je vais y aller. Bonne soirée. » Tu n’avais pas envie d’entendre les raisonnements de Lizzie, l’entendre dire que tout cela était irrationnel et que c’était n’importe quoi. Et puis tu n’avais pas envie de l’embarrasser non plus, tu n’étais pas là pour ça. Alors tu repassais les portes et tu appelais un Uber pour te ramener chez toi. La soirée avait pourtant si bien commencé …