Le Deal du moment : -25%
-25% Samsung Odyssey G9 G95C – Ecran PC Gamer ...
Voir le deal
599 €

 (noralfie) i'll be beside you on that dusty road

Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyVen 6 Sep 2019 - 1:10


NORAH & ALFIE ⊹⊹⊹ When no one expects you to deny And no one accepts your reasons why, You cling to the ways of my name, When you touch the stone.

« Me calmer ? ME CALMER ? Vous vous foutez de ma gueule ? » Que la voix d’Alfie s’élève alors qu’il fusille du regard le type en face de lui. Il voudrait plonger son regard dans le sien pour être plus convaincant, mais les deux couches de plastique qui le sépare du soignant l’empêchent de distinguer le moindre détail physique de ce dernier. Il ne saurait pas même dire sa couleur de peau, encore moins celle de ses yeux ou de ses cheveux. Face au silence que lui offre le type en guise de réponse, Alfie se contente de reprendre son activité favorite (et la seule qui lui est autorisée entre ses murs en plastique) : faire des allers-retours dans la pièce, encore et toujours, non sans laisser échapper un « aaaaaargh » bien sonore alors qu’il serre les poings. « J’ai déjà été isolé avant d’être rapatrié, et les TESTS. ÉTAIENT. NÉGATIFS. » Alfie appuie chacun de ses mots, avant de laisser échapper un lourd soupir et un nouveau regard traduisant de toute la colère qu’il ressent à l’égard de l’homme en face de lui. Et il essaie Alfie, vraiment, de se rappeler que ce type ne fait que son travail et qu’il n’y est pour rien ; qu’il n’a pas à ramasser toute la frustration accumulée par l’anthropologue au cours des dernières semaines. Mais il n’arrive pas à se raisonner tant il devient fou entre ses murs, et il n’y arrive d’autant moins en songeant au fait que ça ne fait que commencer. S’il pensait que revenir dans son pays natal relevait déjà d’un parcours du combattant compte tenu de la fermeture des frontières et de la peine de prison qui lui pend au nez s’il refuse de se soumettre aux directives, il était loin de se douter que ces jours d’incertitude jusqu’à recevoir le feu vert pour être rapatrié dans ce caisson qui hante désormais ses cauchemars n’était qu’un avant-goût de l’enfer en vue de la situation actuelle. Vingt-et-un jours. Minimum. Dans cette foutue chambre. Avec un lit pour seule compagnie. « Vous aviez de la fièvre avant-hier et donc-. » « MAIS BIEN-SÛR QUE J’AI DE LA FIÈVRE PUISQUE JE PASSE MES JOURNÉES À VOUS HURLER QUE. JE. VAIS. BIEN. » Qu’il s’énerve une nouvelle fois, approuvant ses propos alors que son visage se teinte de rouge et les petites veines de son cou se dessinent. « Ça on en est pas sûrs, alors... » « Quoi, vous pensez que j’ai pas été assez confronté à la situation pour pas capter si je suis touché ou pas ? » « Non mais… » S’approchant de plastique, Alfie écarquille les yeux à l’extrême. « Putain mais regardez mes yeux y’a que dalle, je vomis pas, je pisse pas le sang, bordel vous voulez que je vous montre aussi mes couilles pour vérifier si elles sont nécrosées ou ça va aller ? » Qu’il propose, la main qui s’agrippe déjà à sa chemise d’hôpital, prête à se soulever. « Merci, ça va aller. Il faut vous calmer, vous n’avez pas d’autres choix que d’être ici, ça va vite passer. » VINGT. PUTAIN. DE. JOURS. « Vous savez aussi bien que moi que c’est pas le cas. » Que s’agace à nouveau un Alfie à deux doigts de la crise de nerfs face à la condescendance qu’il perçoit dans le ton de son interlocuteur, et qu’il lirait probablement dans ses yeux s’il pouvait les distinguer. « Il n’empêche que vous n’avez quand même pas le choix, que vous êtes parti en toutes connaissances de cause et qu’il fallait peut-être songer aux conséquences avant. » « Oh, allez-vous faire foutre. » Qu’il hurle aussitôt en laissant son pied frapper la table de chevet à défaut du visage du type, et qui s’écroule au sol dans un vacarme assourdissant. « Et vous savez aussi bien que moi que détruire votre chambre ne vous a rien apporté la première fois, ni la seconde, ni la cinquième, et que ce n’est pas prêt de changer. » « L’espoir fait vivre, n’est-ce pas ? » Qu’il rétorque avec son sourire d’imbécile sur les lèvres, accentué pour l’occasion, tandis qu’il se heurte bientôt au dos de son interlocuteur, déjà sur le départ. « Vous savez quoi faire en cas de besoin. Je viendrai chercher le flacon plus tard. Oh, et j’oubliais, un vague geste de la tête en direction d’Alfie, je vous rappelle que c’est pour votre urine et pas votre… semence. » Alfie se déride, hausse les épaules, toujours ce sourire provocateur sur les lèvres avant de préciser « vous m’aviez dit de trouver de quoi m’occuper » qui, il jure, provoque un soupir de la part du soignant avant que celui-ci ne disparaisse.

Aussitôt la silhouette disparue, Alfie reprend le cours de son activité, non sans n’en avoir que faire des réflexions qui viennent d’être faites sur l’état de sa chambre ; ce n’est pas ce qui l’empêche de retourner la chaise dans le coin à droite, de frapper encore à deux reprises la table de chevet au sol, ni de balancer les oreillers à travers la minuscule chambre ou d’éclater son assiette en carton encore remplie et fumante contre l’un des murs. L’emmerdeur se trompe, ça lui apporte quelque chose ; ça l’occupe. Une dizaine de minutes, peut-être, mais c’est une dizaine de minutes d’intense soulagement qui permette une vingtaine d’autres de rangement, et si dans une journée ordinaire cette demi-heure n’aurait rien représenté, dans la sienne c’est le meilleur moment de ses vingt-quatre heures qui semblent s’être figées dans le temps. Il fallait peut-être songer aux conséquences avant. La mâchoire d’Alfie se crispe alors qu’il n’a rien d’autres à foutre que de ressasser les paroles de l’autre con, et qu’il doit lui donner raison (même s’il ne l’admettra jamais). Pour autant, Alfie se contente de songer au fait qu’il y avait pensé, seulement il n’avait pas anticipé que son isolement serait aussi difficile à supporter. En réalité, à aucun moment l’anthropologue n’a pensé à ce détail, tout comme il n’a pensé à aucun moment que le gouvernement de son propre pays serait amené à statuer sur la nécessité – ou non – de le ramener dans sa contrée. Dans sa tête, les choses ne s’envisageaient pas sur la durée, parce qu’Alfie est incapable d’anticiper quoi que ce soit. Il fonce, tête baissée, dans son envie du moment et réfléchit après – ou ne réfléchit jamais, le plus souvent. Lorsque l’OMS a passé ses accords avec certains pays pour réquisitionner des professionnels, il a saisi l’opportunité de quitter Brisbane après deux ans de sédentarité nécessaires pour faire ses preuves auprès de l’université avant qu’on ne lui propose un terrain. Deux longues années qui lui sont apparues comme insupportables et qui l’ont convaincu que jamais il n’arrêterait de voyager ; car son travail s’effectue auprès des autres et non pas au travers d’articles scientifiques. Alfie s’est focalisé sur le besoin d’exercer plus que sur les conséquences de son métier, ainsi lorsque sa présence n’était plus utile au Mali et qu’il a filé en direction de la Sierre Leone il supposait naïvement que son retour en Australie se ferait en un claquement de doigts, notamment parce que la fin officielle de l’épidémie lui semblait être une raison suffisante pour ne pas s’inquiéter quant à sa situation, sans songer à d’autres facteurs qui auraient pu justifier des craintes de transmission. Mais les protocoles sont ce qu’ils sont ; et ils sont foutrement emmerdants comme l’a toujours pensé Alfie – dont l’avis n’est ainsi pas prêt de changer. Les lois en vigueur n’ayant pas été modifiées malgré la diminution des cas, il se retrouve confiné dans cette salle depuis à peine une semaine, et pour deux autres encore. À vrai dire, Alfie n’est pas vraiment certain d’arriver au bout de cette période maintenant qu’il est assis en tailleur face au mur, jouant distraitement avec l’assiette en carton qu’il pourrait tout aussi bien utiliser pour abréger ses souffrances. La tête penché, concentré, il fait la liste des diverses manières dont cet objet pourrait lui être utile. C’est du carton, c’est relativement flexible, il peut envisager d’en faire une boule qu’il avalerait et, avec un peu de chances, il s’étouffera avant qu’on ne le remarque – à condition de réfléchir à l’angle mort de la caméra. En vue de son inclinaison et de sa hauteur, il aurait tendance à dire que le coin gauche, sur un carré d’environ trente centimètres carrés semble être l’opportunité d’une vie ; reste à savoir comment il arriverait à se faire discret sur une surface aussi restreinte. Il ne songe pas au fait que cela soit impossible, juste que cela demande des aménagements. Mais alors qu’Alfie est déjà en train de détruire l’assiette, il réalise que se couper avec un carton est monnaie courante, et le voilà qui découpe minutieusement un bout de l’objet, le pliant plusieurs fois, le ponçant avec ses dents pour tenter d’en dessiner une pointe, qu’il appuie fortement sur l’un de ses doigts jusqu’à ce qu’une goutte de sang finisse par perler. Trop lent, et surtout, trop dangereux, en cas d’échec, il risque de voir son isolement devenir encore plus strict qu’il ne l’est déjà, où même le carton ne sera pas autorisé et où d’autres tests seront nécessaires compte tenu du fait qu’oh mon dieu, un de ses fluides corporels s’est échappé. Il essuie rapidement son doigt sur sa robe de chambre avant de regarder un peu partout autour de lui. Il pourrait tout autant jouer sur le fait qu’il est dans une chambre à pression et qu’avec la chaleur environnante et la fenêtre sur sa droite, et ce bout de carton, il pourrait rêver d’une étincelle qui abrégerait sa situation. Pour autant, cela lui semble bien utopique même si le voilà qui pousse son lit jusqu’au mur avec peine, avant de grimper sur celui-ci, bout de carton en main qui tente d’intercepter les quelques rayons du soleil qui se fraient un chemin dans la pièce avec difficultés. La fenêtre est petite, située en hauteur et, bien évidemment, ne possède pas la moindre ouverture. Lorsqu’il entend le bruit reconnaissable du second SAS qui s’ouvre, Alfie finit par se retourner, toujours bien debout sur son lit, et son bout de carton en main. Une silhouette finit par entrer dans la pièce, et Alfie lève les yeux au ciel, supposant qu’il s’agit du même enfoiré que plus tôt dans la journée. « Non, ducon, j’ai toujours pas pissé dans ton bocal et oui, si tu continues à m’emmerder, je le remplis avec tu sais quoi. » Qu’il annonce en salutations et conclusion de la conversation, se tournant à nouveau vers le mur, lâchant le bout de carton dans sa main quand il entreprend de frapper sur le bord de la vitre, se doutant qu’il s’agit d’un double, voire triple, vitrage. Mais au point où il en est, ça l’occupe à peu près dix secondes et ça lui brûle les phalanges, et c’est très exactement ce qu’il recherche à cet instant précis.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyMar 10 Sep 2019 - 21:58

I'LL BE BESIDE YOU ON THAT DUSTY ROAD
i'm right behind you in the light of hope

Si elle l'avait su, elle aurait profité d'autant plus de cet instant là.

La tête appuyée contre son épaule et son index dessinant des arabesques sur le torse de son époux, Norah songeait aux mots échangés quelques heures plus tôt. Frank était rentré du travail tard, très tard. Il s'était glissé dans les draps vers trois heures du matin, venant immédiatement se blottir contre elle car il savait qu'elle était contrariée. Etre dans la bridage des stupéfiants, c'était ne pas savoir l'heure à laquelle on allait pouvoir rentrer à la maison. Elle s'était réveillée, ils en avaient discuté, à la limite de la dispute, avant de se réconcilier sur l'oreiller. Le métier de Frank était un sujet qui revenait fréquemment sur la table, encore plus depuis la naissance de leur second enfants, deux mois plus tôt. Le débat était malheureusement stérile. Le policier aimait bien trop son métier pour quitter son uniforme pour un poste derrière un bureau, à gérer de la paperasse à longueur de journée tout en sachant que ses collègues étaient sur le terrain. Et ça lui fendait le coeur de savoir que cette passion entravait sa vie de couple. Ils s'aimaient éperdument, cela n'était jamais à remettre en question. Ca ne lui faisait pas plaisir de la voir si peinée, et inquiète. Mais il ne pouvait pas abandonner son poste. C'était viscéral. Tout autant que Norah n'abandonnerait pas son métier non plus. Elle savait pertinemment qu'elle n'arriverait jamais à le convaincre, mais elle était suffisamment bornée pour persévérer, et espérer. Elle ne voulait pas le voir malheureux, mais elle ne désirait pas non plus avoir à répondre à un appel à une heure indescente pour lui annoncer qu'il était à l'hôpital. Ils ne parlaient pas vraiment du boulot à la maison, mais Norah jurait sentir les instants où il était sur une intervention délicate. Elle le trouvait nerveux, dernièrement. L'un de leurs nombreux points communs était bien le fait qu'ils cachaient leurs émotions à merveille, et que tout fonctionnait par la subtilité de certaines expressions. Frank était toujours d'un tempérament calme, il était extrêmement difficile de lui faire perdre ses moyens. Mais il pensait beaucoup. Les engrenages de son cerveau fonctionnaient toujours à vive allure. Il était très analytique et avait l'esprit vif, et d'un calme qui apaiserait n'importe qui. "J'aime croire que ce que je fais rendra le monde un peu moins dangereux pour les petits, Norah." finit-elle par souffle après des dizaines de minutes de silence. Songeuse, Norah ne fit pas le moindre commentaire. "Ne crois pas que je fais ça pour te contrarier. Je ne peux juste pas. Surtout pas en ce moment." Il était sur une grosse enquête, c'était sûr et certain. Il avait même demander à son épouse de lui promettre de ne pas fréquenter un quartier où se trouvait un restaurant dont elle avait vaguement entendu parler. Elle l'avait questionnée, comme n'importe qui l'aurait fait, mais Frank semblait si inquiet qu'il avait à peine haussé la voix (ce qui était déjà beaucoup en soi), et de par cette réaction, Norah lui avait fait cette promesse. "Et puis, tu sais bien qu'Anwar ne tiendrait pas cinq minutes, sans moi." finit-il par dire afin d'alléger une atmosphère qu'il commençait à sentir moins lourde – sinon la brune ne serait pas venue se blottir davantage contre lui, un léger frisson parcourant son épiderme au niveau du bras lorsque son mari s'était décidée d'en effleurer son épiderme. "Je t'aime." lui souffla-t-elle avant de relever son visage pour l'embrasser longuement. Les enfants dormaient et ils savaient que c'était un des rares moments privilégiés qu'ils ne pouvaient avoir que très rarement, et ils préféraient tous les deux le savourer plutôt que de poursuivre un sujet de dispute qui allait revenir sur la table bien assez tôt.

"Franchement, ce patient, c'est une véritable plaie. Je veux plus m'en occuper, sérieux. Il est d'un chiant!" s'écria l'un des infirmiers en jetant furieusement ses gants dans le sac poubelle. Le visage rouge pivoine, il continuait de pestiférer en agitant les bras devant des collègues déconcertés et démunis face à la situation. "Il est insupportable. Dans l'échelle du connard, il est à 10, et plus si affinités." Norah venait à peine de commencer son service et haussait légèrement les sourcils devant la scène qui se déroulait dans la salle de soins. Elle était censée être en réa, comme d'habitude, quand Andy l'avait croisé d'un air désolé en lui disant. "Ils ont besoin de toi en bas, parce qu'apparemment tu es la seule à supporter le Maslow là." Il en riait. La situation amusait le médecin. Et que sa collègue de longue date soit l'une des rares à garder son calme (sans surprise) devant de telles énergumènes ne le surprenait pas. Il était juste un tantinet agacé de ne pas avoir l'occasion de travailler avec elle l'après-midi là. "Tu viens quand même boire un café, tout à l'heure, il faut que je te raconte un truc." lui demanda-t-il. Norah lui fit un clin d'oeil. "Ca marche. A toute à l'heure." Après avoir écouté la bonne douzaine de noms d'oiseaux que le collègue du matin utilisait pour décrire au mieux le patient exposé au virus d'Ebola, Norah avait levé les yeux au ciel avant de s'éloigner et de déposer son sac à main dans un placard sous clé dans leur salle de pause. "Honnêtement, Leckie, je sais même pas comment tu fais pour venir si calme au boulot en sachant où on te coltine pour l'après-midi. Je sais pas si je dois t'admirer ou t'engueuler d'accepter de prendre un poste si ingrat." dit une aide-soignante du service voisin, qui venait se servir rapidement une tasse de café. "Enfin quoi que ça me surprend pas, quand on y pense." dit-elle après un instant de réflexion. "J'utilise mes propres outils." s'amusait à répondre Norah. Les situations de stress, elle en avait toujours dans son service habituel. Des patients véreux, desinhibés, vulgaires, pointilleux, narcissiques, impatients, intolérants, insupportables, elle en croisait tous les jours, comme tous ses autres collègues, et chacun avait ses propres méthodes pour gérer des situations difficiles. Pendant les études, les formateurs leur enseignaient différents outils, différentes façons de faire, mais finalement, chacun trouvait ses propres armes et ressources pour contrôler la situation. Et si tout devenait vraiment compliqué, on appelait les mecs de la sécurité (dont un qui se prenait clairement pour Rambo à longueur de journée), qui, baraqués comme pas deux, faisaient taire ceux qui voulaient jouer aux petits malins. Certains étaient à deux de faire de même pour Maslow, mais on ne voulait pas infliger aux hommes-là le temps d'habillage pour pouvoir entrer dans la chambre. "Bon, Leckie." dit le collègue du matin d'un air véritablement saoulé en guise d'introduction pour les transmissions. "La mission du jour, c'est le prélèvement d'urines. Mais MONSIEUR est d'humeur exécrable aujourd'hui, et, pour changer, il est plus enclin à filer un autre liquide de son engin à la place." Il se massait l'arête de son nez pour tenter de se calmer, avant de raconter plus en détails ce qu'il s'était passé. Un sourcil arqué, Norah restait silencieuse tout du long avant de dire à l'infirmier d'aller manger un bout et qu'il file rentrer chez lui pour se détendre. I've got this, se disait-elle en se levant de sa chaise pour se rapprocher d'un ordinateur. Ca va pas être bien compliqué. Il fallait juste le cerner, comprendre comment il fonctionnait. Du moins, elle était particulièrement sereine à l'idée de le prendre en charge. Elle tapotait ses identifiants afin d'accéder au logiciel médical et de lire les dernières nouveautés écrites par les médecins qui prenaient le patient compliqué en charge. Rien de neuf sous le soleil. Son hospitalisation était plus protocolaire qu'autre chose, tellement le monde prenait peur dès qu'on mentionnait le mot Ebola. Les mesures étaient drastiques et même légiférés, du moins suffisamment contraignants pour qu'un patient aussi insupportable qu'Alfie ne se plie à cette règle. Il gérait sa contrariété et son hyperactivité comme il le pouvait, c'est-à-dire, en redécorant à sa manière sa chambre tous les jours d'une façon différente. Norah connaissait son passif. Ses addictions passées et la liste de vaccins qu'il avait laissait croire qu'il voyageait régulièrement dans des pays en développement. Certains collègues l'avaient déjà étiquetés comme étant un toxico, et ils expliquaient chacune de ses attitudes par ce fait. Le temps passé depuis son sevrage semblait peu important à leurs yeux, alors que c'était argument de taille : cela remontait à plusieurs années. Il ne risquait pas de faire un syndrome de manque, dans le mal le plus total au fond de son lit. Une situation très compliquée à gérer, autant pour le patient que pour le soignant. C'était donc après ces transmissions plus que constructives que Norah se lavait les mains avant de se motiver à enfiler une tenue qui mettait définitivement ses formes en valeur (non). Tout était protocolaire. Des couches et des couches de plastique afin d'être sûr et certain qu'elle ne soit pas contaminée d'une façon ou d'une autre. Rien que cette procédure dissuadait de nombreux soignants de travailler dans ce service. D'ailleurs, si elle avait été enceinte quand Maslow avait débarqué, on ne l'aurait pas autorisé non plus à entrer en contact avec lui. Norah n'était même plus surprise de voir l'état de la chambre quand elle y entrait. On avait beau ranger, nettoyer, le patient réarrangerait rapidement le tout pour exprimer la frustration d'être confiné dans cette pièce. Elle n'était pas non plus étonnée de le voir planter debout sur son lit, comme un gamin qui voulait faire la révolution alors que les parents voulaient qu'il dorme. Le schéma était relativement le même. Ayant entendu quelqu'un entrer, Maslow supposait qu'il s'agissait du même infirmier qu'auparavant. Un sourire caché le masque, Norah lui rétorquait sans entendre. "Ca ira, merci. J'ai accouché il y a deux mois et c'est pas vraiment au programme de remettre le couvert." Et Frank faisait très bien son job de ce côté-là. Norah n'avait pas peur de lui, aussi agressif pouvait-il se comporter et qu'importe la force avec laquelle il frappait le vitrage : Alfie aurait bien plus mal que la plaque transparente de toute façon. "Et si vos testicules étaient effectivement nécrosés, vous n'en seriez même pas capables." Parce qu'on le débarrasserait rapidement de toute la partie nécrosée de façon chirurgicale. "Cela dit, avoir une gangrène de Fournier n'est pas un symptôme du virus d'Ebola, ce serait plutôt bon signe." ajouta-t-elle d'un ton calme en se dirigeant vers la chaise de la chambre qu'elle remis sur ses quatre pieds pour s'y asseoir. Peu impressionnée par ses menaces, insultes, et ses goûts en matière de décoration pour la chambre d'hôpital, l'infirmière prenait tranquillement ses aises. Des situations d'agression verbale envers les soignants, elle en avait déjà vécu plus d'une. Les patients avaient beau haussé le ton et la traiter de tous les noms, Norah gardait un calme olympien, une phrase pas plus haute que l'autre. On l'avait déjà saisi par la blouse, menacée de mort, elle défiait du regard sans hésitation la personne qu'elle avait en face d'elle. La jeune femme observait la chambre, imposant quelques moments de silence qui ne la gênait pas. "Il paraît que vous avez fait ami-ami avec mon collègue tout à l'heure." Non, elle savait que c'était le cas. "Et je pense qu'il vous apprécie tout autant que vous l'appréciez. Une réciprocité si évidente, c'est beau." Du moins, l'infirmier ne se gênait pas non plus pour traiter Alfie de tous les noms existants. La posture de Norah laissait deviner qu'elle était tout à fait à l'aise. Il pouvait la menacer comme bon lui semblait, elle n'avait pas peur de se prendre quelques bleus. Frank approuverait beaucoup moins, en revanche. L'infirmière le sentait nerveux, il ne tenait décidément pas en place. Elle connaissait ses antécédents sur le bout des doigts (car elle avait bien la flemme de sortir se changer à  nouveau et de vérifier sur l'ordinateur, avec un logiciel qui ramait beaucoup). Une hyperactivité évidente, une toxicomanie sevrée. L'un pouvait expliquer l'autre mais Norah ne faisait pas de jugements trop hâtifs avant d'avoir des données concrètes. Certains collègues pensaient déjà que s'il était si nerveux, c'était parce qu'il était en manque. "Pourquoi le Mali ?" dit-elle après un long moment de silence, comme si cette question ne venait de nulle part. Le recueil des urines attendra. Elle rejoignait son patient sur un point : depuis qu'il était hospitalisé et isolé ici, il n'avait présenté aucun symptôme particulièrement inquiétant, ni soupçonnant une quelconque contamination. Seulement, la loi était la loi, et Norah risquait gros si elle-même décidait de le laisser sortir de cette chambre. Elle s'était occupée de lui plus d'une fois depuis son admission, sous le couvert qu'elle était déjà l'une des rares qui ne se plaignait pas de s'occuper de lui. "Vous êtes anthropologue, je comprends que l'étude de cette population devait vous intéresser. Leur culture doit être foncièrement différente de la nôtre." reprit-elle. "Mais vous saviez qu'Ebola sévissait là-bas, avant de partir. Vous connaissiez les risques. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous y rendre malgré tout ?" Soit il était extrêmement têtu, soit il se pensait invincible, soit il était inconscient, soit il avait une détermination sans limite, motivé par un projet qui lui tenait beaucoup à coeur. Quelle que soit la réponse, Norah l'entendrait. Elle n'était pas là pour juger ses décisions. Tout comme le fait d'avoir voulu se mutiler avec un morceau d'assiette en cartons (parce que oui, elle n'était pas aveugle, elle avait remarqué son doigt sanguinolant). Ca n'allait rien lui apporter si ce n'est le fait que certains collègues seront encore plus terrorisés de l'approcher de peur de se choper le virus. Certaines mesures d'hygiène semblaient excessives aux yeux de la jeune femme, dont le fait de devoir porter tout cet attirail qui empêchait le patient de connaître le visage de son interlocuteur. Et Norah serait bien curieuse de savoir comment il pouvait bien l'imaginer physiquement. Ce serait amusant.


Dernière édition par Norah Lindley le Lun 30 Sep 2019 - 22:41, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyVen 27 Sep 2019 - 1:29

Si Alfie s’amuse souvent de ses passages réguliers au sein de cet hôpital, prônant l’instauration d’une carte de fidélité qui lui permettrait d’avoir une sucette gratuite à la cinquième consultation (autant dire que la carte en question serait complétée en à peine deux mois), toutes ses visites ne peuvent pas prétendre à la justification d’un tampon de fidélité ; et si les points de suture, commotions et autres os cassés peuvent entrer dans cette catégorie parce qu’il est désormais habitué à eux, il y a aussi ces séjours qui le rendent mal à l’aise et ne lui permettent pas d’être aussi familier des hôpitaux qu’il aime le prétendre. Son accident, un peu plus de dix ans auparavant, l’ayant laissé un peu plus d’un mois dans le coma, et presque tout autant de temps à reprendre pleinement conscience. Son sevrage (qu’on appelle ainsi dans la famille Maslow car le terme « désintoxication » est bien trop réaliste quant à la situation qui a touché l’enfant pas si prodigue), aussi, et toutes ses longues journées à quémander, supplier, hurler, qu’on lui fournisse un calmant, une seringue, une pilule, n’importe quoi pour qu’il se sente mieux, pour qu’il se sent lui, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, jusqu’à ce que son corps n’en puisse plus et cesse de demander l’impossible. Et il peut désormais rajouter cet isolement à la liste de ces séjours qu’il préférerait oublier, et qu’il n’imprégnera jamais sur sa carte de fidélité. La situation n’est pas difficile à supporter seulement parce qu’il est contraint dans chacun de ses mouvements et sa liberté individuelle, mais aussi et surtout parce qu’elle amène également tous ces souvenirs douloureux avec elle. Dès qu’il se couche dans ce lit, il se revoit, quelques années auparavant, maintenu de force pour éviter de se faire plus de mal qu’il ne s’en était déjà fait. Quand il regarde par la petite fenêtre, il se souvient de ces nombreux après-midis à rester immobile devant celle-ci, à espérer que la silhouette d’Amelia franchirait la porte d’entrée avant que la réalité ne le frappe douloureusement en songeant au fait que plus jamais il ne pourrait poser les yeux sur sa blonde volcanique. Chaque plateau repas lui remémore la période où il était incapable d’avaler quoi que ce soit sans le vomir, ou lorsqu’il était purement et simplement nourri par sonde parce qu’il a dû réapprendre les petits gestes du quotidien ; déglutition comprise. À chaque fois qu’il s’agite dans cette minuscule chambre, il a l’impression d’en revenir au point de départ ; lorsqu’il avait dû également réapprendre à tenir sur ses deux jambes ; ou lorsqu’il était si faible qu’il n’arrivait plus à tenir sur celles-ci quand bien même il prônait le contraire pour qu’on le laisse sortir d’ici. Mais toutes ses protestations n’avaient jamais eu l’effet escompté par le passé, et n’en auront pas plus dans le présent, raison pour laquelle Alfie cesse de répéter le même discours en boucle, même si ce n’est pas l’envie qui manque. Il a perdu l’espoir de faire entendre raison à ces soignants – tout comme ils ont probablement perdu l’espoir de lui faire entendre raison – et il ne se contente plus que de hurlements frustrés plus que de discours convaincants.

Car, frustré, bien-sûr qu’il l’est ; plus qu’il ne l’a jamais été. N’importe qui dans sa situation ne supporterait pas toutes ses contraintes auxquelles il est soumis, même en essayant de se raisonner quant au besoin d’une telle extrémité ou en se flagellant quant aux conséquences de ses actes. Alfie n’est pas différent des autres, dans le fond. Seulement, là où ce serait insupportable pour d’autres, c’en devient réellement invivable pour lui. Il n’arrive plus à s’entendre penser, n’arrive plus à tenter de se gérer, et tout l’équilibre précaire qu’il a mis des années à construire menace à chaque instant de s’effondrer parce qu’il n’y arrive pas. Il voudrait se croire suffisamment optimiste pour se concentrer sur l’issue de cet isolement et au plaisir que sera le sien de redécouvrir la vie « réelle », mais il n’y parvient pas. Il voudrait se raisonner en se convainquant que tout ceci n’est que pour son bien et que trois semaines à l’échelle d’une vie ne représente pas grand-chose, mais il ne parvient pas à s’écouter. Il ne parvient pas à grand-chose dans cette bulle, seulement à accentuer son angoisse, sa haine des autres tout autant que de lui-même, et ses pensées violentes autant à son encontre qu’à l’égard du reste du monde. Et le matériel à sa disposition étant ce qu’il est, Alfie ne peut mettre ses pensées à exécution qu’à l’aide d’une assiette en carton. Heureusement que son dossier précise qu’il est à risque, sans quoi le personnel n’aurait pas été suffisamment vigilant et lui aurait octroyé son repas dans une assiette tout ce qu’il y a de plus normale, qu’il se serait fait un plaisir de fracasser pour mieux utiliser les débris contre lui-même. Il l’aurait fait. C’est certain, il l’aurait fait, sans réfléchir deux fois à ce que cela implique, parce qu’il ne réfléchit pas, Alfie, jamais, pas vrai ? Il ne pense pas aux conséquences, surtout lorsqu’il est question de se faire du mal, comme l’autre con le lui a fait remarquer. Et le retour de celui-ci dans la pièce ne manque pas de l’exaspérer. L’accueil qui lui réserve n’a rien à envier à leur séparation ; pourtant la situation est différente : parce que le soignant est différent, comme il le constate bien vite. Sur son lit, la main rougie par l’affront à la vitre, Alfie plisse les sourcils avant de reconnaître Norah, si ses souvenirs sont bons. Reconnaître est un bien grand mot, s’il ne l’avait pas côtoyée à plusieurs reprises il n’aurait pas été en mesure d’identifier sa voix. Là-aussi, côtoyer est un bien grand mot, disons seulement qu’elle est l’une des rares à ne pas quitter la pièce en se retenant de lui faire un doigt ou en le traitant de « connard » dès qu’il a le dos tourné (ce qui, en réalité, serait parfaitement justifié). « Faudrait peut-être savoir, vous me gonflez à longueur de journée pour que je « trouve un moyen de m’occuper », mais vous vous défilez dès que j’ai une idée. » Il soupire en sautant du lit pour rejoindre la terre ferme. « Ça n’empêche pas d’essayer. » Il ajoute, en haussant les épaules tandis qu’il finit par s’emparer de son verre en plastique pour se servir de l’eau au robinet dans un coin de sa chambre. « C’est bizarre d’en venir à souhaiter votre gangrène à la con pour que vous me lâchiez enfin la grappe et que je puisse me barrer d’ici ? » Il demande, pure rhétorique parce qu’effectivement, c’est bizarre, mais ô combien compréhensible dans sa situation. Buvant d’une traite son verre d’eau, il secoue vaguement celui-ci en direction de l’infirmière tandis qu’il affiche son sourire d’imbécile sur les lèvres. « Je vous proposerais bien à boire, mais comprenez, l’échange de salives, tout ça, c’est risqué. » Il soupire en balançant le verre dans un coin de la pièce. « L’échange d’autres fluides l’est moins, par contre, je vous assure. » Qu’il ajoute, toujours son sourire sur les lèvres, par envie de la provoquer plus que par fait scientifique établi.

Si l’humeur d’Alfie tendait à s’alléger, l’évocation du dénommé « l’autre con » ne manque pas de lui faire lever les yeux au ciel alors qu’il parcourt brièvement la pièce par besoin de s’occuper les jambes. « Ah oui, l’autre con. » Qu’il confirme à voix haute, espérant que d’où il est, les oreilles de l’infirmier siffle. « Vous cherchez quoi ? C’est quoi votre but en venant vous foutre de ma gueule, que je m’excuse auprès de votre super collègue parce que j’ai égratigné son amour-propre ? » Qu’on se le dise : ça n’arrivera pas. Connard en chef peut s’asseoir sur une quelconque forme d’excuse. Et madame psychologue peut déjà se barrer avec sa chaise sous le bras, il ne compte pas se lancer dans une thérapie de couple par pièce interposée. Toutefois, Alfie se retrouve interdit lorsqu’elle l’interroge sur les raisons qui l’ont amenées à cet isolement, et il s’immobilise quelques instants, faisant un pas vers elle tandis qu’il scrute son regard dans le plus grand silence. Elle se fout encore une fois de lui, pas vrai ? Elle est de mèche avec l’autre con, elle ne vient que confirmer qu’il « aurait dû réfléchir aux conséquences avant de partir ». C’est ce qu’il distingue entre les lignes de ses questions, pour autant le calme dont elle fait preuve l’intrigue et lui laisse penser qu’elle n’est pas là pour s’amuser contrairement à son collègue ; il ne voit pas quelle distraction on pourrait tirer d’une conversation aussi profonde – parce que si on le lance sur le sujet, Alfie le défendra avec passion. Mais pas maintenant, après une semaine de presque solitude, avec seulement quelques contacts qui lui donnent l’impression d’être un animal de cirque qu’on expose et dont on se moque de la maladresse. « C’est le service psy qui vous a demandé de venir ? » Il finit par demander entre deux soupirs. « Si c’est le cas, vous perdez votre temps et vous pouvez remballer vos questions. » Il précise tandis qu’il s’arrête dans un coin de la pièce pour se saisir du livre qu’il a entamé le jour de son arrivée et dont il n’a lu qu’une petite trentenaire de pages – parce que sa concentration est ce qu’elle est, qu’il n’arrive pas à se concentrer plus de dix minutes, et qu’après cinq lectures de la même page, il finit toujours par abandonner l’idée. S’asseyant par terre près du mur, il ignore la jeune femme qui ne devrait pas tarder à quitter la pièce maintenant qu’il lui a confirmé son désintérêt pour le soutien psychologique que cet hôpital peut vouloir mettre en place pour lui. Mais après quelques minutes (il ne saurait exactement n’ayant plus la notion du temps, cela peut avoir duré dix secondes comme dix minutes) et quelques pages tâchées de son doigt ensanglanté, il finit par abdiquer lorsqu’il constate que Norah est toujours bien assise sur sa chaise. « Sérieusement ? » Il soupire en basculant en arrière, frappant le mur de sa tête au passage sans que cela ne le dérange plus que cela. « Pourquoi pas ? » Qu’il concède finalement à lui répondre, dans une tentative de s’éviter cette visite probablement forcée plus longtemps. Elle n’a aucune envie d’être là, tout comme il n’en a aucune envie. Il ne sait pas exactement pour quelle raison elle persiste à rester dans cette pièce – c’est intéressé, sûrement, et ça l’agace. Plus vite il lui aura donné ce qu’elle souhaite, plus vite il se passera d’un nouveau regard qui crie « quel imbécile ». « Ce qui m’a poussé à m’y rendre... » Il répète avec un rire, tandis qu’il finit par se relever. Elle ne fait que confirmer son pressentiment, elle n’a pas lu son dossier, et s’en fiche bien de ses réponses, sans quoi elle aurait compris la raison sans avoir à poser la question. « Parce que c’est mon travail, à tout hasard ? » Qu’il précise en forçant un sourire las. « Ce n’est pas une question de culture, mon travail ne consiste pas à observer les autres comme s’ils étaient mes petits rats de laboratoire juste pour mon plaisir personnel. » Il précise, tentant de masquer son agacement face à une énième personne qui fait des raccourcis quant à son travail. « C’était calculé. Je suis parti en toute connaissance de cause, c’était le but. » Il précise en s’appuyant contre l’un des murs avant de croiser ses bras sur son torse. « Qui l’aurait fait, sinon, hm ? On vit dans un de ces pays où on se considère engagé dès le moment où on a relayé une prière sur Facebook et où on « sympathise de tout cœur avec les pays en développement » après avoir dépensé la moitié de son salaire dans une enseigne de vêtements qui fait de l’exploitation « mais c’est pas trop grave comme c’est à la mode », qu’il mime à l’aide de ses doigts, et avant d’aller se faire péter l’estomac à un repas de famille où la moitié va finir à la poubelle parce qu’on a prévu trop de nourriture, mais c’est pas grave, « on a tout en opulence » et encore, on arrive à se plaindre que c’est pas assez. » Critique ? À peine. « Alors, voyez, c’est bien joli de se donner bonne conscience pour mieux dormir la nuit, mais j’estime qu’il y a une responsabilité à agir si on a les moyens de le faire. » Il aimerait conclure là, mais elle l’a piqué, l’a agacé, et il se sent une responsabilité de défendre ses actions ; là où d’autres ne peuvent s’empêcher de les critiquer (salutations à l’autre con). « Le Mali n’a pas été aussi touché que la Sierra Leone, il y avait un travail de prévention à faire afin d’éviter que les choses ne prennent autant d’ampleur. J’ai toujours eu un rôle de médiateur dans mon travail, et c’était plus que nécessaire d’utiliser celui-ci à cet escient. » Il ajoute, avant de relever les yeux vers Norah. « Vous, votre collègue l’abruti, les autres, vous pouvez bien penser ce que vous voulez, j’en ai rien à foutre. Mon travail était d’agir, et le vôtre est de gérer les conséquences de ces agissements et non de porter des jugements. » Il conclut, son regard se perdant vers la porte d’entrée, songeant une nouvelle fois aux paroles de l’autre con. Il assume les conséquences, mais de leur côté, est-ce qu’ils assument réellement leur serment de soigner sans distinction ?
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyMar 1 Oct 2019 - 11:33

I'LL BE BESIDE YOU ON THAT DUSTY ROAD
i'm right behind you in the light of hope

Le panel de patients qui allaient et venaient au quotidien dans cet hôpital permettaient aux soignants d'y déceler tout type de personnalité. On ne s'inventait pas psychologue, et on ne mettait pas de mots savants sur les attitudes, mais on parvenait à les décrypter. Norah laissait aux professionnels du domaine utiliser leurs termes bien à eux, elle, elle constatait. Ce n'était pas trop son dada, mais elle avait bien compris que certaines des réactions ne venaient jamais au hasard et que le passif y était toujours pour grand chose. Elle, elle tâchait de s'adapter à chacun, à trouver le meilleur chemin possible pour parvenir à communiquer avec ses patients. Parfois le chemin était particulièrement sinueux. Mais avec le Maslow, il y avait aussi de nombreux obstacles, face à cet homme particulièrement têtu, imprévisible et avec une répartie sans pareille. Au fond, Norah en était amusée. Non pas qu'elle se distrayait de la détresse évidente de son patient, mais ça changeait de ces personnes constamment dans la plainte. Ceux qu'elle tolérait le moins (mais qu'elle arrivait à gérer malgré tout), c'était les hypocondriaques. Ceux qui se renseignaient sur internet, sur des sites obsolètes et non reconnus du corps médical et qui savait forcément tout mieux que les soignants eux-mêmes. Au diable leur expérience du terrain et les connaissances accumulées au fil des années, internet, c'était ça, la véritable source d'informations sûre et fiable. Norah s'était prise le chou avec ces gens-là plus d'une fois. Elle ne s'était même pas gênée, un coup , de sortir à un de ces patients : "puisque vous savez tout mieux que personne ici, eh ben vous allez vous prendre en charge tout seul, vous avez plus besoin de moi." d'un ton calme, comme à son habitude, avant de tourner ses talons et ne plus repasser dans la chambre du reste de son poste. Alors, à choisir, entre ces énergumènes là et Alfie Maslow, elle opterait pour la deuxième option sans la moindre hésitation. Même s'il était d'humeur exécrable et qu'il balançait des noms d'oiseau à tout va. "Personnellement, je ne vous ai jamais encore dit de vous trouver un moyen de vous occuper. Mais à ce que je vois, vous trouvez quand même facilement de quoi faire." rétorqua-t-elle d'un ton toujours extrêmement calme. Il suffisait de regarder l'état de la chambre pour constater qu'il trouvait des occupations. Pas des plus recommandables, mais ça restait quand même une activité comme une autre. Avec Norah, il n'y avait jamais un mot plus haut que l'autre. Le calme qu'elle gardait dans la grande majorité des situations faisait semer le doute pour les collègues qui ne la connaissaient pas. Mais elle est humaine, celle-là, ou bien ? se demandaient-ils. Bien souvent, cette technique marchait du feu de Dieu et détendait les patients qui cherchait justement à faire réagir, à faire sortir les soignants de leurs gonds. Sauf qu'avec elle, ça ne marchait pas, même s'il y avait une agression physique. "Mais je veux bien y réfléchir. Je vous trouverai un truc avant la fin de mon poste." assura-t-elle. Elle devait juste le cerner un petit peu plus pour savoir ce qui pourrait vraiment lui correspondre, lui permettre d'être moins nerveux. Elle allait trouver, il lui fallait juste un peu de temps supplémentaire. "Je vous assure que non, que vous ne voudriez pas avoir vos testicules pourrir sur place." rétorqua-t-elle avec certitude. "Je dirai bien qu'il faut le voir pour y croire, mais je ne l'espère pas pour vous." Quoi que ça lui permettrait de tenir un peu plus tranquille, car les douleurs étaient insoutenables à la moindre mobilisation. Norah en avait déjà vu, des comme ça, et c'était pas joli à voir. La jeune femme regardait le verre d'eau valser de l'autre côté de la pièce. "Vous pourrez toujours m'en proposer un une fois que l'isolation sera levé, si vous y tenez." Elle ne dirait pas non. Toujours dans la provocation, Alfie ne se gênait définitivement pour jouer la pièce de la vulgarité autant que faire se peut. Au fond, ça amusait Norah. Au moins, il avait le mérite de ne pas manquer de ressources et que son système nerveux soit au taquet pour trouver de telles punchlines à placer quand il le fallait. "Non vraiment, c'est gentil de proposer, mais ça ira." dit-elle d'un air parfaitement poli. "Si vous parlez de votre sperme, je vous assure que mon mari à tout ce qu'il faut pour ça, je n'ai certainement pas besoin du vôtre et si vous songez à vos urines, vous avez toujours ce petit pot à remplir là, si l'envie vous en dit. A vous de voir." Norah n'était pas dans le forcing. Si le patient était en refus de soin, soit. Elle n'obligeait à rien. Les patients étaient adultes, grands et avaient toutes leurs dents et ils avaient connaissance des risques et des conséquences. Au-delà, elle ne pouvait rien faire pour eux et elle n'allait certainement pas leur faire la morale. Il y avait un réel rôle de prévention, certes, mais les materner, ô que non.  

La rancoeur avait la peau dure, et Maslow semblait particulièrement détester le collègue dont Norah avait pris la relève. Sinon il ne l'appellerait pas par ces petits surnoms purement affectueux. Persuadé que l'on se fichait de lui et que tout virait au jugement le concernant, Alfie pensait (à tort) que Norah faisait partie de la même mauvais graine. Elle ne rebondissait par sur ses propos, pas encore. Son avis était bien fixé vraisemblablement et répondre en lui assurant du contraire à ce moment précis aurait été contre-productif. Il ne l'aurait pas cru et il aurait certainement puisé dans ses paroles pour trouver de quoi répondre. Au lieu de ça, elle laissait complètement couler. L'avantage, c'est qu'avec ce masque, Norah n'avait même pas avoir à faire d'effort pour contrôler les expressions de son visage, quand bien même celui-ci restait neutre. Alors Norah cherchait d'autres pistes et optait donc se concentrer sur les raisons initiales de sa présence ici : son voyage au Mali. Contrairement à ce qu'il pouvait penser, non, elle ne se réinventait pas psychologue. C'était juste de la curiosité, tout simplement. Elle se demandait les motivations qui l'avaient poussé à y aller malgré les risques encourus. Norah en était admirative. Ce devait être viscéral, pour que la raison elle-même ne parvienne pas à le détourner de son objectif. Le brun se saisit d'un livre qu'il tâchait de son doigt ensanglanté. Elle ne disait rien, elle le regardait tourner en rond, pour finalement s'asseoir contre le mur. Il ne manquait pas une opportunité pour se faire du mal, d'une façon ou d'une autre. L'infirmière se demandait bien quelles étaient les raisons d'un comportement aussi auto-destructeur. Et même s'il était toujours dans la provocation, le fait que la brune ne rebondisse semblait fonctionner. Bien qu'il avait un discours émettant des avis bien tranchés sur la politique et la société actuelles, il en parlant et partageait son opinion, et ses motivations. Et ce, sans même que Norah ait eu besoin d'insister sur quoi que ce soit. Alors il s'expliquait en restant particulièrement critique sur le monde qui les entourait. Ce dont il ne se rendait absolument pas compte, c'était que, pendant tout ce temps, il était resté calme. Il n'avait pas cherché un objet tranchant pour sectionner ses veines, il ne saisissait plus d'objet qu'il voulait balancer sur un mur, il ne se martyrisait plus de quelque façon que ce soit. Non, il parlait. Certes, il était agacé, irrité que cette chieuse d'infirmière vienne l'embêter avec ses questions stupides. Mais même s'il pensait ça stupide, il restait calme. Et il n'y avait de l'agitation plus que dans les mots qu'il prononçait, de l'énervement au niveau de son regard ou de ses sourcils froncés. S'il y avait bien quelque chose qui n'avait pas changé, c'était qu'il restait persuadé que Norah le jugeait énormément pour avoir pris cette décision de partir au Mali et d'avoir pris autant de risques. Le pauvre le payait au prix fort et l'assumait du mieux qu'il le pouvait. "Grand bien vous fasse, que vous en ayez rien à faire, de ce que je pense." répondit-elle d'un ton similaire à celui qu'elle avait depuis le début de leur conversation. Elle le trouvait un tantinet drama queen. De toute évidence, il n'en savait rien de ce qu'elle pensait. Sinon, il aurait remarqué depuis le début que là où Norah avait disposé sa chaise était en-dessous de la caméra qu'il  y avait dans la chambre, étant ainsi hors-champ. "Et vous faites ce que vous voulez de votre vie, grand bien vous fasse." répliqua-t-elle. "Vous n'arrêtez pas de le dire vous-même, vous saviez ce que vous faisiez en choisissant de vous y rendre. Voilà, ça s'arrête là, il y a pas de débat." Pas pour elle, en tout cas. "Je respecte vos choix, je n'ai absolument aucune raison de me positionner sur ça." Norah supposait que reconnaître qu'elle avait un sentiment d'admiration pour son courage et son audace pour avoir braver les démarches pour s'y rendre et pour rester fidèle à ses convictions. Il ne la croirait certainement et recommencerait à mettre la chambre sans dessus-dessous (quoi que ses agitations ne gêneraient pas Norah outre mesure). Maslow, quant à lui, restait totalement dans le jugement. Celui-ci devait certainement être également contenu dans son métier, non ? Il s'agissait toujours d'un métier qui s'intéressait à l'humain, à sa société. Elle espérait pour lui que ses comptes rendus soient plus objectifs que les paroles qu'il échangeait avec l'infirmière. Celle-ci imposait un instant silencieux alors que lui se plongeait l'espace d'un instant dans ses songes. Et là, Norah avait une idée. Pas des plus fameuses et si ça se savait, la mise à pieds lui pendrait au nez, mais ça, à la limite, elle s'en fichait. La jeune femme décidait alors de retirer le masque avec la visière, permettant ainsi à Maslow de mettre enfin un visage sur l'un des soignants. Aussi pouvait-il constater qu'il n'y avait pas la moindre miette de jugement ou d'exaspération dans ce regard bleu qui n'hésitait pas à le fixer, à la douceur et la neutralité de son visage. "Allez-y, maintenant, redites-moi que je suis en train de vous juger et de me foutre de vous." Puisque c'est ce qu'il pense d'elle également. En revanche, lui la jugeait et se moquait bien d'elle sans se gêner. A elle de jouer un peu la carte de la provocation. "Et si vous me crachez au visage, vous aurez la chance de me supporter pendant les prochaines semaines, en plus. Vous devriez saisir l'opportunité, vraiment." S'ils restaient tenus à bonne distance de l'un l'autre, Norah ne risquait absolument rien. Aussi était-elle persuadée (oui, déjà) qu'il n'avait pas contracté la maladie, sinon il aurait déjà manifesté des symptômes. Pas un seul pic de fièvre, chacune de ses prises de sang ne montrait absolument aucun signe de syndrôme inflammatoire. On était encore loin des trois semaines syndicales, certes. "Je suis pas psy – mon Dieu, non, ça, jamais de la vie." dit-elle en haussement légèrement les sourcils. Elle adorait l'aspect relationnel de son métier, mais de là à analyser chaque mot et chaque soupir, très peu pour elle. Elle préférait un réel échange. C'était un partage d'opinions, d'avis, comme si un nouveau monde s'ouvrait à elle dès qu'elle avait le temps de discuter avec un nouveau patient. La plupart avait des histoires de vie qu'elle trouvait fascinante et Maslow n'en faisait pas exception. Qui sait ce qu'il avait traversé pour se forger un tel caractère, pour avoir renforcer de telles convictions. Il sortait du lot, celui-là. "J'ai plusieurs collègues qui sont partie pour une mission de quelques mois l'année dernière en Guinée pour apporter leur aide à la population là-bas, par le biais de Médecins Sans Frontières. Ils ont eu droit au même traitement que vous quand ils sont revenus." Et c'était toujours étrange de s'occuper de personnes qui étaient des collègues. Mais tout s'était passé sans encombre. "Je pouvais pas y aller, il paraît qu'être enceinte jusqu'aux yeux n'est pas préconisé pour aller exercer  là-bas." ironisa-t-elle. Et pas sûre que Frank aurait approuvé de voir sa dulcinée se mettre ainsi en danger. Norah ne lui en avait pas parlé parce qu'elle savait très bien que ce débat ne se serait pas bien fini  (quoi que), mais l'idée d'aller faire de l'humanitaire lui avait traversé l'esprit plus d'une fois. Mais l'appel du service de réanimation était trop fort et elle s'occupait de personnes d'une autre manière que Maslow, mais pas moins nécessaire. Mais jamais Norah ne se permettait-il de juger ses patients. Ce n'était pas à elle de leur faire la moral, et ça n'avait rien de bénéfique qu'elle donne son avis à tour de bras. Elle ne le donnait que s'ils le lui demandaient. "C'est la première fois que j'entends quelqu'un résumer le métier d'infirmières comme étant de gérer les conséquences des agissements des autres, mais ça résume plutôt bien." admit-elle. Car c'était en très grande partie vrai, dans le fond. Mais à ces paroles, Norah fit un constat pragmatique que son patient n'avait absolument aucune considération pour son corps de métier. A moins que c'était sa prise en charge qui lui faisait porter cet avis si négatif, mais la brune était fière du métier qu'elle exerçait pour ne pas le défendre un tant soit peu. "...Sauf pour ceux qui débarquent pour un cancer et qui n'ont jamais rien demandé à personne, par exemple. Ou pour toutes ces autres maladies qui surgissent et que l'on ne peut pas vraiment prévenir." dit-elle afin de compléter sa phrase. "A ce que je sache, même s'il y a des facteurs favorisants sur lesquels ils ne peuvent rien faire, et d'autres, si, ce n'est pas nécessairement par leurs agissements qu'ils se chopent cette saleté." Certaines personnes pouvaient ne jamais avoir fumé de leur vie, sans jamais toucher une bouteille d'alcool, ou été en contact avec des produis potentiellement dangereux qu'ils peuvent se découvrir un cancer métastatiques à la trentaine. Il y avait ces petits de deux ans qui ne demandaient rien à personne, qui étaient encore plein d'innocence, à qui l'on diagnostiquait des cancers qu'ils espéraient rayer de leur vie à coup de chimiothérapie et de radiothérapie. Mais qu'il continue à être aussi critique et dans le jugement, ça ne gênait pas la jeune femme. Pourquoi ? Parce depuis le début de cette conversation, même si ça ne faisait que quelques minutes, il avait arrêté de faire les quatre cents pas dans la chambre à trouver quelle bêtise faire par la suite. Parce qu'au fond, Norah avait déjà trouvé une idée pour l'occuper, mais tant que la carte de la discussion fonctionnait toujours, aussi virulent pouvait-il être par moment  (et pourtant, elle trouvait la conversation plaisante, allez savoir pourquoi), elle allait poursuivre dans cette voie-là. Il n'allait pas se débarrasser d'elle si facilement.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyDim 27 Oct 2019 - 16:15

Parmi la multitude d’adjectifs qui permet de décrire le caractère de l’anthropologue, l’ambivalence se place en tête de liste, suivie de près par un égoïsme certain et une bienveillance sincère, de quoi renforcer le premier terme. Son comportement depuis son arrivée entre ces murs ne fait pas exception à cela ; et si on pourrait croire qu’Alfie soit capable d’indulgence avec la profession des autres compte tenu de la sienne, il n’est pas capable d’un tel recul car son égoïsme se rappelle à lui dans ce contexte : il est confronté à des professionnels qui ont signé en toute connaissance de cause quant à la possibilité de se retrouver confronté à des patients insupportables, et il ne compte pas moduler son comportement et étouffer son ressenti quant à la situation pour leur faire plaisir. Loin de nier son ingratitude, Alfie l’a très souvent prônée et utilisée à son avantage pour contrer les attaques des autres ; il ne compte plus le nombre de fois où il s’est autoproclamé « fils ingrat » pour ne pas l’entendre de ses parents, ou qu’il se présente comme un « petit ami de merde » pour qu’aucune attente ne pèse sur ses épaules. Là où beaucoup verraient d'un mauvais œil cette prédisposition à se faire passer avant les autres, Alfie ne comprend pas pourquoi cela est trop souvent perçu comme un défaut : c’est la société qui a fait d’eux des êtres individuels et compétitifs, elle ne peut se plaindre de voir les gens se réaliser à son image. C’est peut-être parce qu’il a passé une partie de son enfance à s’enfermer dans des cases choisies pour lui, à « penser aux autres avant lui-même » que le brun a tiré un trait définitif sur cette complaisance qu’on a trop longtemps exigée de lui ; s’il a perçu le bonheur des autres à satisfaire leur désir, il a surtout ressenti une grande souffrance – et pas de celles qu’il accepte volontairement de s’infliger. Trop bruyant, trop turbulent, trop rêveur, trop créatif, trop, ses parents n’ont eu de cesse de l’accuser de leur malheur ; et si plus jeune Alfie a fait preuve de docilité à se contenir d’être lui-même pour leur plaisir, il a très vite compris que ce n’était pas une solution saine et que ses parents eux-mêmes ne l’étaient pas pour lui imposer cela. Le conformisme dans lequel il a tenté de se fondre pour eux à donner lieu au plus grand de leur malheur ; et ce fils qu’il a fallu soigner de ses addictions tout en acceptant qu’il ne serait jamais parfait a définitivement fracturé leur relation, qui aurait pourtant pu être renforcée par leurs caractères si différents, mais complémentaires. Ils ne lui ont jamais laissé sa chance, ainsi Alfie a décidé de ne pas en laisser aux autres de le contrôler ; il est indépendant, il est égoïste, il est ambitieux à en être prêt à écraser les autres, et il n’a jamais été plus heureux qu’en pensant à lui plutôt qu’à ceux-ci.

C’est pour cette raison que le choix de sa profession peut surprendre ; mais il est question de lui avant des autres : c’est le métier qu’il a rêvé d’exercer, c’est le métier dans lequel il s’épanouit, c’est le métier où il peut agir pour les autres et non l’inverse. Et c’est parce qu’il y trouve autant son compte qu’il arrive à se mettre en retrait pour le bien-être des autres ; aussi paradoxal que cela soit. Il n’a aucune difficulté à faire passer les autres avant lui, si auparavant il est parvenu à se faire passer avant les autres. C’est d’une logique évidente dans sa tête, mais il se perd à expliquer sa manière de voir les choses aux autres – raison pour laquelle il abandonne le plus souvent. Exactement comme il abandonne l’idée de faire preuve de gentillesse envers le personnel de cet hôpital, car il s’agit de leur travail de le gérer ; et que ce n’est pas le sien de se montrer conciliant pour leur faciliter la tâche. Cela ne lui a pas traversé l’esprit tant cela lui semble impensable ; il vit suffisamment mal la situation pour ne pas s’ajouter des difficultés supplémentaires parce qu’il se doit d’être un parfait patient. Tenter de se calmer ne le ferait que souffrir d’autant plus, et mettrait encore plus à mal son psychisme : s’il les cherche toujours autant, Alfie commence à effleurer ses limites et à comprendre quand il se doit de préserver celles-ci (même si d’ordinaire, il tente plutôt de constamment outrepasser celles-ci). Ainsi, il ne compte pas ranger son agressivité si cela lui permet de vivre mieux la situation, et cela se traduit par la manière dont il accueille « l’autre con » qui n’est en réalité pas ce dernier. « Et vous n’avez encore rien vu. » Qu’il s’amuse en haussant les épaules avec son sourire d’imbécile sur les lèvres. Certes, il s'emmerde comme un rat mort entre ces murs, et les occupations lui font cruellement défaut, mais la créativité d’Alfie n’a pas de limite ; à l’inverse des conventions sociales qui l’obligent à ne pas se laisser aller autant qu’il le souhaite – même si dès le moment où il s’est masturbé devant la caméra pour remplir leur pot et les emmerder, il peut se permettre tout le reste. « Challenge accepted, j’ai hâte de voir ce que vous allez me réserver, mais ça a intérêt à être à la hauteur. » Un air de défi sur le visage, il accentue sa proposition en penchant légèrement la tête sans la quitter du regard – ou du moins, de ce qu’il aperçoit comme étant son regard. Et lorsque ses parties intimes redeviennent le cœur du sujet, Alfie se surprend à souhaiter cette gangrène même s’il s’agit d’une mauvaise idée, a priori. « Qu’est-ce que vous en savez ? J’ai peut-être un fétichisme pour les trucs glauques, et c’est mon kif' ultime de les ramasser à la cuillère. » Il rétorque en haussant les épaules d’un air blasé. « Et j’espère carrément pour moi que je vais pouvoir ‘’le voir pour le croire’’. » Oui, car si on peut effectivement douter de sa sincérité quand il est question de ramasser ses parties à la petite cuillère, il ne serait pas contre un exemple imagé pour satisfaire sa curiosité personnelle. Bizarre ? Probablement, pour autant il est sérieux et il ne manquera pas de faire une recherche Google dès qu’il aura un ordinateur à portée. « Sans vouloir vous vexer, dès que l’isolation est levée, je me barre d’ici sans jamais me retourner. » C’est l’idée, même si au fond il a conscience qu’il retrouvera tôt ou tard – et plus tôt que tard – les murs de cet hôpital, pour une blessure quelconque ou une autre sérieuse mise en danger de sa vie, parce qu’il semblerait qu’il ne puisse pas se passer de cette dose d’adrénaline que le danger lui procure. « Comme vous voulez, mais vous passez à côté d’une opportunité en or ; je suis persuadé que votre mari ne peut pas se vanter de voir son sperme passé à la loupe comme si c'était la huitième merveille du monde. » Il rétorque, et son sourire de connard qui ne fait que s’accentuer sur ses lèvres. Quant à ses urines, l’anthropologue se contente d’observer un court instant le flacon mentionné par l’infirmière, avant de revenir sur la silhouette de cette dernière et de secouer la tête de gauche à droite avec un nouveau haussement d’épaules ; l’envie ne lui dit pas, et il serait bien capable de se retenir à s’en faire exploser la vessie plutôt que de leur apporter cette satisfaction.

Faisant les cent pas dans la pièce par nécessité de bouger sans même s’en rendre compte, Alfie finit par s’arrêter et fusiller du regard cette femme lorsqu’elle évoque le bien dénommé « autre con », et l’amour réciproque qui unit celui-ci et son patient. Ses yeux roulent vers le ciel, tandis que l’incompréhension menace de le faire devenir plus agressif qu’il ne l’est déjà ; que cherche-t-elle, au juste ? S’il s’agit d’une manière de se foutre de sa gueule pour se venger de son comportement, il serait temps que toute l'équipe révise leur Serment d’Hippocrate, et qu’elle prenne conscience qu’abattre pareille foudre sur un patient plus perturbé par la situation que véritablement malveillant relève d’une sérieuse remise en question de leur éthique. La transition entre le sarcasme en évoquant sa relation avec son collègue puis les raisons qui l’ont poussé à se rendre au Mali ne manque pas d’interroger Alfie qui, dans un premier temps, ne daigne pas concéder de réponse. Il n’a aucune envie de gaspiller sa salive pour quelqu’un qui ne se contente pas d’être provocateur – mais surtout moqueur. Car depuis qu’il est arrivé entre ces murs, il n’a cessé d’entendre le même discours et les mêmes réflexions quant à son irresponsabilité qui, à ses yeux, est loin d’en être une. Pas uniquement de l’autre con et de ses collègues, mais aussi de ses propres parents, et certains de ses amis qu’il a pu avoir au téléphone. Ces situations ne font qu’accentuer l’agacement d’un Alfie qui doit sans-cesse justifier son métier, alors que celui-ci lui paraît tellement plus nécessaire qu’une assistante paroissiale (comme sa mère) ou qu’un comptable (comme certains de ses amis). D’aussi loin qu’il s’en souvienne, sa passion a souvent été considéré comme un caprice, une passade, une énième idée folle dont il se lassera. Le problème, c’est qu’il ne s’est jamais lassé et qu’il peine à le faire comprendre, quand bien même il a obtenu un doctorat et met tout en œuvre pour s’épanouir dans ce domaine. Alors aussi passionné soit-il de son travail, il peine encore à penser qu’on s’y intéresse par simple curiosité et non par besoin de juger, voire critiquer, celui-ci. Parce qu’il n’a jamais été doué pour jouer au roi du silence et qu’il s’agace de cette présence qui s’impose ; Alfie cède, et formule une réponse qui traduit de son agacement ; et pas uniquement quant à cette situation spécifique. Il ne supporte pas cet enfermement, mais au-delà de cela, il ne supporte pas l’hypocrisie de la société dans laquelle il vit et dans laquelle il n’a jamais trouvé le moindre repère, quand bien même il persiste à essayer. Comme à chaque fois qu’il revient dans sa ville natale, à essayer de reprendre le cours d’une vie dans laquelle il ne s’épanouit pas ; il n’est pas de ceux qui arrivent à se satisfaire d’une telle sédentarité, de telles habitudes, d’un quotidien aussi sécurisant que lambda. Alfie ne se sent jamais aussi mal à l’aise que lorsqu’il repose le pied sur le sol australien, et s’il n’avait pas des obligations ici, cela ferait bien longtemps qu’il ne se serait pas donné la peine de revenir ; il n’a aucune difficulté à couper les liens qui peuvent l’unir aux autres pour satisfaire son propre bonheur. Grand bien vous fasse. Le brun soupire et lève une nouvelle fois les yeux au ciel ; quel est l’intérêt de lui poser ces questions si c’est pour se montrer aussi désintéressée par la suite ? Il ne la comprend pas, et cela ne fait que renforcer son sentiment de ne pas supporter de vivre dans un monde avec des gens comme elle ; avec cette sensation d’un intérêt constamment feint pour cocher la case « bienveillance » dans la liste de ses fausses qualités.

Préférant ignorer la jeune femme, il se cale à nouveau contre le mur et repose son regard sur son livre, s’en fichant bien au final qu’elle respecte ou non ses choix, elle le dit elle-même : elle n’a aucune raison de se positionner sur ça. Ce n’est que lorsqu’elle reprend la parole qu’il relève les yeux et qu’il se mord la lèvre, fronce les sourcils et expire bruyamment ; il fulmine. « Non mais vous êtes stupide ? » Qu’il demande, rhétorique, en balançant le livre dans un coin de la pièce et se relevant, s’empêchant d’avancer et se calant une nouvelle fois contre le mur. Sa main frappe l’air d’agacement tandis qu’il lui adresse un regard noir. « Non, là, c’est moi qui vous juge, vous et vos deux neurones qui se battent en duel. » Est-ce qu’il est virulent ? Certainement. Est-ce purement gratuit ? Probablement. Est-ce que c’est justifié ? Assurément, car Alfie n’a jamais eu de filtre quand il s’agit de faire remarquer aux autres la stupidité de leurs actes, et un sérieux manque de réflexion de leur part, comme c’est présentement le cas pour Norah. « Croyez-moi, c’est pas l’envie qui manque. » Il rétorque avec une grimace agacée lorsqu’elle l’invite à lui cracher au visage. Et s’il était toujours disposé à plaisanter, il jouerait à nouveau la carte de la provocation en précisant qu’il le ferait avec plaisir, mais pas dans ce contexte. Seulement, Alfie est bien trop énervé pour tenter de détendre ses muscles, et s’il crache, c’est son venin. « Je vous assure que si votre comportement me porte préjudice, vous allez le regretter. Je me suis mis dans la merde tout seul, j’ai eu la décence de ne pas faire plonger quelqu’un avec moi, et il est hors de question que je paie les conséquences de votre… je sais même pas ce que vous essayez de faire, c’est pas de la provocation ou de la psychologie inversée, c’est juste complètement stupide ! » Il ponctue en élevant la voix, se retenant de ne pas s’approcher près de la jeune femme pour ne pas risquer plus que ce n’est déjà le cas, regrettant d’avoir déjà mis sa chambre sans dessus-dessous, l’obligeant ainsi à évacuer sa frustration en faisant s’abattre son poing contre le mur. « Tant mieux, vous seriez à chier. » Qu’il soupire lorsqu’elle précise ne pas être psychologue. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’en a pas la capacité, il le constate à présent alors que sa colère ne redescend pas. Il voudrait lui hurler dessus, lui prouver par A + B à quel point son comportement est déraisonnable. Parce qu’il s’y connait dans le domaine, Alfie, mais il n’implique jamais les autres ; contrairement à ce qu’elle vient de faire. Et ce n’est pas parce qu’il est persuadé de ne pas porter le virus que cela l’aide à se raisonner ; la période de quarantaine est la même, et les risques d’exposition aussi. Il ne compte peut-être pas lui cracher dessus, ni l’embrasser à pleine fougue, toujours est-il que son doigt – et maintenant ses phalanges puisqu’il est tout aussi con qu’elle – ponctuent ses gestes de gouttes de sang qui s’échouent au sol, et qu’il n’en faut probablement pas plus pour que la panique s’empare de la direction de cet hôpital. Elle ne semble pas prendre conscience du fait que c’est une peine de prison qui lui pend au nez si son comportement n’est pas celui du parfait petit patient, et il n’a aucune envie de payer pour son irresponsabilité. « Oh bah oui, tiens, on se demande pourquoi c’est pas encouragé de s’y rendre dans pareil état. » Qu’il s’exclame en longeant le mur et en agitant ses bras, le sarcasme qui s’entend dans le son de sa voix. Il n’a pas pour habitude d’insulter gratuitement les autres, Alfie, mais elle vient de dépasser l’autre con dans ses pensées. « Si vous voulez tant que ça un arrêt maladie ou un aller sans retour pour la tombe, dites-le carrément, ça peut s’arranger. » Qu’il poursuit sur le même ton en laissant échapper un soupir. Forçant un sourire qui s’accompagne d’un « hm, hm » désintéressé quant à ce qu’elle peut bien penser, Alfie ne daigne même plus accorder le moindre regard à Norah, attendant seulement avec impatience que quelqu’un de censé vienne la sortir de là. Et dire qu’ils me font chier, moi, avec leurs protocoles à la con. Il relève toutefois la tête lorsqu’elle évoque des patients cancéreux, et Alfie s’immobilise devant elle, bras croisés et un air de défi dans les yeux. « Oui, et ? Vous décidez de sortir la carte ‘’certains n’ont pas votre chance, vous devriez relativiser sur votre situation’’, dit-il avec une imitation foireuse de la voix de la jeune femme, et bien, désolé, ça ne fonctionne pas, parce que les situations ne sont pas comparables. » Et elle devrait le savoir, compte tenu de sa profession, que chaque patient s’approche d’une manière individuelle. « Dans la mienne, vous devez effectivement gérer les conséquences de mes actes, point barre. » Il ne voit même pas pourquoi ils ont cette discussion, ni ce qu’elle cherche à faire, et cela commence sérieusement à l’agacer. Alfie se sait impatient, imprévisible, et c’est pour cette raison qu’en sentant ainsi ses veines bouillonner, il tire une croix sur sa fierté et s’empare du flacon, se retournant pour faire dos à la jeune femme et remplissant celui-ci d’un échantillon d’urine. Il le repose sur la table à côté de lui, toujours à bonne distance de Norah et finit par longer le mur pour rejoindre son lit, permettant ainsi à la jeune femme d’accéder au pot sans être confrontée à lui. « Prenez votre cadeau et tirez-vous d’ici avant que je vous force à le faire. » Il s’énerve, tournant le dos à la jeune femme une fois couché sur son lit. « Et faites-vous plaisir pour tenir le même discours à d’autres patients, vous avez lu mon dossier, vous avez le choix de la situation que vous voulez utiliser pour les aider à relativiser sur la leur. » Il soupire en se recroquevillant sur lui-même, car s’il a recherché son addiction, ça n’a pas été le cas concernant son accident de voiture et la mort d’Amelia ; et que contrairement à ce qu’elle a l’air de penser, lui-aussi n’a rien demandé à personne.  
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyVen 1 Nov 2019 - 0:28

I'LL BE BESIDE YOU ON THAT DUSTY ROAD
i'm right behind you in the light of hope

La stérilité des hôpitaux n'était pas seulement due au fait des mesures d'hygiène à appliquer dès que l'on y mettait les pieds. La couleur des murs le rappelait aussi. Du blanc, juste du blanc. Synonyme de propreté dans l'esprit des personnes qui passaient par ici. Pour d'autres, cela n'était le reflet que d'un manque d'humanité pour un établissement qui devenait plus une entreprise devant faire de plus en plus de recettes chaque année qu'autre chose. Déjà que les patients qui y séjournaient n'étaient pas bien portant, ne voir que très peu de variations de couleurs en se promenant dans les couloirs ou en restant enfermés dans leur chambre ne les aidaient en rien à leur remonter le moral. Le plus difficile était pour ces personnes qui restaient enfermés dans une seule et unique pièce pendant des semaines entières. Qu'il s'agisse d'environnement pour les protéger eux ou protéger le reste de la population, cela ne pouvait qu'en devenir plus insupportable jour après jour. La situation d'Alfie n'avait rien d'enviable et c'était peut-être pour cela que l'infirmière présente dans la même pièce que lui faisait preuve d'indulgence et de compréhension à son égard. Il pouvait se déchaîner autant qu'il le voulait qu'elle ne lui dirait jamais d'arrêter. Il fallait qu'il l'extériorise bien quelque part et il ne pouvait aller nulle part ailleurs que dans la misérable pièce dans laquelle il était enfermé. Alors oui, il était imbuvable et particulièrement exécrable avec l'ensemble du personnel soignant. Il s'agissait là des seules personnes qu'il voyait au quotidienne, l'un des très rares liens qu'il avait avec le reste du monde. Les seules choses qui apparaissaient dans sa chambre chez qui il pouvait susciter une réaction face à son courroux. Ses insultes et sa langue bien pendue n'atteignaient pas Norah. "Il me tarde de voir ça." lui répondit-elle avec amusement. Elle ne doutait absolument pas de sa créativité. S'il en avait autant que de la répartie qu'il avait en discutant avec elle, l'infirmière se doutait qu'elle était bien loin d'être au bout de ses surprises. Elle ne se permettrait pas de le sous-estimer, loin de là. Norah avait pu noter qu'il ne manquait pas de culture et d'éducation. Certains de ses collègues mettaient ses qualités là en doute en vue de son comportement inadapté. Au contraire, la brune savait qu'il s'agissait là d'une forme d'intelligence. Maslow avait bien compris qu'il était enfermé là et qu'il pouvait y faire ce qu'il voulait que personne ne pourrait le renvoyer de l'hôpital. Ils étaient coincés avec lui et tout le monde se devait de se plier aux protocoles jusqu'à ce que la direction se réjouisse de pouvoir se débarrasser de lui. En revanche, Norah se doutait bien qu'il aurait certainement droit à une petite facture à domicile afin de rembourser le matériel endommagé. Ce devait être le cadet de ses soucis, certes, mais la somme s'annonçait non négligeable. "Sinon quoi ?" lui rétorqua-t-elle, amusée qu'il cherche à la mettre ainsi au défi. Norah avait quelques idées mais elle ne comptait pas les lui servir sur un plateau d'argent parce qu'il le demandait. Là, il restait largement contrôlable et comptait utiliser ses astuces pour un peu plus tard. Ils avaient l'après-midi devant eux, après tout. Pour le moment, sa virilité était devenu le sujet central de leur conversation et il semblerait que le Maslow serait bien curieux de voir comment c'était, de voir ses organes pourrir sur place. Surtout celui qui touchait le plus l'ego de l'homme. Sauf peut-être pour lui. Peut-être qu'il voulait avoir cette expérience pour se faire un avis pour la science. "Eh bien si vous y tenez, je ne peux que le souhaiter pour vous." Elle s'amusait à se demander quel soignant serait suffisant courageux pour venir lui faire les pansements : ce serait particulièrement folklorique. Mais au moins Alfie pourra ainsi connaître la douleur de ces plaies, la couleur, et surtout l'odeur. Il persévérait à la fixer avec son air à la fois provocateur et presque enragé. Et même si lui ne voyait rien, il pouvait peut-être deviner qu'elle ne quittait pas son regard non plus, et qu'elle n'en changerait rien si la visière n'était pas présente. "Et j'en serai pas vexée. Je comprends que l'on veuille déguerpir d'ici aussi vite que possible." C'était un avis plutôt unanime pour tous les patients. Que l'hospitalisation soit compliquée ou non, qu'ils soient conciliants ou insupportables, tous se réjouissaient de quitter l'hôpital. Sauf quelques exceptions près qui aimaient prolonger leur séjour pour des raisons qui revenaient régulièrement. "Je vous laisse cette honneur. Je vais me contenter de la vivacité et de l'efficacité de celui de mon cher et tendre." Il pouvait être aussi insolent qu'il le voulait que Norah ne moufterait pas et qu'elle n'aura pas un ton plus haut que l'autre. "Si vous étiez ethnologue, je vous aurais bien dit que l'analyse de votre sperme reviendrait à une étude de populations et que du coup, ça pourrait potentiellement vous intéresser. Mais vous ne l'êtes pas alors je garde cette punch line pour une autre fois." Et, après tout, s'il n'était pas d'humeur à lui donner l'analyse d'urines que les médecins réclamer, Norah ne comptait pas la lui tenir et le forcer à s'y mettre. Tant pis pour les analyses,  ce n'était pas le problème de l'infirmière. Alfie semblait particulièrement perdre patience avec la présence de cette dernière. Il tournait en rond, cherchait une nouvelle bêtise à faire alors que son esprit fulminait tellement que l'on pourrait se demander quand est-ce qu'on allait voir de la fumée sortir de ses oreilles. Etre enfermé entre quatre murs comme il l'était était une forme de contention physique. Pour quelqu'un ayant autant besoin de se défouler que lui (vu le nombre de blessures et d'admissions aux urgences tracées dans son dossier, il en avait vraiment besoin), c'était difficile. Invivable même. C'était pour cela que Norah ne lui reprocherait jamais d'avoir mis la chambre sans dessus-dessous. La pièce aura droit à quelques rénovations quand il sortira de là, et ce n'était pas plus mal. Le patient pensait être un véritable rat de la laboratoire : enfermé dans une toute petite pièce, à passer la moindre de ses cellules sous le microscope dans l'attente de résultats pertinents et analysables. Norah n'était pas vraiment en accord avec la manière de faire et quand on grillait ainsi ses principes, elle retournait sa veste à sa propre façon. Laxiste quand elle le jugeait nécessaire, il lui arrivait d'enfreindre des règles qui en feraient des ulcères à plus d'un. Restant sur sa position purement tactique dans la chambre, elle avait donc retiré ce qui lui couvrait le visage, afin que Maslow puisse avoir quelques traits physique sur l'un de ces soignants sur qui il déversait son ire à longueur de journée. Si Frank savait tout ce qu'elle faisait, bien qu'il lui accordait une confiance inégalable, il se serait certainement manifesté vivement quant à sa stratégie pour établir une relation avec ses patients. Il avait toujours aimé la voir un peu intrépide, un peu en dehors des règles quand elle estimait que cela allait à l'encontre de certaines règles éthiques (on pourrait croire que c'est le comble en sachant qu'il était policier), mais il n'avait jamais aimé le fait qu'elle se mette en danger, de près ou de loin. Les agressions physiques devenaient presque monnaie courante dans les hôpitaux et même si elle ne se laissait pas impressionner – elle ne remercierait jamais assez les bagarres qu'elle avait pu avoir de temps en temps avec ses frères bien qu'elle finissait surtout par être l'arbitre durant ces jeux-là– et qu'elle n'était jamais revenu avec des hématomes conséquents, le manque de respect envers les soignants avaient tendance à lui taper sur le système. Norah s'en était étrangement accoutumée et avait également ses propres outils pour gérer la situation. Et si ça devenait trop compliqué, les agents de sécurité prenaient le relais mais jusque là, elle n'avait du faire appel à eux qu'une ou deux fois depuis le début de sa carrière. Toujours est-il que son époux pesterait à l'idée de savoir que Norah se risquait à retirer une partie de sa protection dans la chambre de son patient. Forcément, et comme elle pouvait s'y attendre, ce dernier réagissait au quart de tour bien comme il le fallait. La neutralité du visage de Norah était bien connue, sauf pour Alfie à cette époque, bien évidemment. Mais il allait vite comprendre qu'avec ou sans masque, elle ne changerait pas d'un pouce devant la virulence de ses propos. "Jugez-moi donc." dit-elle d'un air si simple que cela pouvait en être exaspérant. "Mais au moins, je pourrais me vanter d'en avoir, des neurones." Car ceux qui traînaient leur QI au négatif, c'était encore pire que de la stupidité. Comme Alfie se contentait de jouer la provocation, Norah s'était permise d'en faire de même juste pour voir comment il réagirait. Et contre toute attente, bien que sa répartir restait sèche et agressive, c'était à ce moment là qu'il mettait de côté un égoïsme qui prévalait sur tout le reste. Non pas qu'elle pensait que cela l'empêchait de réfléchir, mais il semblerait que Maslow soit en un tant soit peu soucieux de ne pas contaminer une personne qu'il détestait uniquement parce qu'elle portait une tunique de soignant. Bien qu'il ait conscience du risque de transmissions de miasmes et qu'il respectait une distance honorable, l'égoïsme du beau brun revenait au grand galop en espérant que le comportement de l'infirmière ne finisse par retomber sur lui à un moment donné. "A moins que vous ne cherchiez à me dénoncer, ce qui n'arrangerait en rien votre situation, personne ne saura que j'ai enlevé l'une de mes protections. Je sais pas si vous l'avez remarqué, mais je suis pile poil dans l'angle mort de la caméra." A moins qu'il ne veuille être un enfoiré jusqu'au bout et chercher à mettre à mal la carrière de la jeune femme. Elle saurait encaisser. Tout comme elle continuait à écouter avec attention tout ce que le patient avait besoin de dire sans que ça ne l'atteigne. A défaut de pouvoir cracher sur elle parce qu'il faisait preuve d'un semblant de bon sens, il préférait se faire du mal en frappant le mur avec son poing. Il fallait au moins admettre qu'il avait une très grande résistance à la douleur. "Je prendrai presque ça comme un compliment." dit-elle en esquissant un sourire alors qu'il aimait dire qu'elle serait nulle en tant que psychologue. Norah aimait être à l'écoute, laisser à ses patients un moyen de s'exprimer, mais les écouter à longueur de journée sans pouvoir leur secouer les puces deviendrait très frustrant pour elle à la longue. Alfie, de son côté, et inconsciemment, parvenait peu à peu à se contenir. Ca avait commencé par la simple fait que Norah se soit débarrassée de sa visière. Il avait réduit l'espace dans lequel il pouvait marcher, minimisait sa gestuelle. Même le ton de sa voix semblait se calmer au fur et à mesure de la conversation, bien que plus blasé qu'autre chose de l'attitude de l'infirmière. Celle-ci n'en avait rien à faire, de ce qu'il pensait, le tout était qu'il parvenait à se calmer, et c'était l'essentiel. Qu'il mette un peu ses nerfs en mode pause, même si ce n'était que pour quelques minutes. "J'ai jamais cherché à faire relativiser un patient quant à la raison de son hospitalisation. C'est moralisateur au possible. Qu'est-ce que ça me saoulerait qu'on me tienne ce genre de discours." Ne fais pas ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse. Un dicton dont Norah était un bon exemple. Tout comme, au fond, elle aurait apprécié de voir le visage des personnes qui prenaient soin d'elle. C'est pour ça surtout, qu'elle avait retiré le matériel supposé la protéger. "Je sais comment gérer les différentes situations avec les patients que je prends en charge." rétorqua-t-elle dans le plus grand calme. "Et dans tous les cas, je ne suis pas leur boniche. Et ça, ça compte pour vous aussi. Alors, vos "vous devez faire ci, ou être comme ça", gardez-les pour quelqu'un d'autre, certainement pas pour moi." Le plus déconcertant dans tout cela était bien le fait que Norah n'ait absolument pas changé le ton ni le volume de sa voix. "Je sais comment exercer mon métier, ce n'est pas vous qui allez me l'apprendre." Ni aucun autre patient, d'ailleurs. Impassible, l'infirmière le fixait sans gêne. Aussi, par là, elle voulait dire qu'elle savait également très bien ce qu'elle faisait avec lui. Sinon, il ne serait pas là à se montrer moins violent verbalement envers les autres et moins agressif envers lui-même. La brune était même surprise de le voir céder à accepter le prélèvement d'urines qu'on lui demandait de faire depuis quelques temps déjà. Il espérait la tranquillité ainsi. Et le voilà allongé dans le lit, au plus calme que Norah ne l'ait jamais vu ainsi depuis qu'elle avait fait sa rencontre. Recroquevillé sur son lit, c'était bien la première fois qu'il acceptait de montrer un tant soit peu de faiblesse et de vulnérabilité. Il devait s'épuiser, à force d'être aussi en colère envers un système qui le révoltait, de vouloir tout détruire dès qu'il réalisait qu'il était toujours enfermé dans la même pièce. Oui, Norah connaissait la plupart de ses antécédents. Certains se contentaient de le juger pour son passif, pas elle. Au fond, elle aurait bien aimé comprendre pourquoi il s'était tourné vers la drogue, quels avaient été les événements qui l'avaient mené à ce qu'il était désormais. "Je ne me le permettrai pas." souffla-t-elle. Suite à quoi elle laissait régner un moment de silence, où chacun pouvait profiter de cette accalmie qui n'était sûrement que temporaire. Mais malgré lui, il avait enfin accepté de montrer une faille, de prouver à la belle brune qu'il n'était pas seulement une enflure qui cherchait à mettre à bout la patience des soignants. On pouvait dire qu'il n'était pas parvenu à ses fins avec Norah. C'était à ce moment-là qu'elle estimait qu'il était temps de mettre en avant l'une des choses qu'elle avait prévu de faire pour l'occuper un peu. Parce que c'était ce dont il avait besoin, au fond. L'ennui pouvait être mortel, surtout dans son cas. Sans dire un moment, elle se levait tout en récupérant le prélèvement et remettant sa visière afin de quitter la chambre incognito. Le regard étonné de ses collègues quand elle leur transmettait le petit pot plein faisait sourire Norah. "Comment t'as fait ?" Norah se contentait d'hausser les épaules sans dire mot et de récupérer en passant le chariot d'urgence. "Ca va ?" "Oui oui, tout va bien, je veux juste essayer quelque chose." dit-elle sans donner davantage d'explication et de se changer à nouveau pour retourner dans la chambre. "Vous me mettiez au défi de trouver un moyen de vous occuper un peu." dit-elle en se mettant debout sur la chaise pour débrancher la caméra de la chambre. Histoire d'être tranquille. Enfin, elle se permettait de s'asseoir sur le bord de son lit, du côté où il lui tournait toujours le dos. "C'est le chariot d'urgence." expliqua-t-elle comme s'il s'agissait de la situation la plus normale qui soit. Elle allait rapidement voir si ça allait susciter l'intérêt d'Alfie ou pas. "Je pense que vous l'avez déjà aperçu en salle de déchocage durant l'un de vos passages aux urgences. On y trouve les traitements principaux administrés en situation d'urgence vitale, et aussi le matériel qu'on peut potentiellement utiliser." Norah brisait les scellés en plastique afin d'avoir accès aux tiroirs du chariot en question. "Histoire de protocoles, il doit être vérifié tous les mois. A chaque fois, on doit vérifier qu'il y ait bien le bon nombre de chaque matériel et de chaque produit et de s'assurer qu'ils n'aient pas dépasser la date de péremption." Adrénaline, morphine, cordarone, rivotril... Il y avait là une possibilité de faire un sacré cocktail de médicaments pour vriller en deux temps trois mouvements. Certains de ses collègues l'insulteraient de tous les noms s'ils savaient qu'elle laissait libre accès à ces médicaments à Alfie, comme ils l'avaient étiqueté comme étant un vulgaire toxico. L'infirmière Lindley était très loin d'être de cet avis. S'arrêter à de vulgaires clichés, aussi stupides que celui-ci, ce n'était jamais son genre. Elle était suffisamment curieuse et intéressée pour en connaître les raisons, les conséquences, les motivations. "Si ça vous dit, on peut faire ça ensemble. Et si jamais, j'ai quelques tiroirs à pharmacie qui mériteraient bien d'être vérifiés." Le fait de devoir tout désinfecter par la suite quand ce sera sorti de la chambre ou de trouver une alternative pour limiter le matériel à nettoyer, c'était son problème à elle et il n'avait pas à le savoir. Les collègues non plus d'ailleurs. Elle se débrouillerait déjà en temps voulu. Surtout qu'elle restait convaincue qu'il ne contractait pas le virus d'Ebola. Elle se concentrait sur ses intentions principales même si ça allait lui demander de prendre plusieurs dispositions pour faire ce qu'elle voulait. Elle avait deux objectifs. Le premier, et l'idée initiale, était de l'occuper et de ponctuer un peu plus sa journée. Qu'il fasse quelque chose de constructif durant ce temps qu'il essayait désespérément de tuer. Aussi pensait-elle établir une relation de confiance avec lui. Tout ce qu'elle espérait, c'était de rendre le temps moins pénible pour lui qu'il ne l'était déjà. C'était ça, le véritable sens de son métier.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyLun 11 Nov 2019 - 21:58

Certains y verraient un mécanisme de défense, d’autres une preuve évidente de mauvaise foi couplée à un manque de respect flagrant, mais la provocation dont use et abuse Alfie n’a pas d’autres vocations que celle d’être suffisamment divertissante pour l’aider à supporter ce confinement imposé. Et si dans sa tête il entend la voix de son père qui lui répète son « un mois, c’est rien à l’échelle d’une vie, Alfred » dicté lorsqu’il avait déjà été emmené de force entre les murs d’un hôpital à l’adolescence, ce n’est pas pour autant qu’il parvient à se raccrocher à cette phrase comme une vérité absolue qui le guiderait dans ce flou dans lequel il s’est volontairement plongé. Oh, il ne regrette pas, Alfie, mais les conséquences de ces actes lui reviennent en pleine figure lorsque, pour la première fois, il prend conscience d’une chose : il n’a absolument aucune idée quant à l’issue de cette situation, lui qui tend toujours à songer aux dizaines de scénarios, des plus crédibles aux plus farfelus, qui viendraient ponctuer ses décisions et actions. Ce n’est pas qu’il a besoin de se rassurer en ayant un parfait contrôle sur les événements, ni qu’il a besoin de faire des plans sur la comète ; il s’agit simplement d’une méthode qui l’aide à réfléchir et à axer sa concentration sur les éléments qui exigent cette dernière qui tend trop souvent à se faire la belle. La concentration et Alfie ont toujours été deux mots difficiles à associer, jusqu’à ce qu’il trouve des astuces pour la garantir et lui permettre d’avancer dans une vie où ne pas faire preuve d’attention que ce soit envers lui ou les autres équivaut à nager à contre-courant. C’est terriblement épuisant, c’est ce qu’il a tenté de faire pendant longtemps et qui l’a amené à subir des conséquences auxquelles il n’aurait jamais pensé. Alors, il a tenté d’apprendre à nager, quitte à se noyer parmi la masse – mais c’est pas grave, il y des avantages, il paraît. Faire des listes d’absolument tout n’est pas seulement une occupation quelconque, c’est une vraie nécessité à son bien-être. Ça l’apaise, ça l’aide à recentrer ses pensées, ça l’aide à s’investir auprès des autres. Ça l’aide à ne pas penser à tout le reste, surtout. Aux raisons de son hospitalisation, à la crainte d’un diagnostic irréversible qui demeure présente malgré toute l’assurance qu’il montre et tous les discours contraires pour s’en convaincre. Il aurait déjà présenté des symptômes. Il aurait déjà eu de la fièvre. Son état aurait dû se dégrader. Il n'a pas été en contact direct avec la maladie. Il a pris ses précautions malgré tout. Il a eu la présence d’esprit de faire attention. Il a suivi les protocoles même si ça l’emmerdait. Si quelque chose était anormal, il prévenait tout de suite l’encadrement. Alfie liste, poursuit, veut réduire au silence cette petite boule de nervosité qui s’empare de son estomac et qui prend le chemin de ses pensées. Mais il n’y parvient pas, et ce sont aussi ses bras et sa nuque qui se couvrent de frissons, tandis que des taches blanches viennent brouiller sa vision. Il se sent dériver vers une réalité qu’il n’est pas prêt d’accepter, et à ce moment-là peut-être pourrait-on parler de mécanisme de défense alors qu’il s’attaque sans aucun scrupule à cette soignante dont le seul tort est de faire son travail – un travail qu’Alfie respecte contrairement à ce que l’on pourrait croire. Mais à cet instant, il ne pense à rien d’autre que son propre contentement, peu importe si cela nécessite d’écraser celui de l’infirmière au passage. Il est son patient ; c’est sa satisfaction et son bien-être qui priment, il a bien retenu la leçon. Alors il ne se fait pas prier pour laisser sa créativité à outrance – autant qu’il le peut compte tenu du contexte qui brime inévitablement celle-ci. Un air entendu sur le visage alors que Norah s’impatiente de voir cela confirme qu’elle n’est pas au bout de ses surprises ; et que ce serait le sous-estimer que de penser que l’enfermement et le peu de matériel à sa disposition est susceptible de l’arrêter. Certes, à cet instant précis il est bien incapable de trouver une idée, mais ses pensées s’attèlent déjà à la réflexion : peut-être qu’il saurait allumer un feu avec les restes de carton de son assiette et les médicaments qu’on lui fournit, peut-être qu’il pourrait relier cette caméra à l’écran de la télévision et s’observer lui-aussi comme la bête de foire qu’il est, peut-être qu’il pourrait transformer ce lit en fauteuil cosy et se donner ainsi l’impression d’avoir vécu un déménagement et de repartir de zéro dans son malheur. « Sinon je me ferai un plaisir de pousser cet hôpital et l’un de ses employés à la faute professionnelle. » Qu’il balance avec un sourire provocateur, mais toutefois sincère lorsqu’elle le met au défi. Il apprécie les challenges et pendant un instant, il l’apprécie, elle, aussi. Il se serait attendu à ce qu’elle lève les yeux au ciel, laisse échapper un soupir ou tout du moins, ne rebondisse pas sur sa menace comme l’aurait fait l’autre con. Mais elle le rejoint dans sa manière de faire et ça l’amuse, même s’il est sincère dans sa menace. « Et vous savez que j’en suis capable. » Il ponctue avec un haussement d’épaules. Pas sûr que ça l’atteigne elle directement qu’il se donne pour nouvel objectif de détruire la réputation de cet hôpital parce qu’il aura été déçu de ses fausses promesses, toujours est-il que s’il le voulait, il est persuadé d’y arriver (principalement parce qu’il se fiche bien des conséquences que cela peut avoir sur lui). Mais à ses yeux, c’est une occupation comme une autre, un défi particulièrement intéressant dont il serait probablement fier d’avoir pu mener à exécution, peu importe le fait d’écoper de la réputation de connard de service au passage. « Merci pour votre sollicitude. » Il rétorque par la suite avec un sourire forcé alors qu’elle lui souhaite effectivement que ses testicules pourrissent sur place – il ne peut pas lui en vouloir, il est le premier à avoir formulé le souhait. Curiosité purement scientifique, même s’il est vrai qu’à choisir, il préférerait voir la chose sur quelqu’un d’autre. Ce qui est certain toutefois, c’est qu’il veut le voir : rien d’étonnant là-dedans compte tenu du fait que les passions d’Alfie ont toujours été… différentes, et que déjà plus jeune il était plus intéressé à l’idée de disséquer un wombat retrouvé sur le bord de la route que de faire partie du club de rugby du quartier (même s’il adore ce sport). Ce qu’il n’adore pas, par contre, c’est la perspective qu’elle lui propose en soumettant l’idée de l’inviter à boire un verre une fois qu’il sera sorti d’ici. Ce qui est sûr, c’est qu’une fois sorti d’ici il ne se donnera pas la peine de regarder en arrière et comptera bien oublier son séjour entre ces murs autant que ceux qui ont animé celui-ci. À la rigueur, il aurait pu faire une exception pour lui proposer de voir ce que son engin peut produire de plus près, mais de ce côté-là, c’est elle qui ne semble pas être d’accord. « Comme vous voulez, l’offre est rétroactive au besoin. » Il assure alors avant de hausser les épaules à la suite de ses réflexions. « Vous savez, l’ethnologie est l’étude des peuples alors que l’anthropologie touche à l’être humain dans tous ses aspects. On peut voir la chose comme une sous-branche, et par conséquent, vous pouvez me balancer votre super punchline si ça vous fait plaisir. » Est-ce qu’il est surpris que l’image que renvoie son métier soit encore une fois faussée et mal interprétée ? Non. Est-ce qu’il s’en offusque ? Pas autant qu’il le devrait, puisqu’il doit reconnaitre qu’il aurait pu sourire à sa remarque s’il était dans de meilleurs dispositions. « Mais vous en faites pas, j’ai un intérêt tout particulier pour la question. » Il assure en affichant son sourire d’imbécile sur les lèvres. Ils ont déjà pu le constater au travers des caméras, inutile de revenir là-dessus.

Il en oublie peu-à-peu la présence de l’infirmière alors qu’il fait les cent pas dans la pièce et qu’il tente de se calmer en se postant contre un mur avec un livre entre les mains : il a de quoi être agacé et cela commence être compliqué pour lui de gérer toutes ces émotions qui l’assènent en même temps. D’ordinaire, il aurait été courir jusqu’à s’épuiser, il aurait franchi le seuil d’un bar à la recherche d’une silhouette suffisamment intéressante pour lui changer les idées une nuit entière durant, il aurait exigé de Rachel qu’elle garde un œil sur Odie le temps d’un week-end où il aurait filé à l’autre bout de l’état pour se perdre en pleine nature. Mais il ne peut pas s’échapper d’entre ses lèvres, et le constat n’est toujours pas accepté, même après une semaine de confinement. Ce n'est pas tant le fait d’en avoir trois autres derrière celle-ci qui l’agace, c’est surtout le fait de ne pas avoir reçu d’autorisation de sortie après ces premiers jours : car peu importe les règles, dès le moment où il ne présente aucun symptôme, celles-ci devraient être assouplies, pas vrai ? Alors pourquoi cela n’est pas le cas ? Il s’interroge, Alfie, entre deux regards noirs adressés à la jeune femme dont le ton et l’intérêt lui semblent factices. Bientôt, c’est son geste qui manque de rendre fou l’anthropologue alors qu’elle retire son masque. Et à cet instant-là, il jure, il pourrait réduire la distance entre eux pour éclater sa tête contre son mur (et il s’en sent capable, ce qui est probablement le pire dans tout cela). À défaut, il se contente de se relever rapidement après avoir envoyé balader le livre dans un coin de la pièce. Mais il lutte, ancre ses pieds dans le sol : le choc d’un tel geste ne lui permet pas d’avoir la moindre réaction dans l’immédiat et c’est tant mieux pour l’infirmière. Mais sa catalepsie ne l’empêche pas de bouillonner et, il est vrai, de la traiter de tous les noms dans son esprit. Il s’en fiche bien de savoir à quoi elle ressemble (même si elle est plutôt jolie), de la couleur de ses yeux ou de la neutralité qu’elle affiche effectivement sur le visage : elle est incroyablement stupide, et il ne se gêne pas pour lui le faire remarquer lorsqu’il parvient à reprendre ses esprits. Il doit serrer les poings à s’en faire mal au paume pour ne pas laisser exploser sa colère qui ne demande pourtant que cela ; et si d’ordinaire il essaie de se rationaliser en se disant que les autres ne méritent pas forcément un tel déferlement de rage, dans son cas précis il n’arrive pas à lui trouver d’excuses. Elle est stupide et le mot est faible. À quel moment s’est-elle dit qu’il s’agissait d’un acte intelligent ? « Oh, je dois y voir un message, aussi ? Genre, vous joignez l’acte à la parole histoire de faire d’une pierre deux coups ? » C’est-à-dire, d’accentuer toujours plus cette envie de lui en coller une. Et pour le coup, il s’en fiche bien qu’elle soit une femme, dans sa tête Alfie estime que la violence n’est certes pas (toujours) une solution, mais il ne fait pas de différence : un connard peut prendre n’importe quel genre, et le genre féminin à cet instant. Il ne sait pas s’il doit effectivement interpréter ses propos comme une attaque verbale après ce qu’il voit comme une attaque physique, toujours est-il que dans un cas comme dans l’autre, il ne parvient pas à calmer sa colère. « Ah ouais, génial, deux neurones, grosse victoire, vous passez juste pour l’idiote du village alors qu’au moins, si vous en aviez aucun, on pourrait presque vous prendre en pitié et excuser votre connerie. » Ce qui n’est, à cet instant, pas le cas. Non, elle est juste stupide, effroyablement stupide et Alfie se répète mentalement le terme « prison » en boucle pour justifier de conserver sa position à l’autre bout de la pièce. Il ne supporte pas un mois d’isolement, il ne supporterait pas des mois de prison. Et lorsqu’elle finit par justifier son geste, Alfie roule des yeux : elle se croit vraiment si intelligente ? « Bien, je suppose alors qu’il n’y a pas non plus de micro, sans quoi vous ne seriez pas seulement stupide, mais juste conne, en fait. » Devrait-il se calmer ? Oui, probablement. Compte-t-il le faire ? Absolument pas. « Et voyez, si je vous dénonce, je prends l’avantage en anticipant. Ce serait pas un mal, ne serait-ce que pour la sécurité de vos patients vu que visiblement vous en avez rien à foutre de la vôtre ou celle de votre enfant. » Vu qu’elle l’a mentionné plus tôt. « Et bien-sûr si tout à coup vous tombez malade, on va pas du tout se demander comment cela se fait après m’avoir côtoyé, oh dis donc, quel plan fantastique de bout en bout. » Il soupir en levant une nouvelle fois les yeux au ciel. « Un masque. Un putain de masque. Je dois rester enfermé pendant un mois, et vous devez juste garder un putain de masque sur le visage pendant vingt minutes et vous en êtes pas capable. » Et une nouvelle fois, il a une furieuse envie de réduire la distance entre eux pour venir lui en coller une. Quelle idiote. La prison, la prison, la prison, la prison, la prison (…), la prison. Alfie tente de fermer les yeux un bref instant, comme si cela suffisait à oublier que cette infirmière existe, à ôter l’image de son visage aux airs satisfait qui le nargue, et de ne plus entendre ce ton neutre foutrement agaçant parce qu’elle est aussi molle que sa grande tante le soir de Noël après deux verres. Et il s’en fiche bien qu’elle prenne sa réflexion sur ses capacités en psychologie comme un compliment ; de toute manière ce n’est pas un domaine dans lequel elle aurait pu exercer et même la voie dans laquelle elle s’est lancée semble ne pas lui convenir : QUELLE IDIOTE. Il a envie de lui faire ravaler son sourire, de l’attraper par le bras pour l’expulser hors de cette pièce, d’appeler la directrice pour qu’elle s’occupe de son infirmière à la conscience professionnelle inexistante. Mais il ne bouge pas, cherche à calmer les battements de son cœur qui s’est affolé sous le coup de la colère, et à respirer bruyamment pour aider à cela. Et pour ne rien aider, voilà qu’elle décide de l’apitoyer en évoquant les petits enfants malades. « Très bien, alors mettez-vous à ma place maintenant, et imaginez un peu à quel point vos discours me saoulent. » Il souligne avec un sourire forcé sur les lèvres, ne feignant pas une sympathie qu’il n’a pas pour elle. « Oh oui, vous êtes vraiment l’employée du mois, c’est flagrant. » Elle fait exprès. Dites-moi qu’elle fait exprès, que c’est une caméra cachée et que la plaisanterie touche à sa fin. Mais non, rien, nada, si ce n’est une reprise de paroles qui le rend vraiment dingue, au bout où ses mains viennent s’abattre contre sa tête alors qu’il lève une nouvelle fois les yeux au ciel et pousse un grognement exaspéré. « Mais je m’en contrecarre le fion de votre métier, j’ai aucune prétention de vous l’apprendre, je vous parle de MESURES DE SECURITE, bordel, imprégnez-le dans votre crâne au lieu de jouer à la plus maligne seulement parce que vous voulez gagner le concours de qui à la plus grosse avec vos collègues. Félicitations, vous avez battu l’autre con, vous avez prouvé que vous en aviez là-dedans, ouais, trop cool d’enlever son masque et d’aller à l’encontre des directives d’état, youhou, vous avez imposé le respect et effectué votre mission à mon détriment, maintenant, cassez-vous. » Son ton s’élève et peut-être même qu’il finit par lui hurler dessus alors que ses mains frappent l’air à mesure qu’il parle. « Oh, oops, du coup, j’entre dans la catégorie de gens qui vous prennent pour une boniche en donnant des directives. Pardon, encore une fois, désolé de me soucier de questions de sécurité plus que ce propre hôpital n’est capable de le faire, vraiment, quel con je fais. » Il pose sa main sur son cœur et affiche un sourire forcé dans un geste théâtral d’excuses.

Et il finit par craquer ; pour une fois, il est capable de mettre sa fierté de côté, et de capituler : il lui offre son échantillon d’urine avant de reprendre place dans son lit. Il espère naïvement que la fatigue de s’être autant énervé parviendra à lui faire trouver le sommeil, mais la réalité est qu’il n’en sera pas capable : il est beaucoup trop en colère contre elle et a furieusement envie de se défouler. Problème : il n’a plus rien à casser ni à jeter, et le seul moyen de se calmer réside dans le fait d’abattre continuellement son poing sur ce mur, faisant jaillir un sang qui n’est pas le bienvenu aujourd’hui. Et ça le fatigue, de lutter contre ses envies. Contre celle qui lui dicte d’agresser la jeune femme, celle qui lui dicte de s’agresser plutôt lui-même, et c’est épuisant. Oui, c’est épuisant, et il ne sait pas quoi faire pour lutter contre cela. Elle a gagné, bien-sûr qu’elle a gagné haut la main dans ce petit concours dans lequel ils se sont lancés, et qu’il avait même eu avec son collègue : ils ont pris le dessus sur lui, ils ont eu raison de lui. Si le but était de faire de lui un petit être docile pour que plus jamais il ne se comporte de telle façon, c’est réussi, parce qu’il est épuisé à l’idée de lutter contre cette violence qui coule dans ses veines et qu’il ne peut pas laisser exprimer. Alors qu’elle prenne ce flacon d’urine, qu’elle se vante de la conversation auprès de ses collègues, qu’elle utilise son histoire pour manipuler les autres patients, mais par pitié, qu’elle déguerpisse d’ici avant qu’il perde réellement le contrôle. Parce qu’il essaie, mais il se sent flancher, et il ne pourra pas maintenir ce calme apparent encore longtemps. Elle ne se le permettrait pas, et pour seule réponse il pousse un long soupir d’exaspération quant à sa présence encore près de lui et cette affirmation à laquelle il n’accorde finalement pas le moindre crédit. Et lorsqu’il entend la porte s’ouvrir, il ferme les yeux et pousse un nouveau soupir de soulagement. Jamais il n’aurait pensé être capable d’apprécier un tel moment de tranquillité. Qui n’est que de courte durée, puisque bientôt, la voix de l’infirmière résonne à nouveau et, un instant, il croit être dans un cauchemar. Il se retourne, s’assied sur son lit et c’est un « MAIS DÉGAGEZ PUTAIN » puissamment hurlé à travers la chambre qui s’échappe d’entre ses lèvres, premier signe d’une explosion dont le décompte vient d’être enclenché. Et elle évoque ce défi qu’il avait oublié, alors qu’il pose son regard sur le chariot d’urgence. « Je sais ce que c’est. » Il râle alors que sa tête se secoue d’exaspération. Bien-sûr qu’il le sait, et pas uniquement suite à ses nombreux passages aux urgences, mais aussi et surtout parce que fut une époque où il redoublait d’inventivité pour se fournir en produits. « Donc, c’est une constante, chez vous, les idées de merde, hein ? Allez, à quel moment vous vous êtes dit ‘’histoire d’enfoncer le clou, je vais foutre le magasin de bonbons sous le nez d’un toxico, c’est trop génial comme idée !’’ ? » Il imite sa voix alors que son ton s’emporte une nouvelle fois. Mais il se contient, Alfie, et même si c’est une tentation avec laquelle il devra toujours vivre, il se sent capable de passer outre celle-ci pour l’instant ; pour autant, il persiste à penser que plus il se tient éloigné de celles-ci, mieux il se porte. « J’en ai pas envie. » Qu’il conclut en restant assis alors que son regard vrille sur le chariot. Une minute passe, deux minutes, et petit-à-petit en l’observant, il fait mentalement la liste du contenu tel qu’il s’en souvient. Son père a eu travaillé pour des hôpitaux avant d’ouvrir sa propre pharmacie, et Alfie s’était toujours montré particulièrement curieux quant au travail de son paternel. Au départ, c’était une curiosité innocente, enfantine, d’un enfant à la recherche constante de l’approbation paternelle et avec le besoin de se rapprocher de celui-ci. Puis, ça s’était mué en obsession malsaine à l’adolescence, en questionnements toujours plus précis, et en mensonges et diverses tactiques pour cacher le fait qu’il piochait dans les réserves de la pharmacie. Alors il avait été briefé sur les médicaments qu’on trouvait en hôpital, mais il était incapable de faire la liste exacte. Adrénaline, atropine, lidocaïne, amiodarone, … il a beau essayé, la suite ne vient pas, jusqu’à ce qu’il finisse par se lever avec précipitation pour ouvrir le premier tiroir à la hâte, faisant chuter un peu du contenu. « Vous me cassez tellement les couilles qu’elles vont finir par tomber toutes seules. » Qu’il rétorque comme simple réponse au regard qu’il sent sur lui et qu’il ne veut pas croiser ; il est hors de question de lui donner raison.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyLun 18 Nov 2019 - 21:23

I'LL BE BESIDE YOU ON THAT DUSTY ROAD
i'm right behind you in the light of hope

Travailler avec l'Humain relevait de plusieurs spéciliatés, afin de s'assurer qu'il soit disséquer dans les moindres détails. Anatomie, physiologie, psychologie, biochimie, biomécanique, psychiatrie... La liste était exhaustive mais extrêmement longue. Les soignants rencontraient au quotidien toutes ces personnes nécessitant des soins car l'un de ces mécanismes était défaillant, d'une façon ou d'une autre. Mais à côté, il fallait gérer tout le reste. Les imprévus, l'éducation, la stimulation, les tempéraments, les sautes d'humeur. Norah aimait mettre son corps de métier sur piédestal car il demandait une certaine polyvalence dont dépendaient clairement les autres collègues, mais ceux-ci ne l'admettraient jamais (surtout les médecins). Donc parfois elle devait se réinventer kinésithérapeute, diététicienne, psychologue, médecin, ou encore assistante sociale. Ou parfois, tout ça en même temps. Et il fallait en plus s'avoir s'adapter pour instaurer une relation de confiance, même auprès des plus réfractaires. Alfie était un cas, et c'était peu dire. Avec une tête de mule comme la sienne, on jetait facilement l'éponge, ce qui était le cas d'ailleurs de la très grande majorité de l'équipe soignante. C'était certainement son intention, car peut-être qu'il cherchait tout simplement à les tester. Que ce soit d'une façon ou d'une autre, il en tirait satisfaction, ça, Norah en était persuadée. Elle était admirative de son imagination et de sa vivacité d'esprit, cela dit. Le nombre d'éléments qui composait sa chambre était assez limité, pourtant il trouvait toujours quoi faire. Il avait besoin de bouger, de se dépenser, de faire quelque chose de ses dix doigts. Pour dissimuler quelque chose peut-être, pour ne pas à avoir à penser à un événement qui lui rongeait la conscience. Un mécanisme de défense comme un autre, et des plus légitimes. Peu à peu, des liens se créaient entre chaque élément qu'elle pouvait savoir de lui. Aussi dingue que ça pouvait être, ça tombait sous le sens. Elle était assez curieuse de voir comment allait terminer son échange avec lui, car elle mettrait sa main à couper qu'il n'avait pas encore été confronté à une soignante aussi têtue et farouche qu'elle. Tant mieux pour lui, au moins, ça le tenait occupé, bien qu'il semblait perdre ses moyens face à cette infirmière qui n'était vraiment pas décidée à quitter sa chambre comme il pouvait le demander. L'ordonner même. De la manière la plus vulgaire et impolie qui soit, certes. Les yeux bruns d'Alfie portaient à eux-seuls la définition même du regard noir. Quand on ne s'y attendait pas, ça glaçait parfois le sang, on ne se sentait pas rassurée. Elle sentait qu'il était à deux doigts de s'en prendre physiquement à elle, sans hésitation, sans états d'âmes. Norah avait cette drôle façon de fonctionner qui lui faisait dire que si ça devait se passer ainsi, ça le serait. Elle était loin d'être une experte en self-defense (ses séances de catch avec ses frangins quand elle était petite ne comptait pas, apparemment), usant de ses propres armes pour s'en sortir, mais il ne s'agissait pas de ses poings. Frank n'aurait pas été franchement réjoui de voir son épouse coincée entre quatre murs avec une personne à deux doigts de décompenser et que si effectivement agression physique il y avait, il s'assurerait que Maslow finisse derrière les barreaux. "Eh bien, faites donc." répondit-elle naturellement alors qu'il menaçait de prévenir la direction pour que l'infirmière finisse par se voir coller une mise en demeure, voire même un licenciement. Des menaces du genre, elle en avait bien plus souvent qu'il n'y paraissait. Et quand ça lui chantait, elle leur filait même son nom complet et son prénom et s'assurerait de rapporter sa propre version des faits. Là, il était le seul à le voir sans masque, et si Norah allait dire le contraire, difficile de savoir à qui on accorderait raison. Elle l'en savait capable oui. "J'ai bien compris que vous étiez amateur de challenges. Ca tombe bien, moi aussi." lui répondit-elle avec un sourire malicieux. Alfie en était un à lui tout seul, de défi. Même s'il avait des envies étranges que de voir ses parties nécroser sur place. Elle serait bien curieuse de savoir à quels autres types d'expérience il se verrait bien essayer, pour la science. Prêt à faire don de sperme auprès de l'infirmière plus par provocation qu'autre chose, Maslow semblait vouloir avoir le dernier mot sur cette histoire. "Je m'en souviendrai." Il ne pouvait pas s'empêcher de rectifier Norah sur le métier qu'il exerçait. Le ton de sa voix laissait deviner que ce n'était pas la première fois qu'il reprenait quelqu'un à ce sujet. Donc, en soi, la phrase qu'elle venait de sortir n'était pas inappropriée non plus et même si c'était particulièrement tentant de se répéter, elle n'en avait pas l'envie. "Si vous me donnez un échantillon, je l'enverrai au labo et vous pourrez me voir vous ramener un DVD où vous pourrez voir de très près vos petits soldats." Parce que oui, bien malheureusement pour lui, il allait voir Norah souvent, très souvent durant le reste de son hospitalisation étant donné que plus personne ne voulait le prendre en charge. Alfie ne la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle en était capable, de se lancer dans de telles démarches. Il suffisait de feindre une quelconque explications sur le bon de demande d'examens pour que ça passe crème au laboratoire et elle comptait bien s'y tenir. Il aimait lui rappeler qu'il mettrait exécution sans hésiter tout ce qu'il disait et Norah était plutôt similaire sur ce point. On la cherchait, on la trouvait. "Il me faudra juste un nouvel échantillon à l'occasion, mes collègues ont eu l'intelligence de mettre à la poubelle vos dons précédents."

Il était fréquent que l'on vienne à oublier que derrière la blouse blanche, il y avait quelqu'un d'autre qu'un simple soignant. C'était encore pire quand ils étaient contraints, par mesure d'hygiène et de santé publique, de porter des tenues les couvrant de la tête au pied. De véritables scaphandres qui laissaient croire qu'on se trouvait dans une zone exposée à l'explosion de Tchernobyl. Pas étonnant que les réactions du brun soient aussi vives et agressives, le tout décuplé par un tempérament incontrôlable comme le sien. Norah ne cherchait pas à l'apaiser directement; si c'était son objectif principal, elle n'y  parviendrait pas. Elle avait plus subtilement pour but de l'occuper, car c'était l'ennui qui le mettait dans un état pareil. Autant qu'il voit véritablement un visage, s'était-elle dit. Qu'il n'ait plus à supposer les regards qu'on pouvait lui lancer et qu'il n'ait plus à interpréter certaines paroles, à défaut de voir la façon dont elles étaient prononcées. Son geste suscité l'exaspération, une rage folle qui lui faisait perdre tous les moyens. Encore une fois, il usait de tous les qualificatifs péjoratifs possibles pour décrire (selon lui) son manque d'intelligence. Et Norah l'entendait, chacun avait sa vision des choses et peut-être que dans un second temps, il se montrerait un peu plus compréhensif vis-à-vis de sa démarche. Sa colère s'injectait dans la moindre fibre musculaire, contractant ses poings au possible. Certaines veines au niveau de ses mains, de ses tempes et de son cou ressortaient même alors qu'il fulminait en en extériorisant qu'une infime partie. L'infirmière le laissait déferler sur elle toute la haine qu'il jugeait bon de lui partager. Comme des gouttes d'eau sur une plume de canard, se disait parfois, décrivant ainsi la meilleure des façons la manière dont elle gérait les situations particulières comme celle-ci. "Pas de micro, non. C'est pas nécessaire." répondit-elle. Norah se passait bien de rebondir sur les insultes à son égard (bien que ce n'était pas l'envie qui manquait de le traiter de connard par moment). Alfie n'avait pas besoin de lui rappeler les risques qu'elle encourait en osant retirer une partie de son équipement de protection. Seulement, même si le virus Ebola était un nom qui faisait désormais extrêmement, ça restait un virus. Ce n'était pas monté sur ressort et ça n'allait pas faire un bon de deux mètres en sa direction. Les risques étaient donc minimes, mais pas improbables. "Mais par contre, je suis capable de rester avec vous pendant vingt minutes." répliqua-t-elle avec un large sourire satisfait. Sans avoir envie de t'en coller une, aurait-elle pu ajouter ensuite. En ayant choisi une formulation bien plus subjective pour la première partie de sa phrase aussi, mais elle sortirait de son champ de compétences. Il jouait au connard, elle allait en faire de même. Il pouvait lui hurler dessus autant qu'il le voulait, Norah n'allait pas faire de pas en arrière ou de montrer de signe de défaillance. Le Maslow, il se prenait pour un dur à cuire et plus ça allait, plus Norah était curieuse de savoir ce qui se trouvait derrière cette carapace. Autant se battre contre le vent que de rebondir encore sur ses propos. Aveuglé par sa rage, il n'entendrait de toute façon rien et parfois, le silence restait la meilleure des réponses.

Déterminée à mettre en avant l'une des idées qu'elle avait pour apaiser un tant soit peu ses nerfs, Norah s'était absente durant quelques minutes pour chercher le nécessaire pour la mettre en exécution. Alfie s'était calmé tout seul, à la grande surprise de la soignante. Il avait du s'épuiser, à force. Les émotions intenses absorbaient énormément d'énergie. Qu'il s'agisse de la tristesse, de la colère, de la peur. Mais ce qu'il allait bientôt apprendre, c'était que l'infirmière était d'une très grande persévérance, ce pourqoi elle revenait avec son chariot son chariot d'urgences. Après un petit discours explicatifs sur ce dont il s'agissait. La résultante était des plus explosives. Alfie s’époumona contre elle. C'est pas trop tôt se disait Norah, quant au fait qu'il était grand temps qu'il lâche du lest en bonne et due forme, et il ne le faisait pas à moitié. Maslow avait reconnu le chariot sans trop de peine, Norah supposait que c'était à cause de ses passages récurrents aux urgences. Elle ignorait qu'il avait eu d'autres opportunité pour connaître le listing des traitements et la composition de chaque tiroir. Il critiquait ouvertement l'idée de Norah, mais ça ne l'empêchait pas de lorgner le chariot d'où il était. Bingo, il s'y intéresse. Peut-être juste un tout petit peu. Mais ce regard bref était synonyme d'une première victoire pour elle. "Faut pas s'attendre à ce que j'ai de brillantes idées avec une paire de neurones, vous l'aviez dit vous-même." rétorquait-elle, ne faisant que reprendre les expressions qu'il avait usé un peu plus tôt pour l'insulter et tenter d'atteindre son égo. "Et si j'avais voulu tester votre sevrage, Je vous aurait tendu des seringues toutes prêtes de coke, d'héroïne et d'oxycodone pour voir lequel vous prendriez en premier et combien de temps vous auriez attendu avant de céder." Pas que Norah se soit déjà essayée à ce genre d'expérimentations, elle ne cherchait pas à mettre en danger ses patients ou les faire sombrer à nouveau. Les relations avec les patients ayant une tendance à la toxicomanie étaient très particulières, mais Norah appréciait le simple fait que l'approche soit totalement différente. Ceux qui étaient en phase de sevrage étaient dans le mal le plus total et il était difficile de soulager leurs souffrances, quelle qu'elles soient. Ils en perdaient la raison et étaient dans un tel mal-être qu'ils feraient tout pour reprendre une dose ou pour mourir, mais ne plus jamais rester dans cet état là. Elle leur accordait beaucoup plus de temps, pour apprendre à les connaître. Et à force, elle pouvait comprendre pourquoi ils se cherchaient une échappatoire par le biais de la drogue, ou de l'alcool. Certes, ce n'était pas une solution idéale, mais le désespoir les menait à faire des actions que l'on ne pouvait que regretter ensuite. Certains préféraient détendre leurs nerfs en se faisant planer, parfois en frôlant l'inconsciences, d'autres cherchaient à altérer ou modifier la perception des choses. Alfie avait beau dire ne pas avoir envie de se lancer dans l'occupation qu'il lui proposait, son regard en disait autrement, vu le nombre de fois qu'il jetait un coup d'oeil au chariot d'urgences. Pendant ce temps, Norah s'était relevée et adossée contre un des murs de la chambre, restant volontairement en retrait pour voir comment il réagirait – et non pas parce qu'elle craignait de se prendre un poing en pleine figure. Elle le voyait fixer les tiroirs, nulle doute qu'il réfléchissait intensément à ce qui se trouvait dedans. Soit il se demandait quel matériel les soignants pouvaient avoir besoin en cas d'urgence vitale, soit il en connaissait déjà le contenu et avait un trou de mémoire. Dans tous les cas, ça se voyait à son attitude que c'était familier pour lui, plus que n'importe quel patient lambda. Il bondit de son lit et se précipita sur le premier tiroir afin de l'ouvrir sans délicatesse. Le geste fut suffisamment brutale pour que quelques ampoules ne rebondissent contre la paroi de leur compartiment pour se briser par terre. Heureusement, il ne s'agissait pas de stupéfiants. Norah avait horreur de la gestion des stupéfiants. "Ca tombe plutôt bien, c'est ce que vous me disiez vouloir expérimenter, tout à l'heure." Avec la gangrène de Fournier, tout ça. Il avait beau pinailler, son regard restait rivé sur les ampoules à chercher ce qu'il semblait lui manquer. Il était particulièrement familier avec le matériel, il savait très bien dans quel tiroir il y avait les thérapeutiques. Norah continuait à l'observer, s'approchant de lui d'un pas lent. "C'est lequel que vous n'aviez plus en tête ?" demandait-elle, choisissant d'affirmer les suppositions qu'elle se faisait. Dans le pire des cas, elle se planterait et trouverait d'autres moyens pour l'occuper. "Le furosémide ? Le midazolam ? Ou l'étomidate ? Il y est pas systématiquement celui-là." Mais dans le cas d'Alfie, il pourrait être utile et plus le lui aurait injecté à forte dose depuis son admission. Sur la surface du chariot d'urgences se trouvait un trieur où étaient rangés les check-lists de vérification mensuels et hebdomadaires du chariot. Elle lui en sortait un exemplaire vide qu'elle laissait traîner là, sans donner d'explications. Il le savait, de toute façon. "C'est pas avec vos passages fréquents aux urgences, ni avec vos antécédents de toxicomanie qu'on sait où sont rangés les thérapeutiques d'un chariot d'urgence." commentait-elle. Le constat était évident. Il fallait être du milieu pour ce genre de choses, et même. Tous les soignants ne connaissaient pas par coeur ce genre de choses. "Qui vous l'a appris ?" A moins qu'il aimait savoir beaucoup de choses et qu'il avait mené à bien ses recherches sur le sujet, ayant trouvé une motivation quelconque à se plonger dedans. Encore faudrait-il une mémoire d'éléphant pour se souvenir de tout ça, même de loin, alors qu'il n'utilisait pas cet outil au quotidien. Et à l'évidence, s'il se souvenait de tout, il ne se serait pas levé pour voir ce que contenait avec précision le premier tiroir. Norah continuait à faire quelques pas tranquilles dans la pièce sans forcément épier ses moindres faits et gestes. Il devrait déjà être content qu'elle garde son masque sur elle. Plus pour très longtemps, elle était assez tentée de le retirer à nouveau pour voir si sa réaction était toujours aussi virulente. Pas si débile que ça mon idée, apparemment, songeait-elle en jetant un coup d'oeil bienveillant sur lui. En soi, c'était un exploit de le maintenir relativement calme comme ça pendant quelques minutes. Un petit répit pour elle, dirait-on, mais surtout, et avant tout, pour lui.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyDim 1 Déc 2019 - 21:09

On pourrait croire qu’Alfie est le genre de client imbuvable, à quémander le manager à la moindre contrariété, à faire un scandale dans un restaurant parce que sa viande n’est pas assez cuite, à exiger une lettre d’excuse pour un regard de travers du chauffeur de bus, à simplement se penser au-dessus de tout le monde. Et si Alfie possède effectivement une certaine arrogance qu’il ne cache pas, héritée de son expérience et de ses capacités qu’il connaît et assume, ce n’est pas pour autant qu’il prend plaisir à se croire supérieur aux autres ; hormis dans les domaines où il sait que c’est effectivement le cas. Pour autant, l’anthropologue serait capable d’outrepasser sa détente à toute épreuve et mener une action en justice contre cet hôpital ; il a beau ne pas être un expert dans le domaine, il sent bien qu’il y a des failles dans sa prise en charge et ce, depuis le début. Si à l’origine c’est le gouvernement australien qui n’était pas particulièrement enjoué à l’idée de ramener un patient à risque sur son territoire, c’est désormais cet hôpital et ses soignants qui s’affairent à lui faire comprendre que son comportement est problématique, et qu’il aurait dû rester en Afrique et, pourquoi pas, crever là-bas après avoir (si possible) attrapé le virus. Manque de chance pour eux, Alfie n’a pas été contaminé et même s’il n’en a pas encore la certitude scientifique, il a la certitude humaine et ça lui suffit. Il a surtout encore toutes ses idées, et il n’a que ça à foutre de ses journées, de réfléchir à comment se venger de cet hôpital pour le jugement constant de ses employés et les réflexions qu’il se prend par certains depuis son arrivée. Ils remettent en cause mon professionnalisme, mais ça, ça l’est, peut-être ? À défaut, le brun peut se contenter d’une simple faute professionnelle dont il aurait été l’investigateur et comme il l’explique à Norah ; il serait capable d’en arriver là, surtout qu’à cette idée s’ajoute une idée de challenge et qu’Alfie ne vit que pour cela. Il n’en serait pas à son coup d’essai, durant son adolescence c’était l’un de ses passe-temps de pousser les autres à bout. Son professeur de piano a claqué la porte le jour où il a mis du liquide inflammable sur le clavier et a exigé d’apprendre Losing My Religion plutôt qu’un sempiternel verset religieux en jouant avec le briquet à côté de lui. Son prof de catéchisme lui a interdit de remettre les pieds en cours parce qu’il avait eu le malheur de transformer la centaine de copies de « je respecte les opinions religieuses de chacun » en « chacun peut se mettre son opinion religieuse dans le fion » qui l’avait motivé à faire autant de copier. L’entraîneur de l’équipe de football qu’il avait rejoint plus jeune l’avait renvoyé après deux entraînements parce que là où il expliquait qu’il fallait « développer des stratégies pour être le meilleur » le fait de balancer sa chaussure à crampons dans la gueule du meilleur joueur, le faisant finir à l’hôpital n’était pas une solution adaptée. Si avec le temps il a compris qu’il ne pouvait plus agir de la sorte et qu’il n’est pas forcément fier de tout ce qu’il a pu faire (mais ne pas en être fier ne veut pas dire qu’il n’assume pas), il ne faudrait pas sous-estimer le jeune homme qui est parfaitement capable d’activer son imagination pour mener à bien ce challenge qu’il se serait lancé à lui-même. « À vos ordres. J’espère que l’autre con n’a pas de bouche à nourrir, ce serait dommage. » Qu’il souligne avec un haussement d’épaules et un sourire pincé. Et là où d’autres auraient honte de songer à un tel comportement, Alfie n’en a que faire du moment que ses intérêts sont satisfaits ; ceux-ci visent à obtenir sa vengeance, et rien d’autre n’est important. Sans surprise, Norah est à ranger du côté de ceux qui n’ont pas compris les différences entre anthropologie et ethnologie (notamment) et il s’en serait offusquer si cela le surprenait ; or, ce n’est pas le cas. Mais il ne compte pas lui laisser le dessus, et ainsi lui fait-il remarquer que l’étude de ses petits bonhommes est tout à fait envisageable, ou du moins, qu’il a déjà un grand intérêt pour la question. Et pour la première fois depuis son arrivée ici, Alfie affiche un franc sourire sur les lèvres lorsqu’elle lui propose de carrément ramener un DVD chez lui. Oui, ce serait probablement dégueulasse pour le commun des mortels, lui trouve cela terriblement fascinant, et nul doute qu’il serait capable de se faire des soirées devant la télévision, à manger du pop-corn et à observer ses petits soldats, à parier sur lequel d’entre eux est le vrai champion parmi tous ceux qui s’activent face à lui. Toutefois, son sourire disparaît alors qu’il lève les yeux au ciel en réalisant que les collègues de la jeune femme n’ont pas su pleinement apprécier ses dons, et il finit par hausser les épaules. « Mais pas de soucis, vous voulez que je le fasse aujourd’hui ou on prend rendez-vous ? » Il demande, son sourire d’imbécile visé aux lèvres. Malheureusement pour elle, il est parfaitement capable de réaliser cet acte devant elle. Alfie est très à l’aise avec son corps, n’a aucun problème avec les notions d’intimité et serait en mesure de sortir son engin pour lui offrir une démonstration live. La seule chose qui peut le retenir, c’est cette caméra et l’accusation d’exhibition en public qui lui pend au nez pour s’être fait plaisir devant une jeune femme qui pourrait très bien se retourner contre lui et prétendre qu’elle n’est qu’une pauvre victime de cette dérangeante histoire.

Pourtant, à ses yeux, le plus dérangeant n’est pas cette perspective mais bien le fait qu’elle finisse par ôter son masque afin qu’il soit obligé de se confronter à son visage. Un visage qu’il ne ressent pas le besoin d’apercevoir pour imaginer les expressions qui sont les siennes et surtout, un acte qui va au-delà de tous les protocoles d’usage dont on l’assène depuis son arrivée entre ses murs. Alors, forcément, le trentenaire devient complétement fou en l’espace d’une misérable seconde, et l’instant de légèreté ressenti en lui demandant un dvd de ses petits soldats est très vite oublié alors qu’il pourrait personnifier la colère, la haine, la rage, ou tout autre terme qui saurait traduire de son état d’esprit. D’ordinaire, il l’aurait exprimé d’une manière ou d’une autre, plus physique que psychique, mais il n’est pas suffisamment inconscient pour prendre le risque d’ajouter des éléments à son dossier déjà chargé. Alfie a toujours pu éviter le casier judiciaire, ce n’est pas maintenant qu’il va décider de l’encombrer. Pourtant, qu’on se le dise, ce n’est pas l’envie qui manque et quelques années plus tôt, il n’aurait eu aucun scrupule à s’emparer du bras de Norah pour la faire dégager d’ici au plus vite. Aujourd’hui, il se contente d’être vindicatif, même si cela ne semble pas l’atteindre et que ça le rend d’autant plus fou. Car si elle avait au moins reconnu sa bêtise, il serait probablement plus calme, or, elle persiste à penser qu’il n’y a aucun problème dans son comportement, comportement qu’on lui a fortement déconseillé quand il était en mission. « Et bien, j’espère que ça va le devenir, pour que cet hôpital puisse avoir des preuves de la connerie de leurs employés. » Il s’emporte lorsqu’elle mentionne les micros, et qu’Alfie reste sagement dans son coin, loin d’elle, pour ne pas empirer la situation. Et il poursuit, Alfie, perdant toute trace de sang-froid, de diplomatie et de respect (disons-le), parce que c’est la seule manière dont il peut réagir ; il ne peut pas quitter les lieux en claquant la porte, il ne peut pas la forcer à en faire de même et ça le rend complètement dingue. Quelle conne. Dans sa tête, il l’a déjà insultée sur plusieurs générations et peut-être même qu’il s’est vu lui coller une ou deux claques pour lui remettre les idées en place. Et son état ne parvient pas à se réguler alors qu’à chaque fois qu’elle ouvre la bouche, elle enfonce le clou. « MAIS VOUS LE FAITES EXPRÈS PUTAIN ? » Qu’il hurle cette fois-ci à s’en faire mal à la gorge, et que ses ongles finissent définitivement par ne faire qu’un avec ses paumes. « J’ai compris, J’AI COMPRIS. Allez chercher votre putain de médaille auprès de vos collègues, c’est eux qu’il faut impressionner, pas moi. » Non, puis quoi encore ? Elle veut qu’il la félicite, qu’il fasse une petite danse de la victoire, un high-five ? « À quel moment dans le pois chiche qui vous sert de cerveau, vous vous dites que c’est vachement mieux d’arriver à me supporter vingt minutes que de garder votre putain de masque ? Ça vous fait pas tilt que c’est pas comparable, que ça se place à des niveaux différents ? Sérieusement ? » Il soupire alors qu’il est encore en train de hurler. « Cet hôpital doit se remettre en question, bordel, c’est urgent, c’est juste pas possible d’agir comme ça ! Vous en avez rien à foutre des protocoles de soins du moment que votre petite fierté personnelle est satisfaite, mais… putain, ça me dépasse, quels genre de personnes font ça ? » Tout ce qu’il comprend, c’est qu’ils jouent à qui pissera le plus loin, à faire les malins et à juger des situations qu’ils ne connaissent pas. Sérieusement, c’est un cauchemar, il est tombé dans une mauvaise télé-réalité, il ne voit pas d’autres explications.

Lorsqu’elle se barre enfin, Alfie parvient à respirer à nouveau, même si ses muscles sont tendus. Il ressasse cette rencontre, revoit la scène, l’idéalise (et cette fois, il ne reste pas sagement à sa place, oh ça, non), songe à ce qu’il aurait pu dire, à la manière dont elle aurait dû se la fermer. Rien de tout cela ne lui permet de parvenir à un état optimal, d’abaisser son rythme cardiaque et ses muscles crispés et probablement que ce ne sera pas le cas avant un long moment. Encore moins alors qu’elle finit par refaire son apparition. Et il jure, cette fois, que si la table n’était pas déjà par terre, il l’aurait sans autre envoyée en direction de la jeune femme (parce que visiblement, en plus d’être débile, elle est sourde, et pour qu’elle dégage il vaudrait mieux qu’il mise sur les actes plus que sur les mots). Et alors qu’il ne pensait pas que la situation pouvait être pire, elle lui démontre du contraire. Un chariot bourré de médicaments, entre les mains d’un ancien toxicomane. Cette meuf est une comédienne, c’est pas possible d’être aussi conne qu’il répète dans sa tête et peut-être même que cela se lit sur son visage, dans son regard noir, et bientôt dans la réaction qu’est la sienne. Et elle demeure stoïque, alors qu’il n’a qu’une envie, séparer la distance entre eux pour la secouer de toutes ses forces jusqu’à ce qu’elle imprime dans son petit crâne dysfonctionnelle qu’elle fait tout de travers. « Ouais, c’est génial, quand je pense que vous pouvez pas continuer à creuser plus bas, vous essayer encore, c’est aussi fascinant que c’en est pathétique. » Il marmonne, parce qu’enfin elle admet les choses : elle n’a qu’une paire de neurones, ça, il l’avait déjà deviné, mais il est ravi qu’elle l’admette. « Woooow, donc vous pouviez faire pire et vous l’avez pas fait, et quoi, alors ? Je suis supposé vous applaudir, vous remercier, vous baiser les pieds ? » Elle est pathétique. « C’est pas un jeu, vous savez. » Qu’il souligne d’une voix plus calme, mais néanmoins dure. Non. La drogue, l’addiction, le sevrage, les rechutes, et la peur continuelle n’a rien de drôle. Il s’agace d’être fiché toxicomane pour le reste de sa vie ; la vérité c’est qu’il le sera et qu’il ne pourra jamais se défaire de cette étiquette, en témoigne sa première pensée suite à l’évocation du plan (non réalisé) de la jeune femme : Ah oui, vous pourriez le faire ? Mais Alfie a suffisamment de distance pour ne pas se laisser impressionner et ne pas se jeter sur ce chariot, pour autant il n’aime pas ça. Il n’aime pas le savoir là, il n’aime pas le savoir remplit, il n’aime pas qu’il soit i près de lui, et qu’il n’aurait qu’à éclater la tête de cette femme contre un mur pour dévaliser le contenu du meuble ; non, il n’a même pas besoin de le faire. Il pourrait seulement glisser une ampoule dans sa poche en faisant la vérification et lui assurer que rien ne manque, et le temps qu’elle découvre la vérité il l’aura déjà utilisée. Et il en oublie la présence de la jeune femme alors qu’il se recroqueville sur son lit, qu’il essaie de faire le tri parmi ses pensées. Ce chariot est toujours là, et il en devient fou. C’est comme si on mettait un gâteau au chocolat sous les yeux de quelqu’un qui ne manque que de la salade depuis des mois ; il a beau avoir une volonté de fer et un corps qui s’est habitué à cet état, l’envie est là, présente, insidieuse, et le seul moyen de la faire taire est de céder. Alors quitte à penser à ce chariot, Alfie décide de lister son contenu. Il est là, il ne peut rien y faire, autant retourner la situation à son avantage. Mais la dernière fois qu’il s’est intéressé à cet objet remonte à loin, et ses connaissances souffrent de lacune, ce qui le pousse à finalement se lever, non sans avoir adressé un dernier sarcasme à miss trois neurones pour ne pas qu’elle se réjouisse trop vite. Rapide, lui l’est alors qu’il bouscule le premier tiroir, faisant inévitablement tomber du matériel sans se soucier de celui-ci. « Le furosémide. » Il souffle d’un ton mécanique alors que ses mains fouillent partout, et qu’il essaie de ne pas y voir une analogie avec la manière dont il fouillait la pharmacie de son père lorsqu’il était plus jeune. Mais les choses sont différentes aujourd’hui ; et ce n’est pas enveloppé dans une bulle de glace et tremblant de tout son corps qu’il mène ses recherches. Il est conscient, en bonne santé, a la distance nécessaire (il croit). Il continue ses explorations, et passe au matériel de ventilation, entendant d’une oreille la voix de Norah. « Mon père. » Ses mains continuent à s’affairer, ses lèvres dessinent en un murmure le compte de ses observations, alors qu’il est en pilote automatique et ne prête plus attention à la soignante. Adrénaline. « Il est pharmacien. » Amiodarone. « Il possède sa pharmacie, maintenant, mais à l’époque il travaillait dans un hôpital. » Atropine. « J’ai toujours été fasciné par son travail. » Clonazepam. « Et j’ai toujours posé beaucoup de questions. » Étomidate. « Faire des listes m’aide à me calmer. » Furosemide. « Alors, parfois, je fouillais dans son bureau et ses papiers. » Glucose. « Le jour où il m’a surpris, j’ai cru qu’il allait me passer le pire savon de ma vie. » Méthylprednisolone. « Mais je lui ai expliqué, et il a compris. Alors il a cherché ses vieux manuels de cours. » Midazolam. « Et on listait ensemble, les choses. » Naloxone. « On a commencé par l’anatomie, car c’était le plus simple pour un enfant de mon âge. » Salbutamol. « Et puis, ça suffisait pas, alors petit-à-petit, on a passé à plus compliqué. » Trinitrine. « Plus c’est compliqué, et plus je suis obligé de me concentrer. » Comme c’est le cas à cet instant.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyMar 3 Déc 2019 - 19:43

I'LL BE BESIDE YOU ON THAT DUSTY ROAD
i'm right behind you in the light of hope

Quand on connaissait les jumeaux Leckie, on se demandait parfois ce qu'ils pouvaient bien avoir en commun. Il était vrai qu'il n'y avait pas de ressemblance évidente, si ce n'est quelques traits de leur visage, les tâches de rousseur qui pointaient le bout de leur nez au soleil, leurs yeux bleus ou certaines expressions qu'ils faisaient de façon identique. Mais sinon, vu comme ça, personne ne pouvait dire qu'ils étaient jumeaux. Ils n'avaient rien de similaire point de vue caractère non plus. Caelan était toujours très actif, vif, à l'affût, toujours de bonne humeur, très expressif, c'était un grand enfant qui s'émerveillait à la moindre ses découvertes. Norah, en revanche, était bien plus posée, bien calme. Elle canalisait même Caelan la plupart du temps. Et lui, en échange, il aimait embarquer sa soeur pour des activités diverses et variées parce qu'il savait qu'elle aimait autant se dépenser que lui. Ils se retrouvaient en l'un l'autre, il suffisait de bien les connaître pour se rendre compte qu'ils avaient de nombreux points communs, ils ne le démontraient pas de la même façon, tout simplement. Et le calme de Norah lui avait toujours été d'une grande utilité dans l'exercice de sa profession. Un patient est chiant ? C'est bon, Norah gère. La famille devient agressive ? Appelez Norah, elle, elle va les détendre un peu du slip. Alors on lui avait filé le cas Maslow avec grand plaisir, sans contester quoi que ce soit. Et dans ce cas, elle estimait qu'ils n'avaient donc rien à redire si elle utilisait des méthodes très peu orthodoxes. S'ils ne peuvent pas faire mieux, ils ne peuvent que se la fermer, estimait-elle. Elle le dirait tout haut si on lui faisait une remarque du genre. Alfie cherchait des challenges à relever et Norah jouait volontiers le jeu. Qu'il écrive à la direction si ça lui chante, qu'il aille tout rapport au médecin du service en la traitant de toutes les injures possibles (et il semblait avoir un vocabulaire incroyablement riche dans ce domaine). Il en fallait souvent beaucoup pour être renvoyé d'un hôpital, c'était pour faute grave, et en général, faute grave voulait dire le décès d'un patient. Sauf si, éventuellement, dans un cas précis, la famille se voulait être extrêmement procédurière et désirait entacher la réputation de l'établissement et de son personnel. Fort heureusement, ce n'était pas si courant que ça, même si la courbe avait tendance à grimper un peu depuis quelques années. Alfie en était sûrement capable, Norah n'en doutait pas. Mais elle pensait qu'il fallait le pousser quand même vraiment beaucoup plus pour qu'il y parvienne. Là, elle parvenait un petit peu à le divertir en lui proposant, tout simplement, de lui filer les résultats d'analyse de son sperme si l'envie lui disait. Et là, pour la première fois depuis leur rencontre, le bel homme sourit avec sincérité. Il semblait véritablement ravi qu'elle vienne lui proposer cette idée. Et, il fallait le dire, il avait un très beau sourire. Un rictus contagieux, car rien que de le voir, elle souriait également. Ca y est, il laissait enfin un peu entrevoir qui il était derrière l'image du patient insupportable et imbuvable qu'il entretenait avec brio. "Comme vous préférez. Ca dépend dans quels délais vous voulez que je vous ramène le DVD. Je pourrai même ramener un ordinateur pour visionner le tout dans votre chambre." lui proposa-t-elle avec un rire amusé. "Mais plus vite je récupère le prélèvement, plus vite je peux l'envoyer. Et plus tôt le labo le récupère, mieux vous pourrez voir la véritable vivacité de vos petits gugusses. Parce qu'avec le temps, ils finissent par s'épuiser, les petits loulous. Et je suis certaine que vous seriez déçu de ne pas pouvoir les voir au meilleur de leur forme." Alfie semblait être sincèrement intéressé par le sujet. L'infirmière avait bien remarqué qu'elle avait réussi à piquer sa curiosité, ce qui la ravit car c'était un moyen comme un autre de l'occuper. C'était le genre de concession qu'elle était tout à fait capable de faire.

Pour autant, le patient désirait continuer à mener la vie dure à l'infirmière qui était là, après que celle-ci ait osé retirer son masque. La réaction d'Alfie était aussi extrême que justifiée et l'infirmière ne lui en tenait pas rigueur. Avec lui, rien ne servait de mettre de l'huile sur le feu. Non pas qu'elle craigne se faire amocher par ses poings, loin de là. Disons qu'elle prenait tout autant plaisir à chercher ses limites qui le ne cherchait les siennes. Un peu de donnant-donnant en somme et il semblerait qu'ils aient chacun trouvé un adversaire à sa taille. Il avait suffi de cela pour qu'il perde tout contrôle de soi, au point même d'oublier d'esquisser son sourire d'enfoiré et de continuer de jouer sur la provocation pour faire vriller Norah à son tour. Le patient espérait qu'un jour ou l'autre, la direction s'aperçoive des erreurs commises par ses employés. L'infirmière ne put s'empêcher de laisser échapper un rire jaune. "Ils sont incapables de savoir ce qu'on fait de nos journées, alors vous pensez sérieusement qu'ils vont remarquer quand on fait des conneries ?" Il pouvait toujours rêver. Le plus important, c'était que l'hospitalisation rapporte de l'argent. Les billets verts étaient le véritable  moteur de cette entreprise. Norah se ferait éventuellement taper sur les doigts par l'équipe d'hygiène de l'hôpital, et encore, ça n'arriverait que bien après qu'Alfie soit sorti d'ici. Malgré tout, il restait prudent, peut-être même respectueux, en restant bien à distance d'elle, de crainte de la contaminer d'une façon ou d'une autre. Il avait beau l'insulter de toutes les façons possibles, son attitude prouvait qu'il avait ne serait-ce qu'une très maigre considération à son égard. Norah se retenait même de lâcher un soupir en le voyant s'égosiller devant elle, à en irriter ses cordes vocales. Il fallait que ça sorte, apparemment, et il était grand temps. A côté, démonter la chambre, ce n'était rien du tout. "Et la vôtre, de fierté personnelle, vous voulez qu'on en parle ?" Aux yeux de Norah, à force de se révolter de la sorte, il finissait pas se ridiculiser. Pas qu'elle portait moins crédit à ce qu'il disait, loin de là. "Et vous ne savez rien de mes protocoles tout autant que je ne sais apparemment rien de votre métier. Alors concentrez-vous sur vos petits soldats, moi je m'occupe du virus que vous n'avez certainement pas et c'est affaire réglée." répliqua-t-elle d'un ton un tout petit peu plus ferme qu'avant. Norah ne perdait pas patience, oh que non. Si c'était le but d'Alfie, il était encore bien loin du compte. "Tant mieux si ça vous dépasse. Vous pourrez réfléchir à ce sujet durant votre temps libre. Vous en avez plein, après tout." dit-elle avant de quitter la chambre et de chercher le fameux chariot d'urgence pour mettre à bien l'une de ses idées.

Idée qui s'avérait être bien plus fructueuse qu'elle n'aurait pu l'imaginer, même si Alfie repartait au quart de tour dès qu'elle avait à nouveau ouvert la bouche. Il l'avait cherché en critiquant son manque cruel d'intelligence et Norah s'amusait à suivre sa pensée en entrant dans son jeu, reprenant des termes qu'il avait employé plus tôt. Elle aussi, pouvait être taquine et mauvaise. Mais tout en restant dans son cadre; après tout, c'était un jugement sur elle-même qu'elle portait, pas pour lui. Alfie l'avait mauvaise d'ailleurs, qu'elle plaisante à ce sujet et ne manquait pas de le lui faire comprendre. "Fascinante et pathétique ? Je vais prendre ça pour un compliment, venant de vous." lui répondit-elle, sa voix un peu étouffée par le masque qu'elle avait cette fois-ci garder sur sa tête. Il fallait le dire : elle mourrait de chaud là-dessous. Entre sa tenue habituelle, la sur-blouse à manches longues, les gants, le masque, le tablier et les sur-chaussures, il y avait de quoi étouffer dans une tenue pareille. Même s'habiller en stérile était plus agréable que cet accoutrement. Norah s'y habituait, cela ne l'empêchait tout de même pas d'avoir très hâte de la retirer en fin de journée. Qui n'était pas prête d'arriver, mais au moins, malgré les échanges électriques avec Alfie, elle appréciait beaucoup comment ça se passait. C'était étrange, à dire cela ainsi, mais c'était vrai. Ca faisait partie du boulot, et Norah adorait tout ce qu'elle faisait (sauf quand il s'agissait de rattraper l'incompétence de certains de ses collègues). "C'en est pas un pour moi non plus." dit-elle en retrouvant son sérieux. Non, elle ne s'amuserait pas à fragiliser une personne sevrée juste pour satisfaire sa curiosité. Elle était déjà admirative des personnes qui parvenaient à tenir toutes ces années sans céder, alors qu'il y avait des tentations à tous les coins de rue. Les patients qu'elle rencontrait étaient littéralement tétanisés à l'idée d'être tentés de quelque façon que ce soit. Norah ne jouait pas avec le feu quand il s'agissait de la sécurité de ses patients. Et même si ça avait pu être à titre de vengeance pour Alfie, même à lui, elle ne lui infligerait jamais pareille torture. Cependant, elle doutait qu'il soit particulièrement réceptif à cet instant précis si elle lui disait qu'elle était impressionnée par la force dont il était doté à ce sujet. Elle songeait à cela quand elle le voyait énumérrer chaque molécule préservée dans des ampoules dans le premier tiroir du chariot. Il était familier avec, ce pourquoi Norah lui demandait directement quel médicament il avait zappé et ensuite, comment il savait tout cela. Le Lasilix avait manqué à l'appel dans sa mémoire. La belle brune esquissait un léger sourire, attendrie de le voir plus calme. Alfie était, dans le fond, quelqu'un de vulnérable. Il ne le montrait pas, mais Norah le savait. Et elle appréciait presque de voir cette fragilité dès qu'il disait qu'il avait oublié le furosémide. Elle fit quelques pas lents dans la pièce, en lui tournant parfois même le dos sans qu'elle ne puisse voir s'il comptait voler une ampoule ou pas. De toute façon, elle le verrait en recomptant derrière. Elle connaissait par coeur les antidotes des médicaments dont on pouvait annuler l'effet. Dans le service dans lequel elle travaillait, c'était obligatoire d'avoir cette connaissance là. Mais elle basait avant tout cet échange sur la confiance. Elle n'allait pas s'établir si elle jetait constamment un coup d'oeil derrière son épaule, à épier le moindre de ses faits et gestes. Norah s'adossait quelques secondes contre l'unique table qui se trouvait dans la chambre, avant de s'y asseoir, gardant ses mains appuyées contre le rebord. Ses pieds, dans le vide, se balançaient légèrement. Contre toute attente, Maslow parlait un peu de lui, suite à la question que la brune avait posé. Elle voyait ses lèvres se mouvoir légèrement quand il ne parlait pas. Il comptait. Et en révélait un petit peu plus sur son enfance, sur le gamin très curieux qu'il était, et d'un père qui cherchait à satisfaire ce besoin de savoir.  "La médecine et la pharmacologie ne doivent plus avoir de secrets pour vous, alors." dit-elle d'un ton amusé, sans pour autant être moqueur. Les deux domaines étaient intimement liés. "Ca ne vous a pas donné envie de vous lancer dans ce métier là, à l'époque ?" lui demanda-t-elle tout en le regardant avec bienveillance. "Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir anthropologue, plutôt que pharmacien ?" Norah ne parlait pas de son passif avec les drogues durs volontairement, car ce n'était tout simplement pas à prendre en compte. Les jugements dans le monde hospitalier allaient bon train et elle entendait déjà des collègues se dire "bouh, un toxico pharmacien, how typical", ce qui avait le don d'agacer la jeune femme. "Si vous voulez du compliqué, et ça s'éloigne un chouille des médicaments, vous pouvez jeter un oeil au troisième tiroir. Le deuxième, c'est les seringues, les aiguilles; rien de très compliqué là-dedans. Le troisième, c'est tout le matériel pour intuber." On ne le sortait pas tous les quatre matins, mais ça avait été utile tout de même bien plus d'une fois. Norah avait souvenir d'un de ses patients qui avaient fait un œdème de Quincke, une réaction allergique massive suite à l'administration d'un médicament. "Et si vous voulez du plus spécifique, je peux vous proposer de jeter un oeil aux kits que j'ai dans le service où je travaille. Kit de pose de drain thoracique, kit de pose de trachéostomie en urgence kit de pose de voie intra-osseuse, les kits de réa pédiatriques, kit de pansement pour les plaies traumatiques... Il y a de quoi faire." Et souvent le matériel du chariot d'urgence ne suffisait, alors on disposait tous ces ensembles de matériel dans des boîtes ou des tiroirs attitrés en chambre afin de ne pas avoir à courir partout pour chercher ce dont l'équipe avait besoin. Norah lui laissait le choix d'ouvrir ou non ce fameux troisième tiroir et le voir confronter avec des objets avec lesquels il était moins familier. Le temps silencieux qui arrivait ensuite était loin d'être gênant. Elle restait confortablement assise sur la table, à le regarder décortiquer le chariot d'urgences comme bon lui semblait. "Je suis admirative, vous savez." dit-elle finalement, d'une voix à peine perceptible (déjà qu'elle ne portait pas beaucoup de base). "Que vous teniez le coup. Autant par rapport à votre hospitalisation, que le reste." A dire vrai, elle s'attendait à se faire rembarrer plus qu'autre chose, à ce que leur conversation remonte de plus belle dans les tours avant même qu'ils n'aient chacun eu l'occasion de profiter de cet instant de sérénité et d'accalmie. "Et jamais je ne me permettrai de vous tester aussi cruellement que de vous tendre deux seringues bien remplies devant vous. J'en suis capable, mais je le ferai pas. Pas mon genre." Norah n'était pas un monstre non plus. "Et ce n'est pas un sujet avec lequel je plaisante non plus." Des excuses dissimulées ? Peut-être. Elle tenait à ce qu'Alfie sache qu'elle n'avait pas d'avis péjoratif sur les personnes toxicomanes. C'était difficile, pour tout le monde à dire vrai. Mais c'était un élément à ne pas négliger et à prendre en compte au quotidien. Au fond elle était curieuse de savoir comment il avait pu glisser là-dedans et si le fait que son père était pharmacien y était pour quelque chose. Alfie était un bel homme, avec un beau métier, il était doué et ne manquait (vraiment) pas d'énergie. On dirait qu'il avait tout pour lui, mais ça ne l'avait pas empêché de s'approcher beaucoup trop près de produits illicites et délétères pour la santé. Comment en était-il arrivé là ? se demandait Norah alors qu'elle continuait à l'observer minutieusement derrière la visière de son masque. Il y avait du avoir quelque chose, un événement particulier, un entourage qui l'avait beaucoup influencé, de mauvaises fréquentations. Ses études l'avaient-ils mis à bout ? Une rupture avait-elle été trop douloureuse pour lui pour qu'il en vienne à tout oublier en s'administrant de la drogue ? Les possibilités étaient multiples, voire infinies. "Je peux aussi vous filer des manuels de réa, si ça vous intéresse." pensait-elle soudainement. Peut-être moins intéressant qu'une liste vertigineuse de molécules, mais de la complexité quand même. Il deviendrait un expert en médecine, à force de tout lister, de tout enregistrer. Vu la frustration engendrée par l'oubli d'un simple médicament, Alfie devait être doté d'une sacrée mémoire pour parvenir à tout enregistrer. Un véritable esprit en fusion.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road EmptyVen 6 Déc 2019 - 1:35

C’est autant un défaut qu’une qualité, mais une chose est sûre : la créativité d’Alfie ne connaît guère de limites et la proposition de Norah apparaît comme formidable à ses yeux là où elle aurait dû supposément en dégoûter certains et en décontenancer d’autres. Pas Alfie, qui ne manque jamais une opportunité d’ouvrir ses horizons ; et il ne pensait pas qu’il était possible d’obtenir un tel film qui, assurément, deviendra son préféré et qu’il ne manquera pas de ressortir aux fêtes de famille. Oui, aussi surprenant (et abject) que cela puisse être, cette idée lui apparaît comme la meilleure réponse aux sempiternelles : « mais quand vas-tu nous donner un petit-fils ou une petite-fille » formulés par ses parents à chaque occasion sans prendre en compte le fait qu’il est difficile de procréer tout seul. Ce qui, généralement, donne alors lieu à un autre débat du même acabit : « mais quand vas-tu nous présenter une jeune femme » (avec forte insistance sur le terme « jeune femme », des fois qu’il aurait dans l’idée de leur imposer sa bisexualité jusqu’au bout, eux qui tendent à fermer les yeux sur cet aspect de sa vie). Et parce que ses parents sont des ascendants forceurs, ce n’est pas des discours qu’ils lui réservent uniquement à Noël, au contraire, c’est à peu près ce qu’il entend une fois par semaine puisqu’il a eu la formidable idée de s’engager hebdomadairement auprès d’eux, et il tend de plus en plus à reconsidérer ce sacrifice. Mais parce qu’il est attaché à cette impression d’avoir des liens solides avec eux (ce n’est pas vraiment le cas, pourtant), et qu’il est amoureux de la purée de sa mère et du gâteau aux noix de son père, Alfie préfère contre-attaquer avec originalité plutôt que de prétexter un agenda surchargé qui ne lui permettrait plus de les voir régulièrement. Non, la perspective de leur décrocher la mâchoire en diffusant sur grand écran « vie et mort des soldats d’Alfred » est beaucoup trop réjouissante pour qu’il passe à côté. Nul doute qu’avec un beau discours travaillé basé sur « voyez, ça, c’est Abraham (prénom biblique oblige histoire d’accentuer le traumatisme). Abraham est le plus rapide de tous les soldats, alors si vous voulez un petit-fils, c’est sur lui qu’il faut miser. Sauf que ! Sachez que Judith ici présente n’est pas une adversaire à prendre à la légère, au contraire. Elle compte bien obtenir la victoire, et ne lâchera rien. Par contre, je vous déconseille de miser sur Micah, juste ici, parce qu’alors là, c’est le gros flemmard de base, celui qui se laisse porter, et pour le sortir il va vraaaaaaiment falloir que je me… » Il sera certainement interrompu par les hurlements de sa mère avant de finir sa phrase (et probablement avant d’atteindre celle-ci, d’ailleurs). Ce qui est certain, c’est que le sujet ne reviendra pas sur la table avant un certain temps et, pour la première fois, il est forcé de trouver une utilité à Norah alors qu’il revient peu-à-peu à lui et met un terme au film qui se déroule dans ses pensées. « Et le pop-corn. N’oubliez pas le pop-corn. » Vraiment ? « Enfin, du quinoa soufflé plutôt. Mais vous en faites pas, je vous ferai une liste des snacks dont j’ai besoin pour ma séance. » Et même si la nourriture de cet hôpital n’est pas aussi mauvaise que sa réputation laisse croire, il ne serait pas contre de la vraie nourriture. « On va garder ça pour la fin de ma mise en quarantaine, histoire que je puisse avoir un objectif qui me fasse tenir, et que je puisse avoir le DVD juste à temps pour le dîner de retrouvailles qu’organiseront mes parents. » Car il les connaît, et il s’attend déjà à des célébrations, car c’est la solution pour laquelle ils optent pour démontrer de leur intérêt quant à sa situation. Pas qu’Alfie soit outré par cette manière de faire, au contraire : c’est toujours mieux que rien, et finalement c’est à l’image de toute sa relation avec ses parents. Tout est fait de travers, mais l’intérêt est sincère.

Et si un court instant Alfie est parvenu à se détendre, la colère regagne très vite ses veines alors qu’elle fait fi de tous les protocoles de sécurité et qu’il en devient fou. Ils ont passé des heures à lui expliquer ce qu’il risquait s’il ne se soumettait pas à toutes ces mesures, s’il avait dans l’idée de ne pas les respecter ou de jouer au plus malin pour s’en échapper. Autant dire que se plier de cette façon à l’autorité alors qu’il est le premier à la défier est tout simplement insupportable, mais que ça l’est encore plus alors que même les employés de cet hôpital ne respectent pas les directives qu’ils sont pourtant les premiers à distribuer. Ça le rend dingue qu’on se joue de lui de cette façon, et le mépris qu’il distingue dans les yeux et les paroles de la jeune femme ne manquent pas de l’agacer d’autant plus. Trois semaines. Encore trois putain de semaines avant d’être libre. « De mieux en mieux ! Il n’y a donc personne qui ne s’occupe de ce trou à rat ? » Qu’il soupire, question rhétorique puisque la réponse paraît assez évidente. L’hôpital lui-même n’est pas concerné par ce qu’il se passe entre ses murs, tout comme ses employés et Alfie commence sérieusement à songer à demander son transfert. Et son état ne s’arrange pas alors qu’elle parle de fierté personnelle et que ses traits font place à une grimace alors qu’il frappe l’air de sa main, signe d’incompréhension. « Mais quel est le rapport, putain ? » Qu’il s’énerve à nouveau, ses poings serrés et ses petites veines dans le cou bien dessinées. « J’ai pas des gens sous ma responsabilité, moi ! Je suis pas un putain d’égoïste qui pense qu’à sa gueule au détriment des autres. » Il soupire, tenté de poursuivre des heures durant la longue liste de reproches, mais conscient aussi qu’il s’agit d’un dialogue de sourds. Elle veut se la jouer plus maligne, se donnant une contenance quitte à être ridicule et à côté, Madame a quelque chose à prouver et décide d’interpréter les choses comme elle, elle l’a décidé, et n’en a rien à foutre du reste tant qu’elle y trouve son compte et qu’elle peut être rassurée sur le fait qu’elle porte ses ovaires. Génial, qu’on lui file une médaille, et qu’on l’enferme ensuite à l’asile. « Mais putain, c’est ça que vous comprenez pas ! Il ne s’agit pas de VOUS, il s’agit d’une mesure d’état que VOUS. NE. RESPECTEZ. PAS. Vous faites ce que vous voulez en temps normal, faites les points de suture que vous préférez, prenez les patients dans l’ordre que vous voulez, suivez vos protocoles personnels comme vous voulez, mais vous ne pouvez pas le faire dans un tel cas. Que vous tombiez malade ou non, qu’il y ait la preuve que vous vous êtes exposée vous-même ou non, vous m’impliquez dans votre connerie, directement ou non, mais vous m’impliquez alors que je. N’ai. Rien. Demandé. » Il laisse échapper un nouveau (lourd) soupir alors qu’il abandonne ; bien elle a gagné, elle pourra aller défiler la tête haute auprès de ses collègues, se vanter d’avoir obtenu la victoire au cours d’un jeu qui n’en était pas un. Il est conciliant d’ordinaire, il aime croire qu’il l’est du moins, mais il ne peut rien pour elle : elle est aveugle, idiote, irresponsable, et les qualificatifs ne sont pas suffisants. « Vous ne comprenez pas que cette maladie n’est pas à minimiser comme vous le faites, c’est… ça me rend dingue pour tous les gens qui ont été touché, de près ou de loin, que vous minimisiez les choses ainsi. Et dites ce que vous voulez, défendez-vous comme vous le voulez, mais c’est ce que vous faites. Dès le moment où vous faites un doigt à des protocoles d’urgence, vous minimiser tout ceci. » Il finit par souligner, terriblement agacé, mais les mots qui ne s’échappent plus de sa gorge en hurlant. « Oh, allez-vous faire foutre. » Qu’il réplique finalement avec un regard noir avant qu’elle ne se casse enfin.

Le repos est de courte durée alors que Norah revient dans la chambre avec un chariot d’urgence. Il ne manque pas de commenter cette idée ; la trouvant aussi stupide que pathétique. Elle ne réfléchit donc jamais. Il sait qu’on tend à le considérer comme autodestructeur et si Alfie n’a jamais vraiment accepté cette dénomination, il n’en reste pas moins qu’il ne cherche pas à impliquer les autres dans ses idées folles qui peuvent le mettre en danger ; non, il est le seul visé par de tels actes, contrairement à ceux de Norah qui continuent de l’impliquer, de près ou de loin. Elle s’est amusée de cet isolement, s’est amusée d’une maladie qui a fait des morts, partis dans d’atroces souffrances, détruit des familles, manqué de faire s’effondrer des pays entiers, touché les malades autant que tous ceux qui gravitent autour d’eux. Ça n’a rien d’amusant, et elle n’a eu de cesser de minimiser l’importance du virus. Et désormais, elle minimise sa lutte contre l’addiction, en lui mettant le chariot sous son nez, qui personnifie tout ce dont il essaie de se tenir éloigné depuis des années. Et ce n’est pas parce qu’elle a remis un masque sur le nez qu’Alfie parvient à être plus calme, bien au contraire, mais son envie perpétuelle de jouer à la plus maligne commence sérieusement à lui taper sur le système. Elle ne se rend pas compte qu’il y a des moments moins importuns que d’autres, comme c’est présentement le cas. « Ah oui ? Vous avez une drôle de façon de le montrer. » Qu’il soupire en levant les yeux au ciel, incapable de trouver des justifications à son comportement irresponsable. C’en est pas un pour elle, pourtant elle vient lui coller la pharmacie sous le nez et l’invite à fouiller dans les tiroirs. C’est un jeu pour elle, seulement, elle n’est pas capable de le reconnaître. Et si la fierté d’Alfie l’empêche un premier temps de satisfaire Norah en cédant à son idée, il finit par craquer alors que dans sa tête défilent naturellement les produits et qu’il ne parvient pas à tous les identifier. Il lui en manque, alors qu’il les connaît pourtant par cœur. Il ne parvient pas à rester dans l’ignorance plus longtemps. Il recompte, et concentré, ne réalise pas tout de suite qu’il ponctue ses efforts de quelques phrases balancées dans le vide qui en disent pourtant beaucoup. Mais cette activité, Alfie ne l’associe pas seulement au manque qui a longtemps grandi en lui, mais aussi au besoin d’approbation qu’il a longtemps voulu susciter chez son paternel. « Ouais. » Qu’il répond de manière distraite alors que la jeune femme présume que la médecine et la pharmacologie n’ont plus de secret pour lui. C’est la vérité, mais ce n’est pas seulement grâce à son père. « Absolument pas, je trouvais ça chiant, après ça... » a changé à l’adolescence. Il s’interrompt alors que son cœur se serre en songeant à tous les dégâts qu’il a causé, notamment dans sa relation avec son père alors qu’il a failli ruiner la carrière de celui-ci. Il ne lui a jamais pardonné, et Alfie ne s’est pas pardonné non plus. « C’est une vocation. » Qu’il précise en haussant les épaules, toujours perdu dans ses comptes. « On est dans une ère de mondialisation, qui a rendu accessible la diversité culturelle à large échelle. Et pourtant, ça s’accompagne quasi toujours d’une homogénéité de ces mêmes cultures qui finissent par disparaître à cause de cette fameuse mondialisation qui en imposent certaines et en effacent d’autres. » Il soupire à cette idée, perdant son compte et devant recommencer. « Alors on en arrive à une vision essentialiste des choses, où on reconnaît certaines cultures plutôt que d’autres ; mais c’est en valorisant certaines qu’on en condamne d’autres et ça, les gouvernements ne veulent pas le comprendre, du moment qu’eux, ils y trouvent leurs intérêts. » Ce n’est pas pour rien qu’il y a une vision très critique de la politique, et même plus particulièrement de la politique australienne. « Beaucoup de gens sont conscients du problème, mais ils ne font rien, parce que ça sert leurs intérêts personnels, alors pourquoi se mouiller ? » Un peu comme vos conneries de tout à l’heure, qu’il manque d’ajouter. « Mais si jamais personne ne bouge le petit doigt, on va droit dans le mur, et c’est pas dans un demi-siècle qu’il faudra regarder en arrière en regrettant de ne pas avoir su préserver certaines sociétés, des œuvres culturelles ou d’autres pans de notre histoire et de l’histoire du monde. » Il conclut avant qu’elle ne reprenne la parole et qu’il relève les yeux vers elle un bref instant pour l’écouter. Il ouvre le troisième tiroir, occultant volontairement le second qui lui serait trop familier. Commençant à fouiller à l’intérieur de celui-ci, Alfie finit par grimacer légèrement. « Je veux bien du plus spécifique. » Qu’il reprend ses termes, alors que malgré tout, il continue de farfouiller dans les tiroirs et de murmurer pour lui-même. Un silence s’installe, qu’Alfie ne ressent pas, trop occupé à poursuivre ses investigations. Il ne relève la tête que lorsque la voix de Norah se fait à nouveau entendre. C’est un « mm, hm » peu convaincu qui s’échappe d’entre ses lèvres, Alfie n’ayant aucune envie de poursuivre sur le sujet. Il n’a pas envie de parler de cette hospitalisation, principalement parce qu’il ressent l’attitude des autres autour de lui et qu’il a bien compris qu’il n’était pas légitime de se plaindre de sa situation puisqu’il a foncé tête baissée dans celle-ci. Pour autant, il ne le regrette pas, jamais. « Ouais. » Qu’il souffle par la suite alors qu’elle semble faire son mea culpa, et qu’Alfie se contente de hausser les épaules. Il n’est pas convaincu par ses propos après leur échange précédent, mais il reconnaît malgré tout la sincérité de ses paroles. « Faites quand même plus attention à vos propos et vos actions. » Qu’il marmonne avant d’ajouter, sans relever le regard. « Ce n’est pas parce que vous connaissez par cœur la théorie que vous pouvez imaginer la pratique. Vous ne pouvez pas. » Il avertit, la voix posée et les mains toujours occupées. C’est quelque chose qui l’a toujours dépassé, des propos de ses parents jusqu’à ceux des soignants des centres où il a été par deux fois pour décrocher ; ils pensent qu’apprendre par cœur un manuel leur permet de savoir de quoi ils parlent, mais ce n’est pas la vérité. Ce ne sera jamais la vérité, car ce n’est pas la leur, et c’est quelque chose qu’ils ont parfois de la peine à comprendre, et qui peut vite tendre vers une insensibilité. « Je veux bien, oui. » Qu’il finit par acquiescer, toujours sans relever le regard, car ce serait trop frustrant pour lui, d’autant plus avec ce qu’il s’apprête à ajouter. « Merci. » Et s’il tendait à crier avant, c’est désormais en un murmure que sa voix se pose.
Revenir en haut Aller en bas

Contenu sponsorisé
  

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty
Message(#)(noralfie) i'll be beside you on that dusty road Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

(noralfie) i'll be beside you on that dusty road