Cette sensation que tout vous échappe alors que toujours, vous avez réussi à prendre contrôle sur absolument toute chose de votre vie. Cette sensation que les chaînes se brisent petit à petit et que c’est réellement effrayant parce qu’on a pas du tout l’habitude. C’était ce qu’il se passait récemment ou ca avait commencé il y a plus longtemps sans que vraiment je ne veuille l’admettre. Ma stérilité en avant été l’annonciateur mais j’ai tenté de garder la tête haute. Mais le décès de maman et ses révélations sur ses intentions, ca avait été la goutte d’eau, le point de départ de cette perte de vitesse. J’ignorai où j’allais et pourquoi j’y allais. Je savais simplement que j’étais complétement perdue et qu’un rien pourrait me faire à présent vriller. Ces nouveautés qui me font tant me remettre en question à propos de tout : à propos du sens que ma vie prenait, de la direction dans laquelle j’étais si sûre d’aller. Toutes mes convictions, toutes mes croyances et toutes mes valeurs n’avaient aujourd’hui plus le même sens et je m’y perdais.
Ce passage chez Evie aujourd’hui allait me faire le plus grand bien. Au courant des petits secrets de maman, de sa trahison à sa mort, son petit jeu orchestré depuis on ne saura jamais quand… mettre en scène la vie de ses propres enfants qu’elle disait aimer si fort… quelle honte. J’étais toujours autant en colère, toujours aussi révoltée. Evie trouvait toujours les mots, toujours l’attitude pour m’écouter et me rassurer. Elle était une amie si chère à mes yeux, si importante depuis toutes ces années et même lorsqu’elle avait quitté l’Australie pour rejoindre l’Europe, pas une semaine ne s’était écoulée sans que l’on se donne des nouvelles. Une amitié si précieuse à mes yeux.
« Non, pas de café, je te remercie mais, en ce moment, j’ai tellement de mal à trouvé le sommeil que je peux mettre ça sur le dos de la caféine que je prends à 8h le matin… » alors à seize heures… « je vais prendre une tisane… nuit calme, si tu as. » je plaisante mais je prendrais quand même si elle n’avait que ça à me proposer. « Est-ce que j’aurai un jour l’honneur de rencontrer ce fameux Chad ? Il n’est jamais là quand je passe par ici. » haussant les épaules, je ne venais pas non plus si souvent, on se voyait essentiellement chez moi à vrai dire ou alors, en extérieure pour des sorties entre filles. Je suppose que c’est moins évident de recevoir lorsqu’on est en colocation. Je l'avais déjà aperçu, habitant dans la même rue, à quelques maisons qui nous séparaient, mais je n'avais jamais vraiment eu l'occasion de le connaitre.

« Une tisane nuit calme ? Tu sais ce qu'on dit : quand on commence à préférer la tisane au café en fin d'après-midi, c'est que le temps fait son œuvre et que ça devient urgent de réserver une place à la maison de retraite. » je crois que je refuserai pas, si ca pouvait me permettre un peu de repos. Me laissait trainer toute la journée et que mes passetemps se résument à jouer aux cartes, boire des tisanes nuits calmes et regarder la télé sur un fauteuil électrique, le programme ne me déplaisait pas. « Où est ce que je signe ? » que je plaisante à mon tour. Mais j’assumais la tisane à la place du café. « Fais comme chez toi, je vais voir ce que je peux faire pour toi. Ne fais pas attention au bazar, j'étais en plein boulot. » le bazar d’Evie était similaire à mon bazar, c’est-à-dire seulement quelques objets ou vêtements qui trainent là où ils ne devraient pas, sans pour autant donner ce sentiment de désordre. Chacun sa vision du rangement, mais je ne lui tenais pas rigueur de ces quelques oublis sans importance. J’allais m’asseoir, comme elle me l’avais indiquée et je profitais de ce canapé confortable dans lequel je m’enfonçais aisément. « On est pas mal ici… » et j’observe, je regarde tout : les meubles, la décoration, les photos, les cadres, les objets qui ne sont pas à leurs places. On y voit bien, l’esprit de la colocation. Il y a des choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. « S’il y a bien une chose que je n’aurai jamais pu faire ou supporter, c’est bien la colocation… peut être que c’est mon colocataire qui ne m’aurait pas supporté non plus. Je suis trop toquée pour ça… » et Evie était bien l’une des rare personne a savoir quels pouvaient être mes toques. Entre cette importance de toucher deux à trois fois un robinet avant de l’ouvrir et après l’avoir fermé. Ma difficulté à marcher sur des joints d’un carrelage… et mes manies au quotidien qui peuvent me rendre invivable aussi. Roman était passé au-dessus de ça et supportait, par amour sans doute.
« Il travaille beaucoup, tu sais. Mais je suis persuadée que si j'organise un dîner où tu seras l'invitée d'honneur, il se fera un plaisir d'y participer. » et je me ferai un plaisir d’y participer également, même si je savais qu’il avait quitté son ex femme pour un homme, je pouvais passer au-dessus de ça. Si Evie le côtoyait, ça ne devait pas être si terrible. Je la regardais de son côté de la cuisine, entrain de préparer nos boissons chaudes, espérant qu’elle ai cette tisane que je lui avais commandé. « Je ne t'ai même pas demandée comment tu allais. Tout va bien de ton côté ? » je croise mes jambes et pose mes mains sur mes genoux, balance ma nuque en arrière et observe le plafond un instant avant de réponse sincèrement à Evie. « J’suis pas mal à la ramasse, perdue, paumée… tout ce que tu veux. » je me redresse pour la fixer à nouveau. « Je crois que je suis à une periode critique de ma vie. Où absolument tout ce que j’ai pu faire ou vivre jusqu’à présent n’a plus réellement de sens et tout mes projets sont entrain de tomber à l’eau ou n’on plus de sens non plus… » et tout ça lié au décès de maman et son foutu testament. « Entre le boulot, Roman… moi. Tout fou l’camps ! »

« Chad est un trésor. La seule chose d'insupportable chez lui, c'est son mètre 96. » Cette remarque me fait rire. Roman est bien plus grand que moi également et parfois, il oublie que je suis dans l’incapacité physique de faire les mêmes choses que lui. M’obligeant à l’appeler pour aller récupérer des objets qu’il place en hauteur et que moi, même si la pointe des pieds, il m’est impossible d’atteindre. Je pouvais alors comprendre ce que voulait dire Evie qui était tout juste plus grande que moi. Ca avait aussi, quelques avantages. « Je suis sûre que tu en abuse parfois aussi. En tout cas, quand je suis avec Roman, je compte bien profiter de sa grande taille à tout moment. Pour faire les courses, c’est très pratique. Pour attraper des choses en hauteur, très pratique aussi. Pour faire peur et se faire un passage dans la foule, tellement pratique !» moi qui ne supporte pas le monde, la foule, les endroits bondés, je m’y sens toujours un peu mieux quand je suis accompagné de Roman. Et me rappeler de ces côtés positifs me font un peu plus culpabiliser sur mes doutes récents quant à notre relation, notre mariage. «OK… ça fait beaucoup trop de choses d'un coup. Je te reconnais bien là. » Une chose avait tendance à en amener une autre oui, comme si un problème n’arrivait jamais seul. La loi de Murphy ne me laissait jamais tranquille et Evie voyait ça sans doute comme une comédie dont j’avais le mauvais rôle principal. Mais pour moi, c’était bien réel, et nulle ne pouvait se mettre à ma place pour savoir comme il était si compliqué d’être le rôle central dans cette histoire. Même si oui, j’avais toujours aimé être au premier rang, être sous les projecteurs et que l’on ne remarque que moi, mais c’était valable quand c’était du positif. Lorsqu’il s’agit de drame, je n’en voulais pas. « Je sais que l'après-coup et difficile à gérer, mais tu es Eva Adams. Tu réussiras à te relever, j'en suis persuadée. » je hoche la tête, toujours, je m’en sors toujours. « Sauf que pour le moment je suis prise dans un tourbillon que j’ai bien du mal à quitter. » et ca m’effraie de n’être incapable de contrôler avec précision ce qu’il se passe dans ma vie. Je suis là, actrice et à la fois spectatrice, comme si j’étais incapable de changer le scénario de mon propre chef. « Ça ne peut pas être aussi pire que ça. Bois un peu, ça te calmera. » je saisi la tasse chaude qui se trouve devant moi et secoue la tête. « tu sais pas… » je relève les yeux vers Evie. « Il suffit de remettre de l'ordre dans tout ça. Ça va te demander un peu de travail, mais si tu as besoin d'aide pour y voir plus clair, je me porte volontaire » et je saisi alors cette main tendu pour poursuivre et dévoiler le plan machiavélique de maman. « Le cadeau de maman pour son décès. » chose qui me torturait l’esprit plus que de raison sans doute, mais c’était encore l’incompréhension totale pour moi. « Quel genre de mère pourrait t’obliger à fonder une famille, te sachant stérile pour pouvoir toucher son héritage. » chose que je considérais me revenir de droit, parce que je l’avais mérité depuis ma naissance, pour tous les efforts fournis pour maintenant cette famille debout. « Quel genre de mère… » je répète. La colère était passé, la tristesse aussi. Maintenant, je voulais juste comprendre. « Ça remet absolument tout en cause ! et il n’y a pas que moi. Tony, Simon et Lene ont aussi eu droit à leur challenge… » je lève les yeux au ciel et apporte la tasse à mes lèvres, le liquide chaud glissant dans ma gorge. « Alors maintenant, qu’est ce qu’on va penser de moi ? Eva Adams fait recours à la PMA dans le seul but de toucher l’héritage de sa mère ? Roman ne semble pas plus investie que ça dans la démarche en plus. J’ai l’impression de vouloir faire un bébé seul, et qu’en plus de ça, il est la clé pour avoir ce qui me revient de droit… »

Evie était la première personne, après Roman à qui j’avais parler de ce fameux testament et les conditions si ridicule de ma maman pour pouvoir prétendre à son héritage. Une belle mascarade du début à la fin. Si bien qu’en réalité, on ne savait toujours pas ce qui nous reviendrait si toute fois, on répondait à ses exigences. Je savais qu’Evelyn allait sortir de ses gongs et faire un bon sur sa chaise ; ses yeux en disaient long sur ses pensées, bien qu’elle semblât se retenir de ne pas trop en dire. « Attends, quoi ? » abasourdie visiblement, je hochais la tête pour appuyer mes propos. Tout à fait, c’est de cette même façon que j’avais réagis, avec un poil d’agressivité, devant le notaire lorsqu’il avait pris soin de nous lire le document. Tony avait demandé si c’était même légal d’attendre autant de la part de ses enfants. Le notaire semblait s’en amuser, proche de notre défunte mère, il ne voulait en aucun cas trahir sa confiance, où qu’elle soit à présent. « Et qu'est-ce qu'elle impose aux autres ? Les mots me manquent, je ne l'aurais jamais cru capable de faire quelque chose d'aussi… » et moi. Moi qui avait toujours misé sur maman, qui l’avait toujours soutenu. Jamais je ne l’aurai pensé capable d’une telle chose. « Tony doit se marier à une femme de notre rang. » sous entendu, qu’il arrête de ramener des nanas d’on ne sait où. Même si dans le fond, je suis assez d’accord avec maman, ce n’était vraiment pas la peine de le noter noir sur blanc sur ce document. « Lene, pour faire simple doit se réconcilier avec notre père. » quelle blague aussi, sachant que papa ne voulait pas la voir pour lui annoncer le décès de maman. « Simon s’en sort bien, devant poursuivre ses études et avoir son diplôme… la suite logique pour lui, pas de gros efforts à fournir, la simple certitude qu’il aille jusqu’au bout, mais personne ne doutait de ça. » C’est bien pour cette raison que le petit dernier se foutait bien de ce testament et riait aux nez de ses frères et sœurs. « On en prend tous pour notre grade. » sans compter Simon. « Qu'importe ce que tu choisiras de faire, il y aura toujours des idiots qui commenteront en laissant planer le doute sur tes véritables intentions. La PMA, c'est quelque chose que tu envisageais déjà compte tenu de… » je l’envisageai depuis peu de temps, certains savent que mon discours était tout autre il y a quelques mois encore. Certains connaissent mon avis trancher sur la question alors que je n’avais connaissance de mon état de santé. Certains savent bien qu’il aurait été impossible de l’envisager. Ce sont ces personnes que je redoute et même s’il était facile de dire que je me moquais de leurs avis, la réalité était tout autre. J’avais toujours tout fait pour que ma famille et moi-même soyons à l’abris de tout scandale, étouffer des affaires, bousculer d’un revers de main tout problème. Je ne voulais attirer aucune foudre, rester discrète et qu’on ne parle de moi ni en bien, ni en mal. « On s'en fout des on, Eva. Ce n'est pas eux qui régentent ta vie ; tant que tu sais que tu fais les choses pour les bonnes raisons – parce que tu en as envie, et pas pour toucher l'héritage de ta mère, qu'est-ce que ça peut bien faire ce qu'ils racontent ? Ils trouveront toujours quelque chose, toujours. » Evelyn s’était toujours moqué de ce qu’elle pouvait lire à son sujet ou au sujet des Pearson dans la presse, cette force incroyable que je salue de ne pas se soucier de l’avis des autres. Pour moi, ces avis avaient bien trop d’importance, lorsqu’il s’agit de la presse, du grand public. Adopter un comportement contradictoire à tous mes discours et ce juste après l’annonce foudroyante de maman, je voyais déjà venir les langues de vipères, pire que tout, la carrière politique de papa pourrait être atteinte et les valeurs qu’il dégage également. J’attendais surtout ses propres reproches. « Tu en as discuté avec Roman, qu'est-ce qu'il en pense vraiment ? » je tenais la tasse chaude entre mes mains, la regardant fumer, et je déglutis sans oser lever mes yeux vers Evie. « Je sens ces choses-là. » et qu’on ne me parle pas simplement de ressentis. « Il y aune réelle différence entre le Roman avant ma stérilité et le Roman après. » et même si nous étions mariés à présent. « Et il y a autre chose. » je posais la tasse devant moi, caressant mes cuisses des paumes de mes mains chaudes. «Je l’ai trompé. » je relève enfin mes yeux vers Evie, attendant son jugement à son tour. « Je te l’ai dis, je suis paumée. » c’était qu’une fois, un seul soir et je m’en mordais suffisamment les doigts depuis.

Je suis du regard Evie qui se lève vers le buffet qui se trouve dans la pièce. Il semblerait que mes petites confidences l’aient assommée au point de vouloir boire de l’alcool. Et peut-être avait-elle compris – et je l’avais suffisamment exprimé et fait ressentir – que c’était devenu trop pour moi tout ça. En quelques mois, tout s’était enchainé et il m’était arrivé tellement de chose à assumer, bien plus que je n’avais eu à le faire depuis plus de trente ans. Bien d’autres auraient sans doute craqué avant moi, je me sentais forte et je pensais pouvoir tout porter sur mes épaules mais à force de trop en ajouté, je finissais par fléchir et tout autour de moi me disait d’arrêter. Alors « quelques chose de plus fort » me conviendrait et avec plaisir. Le verre de bourdon devant mes yeux, je glissai ma main pour le saisir sans rechigner, même s’il était socialement tôt pour boire de l’alcool sans raison apparente. Au diable les conventions et le conformisme. « Qu'est-ce que tu veux dire, il t'évite ? » et il me fallait du courage avant d’entreprendre cette réponse, ce verre m’en donnerait. Portant le liquide jusqu’à mes lèvres, je fronçais les sourcils en sentant l’alcool glisser dans ma gorge, brûlant mon œsophage alors qu’Evie semblait accueillir le liquide avec aisance. « Il passe bien plus de temps au domaine de ses parents que chez nous. Ca avait été le cas déjà avant le mariage, lorsque je lui ai dis que j’étais stérile, ça s’est tassé et maintenant, il recommence. Il ne vient pas à mes rendez-vous chez le médecin, ne s’intéresse pas à ce qu’il se passe, ni comment se déroule une FIV, ni quelles sont les différentes possibilités pour avoir recours à la PMA. Il ne pose aucune question, ne réagit pas lorsque j’aborde le sujet. Je suis persuadé qu’il remet tout en cause. » puis, j’avoue que je ne suis pas toute blanche, que j’ai franchi une ligne, je l’ai trompé, ce soir à l’hôtel, ce soir là avec Jack. Je n’avais plus de contact avec lui, refusant de garder le moindre souvenir qui me ramènerait dans ses bras. Refusant son numéro, de savoir où il habite, de savoir s’il se rend régulièrement dans cet hôtel, si nous pouvions nous y retrouver. Je n’avais aucune intention de refaire cette erreur. « Eva. » mes yeux sont fuyant, ne voulant pas affronter le regard d’Evie, même si je sentais que sa réaction n’était pas forcément contre moi. J’avais peur de ce jugement à chaque instant. « Je suppose qu'il n'est pas au courant, tu comptes lui en parler ? » Elle suppose bien Evie. « Dans quel but ? » qu’il me quitte une bonne fois pour toute, signer les papiers du divorce et voilà un second mariage totalement gâché et ruiné. « Il est hors de question qu’il soit au courant, ça ne servirait à rien. Je n’ai pas l’intention de revoir celui avec qui je l’ai trompé, ça s’est passé une fois, ça ne se reproduira pas. » Je saisi à nouveau le verre devant moi, cette fois prête à ressentir la chaleur du liquide. « J’ai l’impression qu’on fonce droit dans le mur ! » et c’est avant tout l’image que je renvoie qui me touche, Eva Adams, incapable de garder un homme près d’elle, incapable d’être cette femme parfaite qu’on a toujours voulu me coller sur le dos. « Si Roman sait ce qu’il s’est passé, ca ne fera qu’une excuse supplémentaire pour annuler notre mariage, c’est même du pain béni pour lui, après tout, c’est moi qui l’aurait trompé et il n’aurait pas à assumer sa fuite. »

« On dit tous ce genre de choses. Mais la vérité, c'est qu'à la seconde où l'occasion nous est à nouveau donnée, on se jette dessus comme des affamés. » Eva avait-elle loupé un épisode ? Sortant de la bouche d’Evie, elle avait l’impression qu’elle se laissait aller à son tour à une confession, comme si, elle savait tout à fait de quoi elle parlait. Seul hic, pour Eva, Evie était totalement célibataire et elle se demandait alors de quand pouvait dater cette fameuse infidélité – et pas qu’une, si on comprend le message caché -. « Tu sais de quoi tu parles ? » qu’elle questionne, fronçant les sourcils, curieuse d’entendre la réponse de son amie. Peut être bien qu’Eva s’en mordrait moins les dents à savoir que son amie était aussi passée par là. Peut être qu’elle culpabiliserait moins, en sachant tout de même que son act n’était pas excusable. « J’espère, en tout cas, que ça ne se reproduira pas… » qu’elle glisse entre ses lèvres. Ayant un réel désire de sauver son mariage, de faire en sorte de raccrocher Roman à sa vie, de le remettre dans le wagon, assis à côté d’elle et allant dans la même direction. Peut être qu’il sortirait du train avant elle, mais ce n’était pas le moment de remettre en cause son mariage, elle n’en avait aucune envie et elle restait persuadée d’aimer Roman au plus profond d’elle-même. Eva se trouvait des excuses en accusant indirectement son mari d’être le premier fautif de ce faux pas. Elle n’était qu’une victime à sa fuite et les conséquences étaient celles qu’elle connaissait aujourd’hui : l’adultère et le mensonge, un de plus. « Et tu ne crois pas que, pour éviter de foncer droit dans le mur, il vaudrait justement mieux prendre les devants et… » Eva dans sa lancée en oubliait de laisser Evie en placer une, elle se tue une fois qu’elle remarqua qu’elle lui avait coupé la parole, sans doute trop tard. Mais laisse son amie, qui ne lui en tenait pas tant rigueur, reprendre là où elle s’était arrêtée, et profitant de ses bras réconfortant autour d’elle. «Le manque d'implication de Roman t'a poussé à aller voir ailleurs, c'est un lien de cause à effet que tu ne peux pas ignorer. Même si ce sera difficile, même si tu te sentiras sans doute atrocement mal après lui en avoir parlé, il serait sans doute plus judicieux que tu le confrontes à ce sujet, que tu lui dises clairement que c'est sa manie de fuir qui t'a donnée envie d'aller voir ailleurs. » Eva resta silencieuse, se rappelant de sa réaction lorsqu’il apprit qu’elle lui avait caché sa stérilité pendant de long mois, le couple s’étant ensuite juré de ne plus se faire de tels secrets. Qu’en effet, la communication aurait tout rendu bien plus simple. Et si Roman tenait aussi à son couple, il pardonnerait sans doute, comprendrait en quoi son comportement avait poussé Eva à agir ainsi. Face au silence d’Eva, Evie comprenait sans doute ce qui la faisait hésiter : la honte qu’elle pouvait éprouver. Si, pour Eva c’était absolument inconcevable de tromper son mari, un homme à qui on a juré fidélité devant Dieu, devant des êtres chers. Tromper, c’est effectivement non seulement tromper son mari mais tromper tous les témoins qui ont assisté à ce mariage. « Tu ne penses pas que ce serait une bonne chose que vous vous en teniez aux bons moments que vous avez déjà vécu avant que ça ne tourne à la mauvaise farce, et que vous deveniez le genre de couple qui ne reste ensemble que pour faire joli sur les photos ? » Et Eva était prête à accepter ce rôle-là, ce couple en apparence parfait et qui pour autant traverse les pires étapes. « C’est exactement le rôle que suis capable de jouer, Evie… » levant à son tour les yeux vers son amie, qui d’après ce regard n’était pas prête à lâcher Eva. « Mais… » ce regard faisant pression, visiblement pas satisfait de sa réponse. « Mais, t’as sans doute raison. La meilleure chose à faire reste de lui dire… » et de le faire sentir coupable pour qu’il n’accable pas trop la jeune brune, ca fait aussi partie de ses plans. « Je verrai bien… tu connais tout mon courage quand il s’agit d’affronter Roman. » bien moins facile que d’affronter sa propre famille. « Si je suis à la rue demain soir, j’espère que tu m’autorise un bout de canapé. » qu’elle lance en plaisantant, n’espérant tout de même pas à en venir là. « Bon... est ce qu'on pourrait un instant cesser de parler de moi? Entre ma famille et Roman, je crois qu'on a fait le tour... dis moi, toi? t'en es où? »

Eva se demandait pourquoi chacune des histoires qu’elle avait eu jusqu’à présent, n’avait été que fiasco sur fiasco. Qu’elles datent du lycée, de l’université, de plus récemment, de sa vie de jeune femme ou de sa nouvelle vie de jeune mariée, Eva n’avait rencontré que ignorants, des illégitimes ou des fuyards. Son ex fiancé avait pris la poudre d’escampette avec Lene le jour de son propre mariage, son mari se réfugiait à chaque instant chez ses parents lorsque quelque chose n’allait pas dans le couple. Ce qui veut dire qu’il désertait presque toujours depuis un an, voir plus. Se sentant seule et obligée d’agir en conséquence, elle avait fini par entreprendre des démarches en solitaires, sans attendre que Roman ne daigne de présenter aux divers rendez-vous médicaux qu’elle avait entrepris pour lancer le processus de FIV. Jusqu’à ce que le médecin lui demande si elle allait le faire seule ou si un homme serait bien présent pour cette nouvelle famille. Elle n’était pas du tout à la phase concrète du projet, elle n’en était qu’à ramasser des informations à droite et à gauche et une chose était sûre, si Roman quittait le navire, ce nouveau projet tomberait lui aussi à l’eau. C’était suffisamment compliqué pour la jeune femme de recourir à une assistance pour procréer, mais si elle devait le faire seule, c’était impensable. Roman avait intérêt à se remettre dans le sens du courant, et vite. "Tu seras encore plus malheureuse si tu t'obstines à vouloir sauver les apparences, Eva." Pensant que cette remarque ne méritait pas de réponse, le silence d’Eva en disait long. Effectivement, sauver les apparences, c’était la doctrine de la famille Adams.
Finalement, reconnaissant que la meilleure chose était sans doute de cracher le morceau et tant pis pour la doctrine. Eva n’en serait peut être que plus légère et au pied du mur, Roman pourra peut être aussi lui dire tout ce qui lui passe par la tête et alléger son cœur lourd. "Je te céderais même un petit bout de mon lit, il est plus confortable.Même si je suis persuadée que les choses se passeront bien. C'est l'avantage d'avoir notre âge, on est supposés savoir se sortir de ce genre d'impasse avec plus ou moins de recul. Sinon, ce sera une occasion pour toi de rencontrer mon colocataire. Toi qui te plaignais de n'avoir jamais eu cet honneur…" Un timide sourire apparu sur le visage d’Eva, peu confiante ceci dit. Elle espérait que tout se passe aussi bien que la théorie d’Evelyn.
Et lorsque c’est au tour d’Eva de questionner son ami sur son actualité, celle-ci lui met un stop aussi tôt, ravalant alors sa salive, la Adams se retrouva vexée d’être renvoyée au tapis de la sorte alors qu’elle venait de se confier sincèrement à son amie. « C'est drôle comme vous savez y faire quand il s'agit de détourner la conversation vers moi à l'instant où vous avez l'impression d'en avoir trop dit. Juliana a fait exactement la même chose l'autre fois. » ce n’était pas forcément pour cette raison qu’Eva – pour une fois – s’intéressait aussi à son amie, mais bien parce qu’elle avait l’impression d’avoir fait le tour concernant ses propres potins. "Je vais bien. Je travaille beaucoup… tu en veux encore, ou je peux remettre la bouteille en lieu sûr ?" elle refusa un Nieme verre, sachant déjà les ravages qu’allait faire celui qu’elle avait devant le nez.