| | | (#)Mar 10 Sep 2019 - 19:13 | |
| Avec un lourd soupire, je me relève de la pierre sur laquelle je m’étais installé pour enfiler convenablement mes chaussures, et regarde vers l’horizon. La vue que nous offre ce promontoire est imprenable et pourtant je n’arrive pas à l’apprécier à sa juste valeur. Car aujourd’hui j’ai 25 ans et pour la première fois de ma vie je suis en couple, sincèrement amoureux, avec Léo qui a décidé que Charlie était plus importante. En soit, je peux le comprendre, mais en pratique ça me brise le cœur. Pour une fois que je ne suis pas célibataire lors de mon anniversaire, il aura fallut que ce copain ne passe pas la journée avec moi. Il ne m’a pas ignoré, loin de là, le message qu’il m’a envoyé était adorable et m’a réellement fait chaud au cœur. Mais ça n’empêche pas que je ressente sa décision comme une certaine trahison.
Je prends une dernière profonde inspiration alors que mon regard est capté par la silhouette de mon père qui revient de derrière les buissons après s’être soulagé. Attrapant mon sac à dos, je vérifie le paquetage, resserre bien la sangle autour du hamac et de mon duvet puis l’épaule en offrant un petit sourire à mon père. «C’est bon ? on peu y aller ? » demandais-je, impatient bien que toute ma motivation m’ait quittée avec le retour de Léo dans mon esprit. «Je te jure, on va pas s’arrêter tous les 100 mètres pour que tu pisses derrière un arbre hein » tranchais-je, amère. Bien que je ne sois pas sérieux, l’ironie a du mal à transparaitre dans ma voix.
Pourtant j’ai sincèrement envie de faire cette randonné avec mon père ! Elle n’était pas prévue au programme et ça s’est décidé ce matin lorsque j’ai apprit que Léo serait occupé toute la journée. Ça fait plusieurs mois que nous marchons régulièrement, parfois seulement sur une journée parfois sur 48h. Ces randonnés étaient, en premier lieu, là pour me permettre de me remuscler à nouveau et faisaient offices de rééducation et je dois avouer que sans mon père et son côté intransigeant je ne serais peut-être pas arrivé à ce stade actuel aussi rapidement. Des cris, des larmes et même du sang étaient les prix à payer. Ô combien ais-je détesté et maudit ce père qui me poussait dans mes retranchement alors qu’au final je lui serais éternellement reconnaissant et bien plus encore.
Sans un mot de plus et sans attendre la réplique de cinquantenaire, je me mets en route, m’engageant sur un chemin en terre qui commence doucement à monter. «T’as ramené la tente quand même, au cas où ? » demandais-je, me rappelant avoir vu le hamac d’Allan dans son sac à dos « On sent le retour de l’été mais on n’est jamais à l’abris de rien surtout en montagne et …» je me tais en le voyant rouler des yeux et me renfrogne subitement « ok c’est bon, je ferme ma gueule» marmonnais-je en baissant à nouveau le regard, soupirant. @Allan Winchester |
| | | | (#)Dim 15 Sep 2019 - 14:10 | |
| Alors que je fais pipi derrière un arbre, je jubile. Un sourire écrase totalement le reste de mon visage, je suis surexcité à l'idée de la journée que je vais passer avec Clément. Mon fils ne le sait pas encore, mais il va passer un super anniversaire. J'ai absolument tout prévu, enfin, dans les grandes lignes de notre journée. Déjà, randonnée, ça ça nous prendra le plus gros de notre temps. Mais j'ai déjà repéré dans ce Parc National (qui est bien assez grand pour être visité en plusieurs fois si, comme moi, on a pas peur de sortir des sentiers battus) un superbe endroit, une cascade pas trop haute, juste assez pour prendre une douche bien méritée, qui s'étend ensuite en un petit lac tranquille avant de filer en cours d'eau torrentiel plus bas; de quoi faire une belle pause détente en fin d'après-midi, lorsque le plus gros de notre journée de marche sera faite. Sans que ce soit trop imposant pour son hydrophobie bien sûr, j'y ai veillé: l'eau du lac ne monte pas au-dessus du nombril debout, pas au-dessus des pectoraux assis. Mais surtout, surtout, il aurait une belle surprise. Mais je préfère ne même pas m'en dire plus à moi-même, sinon j'aurais trop d'excitation, comme le gosse que je suis, et je ne saurais pas me tenir devant lui. C'est bien le souci avec mon gamin, c'est qu'il est le seul à pouvoir me tirer facilement les vers du nez. Alors pas de prise de risques.
D'ailleurs, en parlant de savoir soudoyer quelqu'un pour qu'il nous avoue tout de ses pensées... J'ai comme qui dirait l'impression que cette tâche va s'ajouter à la longue liste des activités prévues pour aujourd'hui. Alors que je termine de me soulager, j'entends la voix de mon fils qui a un ton bien acariâtre, que je ne lui connais pas habituellement. Ohlalala, toi mon p'tit gars, tu vas passer à la casserole. Et tant pis si ça doit passer par tous tes états possibles pour que j'y parvienne, mais tu parleras, histoire de te soulager de ce qui semble te tourmenter. Cette perspective n’entache même pas mon enthousiasme pour cette journée. Beaucoup auraient pu se dire "bordel il abuse, je lui ai prévu plein de trucs, c'est sensé être une bonne journée, mais mon fils bougonne". Pas moi. Si mon louveteau réagit comme ça, c'est que quelque chose le turlupine. Car très clairement, Clément n'est pas dans son assiette aujourd'hui: il est rare qu'il se montre aussi acerbe, notamment avec moi. Mais j'en ai vu des vertes et des pas mûres avec ce gamin, et je lui en ai déjà fait voir aussi, notamment pour le décoincer de ses pensées sombres quand il y en avait eu besoin. Alors s'il faut recommencer, je suis d'attaque. Aujourd'hui, c'est son anniversaire: quelle que soit la manière dont se passera la journée, ce sera sur lui que sera focus mon attention. Et ce même si cela passera peut-être par des cris de colère de sa part ou autre chose. N'importe. Aujourd'hui, JE gère pour lui.
Je reviens donc vers lui, sourcils froncés devant son amertume, et je lâche une réplique à l'ironie mordante, faisant référence aux chiens entiers levant la patte à chaque coin d'herbe: C'est pas impossible que ça se passe comme ça, je suis pas encore castré après tout. Je reprends mon gros sac à dos sur les épaules et nous voilà reparti. Pour cette fois, ce sera randonnée jusqu'à demain, avec nuit à la belle étoile; dans la tente si jamais il faisait plus moche que prévu. D'ailleurs, Clément commence à me demande si je l'ai bien prise, cette tente, mais d'un ton qui ne me plaît toujours pas: il me parle comme s'il avait à faire à un enfant ou à un newbie du trek ! Je ne peux m'empêcher de lever une seconde les yeux au ciel. Pitié boy, je sais ce que je fais. Mais ça me plaît encore moins qu'il se ferme comme une huître, bougonnant qu'il "fermait sa gueule". Oh non non non mon petit bonhomme, tu ne vas pas t'en tirer en te renfermant sur toi-même, hors de question. Faisant comme si je n'avais rien entendu, je déclare en pointant l'horizon du doigt, direction la forêt: On va par là. Bon par contre, on a pas cinq jours devant nous pour que je le pousse dans ses retranchements, et si c'est possible, ce serait bien qu'il se soit soulagé de ce qu'il a sur le coeur d'ici cet après-midi, ou ce soir. Qu'il profite de son anniversaire, au moins un peu. Alors je vais augmenter la cadence, l'intensité, graduellement. Que le corps reprenne le dessus sur l'esprit, pour qu'à la fin, il lâche tout. Qu'il se relâche lui-même. Go. @Clément Winchester |
| | | | (#)Jeu 19 Sep 2019 - 17:36 | |
| Je soupire et pousse un soupire, montrant bien à quel point l'humour lourd de mon père est gavant aujourd'hui, lorsqu'il me répond en faisant allusion aux chiens non castré qui marquent leur territoire partout. Si, en temps normal, j'aurais répliqué quelque chose sur le même ton, aujourd'hui je n'ai absolument pas la tête à l'humour. Encore moins de supporter celui de mon père. En vrai, j'ai envie d'être seul. Et je me dis, alors que nous nous mettons en route, qu'il n'est pas encore trop tard pour faire demi tour et essayer de convaincre mon père de rester ici et de ne pas faire cette randonné de cinq putain de jours. Mais je sais parfaitement que c'est peine perdue, alors je ne dis rien et me contente de le suivre.
Lorsqu'il décide de bifurquer pour prendre un autre chemin, je le suis docilement toujours sans parler et accélère automatiquement la cadence, ajustant mes pas aux siens. Me concentrant sur le sentier qui s'étend devant nous, serpentant dans la forêt, je me perd à nouveau dans mes pensées, si bien que je ne remarque que mon père s'est arrêté seulement lorsque je le percute brusquement. Me reculant, je grogne quelque chose d'inaudible et relève mon regard sur Allan avant que celui-ci ne se remette en route.
Je le suis à nouveau et remarque très rapidement qu'il a décidé d'augmenter encore et encore la cadence. J'avoue que je commence à avoir du mal à le suivre, ma respiration se faisant plus rauque et plus saccadé, jusqu'à ce que je décide d'abandonner toute tentative de rester auprès de mon père. «Mais c'est quoi ton problème à la fin ? » m'exclamais-je brusquement en m'arrêtant « Sérieusement Papa, tu peux pas genre marcher normalement ? On a cinq putain de jours devant nous ! Je vais pas tenir si tu impose ce rythme» je l'engueule, comme je ne l'ai jamais fait auparavant. Et tout ça à cause de quoi ? De Léo qui a décidé de passer ma journée d'anniversaire avec Charlie plutôt qu'avec moi.
@Allan Winchester |
| | | | (#)Dim 22 Sep 2019 - 14:57 | |
| Ahlala, quelle bande de mous du genou ces jeunes. Voilà pas une demie-heure que l'on marche - bon, à un TRES bon rythme j'avoue, mais ça va j'y suis allé graduellement dans l'intensité, y a pas de quoi pleurer - et voilà que la douce et mélodieuse voix de mon louveteau, ainsi que l'absence de bruit de ses pas, me font m'arrêter. Ah, il a déjà atteint ses limites? Ça aura été rapide au moins. Enfin, j'y suis pas allé de main morte, autant au niveau de la difficulté de parcours que dans la cadence que je lui ai imposé. M'enfin, bébé fragile, va. Heureusement que je fais ça à but de défouler et dans un intérêt éducatif, car sinon je n'aurais jamais accepté que mon gamin me beugle dessus comme ça. Mais il a besoin de cracher toute la colère qu'il a en lui aujourd'hui, alors vas-y louveteau, miaule et gémis tant que tu veux, ton vieux père est là pour attraper toute la frustration que tu as ressenti, pour une raison encore bien inconnue à ses yeux. Quoi qu'il est encore loin d'exploser et de faire sortir tout ce qu'il devrait, il va falloir que je le force encore un peu. Je me retourne face à lui, et le laisse crier. Je lui réponds d'une voix forte, mais sans avoir toute la charge émotionnelle de la sienne: Oh que si tu vas tenir Clément, et plutôt deux fois qu'une ! Alors maintenant bouge-toi le c... les fesses, et cesse de te plaindre ! Oh oui, tu peux faire mieux, bien plus avant de véritablement être sur le point de défaillance qui te fera réellement sortir de tes gonds. Là, tu ne fais que piailler. Je veux te voir rugir. Hurler à la lune.
Au début, soufflé par ma réplique et le niveau étant un peu redescendu face à mon ton implacable, le p'tit bonhomme s'est tu, et s'est contenté de suivre bon an mal an, au mieux de ses capacités. Même si je le pousse à bout, je fais pourtant attention à lui, mais discrètement. Il ne faudrait pas qu'il se doute que cette session intense est faite dans un but bien précis, celle de l'amener à se dégonfler de ses sentiments négatifs comme l'on percerait un ballon de baudruche, et non pas juste pour le saouler ou pour faire preuve de mon immense égocentrisme une fois de plus - ce qui doit arriver, j'avoue, quoi que moins face à Clément que face à d'autres personnes - sans quoi il est sûr que mon entreprise serait vouée à l'échec. Alors de temps en temps, je jette un coup d'oeil discret sur la manière qu'il a de positionner ses pieds, ses appuis, pour être sûr qu'il ne se déséquilibre pas et ne tombe pas. Tout à ses ruminations, il ne voit rien de toute façon. Après plus d'une heure de marche effrénée et difficile, la tension est à nouveau remontée d'un cran; elle est limite palpable. Soudain, je sens une main m'attraper le poignet. Surpris, je me retourne. Mon fils tremble, même pas de fatigue comme il voudrait le croire, bien que son corps en prenne un coup là; c'est sa colère et sa frustration qui sortent par tous les pores de son être.
Ok, je vois. Je sais ce que ça fait, j'ai connu ce genre de sensations. Il a besoin de cogner, là, tout de suite, maintenant. Mais j'aimerais bien que ce ne soit pas sur moi. Je dégage mon poignet de sa main, je pose mon paquetage à terre. Pose le tien aussi, que je lui intime. Je sors du miens un sac de couchage enroulé sur lui-même: ça fera un parfait punching-ball. Je me mets en garde, le sac de couchage devant moi, que je tiens grâce à la lanière qui l'entoure. Maintenant, frappe ! Pas la peine de lui dire de crier, d'hurler ou de parler en même temps; s'il le souhaite, si son instinct le veut, ça viendra tout seul. Chacun sa manière d'exprimer son ressentiment. Ça y est, les premiers coups pleuvent.
@Clément Winchester |
| | | | (#)Dim 22 Sep 2019 - 15:48 | |
| J’arque un sourcil fortement surpris face à la réplique cinglante de mon père. J’avoue que son ton dur et intransigeant m’interpelle à tel point que je ne sais pas quoi répondre. Je n’ai, de toute manière, pas le temps de dire quoique ce soit, que mon père se détourne à nouveau et reprend la route, me laissant là, dans l’incompréhension. Mais c’est alors que ma fierté revient en jeu, faisant en sorte que je ne reste pas trop longtemps en arrière et je fini par le rattraper. Après avoir reprit le rythme effréné qu’il m’impose, je retombe dans mes pensées négatives. Celles-ci prennent de plus en plus d’ampleurs, si bien que l’envie de sortir mon portable pour appeler Léo et lui dire sincèrement ce que je pense de toute cette situation. Dans mon esprit, j’engueulerais mon copain, je le traiterais de connard égoïste, d’insupportable vermine et de tous autres noms d’oiseau possibles et imaginable. Et pourtant je sais parfaitement que face à Léo je serais incapable de dire quoique ce soit de mal de lui.
Malheureusement, ces pensées négatives ne font que s’accentué à cause de la fatigue et commencent à être portée envers mon père qui n’a aucune compréhension envers mes états d’âme. Alors je décide d’agir. Si déjà je ne peux rien dire à Léo –faute de réseau surtout- je peux au moins m’en prendre à Allan, non ? Vivement, je lui attrape le poignet et l’oblige à s’immobiliser le fixant avec rage et incompréhension. Sans un mot, il se dégage de mon emprise et se recule un peu pour retirer son sac dos, m’intimant d’en faire de même. Me penchant, je retire mon sac de mes épaules et le dépose au sol et, lorsque je relève mon regard sur Allan, j’arque un sourcil en le voyant tenir son sac de couchage devant lui, m’indiquant de le frapper.
Pendant quelques instants, mon regard passe du visage de mon père au sac de couchage avant que mes phalanges ne viennent s’écraser dessus. Ce coup marque le début d’un combat acharné contre ce pauvre sac de couchage et mes poings. Enchaînant coups droits, upper cut et coups de coude, je déverse toute ma rage sur le punching ball improvisé de donner un coup de genoux, l’arracher des mains de mon père et l’envoyer dans un buisson en hurlant de rage derrière lui. Lorsque je vois le sac tomber mollement au sol, rouler et disparaître derrière un rochet, je soupire lourdement et me laisse glisser au sol, m’installant sur l’herbe et me prend la tête entre les mains, tremblant de rage.
« J’en ai marre» soufflais-je lorsque je sens la présence de mon père à mes côtés « Léo a décidé de passé la journée avec Charlie» je relève un regard désespéré sur mon père « c’est la première année en 25 ans que j’aurais pu passé ma journée d’anniversaire avec mon copain mais je …il décide de que sa meilleure amie est plus importante» je pince les lèvres et ferme les yeux, secouant la tête «C’est tellement con, je me sens tellement idiot à dire ça putain » je me passe les mains sur mes épaules et dans ma nuque «Mais je me faisais une joie immense de pouvoir passer la journée avec lui. J’avais tout prévu, genre un cinéma et un restaurant, peut-être même une autre activité pendant la journée. Je voulais faire un truc rien qu’avec lui. Il … » je ramène mes genoux contre moi et les entour de mes bras « Je l’aime, genre vraiment. Je pensais que ça lui plairait de passer le journée avec moi mais il m’a dit hier qu’aujourd’hui c’était ‘Charlie Day’» je déglutis, essayant de ravaler mes larmes « il en a rien à foutre de moi …» soufflais-je finalement, en posant mon front sur mes genoux, n’essayant même pas de cacher ma détresse.
@Allan Winchester |
| | | | (#)Mer 25 Sep 2019 - 18:51 | |
| Eh bah, j'ai bien cru qu'il n'allait jamais comprendre ce qu'il fallait faire avec ce putain de sac de couchage, ou alors que je lui avais parlé en chinois ! Les cinq secondes de latence entre l'ordre que je lui ai donné et le premier coup m'ont fait douter un instant de sa capacité de compréhension. Quoi, je lui ai éreinté les pieds, les mollets et le corps de manière générale avec notre marche accélérée en terrain un peu accidenté, mais pas le cerveau, si ?! Ah, quand même. Le premier coup de poing se fait sentir, dur. C'est qu'il tape fort le bonhomme ! Est-ce-que c'est Cian qui lui a appris à frapper comme ça ? Thomas m'a dit qu'ils se fréquentent, après tout. Heureusement que je sais moi-même bander les muscles assez pour encaisser en tout cas, c'est pas un newbie en boxe ou en combat rapproché qui aurait tenu la cadence et l'intensité des coups qu'il me met ! J'ai vraiment bien fait de lui proposer ce punching-ball improvisé: j'aurais pas voulu me prendre ce qu'il se prend actuellement. Oh, je ne dis pas que mon fils a un caractère très colérique ou très impulsif de base, ou qu'il en viendrait à tabasser son propre père à mort, non non. Mais la colère peut avoir une influence folle sur les hommes, je l'ai assez vu et expérimenté pour le savoir. Et puis... WOH ! Mais Clément vient de me l'arracher des mains là ! Circonspect sur son état, qui devait déjà pas s'être amélioré ces dernières minutes, je vais voir dans les buissons... Ok, il est entre les épines. Je tends une main pour l'attraper, essayant de le tirer vers moi avec délica...
... Ok. Adieu mon sac de couchage. Tu n'as pas démérité. Je te dois même un hommage funèbre, car cela faisait déjà plus d'un an que tu me suivais dans mes périples, supportant mes allers-retours incessants en quête de sommeil (quoi que je dors mieux lors de mes sessions de trek et autres voyages exigeants physiquement que le reste du temps, merci la biologie) et mes autres activités nocturnes. Bref, tu auras bien vécu, comme sac de couchage. Tu auras même connu l'apothéose de servir de défouloir à mon fils, qui en a grand besoin. Pour ça, je te remercie. Je ne mettrai pas de fleur sur ta tombe, car tu n'en auras pas. Tu vas rester dans ce buisson jusqu'à décomposition, d'ici deux ou trois cents ans, je suis pas trop au fait de ce genre de choses. OUAIS JE SAIS C'EST PAS ECOLO. Mais c'est mon bras ou cet amas de tissu, contre les épines acérées de ce buisson touffu, ok ? Tout ça pour des lambeaux en plus, comme celui que je tiens dans ma main là. Allez, ciao.
Ma tirade peut avoir semblé longue, mais elle n'a pas du durer plus de dix secondes. Je me retourne vers mon louveteau, qui s'est laissé tomber, assis dans l'herbe. Je le rejoins sans un mot, m'installe à ses côtés. Et là, un flot de paroles, interrompu seulement par sa gestuelle, encore teintée d'agacement et de tristesse. Je fronce les sourcils au fur et à mesure qu'il me conte son histoire. Ok. Va y avoir des points sur les 'i' à mettre. Mais on en est pas là. Pour l'instant, le but est de remonter le moral à mon garçon, dont le cœur en guimauve a été transpercé par un bâton de bois tout sec puis mis à cuire au-dessus d'un feu de camp. Ça me fait penser que j'en ai ramené dans mon sac pour ce soir, d'ailleurs. Enfin non, pour demain. Bref, ne nous éloignons pas du sujet. Lorsqu'il termine son histoire en disant que son petit copain, Léo, en a rien à foutre de lui, je soupire doucement. Une anecdote plutôt appropriée me revient en tête. Je ne pense pas; il a juste été con, et pas très délicat. J'ouvre mon sac, posé à mes côtés, en sort une bouteille d'eau et boit quelques gorgées. Pas simple de parler lorsqu'on a le gosier sec. Je la pose à terre, et reprends. Quand j'avais plus ou moins votre âge, j'ai oublié l'anniversaire de ta mère, une fois. Elle fêtait ses vingt-huit ans. Moi, j'étais à l'étranger, pour le travail. Comme tu le sais, je vous appelais aussi régulièrement que possible, mais j'étais assez déconnecté du quotidien familial en même temps. Et j'ai oublié, comme un con. Je ne lui ai même pas souhaité. J'peux te dire qu'elle m'a fait la gueule pendant plus d'un mois quand je suis rentré. Je ricane, sacrée Sara. Je ne l'avais pas choisie pour rien: il fallait une forte tête pour réussir à tenir la mienne. Mais c'était tout à fait involontaire; tu sais toi-même comment j'ai aimé ta mère. Et j'ai ensuite utilisé tous les moyens possibles pour me faire pardonner. Alors... Ton Léo a peut-être juste été maladroit, c'est tout.
@Clément Winchester |
| | | | (#)Sam 5 Oct 2019 - 11:12 | |
| A dire vrai, je m’en veux plus qu’à Léo car il n’est absolument pas au courant que j’avais prévu de passer la journée avec lui. Si je lui avais parlé, si j’avais eu le courage de lui dire ce que j’avais envie de faire avec lui aujourd’hui, il aurait sans doute réussi à s’arrangé de passer au moins la soirée avec moi. Mais après qu’il m’ait dit, l’air de rien et de la façon la plus naturelle qui soit, qu’il voulait passer la journée entière –donc 24h- avec Charlie, quelque chose en moi s’est bloqué et je n’ai que pu acquiescer et accepté la sortie avec mon père. Et maintenant que je suis là, les poings tremblants et le poignet gauche légèrement endolori à cause de la force dont j’ai fait preuve pour frapper ce sac de couchage, je me dis que c’est moi le con et l’idiot de l’histoire, que j’aurais dû mieux communiquer avec lui. N’est-ce pas le conseil que je donne à tout le monde ? Que la communication est la clef de toute relation ? Alors pourquoi ne suis-je pas foutu de mettre mes conseils en application ?
Je soupire lorsque mon père vient s’asseoir à mes côtés en ramène mes genoux contre moi, les entourant de mes bras et posant mon menton dessus. Ainsi, j’écoute Allan parler et me raconter une anecdote similaire de lui ayant oublié l’anniversaire de maman qui, je me le rappelle, a très mal prit cet acte. Je ferme les yeux et déglutis «Mais toi t’as pas passer la journée avec une autre fille » soufflais-je « Tu ne lui as pas dit, la veille, que tu passerais la journée avec quelqu’un d’autre» je soupire doucement et secoue la tête «Je peux pas lui en vouloir à Léo, il adore Charlie mais je …» je dévi le regard sur le sol et pousse une pierre avec le bout de mon pied.
« peut-être que, justement, c’est par ce que c’est Charlie que je le prend aussi mal» reprenais-je après quelques instants de silence « Je l’aime autant que je la déteste cette fille» expliquais-je « Elle …je sais pas, c’est super compliqué entre nous. On s’est rencontré il y a quelques mois de ça lorsqu’elle m’a interviewé pour un article qu’elle faisait pour ses études» je resserre un peu plus l’étreinte autour de mes genoux «elle avait besoin d’un survivant à une catastrophe naturelle » soufflais-je d’une voix à peine audible « J’ai longtemps hésité avant d’accepter sa demande, parce que tu sais … à part Ambroise je n’en ai parlé à strictement personne. Et mon psychologue m’a dit que parler de ça à un inconnu pourrait me faire du bien, donc j’ai dit oui» je prends une profonde inspiration « Et il a fallut que ça tombe sur Charlie qui s’est révélé être la meilleure ami de celui avec qui j’ai couché une fois. Elle a débarqué dans l’appartement de Léo le lendemain de la nuit que nous avons passé ensemble et …ça a dégénéré» je secoue doucement la tête «Lorsque j’ai apprit qu’elle était sa meilleure amie j’ai paniqué comme un con parce que je pensais qu’elle pourrait révélé tout mon passé à Léo et j’ai pas envie qu’il l’apprenne de quelqu’un d’autre et …» je me tait en pose mon front contre mes genoux en poussant un lourd soupire «c’est tellement confus dans ma tête, j’sais pas quoi pensé de tout ça. Charlie n’a rien fait, en vrai, je la trouve super cool, elle est joli, mignonne, adorable, gentille, marrante et j’avoue qu’elle me manque souvent lorsque je ne la vois pas pendant plusieurs jours. Mais quand je la vois j’ai parfois cette envie presque irrépressible de la frapper qui me prend aux tripes sans que je ne le sache pourquoi » je ferme les yeux « je me sens tellement con, c’est horrible» c’est la seule conclusion possible : je suis con. Voilà.
@Allan Winchester |
| | | | (#)Lun 7 Oct 2019 - 22:05 | |
| Non, c'est vrai, que je réponds à mon fils lorsqu'il parle de la relation particulière qu'entretient son copain avec sa meilleure amie. J'ai toujours été fidèle à ta mère, de toutes les manières possibles, le temps que nous avons été ensemble. Mais la seule exception - pour lesquelles elle avait signé en acceptant de se marier avec moi - était de me laisser partir à l'aventure, plusieurs mois par an. Alors non, je ne lui ai pas dit que j'allais passer sa journée d'anniversaire avec quelqu'un d'autre. J'ai purement et simplement oublié ce jour, alors même que j'étais dans un endroit où je risquais de prendre une balle perdue et de ne jamais rentrer. Je fis la moue; il était rare que je me reproche des choses, et encore moins sur le long terme; la plupart du temps, je suis de mauvaise foi, je me fiche royalement des dégâts que je cause autour de moi et j'ai une tendance incroyable à oublier ce qui m'embarrasse ou qui pourrait être source potentielle d'ennuis. Mais la famille, celle que je me suis créé dans mes jeunes années d'adulte, et dont j'ai pris soin des années, jusqu'à aujourd'hui même, c'est différent. Et cette incartade, je m'en souviendrais toujours, bien que je ne m'en veuille plus. Je sais à quel point j'avais blessé Sara ce jour-là. Je laisse tomber mes divagations mentales sur mon passé avec mon ex-femme pour me recentrer sur mon fils, qui m'explique comment il perçoit lui-même cette fille dénommée Charlie. Si seulement mon fils pouvait faire les choses simplement mais non; pourquoi se faciliter la vie, quand on peut se la compliquer ?
Oh. Déjà, s'il s'agit de parler de la tragédie qui a préparé l'éclatement de nos vies et de notre famille, ça fait un bon point de départ à une relation hypothétiquement compliquée, ça. Je ne parle pas une seule fois de tout son monologue, je préfère le laisser débiter son récit, discourir à loisir, le laisser exprimer ce qu'il a sur le coeur. Si je l'arrête pour commenter, même si ça part d'une bonne intention, il risque de ne plus trouver ses mots, ceux qui sont adéquats pour définir tout ce qu'il a besoin de verbaliser. Alors j'écoute, et j'attends. Y a bien qu'avec lui - et avec Sara, autrefois, et Stephan, bien longtemps avant encore - que je fais ça réellement, plus de trente secondes, sans m'ennuyer, me détacher ou carrément passer à autre chose. J'esquisse une moue réprobatrice lorsque mon louveteau se traite de con. Ah ça, non! Tu es humain, que je réplique avec autant d'empathie que le peut mon coeur de vieux roublard, douceur contrebalancée par la fermeté de mon côté paternel. Sois plus indulgent envers toi-même, que je lui conseille. Il ne peut que se faire du mal à réfléchir comme ça, et ce n'est pas ce que je veux pour lui, encore moins le jour de son anniversaire. Je laisse quelques minutes, plus silencieuses, passer; le temps que son coeur gonflé de chagrin se soulage de sa frustration, maintenant qu'il a exprimé son ressenti. Maintenant, c'est l'heure de le relancer. Bon, écoute. Je t'ai prévu une surprise, et elle est trop chouette pour qu'on la loupe; alors je te propose qu'on reprenne notre marche. Je souris, ajoute: à un rythme plus cool, bien sûr. La vérité, c'est qu'à trois heures de marche d'ici, se trouve la seule auberge pour randonneurs de tout ce parc national; nous allons nous y arrêter. Nous y dormirons si Clément le souhaite, ou bien nous le ferons à la belle étoile, c'est sans importance pour moi. La surprise se trouve dans l'auberge elle-même, et consiste en un superbe Layer Cake stylisé, et surtout, qui sera partagé en compagnie de Sara, elle et seulement elle, que j'ai invité pour l'occasion, lui demandant de laisser son salaud d'homme au placard, pour une fois. Consciente des difficultés entre notre fils et son copain, et pour lui faire plaisir, elle avait accepté et nous attend déjà là-bas. Ah, et Moana sera là aussi bien sûr, mais pas de gâteau pour elle. Juste un nonos. Aucun doute: notre louveteau va adorer.
@Clément Winchester |
| | | | (#)Sam 19 Oct 2019 - 11:00 | |
| « mais moi j’ai toujours été fidèle à ta mère » instantanément mon esprit divague et je me demande si Léo ne serait pas entrain de me tromper avec Charlie ? Ils sont meilleurs amis et extrêmement proche, mais je sais que la jeune femme m’a avoué, lors de notre deuxième rencontre, qu’elle était plus ou moins amoureuse de Léo. Est-ce qu’elle le lui a dit ? Est-ce qu’elle a décidé de profiter du fait que j’ai fait ma déclaration au jeune homme pour enfin pouvoir se mettre entre nous ? Je ferme un instant les yeux, reportant mon attention sur les paroles de mon père qui me dit des choses que je refoulais toujours. Son métier, celui pour lequel il met régulièrement sa vie en danger. Un métier qui le passionne plus que de raison et dont je n’ai jamais comprit l’intérêt. Mais si c’est ce qu’il aime, qui suis-je pour le juger ? Je ne suis que le fils et je n’ai aucun droit de véto sur le choix de métier de mon père.
Je ne dis rien pourtant, n’ayant absolument aucune envie de laisser encore plus de sentiments négatifs me prendre aux tripes et baisse simplement d’avantage le regard lorsque mon père me dit d’être plus indulgent avec moi-même. C’est tellement plus facile à dire qu’à faire… fort heureusement, Allan finit par changer totalement de sujet et, se relevant, m’indique qu’il a prévu une belle surprise et qu’il serait dommage de rater celle-ci. Je soupire doucement, lève mon regard sur mon père puis accepte la main qu’il me tend pour m’aider à me soulever de l’herbe. Je m’époussette un instant les habits puis attrape mon sax à dos et l’épaule. Une fois celui-ci en place sur mes épaules, j’indique silencieusement que je suis près et nous nous mettons en route.
Me laissant guider par mon père, je m’oblige assez rapidement à réengager la conversation. Et ce qui, au début, était plus ou moins forcé, se fait, finalement, bien plus facilement et naturellement, si bien que nous discutons pendant tout le reste de la journée. Nous faisons quelques pauses pour manger à midi ou pour simplement observer les somptueux paysages et j’avoue apprécier d’avantage la fatigue qui, au final, a quelque chose de salvateur.
Et c’est au moment où cette fatigue prend le dessus et que je commence sincèrement à galérer pour avancer, que je la vois apparaître. Avant même de voir la cabane qui se trouve un peu plus loin en hauteur dans le prés, j’aperçois le boulet de canon gris qui accoure à pleines pattes vers nous. « Qu’est-ce que …» ais-je simplement le temps de souffler que Moana passe à côté de nous –elle avait trop vitesse et n’a pas réussi à ralentir à temps- et qu’un large sourire s’affiche sur mon visage. «Hey…hey ma chéri, revient là ! » appelais-je l’animal alors que je m’accroupis. Elle ne se le fait pas prier deux fois et, faisant demi-tour, se met à me faire la fête en sautant autour de moi. « Qu’est-ce tu fais là, hein, dis ?» demandais-je à l’animal qui est bien trop occupé à me lècher le visage et les mains, comme si elle ne m’avait plus vu depuis des semaines –alors qu’on s’est quitté ce matin seulement. «elle avait envie de te voir » je me fige brusquement au son de la voix de ma mère et me redresse vivement. Je fixe Sara pendant plusieurs secondes avant de laisser tomber mon sac au sol et me jeter littéralement dans ses bras. «Qu’est-ce que vous faites là ?» demandais-je après l’avoir relâcher et me recule, mon regard passant de mon père à ma mère «…surprise » dit-elle en écartant légèrement les bras en signes d’innocence. «C’est ton père qui a tout organisé. Il m’a proposé l’idée et j’ai tout de suite accepté parce que j’étais persuadé que ça te ferait plaisir de nous voir » je vois comment mes parents échangent un coup d’œil mais ignore la signification de ce dernier et me dirige vers mon père «T’es génial » soufflais-je à son oreille en le prenant, à son tour, dans mes bras « merci»
@Allan Winchester |
| | | | (#)Jeu 21 Nov 2019 - 8:48 | |
| Je le savais. Que cette journée finirait bien, malgré les peines de coeur de mon fils. Comment aurait-il pu en être autrement ? Alors que je le vois se jeter dans les bras de sa mère, un pincement au coeur m'étreint soudainement. Cette image me propulse à des années de cela, avant que notre famille se déchire, secouée par les malheurs ayant suivi le tsunami de 2004... Mais à ce charmant tableau s'ajoute une ombre. Ou plus exactement, j'aurais aimé la voir apparaître. Celle de Stephan, mon fils ainé. Qu'il me manque. Il y a beaucoup de mots qui existent pour le deuil, dans toutes les langues. Quand on perd sa femme ou son homme, on devient veuf ou veuve, selon notre sexe. Un enfant qui perd ses parents est orphelin. Cependant, il n'existe rien pour définir un père ou une mère dont le fruit de leur amour disparaît. Tout simplement parce que ce n'est pas sensé être...
...
J'aurais mille fois préféré partir à la place de Stephan.
...
Mais mes sombres pensées en restent là, alors que Clément se retourne vers moi. Un large sourire se colle sur mes lèvres alors qu'il me remercie chaleureusement. Je suis content d'avoir pu lui faire plaisir; et d'ailleurs, à Sara comme à moi, ça fait du bien de se retrouver ainsi, nous trois, seulement. Je crois qu'elle s'en rend compte tout pareil, d'où son coup d'oeil inquisiteur. Ah, sacrée elle. En un instant, elle a su me faire comprendre qu'elle avait capté le poids que j'avais eu sur le coeur quelques secondes, mais aussi me montrer son ravissement de nous voir nous trois réunis, et... Et me rappeler la faute que nous avons commis, il y a quelques temps. Enfin, la faute qu'ELLE a fait, plus exactement; moi, ça ne me concerne pas, et elle sait très bien ce qu'il en est de mon côté. Cette nuit avait été certes agréable, mais il s'agissait d'une erreur dans nos nouveaux parcours de vie, et le mieux était de passer par-dessus sans regarder en arrière, point. Bon, et si on allait manger ton gâteau d'anniversaire ? Que je demande à mon fils lorsqu'il me relâche, alors que Moana sautille autour de nous à la mention de "gâteau". Tss, elle est trop gâtée celle-là, je suis certain que son maître lui donne des gourmandises pour chien à tout bout de champs. Nous entrons dans l'auberge, et Clément découvre son gâteau d'anniversaire, un super layer cake décoré façon Marvel. Bon anniversaire, fils ! Oui, un superbe tableau de famille. |
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