“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
Aujourd’hui n’a pas été une journée facile au travail. Un patient de vingt-huit ans est décédé. Il avait un adénocarcinome prostatique, cancer pourtant très rare avant quarante ans. Il laisse derrière lui une femme et un petit garçon de deux ans. La vie peut être si cruelle parfois, elle a passé une heure dans mon bureau à pleurer, à me poser tout un tas de questions sur son avenir sur le futur de leur enfant qui va devoir grandir sans son père. Moi aussi j’ai grandi sans mon père. Je ne l’ai jamais connu, jusqu’à mes huit ans c’était juste ma mère et moi. Et j’étais heureuse comme ça, même si ce n’était pas facile tous les jours. Grandir avec une mère schizophrène c’est pas toujours évident. Je devais calmer ses angoisses et l’aider à redescendre sur terre quand elle recommençait à délirer. Et puis elle a arrêté de prendre ses médicaments, elle a décompensé et les médecins ont décidé qu’elle serait plus en sécurité à l’hôpital. Et c’est à partir de ce moment-là que l’enfer a commencé pour moi. J’ai été placé en foyer, et je détestais cet endroit. Là je n’étais plus heureuse, je ne me sentais pas à ma place là-bas. Je me suis renfermée sur moi-même et j’étais en colère contre la terre entière, j’étais insolente avec chaque adulte essayant de me remettre sur le droit chemin. En fait je voulais juste qu’on me laisse toute seule, et tranquille. Avec ma musique. Parce que depuis toujours la musique a occupé une place importante dans ma vie. Et je pense que c’est même grâce à elle que j’ai réussi à m’en sortir, que j’ai réussi à sortir la tête de l’eau. La musique peut sauver des vies, j’y crois dur comme fer. Je le sais. Parce que ça a marché pour moi.
Ce soir j’ai besoin de sortir pour me changer un peu les idées. On est vendredi, je sais une soirée scènes ouvertes au Canvas. J’y participe souvent. Ça me permet de voir les réactions des gens en direct sur ma musique. Parce qu’il y a ma chaîne youtube sur laquelle je poste mes chansons, mais sur scène c’est différent. Le visage et la réaction du public, ça ne trompe pas alors au moins je sais si ma musique est bonne, ou pas. Après être passée sous la douche, j’enfile une robe blanche m’arrivant jusqu’au-dessus des genoux. Je me regarde dans le miroir soupirant doucement. Pour cacher ma fatigue et la longue journée que je viens de passer je retravaille mon teint avant de me faire un trait d’eyeliner et je sors un de mes rouge à lèvres pour me l’appliquer. Je me regarde à nouveau ; c’est déjà mieux comme ça niveau maquillage. Maintenant il va falloir que j’arrange un peu mieux mes cheveux. Je me contente d’enlever l’élastique qui tenait mes cheveux en un chignon pour les laisser retomber naturellement. Comme ça, ça fera l’affaire. J’enfile des bottines noires, une veste en cuir noire et je quitte mon appartement. Avant chaque soirée de scènes ouvertes je stresse. Parce que même si j’aime la musique à en mourir, monter sur scène relève toujours un exploit incroyable pour moi. Ce n’est pas tellement question de timidité, parce que je ne le suis pas vraiment. J’ai juste peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas réussir à attirer un minimum l’attention des clients dans le bar. Pourtant ça fait plusieurs années que je fais ça, mais le trac est toujours présent. Je manque de confiance en moi, je le sais. Ça a toujours été le cas. En arrivant je salue les musiciens et les barmans qui sont présents ce soir. À force de venir ici je connais à peu près tout le monde. Le gérant du bar me dit que je passerais après la jeune femme qui est actuellement sur scène. Ce qui me laisse encore un peu de temps pour me préparer psychologiquement. Enfin pas tant de temps que ça au final, parce que c’est déjà à mon tour. Allez courage Rose, tu peux le faire. Je prends mon courage à deux mains et je monte sur scène. Il y a déjà beaucoup de monde, ce qui n’est pas vraiment fait pour m’aider à me détendre. « Bonsoir. Je m’appelle Rose. Et hm…je vais chanter deux chansons si ça vous va. » Et sans plus attendre je m’installe au piano pour commencer à jouer la première chanson. Elle est très simple mais je l’ai écrite il n’y a que quelques jours et elle n’est même pas encore sur ma chaîne. Je voulais la tester ici avant la poster sur internet. Je ne fais pas vraiment attention au public, je suis concentrée. Et à la fin de la chanson tout le monde applaudi. Ce qui me fait immédiatement sourire et honnêtement, ça m’aide à me sentir un peu plus à l’aise. Je quitte le piano, toujours un petit sourire aux lèvres. La deuxième chanson est elle, bien loin d’être nouvelle. Je l’ai écrite il y a quatre ans lorsque j’ai passé plusieurs mois en rehab. C’est une chanson qui parle de manière implicite des nombreuses addictions qui m’ont pourries la vie pendant longtemps. Je l’ai déjà chanté plusieurs fois ici alors les musiciens qui m’accompagnent la connaisse bien eux aussi. Il y a du monde mais cette fois j’ose plonger un peu plus mon regard dans la foule. Mais mon attention se porte sur un visage qui m’est familier, et je le reconnais tout de suite ; Jeremiah. On était ensemble au foyer, et à une époque il était important pour moi. C’est en partie avec lui que j’ai commencé à déconner. Mais en rencontrant mon ex, j’ai coupé les ponts avec lui sans jamais lui avoir donné de véritables explications. Je me demande s’il m’a reconnu. Inconsciemment je n’arrête pas de le regarder. Et dès que la chanson se termine, je remercie le public et je descends de scène. Je ne sais pas si je dois aller le voir. J’en ai envie, mais lui a-t-il envie de me revoir après tant d’années de silence ? Et pour la deuxième fois de la soirée je prends mon courage à deux mains et je me mêle à la foule, tentant tant bien que mal à le trouver. Et je le vois, derrière deux autres personnes, je m’excuse auprès d’elles et j’arrive à sa hauteur. « Jet ? » Je lui demande, comme pour m’assurer que je ne me trompe pas. Bien que je n’ai en fait aucun doute. « Je suis super contente de te voir ! » Je lui offre un sourire des plus sincères en replaçant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Il doit me détester, ou du moins m’en vouloir beaucoup. Et je ne sais pas comment me comporter face à lui. « Je… Qu’est-ce que tu fais là ? » Et je me rends compte que je ne connais plus rien de sa vie. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, s’il est marié, s’il a des enfants. J’ai presque l’impression d’être face à un inconnu avec qui j’ai pourtant passé de nombreuses années. Ce qui ne fait qu’augmenter la culpabilité que je ressens.
Ce soir je vais au Canvas, je dois trouver de nouveaux artistes. De nouveaux talents pour leur organiser des soirées pour que les gens les connaissent. J'ai fait décoller plusieurs carrières déjà, des artistes qui ont signé avec des maisons de disques assez importantes. Grâce à moi, grâce à ma capacité à repérer les belles voix, et les personnes qui sont faite pour ça. Et pour trouver ce genre de talents, quoi de mieux que les soirées au Canvas, quand n'importe qui peut se mettre à chanter devant tout ce public.
J'en vois plusieurs mais aucun d'eux n'arrive à retenir mon attention, je vais peut-être rentrer plus tôt que prévu finalement, ou aller dans un autre bar pour me bourrer la gueule avant de rentrer chez moi. Les morceaux s'enchaînent et les applaudissements suivent, les gens applaudissent vraiment pour n'importe quoi, certains artistes sont en train de massacrer des classiques. J'ai presque envie de leur faire bouffer le micro, mais je dois rester professionnel si je veux garder ce boulot, c'est important pour moi.
Je commande un dernier verre, après celui là je me casse, j'en ai assez entendu pour ce soir. « Bonsoir. Je m'appelle Rose. Et hm... je vais chanter deux chansons si ça vous va. ». Ce sera surement la dernière personne que j'entendrais chanter pour ce soir aussi, alors c'est le moment ou jamais de trouver la perle rare. Elle chante et je la regarde. Elle chante des chansons originales et c'est un très bon point, mais elle a aussi beaucoup de charisme et une voix bien particulière et reconnaissable. C'est exactement ce genre de talents que je recherche, alors je pose mon verre sur le bord du bar et me tourne complètement pour l'écouter jusqu'à la fin. Quand elle commence sa deuxième chanson, ses yeux plongent dans le public et son regard s'ancre dans le mien. Je ne la lâche pas des yeux non plus, je pourrais me dire que c'est parce qu'elle me trouve canon mais son regard me rappel quelqu'un. Elle me connait, je le sens, mais à cette distance je suis incapable de la reconnaître à mon tour. Quand elle descend de scène je me retourne vers le bar quelque peu perturbé.
« Jet ? », quelqu'un m'appelle dans mon dos et je pense savoir qui ça peut être, je me retourne et recroise ce regard que je connais. « C'est moi ! On se connait ? ». Je prends mon verre dans la main pour en boire quasiment la moitié. « Je suis super contente de te voir ! ». Et là, j'ai une révélation quand je me rappel du nom qu'elle a donné sur scène, c'est Rosalie. Une petite fille que j'avais pris sous mon aile au foyer, avec qui j'avais garder contact pendant longtemps jusqu'à ce qu'elle disparaisse du jour au lendemain, plus aucune nouvelle. Elle avait simplement disparu. Et, ça me fait chier de le dire, mais je lui en veux, bien sûr que je lui en veux. J'avais fait de nouveau l'erreur de m'attacher à quelqu'un qui est parti d'un coup. « Pas sûr que je puisse dire que ce soit réciproque Rosalie ». Et je me tourne vers le bar, dos à elle. « Je... Qu'est ce que tu fais là ? ». Je lui lance un regard noir, après tant d'années elle débarque et fait comme si de rien était. « Qu'est ce que ça peut te foutre ? Tu t'intéresse à ma vie maintenant ? ».
“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
Revoir Jeremiah ne faisait vraiment pas partie de mes plans. Pas que ça ne me fasse pas plaisir, au contraire. Il a beaucoup compté pour moi il fut un temps. Il était présent et il avait toujours un œil sur moi comme si j’étais s’il était mon grand frère. Frère que je n’ai jamais eu. Parce que je n’ai pas de famille. Comme la plupart des enfants qui étaient avec nous au foyer. Il faisait partie des rares personnes que j’aimais vraiment. Ou du moins disons plutôt qu’il faisait partie des rares personnes que je ne détestais pas. C’est plus correct. Mais c’est moi qui ai coupé les ponts quand j’ai rencontré Jackson mon ex. il me coupait petit à petit du monde, de mes proches, et donc de ceux qui pourraient potentiellement voir que quelque chose n’allait pas. Voir que cet homme n’était qu’un enfoiré qui manipulait et battait sa copine. Et moi, j’étais amoureuse – même si je ne comprends pas comment j’ai pu tomber amoureuse de lui – alors je ne disais rien et je le laissais faire. Alors petit à petit, j’arrêtais de répondre aux messages de Jet. Je ne répondais plus à ses appels. Et vous savez quoi ? Je m’en veux. Chose qui est plutôt rare chez moi. Parce que je n’avoue en règle générale jamais quand j’ai tort ou quand j’ai merdé. Et peut-être aussi parce que les personnes que j’aime ou que j’ai pu réellement apprécier sont plutôt rares. Et Jet en faisait partie. « C'est moi ! On se connait ? » Ouch. Une petite grimace prend place sur mon visage. Il ne me reconnait vraiment pas ? Ou il veut juste me faire mal pour me faire payer mon silence radio de toutes ces années ? Je le regarde, replaçant une mèche rebelle derrière mon oreille. Pourquoi est-ce que je n’ose pas lui répondre ? C’est pas moi ça. Ah oui je sais pourquoi. Parce que je sais que je suis conne et que je ne peux pas faire la maligne dans cette situation. Parce que c’est moi qui ai merdé. « Pas sûr que je puisse dire que ce soit réciproque Rosalie » Il m’en veut. Beaucoup. Je le mérite. C’est bien fait pour moi. J’ai toujours été comme ça. Repousser les personnes qui me veulent du bien pour laisser plus de place à celles qui n’en n’ont rien à foutre de ma gueule. Je ne dis toujours rien. Il se retourne vers le bar, maintenant dos à moi. D’accord… Bon. Je lui demande ce qu’il fait là. « Qu'est ce que ça peut te foutre ? Tu t'intéresse à ma vie maintenant ? » Le regard qu’il me lance me glace le sang. Je lui dois des explications. Je le sais. Je vais pas m’en sortir comme ça. Pas avec lui. À sa place je m’enverrais chier. « Viens avec moi dehors. » Je le regarde. J’attrape ma veste en cuir avant de l’enfiler. « Laisse-moi juste une chance de m’expliquer et mais ici y’a trop de monde. » S’il se souvient un peu, je n’aime pas être entourée de trop de personne. Vraiment pas. Je lui ai dit que j’allais m’expliquer, sous-entendant donc que je suis prête à lui fournir des excuses. Ce que je ne fais que très rarement. « S’il te plaît. » Je lui dis s’il te plaît. Et encore une fois, ça prouve de ma bonne volonté.
Je me fraie un chemin vers la sortie, espérant qu’il me suit. Une fois dehors je prends une grande inspiration, passant mes mains dans mes cheveux. Il y a moins de monde ici. Je me sens mieux respirer. Moins collée à tous ces inconnus. Je m’adosse contre le mur, et j’ouvre les yeux. Je le regarde. Il m’a suivi. Il est là, en face de moi. Il attend certainement des explications. Je sors mon paquet de cigarettes et en sors une pour moi avant de lui tendre le paquet pour lui en proposer une. Comme un retour des années en arrière quand j’ai fumé ma première cigarette avec lui. Je tire une première fois sur celle-ci, fermant les yeux quelques secondes me permettant de profiter un peu de l’air frais de Brisbane. Et du silence. J’ouvre les yeux. Plus de retour en arrière possible. Je vais devoir lui donner des explications. « Je suis désolée, Jeremiah. » Je commence par lui dire. Des excuses de la part de Rosalie Lovegood. C’est rare. Surtout quand elles sont sincères comme elles le sont là maintenant. « Je sais que tu dois me détester et que tu veux certainement plus rien avoir à faire avec moi, c’que j’peux comprendre. » Je ne sais pas quoi lui dire, en fait. ‘ J’ai cessé tout contact avec toi parce que mon mec me tabassait et m’interdisait de garder tout contact avec le moindre de mes amis.’ C’est ça que je suis censée lui dire ? Je peux pas. J’en parle pas de ça. Jamais. À personne. Parce que cet homme m’a brisé. A changé ma vie. Et l’a rendue comme un véritable cauchemar. Encore pire qu’avant. Ma vie a toujours été un enfer à vivre pour moi. Depuis toujours. Il n’a fait qu’aggraver les choses. « J’ai fait une connerie. » Je commence par lui dire. Ce qui est vrai. J’ai fait une connerie en le snobant, j’ai fait une connerie en laissant Jackson entrer dans ma vie. Ma vie entière c’est une connerie de toute façon. « J’ai fait confiance à un mec qui était nocif pour moi. Il me coupait de tout contact avec mes proches. » Je reste vague dans mes explications, mais je ne lui mens pas. C’est la vérité. Je tire à nouveau sur ma cigarette mais cette fois je le regarde. « J’étais aveuglée et je voyais pas que ce qu’il faisait c’était mal. Alors je lui obéissais. » Pour pas m’attirer encore plus d’ennuis et pour minimiser les coups que je pouvais me prendre dans la gueule. « Je suis vraiment désolée, je t’assure… » Désolée pour lui et désolée pour moi aussi. J’aimerais qu’il me dise qu’il accepte mes excuses et qu’il voudrait qu’on se retrouve, comme avant. Mes yeux sont brillants. Parce que parler de tout ça me fait mal. c’est mon passé. Mes erreurs. Ce connard qui a brisé ma vie. Et même en taule il arrive à me pourrir la vie.
Et je la reconnais la petite chanteuse que je trouvais talentueuse. Rosalie, ma Rosalie du foyer. Celle à qui j'ai appris pas mal de conneries, comme une petite sœur. Une petite sœur qui m'a lâchement abandonné du jour au lendemain pour ne plus jamais me donner de nouvelles. Je n'avais pas prévu de la voir ce soir, je n'avais pas prévu de la revoir un jour d'ailleurs. Elle a l'air de vouloir s'expliquer, s'excuser, après tant d'années d'absence. « Viens avec moi dehors ». Je fronce les sourcils en la regardant dans les yeux, comme si j'allais la suivre comme ça parce qu'elle l'avait subitement décidé. « Laisse moi juste une chance de m'expliquer et mais ici y'a trop de monde. » Je n'étais toujours pas décidé à la suivre. « S'il te plaît. » et elle me regarde avec de grands yeux désolés. « ça va c'est bon je te suis ». Parce que j'avais quand même envie de savoir, de comprendre pourquoi elle m'avait lâché comme ça. Je la suis en poussant les gens qui se trouvent sur mon passage jusqu'à la porte.
Elle me tend une clope que j'accepte en attendant d'entendre ce qu'elle a à me dire. « Je suis désolée Jeremiah. ». Je hoche la tête, même si un pauvre je suis désolée ne pourra pas me faire oublier tout ça. J'attends bien plus d'explications. « Je sais que tu dois me détester et que tu veux certainement plus rien avoir à faire avec moi, c'que je peux comprendre. ». Oui je la déteste, et oui j'avais prévu de ne plus jamais la revoir. Mais on ne peut rien faire contre le destin, et il avait décidé de nous réunir ici ce soir, certainement pour une bonne raison. « Ouais un peu que je te déteste Rosalie, je pensais même pas que je reverrais ta tronche un jour ! ». Elle semble réfléchir à ce qu'elle va dire ensuite. Comme si elle hésitait encore à parler. Et je reste, j'attends la suite parce que ma clope n'est pas encore terminée et que je dois rester dehors. « J'ai fait une connerie. ». Je la regarde en haussant un sourcil. « Pas qu'une à mon avis ! ». Elle continue de parler et d'expliquer, « J'ai fait confiance à un mec qui était nocif pour moi. Il me coupait de tout contact avec mes proches. J'étais aveuglée et je voyais pas que ce qu'il faisait c'était mal. Alors je lui obéissais. ». Je la déteste, et pourtant, à l'idée qu'un mec ai pu lui faire du mal je serre les dents, parce que, même si ça fait des années que je l'ai pas vu, je sais qu'elle ne me dit pas tout. Je la connais assez pour savoir qu'elle me cache une partie de la vérité, quelque chose que je pourrais facilement imaginer d'après le début de description qu'elle a faite. « Ce connard t'a frappé ? ». Elle m'a abandonné pour partir avec un mec qui la frappait. J'ai envie de le tuer, et pourtant je sais très bien qu'elle ne me donnera jamais son identité parce qu'elle sait très bien de quoi je suis capable. « Je le connaissais ? ». Je finis ma clope assez rapidement avant de lui en prendre une nouvelle. « Je suis vraiment désolée, je t'assure... ». Je la regarde, elle a l'air perdue, et au bout du rouleau aussi. « Tu proposes quoi pour te racheter ? ». Je sais que je ne pourrais pas lui faire la gueule longtemps, surtout quand elle me fait ces yeux là. Et puis elle avait l'air vraiment mal.
“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
Jeremiah c’était pas n’importe qui pour moi. C’était un peu comme mon grand frère à l’époque il faisait partie des rares personnes qui ont vraiment comptées pour moi. Mais ça je suis beaucoup trop fière pour l’avouer. Ce que je sais c'est que je suis prête à admettre que j’ai merdé avec lui et je compte bien le lui faire savoir. Je pense que si on s’est retrouvés tous les deux ce soir au Canvas c’est pas pour rien. Ça doit bien vouloir dire quelque chose, non ? Je suis pas du genre à croire au destin ou toutes ces conneries-là mais je compte bien m’expliquer avec lui. Qu’il accepte mes excuses ou pas, c’est à lui de voir. Le connaissant je ne pense pas que je vais pouvoir m’en sortir avec un simple ‘désolée’ il va falloir que je lui fournisse des explications dignes de ce nom. Et je le comprends. Il a accepté de me suivre dehors ce qui est déjà un point positif. Je lui tends une cigarette, qu’il accepte aussi. Et je me laisse un petit temps de réflexion, ne sachant pas où commencer. « Ouais un peu que je te déteste Rosalie, je pensais même pas que je reverrais ta tronche un jour ! » Je relève les yeux vers lui. Il me déteste. En même temps comment ne pas me détester ? Du jour au lendemain il n’a plus eu de mes nouvelles, je me suis comportée comme une garce avec lui pour un mec qui n’en avait rien à foutre de ma gueule. Je ne pensais pas le revoir un jour moi non plus. Mais pourtant, on est là, dehors à partager une clope comme on le faisait tout le temps au foyer. Sauf que là l’ambiance est bien différente, on est plus amis, il me considère plus comme une petite sœur parce que j’ai tout gâché. Et c’est ce que je lui dis. J’ai fait une connerie, une grosse connerie. « Pas qu'une à mon avis ! » Ma vie entière c’est une connerie, Jet. Vu ce que j’en ai fait c’est la triste vérité. « T’as raison. Tu sais bien que j’ai toujours eu tendance à faire de la merde. » Mais c’est pas une raison je le sais. Mais c’est la vérité il le sait. Parce qu’à l’époque les conneries on les faisait ensemble. On était tous les deux des gamins paumés dans ce putain de foyer. J’ai toujours été un peu perdue, surtout quand j’étais au foyer. Je savais pas ce que je foutais là-bas, alors je prenais souvent les mauvaises décisions sauf qu’avant j’avais quelques personnes qui étaient là pour me remettre dans le droit chemin et m’empêcher de dépasser les limites de ce qu’on pouvait considérer comme étant convenables. Mais dès que j’ai quitté Brisbane j’étais seule et j’avais plus personne pour m’aider à ouvrir les yeux quand j’en avais besoin. J’ai décidé de jouer la carte de l’honnêteté avec lui. Je lui explique les raisons qui m’ont poussées à ne plus lui parler. Même si ces rasions ne sont pas pour autant correctes ou acceptables. « Ce connard t'a frappé ? »Oui. Je le regarde sans rien lui dire. Je déglutis et tire sur ma cigarette. Oui il me frappait mais c’est pas le sujet. J’ai pas envie qu’il se mette à avoir pitié de moi. Je secoue négativement la tête. « Non non… » J’essaie d’être la plus convaincante possible mais il me connait alors il saura très bien que je lui mens. Ma cigarette terminée je lâche le mégot à terre avant de l’écraser avec mon pied. « Je le connaissais ? » Une nouvelle fois je secoue la tête. Et je pense que c’est mieux qu’il ne le connaisse pas. « Non tu le connais pas. » Je baisse les yeux replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. « C’est pas très important de toute façon. Il est en prison maintenant. Oublie ce que je t’ai dit. S’il te plaît. » Il est en prison mais le pire c’est que ça n’a rien avoir à faire avec le fait qu’il me frappait. Même quand il s’est fait arrêter j’aurais pu en parler aux policiers pour alourdir sa peine. Des preuves il y en avait partout sur mon corps. Mais j’ai rien dit. Même en prison ce mec a toujours un pouvoir sur moi incroyable. En lui demandant d’oublier tout ça je lui avoue à demi-mots que oui cet homme me frappait, mais je n’ai pas envie de lui dire clairement il faudra qu’il le comprenne de lui-même. « Tu proposes quoi pour te racheter ? » Est-ce que ça veut dire qu’il accepte de me laisser une chance ? « T’accepterais de passer le reste de la soirée avec moi ? En souvenir du bon vieux temps quand on prenait un malin plaisir à faire chier tous ces éducs’ de merde. » Et on y arrivait bien en plus, on formait un bon duo tous les deux ce qui me fait presque culpabiliser davantage. S’il refuse au moins j’aurais essayé, j’ai été honnête avec lui je lui ai dit la vérité. Même bien plus que ce que j’aurais voulu lui dire. « Mais s’il te plaît me pose pas plus de questions sur lui. Sur ce que je t’ai dit tout à l’heure. » Parce que j’ai pas forcément envie qu’il sache que pendant ces années qu’on a passé loin l’un de l’autre j’étais juste une pute alcoolique complètement droguée qui se faisait frapper par son mec et qui n’a jamais eu les couilles de rien dire à personne. C’est mon passé et j’en ai honte. C’est peut-être encore trop récent pour que j’en parle comme ça. Pourtant ça fait quatre ans que je suis revenue, quatre ans que je ne l’ai plus vu, quatre ans que je suis clean. Je reviens de loin, et je me reconstruis.
On est tous les deux dehors. Et je sais pas vraiment ce que je dois faire. J'hésite entre lui hurler dessus et la prendre dans mes bras. Je suis fou de rage contre cette fille, mais elle a été tellement importante pour moi à une époque. Le seul semblant de famille que j'avais quand j'étais encore en foyer. « T'as raison. Tu sais bien que j'ai toujours eu tendance à faire de la merde. » Je souris malgré moi. Et quelques souvenirs de conneries qu'on avait pu faire ensemble revenait. On faisait tous ensemble à une époque, on avait terrorisé des éducs ensemble, fumé ensemble, même si elle était plus jeune que moi. J'avais été comme un grand frère pour elle, c'est une des seules personnes qui était rentré dans ma vie à cette période. Mais je devais encore être furieux contre elle, je pouvais pas tout oublier en une fraction de seconde, tout oublier grâce à un simple désolé.
Elle s'explique, me donne les raisons de sa disparition soudaine, et je ne peux pas empêcher mon côté protecteur de ressortir. Je boue de rage rien qu'en imaginant que quelqu'un ai pu lui faire du mal. « Non non... », ce non non sonne faux, je la connais par cœur et je sais qu'elle me ment. Un homme l'a frappé et j'ai une curieuse envie de le retrouver pour mettre fin à ses jours. Mais je la regarde en fronçant les sourcils. Elle n'a pas l'air de vouloir en parler et je ne veux pas la forcer non plus. « Non tu le connais pas. » Je secoue la tête en continuant de fumer la clope que je lui ai prise. « Je crois que même si je le connaissais tu me l'aurais pas dit ! ». Et je lève la tête pour observer le ciel. « C'est pas très important de toute façon. Il est en prison maintenant. Oublie ce que je t'ai dit. S'il te plaît. » Je croise son regard suppliant, et je hoche la tête, même si je sais très bien que je garderais cette information dans la tête. Je lui en reparlerai un jour. Si elle ne finit pas par disparaître de nouveau. « J'oublie, pour cette fois... » mais je retiens aussi que ce mec est en prison, en prison putain. Dans quoi elle avait bien pu se fourrer celle là encore ?
« T'accepterais de passer le reste de la soirée avec moi ? En souvenir du bon vieux temps quand on prenait un malin plaisir à faire chier tous ces éducs' de merde. » Je ris de nouveau en lui volant une nouvelle clope. « J'accepte ! Même si je t'en veux toujours. T'as intérêt de faire le maximum pour te rattraper Rose » et je lui fais un clin d’œil en sortant un briquet. « Mais s'il te plaît me pose pas plus de questions sur lui. Sur ce que je t'ai dit tout à l'heure. » Je la regarde de nouveau en fronçant les sourcils. Elle a vraiment l'air traumatisé et ça m'inquiète, mais je n'aborderai plus ce sujet ce soir. « Promis ! Alors qu'est ce que tu veux faire ? Fais moi rêver ! ».
“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
Devoir m’expliquer et essayer de me faire pardonner, c’est clairement pas quelque chose que j’ai l’habitude de faire tout simplement parce que je ne tiens pas à assez de personne pour pouvoir mettre ma fierté de côté et accepter et avouer le fait que j’ai eu tort. Mais avec Jet c’est différent parce qu’il fut un temps où il était l’une des seules personnes qui comptait pour moi. Sauf que comme je lui ai si bien fait remarquer, j’ai toujours eu tendance à faire n’importe quoi et à prendre les mauvaises décisions. Tout le temps. J’ai toujours été comme ça. Là-bas j’étais toute seule et personne n’était là pour me stopper alors même si je voyais bien que je commençais à partir en couille je continuais, je m’enfonçais. Parce que c’est la seule chose que je savais faire, c’est la seule chose que je pouvais faire. Mais comment est-ce que je suis censée lui dire tout ça, moi ? Surtout que je le connais, et je sais qu’il vaut mieux que je ne rentre pas trop dans les détails avec lui parce qu’il s’est toujours montré assez protecteur avec moi. Alors si je lui dis que j’ai été sept ans en couple avec un homme qui me frappait et qui m’obligeait à continuer la prostitution sous prétexte qu’on gagnait facilement de l’argent comme ça. Je sais qu’il pourrait très mal réagir, alors je garde tous les détails pour moi. « Je crois que même si je le connaissais tu me l'aurais pas dit ! » Je me pince les lèvres en le regardant. Il a raison. Mais comme je lui ai dit, Jackson est en prison à Melbourne et j’espère de plus jamais avoir à faire à lui. Je lui demande de ne pas s’attarder sur ce que je viens de lui dire. En gros je lui demande d’oublier que je viens de lui dire que mon ex me frappait. Il acquiesce d’un signe de tête. « J'oublie, pour cette fois... » Je lui fais un petit sourire et je me sens soulagée même si je me doute que je ne m’en tirai pas aussi facilement avec cette révélation que je viens de lui faire. « Merci. » Je lui dis, d’une petite voix. Est-ce qu’il me déteste encore ? Oui certainement encore un peu et je le comprends complètement. J’ai eu un comportement de lâche avec lui et je n’aurais jamais dû me laisser manipuler par Jackson. Mais les choses sont faites et je peux pas retourner en arrière, malheureusement. Sinon il y a tellement de choses que je changerais, dont mon comportement avec Jet. Parce que l’avoir en face de moi me rappelle à quel point il a pu me manquer ces dernières années. « J'accepte ! Même si je t'en veux toujours. T'as intérêt de faire le maximum pour te rattraper Rose » Voilà ma réponse, il m’en veut toujours mais il semble prêt à me laisser une seconde chance et je compte bien essayer de me rattraper. « Dis-moi ce que je peux faire pour me faire pardonner ? Je suis prête à tout pour te montrer à quel point je sais que j’ai été une garce ces dernières années. » Et encore il ne sait pas tout. S’il apprend que je me faisais payer pour coucher avec des hommes qui me dégoûtaient tous il me repousserait peut-être. Ou bien s’il savait que je n’ai pas bu une seule goutte d’alcool depuis quatre ans et que je ne fume plus que du tabac peut-être qu’il me trouverait beaucoup moins amusante qu’avant. Parce qu’il y a cinq ans j’étais encore dans un sale état, presque toujours défoncée ou bourrée. Je reviens de loin mais ça il ne peut pas le savoir. J’ai galéré mais maintenant je me sens mieux. Dire que je suis heureuse c’est sûrement un bien grand mot mais je suis plus cette jeune fille déprimée et rebelle que j’étais avant. Dans le temps j’étais en colère contre la terre entière. Je ne souriais pas beaucoup, mais tout ça, ça a changé. Je me sens mieux dans ma peau et mon sourire se fait moins rare. « Promis ! Alors qu'est ce que tu veux faire ? Fais moi rêver ! » Je souris, heureuse à l’idée de me dire qu’il accepte de passer la soirée avec moi. Tout ce que j’espère ce que la nouvelle Rose ne va pas le décevoir. « Si je te paye un verre c’est un bon début, non ? » Je n’attends même pas sa réponse et j’attrape sa main pour l’emmener avec moi à l’intérieur du bar de nouveau, poussant doucement les personnes se trouvant sur notre chemin. « Qu’est-ce que tu veux boire ? » Je lui demande une fois arrivés au bar. Mon attention se porte quelques secondes sur la personne se trouvant sur scène. Ce mec est en train de massacrer une chanson des Beatles et il semble penser qu’il est en train de gérer. Je grimace tout en levant les yeux au ciel. Quand on est pas doué on se contente de chanter sous la douche. Je commande la boisson demandée par Jet et demande un Virgin Mojito pour moi et je paye tout de suite nos deux verres que j’attrape dès que le barman me les tend. Je donne à Jet le sien et je balaye le bar du regard et je suis bien contente de trouver une petite table vide un peu à l’écart de tout ce monde. Je me dirige donc en direction de celle-ci m’installant sur une des deux chaises. « Tu veux pas aller sur scène après ? Histoire de nous éviter un autre con qui osera massacrer un autre classique de la musique ? » Je lui demande, amusée en buvant quelques gorgées de mon Mojito. J’ai l’impression qu’on a tellement de chose à rattraper que je sais même pas par quoi commencer.
On est dehors, et rester ici avec elle me ramène de nombreuses années en arrière, quand on trainait encore de foyer en foyer et que je faisais toujours tout pour la suivre partout où elle allait. Pour la protéger, et lui apprendre tout un tas de conneries. Elle est le seul semblant de famille que j'ai pu avoir dans ma vie, et j'avais été complètement anéanti quand elle avait disparu. Mais ça personne ne le saura jamais, bien évidemment. « Merci. » Oui j'oublie pour cette fois, parce que je vois qu'elle ne veut pas en parler, que ça doit sans doute lui faire encore bien trop de mal pour qu'elle veuille l'expliquer en détail. Mais on en re discutera, parce que je veux savoir pourquoi elle est partie, pourquoi je ne l'ai pas vu pendant tant d'années, et qui a bien pu détruire la petite fille que je connaissais si bien. « Dis moi ce que je peux faire pour me faire pardonner ? Je suis prête à tout pour te montrer à quel point je sais que j'ai été une garce ces dernières années. » Je souris en continuant de fumer la clope que je lui avais piqué. « Déjà, rien que le fait de reconnaître que tu as été une garce, c'est un bon début ! » et je lui fais un clin d’œil amusé, c'est plus fort que moi, j'ai jamais réussi à lui en vouloir bien longtemps. « On a qu'à passer la soirée ensemble, et tu me promets que tu disparais pas de nouveau quand on rentre chez nous ce soir ! » Si c'est pour qu'elle finisse par repartir, je préférais encore l'ignorer tout au long de cette soirée. « Si je te paye un verre c'est un bon début non ? » Je hoche frénétiquement la tête et la suit à l'intérieur du bar. « Qu'est ce que tu veux boire ? » Je tourne la tête vers le serveur. « Une bière please ! » Et je la suis de nouveau jusqu'à une table, en étant étonné de la voir prendre un virgin quelque chose. « Tu marche aux virgins toi maintenant ? » J'arque un sourcil en buvant une longue gorgée de ma bière. « Tu veux pas aller sur scène après ? Histoire de nous éviter un autre con qui osera massacrer un autre classique de la musique ? » Je me mets à rire, bien sûr que je ne dis jamais non quand on me propose d'aller chanter. « T'es sûre ? Parce que si je vais chanter plus personne n'osera passer après moi, j'ai beaucoup trop de talent ça va les terrifier ! » et je fais un clin d’œil à Rose qui semble aussi se dérider un peu. Je me lève, à la recherche d'une guitare à côté de la scène, je ne joue pas du piano depuis assez longtemps pour être capable d'improviser. Alors que j'apprivoise la guitare depuis que j'ai su me servir de mes 10 doigts. « Salut ! » je me cale devant le micro, sur un tabouret, guitare en main. Je commence à chanter, un titre que je connais bien, mais qui n'a aucune signification particulière. When I Was Your Man. Un truc que j'ai déjà bossé à plusieurs reprises, et qui plait au plus grand monde. Parfait. Et pendant que je chante, je regarde Rosalie, toujours à la même place.
“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
J’ai l’impression de retrouver celui à qui je m’étais tant attachée il y a de nombreuses années. Il n’a pas vraiment l’air d’avoir changé ce qui fait plaisir à voir. Parce que moi, j’ai changé. J’ai pas vraiment eu le choix. Avant de quitter Brisbane j’étais déjà cette fille au caractère de merde, chiante, qui aimait faire la fête sans limite mais quand je suis partie à Melbourne cette fille s’est petit à petit transformée en une droguée alcoolique vivant constamment dans l’excès. Si je voulais retrouver un semblant de vie normale je devais tout arrêter : l’alcool, la drogue et le sexe. Parce que tels ont été les trois mots qui résument parfaitement bien ma vie de mes dernières années à Melbourne. Une descente aux enfers dans laquelle j’étais en chute libre, personne pour m’aider aucune main tendue vers moi. Toutes les personnes de mon entourage n’étaient que des gens qui me poussaient encore un peu plus au fond du trou chaque jour. Mais si je n’avais personne pour m’aider je sais que c’est en partie ma faute. Si je n’avais pas coupé les ponts avec Jet, peut-être qu’il aurait été là pour moi et pour me sortir de cette merde avant que ma vie ne devienne complètement incontrôlable. Je ne peux n’en vouloir qu’à moi-même je suis la principale fautive dans cette histoire. Et si je n’avais pas été aussi naïve facilement manipulable et conne, je ne me serais pas laissé faire avec Jackson. La vie a été cruelle avec moi mais je l’ai en quelque sorte cherché. « Déjà, rien que le fait de reconnaître que tu as été une garce, c'est un bon début ! » Il me fait un clin d’œil et moi je lève les yeux au ciel, un petit sourire amusé sur le visage. Oui bon je vais pas non plus le dire cinq-cents fois j’ai ma fierté quand même. J’ai eu tort, j’ai été une connasse je le sais et je lui ai déjà dit. « On a qu'à passer la soirée ensemble, et tu me promets que tu disparais pas de nouveau quand on rentre chez nous ce soir ! » J’ai déjà fait la connerie une fois et croyez-moi je compte pas la refaire une deuxième fois. Faudrait être sacrément conne pour refaire la même erreur. Je l’ai retrouvé et je pense que si nos chemins se sont recroisés ça veut bien dire qu’on ne devrait plus se quitter, non ? Merde depuis quand je pense comme ça moi ? « Je te promets de plus jamais disparaître. Quitter Brisbane ça m’a pas réussi tu sais. » C’est le moins qu’on puisse dire, je faisais presque pitié à voir. En même temps être toujours bourrée et défoncée ça va à personne croyez-moi ? Parce que des personnes addict j’en ai connu un paquet et on était tous dans un piteux état. Pour me faire pardonner je lui propose de lui payer un verre, c’est déjà un bon début je pense, non ? Alors je l’entraîne avec moi dans ce bar bien trop peuplé à mon goût. J’aime pas quand il y a beaucoup de monde autour de moi, ça vient sûrement du fait que j’aime pas les gens en fait. Je commande une bière et un virgin mojito pour moi et une fois nos verres servis je nous trouve une table qui vient tout juste de se libérer et légèrement en retrait. Je me précipite vers celle-ci avant de m’asseoir sur l’une des deux chaises. « Tu marche aux virgins toi maintenant ? » Je relève les yeux vers lui tout en sirotant mon cocktail. Ben oui je devais bien m’y attendre à celle-là. Des cuites avec Jet, il y en a pas eu qu’une seule et me voir boire une boisson sans alcool l’étonne, ce que je peux tout à fait comprendre. « J’suis sobre depuis quatre ans. » Dans la même soirée je lui avoue à demi-mots que mon ex petit-ami était violent et je lui avoue avoir eu de sérieux problèmes d’alcool. Mais quatre ans de sobriété ça vous semble peu j’en suis sûre mais je vous jure que c’était inespéré pour moi. « C’était un peu la merde à Melbourne honnêtement. J’aurais jamais dû partir. » Non seulement je n’ai pas eu de contact avec ma mère pendant dix ans mais j’ai aussi arrêté de donner des nouvelles à Jet alors oui, mon installation à Melbourne a été la pire idée que j’ai jamais eue. « T'es sûre ? Parce que si je vais chanter plus personne n'osera passer après moi, j'ai beaucoup trop de talent ça va les terrifier ! » Je ris à sa remarque et je me rappelle ces moments qu’on passait à parler musique, ou à faire de la musique tout simplement. C’est lui qui m’avait appris à jouer de la guitare et je me souviens qu’il était vraiment doué pour ça. Pour la guitare mais aussi pour chanter. « Ben t’y peux rien d’être plus doué que la plupart des personnes dans ce bar. Et puis au moins ça dissuadera ceux qui se croient talentueux de monter sur scène. » Je lui souris. Ça laissera à nos oreilles un peu de répit. Et puis il se lève et attrape une guitare rangée pas très loin de la scène. Je me demande ce qu’il va bien pouvoir chanter. Je le regarde s’installer et il se met très vite à chanter When I was your man et je ne peux qu’approuver ce choix. Cette chanson est tellement belle et en la chantant ce soir il lui fait parfaitement hommage. Il chante toujours aussi bien et le public semble apprécier ce qu’ils entendent. Et dès que la chanson se termine j’applaudis le sourire aux lèvres tout en le regardant. Je prends mon verre pour boire quelques gorgées de ma boisson et je le repose quand je le vois revenir vers moi. « C’était super ! » Je lui dis, sincèrement. Parce que je suis pas le genre de personne à faire des compliments dans le vent. Si je trouvais qu’il avait massacré la chanson je lui dirais pas que j’ai aimé sa prestation.
Je suis là, devant elle totalement par hasard, et je n'arrive pas à lui faire la gueule bien longtemps. Ça a toujours été comme ça, et c'est pas prêt de changer. Bien évidemment j'attendrai des explications, plus de détails sur sa vie d'avant, mais pour l'instant je la laissais. On allait juste profiter de tout ça, tous les deux, pendant toute cette soirée. « Je te promets de plus jamais disparaître. Quitter Brisbane ça m'a pas réussi tu sais. » Je fronce les sourcils, je n'ose pas vraiment imaginer ce qu'elle avait bien pu vivre, mais elle avait l'air de revenir de loin. « Je quitte pas Brisbane, tu quittes pas Brisbane, on va pouvoir se voir souvent pour rattraper ces années tu crois pas ? » Je l'entraine à l'intérieur du bar pour retourner boire un verre, finalement je ne passerai pas la soirée seul. Elle commande un virgin mojito, et je la regarde assez étonné. On avait passé des soirées à se bourrer la gueule tous les deux, quand on arrivait à partir du foyer, à passer entre les mailles du filet. On sortait et on s'amusait jusqu'au bout de la nuit. « J'suis sobre depuis 4 ans ». Sobre, elle avait donc eu des problèmes d'alcool. Je fronce légèrement les sourcils. « Sobre ? Je suis clairement incapable de rester sobre pendant tant d'années. » Je suis pas alcoolique, mais j'aime m'amuser en buvant trop, en sortant avec des gens, ou en buvant avec des filles que je venais de rencontrer. Avec mon travail, j'étais toujours proche d'une bouteille ou plusieurs.
Elle a vraiment l'air de regretter ces années passées loin de Brisbane. « C'était un peu la merde à Melbourne honnêtement. J'aurais jamais dû partir. » Je hoche la tête. « Melbourne ? C'était donc là que tu te cachais ! Mais si c'était aussi horrible, pourquoi t'es pas rentrée plus tôt ? » C'était une vraie question, j'essayais de comprendre ce qu'il avait pu se passer dans sa tête. Mais elle change de sujet, et je la laisse faire, je comprends que ça puisse être compliqué d'en parler, mais je suis du genre tenace, elle finira par me parler de tout ça, ça prendra le temps que ça prendra. « Ben t'y peux rien d'être plus doué que la plupart des personnes dans ce bar. Et puis au moins ça dissuadera ceux qui se croient talentueux de monter sur scène. » Je lui fais un clin d’œil avant de me lever pour rejoindre la scène et lui montrer que j'avais rien perdu de mon talent. Elle m'a déjà entendu chanter et c'est moi qui lui ai appris à jouer de la guitare. On avait déjà passé des heures à parler musique et à jouer quand on était plus jeune. Je chante, je m'amuse, c'est tout ce que j'aimais faire dans la vie. « C'était super ! » je lui fais un sourire en coin. « Je sais bien, c'est toujours super quand je chante ! » et je me mets à rire avec elle.
“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
En participant à la scène ouverte du Canvas ce soir je ne pensais clairement pas retrouver Jet. Pourtant le voir ici un soir de scène ouverte n’est pas si étonnant que ça quand on le connait. Jet, ça a toujours été un amoureux de la musique, depuis que je le connais. Il est passionné et c’est même sûrement une des raisons qui m’a poussée à m’intéresser à lui et à ne pas le repousser tout comme je le faisais avec chaque personne qui osait s’approcher de moi. « Je quitte pas Brisbane, tu quittes pas Brisbane, on va pouvoir se voir souvent pour rattraper ces années tu crois pas ? » On a tellement à rattraper lui et moi. Par ma faute. Peut-être que si je n’avais pas coupé les ponts avec lui ma vie aurait pris une autre tournure, beaucoup moins dramatique et moins catastrophique. Je ne peux m’empêcher de me poser toutes ces questions qui resteront malheureusement sans réponse. « Carrément ! » Je lui réponds de manière enthousiaste. « T’es prêt à devoir me supporter encore une fois ? Parce que je te préviens, je suis toujours aussi chiante. » Et c’est la vérité. J’ai toujours ce même caractère de merde, dès que j’en ai l’occasion je critique les gens qui m’entourent. La seule chose qui a changé c’est mon absence de consommation d’alcool et le fait que je ne fume plus que du tabac. Parce que j’ai sombré en enfer en buvant un peu trop et en étant défoncée presque tout le temps. J’ai repris main vie en main parce qu’après mon overdose, je me suis rendue compte que si je voulais continuer à vivre je devrais changer de mode de vie. Peut-être que je m’en serais rendue compte bien plus tôt si Jet avait encore été présent à mes côtés. Voilà encore une nouvelle question que je me pose. « Sobre ? Je suis clairement incapable de rester sobre pendant tant d'années. » Je me mordille la lèvre inférieure alors que mes yeux glissent instinctivement sur son verre de bière. Ça fait quatre ans que je n’ai rien bu, il y a trois ans j’étais à deux doigts de la rechute et sans Leah c'est d’ailleurs certainement ce qu’il se serait passé. Je me racle la gorge et replonge mon regard dans le sien. « Oh je pensais pas que j’en étais capable moi non plus, crois-moi. » Ma phrase se termine par un petit rire sans joie, je ris mais c’est tout sauf drôle. C’est surtout nerveux. Je l’ai retrouvé il n’y a même pas une heure que je lui confie mon alcoolisme et avoir été dans une relation assez malsaine. Mais c’est Jet, il me connait et j’ai toujours eu tendance à avoir un faible pour les mauvais garçons qui me font plus de mal que de bien. Même quand j’étais plus jeune c’était déjà le cas. Alors savoir que j’ai fini en couple avec un homme violent, est-ce que c’est vraiment étonnant ? Non, pas réellement. Et je lui dis à nouveau que quitter Brisbane a certainement été la pire décision que j’ai jamais prise. « Melbourne ? C'était donc là que tu te cachais ! Mais si c'était aussi horrible, pourquoi t'es pas rentrée plus tôt ? » Oh, bah en voilà une bonne question. Pourquoi je ne suis pas rentrée plus tôt ? J’aurais dû. Mais j’étais conne. Bêtement amoureuse d’un homme qui n’en avait rien à foutre de ma gueule. Je me suis embarquée dans de sales histoires qui me retenaient là-bas. C’est compliqué à expliquer sans rentrer dans les détails, et je n’ai pas franchement envie de tout lui raconter pas ici dans ce bar. Je lui dirai tout un jour, je lui dois bien ça. Mais pas maintenant. Je fixe mon verre, écrasant les feuilles de menthe avec ma paille et j’en profite pour en boire quelques gorgées avant de reporter mon attention sur elle. « Je pouvais pas vraiment rentrer avant. Dès que j’en ai eu l’occasion, j’ai fui. Quand il s’est fait arrêter. » Il, mon ex, l’homme violent, celui qui m’a brisée alors que j’étais déjà une gamine complètement brisée par la vie et par mon passé. Même si je ne suis pas vraiment partie tout de suite après. Avant il y a eu mon overdose – tentative de suicide plutôt mais ça, j’ai bien du mal à accepter que j’ai fait une telle chose. – et puis après il y a eu mon sevrage, mes quelques mois en rehab et c’est après ça que je suis partie. Jet doit avoir tellement de questions, parce que je reste vague dans mes réponses. Mais je peux lui promettre que je lui dirai tout. Et c’est juste après qu’il monte sur scène pour chanter ce qui me replonge bien évidemment dans tout un tas de souvenirs. Nous deux plus jeune, lui me donnant des heures et des heures de cours de guitare. Il a eu beaucoup de patience. « Je sais bien, c'est toujours super quand je chante ! » Je ris à sa remarque, levant les yeux au ciel d’un air amusé. Mais oui c’est vrai qu’il a toujours été doué. Une fois qu’il s’installe à nouveau face à moi, je me redresse sur ma chaise et je place une mèche de cheveux derrière mon oreille avant reprendre la parole. « Bon, tu sais plus ou moins que ma vie a été désastreuse ces dernières années. Mais s’il te plaît, dis-moi qu’il y en a au moins un de nous deux qui a réussi dans la vie. Tu fais quoi maintenant ? » Au foyer on était tous des gamins paumés et aucune personne de l’extérieur aurait misé sur nous. Parce qu’aucun de ces gosses n’étaient voués à un bel avenir. C’est ce que les autres doivent penser mais moi j’ai décidé d’être plus positive maintenant. Ou du moins j’essaie.
Je la regarde sourire, elle a l'air heureuse que j'ai décidé de lui pardonner. J'étais heureux de la voir, et j'étais heureux de voir que tout était comme avant entre nous. « Carrément ! T'es prêt à devoir me supporter encore une fois ? Parce que je te préviens, je suis toujours aussi chiante. » Je secoue la tête avec une mine faussement dégoûtée. « J'aurais dû faire comme si je te reconnaissais pas pour ne plus avoir à subir tout ça... » et je me mets à rire en la bousculant par l'épaule. On s'assoit tous les deux et je bois mon nouveau verre presque cul sec. Et elle me parle de sa sobriété. Et donc, pas sous-entendu, du fait qu'elle a certainement eu de gros problèmes avec l'alcool. Son passé m'inquiète, mais c'est son passé, et je ne la blâmerais pas pour ça. « T'avais certainement envie d'arrêter, et c'est ça qui t'a fait réussir à tenir le coup. » Chacun fait ce qu'il veut, mais moi, je ne vais pas chercher la motivation pour arrêter mes conneries, alors que c'est ce qui me rend vivant.
Elle me parle un peu de son passé, sans entrer dans les détails. Et je la laisse, je ne la brusque pas, je ne veux pas la braquer et je sais qu'elle m'en parlera quand elle se sentira prête. « Je pouvais pas vraiment rentrer avant. Dès que j'en ai eu l'occasion, j'ai fui. Quand il s'est fait arrêter. » Je fronce les sourcils, je ne peux pas m'empêcher d'avoir envie de tuer ce type. « J'ai vraiment envie de te poser des milliards de questions là Rose. » Mais je me retiens, je ne garantis pas que j'arriverais à la laisser tranquille bien longtemps. Mais je ne veux pas gâcher ces retrouvailles, ou la voir disparaître de nouveau. Elle m'envoie chanter, et je chante, c'est un de mes nombreux talents. Je profites quelques temps des applaudissements et je retourne vers elle pour continuer notre soirée. « Bon, tu sais plus ou moins que ma vie a été désastreuse ces dernières années. Mais s'il te plaît, dis-moi qu'il y en a au moins un de nous deux qui a réussi dans la vie. Tu fais quoi maintenant ? » Je réfléchis, est ce que je dois lui parler de tout ? Ou juste essayer de la rassurer ? « Réussis ma vie ? Ma vie n'a jamais été une réussite ! Mais je suis promoteur de salle de spectacle... Je pense pas qu'on puisse réellement parler de passion... »
“I was broken, I was choking, I was lost, this song saved my life. I was bleeding, stopped believing, could have died this song saved my life. I was down, I was drowning. But it came on just in time, this song saved my life”
J’ai jamais été facile à vivre, j’ai toujours eu un caractère de merde je le sais et il le sait aussi. Il me connait parce qu’on était tellement proches. Et je m’en veux de l’avoir laissé en plan je me suis comportée comme une garce. Je le regarde et je me rends compte qu’il m’a manqué. Vraiment beaucoup. Mais je ne lui dirais pas tout simplement parce que je dis pas ce genre de chose, moi. Je suis pudique sur mes sentiments et je suis du genre à toujours tout garder pour moi. Que ce soit mes sentiments positifs ou négatifs. Je sais que ce n’est pas bien et je sais aussi que pour une psychologue, refuser de dévoiler ses sentiments et son ressenti c’est assez paradoxal sachant que je demande à mes patients de se livrer à moi sans retenue. « J'aurais dû faire comme si je te reconnaissais pas pour ne plus avoir à subir tout ça... » Je ris avec lui tout en levant les yeux au ciel d’un air amusé. « Il est pas encore trop tard pour changer d’avis. Tu peux toujours te lever et te barrer en courant. » Je lui dis en souriant. Mais je ne veux surtout pas qu’il fasse ça. Je l’ai retrouvé et je compte vraiment pas l’abandonner à nouveau. Je vais quand même pas faire la même connerie deux fois. Être dans un bar avec Jet, c’est clairement pas la première fois que ça arrive. Avant on faisait les quatre-cent coups ensemble et nombreuses sont les fois où nos soirées se sont terminées dans des bars à se faire payer des verres par n’importe qui. Alors bien sûr que oui il s’étonne tout de suite de me voir prendre un Virgin. Parce que ça me ressemble pas. Mais l’alcool, la drogue et le sexe avec des inconnus ça fait partie de l’ancienne Rosalie. La nouvelle a bien changée, je suis plus calme. Pas vraiment par choix mais c’est en partie la sobriété qui me force à ça. Mais même avec l’alcool je me suis améliorée au début me retrouver face à un verre sans en boire une goutte c’était un putain de challenge. « T'avais certainement envie d'arrêter, et c'est ça qui t'a fait réussir à tenir le coup. » J’hausse les épaules tout en écrasant la menthe dans mon verre pour lui donner encore un peu plus de goût. « J’ai pas de mérite tu sais. J’ai juste été en désintox. » Et encore, s’il savait que la cure n’était pas seulement pour me sevrer de l’alcool mais aussi de la drogue. J’étais une putain d’alcoolique toxicomane, en fait j’étais juste devenue un déchet, je faisais pitié à voir. Là-dessus Jackson avait raison.
J’essaie de lui donner quelques réponses à ses questions mais je reste très vague pour le moment. Pas parce que je ne lui fais pas confiance. Non pas du tout. Parce que dans le passé, s’il y avait peu de personnes en qui j’avais confiance Jet lui en faisait partie et je sais qu’aujourd’hui je vais pouvoir avoir une confiance aveugle en lui. Comme avant. « J'ai vraiment envie de te poser des milliards de questions là Rose. » Je me pince les lèvres. Je lui dois des explications. Complètes, nettes et précises je le sais. Et il les aura ça c’est une certitude je peux lui promettre s’il en a besoin. Mais je ne peux pas lui apporter toutes ces réponses ce soir. « La prochaine fois, promis, tu pourras me poser toutes les questions que tu veux et je te répondrai avec honnêteté. Mais pas ce soir… » Je m’y suis pas préparée et j’en parle très peu. Histoire de ne pas dire que je n’en parle pas du tout, jamais. J’ai honte de mon passé de celle que je suis devenue et j’ai presque peur qu’en apprenant tout il veuille prendre ses distances avec moi. Je lui pose quelques questions sur lui, sur sa vie sans moi, sur ce qu’il fait de sa vie. « Réussis ma vie ? Ma vie n'a jamais été une réussite ! Mais je suis promoteur de salle de spectacle... Je pense pas qu'on puisse réellement parler de passion... » Ce qui est sûr c’est qu’effectivement notre vie n’a jamais été une réussite. Et malheureusement j’ai l’impression que pour presque tous les gosses qui finissent en foyer c’est le cas. « Pourquoi tu fais pas quelque chose qui te plaît plus alors ? » Je sais que tout n’est pas toujours aussi facile, je me rends très bien compte qu’on ne peut pas changer de métier comme ça en claquant des doigts. Mais moi je fais un travail que j’aime. C’est pas non plus une grande passion mais disons que j’ai réussi à bien m’en sortir malgré toutes les emmerdes que j’ai eues.
On est assis l'un en face de l'autre. Comme si on revenait des années en arrière, sauf qu'aujourd'hui, elle tourne aux boissons sans alcool. Je devrais peut-être le faire aussi. Mais j'en ai pas le courage, ni la motivation. J'aime l'alcool et j'aime faire la fête, je pense que ce sera encore comme ça pendant de nombreuses années. « Non tu vas pas te débarrasser de moi aussi facilement ! » et je lui souris. Je ne vais pas partir aussi vite alors que ça faisait des années que j'avais pas vu ce joli petit visage. Et même si elle a traversé beaucoup choses compliquées, elle a l'air d'aller bien aujourd'hui. De remonter la pente. Et maintenant je serais là pour elle, comme je l'étais quand elle était encore une gamine.
Elle arrive à me parler, comme si on ne c'était jamais quitté et ça me fait sourire même si le sujet « T'as déjà le mérite de pas avoir rechuter après ta désintox ! Je connais beaucoup de personnes qui ont pas tenu une semaine sobre ! » je hoche la tête en observant mon verre, qui lui est rempli d'alcool. Je n'en aurais pas commandé si j'avais su pour elle. Mais il est là maintenant, alors je le finis assez rapidement. Je suis heureux de l'avoir retrouvé enfin, et je compte bien la revoir. « Pas ce soir alors... » Je sais être patient de temps en temps. Ça m'arrive. Et là c'est le cas. On continue de discuter et je finis par parler de mon travail. Mon travail qui commence à m'ennuyer terriblement. « Parce que pour l'instant j'ai besoin d'argent, et que j'aime la musique. » J'abrège le sujet. Et toute cette soirée c'est bien passé. On a continué de discuter de tout et de rien, sans aborder les sujets difficiles. Parce que je savais que j'allais la revoir, et qu'elle serait prête à m'en parler un jour.