★ Carlisle Bishop & Mina Farrell #5 La dernière contraction avait été la plus douloureuse. Mina avait l’impression que quelque chose se déchirait en elle et elle ne pouvait retenir ses cris. C’était le moment, le bébé allait enfin arriver. Elle se sentait confuse et surtout, elle n’était pas prête à devenir mère. Contrairement à Carlisle, elle ne s’était jamais totalement faites à l’idée qu’elle allait donner la vie. Elle avait passé les derniers mois dans le déni. Le constat était désastreux et à chaque fois qu’elle touchait le fond, elle avait la sensation de creuser un peu plus sa tombe. Accroché au bras du futur père, Mina était morte de peur. Les premiers coups étaient arrivées en début de matinée, elle avait hurlé en voyant la flaque d’eau au sol. Ce n’était pas encore le moment, elle n’était pas prête, personne ne l’était, à vrai dire. Carlisle n’avait pas fini de peindre la chambre du bébé et malgré leur petit rapprochement, elle lui avait caché sa petite escapade avec John. De sa vie, elle ne s’était jamais sentie aussi seule et perdue. Plus les jours avancés, moins elle savait ce qu’elle faisait. Tous ses projets étaient tombés à l’eau et le destin avait soudain décidé de se retourner contre elle. Le retour de bâton était insupportable. Malgré que sa relation s’était amélioré avec l’ex-pilote, il y avait encore beaucoup de choses qui ne s’arrangeaient pas. Il fallait se rendre à l’évidence, leur histoire était vouée à l’échec. Ils n’avaient rien en commun mais elle aimait pourtant ce qu’elle devenait à ses côtés. Carlisle en faisait une meilleure personne, il avait une bonne influence sur elle. En parallèle il la frustrait, il la faisait attendre. Elle s’offrait à lui sur un plateau d’or et il continuait de lui résister. Malgré les sacrifices qu’elle avait pu faire pour lui, il ne lui avait rien donné. Il jouait avec sa patience. Il continuait à lutter contre elle bien qu’elle lui avait prouvé par la plus belle des façon qu’elle tenait à lui. Ceci dit, la tempête s’était calmé depuis plusieurs jours. Depuis un baiser qu’ils avaient échangé juste avant de se coucher. Ce n’était pas la première fois qu’il succombait aux lèvres de l’autres mais cette fois-ci était différentes des autres. Elle ne savait pas pourquoi, mais quelque chose dans le regard de Carlisle avait changé. Ce qu’elle avait pu apercevoir ce soir-là, c’était ce qu’elle avait l’habitude de voir dans le regard de bien des hommes à son égard. Une centaine de fois chez John mais jamais Carlisle. Du désir, de la passion, elle n’avait qu’à donner son feu vert pour qu’il n’en fasse qu’une bouchée. Elle avait réveillé l’instinct animal de l’homme le plus éduqué du monde. Elle avait passé ces derniers mois à le rendre fou, à lui rendre comme elle pouvait la monnaie de sa pièce. Et au moment où elle avait la sensation de le posséder enfin, elle lui avait tourné le dos pour rejoindre Morphée. C’était cruelle, même de la part de Mina ce n’était pas juste. Seulement ce n’était pas ce qu’elle voulait. Elle ne voulait pas être l’objet de ses désirs. Elle ne voulait pas qu’il la regarde comme les autres, elle voulait être différente. Elle voulait qu’il fasse d’elle sa reine. De son côté, tout n’était pas totalement clair. Le retour de John dans sa vie n’arrangeait rien. Elle n’arrivait plus à regarder l’ex-pilote dans les yeux sans penser à son ex-petit ami. Au fond, elle n’avait rien fait de mal puisque leur relation n’en était pas totalement une. C’était ce qu’elle essayait de se répéter pour se réconforter. Seulement la vérité, c’était qu’elle culpabilisait. Elle s’en voulait du mal qu’elle ferait à l’un ou à l’autre lorsqu’elle devra faire un choix. « OOOOOOHHHH, F*LS DE P*TE » hurla-t-elle contre la créature qui menaçait de sortir de son abdomen d’une seconde à l’autre. Elle relève son regard vers le père. Elle ignorait combien de temps s’était écoulé entre le moment où ils étaient arrivé et celui qu’ils avaient passé à attendre dans cette chambre. « Quand est ce qu’il arrive ce put*in de médecin ? » elle râle et s’impatience depuis une dizaine de minutes déjà. La douleur lui paraît insurmontable.
Ça aurait pu être une matinée comme une autre. Carlisle s’était levé, il avait pris une douche, et s’était mis derrière les fourneaux pour se préparer un petit-déjeuner. Comme chaque matin depuis quelques semaines, il doublait les quantités – son hôte avait décidé de faire quelques efforts, et d’adopter un rythme de vie plus sain. Il disposa le bacon dans une poêle, sortit deux œufs du frigidaire, et plaça deux tranches de pain de mie dans le grille-pain. Encore quelques minutes, et il irait réveiller Mina. Mais une fraction de seconde plus tard, il comprit que son emploi du temps serait bouleversé. Pour aujourd’hui certainement, mais surtout pour toutes les années à venir. Son cœur s’emballa lorsqu’il entendit la mère de son futur enfant hurler, et il abandonna la cuisine pour se précipiter à son chevet. Lorsqu’il vit quelques gouttes d’eau perler le long de ses cuisses, il comprit immédiatement ce qui venait de se passer : dans quelques heures, les deux amants deviendraient parents. Et plus rien ne serait comme avant.
Ils étaient à l’hôpital depuis quelques heures maintenant. Les contractions de Mina avaient été nombreuses, et de plus en plus rapprochées – la sage-femme leur avait rappelé que c’était là une bonne nouvelle, et que l’héritière allait bientôt devenir mère. Carlisle avait dégluti, conscient qu’il s’agissait d’un sujet délicat pour l’Australienne. Il fit attention à ne pas approuver, et préféra se concentrer sur la future mère. « J’espère que ce n’est pas après moi que tu en as. » Fit remarquer le pilote, alors qu’il venait d’entrer dans la chambre qu’occupait Carmina Farrell. Allongée sur un lit d’hôpital, sa main droite semblait tenir son ventre. La douleur était visible sur chacun de ses traits – ses lèvres étaient pincées, ses yeux étaient clos, et sa main gauche agrippait violemment les draps. Il savait pertinemment que les propos décousus que tenaient l’héritière étaient destinés à leur progéniture. « Il arrive, il est dans le couloir. » Déclara l’ancien pilote. Loin de se soustraire à son rôle, il fit glisser sa main gauche dans la sienne. Son autre main se posa sur son front, et il caressa doucement le sommet de son crâne. Il tressaillit en sentant qu’elle transpirait, et comprit que le pire était encore à venir. « Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? » Demanda-t-il, un peu maladroitement. La sage-femme était déjà passée à plusieurs reprises, vérifiant que tout se déroulait bien. Quelques instants plus tard, la porte de la chambre s’ouvrit sur un médecin, qui allait probablement délivrer, au moins partiellement, Mina de ses souffrances.
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Il avait passé une bonne heure, sa fille logée au creux de ses bras, à parcourir le salon en long, en large, et en travers. Il l’avait serrée contre lui, l’avait embrassée un nombre de fois incalculable, l’avait bercée en espérant qu’elle trouve le sommeil, mais rien n’y faisait : sa fille refusait de dormir. Ses grands yeux clairs restaient obstinément ouverts, alors que ses petits doigts se refermaient sur de l’air. Elle était calme lorsque son père la gardait contre lui, mais hurlait dès qu’il avait l’audace de la poser dans son lit. Carlisle avait plusieurs fois fait le test, avant d’abdiquer : il ne pouvait pas se résigner à laisser pleurer sa fille, sa toute petite fille, alors qu’il était à quelques mètres d’elle à peine.
Ses doigts caressèrent la joue de sa fille, mais rien n’y fit : elle continuait de hurler, hoquetant lorsqu’elle manquait d’air. Carlisle embrassa son front, rougi par les pleurs saccadés et interrompus. Ces réactions, il le savait pertinemment, n’étaient pas normales. Le comportement de sa fille semblait trahir les erreurs de sa mère, qui venait d’ailleurs de rentrer d’on ne sait où. Il soupira, colla sa fille contre son torse dénudé, et se redressa pour faire quelques pas. Il bailla, et tâcha de se concentrer pour sortir au plus vite de sa léthargie. La fatigue s’était accumulée au cours des derniers jours, et on ne pouvait pas dire que Mina était d’une grande aide. Elle passait le plus clair de son temps à dormir, et lorsqu’elle ne dormait pas, elle disparaissait pendant des heures. Il l’entendit glousser, à quelques mètres d’eux à peine, et Carlisle soupira. Qu’elle ne soit pas une mère attentive et dévouée, soit ; qu’elle fasse n’importe quoi et qu’elle vienne perturber le sommeil de sa progéniture, ça, il ne le tolérait pas. Soit elle s’adaptait, soit elle dégageait – et c’était avec la ferme intention de lui exposer son point de vue qu’il sortit de sa chambre, Maya dans les bras. « C’est une plaisanterie ? » Siffla-t-il, alors qu’il constata que Carmina était rentrée avec deux amies à elle, et qu’elles s’étaient confortablement installées dans le canapé. « Dehors. » Déclara-t-il sobrement, mais avec une froideur qui ne lui ressemblait pas. Il n’était pas quelqu’un d’inhospitalier, bien au contraire. Mais là, la coupe était pleine. Voyant qu’elles ne réagissaient pas, il poursuivit : « J’ai une fille de quelques jours à peine, qui a besoin de se reposer et d’être au calme. » Et, malheureusement, le gratin de Brisbane n’avait rien de discret et respectueux. L’héritière Farrell se redressa, visiblement prête à s’opposer à lui, mais il la dissuada d’un regard noir. Ce n’était clairement pas le moment. Comme si elle percevait une tension qui n’avait pas lieu d’être, Maya émit quelques gémissements, qui se muèrent bientôt en cris. « DEHORS, J’AI DIT ! » S’exclama-t-il, pointant la porte d’entrée du doigt, alors que les deux amies de Carmina maugréaient et le qualifiait de sobriquets dont il se fichait éperdument. Après tout, il était ici chez lui. L’Australien se dirigea vers sa chambre, dans laquelle il avait installé le lit d’enfant de sa fille. Pour plus de facilité, elle dormait auprès de lui. Il s’assit contre sur le matelas de son propre lit, dos contre le mur, et caressa le front de Maya du bout de l’index. Cette toute petite chose avait bouleversé sa vie, et il débordait d’amour à son égard.
★ Carlisle Bishop & Mina Farrell #5 Inutile d’être devin pour savoir que Mina ne ferait pas une bonne mère. Elle était de ces gens à qui il aurait mieux fallu boucher les trompes de Fallope plutôt que de les laisser enfanter. Carlisle avait été assez fou pour la laisser porter leur enfant. Il avait cru en elle, il l’avait laissé croire qu’elle pourrait devenir une personne meilleure. Il s’était trompé, il avait parié sur le mauvais cheval. Mina était incapable d’aimer une autre personne qu’elle-même. Ce bébé allait manquer de l’amour de sa mère. Elle n’était pas capable de s’en occuper, il suffisait qu’elle l’ait dans les bras pour que sa réalité lui revienne en pleine face. Depuis l’accouchement, elle s’était réfugiée dans de nouveaux excès. Chaque soir était une bonne occasion de faire la fête et de s’éloigner de leur maison. Elle ne supportait plus les cris de bébés ni les odeurs de couches à changer. Mina était déjà fatiguée par leur nouvelle routine. La jeune mère cherchait à se réconforter du mieux qu’elle pouvait. Elle noyait ses tracas dans l’alcool et comme si ce n’était pas assez, elle s’était mise à consommer d’autres substances pour s’échapper de son quotidien. Ses copines étaient loin de faire l’unanimité auprès de Carlisle. Il avait raison de s’en méfier puisqu’aucune n’aidait la jeune femme dans sa détresse. Pire encore, elles l’incitaient dans sa perte, elles la tiraient vers le bas faisant passer le pilote pour un pauvre coincé. Elles venaient chercher la brunette plus tôt dans la soirée pour la déposer à l’aube devant un Carlisle impuissant.
Comme chaque soir, elle était ivre et très peu vêtu. Elle n’était même pas capable de se rappeler ce qu’elle avait fait de sa nuit. Elle avait sorti sa poudre magique coincée dans l’armature de son soutien gorge pour s’offrir un after de son after. Il était déjà bien tard, mais ni elle, ni ses copines n’avaient l’intention d’aller se coucher. Sur le chemin du retour, elles avaient pu croiser les premiers employés prêt à commencer leur journée de travail. Elle avait grossièrement formé une ligne trace blanche sur son tableau de bord en s’aidant de sa carte de crédit. Puis inspira d’une traite le poison avant de répéter l’exercice une seconde fois. L’effet était immédiat, elle se sentait aussitôt mieux et décida d’inviter ses copines à l’intérieur de l’immense villa. À peine le temps de s’installer que la voix de Carlisle se fit entendre de l’autre côté de la pièce. « C’est une plaisanterie ? » elle ne brancha pas, ne leva même pas les yeux vers lui. Au lieu de ça, elle échangea un regard moqueur avec l’une de ses amies « Dehors. » souffla t-il visiblement énervé alors qu’elle continuait à l’ignorer pour ne pas perdre la face devant ses invités. Doucement, elle se leva, allant jusqu’à se servir dans sa réserve de Rhum. Il fallait l’avouer, il avait du goût lorsqu’il s’agissait d’alcool. « J’ai une fille de quelques jours à peine, qui a besoin de se reposer et d’être au calme. » elle daigna enfin poser son regard sur lui, tandis qu’elle approcha le liquide ambré de sa bouche. Elle hésita un instant à protester, à lui lancer une réplique cinglante dont elle avait le secret. Son regard se posa aussitôt sur la petite créature qu’il portait dans ses bras et sans attendre son approbation, elle s’approcha de lui et déposa un baiser sur le crâne nu de l’enfant. « Bonjour Ma fille!» souffla t-elle, comme pour lui rappeler qu’elle était encore la mère de leur enfant. « DEHORS, J’AI DIT ! » hurla t-il alors qu’à l’inverse elle se montrait plus calme qu’elle n’avait l’habitude de l’être. Un sourire vint s’afficher sur son visage alors que ses amies semblaient ne pas apprécier la manière dont elles se faisaient virer de la maison. « Vous avez entendu les filles, la fête est finie… rentrez chez vous… » dit-elle levant son verre vers elles les regardant doucement s’éloigner du salon pour rejoindre la sortie. De nouveau, son regard croisa celui du pilote. Elle pouvait clairement lire dans ses yeux tout le mal qu’il pensait d’elle. « Ben quoi? » soupira t-elle l’air de rien alors qu’il préféra partir loin d’elle pour éviter une énième dispute. Elle n’avait de toute façon pas toute sa tête pour se défendre. Elle prit juste place dans l’un de ces canapés hors de prix savourant doucement chaque gorgée de son eau-de-vie.
Leurs regards se croisèrent et, aussitôt, Carlisle comprit : Carmina n’était pas nette. Ses pupilles étaient dilatées, et elle sentait l’alcool. Les soupçons de l’ancien pilote se confirmèrent, alors qu’elle se rapprochait de leur fille. Leur fille, qui hoquetait d’avoir trop hurlé. Il eut envie de la protéger de cet environnement qu’il jugeait malsain, mais n’eut pas le courage de la soustraire au maigre contact que sa mère acceptait finalement de lui accorder. Il regarda Carmina sévèrement, alors qu’elle se penchait sur Maya pour embrasser le sommet de son crâne. « Ben quoi ? C’est vraiment la seule chose que tu trouves à dire ? » Demanda Carlisle, le regard noir. Pendant une fraction de seconde, il fût tenté d’entamer une explication – mais un rapide coup d’œil vers les prétendues amies de Carmina lui fit comprendre que ces deux garces n’attendaient que cela. Il eut une furieuse envie de balancer leurs affaires sur le palier, mais se retint. A la place, il s’arrangea pour croiser les pupilles dilatées de Mina pour ensuite grincer : « On en parlera plus tard. » Sans ménagement, il lui tourna le dos et repartit en direction de sa chambre. Dans ses bras, Maya avait les yeux grands ouverts, mais avait retrouvé son calme.
« Calme-toi, mon bébé. » Souffla Carlisle d’une voix douce. Entre ses bras, Maya s’époumonait à nouveau. Les cris étaient incessants, et l’ancien pilote dirigea tout naturellement sa colère vers Carmina, qui venait de claquer la porte d’entrée. Il espéra sincèrement qu’elle avait mis ses amies à la porte – et, honteusement, une partie de lui-même espéra qu’elle avait suivi le même chemin. Il la berça longtemps, vraiment très longtemps. Et quand au bout d’un moment, ses yeux se fermèrent, Carlisle s’autorisa un soupir de soulagement. Faisant preuve d’une rare délicatesse, il déposa Maya dans son lit, et sortit de sa chambre pour se confronter à Carmina. Mais, alors qu’il se dirigeait vers le salon, il s’arrêta. Au milieu de ce couloir silencieux, l’évidence venait de le frapper de plein fouet. Son rythme cardiaque s’accéléra légèrement, et il fit demi-tour jusqu’à atteindre la chambre qu’occupait Mina.
« Il faut qu’on parle. » Lâcha-t-il d’une voix neutre, se positionnant face à l’héritière. « Je pensais qu’avec la naissance de Maya, les choses s’arrangeraient un peu. » Commença l’ancien pilote, debout face à Carmina. Cette dernière, assise sur le canapé, avait plié ses jambes et déposé sa tête sur ses genoux. Elle le regardait, mais Carlisle eut l’impression qu’elle n’était pas attentive à son discours. Comme d’habitude, pensa-t-il avec amertume. « Mais il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas le cas. » Non, à vrai dire, c’était presque pire. L’héritière de la compagnie Cathay Pacific semblait complètement déconnectée de la réalité. Elle et ses fréquentations multipliaient les excès, brûlaient la vie par les deux bouts. Il aurait voulu s’inquiéter pour elle, mais les priorités de l’Australien étaient toutes autres : sa fille, née quelques jours plus tôt, subissait déjà sa première épreuve dans la vie. Si jeune, si innocente, et pourtant déjà à la lutte avec ce fardeau que sa mère lui avait directement légué – une addiction à l’alcool. Les médecins avaient été honnêtes avec lui : les premiers temps allaient être compliqués. Le sevrage prendrait du temps, et pouvait se manifester de différentes manières. Pour Maya, le symptôme le plus évident était les troubles du sommeil. « Tu n’es pas attachée à elle. Tu te comportes comme si elle n’existait pas. » Conscient que cela pouvait passer pour un jugement de valeur, il poursuivit : « Je ne t’en veux pas, pour ça. » Par contre, le reste… Il avait plus de mal à le digérer. Parce qu’à défaut d’être une mère aimante, elle pouvait au moins être une femme respectueuse. « Je veux que tu partes. » Déclara l’héritier Bishop, en jetant un rapide coup d’œil derrière lui. Il avait rassemblé quelques-unes des affaires de Mina dans son sac, et il l’avait déposé dans le couloir, juste avant l’entrée du salon. « Va. Va vivre ta vie, Mina. » Finit par dire Carlisle, résigné. C’était un terrible aveu d’échec, en ce qui le concernait. Quand il avait imaginé sa vie, il s’était toujours dit que, tôt ou tard, il aurait droit à son petit paradis. Une femme, une maison, un enfant, un chien. Il avait eu une fiancée, une maîtresse, une maison, et un enfant illégitime. On était loin du tableau parfait qu’il s’était imaginé. Mais il n’était pas mécontent : l’arrivée de Maya avait tout bouleversé, et son monde tournait autour d’elle. « Retourne avec tes copines, bois jusqu’à oublier tes souvenirs, drogue-toi si ça te chante, retourne chez ton amant. » Enuméra l’ancien pilote, conscient des réalités. Il n’était pas né de la dernière pluie, et ses sens ne le trompaient pas. « Mais va-t’en. Pars. Par pitié, laisse-nous tranquille. » Souffla-t-il. « Ta fille, notre fille, a besoin de calme et de repos. » Et être réveillée chaque nuit par sa mère, parce qu’elle rentrait tard et faisait trop de bruit, ce n’était clairement pas acceptable. « Et moi aussi. » Ajouta-t-il en se détournant de Carmina, prêt à retourner dans sa chambre.
★ Carlisle Bishop & Mina Farrell #5 La soirée avait pourtant bien commencé. Mina était sortie avec ses copines avec l’intention de s’amuser. Elle voulait profiter de ce moment loin de chez elle, pour oublier ses tracas quotidiens. Ces temps-ci, elle avait du mal à trouver réellement sa place. Depuis la naissance de la petite, elle essayait désespérément de retrouver un semblant de sa vie d’avant, loin du bébé, loin de Carlisle et loin de tout le reste. L’alcool n’avait pas suffit à lui faire oublier son mal être, elle avait passé la semaine à se remettre de soirée trop arrosée. Rapidement, elle avait condamnée Maya a ne prendre que du lait en poudre. Le sien était imbuvable, en plus de manquer cruellement. Les médecins les avaient prévenu, Mina devait s’éloigner de l’enfant, elle était devenue trop toxique pour sa famille. Elle le devenait pour elle-même, c’était comme si elle cherchait à tout faire soirée pour se donner bonne conscience. Au fond, elle n’avait jamais donné de chance à ce bébé, elle en avait fait le principal responsable de tout les problèmes qui s’étaient abattu sur elle. Elle en était arrivée au stade où plus rien ne lui faisait du bien mais où elle était trop fière pour se faire aider. La poudre blanche était devenue sa seule alliée. Et ce n’est que lorsqu’elle était complètement stone, qu’elle arrivait enfin à se sentir bien. « Il faut qu’on parle. » cette phrase ne présageait jamais rien de bon. Elle était souvent annonciatrice de mauvaises nouvelles. Elle n’avait pas le courage de le regarder. En position foetal, elle avait posé sa tête contre ses genoux. Elle ne se sentait pas bien, même si elle s’efforçait de sauver les apparences. C’était une chose qu’elle avait l’habitude de faire, Mina excellait dans l’art de paraître bien lorsque tout allait mal. « Je pensais qu’avec la naissance de Maya, les choses s’arrangeraient un peu. » elle avait toujours cru en son génie, mais il fallait l’avouer, là dessus Carlisle avait été totalement aveugle. Mina n’était pas faite pour être mère, personne ne l’avait pris par le bras pour lui expliquer ce à quoi elle s’était engagée. Des engagements qu’elle avait repoussé, un enfant qu’elle avait préféré renier. Elle luttait contre ses propres sentiments parce que c’était plus simple pour elle. « Tu n’es pas attachée à elle. Tu te comportes comme si elle n’existait pas. » elle secoue la tête, à vrai dire, elle n’avait pas envie de l’écouter. Ce n’était pas la première fois qu’ils avaient cette conversation. Il se répétait sans jamais mettre le doigt sur le vrai problème. Elle aurait voulu rétorquer mais il n’avait pas totalement tord. Elle se comportait comme si la petite fille n’existait au lieu de lui donner l’amour qu’une mère doit à son enfant. Elle s’était tellement mis en tête qu’elle ne réussirait pas dans son nouveau rôle, qu’elle avait choisi de donner raison à tout ceux qui l’avait sous-estimé. L’amour ce n’était pas quelque chose qu’elle savait donner, elle pouvait le ressentir. Lorsqu’elle prenait la petite tête brune entre ses doigts et qu’elle posait ses yeux sur elle, plus d’une fois elle avait l’impression de ne plus pouvoir résister. La vérité était que Maya lui renvoyait en pleine face toutes ses contradictions et toutes ses erreurs, qu’elle était encore incapable d’accepter. « Je ne t’en veux pas, pour ça. » Elle leva finalement la tête vers lui. Elle était blasée et fatiguée de tout cela. « Je veux que tu partes. » On y était. C’était peut être la phrase qu’elle attendait depuis le début de sa grossesse. Elle se demandait quand est-ce qu’il finirait par en avoir assez de son comportement. « Va. Va vivre ta vie, Mina. » Elle jeta un coup d’oeil au sac posé au sol et compris qu’il avait déjà préparé. Elle sourit, de ces sourires mauvais qu’elle réservait à ses ennemis. Celui même qu’elle affichait sur son minois angélique à défaut de se mettre à pleurer. Elle refusait d’offrir ses larmes lorsque la situation la désavantagée. Il ne comprenait pas, il ne la comprenait pas. À vrai dire, elle ne se comprenait pas elle-même. Elle savait juste qu’à cet instant son coeur s’était brisé en mille morceau à l’intérieur mais qu’il ne fallait pas que ça se sache. « très bien… » souffla t-elle lorsqu’elle eut enfin le courage de prononcer un mot. « Retourne avec tes copines, bois jusqu’à oublier tes souvenirs, drogue-toi si ça te chante, retourne chez ton amant. » à cet instant elle le détestait de lui donner raison. Elle aurait voulu lui rappeler la fois où il lui avait juré que ce moment n’arriverait pas. Elle aurait aimé ne pas avoir vu juste sur tout ce qui était entrain de se produire. Au lieu de ça, elle se contenta de ramasser le sac au sol. « Mais va-t’en. Pars. Par pitié, laisse-nous tranquille. » elle avait beau vouloir se montrer forte, la boule qui s’était formé dans sa gorge devenait pénible à avaler. Bientôt, elle était incapable de retenir les larmes qu’elle avait jusque là combattu. « De toute façon, ce n’est pas comme si tu avais encore besoin de moi, pas vrai? » réussit-elle à articuler. « Ta fille, notre fille, a besoin de calme et de repos. Et moi aussi… » il s’arrangeait toujours pour avoir le bon rôle. Il s’apprêtait à lui tourner le dos de nouveau, comme pour enfoncer un peu plus le clou. Il l’abandonnait à son tour. Elle essuya ses larmes avec la paume de sa main « Mon travail est fini… tu as eu ce que tu voulais. C’est tout?» son orgueil prenait un sacré coup. Ce n’était pas la première fois qu’elle vivait ce genre de rupture, à vrai dire elle y était habituée. La plupart de ses relations avaient mal fini, seulement elle avait espéré qu’avec Carlisle ça n’arrive pas. « Tu sais quoi, c’est pas grave… Je m’en remettrais. » FAUX! Elle avait tellement mal qu’elle laisser sa fierté parler à sa place. « Je disparaitrais de vos vies, puisque c’est ce que tu souhaites. » Chaque mot qu’elle prononçait lui briser un peu plus le coeur. « Mais n’oublie pas une chose, cet enfant grandira sans sa mère parce que TU l’auras choisi… » elle s’approcha de la porte et souffla : « Tu n’as jamais été capable de me garder. »
En revenant dans son salon avec la ferme intention de se confronter à Carmina Farrell, Carlisle savait que ça n’allait pas être une partie de plaisir. Sauf retournement de situation qu’il jugeait hautement improbable, il allait forcément se heurter à sa vision des choses, diamétralement opposée à la sienne. Il espérait que cette énième mise en garde serait la bonne, qu’elle allait enfin prendre conscience des réalités. Mais il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle pouvait se montrer buttée et aveugle, quand il s’agissait de ne pas perdre la face. Mais leur orgueil mal placé, aujourd’hui, semblait mineur face au challenge qui s’imposait à eux : élever leur fille. « Ce n’est plus seulement toi et moi, maintenant. » Répondit l’ancien pilote en secouant la tête. Il avait l’impression que Carmina occultait complètement le fait qu’elle venait de devenir mère, qu’ils venaient de devenir parents. Dorénavant, ils ne devaient plus penser duo mais trio. Maya était, bien malgré elle, un bébé difficile qui demandait beaucoup d’attention et de bienveillance. « Je crois que tu as besoin d’aide, Mina. » Souffla le fils Bishop à voix basse, alors que l’héritière essuyait d’une main rageuse les larmes qui avaient roulé sur ses joues. « Et je ne suis clairement pas le mieux placé pour t’aider. » Son avis était biaisé. Sa position était délicate. Il ne serait jamais en mesure d’être complètement partial et objectif, puisqu’il savait qu’il n’était pas étranger au mal être de la mère de sa fille. Il n’était pas parfait – loin de là. Mais s’il y avait bien quelque chose qu’on ne pouvait pas lui reprocher, c’était son dévouement à l’égard de sa progéniture. « Ton travail ? C’est en ces termes que tu parles de Maya ? » Demanda Carlisle, clairement dépassé par la réaction de Mina. Et puis, lentement, il sentit un autre sentiment grandir en lui : la colère. Il lui en voulait. Pour son indifférence, pour la façon dont elle traitait leur fille, pour son manque de maturité. « Ce n’est pas un objet, une poupée, ou un trophée ! » S’exclama l’ancien pilote, sans être capable de cacher son agacement. L’héritier Bishop savait déjà pertinemment que leur fille, en raison de son ascendance, serait surveillée de près par les médias. Il chercherait à l’en préserver le plus longtemps possible, tout en sachant que le compte à rebours était déjà lancé. « C’est injuste de dire ça. » Rétorqua Carlisle, le regard noir. Mettre Carmina à la porte ne signifiait pas qu’il voulait la voir disparaître complètement de sa vie. Qu’elle le veuille ou non, ils avaient un enfant ensemble : aux yeux de l’ancien pilote, il s’agissait d’un lien éternel. Il n’oubliait pas que, pour faire un enfant, il fallait forcément être deux. Qu’à un moment ou un autre, ils avaient eu suffisamment d’attirance l’un pour l’autre, et fait preuve d’inconscience l’un comme l’autre pour procréer ensemble. Qu’ils s’aiment ou se détestent importait peu, finalement : Maya était née de leurs ébats, et ils devaient composer avec la situation, pour le bien de leur fille. « Tu sais quoi ? Finalement, je crois que ça t’arrange bien. » Carlisle avait bien compris qu’à cet instant précis, il avait droit à la sombre facette de Carmina. Celle qui était dépassée par la situation, et qui ne savait plus s’en sortir. Celle qui sortait les griffes pour attaquer, plutôt que d’accepter la triste réalité. Pendant une fraction de seconde, l’héritier Bishop fut tenté de lui tendre la main pour l’aider – mais c’était au-dessus de ses forces. Il n’avait pas le courage de se battre pour deux, et pour une cause qui lui semblait perdue d’avance. « Tu cherchais une excuse pour te détourner de tes responsabilités, et tu l’as trouvée. » Siffla-t-il, sur un ton qui était sans appel. Il s’était rarement montré aussi froid et aussi dur à son égard. Cependant, il s’agissait là, à son sens, d’une nécessité. « Mais tu sais quoi ? Je ne porterai pas le poids de la culpabilité à ta place. » Ajouta-t-il en secouant la tête. L’héritière lui tourna le dos pour récupérer son sac, mais leur discussion se poursuivit : « Le problème n’était pas de te garder, Mina : c’était de t’avoir. » Répondit-il en la regardant s’éloigner. « Nous n’avons pas les mêmes aspirations. Ça n’aurait jamais pu marcher. » A l’instant même où ces mots franchissaient ses lèvres, il sut qu’il y avait une part de mensonge dans ce qu’il disait. Il y avait quelque chose de spécial en elle. Quelque chose qui l’avait touché. Derrière son air rebelle et sa profonde colère, il percevait la femme qu’elle pourrait devenir. Il l’avait vue, vraie et entière, lorsqu’ils avaient fait l’amour à New York. Mais ça n’avait jamais plus été pareil, et la faute leur incombait sans doute à tous les deux. « J’espère que tu te rendras vite compte de l’erreur que tu es en train de faire. Avant que ça ne blesse définitivement Maya. » Parce que c’était ça qui, au fond, le terrifiait le plus : que sa fille grandisse sans sa mère, et qu’elle en souffre.