« j’ai beau mentir, j’sais pas faire quand t’es pas là… »    lucia whitemore & adèle shephard

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Deux ans. Deux ans qui séparent ses deux mondes. Celui d’une Adèle main dans la main avec sa meilleure amie, ou en tout cas l’une de ses meilleures amies depuis son enfance. Lucia Whitemore. Elles ont tout vécue, tout partagée ensembles. Si bien que quand les parents d’Adèle sont partis pour l’autre monde, les parents de son amie ont proposés naturellement de récupérer Adèle et son petit frère chez eux, juste quelques jours, quelques semaines. Juste le temps qu’il faudra pour que l’aîné tout juste âgé de vingt et un ans à cette époque puisse se retourner. L’un avait douze ans, l’autre quatorze et Adèle l’a très mal vécue. Elle ne comprenait pas pourquoi son monde ne tournait plus comme elle voulait qu’il tourne. Elle qui a toujours tout eu, l’enfant gâtée par sa famille, la vie lui avait repris tout ce qu’elle possédait de plus cher. Elle avait pleuré toute les larmes de son corps, et se rendait aussi souvent que nécessaire au cimetière pour être au plus proche de celle qui l’a conseillée, l’embrassait le soir avant de dormir. Adèle n’était pas une enfant forcément très capricieuse, mais elle n’aimait pas qu’on lui dise non alors elle avait toujours appris à rusée dès lors, mettant en place tout un stratagème pour qu’on lui cède ses requêtes. Parfois même – et souvent, Lucia était de mèche. Les deux enfants sages des deux familles devenaient deux vraies chipies et elles faisaient tourner bien des têtes ! Elle l’aimait sa copine, et Adèle en amitié est une personne de fiable. Qui ne connaît pas de demi-mesure, passionnée, entière. Du jour au lendemain, elle s’est retrouvée dans ce deuxième monde. Un monde néfaste où elle ne souhaitait plus se lier aux autres. Du moins plus comme elle s’était liée années après années à Lucia Whitemore. Par peur de souffrir de nouveau. On est jamais mieux servis que par soi-même n’est-ce pas ? Deux ans qu’elle vit, erre dans ce monde sans réaliser à quel point cette nana si timide et réservée lui manque. Terriblement, mais trop de fierté pour l’avouer sans doute.  Et puis Adèle est malgré tout assez rancunière pour ne pas pardonner en un claquement de doigt. Elle n’attend plus à la revoir, à quoi ça servirait, elle a déjà bien trop de choses à penser. Ses maisons à vendre, ses belles villas qui lorgnent la mer et sa maladie. Diagnostiquée avec un cancer du rein, la jeune femme a donc arrêtée depuis de quitter temporairement son île pour retrouver un bateau afin de partir sauver le monde des tempêtes tropicales. Elle a notamment tendance à se rendre en Amérique du Sud et justement vient tout juste de revenir en janvier 2019 quand après de multiples examens, allées/retour aux urgences et radiothérapie, on lui a trouvé cette maladie. Ses cellules qui se multiplient bien trop rapidement et un corps qui ne se défend pas correctement. Adèle avait besoin de retrouver un peu son âme à paix après tous les derniers bouleversements. Elle devait commencer prochainement sa première chimiothérapie, et elle semblait anxieuse, que ça ne fonctionne pas. Comme tout être normalement constitué, elle avait peur. Arrivant devant le fleuve de la ville, un pont sur sa droite, qu’elle observe de loin. Elle s’était assise dans un coin d’herbe, là où les deux enfants s’asseyaient il fût un temps. Elle gribouillait sur son petit carnet profitant du calme, observant par moment les gens qui se promenaient eux aussi. Elle ne savait pas vraiment depuis combien de temps elle était là, à côté de cet arbre, qui comportait toujours les initiales L.A. pour Lucia/Adèle que les deux gamines de l’époque avaient gravé dans le bois, jadis. Elle décidait alors de rentrer doucement, se relevant, à peine eu-t’elle le temps de relever son visage que ses yeux se surprirent à  croiser une silhouette qu’elle pourrait reconnaître sur mille. Parce que même si elle dit haut et fort l’avoir oublié, Lucia demeure infaillible dans ce cœur qu'elle tente en vain de protéger. « Lucia ? » C’est une blague ?! Sa voix est cassée, éteinte par cette douleur qui l’envahit tout à coup. Celle-là même qui est partie comme une voleuse sans rien dire à Adèle, qui l’a laissé croire pour morte. « Lucia c’est toi ? » Comme si elle avait besoin de l’entendre de sa propre bouche pour pouvoir y croire.

@lucia whitemore

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Adèle Shephard avait toujours été l’amie par excellence de tous. La bonne copine qu’on vient chercher pour faire les boutiques – ses parents n’ont jamais vraiment des problèmes d’argent, la famille a toujours fait partie de la classe moyenne, sans la prétention d’avoir trop, mais pas du genre à se priver davantage pour les enfants. Adèle n’a jamais été une petite fille intéresser par l’argent, encore moins superficielle ; et elle n’était pas là à faire acheter tout et n’importe quoi à ses parents sous prétexte que c’est la nouvelle mode. Elle n’était pas ce genre-là, et elle n’avait aucun intérêt, son père n’étant pas le plus patient des hommes, toutefois les yeux de sa petite fille était aussi important que le plus précieux trésor de la planète. Elle a grandi dans un univers remplie d’amour et de partage, peut-être que c’est la raison pour laquelle Adèle était membre d’une association pour les animaux, et désormais dans l’humanitaire. Se retrouver face à cette ancienne amie, la plus proche que jamais, elle n’avait pu avoir par le passé, est sans aucun doute douloureux pour la jeune femme. Elle aurait aimé se comporter différemment, peut-être faire comme si ça ne la touchait pas. Comme si elle n’avait jamais rien représenté pour elle. Comme quand Lucia est partie, il y a deux ans, l’abandonnant à son triste sort sans nouvelle. Ah oui, au bout d’un an, Adèle avait reçu une carte postale lui indiquant que tout allait bien. Elle a fini aussitôt à la poubelle, même si elle l’a regretté par la suite. Lucia reste immobile, à côté de son vélo qu’elle vient probablement d’attacher. Elles se regardent comme si elles se redécouvraient. Est-ce possible de pardonner après tant d’absence ? Adèle n’en savait rien, elle en était encore au stade d’avoir la gorge sèche, le ventre noué. Une surprise dont elle ne s’attendait pas le moins du monde. Pour elle Lucia avait tiré un trait sur elle, sur son amitié, mais aussi sur leur passé. Elle n’avait jamais songé ses derniers temps de pouvoir la revoir, peut-être par peur d’être déçue. Mais face à Lucia, elle ne savait pas vraiment comment réagir, et quelle serait la meilleure réaction. Elle restait immobile, distante, mais froide. « Adèle je suis contente de te voir. » Qu’elle lui dit, Adèle fronce les sourcils, en l’état des choses elle ne pouvait pas l’être. Mais pourtant au fond d’elle, elle voulait crier de joie et la prendre dans ses bras. Parce que tout, mais tout ce qu’elles ont vécus, Adèle s’en souvient encore, des années après. Qu’elle avait besoin d’elle en janvier quand on lui a annoncé sa maladie et qu’elle n’a pas pu être là. Adèle n’a pas pu avoir la main bienveillante de sa meilleure amie dans la sienne. Lucia n’a pas pu être cette oreille attentive dont avait pourtant tant besoin Adèle à cette époque. « J’aimerai pouvoir te dire la même chose… » C’est froid, sec et même si dans le fond Lucia a toujours sa place dans la vie de l’Australienne, elle ne peut nier que la revoir lui fait bizarre. C’est un mélange entre de l’anxiété et de la peine. Elle cherche ses mots, aussi Lucia comble ce vide. Ce silence qu’à présent Adèle ne regrette pas, alors qu’elle est normalement la première à le combler. « Ça fait longtemps, qu’elle lui dit enfonçant ses mains dans les poches de sa veste, avant de reprendre maladroitement, t’as l’air bien. » Adèle efface son sourire de son visage, elle allait bien ? Elle donne bien le change Adèle. Sans doute. Elle n’est pas fatiguée aujourd’hui, mais garde toujours ce sourire sur ce visage angélique. C’est un trait qu’on ne peut lui retirer. Mais la jeune femme atteint d’un cancer déclarée depuis janvier 2019 s’étoufferait presque de la réflexion de son ancienne amie, et d’ailleurs elle se pince la lèvre pour ne rien rétorquer, même si cela lui chatouille la langue. « Je suis malade Lucia, qu’elle commence détachée de tout sentiment face à son amie qui sera décontenancée voir même gênée de la froideur dans laquelle elle enchaîne les mots, je suis malade et tu n’as pas été là… » Un soupire las et elle tourne ses yeux. Elle se sent mal, d’être si méchante avec elle mais comment être différemment, Adèle n’avait pas la réponse. Elle lui en voulait de ne pas avoir été près d’elle, et n’est même pas sûre qu’un jour elle trouve cette force de tout lui pardonner. A quoi bon si elle part de nouveau ? « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Qu’elle demande malgré tout, sa voix moins froide qu’auparavant, alors qu’elle devine la gêne occasionnée par sa précédente phrase. Lui parler comme ça, aussi sèchement de sa maladie c’était cruel. Des paroles d’une amie blessée et meurtrie par des années loin l’une de l’autre.

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En venant ici, Adèle n’avait pas cherché à se retrouver dans une telle position. Elle avait envie de fuir, de se mettre à courir sans jamais se retourner, n’importe l’endroit tant que ses jambes l’emmènent loin d’ici. L’emmène loin d’elle. Tant qu’elle n’a plus en face d’elle ce fantôme du passé qu’elle a cherché à effacer de sa mémoire par tous les moyens. Sans jamais y parvenir. Elle s’était traitée de sotte à l’époque, et ne comprenait pas pourquoi Lucia avait une importance à ses yeux capitale, si elle-même, ne lui donnait plus aucun signe de vie. A cette époque, il était sûr que si Lucia l’avait appelé en pleine nuit en lui demandant de venir, elle aurait accouru. Qu’importe que ce soit à l’extérieur de l’Australie. Qu’importe le temps qu’elle aurait mis, ou la distance à franchir. Qu’importe ce qu’elle vivait. Mais aujourd’hui, tout est différent. Adèle n’est plus celle que son amie a quittée du jour au lendemain, elle est une autre personne. Et qui n’a plus jamais voulu rouvrir son cœur à une quelconque amitié après elle. Des amis bien sûr elle en a, des personnes sur qui elle peut compter. Des gens de confiance, mais Lucia, était au-dessus de tous, elle était sa seule confidente quand elle comptait faire les quatre cent coups auprès des garçons. Elle était cette épaule sur laquelle Adèle – aussi rare soit-elle, pleurait sans retenue pour un chagrin d’amour. Elle était cette oreille attentive à qui Adèle pouvait tout dire, même les pires conneries. Jamais Lucia ne l’avait réprimandée, ou jugée. Jamais un mot trop haut entre elles. Et puis du jour au lendemain, le vide. Se sentir délaissée de la sorte fût quelque chose de violent pour cette jeune fille, et aujourd’hui, Lucia lui renvoyait tout ça dans la tronche. Aussi violent, aussi difficile. Adèle serre les poings alors qu’elle les cache mais ne détourne pas son visage. Ce n’est pas elle qui doit se sentir mal, non c’est plutôt son amie, alors elle relève ce visage sans aucune empreinte amicale pour elle. C’est sans aucun doute la première fois qu’elle ne ressent plus rien, un cœur vide, sans sentiment pour celle qui fût d’une importance capitale dans sa vie. Autrefois… « Je suis revenue en ville, pour de bon, pas pour les vacances. Je vis de nouveau chez mes parents pour l’instant. » Adèle avait envie de hurler, de réagir mais elle n’en fut rien. Son visage inexpressif l’affrontait plus que de raison comme si elles étaient en ce moment même dans un challenge. Adèle ignore les raisons de son départ, elle ignore même celles de son retour. Pourquoi avoir attendu deux ans avant de donner un signe, Adèle était bien loin de s’imaginer ce qu’avait pu vivre son ancienne amie – et même que probablement cette colère finira par s’estomper quand elle saura la vérité qui pèse sur elle. Mais il avait fallu qu’elle veuille la faire plus souffrir, car lui avouer aussi brutalement sa maladie était une connerie pure et simple. Déjà parce que Adèle n’aime pas en parler, et qu’elle n’aime pas se confier sur cela, seul Levi McGrath parce qu’il vit la même chose qu’elle – est devenu au fil des mois et des semaines un confident hors pair à qui elle aime raconter ses dernières misères. Mais il n’est pas rare de voir Adèle fuir les autres quand la pente glisse dangereusement sur ce genre de conversation. Parce qu’Addie a peur du regard des autres, elle préfère qu’on en sache le moins possible sur cette maladie, qui l’effraie… Même si la jeune Australienne aimerait reparler d’autre chose, Lucia ne se fait pas prier pour vouloir en savoir davantage. C’était tellement prévisible et Adèle s’insulte mentalement d’avoir fait cette sottise ! « Comment ça t’es malade ? Qu’elle demande avant de poser son regard sur elle, quelques secondes de silence avant qu’elle ne reprenne devant une Adèle silencieuse et forte comme un roc, c’est grave ? » Quelques instants de répit avant de vouloir tout plaquer, prise dans une fierté, c’est trop facile de tout lui dire, à présent Adèle devait apprendre à vivre sans elle. Puisqu’elle en a décidé ainsi… « Oublie c’est pas important… Qu’elle lâche au bout d’un certain temps avant de lui avouer finalement, c’était en janvier qu’il fallait revenir Lucia… » Elle bouge légèrement, lui tournant le dos à présent pour poser délicatement ses yeux ambrés sur le fleuve. L’eau l’apaise et enfant, elles venaient aussi souvent que nécessaire dans ce lieu, Addie se souvient comme si c’était hier… « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Elle demande sans même tourner ses yeux sur elle, elle préfère profiter du fleuve pour se laisser à quelques confidences. Elle veut savoir, elle a besoin de savoir. Qui les a empêchés de se voir ? Elle, ou quelqu’un d’autre ?

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Enfant, il n’y avait jamais eu plus proche que Lucia dans la vie d’Adèle – à part sa famille, ses frères et son cousin Nell. Elle ne laissait que peu de monde rentrait dans son cocon fermé, parce que la présence de sa famille lui suffisait et qu’elle n’avait pas besoin de d’autres oreilles attentives, ou d’une autre épaule sur laquelle Addie pouvait posée son visage par temps de pluie. Et puis comme une évidence, elle avait commencé à traîner avec Lucia par le biais de leurs parents. Ils n’étaient jamais loin, et passaient leur week-end ensembles. Adèle n’avait pas prémédité son amitié avec Lucia, pas aussi fort, pas aussi intense. Elles s’étaient promis d’être toujours là l’une pour l’autre, quoi qu’il arrive. Les promesses d’hier qui n’ont jamais été tenue, et Adèle a mis beaucoup de temps avant de comprendre. Des semaines, des mois avant de comprendre que Lucia était partie. C’était pire qu’une déception amoureuse, car elle n’attendait rien des hommes Addie. Elle sait que l’amour n’est jamais éternel, la passion finit toujours par s’estomper de ses veines, de son cœur, de son corps de poupée. Et sans passion, Adèle se meurt à petit feu. Elle en a vu passé des hommes, quelques-uns alors qu’elle pensait enfin avoir trouver le bon, rêveuse et douce, peut-être naïve, elle s’était à chaque fois manger un mur. Mais elle repartait en selle, toujours. Elle le savait que si elle repartait, c’est que le bon l’attendait encore. Quelque part, en ignorant même son identité et ses origines. Un latino, tout ce qu’elle demandait. Ils la font littéralement craquer. Mais l’amitié n’est pas censé nous blessé. Lucia n’était pas censée être comme ses anciens amants. Elle ne devait pas prendre cette place dans ce cœur froid et solitaire. Parce qu’elle n’avait jamais voulu rouvrir son cœur pour une énième amitié. Pas envers une autre nana. Adèle n’avait plus confiance et elle ne voulait plus la donner. Et pourtant si elle prétendra le contraire, Lucia ne pourra jamais perdre sa place au fond de son cœur. Elle ne sera jamais vraiment remplacée, c’était une évidence. Addie lui tourne le dos, elle sent que son amie ne bouge pas vraiment. Un soupire las sort de ses lèvres, et Addie qui fixe l’eau sur le fleuve. Son cœur se serre, ça lui fait tellement de bien, et de mal en même temps qu’elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas pourquoi la vie désire plus que tout la repousser dans ses retranchements. Pourquoi elle est prête à affronter cette réalité qui va l’effrayer, et pourtant, elle insiste. C’est même pire que ça, elle ne partira pas avant que Lucia lui dise. Lui dise qu’elle lui a manqué, et qu’elle est revenue un peu pour elle. Pour cette vie sur laquelle elle a voulu tirer un trait du jour au lendemain. « Ce qu’il s’est passé pour ? Que je revienne ? Je me suis faite larguer et j’ai décidé de rentrer, rien de bien original. » Lucia venait de s’installer elle aussi sur le banc, à l’autre bout du banc alors que Adèle ne tournait pas son visage vers elle. Un soupire, vague et impuissant sort de ses lèvres, alors que les larmes commencent doucement à faire face, elle se retient Adèle, parce qu’elle ne lui montrera pas ses torrents qu’elle lui procure à l’intérieur d’elle. Comme si Adèle était en pleine tempête et qu’elle apercevait ses vagues toute plus puissantes les unes que les autres sur les rochers. « On s’était pourtant promis de ne jamais se séparer, encore moins pour un homme Lucia… » Sa voix est triste, déçue de l’apprendre. Que cherchait-elle Adèle ? Se faire encore plus de mal certainement, et Lucia inconsciemment y arrive à la perfection. Elle était calme Adèle, trop calme d’ailleurs. Elle parlait avec toute son assurance comme si elle avait tiré un trait sur cette amitié, comme si elle ne voulait plus faire marche arrière. Adèle a l’habitude de laisser le passé au passé. Habituellement. Mais Lucia ne fait pas vraiment partie de son passé, et même si ça lui fait mal, elle s’en rend compte. Mais ne lui dira jamais. Elle va ramer Lucia, ramé pour la récupérer. Elle allait ramer pour retrouver cette complicité avec sa meilleure amie. « Et en janvier, qu’est-ce qu’il s’est passé Addie ? » Addie. Le visage tourné, Adèle souriait légèrement, mais pas suffisamment pour que Lucia le voit. Ca lui faisait bizarre de l’entendre prononcer son surnom, ça remontait tellement. Et pourtant quand Lucia échange un long regard avec son ancienne amie, rien dans les yeux d’Adèle ne lui exprimait la paix. « Ça a l’air important… » Et ça l’était. Pour autant, sans aucune expression sur son visage, elle rectifie, « Adèle suffira. » Une façon pour elle de la remettre à sa place, en douceur, elle se lève Adèle. Elle fait quelques pas, nerveuse à l’idée de lui dévoiler sa maladie. Qu’allait-elle penser ? La jeune Australienne en avait marre du regard des autres quand elle leur disait. Alors elle se taisait. « Je… Elle ne savait pas par quoi commencer, ni quoi dire, elle se tenait droite face au fleuve, alors elle prend une longue inspiration sans quitter son regard de l’eau j’ai un cancer Lucia. » Elle ne tournait même pas son visage vers elle, elle n’avait pas envie qu’elle lui réponde, elle avait juste besoin qu’elle la prenne dans ses bras mais Adèle est si contradictoire qu’elle finira par la repousser.

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Les mois ont passés et Adèle a finis par se dire qu’elle ne reviendrait pas. Que son amie de toujours, sa meilleure amie avait tiré un trait sur elle et leur amitié. Adèle y a cru car c’était sans doute ce qui lui avait permis de pouvoir continuer sa vie sans être trop touché par ce qui lui arrivait. Une manière pour elle de se relever de tout ça. C’est vrai que se retrouver en face d’elle à cet instant lui était peut-être un peu douloureux. Et Addie ne voulait pas lui montrer sa peine, ni même le fait qu’elle est tournée la page. Parce qu’elle n’est pas là, cette vérité. D’une façon comme d’autre, elle le sait si Lucia veut reprendre sa place, elle finira par la reprendre. Elle n’est pas rancunière à ce point-là, ou disons pas envers certaines personnes et Lucia en fait partie… Adèle pose ses yeux sur les alentours et se revoit en compagnie de cette petite haute comme trois pommes, comme elle à cette époque, courant entre les arbres, riant comme personne. Elles étaient si proches, si pures à cette époque. Si douces, elle avait l’impression d’avoir perdu son âme d’enfant. Aujourd’hui c’est une adulte, une adulte qui tente de se reconstruire sans l’une des personnes les plus importantes dans sa vie. Et elle reste là, stoïque, sans vraiment prendre de partie. Elle devrait lui hurler dessus et partir en trombe. Ou alors, au contraire la serrer dans les bras et lui dire combien elle lui a manqué. Mais à côté de ça, Adèle ne parvient ni à l’un ni à l’autre. Comme si elle ne pensait plus à rien, que tout ça n’est que loin derrière elle. Et quand son amie lui demande la raison de son départ et qu’elle lui stipule une quelconque cause masculine, Adèle ne peut s’empêcher d’être déçue. Ça serait tombé sur quelqu’un d’autre, elle n’aurait pas réagi de la sorte, mais Lucia est la fille la plus importante à ses yeux, celle qu’elle aurait misée avant tout le reste. Alors ouais c’est douloureux… «  Je suis désolée… » Un murmure, à peine audible aux oreilles de Adèle, pourtant elle l’entend. Et elle se sent triste Adèle de pas pouvoir lui répondre, à cette attente. De pas pouvoir juste lui dire que ce n’est rien, qu’elle l’aime et qu’elles devraient juste recommencer à être là l’une pour l’autre. Mais ce n’était pas possible. Pas encore, pas tout de suite. Pas comme ça. Pas aussi facilement alors que son cœur est encore en miette et qu’avant qu’il cicatrise il lui fallait du temps, de la patience. «  C’est pas ce qu’il s’est passé je voulais pas vous laisser. Je voulais pas te laisser, ça a jamais été mon attention je… elle voit bien le malaise, Lucia n’ose affronter son regard. Elle fixe ses pieds, puis reprend, je suis désolée. » Une nouvelle fois, à chaque fois, son cœur se serre, son corps se crispe. Parce qu’elle n’a aucun fond méchant Adèle, encore moins concernant son amie. Elle l’aime sa Lucia, et elle a besoin d’elle. Elle lui aurait parlé de son retour à Brisbane alors qu’elle était parti faire de l’humanitaire au Mexique. Elle lui aurait parlé de son cancer, de ses nombreux examens qui n’en finissent plus. Elle lui aurait parlé de ses études, de ses nouveaux projets. Elle lui aurait parlé de cette association et de cet homme qu’elle voit là-bas… Elle lui aurait dit qu’il la comprend, l’aide même si il ne s’en rend pas compte et qu’il cherche à la fuir. Mais qu’elle se confie à lui, parce que sa meilleure amie n’est plus là… «  Pas autant que moi… Qu’elle lâche dans un vague soupire avant de poursuivre, d’une voix moins dur, probablement, il va me falloir du temps Lucia. Tu comprends, tu peux pas revenir comme ça, et que je te saute dans les bras… » Elle soupire, ce n’était pas possible, même si elle le voudrait, «  même si j’en meurs d’envie… » Qu’elle confesse, avant de voir apparaître sur ce visage fatigué un micro sourire. Et puis quand Lucia l’appelle par son surnom, Adèle la reprend vite, comme si c’était douloureux, ou qu’elle voulait lui faire mal. Elle n’en sait rien à vrai dire. «  Pardon, désolée. » Adèle perd son regard sur l’étendue du fleuve face à elle. Elle aimait ce calme, mais elle aimait surtout entendre son amie, même si elle ne souhaitait pas lui montrer. «  Si j’avais su j’te jure que je serais rentrée. » Pourquoi faire Lucia ? Addie relève les yeux sur elle, à quoi ça sert de dire ça, c’est trop tard désormais. C’est ce qu’elle lui disait dans ce regard. C’était terminé, Addie était déjà condamnée à une souffrance et à mourir… Si elle faisait la forte devant les autres, à Lucia elle pouvait lui dire ce qu’elle ressentait : le vide, le néant. Le silence est sans doute pesant pour Lucia, plus pour Addie. La bavarde qui ne cesse de parler habituellement, cette fois se tait. A noter dans les annales ! «  Personne me l’a dit je… » Elle tourne son visage pour ne plus le poser sur son amie. A quoi bon qu’elle se fasse du mal. «  Arrêtes… » Qu’elle la supplie bien malgré elle, cette rancœur installée depuis déjà trop d’années, de longues minutes de silence avant que Lucia ne le rompt «  tu vas aller mieux ? » Elle attendait quoi Lucia ? Que Adèle la rassure alors qu’elle est elle-même effrayée par un sort incertain. Et même si elle vient de poser sa main sur le banc, et que Addie la regard un court instant, elle n'était pas prête. Pas prête à lui pardonner, pas prête à tirer un trait même si elle en avait besoin de cette copine, et de ses paroles rassurantes. «  Tu veux la vérité ? » Celle qui fait mal ? Celle que personne ne veut entendre ? Celle que tout le monde – ses frères et son cousin y comprit – se cache de comprendre ? « Je suis loin d’être en rémission Lucia… » Dans un sanglot étouffé par ce besoin de paraître forte, Adèle poursuit avec un détachement qui lui est singulier désormais, «  je vais peut-être vivre encore demain, pour un mois, un an… Personne ne sait… » La jeune Australienne ne se projetait guère plus…

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Elle aurait aimé tant réagir différemment. Lui dire que tout ça n’était pas grave qu’elle ne lui en voulait pas. Qu’elle trouverait la force et le courage de pardonner, et que les blessures d’Adèle cicatriseront. Mais ce n’était pas Adèle, tout ça. Ce n’était pas toute cette peine qu’elle avait ressentie quand elle s’était rendue chez les parents de sa meilleure amie, et qu’elle l’avait cherché dans toutes les pièces. Le temps avait passé, les minutes défilaient et les larmes avaient fini par couler de ses yeux, tout le long de ses joues. Elle n’y croyait pas Adèle, c’était une plaisanterie de mauvais goût – mais ce n’était pas dans les habitudes de Lucia. Elle ne comprenait plus rien, et elle voulait l’attendre. Qu’importe, elle avait continué à se rendre comme leur rituel l’imposait dans ce parc, près du pont. Au pied de leur arbre où étaient inscrites leurs initiales. Tout qui la ramenait à Lucia, à l’époque elle le prenait sans hésitation. Et puis les jours défilent. Les semaines, puis les mois et Adèle ne pouvait pas faire autre chose que de s’endurcir. Serrant les poings, elle avait choisie de regarder devant elle, et non dans ce passé qui l’a fait souffrir. Elle multiplie les occasions de se faire mal avec Freya Doherty. Elles sortent, picolent, se foutent de la vie. Parce qu’Adèle avait mal, elle souffrait de l’absence de la seule qui n’aurait jamais dû lui tourner le dos. Qu’avait-elle fait ? Encore une question qui demeure sans réponse, et elle en a marre, si c’est ça d’être grand, elle ne veut pas ! Elle voudrait tant redevenir cet enfant à qui on pardonne tout même ses plus brèves insultes, ou ses pires conneries. Celle-là même qui tombe amoureuse du simple mot d’aimer une autre personne et qui se fout sans le vouloir dans le pétrin. Deux ans. Deux ans sont passés et la douleur lui revient comme ce poignard qu’on lui plante en plein cœur. Ses coups sont précis, violents. Elle ne supporte plus cette douleur, ses gens qui lui mentent autour d’elle. Adèle voudrait hurler, pleurer, tout jeter par terre. Détruire tout sur son passage, mais comme d’habitude, elle restera distante, elle ne bougera pas plus qu’à présent. Elle restera cette petite fille sage, éduquée, faussement souriante alors que sa vie s’effondre sous ses pieds. Tout n’est qu’illusion, comme cette amitié qu’elle avait crue dur comme fer. « Je partirai plus. Pas comme ça » Est-ce qu’aujourd’hui c’est important qu’elle le sache ? Pourquoi doit elle la croire aujourd’hui plus qu’hier ? « Ne me promets rien Lucia, je ne pourrais plus me relever… » Parce qu’elle est plus fragile qu’elle n’y paraît, parce qu’elle garde tout pour elle. Parce que son état actuel ne lui permettrait pas de rester en vie, elle le savait. Pas si elle revenait à perdre une personne aussi chère pour elle. Alors, elle ne voudrait pas tenter l’expérience. Une fois a suffi à Adèle pour comprendre de ses erreurs… Et pourtant, elle serre les poings, car il y a une chose que personne ne remplacera. Et c’est l’amitié et l’affection qu’elle a pour Lucia Whitemore. Sa plus tendre, et vieille amie. Celle avec qui elle draguait les mecs. Celle avec qui elle partait le matin et qu’elle rentrait le soir. Celle avec qui elle partait faire les boutiques. Celle qui dormait dans son lit le soir. Celle à qui elle confiait ses plus lourds secrets, y compris quand un mec lui plaisait. « Je suis désolée. » Elle tourne son visage vers elle, hausse les épaules avant de souffler avec naturel, « c’est la vie Lucia… » Elle avait appris cette phrase par cœur, elle était habitué à la dire, dès lors qu’elle parlait de sa maladie. La vie est parfois injuste. La vie s’abat parfois plus sur une famille qu’une autre. Elle avait perdu ses parents et quelques années après, elle apprend pour son cancer. A vingt-trois ans. Ses frères se déchirent. Mais Adèle ne se laisse pas démonter, elle peut compter sur une poignée de personnes pour lui mettre la tête hors de l’eau. « Mais il y a encore de l’espoir ? Je veux dire, tu continues à voir des médecins, à suivre des traitements ? Qu’elle demande alors que malgré tout, le silence s’installe, elle tourne son visage, se ravise à la dernière minute t’as pas à m’en parler si t’en as pas envie. » Son regard se perd autour d’elle, la moindre herbe verte avait toute son importance à cet instant au yeux de l’Australienne. Car cette herbe est plus vivante qu’elle-même, « laisse… Ca m’dérange pas de t’en parler Lucia… » Qu’elle souffle calmement. Pourtant elle est effrayée par cet avenir incertain mais on lui a dit d’en parler autant que nécessaire, que ça lui fait du bien. Elle n’en sait rien elle, si ça fait du bien mais ce qu’elle sait c’est que cette nana assise à côté d’elle est primordiale dans sa vie et que sans elle, son monde s’écroule. « Je vais bientôt avoir ma première chimio dans quelques jours… » Qu’elle ajoute sans tourner ses yeux sur elle, c’était plus facile de se confier sans faire face à son regard compatissant. « J’espérais un jour que tu reviennes tu sais Lucia ? » Ses mots aussi terribles qu’il soit, lui font un bien certain. Elle pose son regard dans celui de Lucia, laissant paraître un micro sourire au coin des lèvres. « Quand tu seras prête à me dire ce qui s’est passé, je veux que tu viennes me le dire… » Espérant que ça n’arrive pas trop tard. Espérant que Adèle soit encore de ce monde, c’est tout ce qu’elle espérait, qu’elle puisse partir en paix si cela devait arriver…

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Cette sensation de perdre pied, de ne plus vraiment trouvé sa place dans ce monde l’effraie. Elle ne pensait pas que revoir Lucia lui ferait revivre ce genre d’émotion. En réalité, elle ne savait pas si elle serait contente, ou non. Elle n’y avait jamais songé ses derniers mois, se plongeant corps et âme dans son association, pour oublier la perte de cette meilleure amie. Elle savait qu’elle n’était pas morte, mais même sa famille n’avait que peu de nouvelles de Lucia. Adèle a d’abord été inquiète. Puis un jour est venue, le temps de la rancœur. Se sentant abandonnée par celle-ci, elle lui en a voulu. Si ça avait été une autre personne, Addie n’aurait probablement pas été si dur et méprisante, mais on parlait de Lucia. Cette même personne qui lui promettait de ne jamais partir, de ne jamais être sans nouvelle d’elle. Pire encore, celle qui avait promis que rien ni personne – et pas même un homme, viendrait à les séparer. La petite fille de l’époque, trop naïve, y avait tellement cru. Tellement, que quand les mois ont passés, Adèle se refusait d’y croire. Elle se disait qu’elle finirait par revenir, que tout ça n’était qu’un malentendu. Elle les voyait dans le parc ses jeunes filles qui se tenaient la main, qui rigolaient ensembles. Elle les voyait ses sourires complices, elle les entendait ses aveux réciproques. Elle ne sait même pas pourquoi elle lui a fait part de sa maladie, elle qui n’en parle presque jamais. Encore moins avec les gens qu’elle apprécie, qu’elle côtoie. Mais elle avait eu besoin de lui faire mal, de lui dire combien elle aurait dû être présente pour elle, mais qu’elle n’a pas été là… C’était juste de la méchanceté gratuite, ce qu’elle n’est pas, normalement. Et puis très vite, Lucia a voulu comprendre, savoir ce qu’elle-même ignore… Pour autant Adèle ne demeure plus cette petite fille fragile, qu’on protège de tout. Elle en a vécue des malheurs, et a toujours eu les épaules pour supporter la misère des autres. «  Quelqu’un t’accompagne ? » Lucia, demande comme si ça avait une importance. Qu’elle y aille seule ou accompagnée, qu’elle est la différence ? Elle reste un moment, sans bouger, dans un silence absolu. Elle ne comprend pas, Lucia ne pourra jamais reprendre sa place, c’est du moins ce qu’elle prétendra, et ce qu’elle pensera tout bas. Elle a été trop blessée, trop perdue sans son amie, qu’elle ne peut pas penser une seconde tourner cette page aussi facilement. Il ne suffit pas de partir, puis de revenir deux ans après sans aucune explication. Pire encore, prétendre que c’est pour un homme, et vouloir récupérer cette place. Adèle n’était pas en mesure de le lui donner. «  Non… » C’est sévère, sec. Elle s’en rend compte, et se mord la lèvre, avant de reprendre, «  J’sais pas, peut-être Nell me le demandera… » C’était une évidence que si personne se proposait, Adèle n’irait jamais réclamer de l’aide. Parce que pour elle, elle peut se débrouiller seule. Elle s’est débrouillée seule jusqu’ici… Même si Levi McGrath est un plus qu’un soutient, et Nino Marchetti pour qui elle commence à avoir des sentiments qui la dépasse reste un pilier fort dans ses démarches de se soigner, et de vouloir s’en sortir. «  Je suis là.  » Elle tourne son visage dans l’autre sens, ses mots sont si douloureux, elle n’avait pas besoin de ça Adèle. Pas en ce moment. Une larme s’échappe de ses yeux, incontrôlable, «  pourquoi maintenant ? » Elle lui demande, sa voix est douce, empreint d’une nostalgie. Elle parlait de Lucia au passé, et du jour au lendemain elle doit réapprendre à en parler au présent. C’était très bizarre pour elle, elle n’est pas certaine d’y parvenir un jour. «  Je le ferai. » Qu’elle lui dit sans que Addie ne lui laisse le choix, car elle avait besoin de savoir, besoin pour tourner cette page, pour partir en paix le jour où elle devra partir. «  Tu vois encore Hannah ? J’en déduis qu’elle t’as pas dit que j’étais revenue. » Elle hausse les épaules avant de répondre négativement d’un signe de tête. «  Rarement… Mais je sais qu’elle va bien.  » Enfin quand on a perdu contact avec sa propre sœur. «  Elle t’en veut… Beaucoup…  » Lucia doit s'en douter. Elle ne cherchait pas à lui faire mal. Juste à ce qu’elle comprenne que son retour ne sera pas aussi simple. Peut-être qu’elle le pensait.

 « j’ai beau mentir, j’sais pas faire quand t’es pas là… »    lucia whitemore & adèle shephard

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Elle n’acceptait pas sa maladie. Elle n’acceptait de plus pouvoir être comme avant. La fatigue la submerge dès qu’elle souhaite faire un footing sur la plage, pourtant habituel. Adèle a toujours été une très grande sportive, et depuis enfant. Elle ne sait pas tenir en place et a un besoin constant de bouger, de courir, de danser. La joie de vivre à elle seule. Et pourtant, cette saleté de maladie l’épuise plus qu’elle ne l’avait pensé. Elle avait pensé à quoi d’ailleurs ? Elle n’en savait rien et ça l’effrayait. Elle se sentait au fond prise au piège, et ne pas pouvoir s’en sortir seule, alors qu’elle n’accepte pas l’aide des autres. Elle n’a jamais été malade auparavant. De simples rhumes, mais jamais au point d’être déstabilisée. Jamais au point d’avoir l’impression de ne plus voir le bout du tunnel. Ca ne faisait que commencer, elle le sait. Mieux que personne, et pas même Lucia, ou Nino ne pourront empêcher la descente aux enfers. Même si ils vont vouloir la bousculer, qu’elle ne s’enterre pas dans une routine et dans un idéal qu’elle va se contenter. Pour la première fois de sa vie, Adèle voyait le pire. S’imaginait le pire. Et avec les jours, les semaines, son état de santé n’ira pas en s’améliorant, elle le savait. Pire que ça, elle finissait par l’accepter. Très vite, elle se rendit compte que Lucia s’inquiétait pour elle. S’inquiétait, vraiment. Comme avant. Ca lui faisait chaud au cœur, mais elle ne voulait pas le lui montrer. L’envie d’effleurer sa main se fît plus pressante. Comme si Addie était dépassée par les évènements, dépassait par ses sentiments qui la submerge à cet instant. Pour la première fois depuis qu’elle était auprès de son amie, elle pouvait s’imaginer être de nouveau à ses côtés, regardant dans la même direction. Elle l’avait tant aimé cette amie, tant protégée. Et Adèle avait tant souffert aussi quand elle se rendit compte qu’elle ne reviendrait peut-être jamais, fermant son cœur, paraissant détachée de toute situation qui incluait de l’amour. C’était pire que se faire quitter par un mec pour elle peut-être aussi, parce qu’elle n’est jamais tombée sur le bon, et que Lucia avait tout autant sa place qu’eux dans son cœur, si ce n’est plus. La preuve, quand elle quittait un mec ou qu’elle se faisait larguer, c’était toujours vers Lucia la première qu’elle se tournait. Elles refaisaient le monde, avec toute l’insouciance et la naïveté de croire qu’elles pourront panser les blessures de ce monde. Les blessures l’une de l’autre. Comme aujourd’hui, Lucia aimerait panser les siens. « Tu… Je me sens pas légitime de te proposer la mienne mais tu sais que t’as le droit de demander de l’aide ? Je suis sûre que ma mère t’accompagnera si tu le lui demande. » Elle n’y avait pas songé pourtant depuis la mort de sa propre mère, Adèle s’était rapprochée de la maman des Whitemore, qui lui offrait tout l’amour que peut porter une mère pour ses enfants. Presque dix ans maintenant. Elles étaient très proches, et se confiaient beaucoup de chose – avec le temps et le départ de Lucia, Adèle passait moins les voir, mais elle n’a jamais cessé de les apprécier pour autant. « Je… Je sais pas Lucia, elle doit avoir autre chose à faire je présume… » Elle hausse les épaules sans vraiment poser son regard sur sa copine. Elle se punissait inconsciemment Adèle, elle ne sait pas vraiment pourquoi elle fait ça, peut-être involontairement, pour autant c’était ainsi qu’elle voyait les choses désormais. Seule contre le monde entier, et si elle vient à mourir, personne ne sera triste. Elle était égoïste Adèle de penser ça, de s’enfermer volontairement dans ce genre de pensée. Mais elle ne voulait pas voir les choses en face, elle est forte, mais pas si forte que ça finalement. Ce n’est qu’une gamine, une gamine à qui on voudrait récupérer sa place… « Je t’accompagnerais si tu me le demandes » Sauf qu’Adèle ne lui demandera jamais une telle chose. Elle aurait pu, si Lucia n’était jamais partie. Mais aujourd’hui, dans le contexte actuel elle se l’interdisait tout simplement. « tu sais bien que c’est pas possible Lucia… » Sa voix tranche avec la dure réalité de la vie. Celle de l’abandon, de la tristesse de s’être retrouvée amèrement seule ses deux dernières années. Addie aimerait prétendre que ce n’est rien, que c’est pas grave, mais ce serait faux de sa bouche. Elle se mentirait, pire encore lui mentirait. Et puis elle y trouve sans doute un certain confort d’avoir aussi lâchement parlé de sa maladie, « je ne sais pas quoi te dire. J’aimerais pouvoir prétendre que je me suis rendue compte que je faisais une erreur, que m’éloigner de vous était idiot et que revenir ici était un choix que j’ai fait en mon âme et conscience pour effacer mes erreurs, mais c’est pas le cas. » Elle hausse les épaules, restant silencieuse. Elle l’avait écouté avec attention, et les mots prenaient tout son sens dans sa tête. Elle ne comprenait pas grand-chose, et il était clair que Lucia n’était pas vraiment prête à tout lui dire. « Et je veux pas te mentir, elle ne la regarde pas, préférant fuir son regard alors que son amie reprend, ma vie m’a pété à la figure.» Pété à la figure ? Pourquoi ? Pourquoi elle ne veut pas juste lui dire les choses simplement ? Mais qu’avait-elle le droit de demander, alors qu’elle-même se cache bien d’une vérité qui l’effraie aussi ? Ne devait-elle juste pas accepter le silence de son amie et l’épauler ? Être là pour elle, car c’est ce que font les amis, et Lucia est encore son amie, pas vrai ?! « Je pige pas vraiment tout, mais je suppose que tu n’es pas prête pour les détails… » Qu’elle avoue, ce n’était pas une question, mais plutôt une affirmation. Comme si au fond d’elle, elle le savait. « Alors j’ai décidé de renter. Pour arrêter les frais. » Adèle s’approche, se levant légèrement du banc pour s’installer à quelques centimètres plus près de son amie, mais pas suffisamment pour pouvoir la prendre dans les bras. Elle lui jette un regard furtif, se mordant la lèvre inférieur. En avait-elle le droit ? Le voulait-elle ? Elle-même est perdue… « Et tu as bien fais, c’est ici chez toi… Pas en Amérique où je ne sais où… Mais il faut juste que tu laisses du temps au temps… » Qu’elle lui avoue finalement, d’une voix douce, tournant son visage de l’autre côté. Sa main effleure celle de son amie, posée toujours sur le banc, attendant un signe de sa part, mais elle la retire bien vite quand l’électricité dans l’air chatouille Adèle. « Et je parle de Hannah aussi… » Qu’elle lui dit, et pour sur Adèle l’aidera à reconquérir le cœur de sa sœur, même si pour l’Australienne, sa sœur l’aime toujours autant. Elle a juste besoin d’encaisser son retour. « Je sais » Qu’elle lui dit sans même poser son regard sur Adèle, elle demande alors changeant de sujet, « et tes frères deviennent quoi ? » Un sourire s’étire sur ses lèvres en repensant à eux, « c’est toujours la même chose, ils se chamaillent pour rien. » Sa voix reste amusée pourtant elle était fatiguée de leur chamaillerie, et depuis sa maladie, Adèle ne voulait plus s’en mêler, même si elle s’en mêlait encore, parfois. Tentant de rattraper les conneries du petit dernier, et de vouloir faire pardonner le grand aux yeux du petit. « Mais ils vont bien, Adrian serait content de te revoir ! » Elle n’en doutait pas une seconde, ses frères sont la chose la plus précieuse pour Adèle, avec Nell et parler d’eux lui faisait le plus grand bien.