Alors... Les papiers des diagnostics techniques, c'est bon. Ceux sur le règlement de la copropriété et contact du syndicat aussi. Où est passé l'état des lieux? Ah, il est là. Heïana s'affairait dans un appartement qui était tout sauf chez elle. Enfin, si: il se trouvait bien être le sien, enfin l'un des siens, en propriété partagée avec sa petite soeur. Mais ni l'une ni l'autre ne risquait de venir vivre ici, étant donné que l'aînée se préparait à le mettre en location. La cadette, tout juste majeure, ne risquait pas de s'intéresser à ce genre de détails qu'elle trouvait tout bonnement contraignants, et laissait à la plus âgée tout le loisir de gérer le choix du nouveau locataire des lieux. Il faut dire que le bien immobilier en question était franchement pas mal. Grand T2, très spacieux et lumineux, il bénéficiait d'un petit coin bureau et d'une bibliothèque intégrée dans un mur. Bien sûr, tout le nécessaire de base était déjà installé, et de bonne facture s'il-vous-plaît: cuisine intégrée avec four, hotte, frigidaire, grands placards et micro-ondes. La chambre donnait directement sur le coin eau, sans autre séparation qu'une verrière, rendant l'espace véritablement exploitable et agréable à regarder. Une bonne partie de l'appartement avait été rénové pour dévoiler et consolider les anciennes briques, lui donnant un charme tout particulier. Un grand miroir rond trônait au-dessus de la vasque de salle de bain, le tout entouré d'agréables murs d'un vert intense. Au total, le logement pouvait se targuer d'une belle superficie de 60 mètres carrés. Et d'une propreté impeccable, une femme de ménage habituée aux propriétés des Brook depuis des années ayant été missionnée pour tout faire sur une semaine, du sol au plafond.
Autant dire que dès l'annonce parue sur internet, elle avait été prise d'assaut, au point qu'Heïana avait dû la supprimer trente minutes après sa publication ! Elle avait fait une pré-sélection des dossiers, pour finalement en distinguer trois. Les critères choisis ?
Le salaire bien évidemment, car ce coquet appartement en plein Redcliffe coûtait tout de même la modique somme de 1300 dollars australiens; ce qui en soit n'était pas énorme compte tenu de la qualité du logement. D'où la profusion de mails et appels sous lesquels la métisse avait bien cru disparaître. En plus, autre point encore inconnu des potentiels futurs locataires, mais la propriétaire ne leur ferait payer que leur dépôt de garantie, et non deux voire quatre semaines de loyer supplémentaire comme il était de coutume en Australie. Son petit côté français et les habitudes de vie qui ressortaient probablement.
Mais la Tahitienne ne se basait pas que sur l'argent gagné, mais aussi sur les cautionnaires, et sur les dernières quittances de loyers pour ceux ayant déjà loué ailleurs. Enfin, le contact téléphonique ou par mail avait été décisif: si elle ne sentait aucun feeling, et même de la méfiance envers certains, elle déclinait immédiatement. Implacable, quand il le faut. Elle faisait déjà une fleur sur le prix du loyer, elle ne risquait donc pas de prendre de risque sur un potentiel impayé.
Bref, la voici, un lourd dossier de paperasses posé sur le plan de travail de la cuisine, un ordinateur posé juste à côté, à attendre le premier visiteur. Car oui, il ne s'agissait que de visites pour l'instant; mais dans le cas où l'une des personnes devant passer aujourd'hui se décidait directement, alors elle aurait les papiers nécessaires. D'ailleurs, elle avait demandé à chacun de ramener le nécessaire: fiches de paye des trois derniers mois, attestation sur l'honneur des cautionnaires et leurs propres fiches de paye, carte d'identité, IBAN... Tout le nécessaire pour régler l'administratif en un éclair, au besoin. La brune habillée d'une légère robe blanche, toute en voilages, à décolleté en coeur, regarda le premier contact pour se le remémorer. Archibald Ford, 27 ans, criminologue; ses deux parents en garants. Ce serait sa première location. Eh bien, elle avait hâte de le voir ! Dans ses souvenirs, remontant à deux jours plus tôt, la douce sage-femme se rappelait avoir beaucoup aimé le son de sa voix, et sa manière de s'exprimer.
On frappa à la porte, que la propriétaire s'empressa d'aller ouvrir. Bonjour ! Heïana Brook. Elle serra avec enthousiasme, d'une poigne ferme mais pas trop dure, la main du jeune homme avant de se décaler pour le laisser passer. Entrez, je vous en prie.
Archibald Ford était tombé amoureux de cet appartement en parcourant les annonces. Pour être heureux et épanoui, autant être bien dans son logement. C’était un petit peu sa devise depuis qu’il était parti de chez lui et de son petit appartement d’étudiant. Ses parents n’avaient pas voulu payer ce dernier, là, ils faisaient une exception : ils voulaient montrer leur amour par l’achat. Eh bien, soit. Ils seraient garant et payeraient une majeure partie du loyer. C’était la moindre des choses après des années d’absences ou de critiques acharnées. Maintenant qu’il avait son diplôme ils semblaient s’être calmés…
Première véritable location et le stress qui l’accompagne. Il avait les papiers, du moins, il espérait les avoir. Il avait peur d’oublier quelque chose, il était si maladroit qu’il avait même peur d’oublier sa tête. Habillé d’une chemise blanche et d’un pantalon bleu marine sans oublier ses fameuses chaussures bateaux, il s’avançait vers l’immeuble dans lequel il allait – peut-être – vivre. Une grande bouffée d’air, allez, Archi ! Tu es un garçon bien, tu peux l’avoir cet appartement, tu bosses, tes parents font enfin un effort pour que tu te lances dans la vie active. Tu peux le faire…
Le torse gonflé par cette soudaine reprise de confiance, il poussa la porte de l’immeuble. Lorsqu’elle se referma brutalement derrière lui, il eut un sursaut avant de poser machinalement sa main sur son corps et de pousser un soupir de soulagement. Ouf.
Les papiers et les fleurs entre ses doigts n’allaient pas tarder à finir froissés tant il les serrait, ses joues devenaient rouges de par le stress. Chaque marche devenait une épreuve, chaque marche faisait en sorte que son cœur se resserre tout en battant de plus en plus vite, chaque marche rendait la chose compliquée.
Finalement devant la porte il ferma les yeux et se mit à compter jusqu’à cinq. Allez. Ford finit par toquer à la porte. Une jeune femme, sans doute plus jeune que lui ouvrit la porte. Il fronça les sourcils et hésita à demander où se trouvaient ses parents mais… Il valait mieux l’avoir dans sa poche. Alors, avec un grand sourire et une voix toujours aussi douce et une diction parfaite il souffla : « Enchanté, Archibald Ford. »
Sa main se glissa contre celle d’Heïana et à cet instant il sentit quelque chose de positif, elle partageait tant de bienveillance qu’en un contact on pouvait s’en rendre compte. « Merci… » et ses pieds le trainèrent jusqu’au salon où il crut rêver. Ça changeait de son 20m2 à Byron Bay… « Putain. » laissa-t-il s’échapper d’entre ses lèvres, tant il était ébahi devant une telle splendeur pour un prix tout à fait abordable. « Félicitations, c’est encore mieux en vrai qu’en photo… » Il en oubliait même les fleurs qu'il avait préparer pour remercier la jeune femme d'avoir retenu son dossier.
Et là, la question le frappa : était-il le seul en course pour cette merveille ou y avait-il des concurrents ? De quoi rapidement faire remonter le stress…
Dernière édition par Archibald Ford le Lun 11 Nov 2019 - 1:20, édité 1 fois
Voici un jeune homme qui savait faire bonne impression. Le petit coeur d'Heïana fondit instantanément lorsque la voix de son potentiel-futur-locataire s'éleva, d'une intonation tranquille, avec un brin de douceur, alors que tout en lui inspirait la sympathie de la propriétaire. Sa démarche, son style vestimentaire, son visage super mignon... Et ce n'étaient là que les cinq premières secondes passées l'un face à l'autre. Si leur relation n'avait pas été des plus conventionnelles et qu'ils avaient vécu au monde des bisounours, la Tahitienne lui aurait sûrement fait un gros calin à la mode "free hughs". Mais la réalité était bien plus codée, presque froide comparée à l'imaginaire de la jeune femme, et c'est simplement par quelques mots, une poignée de mains et en se décalant pour laisser passer le dénommé Archibald qu'elle lui souhaita la bienvenue. Elle referma la porte derrière eux, laissant quelques instants au chercheur d'appartement pour observer autour de lui. Apparemment, la vue lui coupa le souffle et lui siffla son latin quelques secondes, avant qu'il ne félicite Heïana. Elle sourit, amusée par un tel enthousiasme, et répliqua modestement: Je ne suis que celle ayant décidé de l'univers de cet appartement. Pour sa propreté impeccable, il faudra remercier la femme de ménage que j'emploie; je lui transmettrai vos mots, ça lui fera plaisir. Car après tout, en plus du salaire et des avantages pécuniaires, la première chose recherchée par un travailleur est, au choix, soit l'ambiance de travail - plus particulièrement si on fréquentait régulièrement des collègues, ce qui n'était pas le cas de l'employée d'Heïana - soit la reconnaissance de la tâche bien accomplie. Avançant un peu plus dans la cuisine, elle lui détailla le mobilier déjà présent. N'hésitez pas à toucher, regarder ou à me poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit, précisa-t-elle aimablement alors qu'elle laissait Archibald découvrir un peu plus les lieux.
Je vous montre le reste de l'appartement ? Proposa la jeune femme, car il restait encore la partie nuit et bain à visiter après tout. Voyant bien qu'il ne demandait que ça, elle le mena avec plaisir aux endroits dits, passant devant lui tout en faisant un descriptif assez précis des lieux: Il s'agit d'un chauffage au sol, il fonctionne avec des panneaux solaires posés sur le toit de l'immeuble. Dans la chambre, vous êtes exposé sud-ouest et vous avez une ventilation supplémentaire dans la salle de bains, pour que la chambre ne soit pas envahie de buée, vu qu'elles ne sont pas vraiment séparées. Elle cochait, au fur et à mesure, une liste posée sur un tas de documents qu'elle portait. En réalité, ce n'était ni plus ni moins que tout ce qu'elle avait à préciser vis-à-vis de l'appartement. Heïana se connaissait bien, et l'un de ses principaux défauts était la volatilité, sa tête bien souvent dans les nuages plutôt que sur Terre, dès qu'elle passait les portes du travail pour retrouver son quotidien. Alors pour y parer, rien de mieux que l'organisation !
La demoiselle finit par remarquer le bouquet que tenait le locataire dans ses mains. Un rire fin s'échappa de ses lèvres hydratées au Monoï de Tahiti, et elle demanda, ses yeux pétillants de malice: Désolée d'être indiscrète, mais ... Vous avez un rendez-vous galant prévu après votre visite ?
Bouche bée, Archibald suivait Heïana à travers l’appartement. Il en restait presque sans voix. Ce jeune garçon avait deux modes de fonctionnement, soit, il parlait jusqu’à saouler la personne présente à ses côtés soit il restait calme et silencieux. La seconde option était la bonne, pour cette fois. Un sourire enjoué ne se décrochait pas de son visage alors qu’il buvait les paroles de la tahitienne… « Wow.. » laissa-t-il finalement sortir. Évidemment, l’appartement rendait bien en photo mais alors en vrai c’était une tout autre histoire. Tant et si bien qu’il commençait véritablement à stresser ; s’il n’arrivait pas à faire bonne impression il louperait sa chance d’avoir un petit cocon. Même s'il se sentait ridicule de louer le bien de quelqu'un de plus jeune que lui, il ne devait surtout pas le faire ressentir.
« C’est fou. » se contenta-t-il d’annoncer alors que la pulpe de ses doigts venait caresser les murs et les meubles au fur et à mesure qu’il marchait. L’essayer c’était l’adopter. Finalement, les mots de la jeune femme parvinrent à ses oreilles, une question sur un rendez-vous galant. Ne s’y attendant pas vraiment, il pinça ses lèvres tout en fronçant les sourcils alors que son doux regard océan se posa sur son homologue. Il inclina légèrement la tête comme pour lui signifier « pardon ? » mais lui-même se reprit en se rappelant de ce qu’il tenait entre ses doigts. Ses épaules retombèrent et il releva la main comme pour agiter le bouquet.
« Oh ! Grand Dieu, non, je ne connais personne ici… » souffla Ford avant de rire doucement, gêné, ses joues avaient suivi car elles étaient encore plus rouges qu’auparavant. « Ça peut sembler idiot mais c’est pour vous. Un gage de reconnaissance pour avoir retenu mon dossier pour une visite. Merci, mademoiselle. » ajouta le brun avant de tendre le bouquet de fleurs blanches. C’était un homme de goût, Archi, mais encore trop modeste, il ignorait cette qualité. Il ignorait tellement de chose pour lui que cela en devenait presque dérangeant.
« J’espère que ce n’est pas trop… Ça doit être ma galanterie française qui ressort. » et de nouveau, un léger rire s’échappa d’entre ses lippes rosées. Ses yeux se plissaient quand il riait et ses traits se détendaient ; ça lui allait bien. Pourtant, on remarquait qu’il essayait tant bien que mal de se décontracter et de ne pas passer pour un idiot – ce qu’il n’était pas – devant sa -peut-être- future propriétaire. Heureusement, son éloquence pouvait rattraper pas mal de choses : il était doux, avenant et articulait parfaitement ses mots. C’était un peu l’avantage d’être parfois trop calme mais par chance, ce n'était pas tout le temps. Au bout de quelques années il avait réussi à totalement maîtriser son éloquence et son brin de folie ainsi que de malice.
Somme tout, la grand-mère de Ford l’avait bien éduqué et elle était française, d’où cette remarque. Il espérait que cela lui fasse gagner des points car cela pouvait être à double tranchant : soit les bons clichés sur les français lui viendraient rapidement en tête soit les pires mais Archi’ avait de la chance, pour une fois. Il s’agissait là du premier de leurs points communs.
Les joues caramel de la Tahitienne se teintèrent d'une délicate couleur rosée alors que son potentiel futur locataire lui tendait le bouquet de magnifiques roses blanches, tout en lui annonçant qu'il l'avait prévu pour elle. Elle eut un instant d'hésitation, loin d'être habituée à de telles marques d'attention, et d'autant plus de la part d'un jeune homme. Bien innocente pour une demoiselle de vingt-cinq ans, notre douce Heïana... Elle déposa les dossiers qu'elle portait jusqu'alors sur le bureau qui se trouvait tout près d'elle, et d'un geste délicat, enlaça le bouquet de sublimes fleurs d'albâtre. Bien plus touchée que gênée, bien que surprise par la démarche d'Archibald, elle le remercia avec un large sourire, aussi chaleureux qu'un rayon de soleil au-dessus des Tropiques: Merci beaucoup, c'est très avenant de votre part ! C'est alors que le criminologue formula son espoir de ne pas en avoir trop fait, car ça viendrait de sa galanterie française. Allant d'étonnement en surprise et de surprise en étonnement, la Polynésienne demanda, dans la langue de Molière de manière tout à fait spontanée: Vous avez des origines françaises ?! Quelle coïncidence ! Une partie de ma famille vient de Tahiti, et j'y ai moi-même vécu ces dernières années.
Autant dire qu'entre les excellentes garanties d'Archibald, son comportement digne du meilleur gentleman et sa "French Touch", il était véritablement en train de conquérir le coeur de la propriétaire des lieux. Sans nul doute, elle lui offrirait la location de cet appartement sur un plateau d'argent. Après tout, elle n'avait aucune raison logique de le lui refuser: avec un travail stable, deux parents comme garants et des manières exemplaires, que demander de plus ? Rien, absolument rien. Enfin, si lui désirait toujours s'installer ici bien sûr. Aussi, le bouquet toujours dans les bras, Heïana prit sa décision: autant abréger le suspens et le long cortège des visites à venir, et faire un choix maintenant. L'appartement avait été visité, les formalités d'usages connues de chacun d'eux, il ne restait qu'à remplir correctement la paperasse - qui était certes bien moins lourde que celle de l'administration française, comme quoi le fait d'avoir deux cultures permettait d'apprécier chacune d'elles à leur juste valeur - et le tout serait réglé. De but en blanc, elle proposa: Personnellement, je me sens prête à vous louer cet appartement. Voulez-vous un délai de réflexion avant de me rendre votre réponse ? Pourvu que non; elle n'avait aucune idée des futurs prétendants à la location, mais elle n'avait même pas envie de les voir, maintenant que ce locataire idéal avait frappé à sa porte. D'ailleurs, pour l'inciter à ne pas trop hésiter dans son positionnement sur le bien locatif, elle ajouta, presque gênée de devoir le lui avouer: Sachant que j'ai encore deux visites prévues après vous, avec des dossiers tout aussi corrects. Alors si l'un d'eux pose directement une option...
Les grands yeux bleus d’Archibald s’étaient posés sur les joues désormais roses de la tahitienne. Il se retint de rire mais son grand sourire malicieux en disait long. Il trouvait cette réaction presque trop adorable bien qu’il était de plus en plus gêné de louer un appartement à une femme plus jeune que lui avec ses parents comme garants. Il décide de laisser cette pensée s’estomper en secouant très légèrement la tête. Lors des remerciements, il se contenta d’un geste de main, « C’est la moindre des choses… »
Les bonnes manières, voyons ! Elles se perdaient trop de nos jours et Archibald travaillait énormément sur lui pour être un garçon bien même si la tâche était difficile, même s’il était influençable et même si, inconsciemment, les situations les plus incongrues étaient pour lui les meilleures. Lorsque la polynésienne lui posa la question en un français parfait, il ne put que sourire davantage tandis que son esprit lui criait : tu gagnes des points, tu gagnes des points !!!!
« Ma grand-mère est française. Elle m’a presque élevé alors je.. j’ai quelques bases et des origines. » souffla-t-il de sa voix douce et posée sans oublier son léger accent anglo saxon qui ressortait. « Et vous ? »
Ford se disait que cela pouvait être une bonne chose, cette rencontre. Il ne connaissait personne à Brisbane, hormis sa meilleure amie mais il était bien conscient qu’il ne pouvait pas constamment compter sur elle, la forcer à sortir ou autres choses. Ce n’était pas le genre du criminologue de faire toujours les mêmes choses avec les mêmes personnes… Même s’il aimait Oak plus que tout, il ne voulait être un poids ou prendre le risque que l’un des deux ne se lasse de l’autre. En revanche, la tahitienne le sort de ses rêveries lorsqu’elle lui propose l’appartement. Ses yeux deviennent ronds comme des billes, sa bouche forme un O pendant un laps de temps. Pas besoin de réfléchir, la réponse est évidente : « Adjugé, vendu, oui ! » s’exclame Archibald avant de lâcher ses clefs de voiture ainsi que son portefeuille qu’il gardait précieusement en main. « Oubliez les autres, je suis votre homme ! » et il s’arrêta net avant de réaliser ce qu’il venait de dire, « façon de parler ! »
Bon, Ford, ose un peu. Tu n’es pas du genre à t’attacher, à t’approcher des gens ou encore à proposer des choses. C’est l’occasion ou jamais, tu as fait bonne impression. « Vous aimeriez je sais pas moi.. me faire un visiter le quartier ? Je ne connais absolument pas et je ne connais absolument personne, alors, ça m’arrangerait un peu.. »
Oh, sa grand-mère était française ! Voilà qui expliquait bien des choses. D'une curiosité véritablement intéressée par ce que lui racontait Archibald, la brune lui demanda: Ah, je comprends mieux ! Savez-vous de quelle région elle venait ? En tout cas si vous en avez l'occasion, Tahiti est un très bel endroit, vous devriez vous y rendre en vacances. Ils discutèrent ainsi une ou deux minutes sur la France, et bien que ce soit bref, Heïana sentit son coeur se réchauffer de rencontrer quelqu'un connaissant ce si joli pays, qu'elle n'avait pas encore eu le temps elle-même de vraiment découvrir; en ce qui concernait la métropole en tout cas, qui n'avait clairement que très peu à voir avec Tahiti en termes de paysages et de modes de vie.
La maïeuticienne faillit exploser de rire lorsque les yeux comme la bouche d'Archibald formèrent de superbes "O" après qu'elle lui ait proposé de lui louer l'appartement. Il paraît que le rond parfait n'existait pas, mais au vu de l'expression du criminologue, elle se permit de douter de toutes les affirmations scientifiques possibles sur ce sujet pendant un instant. Cependant, la jeune femme de vingt-cinq ans avait été bien élevée, et elle contint son rire derrière un large sourire, qui dissimulait bien mal son hilarité mais qui avait le mérite d'être poli. Devant l'empressement de son nouveau locataire à accepter, Heïana dut là aussi fournir des efforts de volonté incroyable pour ne pas se laisser aller aux dérives d'un fou-rire incontrôlable.
Elle se laissa toutefois aller à une petite exclamation amusée, car c'était vraiment dur à contenir, puis lui tendit la main: On scelle notre accord d'une poignée de main ? Bon, en plus des signatures et de la paperasse hein, bien entendu. La douce métisse avait cependant toujours eu la sensation que le contact physique permettait de s'engager en bien des choses, de manière plus "électrique" qu'un simple trait d'encre sur un bout de papier. Elle lui tendit d'ailleurs les documents nécessaires pour officialiser leur lien: état des lieux (qu'elle avait pré-rempli pour gagner du temps, elle lui laisserait cependant le vérifier à loisir), papiers sur le règlement de l'immeuble donnés par le syndicat de co-propriété, contrat de location... Il me faudra juste une attestation d'assurance habitation dans la semaine à venir, en plus de ces papiers que vous devrez me rendre signés. A chaque fois, il y a un exemplaire pour vous. Autant dire qu'elle assurait sa gestion immobilière d'une main de maître, et qu'elle était rodée à l'exercice. Cela pouvait sembler étonnant, de la part d'une si jeune personne.
Elle fut en revanche réellement surprise par la proposition d'Archibald, et son visage laissa percevoir son étonnement. Yeux légèrement écarquillés, pétillants, expression un peu désorientée mais contente en même temps. Il était rare qu'un locataire souhaite sympathiser avec sa propriétaire, mais pourquoi pas ! Elle sourit et proposa: Ce n'est pas le quartier que je connais le plus, mais je peux vous en montrer quelques rues oui ! Elle sentit son ventre se serrer, serait-il l'heure de déjeuner ? Jetant un coup d'oeil sur sa montre, elle constata que oui. Alors qu'ils sortaient de l'appartement, elle commença à y réfléchir; elle attrapa son sac à main, qu'elle mit en bandoulière sur son épaule droite. La brune ferma à clefs derrière eux, et donna le trousseau à Archibald; elle en avait un double de toute façon. Voici vos clefs ! Vous pouvez les avoir tout de suite, je ne suis pas à une semaine prêt. On pourrait aller manger quelque part; quel type de nourriture aimez-vous ? Après tout, Redcliffe était un quartier touristique avant tout, alors ils n'auraient que l'embarras du choix !
« De Saint-Tropez. C’est là qu’elle a rencontré mon grand-père. Elle tenait la boulangerie de ses parents un après-midi et il a volé un pain au chocolat. Il a fait demi-tour pour le rendre et s’excuser parce que ce n’était pas son genre de faire ça et puis… il avait déjà un peu craqué pour elle. Elle a trouvé ça truculent alors elle lui a offert. Puis, pouf, elle s’est retrouvée à Byron Bay en Australie. » souffla le jeune homme avant d’hausser les épaules, c’était une histoire amusante. Peut-être inutile à raconter mais il n’avait pu s’en empêcher. Il ne s’était jamais rendu à Tahiti mais il le notait dans le coin de son esprit. Ça plairait peut-être à sa meilleure amie, tant qu’on peut surfer…
Ça se voyait qu’Heïana se retenait de rire face à l’air ahuri du jeune criminologue. Alors, avec un petit sourire il leva les yeux au ciel avant de souffler : « Vous pouvez rire, ne vous retenez pas, c’est encore pire… » et il pouffa en attrapant la main de cette dernière pour sceller cet engagement et cet accord qui signait le premier jour du rester de sa vie. De sa nouvelle vie. « Question par pure curiosité, vous avez déjà eu des problèmes avec des locataires ? » il marqua un court temps, « Non parce qui si ça arrive n’hésitez pas à me prévenir, je n’ai qu’à montrer mon badge et ça fait souvent son effet. » plaisanta à moitié le jeune garçon. Il était protecteur de nature et aimait rendre service aux gens, voilà pourquoi il était dans la police. Bon, il n’était pas véritablement policier mais c’était parce qu’il avait choisi une spécialisation qui lui tenait particulièrement à cœur.
Ford attrapa les documents avec soin pour les glisser dans une pochette qu’il avait avec lui. Il hocha la tête à sa demande, « Naturellement. » souffla le jeune homme bien et propre sur lui sous toutes les coutures. Un peu trop pour quelqu’un de cet âge, d’ailleurs, mais ça, c’était sans doute parce qu’il ne connaissait pas encore assez de monde pour se révéler moins sage qu’il en avait l’air. « Mais vous êtes agent immobilière de métier ou.. ? » demanda Archibald tout en récupérant les clefs. Il était assez fier de lui, il n’allait pas être seul aujourd’hui et aller socialiser, c’était plutôt une aubaine pour lui… Ses camarades n’étaient pas véritablement des plus agréable avec lui, c’est toujours compliqué d’être le petit nouveau, surtout quand on est le plus jeune de sa brigade.
« Génial, merci beaucoup. Je pense que l’on pourrait se tutoyer, non ? Sinon j’aime le chinois. J’aime aussi les choses basiques. Pourquoi pas… sushi ? Vous avez une tête à aimer les sushis. » affirma Ford plissant légèrement ses yeux, comme s’il analysait la jeune tahitienne à cet instant mais non. Du tout, il se contentait de jouer avec elle, histoire de briser la glace et les conventionalités. Sans doute pour que cela soit moins embarrassant, très probable même. La propriétaire deviendrait peut-être une amie ?
Heïana écouta avec une attention certaine l'histoire de la rencontre des grands-parents de son locataire. Certains, pour ne pas dire beaucoup, se seraient fichus comme d'une guigne de cette anecdote. Plusieurs l'auraient trouvée trop longue à raconter, d'autres auraient pensé que le garçon faisait étalage de sa vie sans pudeur alors qu'il n'était que celui qui verserait un loyer chaque mois à la Tahitienne. Quelques-uns, peut-être, l'auraient coupé dans son monologue, ennuyés de ce débalage historique qui ne les concernait pas. Seulement, la brune était de ce genre de personnes à s'intéresser à tout, de la plus petite anecdote quotidienne au récit d'un grand fait historique, en passant par des conseils médicaux et des notions d'astrologie. Alors autant dire que les péripéties de la famille Ford, légères et drôles en plus, ne pouvaient faire que sa joie. Un sourire large s'étira sur ses lèvres légèrement pulpeuses, alors qu'elle répondait au conte d'Archibald: C'était une chouette histoire, merci de l'avoir partagée avec moi. Ils sont restés dans le domaine de la pâtisserie, une fois en Australie ? Autant dire que s'ils avaient légué aux générations suivantes une boutique à merveilles sucrées, la maïeuticienne y ferait un saut sans trop tarder, gourmande comme elle, on en fait peu !
Lorsque le brun lui demanda si elle avait déjà eu des soucis avec des locataires, elle commença à y réfléchir, et n'eut pas le temps de répondre qu'il avait complété sa question par une proposition. Eh bien, quel chevalier servant ! Mais Heïana n'était pas du style à se cacher derrière un homme, même si ce qu'il venait de lui dire partait d'une très bonne intention. Déjà, récemment, l'esclandre à la fac avec Abel lui avait bien suffi ... La demoiselle répondit donc: Je n'ai jamais eu de réels soucis non, je sélectionne mes locataires avec soin. Le cas échéant, j'essaye de passer par l'écoute, la compréhension, tout en fixant les limites. Si ça ne suffit pas... Elle désigna la porte d'un doigt, tant pis si c'était malpoli. C'est dehors. Le fait de savoir que je suis fille de juriste dissuade généralement les quelques cas gênants de pousser le bouchon trop loin. Elle haussa les épaules, semblant signifier ainsi qu'elle était habituée à gérer ses locations et qu'habituellement, tout se passait bien. Poliment, elle répondit cependant: Je note votre proposition, après tout, on ne sait jamais !
Une ombre passa sur le visage d'Heïana, fugace, presque imperceptible, lorsqu'il lui demanda si elle était gestionnaire de biens immobiliers professionnelle. Elle aurait préféré, sans aucun doute, et ce bien qu'elle ne voudrait lâcher son métier de sage-femme pour rien au monde. Ne perdant pas sa contenance pour autant, elle répliqua: Absolument pas. Les locations que je gère sont un héritage que nous avons reçu, ma soeur et moi; elle est trop jeune pour s'y intéresser, alors je me charge du job. Après tout, confidence pour confidence, la Polynésienne ne se sentait absolument pas gênée de dire au criminologue la raison de sa présence ici. Surtout en tant que non-professionnelle, cela paraissait étrange, elle semblait jeune pour posséder des appartements et maisons à louer. Elle fut ravie qu'ils changent de sujet en quittant l'immeuble, parlant de ce qu'ils pouvaient manger. Bingo ! Tu as raison, j'adore les sushis ! Et pas de soucis pour se tutoyer. Ils avancèrent dans la rue, marchant d'un pas tranquille mais pas mollasson non plus, alors que la jeune femme réfléchissait au meilleur restaurant japonais qu'ils pouvaient trouver dans le coin. Curieuse, elle demanda: Du coup, en tant que criminologue, que fais-tu ? C'est comme dans les séries, tu vas sur les scènes de crimes, ou pas du tout ?
Après cinq minutes de marches, où Heïana conseilla Archibald sur les activités potentielles à faire dans ce quartier, avec sa rue des spectacles et son grand complexes de jeu, elle s'arrêta devant une enseigne qui ne payait pas de mine, semblant très simple. Sur la carte, des sushis étaient proposés, mais aussi des plats moins connus du Japon et pourtant tout aussi bons, comme des takoyaki, des okonomiyaki, du curry ou des tempura. Ah, on y est !
Quand Archibald était à l’aise, il devenait un véritable moulin à paroles. C’était rare mais cela arrivait de temps à autre, un peu comme une éclipse. Au moment où Heïana lui demanda s’ils étaient restés dans le domaine de la pâtisserie, il ne put se retenir de sourire. Un joli sourire sincère. Il hocha ainsi la tête avant de souffler, « une des meilleures pâtisseries de Byron Bay, avec de délicieuses viennoiseries qui sentaient la France. » rétorqua le jeune garçon avant d’écouter attentivement ce qu’elle disait. Effectivement, Heïana semblait être une femme forte et indépendante, le genre de personne avec qui Archi’ avait envie d’être ami. Il humecta ses propres lèvres et plus les mots sortaient, plus elles en disaient, plus il apprenait à la connaître. Ses études lui avaient parmi d’analyser tout ce qui se trouvait autour de lui, alors, inconsciemment c’est ce qu’il faisait dans la vie de tous les jours.
Lorsqu’elle annonce que sa sœur est trop jeune pour s’y intéresser il rit avant d’hausser les épaules. Il comprend mais surtout se demande quel âge à Heïana alors, parce qu’elle a tout de même l’air assez jeune pour louer des biens ce qui le met un peu mal à l’aise. Mais Archi est bien trop poli pour lui poser la question, voyons, depuis petit on lui répète : Archibald, on ne demande pas son âge à une dame. Et il avait bien appris la leçon, un garçon modèle quand il le désirait. Un garçon qui restait dans les normes, dans les règles, droit dans ses bottes. Souvent il avait envie de dépasser les règles, faire des choses interdites mais tout seul impossible qu’il passe à l’action, membre de la police exemplaire.
« C’est drôlement bien en tout cas, de se charger de ça. Je tire mon chapeau. » rétorqua Archibald tout en la gratifiant d’un revers de tête qui signifiait qu’il était véritablement impressionné par le courage de la demoiselle. Les mains dans les poches, il s’avançait dans la rue aux côtés de la tahitienne. Évidemment qu’elle aimait les sushis, tout le monde aime ça ce qui est assez étonnant quand on pense au fait qu’il s’agit de poisson cru. Ford regarde autour de lui, ses yeux se perdent sur ce paysage urbain qui reste néanmoins très chatoyant. La question que lui pose la jeune femme est assez compliquée tant son métier lui parait vague pour le moment. « Je dois t’avouer que ce n’est pas vraiment comme dans les séries malheureusement. C’est très différent du système américain. Je peux, en effet, aller sur les scènes de crimes ou sinon je bosse en interne. On m’a dit que je pouvais être amené à faire le négociateur de temps en temps au fil de ma carrière ce qui est aussi intéressant. Mais la plupart du temps c’est de l’analyse du comportement, des trucs comme ça. » expliqua le jeune agent de police tout en repensant à ses premiers pas au sein de la brigade. « Au départ, je ne servais qu’à distribuer le café… Maintenant je bosse sur la plus grosse affaire. Grâce aux petits détails qu’on retrouve on peut vite cerner le personnage ce qui nous fera remonter à lui. C’est un métier compliqué. » il soupire, « En ce moment je réfléchis énormément à la récidive également. C’est beaucoup de réflexion, on détermine énormément les causes, le pourquoi du comment… Par exemple, le contexte familial est très important et la façon dont la personne traite les animaux peut en dire long. »
Les deux orbes bleues du jeune garçon se posèrent sur la vitrine du japonais ce qui le fit presque baver, comme s’il n’avait pas mangé depuis deux semaines. Les saveurs asiatiques lui avaient énormément manqué. Ils pénétrèrent dans le restaurant et trouvèrent une table pour deux assez rapidement. « Et toi, parle-moi de ton métier. » c’est toujours intéressant d’écouter quelqu’un parler de son métier, la passion partagée lors du temps de parole est une chose dont Archi ne se lassera jamais. Puis ça permettra aux deus jeunots de patienter, le serveur avait l’air de crouler sous les commandes…
La brune rougit légèrement face au compliment d'Archibald, et se tira de sa confusion par un rire léger, la gêne faisant place à l'amusement. Cela n'a rien d'extraordinaire; ce n'est que de la gestion de patrimoine, et beaucoup de relationnel. Merci pour l'ovation, en tout cas. Les deux jeunes gens remontèrent tranquillement les rues adjacentes à l'appartement dans lequel le brun s'installerait sous peu, à la recherche d'un sushi qu'Heïana connaissait bien. Elle écoutait en même temps son interlocuteur, qui lui expliquait en quoi consistait son métier. Bien évidemment, il détruisit le cliché de la série policière américaine dans laquelle le criminologue allait toujours sur d'horribles scènes de crimes et dressait tout aussi rapidement le portrait-type de celui qui avait commis l'acte terrible exposé en début d'épisode. En revanche, certains mots qu'il utilisa surprirent la jeune femme, qui demanda avec une curiosité toute intellectuelle: Par exemple, à l'issue du temps qu'on passe ensemble, tu serais capable de définir une partie de mon caractère, de mes goûts et caetera en m'ayant analysée ? Si c'était cela, ce serait véritablement incroyable et fascinant aux yeux de la brune qui adorait en savoir toujours plus sur tout ce qui l'entourait, de la plus petite coccinelle aux tréfonds du subconscient de l'être humain. Elle se doutait cependant que ça ne devait pas être si simple, et que ce n'était pas en quelques heures passées dans un contexte de détente que le criminologue pouvait être capable de définir totalement un profil psychologique. A moins d'être un véritable génie, ce qu'Heïana ne lui retirait pas; après tout, elle ne le connaissait pas assez pour en juger. Lorsque le jeune homme parla de récidive, là aussi la métisse l'écouta avec attention; plus il parlait, et plus son discours l'intéressait. Pourtant, dans une même famille, avec la même éducation, les caractères diffèrent beaucoup non ? Donc à quel point peut-on prendre en compte l'entourage et les conditions d'existence ? Il ne s'agissait pas là de remettre en cause ce que l'expert - bien plus qu'elle - lui expliquait, mais simplement de creuser et d'essayer d'en comprendre un peu plus sur la chose. Car tout de même, on a chacun notre responsabilité personnelle, ajouta Heïana pour préciser sa pensée.
Ils entrèrent finalement dans le restaurant choisi par la demoiselle, mais étant donné qu'il était déjà treize heures, les serveurs semblaient bien occupés. Qu'importe, ils avaient tout leur temps, raison pour laquelle ils s'étaient décidés à flâner et à prendre leur après-midi pour mieux se connaître après tout. Rapidement, quelqu'un de l'établissement vint s'excuser pour l'attente prévue et leur déposa une carafe d'eau, les menus ainsi que quelques chips de crevette, afin de les faire patienter. Service toujours aussi attentionné, commenta Heïana avec approbation; après tout, ils auraient très bien pu les laisser dans leur coin jusqu'à être assez disponibles pour véritablement venir prendre leur commande. Elle piqua une chips translucide et croqua dedans avec gourmandise, alors même qu'Archibald lui demandait de lui parler de son métier. La brune termina sa bouchée avant de répondre, après tout, elle aussi était une personne bien élevée: Je suis sage-femme depuis deux ans. Je travaille actuellement au St Vincent Hospital, mais j'ai fait mes études à Tahiti. Je pense que c'est un métier un peu moins "mystérieux", à ces mots elle fit le signe des guillemets avec ses doigts, que celui de criminologue. Mais si tu as des questions, je serai ravie d'y répondre !
Quand même, rien d’extraordinaire ? Elle était en train de se sous-estimer, là. Pourtant, Archibald n’allait pas insister il n’avait pas envie de passer par ce que l’on peut qualifier de « forceur ». Il se contenta alors de secouer nonchalamment la tête de droite à gauche avec un petit sourire qui signifiait qu’elle pouvait dire ce qu’elle voulait, il resterait accroché à ses positions sans se battre pour les défendre.
Heïana tirait rapidement ses conclusions, ça par exemple, il l’avait remarqué sans même tenter de l’analyser. Son boulot prenait une grande place dans sa vie et ce n’était pas forcément handicapant, le seul problème c’était qu’il était compliqué de relâcher parfois la pression. Il humecta ses lèvres avant de répondre à sa question « Disons que oui et non, je pense. Parfois j’analyse sans même m’en rendre compte mais c’est plus compliqué que ça et je pense qu’il faut plus qu’une simple entrevue. » rétorqua le jeune homme, « Dresser un portrait psychologique non, trouver quelques petits tics, c’est faisable. »
L’intérêt que portait la jeune femme à son métier était flatteur. Il aimait les gens qui s’intéressaient aux choses qui les entourait, comme lui et elle en faisait partie. Peut-être même qu’il trouverait une amie en la propriétaire de son nouvel appartement ? « Alors, oui, effectivement les caractères diffères et c’est justement sur ça que l’on cible. Le facteur familial peut pousser ce genre d’actes et de déviance mais il y a également le mental de la personne. Si le mental est déjà peu stable et si le contexte familial n’est pas le meilleur, la personne peut vriller. Dans un cas d’un enfant instable dans un bon contexte je pense qu’on peut le sauver mais il faut faire attention. Ça me rappelle un de mes stages… un enfant de policier, adopté, avaient complétement vrillé alors qu’il était dans un bon contexte familial. Il avait vrillé car déjà instable, s’était retrouvé avec des jeunes de son âge qui l’on poussé. Je pense qu’il y a forcément un élément déclencheur, pas forcément la famille mais il y a toujours cette petite chose qui poussera la pathologie pour qu’elle prenne entièrement place. Pour moi, c’est ça. J’aime espérer que les gens développent cela à cause d’eux et de facteurs extérieurs et ne naissent pas comme ça… » annonça Ford, passionné par ce qu’il racontait.
Dans le restaurant, il arrêta totalement les grands gestes. Parce que oui, quand il partait dans des explications, Ford ressemblait toujours à un professeur de faculté complétement surexcité par le café qu’il ingérait à chaque pause. « Parfait ! » annonça le plus âgé avant de sourire doucement et de s’asseoir. Il attrapa également une chips avant de croquer dedans.
« Moins mystérieux mais tellement plus beau. Tu aides à donner la vie, tu te rends compte à quelle point c'est fantastique ? Ça ne doit pas tous les jours être facile quand même. T’as l’air d’être une jeune femme courageuse en tout cas. »
Il fronça les sourcils quelques secondes avant de redresser immédiatement la tête : « Il y a une question totalement idiote que je me suis toujours posé. C’est vrai que si on appuie sur la fontanelle d’un bébé, c’est dangereux ? »
Alors là, elle ne devait sûrement pas s’y attendre. Puis, il releva la tête vers le serveur qui venait d'arriver. Galant, il laissa la jeune femme commander avant lui. Bon appétit !
Heïana but littéralement les paroles de son très-bientôt-locataire. Il était très intéressant, et la jeune femme, naturellement curieuse, s'était toujours intéressée au domaine de la psychologie. Peut-être se serait-elle dirigée vers cette branche, si sa vocation pour la maïeutique ne s'était pas déclarée dès le début de son adolescence. Dans tous les cas, avoir des clefs de psychologie pourraient toujours l'aider dans le cadre de son travail, envers les futurs parents, les plus expérimentés, pour ses relations avec ses collègues proches ou lointains... Autant utiliser tout ce qui était bon à prendre. Quand le côté pratico-pratique rejoint l'envie toute théorique d'en savoir plus, c'est quand même idéal, non ? Ainsi, ce fut sans piper mot qu'elle écouta l'exposé d'Archibald sur ce qu'on aurait pu qualifier de prédestination et de libre choix de chacun, selon ses conditions d'existence. C'était véritablement passionnant, à vrai dire. Elle ajouta après un instant de réflexion: Ton exemple me fait penser à un cas que j'ai connu. Deux enfants, adoptés aussi; les deux, adultes aujourd'hui, connaissent d'assez importantes difficultés sociales, l'un ayant même développé une maladie mentale. Schizo... pas phrène, mais je ne me rappelle plus du complément exact. Et quand il a découvert cette maladie, lors de son adolescence, il a plongé dans la drogue un moment. Aujourd'hui, il va mieux, étant sevré de cela et prenant des médicaments. C'est limite s'il n'est pas mieux intégré au monde actuel que sa soeur qui elle, est très très isolée. Comme quoi, les variations sont infinies, conclut la Tahitienne, songeuse. La jeune femme parlait pour sa part beaucoup avec les mains, mais était moins des les gestes quasi-théâtraux d'Archibald, qui lui avaient tiré un sourire amusé par ailleurs, sans qu'elle ne les commente pour autant.
La brune rougit devant la petite avalanche de compliments dont la submergea son interlocuteur lorsqu'ils abordèrent le sujet de son travail, déviant un peu sur sa personnalité. Merci, répondit la Tahitienne, avant de revenir sur son travail lui-même: En effet, j'ai conscience de la beauté de ma profession. C'est d'ailleurs ce côté un peu incroyable, cette magie d'aider à donner la vie, qui m'a attirée en premier lieu. Mais effectivement, ce n'est pas tous les jours ambiance paillettes et confettis, avoua finalement Heïana. Enfin, ça fait partie du job, et ma responsabilité est de faire au mieux pour tous.
La maïeuticienne bloqua une seconde avant d'éclater d'un rire léger et bref face à la question d'Archibald. Ce n'est pas idiot, mais c'est bien la première fois que l'on me demande cela de prime abord ! confessa la métisse en reprenant son sérieux. Après un instant de réflexion, Heïana répondit, choisissant des termes assez précis sans être trop compliqués, quoi qu'elle ne doute pas de la capacité de réflexion du garçon face à elle: Non, ce n'est pas véritablement dangereux. Les fontanelles - car il y en a une à l'avant, la plus connue, mais aussi une autre à l'arrière du crâne - existent pour faciliter le passage du bébé lors de l'accouchement, et pour permettre au cerveau de se développer correctement. C'est plus résistant que ça en a l'air; mais il est vrai que ça reste sensible, il ne faut donc pas appuyer trop fort dessus. Au final, quand une anomalie apparaît sur une des fontanelles, c'est avant tout le symptôme d'un souci - comme une déshydratation - plus que la conséquence d'avoir appuyé dessus. La brune finit ainsi son exposé par une question, assez étonnée malgré tout: Je ne pensais pas qu'un jeune homme hors du métier saurait ce qu'est une fontanelle. Tu l'as appris via tes études ?
Lorsque le serveur arriva, elle commanda un chirachi de saumon, thon et daurade, avec une soupe miso en plus. Simple, efficace et tellement savoureux. Pas de boisson, merci; l'eau suffirait bien. Puis, elle laissa Archibald commander à son tour. Moins de dix minutes après, leurs plats étaient servis. Bon appétit !
Spoiler:
Je suis ravie que notre RP ait repris . Deux options se posent à nous: soit le poursuivre, soit le clôre et en lancer un nouveau ! Qu'en penses-tu ?