Hold on, we're going home ◊ Yasmine & JustineJustine était de garde pour l’après-midi aujourd’hui, et elle terminait sa journée à 19h. Elle avait eu la joyeuse surprise de retrouver Yasmine dans son service qui était venue faire du bénévolat auprès d’un patient dont la famille vivait assez loin. Ce petit garçon avait été hospitalisé à Brisbane car c’était le seul hôpital d’Australie qui proposait le traitement qui lui était nécessaire, et de ce fait sa famille n’était pas présente tous les jours, uniquement lors des week-ends. Le service avait décidé de mettre en place un roulement de bénévoles pour lui tenir compagnie tous les après-midis, et jusque ici cela lui avait fait beaucoup de bien. Aujourd’hui c’était la belle brune qui était à ses côtés et Justine ne doutait pas que le petit bout allait être chouchouté. Elle n’avait malheureusement pas énormément de temps à passer avec eux, le service étant complet, mais elle s’était assurée de passer une tête dans la chambre pour saluer son amie et lui proposer de s’attendre à 19h. L’après-midi défila rapidement, c’était toujours le cas lorsqu’il y avait du travail. Yasmine était devant la salle de repos, attendant la blonde pour aller aux vestiaires et s’en aller. Elle lui fit signe en levant ses papiers qu’elle devait faire le rapport aux infirmières de nuit et qu’elle arrivait. La brune lui sourit en hochant la tête, et attendit patiemment. Justine raconta son couloir à ses collègues, n’oubliant pas d’évoquer la nouvelle entrante : une jeune fille de 14 ans qui avait une leucémie et qui était hospitalisée pour suivre une chimiothérapie. Elle devait être à jeun pour la première le lendemain matin et la blonde le rappela pour éviter que ce ne soit oublié. Elle dit au revoir à tout le monde et rejoignit Yasmine dans le couloir « Merci de m’avoir attendue ! Alors c’était comment avec Jasper ? ». Le garçon était vraiment adorable, et très bavard également. Il avait peu de visites alors il profitait de la moindre présence pour s’éparpiller sur une tonne de sujets différents. Il était très intelligent, et s’intéressait à des tas de choses. Les deux femmes commencèrent à marcher dans le couloir, se dirigeant vers les ascenseurs. Justine appuya sur le bouton -1 qui était l’étage des vestiaires « Mon dieu j’ai vraiment hâte de rentrer et me glisser sous une bonne douche chaude… Tu travailles demain ? ». Elles rentrèrent dans l’ascenseur, accompagnées de deux docteurs qui finissaient également leur journée « Bonsoir ! ». Justine leur sourit, elle avait l’habitude de parler à toute personne qu’elle croisait, et dire bonjour était la moindre des politesses à ses yeux.
Le pied droit posé sur le mur, Yasmine battait la mesure avec le talon de sa basket. Le menton reposant contre sa poitrine, elle fronça les sourcils en répondant rapidement au dernier texto de Sloan. Il lui proposait de faire partie de l'équipe médicale du tournoi de boxe qui se déroulerait à l'Hibiscus Sports ce soir – ce qu'elle refusa sans démontrer la moindre hésitation, déterminée à mettre rapidement un terme au débat auquel il la contraignait. Il avait beau lui reprocher pour la énième fois sa curieuse absence du club de boxe, la jeune femme ne se laissa pas attendrir par la ribambelle d'emojis suppliants dont il usa comme dernière tentative vaine pour la convaincre de venir. Elle lui manquait, disait-il, omettant qu'ils s'étaient vus la veille, s'étant fixés un rendez-vous chez leur glacier attitré pour débriefer de leur longue semaine respective en se gavant de sucre comme ils en avaient pris l'habitude depuis presque un an auparavant ; il n'avait pas manqué l'occasion de lui demander de nouveau son ressenti à propos de son examen d'admission, ce à quoi elle lui avait répondu qu'elle aurait les résultats à la mi-novembre officiellement, et qu'elle n'avait pas envie d'en parler. Cela dit ça la touchait peut-être un peu de constater qu'elle avait pris autant d'importance dans la vie de son ancien collègue de travail, elle n'avait cependant pas envie de faire cet effort pour lui à ce moment précis. En fait, elle n'avait pas envie de faire d'effort pour qui que ce soit d'autre si ce n'était pour les petits patients avec lesquels elle avait passé la journée d'aujourd'hui. Alors, le visage fermé, elle rangea son téléphone portable dans la poche arrière de son jean plus serré que d'ordinaire, ne prenant pas la peine de le mettre en veille, fatiguée d'être constamment obligée de se justifier. Non, son humeur ne s'était pas arrangée, mais elle se força à faire tout comme, distribuant quelques sourires pleins de fossettes aux internes qui passèrent à proximité. Une fois qu'ils disparurent de son champ de vision, elle détourna la tête, la laissant reposer contre le mur. Puis, elle leva les yeux au plafond pour affronter de plein fouet la lumière crue des néons ; ses paupières se rapetissèrent, le temps qu'elle fasse rapidement le point sur la journée qui venait de se dérouler. Justine ne tarderait plus à arriver maintenant. Au milieu de l'après-midi, pendant que Yasmine était en train d'asseoir son statut de grande championne de Uno qu'elle s'était elle-même attribuée à force de laminer quiconque osait s'opposer à ses stratégies imparables, elles avaient convenu de s'attendre pour faire le chemin du retour ensemble. Elle n'était pas très encline à sociabiliser ces derniers temps, Yasmine devait toutefois avouer que la perspective de se trouver en compagnie d'une aura aussi douce que celle de la jeune femme l'avait rendue impatiente d'en avoir terminé. Elle ne supportait pas grand-monde ces derniers temps, partager une conversation avec quelqu'un de plus de 10 ans ne devrait pas représenter une épreuve trop pénible non plus, d'autant que Justine faisait partie des collègues avec lesquels elle aimait échanger, sincèrement. Elles ne travaillaient pas dans le même service, elles avaient suffisamment d'atomes crochus pour apprécier de se croiser de temps à autre, même si ce n'était qu'une minute ou deux – et puis leurs connaissances communes appuyaient l'idée que, bien qu'elles ne se connaissaient pas tout à fait, elles s'entendraient probablement à merveille si elles creusaient un peu du côté l'une de l'autre. Et pourquoi pas après tout ? Peut-être que le moment était venu pour Yasmine d'étendre son cercle de connaissances… encore fallait-il qu'elle y consente, mais étant donné son état d'esprit, il valait sans doute mieux qu'elle l'envisage pour un autre moment. Trop tard cependant, la voix de Justine se fit entendre.
"Il m'en a voulu à mort de ne pas l'avoir laissé gagner au moins une fois au Uno." lui répondit-elle en se décollant lentement du mur. Elle adressa un sourire à la jeune femme, alterna la position de ses longs cheveux bruns d'une épaule à une autre en y passant une main baguée et habituée, et ajouta en prenant son chemin en sa compagnie "Je lui ai donné la raclée de sa vie, t'aurais dû voir ça. Je sais, ça fait de moi un monstre, mais c'est le jeu aussi." fit-elle avec fausse vanité, haussant les épaules avec une nonchalance un peu surjouée, puis roulant des hanches en donnant l'impression d'exagérer un peu ses victoires pour faire la blague ; et c'était le cas, puisqu'ils avaient cessé de jouer assez tôt, le petit Jasper préférant questionner la jeune femme sur les bagues qu'elle portait aux doigts, sur une en particulier, un souvenir du Niger qu'elle avait dégoté sur la place du marché. Il avait voulu tout savoir sur le voyage qu'elle y avait fait, partageant avec elle ses grands rêves d'évasion tandis qu'il avait passé une bonne partie de sa jeune vie sur un lit d'hôpital. C'était pour cette raison qu'elle aimait tant faire du bénévolat dans ce service : elle en apprenait toujours beaucoup en termes de force et de courage auprès des enfants et des adolescents qu'elle côtoyait, de quoi la faire relativiser sur ses propres problèmes qui ne méritaient même pas qu'elle en parle en vérité. Elle laissa Justine appuyer sur le bouton d'appel de l'ascenseur, opinant du chef lorsqu'elle en vint à lui demander si elle travaillait demain "Dès 7 heures, si. On change pas les bonnes habitudes." Une ironie qu'elle agrémenta d'un grand sourire qui, en même temps, lui permit de saluer les médecins qu'elles rejoignirent en entrant dans l'ascenseur. Retenant la bretelle de son sac, elle se glissa dans le fond, slalomant habillement entre les deux hommes tout en demandant à Justine "A part la bonne douche chaude dont tu rêves, t'as pas de projets pour la soirée ?" Elle s'appuya contre la paroi de l'ascenseur, attendant qu'il démarre, elle tourna la tête en direction de la jeune femme "On est vraiment tous pareils." Sous-entendus qu'en dehors de l'hôpital, ils avaient tous du mal à décrocher pour prendre un peu de temps pour eux et souffler – ce qu'elle aurait pu faire en acceptant de rejoindre Sloan à l'Hibiscus Sports. Mais pour l'heure, la perspective de retrouver le confort de son nouvel appartement était plus tentante que de regarder des armoires à glaces se taper dessus pour le plaisir. Les rafistoler avec de la colle cutanée était sans doute plus réjouissant que de s'enfoncer dans les méandres de ses pensées, seulement ça lui éviterait aussi d'avoir à tomber sur Edge. Dans le fond, c'était là l'unique raison pour laquelle elle avait refusé la proposition de Sloan ; elle pressentait de ne plus être la bienvenue dans le fief du jeune homme, alors au lieu d'en avoir la confirmation en direct, très peu motivée à cette idée, elle préférait prendre les devants pour s'éviter d'avoir à subir les retombées de leur dernière conversation.
Dernière édition par Yasmine Khadji le Ven 11 Oct 2019 - 11:35, édité 1 fois
Hold on, we're going home ◊ Yasmine & JustineJustine et Yasmine ne se voyaient que très peu en dehors du cadre de l’hôpital. Elles n’en étaient pas arrivées au stade de s’organiser des sorties toutes les deux, bien que l’entente était vraiment bonne entre elles. La blonde n’avait pas un grand nombre de personnes qu’elle considérait comme des vrais amis. Elle estimait que les amis fidèles seraient ceux qui resteraient en contact avec elle si jamais elle décidait de déménager à l’autre bout de l’Australie, et quand elle tentait de se faire le scénario dans sa tête, il n’y avait pas grand monde. Pourtant elle ressentait que la brune faisait partie des personnes qu’elle aimerait avoir dans sa vie, qu’elle aimerait qualifier d’amie un jour. C’était tout simplement une intuition et le plus souvent, elle n’avait pas tort quand elle l’écoutait. Quand elle avait vu sur le planning des bénévoles que le prénom Yasmine était inscrit pour l’après-midi, elle était plus joyeuse à l’idée de travailler. Bien-sûr, avec tout le travail qu’elle avait, elle n’avait pas eu le temps de réellement passer du temps avec elle, mais elle lui avait quand même proposé de s’attendre à 19h pour faire quelques minutes de trajet ensemble. Elle avait ensuite passé le reste de l’après-midi à courir dans le couloir blanc. Ils avaient eu un nouvel entrant qui était très instable et qui avait souvent besoin d’oxygène pour ne pas s’essouffler et partir dans une détresse respiratoire. Elle l’avait aidé à installer le masque sur son visage, et revenait régulièrement vérifier sa saturation pour ajuster le dosage d’oxygène. Il avait finalement réussi à se calmer et à s’endormir, et sa saturation s’était stabilisée alors elle avait continué à la vérifier moins régulièrement pour le laisser se reposer. Elle avait également du aider à nettoyer une flaque de sang, et changer les draps d’une petite fille qui avait eu l’excellente idée d’arracher sa perfusion. Malgré les visites des familles l’après-midi, les enfants avaient toujours des requêtes et ne manquaient pas de sonner à plusieurs reprises pour faire leurs demandes. Justine s’était donc retrouvée à devoir aller nombreuses choses, que ce soit des médicaments à la pharmacie du -2 ou des vases dans la réserve de l’étage. Ses collègues et elles avaient donc commencé le rapport plus tard que d’habitude, et Justine fut obligée de faire attendre Yasmine. Elle sortit du bureau, après avoir souhaité bon courage aux infirmières de nuit et dit au revoir aux autres. Elle s’approcha de Yasmine qui s’était appuyée contre le mur pour l’attendre "Il m'en a voulu à mort de ne pas l'avoir laissé gagner au moins une fois au Uno.". La blonde lui sourit, ça ne l’étonnait pas de ce petit garçon, qui avait déjà démontré à plusieurs reprises son côté mauvais joueur « Il n’est pas un grand fan de défaites… Je serais curieuse de savoir si tu as triché pour gagner autant ! ». Elles commencèrent tout doucement le chemin qui les menait aux ascenseurs "Je lui ai donné la raclée de sa vie, t'aurais dû voir ça. Je sais, ça fait de moi un monstre, mais c'est le jeu aussi.". Elle rit légèrement en observant la démarche de la jeune femme, qui surjouait un côté prétentieux « J’espère qu’il ne t’en voudra pas trop longtemps quand même ! ». Elles s’approchèrent de l’ascenseur et Justine enfonça le bouton d’étage en demandant à Yasmine si elle revenait à l’hôpital demain. La brune travaillait aux urgences, dans le même service qu’Isaac, mais était quelques fois de passage en pédiatrie en tant que bénévole. En associant les deux, elle n’avait pas un emploi du temps facile, et Justine admirait son courage et sa façon de gérer ses deux aspects là de sa vie "Dès 7 heures, si. On change pas les bonnes habitudes.". Justine ne put qu’approuver, demain elle commençait également à 7h. Elle sentait la journée chargée arriver, d’autant plus qu’il n’y avait eu aucune sortie du service aujourd’hui, alors il serait bien rempli demain matin. L’inconvénient de travailler aux urgences, c’est que d’une journée à l’autre, c’était impossible de prévoir la charge de travail. Tout pouvait arriver, et les patients pouvaient se multiplier très rapidement « Eh oui… En tout cas je te souhaite bien du courage, je crois que je n’aurai pas pu me spécialiser en urgences… ». Elle n’avait pas les qualités requises pour ce genre de services, le stress et la pression étaient encore plus élevés là-bas et elle avait du mal à garder toute sa tête et ses capacités dans ses situations. Elles s’enfoncèrent dans l’ascenseur, saluant au passage des médecins "A part la bonne douche chaude dont tu rêves, t'as pas de projets pour la soirée ?". La blonde secoua la tête, il est vrai que quand elle finissait aussi tard, elle avait tendance à rentrer chez elle et juste se détendre, surtout quand elle reprenait le lendemain aussi tôt. D’autant plus qu’elle n’avait personne qui l’attendait chez elle, donc elle savait très bien qu’elle passerait la soirée en tête à tête avec Merlin, son petit chat « Non rien de prévu, si ce n’est un bon film ! D'ailleurs si tu as quelque chose à me conseiller je suis preneuse... Et toi, des plans ? ». Elle se retourna vers elle, attendant sa réponse "On est vraiment tous pareils.". La blonde sourit en hochant la tête. C’est vrai que c’était difficile de se lancer dans des projets quand les horaires étaient aussi chargés. Justine essayait quand même de diversifier ses passe-temps quand elle avait des jours de repos. Elle alternait activités sportives, activités artistiques et autres… La dernière au programme était un cours de yoga, qu’elle avait particulièrement apprécié « Oui c’est clair, mais comment veut-tu avoir une vie active quand tu finis à des heures pareilles et que le lendemain tu dois revenir à 7h… Parfois j’ai l’impression que je suis tout le temps à l’hôpital. ». Avec la nuit qu’elle passait à dormir, les quelques heures qui lui restaient chez elle passaient très vite, et elle avait l’impression d’avoir seulement une grosse pause avant de reprendre. L’ascenseur arriva à l’étage des vestiaires et les deux femmes en sortirent. Elles marchèrent vers la porte que Justine ouvrit avec son badge, et garda la porte ouverte pour laisser la brune entrer. Elle marcha vers l’allée où se trouvait son casier « Rien de mieux que d’enlever cet uniforme… J’ai toujours l’impression de sentir l’hôpital, pas toi ? ». L’odeur avait l’air de s’infiltrer dans les pores de sa peau, d’imprégner ses cheveux et elle détestait ça « Tu prends une douche ici toi ? ». Elle savait que certaines personnes préféraient se doucher ici donc elle préférait lui demander.
Yasmine tricher ? Jamais de la vie, et d'ailleurs, peut-être bien qu'elle aurait dû se sentir un chouïa vexée des accusations à peine voilées de la blondinette sur son excellent score au Uno. Mais non, ce n'était définitivement pas dans sa nature de mal prendre une boutade, aussi sourit-elle largement en laissant planer le mystère. Choisissant par la même de rejoindre l'ascenseur en compagnie de sa collègue, elle abandonna dans un coin reculé de sa tête l'ordre de ses priorités, laissant de côté ses longues tirades intérieures sur la façon dont elle occuperait sa soirée pour s'intéresser à celle de la jeune femme qui lui présenta ses félicitations à propos de son poste aux urgences. Ils partageaient tous un peu le même train de vie en définitive, mais certains étaient encore plus dévoués que d'autres. Durant ses études, même si elle avait longtemps regretté de ne pas avoir pu rejoindre l'école de médecine, son parcours s'était déroulé sans anicroches, si bien que rejoindre le service des urgences avait été une véritable évidence pour elle. Ses camarades de classe s'étaient attendus à ce qu'elle veuille travailler en pédiatrie, tout comme Justine, mais il s'était avéré qu'elle s'était montrée particulièrement efficace dans la gestion de l'urgence durant ses stages et que les compliments qu'elle avait reçu en conséquence l'avait beaucoup aidée à asseoir son envie de faire partie de ce service-là. Elle y était chez elle depuis près d'une dizaine d'années maintenant ; bien qu'elle passait tout autant de temps dans le service de pédiatrie, s'y rendant départie de la blouse d'infirmière qui la caractérisait d'ordinaire, délaissant rien qu'un temps son statut de soignante pour apporter un peu de soleil aux enfants qui étaient traités ici. Ils voyaient des médecins et des infirmiers toute la sainte journée, alors comme une faveur qu'elle leur accordait pour mieux apaiser le stress et l'angoisse d'être coincés dans un lit d'hôpital, s'était apprêtée comme dans sa vie de tous les jours que Yasmine leur rendait visite. Elle s'était fait tirer les bretelles plusieurs fois à ce sujet, mais elle s'obstinait parce qu'elle se mettait à leur place : elle savait qu'elle-même n'aimerait pas qu'on vienne lui faire la lecture accoutré comme un annonciateur de mauvaises nouvelles… c'était probablement ce qui faisait son succès auprès des jeunes, cette façon qu'elle avait de se présenter à eux comme l'une des leurs, et pas uniquement comme un membre du corps médical.
"Tu me demandes des conseils en matière de cinéma ?" s'amusa-t-elle, un sourcil un accent circonflexe "Je suis restée bloquée dans les années 80, alors si tu veux éviter que je te sorte les classiques, je te conseille de t'en référer à Google pour trouver quelque chose de plus récent à te mettre sous la dent. Crois-moi, c'est plus sûr." finit-elle avec un léger sourire, déjà prête à dégainer son avis très tranché sur la trilogie des Back to The Future, et à fièrement déclamer que le deuxième est, et restera, le meilleur. Elle laissa un tout petit rire s'échapper de ses lèvres, puis elle prit une courte inspiration tout en jetant un regard furtif au cadran de l'ascenseur qui indiquait les étages atteints, et enfin elle opina négativement du chef en poursuivant sur le même ton "J'ai pas prévu grand-chose. Manger un truc reste le seul plan qui me vient en tête là, tout de suite… pour le reste, ce sera de l'improvisation totale. Mais puisqu'on y est, j'accepte volontiers les recommandations, moi aussi." Finalement, peut-être qu'elle appellerait Sohan pour qu'ils s'adonnent à leur traditionnelle séance de footing – une rumeur courrait à propos des bienfaits du sport sur la rage contenue et les regrets, alors qui sait, peut-être se laisserait tenter pour se défaire du nœud qui lui obstruait la gorge et l'estomac. Pour l'heure, elle n'était pas encore tout à fait sûre de la meilleure façon pour elle d'occuper son temps libre, un sentiment partagé avec sa collègue sur qui elle posa un regard que l'approbation fit briller "En même temps, on sait dans quoi on s'embarque quand on choisit une carrière comme la nôtre." Elle, elle s'apprêtait à définitivement planter sa tente dans les hôpitaux, sa reprise d'études lui assurant de faire partie des murs aussi longtemps que sa santé le lui permettrait – longtemps, si on considérait sa bonne forme… physique, tout au moins. Elle laissa un autre sourire poindre lorsqu'elles sortirent de l'ascenseur en duo, saluant de nouveau les médecins qui avaient suivi leur conversation d'une oreille distraite. Elle suivit Justine jusqu'aux vestiaires dans lesquels elle entra sans demander son reste, puis elle s'installa sur le banc central. N'ayant pas besoin de fourrager dans son casier, déjà pourvue de tout ce dont elle avait besoin pour s'en aller, elle suivi du regard les mouvements de Justine qui reprit la parole ; de nouveau, elle était d'accord avec elle ce qui la fit hocher la tête en grossissant un peu les yeux. L'odeur de l'hôpital, c'était pour cette raison qu'elle se parfumait autant – Sloan avait l'habitude de dire qu'on sentait Yasmine arriver plus qu'on ne la voyait arriver, son parfum vanillé la précédant dès qu'elle s'apprêtait à rentrer dans une pièce, et laissant un fumet sucré qui collait bien à ses origines et à sa personnalité ; c'était toujours mieux que l'odeur de désinfectant, de maladie, de sang – et parfois de mort, malheureusement "Je me douche ici en général, ça m'aide à déconnecter du boulot avec un petit temps d'avance." avoua-t-elle en rassemblant ses longs cheveux sur tout un côté de son épaule. Elle commença à les tresser sans y penser vraiment, et ce tout en disant à la jeune femme "Je peux t'attendre si tu veux filer vite fait sous la douche. Ça me pose pas de problème, vraiment." Qu'avait-elle de mieux à faire de toute façon ?
Hold on, we're going home ◊ Yasmine & JustineLes bénévoles qui venaient faire de la lecture ou jouer avec les enfants dans le service de pédiatrie était habituellement habillés avec un uniforme de l’hôpital, destiné aux bénévoles et d’une couleur différente de ceux du personnel infirmier pour les différencier. Yasmine ne suivait jamais cette règle et venait habillée comme elle le ferait dans la vie de tous les jours. Beaucoup de responsables avaient rouspété mais Justine trouvait que c’était une bonne initiative de sa part. Déjà, elle permettait aux enfants d’avoir l’impression de la connaître un peu plus, car sa personnalité était mieux exprimée avec ses propres vêtements, et en plus ça leur changeait de la monotonie des uniformes hospitaliers. Elle se souvient l’avoir déjà défendu face à sa chef, lui soulignant que Yasmine était certes infirmière, mais dans le cadre du bénévolat, elle ne posait aucun acte médical, elle ne touchait pas de matériel stérile, et elle restait quand même sérieuse en ne mettant pas des vêtements sales qui pourraient ramener des germes dans le service. Etant dans le milieu médical, elle avait bien conscience de la rapidité d’une contamination, et elle restait prudente tout en faisant les choses à sa propre sauce, et la blonde admirait secrètement son audace, elle qui était un peu plus effacée et dans les clous. Yasmine était différente de Justine sur plusieurs points, et c’était cette différence qui créait une admiration, et un respect pour la brune, qui pouvait se transformer en belle amitié à l’avenir. Justine demanda conseil à Yasmine sur son programme cinématographique de la soirée, ouverte à ses propositions "Tu me demandes des conseils en matière de cinéma ?". Elle observa la brune, qui semblait perplexe sur la question "Je suis restée bloquée dans les années 80, alors si tu veux éviter que je te sorte les classiques, je te conseille de t'en référer à Google pour trouver quelque chose de plus récent à te mettre sous la dent. Crois-moi, c'est plus sûr.". Elle lui sourit, prenant son conseil à la lettre. Elle avait déjà visualisé de nombreux classiques et elle préférait regarder de nouvelles choses plutôt que de se refaire des films. Ce soir elle avait envie de quelque chose de nouveau, pour pouvoir se faire un nouvel avis sur du jamais vu « Je vais me débrouiller alors, j’avais envie d’un truc inédit, que j’ai encore jamais vu ! Mais si un soir j’ai envie de me refaire des classiques, je saurai vers qui me tourner ! ». Un léger sourire et elle observe la lumière de l’écran de l’ascenseur changer au fur et à mesure qu’il descend "J'ai pas prévu grand-chose. Manger un truc reste le seul plan qui me vient en tête là, tout de suite… pour le reste, ce sera de l'improvisation totale. Mais puisqu'on y est, j'accepte volontiers les recommandations, moi aussi.". La blonde hocha légèrement les épaules, un sourire sur les lèvres « En terme de nourriture, là je peux te conseiller je pense, sauf si tu as déjà quelque chose de bien spécifique en tête ! Tu aimes cuisiner ? J’ai des recettes pas trop compliquées et assez rapides si tu veux. ». Justine adore cuisiner, et elle sait qu’elle a commencé avec des choses basiques, pour compliquer petit à petit, mais elle arrive généralement à trouver des recettes qui conviennent à tous les niveaux. Et dans leur cas, il faudrait également quelque chose qui ne prendrait pas des heures, car leurs estomacs risquaient de commencer à se faire entendre d’ici peu « Pour le reste du programme, moi je suis vraiment du genre à glander quand je reprends le lendemain matin… Donc film ou série, ou si tu as une motivation soudaine, une balade nocturne ? ». Elle hausse les épaules, après tout pourquoi pas ? Après manger, juste avant de se coucher, pour prendre un grand bol d’air frais et profiter une dernière fois de l’air extérieur avant de se coucher et d’enchaîner une nouvelle journée de travail au sein de l’hôpital "En même temps, on sait dans quoi on s'embarque quand on choisit une carrière comme la nôtre.". La blonde ne put qu’approuver, effectivement elle avait vu dès son plus jeune âge qu’une carrière dans le médical demandait beaucoup de sacrifices et de compromis. Elle avait vu ses parents sacrifier énormément de temps pour leur boulot, et elle faisait la même chose chaque jour « C’est clair… ». Elles marchèrent vers les vestiaires, se préparant à rejoindre la chaleur de leur domicile dans quelques minutes "Je me douche ici en général, ça m'aide à déconnecter du boulot avec un petit temps d'avance.". Elle hocha la tête, comprenant son raisonnement. Elle fouilla dans son casier, en sortant son jean et son chemisier qu’elle avait déposé plus tôt dans la journée "Je peux t'attendre si tu veux filer vite fait sous la douche. Ça me pose pas de problème, vraiment.". La blonde secoua la tête « Je suis pas fan des douches de l’hôpital, j’en prendrais une chez moi ! Je vais juste me changer, me recoiffer et me parfumer histoire de me débarrasser de cette odeur le temps du trajet. ». Elle sourit à la brune et retira le haut de son uniforme, le posant sur un banc le temps de finir de se changer. Elle saisit son déodorant dans la porte de son casier et s’en aspergea sous les aisselles avant d’enfiler son chemisier. Elle ferma les boutons et se retourna vers Yasmine « Sinon, en dehors du boulot, tout va bien ? Quoi de nouveau ? ». C’était bien beau de parler de l’hôpital, mais là elles avaient terminé leur journée et la blonde n’avait pas envie de continuer à parler boulot, elle avait besoin de cette séparation du boulot et de la vie personnelle, pour éviter de plonger dans un burn-out, qui était un problème très courant dans ce domaine.
"Je me débrouille derrière les fourneaux. J'ai pas beaucoup de temps pour me perfectionner, mais je sais plutôt bien me servir d'une poêle, c'est déjà ça." Yasmine n'osait pas imaginer la tête de sa pauvre maman si elle avait mise au monde une catastrophe culinaire ambulante. Elle s'était évertuée à apprendre les rudiments de la bonne cuisine marocaine, de la bonne cuisine tout court, à ses deux enfants qui lui rendaient plutôt bien aujourd'hui, même si elle n'avait que trop peu eu l'occasion de se rendre compte à quel point Sohan était doué à l'exercice et faisait honneur aux leçons qu'elle leur avait données. Une pensée furtive qui la plongea dans une réflexion qui le fut tout autant, mais qu'elle remisa dans un coin reculé de sa psyché pour se réinsérer tout naturellement dans la conversation, et s'amuser de la volonté pleine de bonhomie de sa collègue de lui trouver de quoi occuper sa soirée de libre "Je vais peut-être aller courir." finit-elle par concéder à voix haute, omettant volontairement de s'appesantir sur l'effet libérateur que lui procurerait cette escapade sportive. Ça lui semblait être une bonne idée finalement et qui sait, peut-être qu'elle s'épuiserait assez pour trouver le sommeil plus rapidement qu'à son habitude. Elle pouvait toujours y croire, ça ne faisait pas de mal, pas plus que de ressasser ce qui lui serrait le cœur depuis quelques temps ; et puisqu'elle ne pouvait pas boire pour espérer oublier toutes les choses odieuses qu'elle avait dites, il y avait des alternatives plus valables que d'autres pour se donner l'impression d'avancer dans la bonne direction.
Désormais assise sur le banc installé au milieu du vestiaire des infirmières, elle rassembla ses cheveux dans une natte tressée à la va-vite, les yeux levés vers Justine qu'elle écouta avec une attention toute singulière. Après un instant, elle prit l'excuse d'aller vérifier la bonne tenue de sa tresse dans le miroir de son casier histoire de lui laisser toute l'intimité dont elle avait besoin pour se changer, et fixa distraitement son propre reflet. Cernée, elle l'était bien trop souvent depuis son retour d'Afrique, et elle avait arrêté de s'en désoler. Elle se maquillait peu, reste que Clara et ses conseils en la matière étaient précieux, et qu'elle ne s'en sortait pas si mal en fin de compte. En revanche, ce qui la fit s'arrêter un instant sur ce qu'elle évitait de regarder trop longtemps d'habitude, c'était ce qui recouvrait ses yeux, altérant si subtilement leur couleur qu'elle était probablement la seule à pouvoir s'apercevoir que les sourires qu'elle répandait sans rien attendre en retour n'était pas aussi sincères qu'elle l'aurait souhaité, surtout ces derniers temps ; ça n'avait rien à voir avec la fatigue, c'était autre chose qui rendait aussi ses traits plus anguleux, beaucoup moins doux, et qui s'apparentait à une certaines formes de détermination – encore trop timide cependant pour qu'elle ose la laisser exploser. Ça viendrait, sans doute. Pour l'heure, elle referma la porte de son casier, s'intéressant de nouveau aux questions que sa collègue laissa fuser dans sa direction "En dehors du boulot ? On est censés avoir une vie ? Incroyable, personne ne m'avait jamais rien dit." fit-elle avec un petit sourire en biais tandis qu'elle poussa un léger soupir en se rasseyant à califourchon sur son banc. Elle regarda en l'air quelques instants, songeant aux différents sujets qu'elle évitait d'aborder avec ses proches pour les protéger, mais aussi pour sauvegarder un peu les apparences, et ne pas laisser éclater ses angoisses aux grands jours. Tant de choses se bousculaient dans ses pensées, elle en venait à se demander comment elle réussissait vraiment à tenir le coup en ce moment. Mais la plupart du temps, elle évitait de se féliciter d'être assez forte pour ne pas flancher. Elle n'était pas forte, elle était butée, trop pour ne pas se sentir lâche quand l'idée de se laisser-aller un peu lui frôlait brièvement l'esprit "J'ai passé l'examen d'admission à l'école de médecine il y a quelques jours." Ce n'était pas une grande nouvelle, le bruit courrait depuis plus d'un an dans les couloirs de l'hôpital – Molly ne savait pas garder sa langue, c'était un fait. Finalement, et ce alors qu'elle avait refusé d'en discuter avec quiconque depuis qu'elle l'avait passé, ce fût le sujet le plus évident, le moins intime qu'elle décida d'entamer avec Justine ; car autant elle pouvait accepter de dérouler ses états d'âme à ce propos, autant quémander son attention et se faire réconforter sur ses soucis relationnelles lui paraissait totalement exclu, en plus d'être d'une impudeur qui ne lui ressemblait absolument pas. Justine ne connaissait pas Edge, elle ne connaissait pas leur histoire… et loin d'elle l'idée d'acquérir un peu de validation en ce qui concernait la dispute qu'ils avaient eu : elle savait déjà qu'elle avait eu tort, alors à quoi bon espérer le contraire en grappillant des conseils à droite et à gauche ? On n'était pas dans une comédie-romantique insipide, aussi continua-t-elle sur la voie qu'elle avait empruntée, délaissant le reste le temps de se rengorger d'un peu d'air, et de débiter avec une assurance fragile dans la voix "Les résultats tomberont au mois de novembre. Je vis un peu au rythme des flashbacks de mon feuillet d'examen. Tu sais ? Est-ce que j'ai coché la bonne case, est-ce que j'ai suffisamment développé ? Ça plombe un peu mon rythme de travail, j'y pense sans arrêt." Ce n'était pas l'unique chose à laquelle elle pensait sans arrêt, mais Justine n'avait pas besoin de le savoir, définitivement. Et parce que c'était la seule façon qu'elle trouvait toujours de se départir d'une ambiance soudainement trop pesante pour ses nerfs à fleur de peau ces temps derniers, elle ajouta en espérant être assez drôle pour donner le change "Enfin bref. Si je termine dernière de la liste d'attente, je pourrais déjà m'estimer heureuse. C'est tout ce que je demande, pas plus." Son rire parut un peu nerveux, mais des fossettes se creusèrent tout de même dans ses joues, traduisant que ses dires étaient au moins de moitié sincères – même si dans le fond, elle savait qu'elle méritait mieux qu'une dernière place, elle avait beaucoup travaillé. Elle inspira profondément pour soulager la pointe qui se mit à lui chatouiller les côtes "Assez parlés de moi pour ce soir. Fais-moi rêver avec les détails croustillants de ta petite vie en dehors de cet hôpital… pense à ceux qui vivent par procuration, Justine." annonça-t-elle fièrement, inclinant la tête sur le côté en se désignant avec ses deux index bardés de bagues pendant que sa natte lâche dégringola de son épaule. Un autre sourire aux lèvres, elle termina en lui demandant "Mais j'y pense ; on te voit plus beaucoup aux urgences ces temps-ci. Toi qui étais toujours fourrée avec Isaac… tu nous manquerais presque." L'inspiration divine la frappa soudain – ou comment échapper habilement aux projecteurs braqués dans sa direction en une leçon ; une méthode masterisée par Yasmine qui ne sembla même pas désolée de s'y soustraire si soudainement, se sentant nettement plus confortable dans l'ombre.
Hold on, we're going home ◊ Yasmine & Justine"Je me débrouille derrière les fourneaux. J'ai pas beaucoup de temps pour me perfectionner, mais je sais plutôt bien me servir d'une poêle, c'est déjà ça.". La blonde lui adresse un sourire sincère, écoutant attentivement les quelques phrases de Yasmine. Il est vrai qu’avec un travail aussi prenant que celui d’infirmière, ça pouvait être compliqué de se trouver du temps pour se donner à des activités. La blonde se forçait à ne pas céder à l’appel du lit ou du canapé quand elle avait du temps libre. Elle voulait absolument faire des choses et ne pas passer son temps à alterner entre boulot et canapé « C’est déjà pas mal ! ». Elle avait appris à cuisiner majoritairement avec ses parents et avait décidé de suivre des cours dès le lycée pour se perfectionner et apprendre de nouvelles choses, que ses parents ne connaissaient pas forcément. Maintenant elle avait acquis un certain niveau, mais elle aimait se dire qu’il y avait toujours plus à apprendre, et elle sautait sur la moindre occasion d’agrandir ses connaissances "Je vais peut-être aller courir.". Justine hocha la tête. Elle admirait Yasmine pour sa détermination, car elle n’aurait pas le courage d’aller courir après une journée aussi longue, en sachant qu’elle reprenait le lendemain matin à la première heure. Elle faisait pas mal de sport également, allait régulièrement à la salle avec Adèle, mais jamais si tard « C’est pas une mauvaise idée ! Tu cours où généralement ? ». Si elle pouvait découvrir des nouveaux parcours de course, c’était toujours bon à prendre. Bien qu’elle adorait courir au bord de l’océan, elle était ouverte à de nouveaux paysages à ajouter à la liste. Justine se changea assez rapidement, laissant l’uniforme blanc et impersonnel pour enfiler ses vêtements. Elle était bien plus à l’aise dans son chemisier, et dans son pantalon que dans ces tenues beaucoup trop épaisses et complètement informes. Elle observa du coin de l’œil Yasmine qui se dirigea vers le miroir pour observer le résultat de sa coiffure "En dehors du boulot ? On est censés avoir une vie ? Incroyable, personne ne m'avait jamais rien dit.". La blonde rit légèrement, secouant la tête face à l’exagération de la brune. Il est vrai que c’était compliqué d’avoir une vie personnelle très remplie avec leur emploi du temps, et la blonde avait du mal à imaginer comment les infirmières avec une famille tenaient le coup. Elles comprenaient totalement que la plupart passent en mi-temps, elles devaient en avoir besoin pour gérer les aléas dû aux enfants « Je suis contente d’être la personne qui t’apprend cette nouvelle ! ». Elle referma son casier après avoir remis ses bijoux et récupéré son sac à main. Elle referma le cadenas, rangeant la petite clé dans son sac et saisit son uniforme de la journée "J'ai passé l'examen d'admission à l'école de médecine il y a quelques jours.". Justine hocha la tête, l’écoutant parler. Elle avait entendu parler de cette histoire par un collègue. Elle se souvient avoir débarqué en salle de repos, et tous ses collègues étaient rassemblés devant un café et se partageaient les dernières nouvelles du personnel "Les résultats tomberont au mois de novembre. Je vis un peu au rythme des flashbacks de mon feuillet d'examen. Tu sais ? Est-ce que j'ai coché la bonne case, est-ce que j'ai suffisamment développé ? Ça plombe un peu mon rythme de travail, j'y pense sans arrêt.". La blonde afficha une légère moue tracassée. Elle connaissait ce stress horrible, les moments de doute, le ressassement sans fin. Elle n’avait pas passé d’examen pour médecine, mais rien que les partiels qu’elle avait eu en école d’infirmière avait engendré beaucoup de stress en elle « Ouais je comprends… Vivement que tu aies ces résultats alors… Et bon, tu ne peux plus rien changer maintenant, les dés sont jetés il n’est plus question que d’attendre. ». Elle lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, elle était persuadée que Yasmine était capable de grandes choses, c’était une femme très intelligente « Tu sais déjà un peu ce qui t’intéresserait comme branche dans la médecine ? ». Elle alla déposer son uniforme sale dans les machines réservées à cet effet et attendit que le voyant vert s’allume, lui signalant que sa tenue avait bien été envoyé à la lingerie de l’hôpital "Enfin bref. Si je termine dernière de la liste d'attente, je pourrais déjà m'estimer heureuse. C'est tout ce que je demande, pas plus.". La blonde se tourna vers Yasmine, hochant la tête en souriant « Oui tu as raison, ce serait déjà tellement fou ! Tu me tiendras au courant en tout cas. ». Elle alla s’asseoir à ses côtés sur le banc central, prolongeant le temps passé dans les vestiaires autour d’une discussion "Assez parlés de moi pour ce soir. Fais-moi rêver avec les détails croustillants de ta petite vie en dehors de cet hôpital… pense à ceux qui vivent par procuration, Justine.". La blonde leva les yeux au ciel en souriant. Elle n’avait pas grand-chose à raconter à la brune, elle n’avait pas eu une vie sociale extrêmement palpitante ces derniers temps « Je ne vais pas te faire énormément rêver… Ma vie sociale se résume à la compagnie de mon chat. ». Elle hocha les épaules, un sourire plaqué sur son visage "Mais j'y pense ; on te voit plus beaucoup aux urgences ces temps-ci. Toi qui étais toujours fourrée avec Isaac… tu nous manquerais presque.". Disparition du sourire sur le visage de Justine. Elle évitait effectivement le service des urgences, depuis qu’elle avait croisé Ginny au supermarché, elle était gênée à l’idée de passer du temps avec Isaac. Elle pinça légèrement les lèvres et réfléchit à une excuse plausible pour sa disparition brutale des urgences « Non tu as raison… ». Son cerveau tournait à mille à l’heure mais rien ne lui vint et elle hocha les épaules « Je tâcherai d’être plus souvent là à l’avenir. » Elle ne savait pas comment expliquer son absence, mais elle pouvait toujours dire qu’elle y remédierait non ?
"C'est mon frère qui choisit le parcours en général, mais on finit souvent par se laisser porter par nos foulées. C'est jamais très précis." Mais toujours loin de la maison familiale pour d'évidentes raisons. Yasmine ne dit rien de plus cependant, opinant du chef pour appuyer ses propos et donner le change vis-à-vis des interrogations de Justine. Néanmoins, leur conversation bifurqua sur une partie de ce qui taraudait Yasmine tandis que, délaissant le miroir qu'elle avait rejoint le temps de laisser de l'intimité à sa collègue, elle accepta de s'appesantir sur son examen d'admission à l'école de médecine. Elle savait que le St-Vincent avait des allures de petit village, surtout pour les employés qui y travaillaient depuis longtemps. Une rumeur en entraînant une autre, la vérité finissait toujours par dangereusement être frôlée, et tout le monde finissait par tout savoir dans les moindres détails, c'était comme ça. Elle n'avait pas non plus fait un secret de ses grands projets de reprendre l'école, mais la pression induite par les questions des autres était incommodante – comme le sarcasme subtil emprunté par ceux qui ne croyaient pas vraiment qu'elle réussirait à tenir la distance. Ils étaient rares, la plupart de ses supérieurs connaissant ses capacités et sa volonté d'approfondir ses connaissances, reste qu'il existait une toute petite partie du personnel qui devait très certainement médire à ce sujet ; ça aussi, c'était comme ça.
Contre toute attente, elle qui était soucieuse de bien-faire et d'être jugée à sa juste valeur, elle n'y apportait pourtant pas tellement d'attention, concentrée sur son but, mais aussi transie par le facteur échec qui surplombait sa tête bien faite comme un gros orage, prêt à éclater. Elle sourit "Je crois que c'est ce qu'il y a de pire, l'attente. De son avis, en tout cas. Elle était peut-être patiente en ce qui concernait certaines choses, quand ça la concernait de près, quand elle-même était directement impliquée, il lui arrivait de se montrer particulièrement empressée. C'était le cas à propos de ses résultats, mitigée entre l'envie de savoir ce qu'il en était et la crainte de voir son grand rêve s'effondrer à cause d'une erreur qu'elle n'avait pas anticipée "La pédiatrie, ça a toujours été un domaine dans lequel je me suis bien sentie. C'est sans doute trop ambitieux, mais… la chirurgie pédiatrique, c'était un de mes rêves quand j'étais beaucoup plus jeune. Ça l'est toujours aujourd'hui, même si j'ai davantage de recul sur ce qui m'attend si vraiment je me lance dans cette spécialisation." avoua-t-elle, se revoyant avec sa panoplie de docteur, toute naïve et enthousiaste, à déambuler avec son Rajah en peluche, prête à lui démantibuler ses petites pattes pour pouvoir les recoudre après en déclarant à qui voulait bien l'entendre – Sohan, généralement – qu'elle l'avait sauvé d'une mort certaine. Elle soupira pendant que, baissant la tête sur ses longs doigts, elle se mit à triturer les nombreux anneaux qui ornaient ses phalanges "On a soigné beaucoup de tout petits au Niger. Plus que je n'en ai jamais eu l'occasion depuis que je travaille aux urgences, c'était très impressionnant…" Parler de l'Afrique ne lui venait pas naturellement parce qu'elle avait souvent l'impression de s'enfoncer trop dans la réflexion lorsqu'elle ressassait ce qu'elle avait vu là-bas, mettant de fait les autres mal à l'aise lorsqu'ils prenaient conscience qu'elle était marquée à vie par ce voyage prolongé. La dernière fois qu'elle l'avait fait, c'était avec Edgerton, et son récit ne portait pas sur son voyage à proprement parler, plutôt sur l'éventualité qu'il en découvre les paysages et la culture ; ça lui avait changé d'envisager son voyage de cette manière, c'était moins pesant que d'avouer à voix-haute qu'une partie de ce qu'elle avait vu l'avait traumatisée. Car oui, elle avait vu des choses terribles… mais ça avait eu le mérite de la rendre plus clairvoyante sur la condition de privilégiée qu'elle occupait, dorlotée par la richesse de l'Occident et des moyens mis en œuvre pour assurer les arrières de ceux dans le besoin. Elle en avait retiré un sentiment désagréable d'injustice, d'inutilité aussi qui l'avait en fait forcée à envisager sa reprise d'études en plus de la confronter à la faiblesse enfouie de son subconscient, torturé par les cas les plus pénibles qui s'étaient présentés à elle sur le camp de Diffa. Pour autant, elle ne faiblissait pas, et qu'importe ce qu'avait dit son ancien thérapeute à ce propos, elle se donnait les moyens de sortir de l'espèce de torpeur dans laquelle elle s'était enfoncée en rentrant en Australie. Elle avait repoussé l'échéance, mais elle avait bel et bien fini par le passer son examen… elle avait juste eu besoin de temps, comme souvent lorsqu'elle se sentait poussée hors de sa zone de confort. Un léger rire s'échappa de ses lèvres – c'était sa technique pour noyer le poisson, gênée par sa propre mélancolie au sujet de son retour sur sa terre natale. , lui disait Molly, et cette certitude, même si elle était ancrée en elle, elle avait du mal à l'envisager sans avoir en plus l'impression d'avoir choisi la facilité en rentrant aussi tôt, alors qu'Anita et les autres auraient eu besoin de bras en plus pour encore quelques temps "Qui sait ? Une fois dans le feu de l'action, qui me dit que je serais pas tentée par autre chose ?" finit-elle par demander à Justine, et l'intermède à propos de tout ça se conclut dans une timide œillade échangée sous la lumière crue des néons du vestiaires des infirmières qui lui donnèrent soudain l'impression d'être sous le feu des projecteurs. Ce qu'elle n'aimait pas, aussi trouva-t-elle le moyen de s'intéresser de nouveau à Justine "C'est tout ?" laissa-t-elle échapper, circonspecte face à la réaction de la jeune femme à propos de sa désertion des urgences. Il lui semblait pourtant qu'à un moment donné, elle y passait beaucoup de temps en compagnie d'un de ses collègues. Yasmine n'était pas toujours finaude au sujet de ce qui liait les autres, sa vie sociale et sentimentale en étant un exemple concret d'ailleurs, elle savait toutefois déceler la tension et tout à coup, elle prit sens de celle qui fit se raidir la jolie blonde. Un élan de curiosité l'y poussant, elle lui demanda gentiment "Il s'est passé quelque chose ?"
Hold on, we're going home ◊ Yasmine & Justine"C'est mon frère qui choisit le parcours en général, mais on finit souvent par se laisser porter par nos foulées. C'est jamais très précis.". La blonde hoche la tête, écoutant attentivement sa collègue. Elle était également adepte de la course à pied, et c’était toujours plus agréable de l’effectuer en bonne compagnie. Il lui arrivait de courir seule, les écouteurs vissés dans ses oreilles diffusant des chansons rythmées et motivantes, mais elle préférait courir avec une amie. Justine avait effectivement entendu parler du concours qu’avait passé Yasmine, mais elle avait délibérément choisi de ne pas l’interroger sur le sujet et attendre qu’elle l’aborde d’elle-même. Elle savait à quel point ça pouvait être frustrant de savoir que tout le monde était au courant de certaines choses avant qu’on n’ait l’occasion de l’annoncer soi-même, donc elle avait voulu laisser cette occasion à la brune. Elle n’avait aucun doute sur les capacités de Yasmine, elle était parfaitement capable de se classer en bonne place. Le concours était difficile certes, mais elle était une personne motivée et ambitieuse, et la blonde savait très bien que c’était les personnes comme elles qu’on retrouvait dans les rangs des meilleurs médecins. "Je crois que c'est ce qu'il y a de pire, l'attente. ». La blonde releva ses yeux verts vers Yasmine « Effectivement, ce n’est jamais facile. ». Elle afficha une légère moue en replaçant ses cheveux sur ses épaules, tentant de leur redonner une forme à peu près acceptable après avoir été attachés toute une journée « Et puis dans ce genre de cas, tu n’arrives jamais à te changer les idées ! ». Le moindre petit détail insignifiant en temps normal pouvait devenir un rappel des résultats qui allaient bientôt tomber. Elle avait connu ça quand elle attendait impatiemment les résultats de ses partiels en école d’infirmière, et les quelques semaines qu’elle avait passé dans l’attente lui avaient paru interminables. Elle la questionna sur la spécialité qu’elle convoitait, si elle avait déjà une idée sur le sujet. Il y avait tellement de voies possibles en médecine, et elle était curieuse de savoir ce qui ferait le plus palpiter la brune "La pédiatrie, ça a toujours été un domaine dans lequel je me suis bien sentie. C'est sans doute trop ambitieux, mais… la chirurgie pédiatrique, c'était un de mes rêves quand j'étais beaucoup plus jeune. Ça l'est toujours aujourd'hui, même si j'ai davantage de recul sur ce qui m'attend si vraiment je me lance dans cette spécialisation.". C’était un domaine qui collait bien à l’image que s’était faite Justine de Yasmine. Elle avait totalement les capacités de viser une telle spécialité, et elle serait brillante dans ce domaine « Ça te correspond bien je trouve. Et puis j’aurai l’occasion de travailler avec toi en plus ! ». Elle lui adresse un sourire amical. Elle n’était pas tout le temps en contact avec les chirurgiens pédiatriques, mais ils passaient régulièrement dans le service pour prendre des nouvelles des patients qu’ils avaient opéré, pour vérifier que tout allait bien et que leur état se stabilisait. Si Justine n’avait pas eu une aussi mauvaise image du métier de chirurgien par son père, elle aurait sans doute suivi le même chemin que Yasmine. Le métier d’infirmière lui convenait parfaitement maintenant, et elle ne regrettait aucun choix qu’elle avait pu faire et était fière de son parcours "On a soigné beaucoup de tout petits au Niger. Plus que je n'en ai jamais eu l'occasion depuis que je travaille aux urgences, c'était très impressionnant…". Elle fut tirée de ses pensées par la voix de son amie qui avait repris. Elle secoua légèrement la tête, et reconcentra son attention sur Yasmine, l’écoutant avec attention. Elles n’avaient jamais réellement parlé de l’Afrique mais c’était un sujet qui intéressait énormément la blonde. Elle s’était souvent posé la question de l’humanitaire, mais n’avait jamais osé sauter le pas « Tu m’étonnes, ça doit être quelque chose… ». Elle se perdit dans ses pensées, s’imaginant là-bas elle aussi, dans le feu de l’action et confrontée à des choses qu’elle ne verrait jamais à Brisbane « Je pense que j’aurai adoré faire une mission d’humanitaire, mais je sais pas… J’ai peur de pas avoir le mental pour. ». La blonde était quand même quelqu’un d’assez sensible, et Yasmine semblait être une femme tellement forte et indépendante. Du moins à ses yeux, son idée était peut-être faussée après tout. Elles ne se connaissaient pas aussi bien que ça, et Justine avait peut-être tout faux, Yasmine cachait peut-être très bien son jeu "Qui sait ? Une fois dans le feu de l'action, qui me dit que je serais pas tentée par autre chose ?". La blonde afficha un sourire et haussa les épaules lentement « Tu as raison, on ne sait jamais ! ». Après tout, elle allait vraiment avoir tous les choix devant elle, et elle allait peut-être envisager une voie tout à fait différente de la pédiatrie, et qui au final la comblera de bonheur. Elle admirait le courage qu’avait eu la brune de reprendre des études après plusieurs années dans la vie active. En y pensant, Justine n’aurait pas eu ce cran de se replonger dans les livres, de recommencer à passer des soirées à étudier ses cours. Bien qu’elle aime apprendre de nouvelles choses, elle était contente d’avoir fermé ce chapitre de sa vie, et d’être enfin posée dans son travail. Justine se referma un peu quand la brune aborda son absence aux urgences. Elle ne savait plus sur quel pied danser avec Isaac, elle avait peur d’en faire trop alors qu’il était casé et ne savait pas comment se restreindre, alors elle avait décidé de nettement limiter ses visites "C'est tout ?". La blonde tourna son visage vers sa collègue et hocha les épaules, une légère moue sur les lèvres « C’est compliqué, je veux pas t’embêter avec ça. ». Et qui plus est, elle ne connaissait pas encore assez Yasmine pour savoir si elle n’allait pas répéter la nouvelle autour d’elle. Norah était la seule personne au courant au sein de l’hôpital, et Justine ne savait pas vraiment si elle avait envie et besoin que d’autres personnes se retrouvent impliquées. D’autant plus que pour le coup, Yasmine connaissait Isaac, donc c’était un cas encore différent "Il s'est passé quelque chose ?". La blonde secoua la tête. Après tout rien ne s’était réellement passé, c’était juste elle qui cherchait encore son équilibre, qui cherchait une façon de ne pas faire de mal, que ce soit à Isaac ou à Ginny « Non, non, rien du tout. ». Elle soupira légèrement, ne sachant pas trop quoi dire de cette situation. Elle n’aimait pas mentir aux gens, et de toute façon elle ne savait absolument pas le faire « Je veux juste pas trop être collante avec Isaac et le laisser respirer ! ». Elle sourit légèrement, après tout ce n’était pas un mensonge. Il fallait qu’elle mette une certaine distance entre eux deux pour éviter que les choses ne dégénèrent.
Ça la rendait un peu nerveuse de parler de son examen d'admission à la fac de médecine, mais après tout, c'était elle qui l'avait mentionné, alors elle consentit à donner quelques détails supplémentaires à Justine. Mais la conversation à ce sujet se tarit bien vite pour mieux dériver sur son voyage au Niger. Elle en parlait de plus en plus. Elle s'en apercevait parfois un peu trop tard, un peu comme si elle avait le besoin inconscient d'exorciser des choses auxquelles elle avait assisté, et qui continuaient à lui tourner dans la tête, s'affirmant toujours dans les moments les moins opportuns ; souvent quand elle avait la tête posée sur l'oreiller, avide de trouver un sommeil qui ne venait jamais vraiment, perturbé par des cauchemars auxquels elle s'était accoutumée. Laissant ses états d'âme de côté, prenant sur elle comme elle savait si bien le faire, Yasmine préféra sourire à sa collègue, trouvant un réconfort manifeste à déplacer sa tresse faite à la va-vite d'un côté à l'autre de ses épaules "Qu'est-ce que ça veut dire avoir le mental ? Je crois que c'est le genre de situation où c'est impossible d'anticiper les réactions. Il se passe tellement de choses en une journée, le rythme est difficile à prendre." laissa-t-elle échapper sans expliciter davantage, ne tenant pas tellement à débattre sur les fois où elle avait perdu le contrôle de ses émotions. Elle aurait pu encourager Justine à creuser son envie de faire de l'humanitaire, seulement elle s'abstint de le faire sur le moment ; simplement parce que son avis restait un peu mitigé sur le sujet après huit mois passé là-bas. Elle, elle avait envie d'y retourner. En vérité, ça avait été le cas dès qu'elle avait de nouveau posé le pied en Australie, couvant un sentiment de trop peu qui lui avait plombé son retour et l'avait poussé à envisager de parfaire ses connaissances pour se donner le sentiment de ne pas être complètement inutile… mais le conseillerait-elle à quelqu'un comme Justine ? Elle ne la connaissait pas vraiment, mais elle-même prétendait ne pas en être capable. Même si la vie était faite de surprises et que, comme elle venait de le lui dire, certaines réactions dans le feu de l'action pouvaient être surprenantes à bien des égards, Yasmine fit le choix sage de réserver son jugement à ce sujet.
Elle détourna la conversation plutôt habilement, délaissant tout ce qui tournait autour d'elle pour s'intéresser à la jeune femme. La réponse qu'elle lui servit à propos d'Isaac la fit se redresser sur le banc qu'elle avait rejoint, et esquisser un sourire tout en fossettes malicieuses qu'elle agrémenta d'une plaisanterie qu'elle déclama avec une certaine finesse "Compliqué est mon second prénom." En ce moment, c'était un peu le cas, et ça l'agaçait tellement dans le fond qu'elle se sentit obligée d'officiellement faire passer ça pour une blague. Yasmine laissa échapper un léger rire. Elle le chassa bien vite, secouant la tête pour reprendre ses esprits et préciser à l'intention de la jeune femme "Tu ne m'ennuies pas… mais j'ai compris. Ça ne me regarde pas." conclut-elle avant que Justine ne reprenne la parole, et que ce qu'elle lui dit l'obligea à laisser échapper un tout petit "Oh." très lourd de sens pourtant – enfin pour elle, tout au moins. Parce qu'entendant la blonde opter pour cet argument bancal afin d'expliquer sa prise de distances avec leur collègue urgentiste, elle eut l'impression de s'entendre plusieurs mois plus tôt quand elle avait jugé bon s'extirper momentanément de la vie d'Hassan dans l'idée de le laisser vivre sa vie comme il l'entendait. Si Justine pensait que ça ne lui mettrait pas la puce à l'oreille, l'effet fût tout le contraire, et tandis qu'elle croisait les jambes dans une légère respiration, Yasmine lui dit "Tu sais c'est drôle, j'ai déjà entendu ça quelque part." C'était son explication préférée à une époque, à elle aussi – ça lui avait créé davantage de problèmes que si elle était restée l'élément de trop gravitant autour du jeune homme, mais elle tut ses malheureuses conclusions apportées par des mois de résistance et de non-dits. Elle savait plutôt bien de quoi elle parlait toutefois, ainsi elle pencha la tête sur le côté. Yasmine observa la jeune femme un instant et brusquement, elle sentit un élan d'affection pour elle. En l'observant une seconde de plus, sentant un léger malaise s'installer dans l'espace qui les séparait, elle lui présenta immédiatement ses excuses en baissant la tête dans une attitude de profonde mansuétude qui lui venait toujours très naturellement "Excuse-moi, Justine. Je voulais pas t'embarrasser avec mes questions." Sincèrement navrée de lui imposer des justifications qu'elle n'avait à donner à personne, si ce n'était au principal intéressé peut-être, Yasmine se sentit un peu honteuse. Elle était passée par là, elle savait combien cette situation était frustrante, et même très blessante, parfois.
Hold on, we're going home ◊ Yasmine & JustineLe métier d’infirmière s’était imposé comme une évidence pour Justine. Depuis toujours elle avait trouvé que la facette humaine était plus présente que dans le métier de médecin ou chirurgien. Peut-être elle avait une vision erronée et déformée, qu’elle avait laissé son ressenti par rapport à son père prendre le dessus, mais elle était comblée dans le métier qu’elle exerçait. Ça n’avait pas été des études de tout repos, autant physiquement que mentalement, car elle avait eu affaire à des choses difficiles, elle avait vu des professionnels qui pour le coup n’avaient pas un soupçon d’humanité et avaient traité les patients d’une façon déplorable. Elle admirait Yasmine qui était prête à se relancer dans le milieu des études, et elle était persuadée qu’elle redorerait le blason des médecins dans son cœur "Qu'est-ce que ça veut dire avoir le mental ? Je crois que c'est le genre de situation où c'est impossible d'anticiper les réactions. Il se passe tellement de choses en une journée, le rythme est difficile à prendre.". Elle acquiesça en silence, imaginant que les choses devaient être extrêmement prenantes sur le terrain, et qu’il devait être impossible d’anticiper le vécu de chacun « Oui c’est sûr… Je veux dire, je suis quelqu’un d’assez ancré dans ses habitudes et dans une certaine routine, je crois que je serais complètement déstabilisée là-bas. ». Elle rit doucement. Il est vrai que Justine aimait savoir où elle allait, ce qu’elle allait faire et pouvoir avoir une vie assez organisée. Les imprévus avaient tendance à la stresser, même si parfois ils pouvaient se révéler extrêmement positifs. Yasmine, sans le savoir, mit directement les pieds dans le plat en abordant le sujet Isaac. Justine était tellement mitigée à ce sujet, elle ne savait plus du tout sur quel pied danser. Il avait une petite amie, était visiblement très heureux avec elle, et Justine devait se faire à l’idée. Elle avait laissé passer sa chance et il était temps de passer à autre chose "Compliqué est mon second prénom.". La blonde rit en passant ses doigts dans ses cheveux nerveusement, démêlant au passage les nœuds qui s’étaient formés durant la journée "Tu ne m'ennuies pas… mais j'ai compris. Ça ne me regarde pas.". Elle observa Yasmine d’un air désolé. Elle avait bien trop peur que l’histoire ne se répande mais malgré tout elle avait envie d’en parler, pour extérioriser tout ça, pour mettre des mots sur ce qu’elle ressentait au fond d’elle, depuis tout ce temps "Oh.". La blonde releva les yeux vers la brune assise à côté d’elle et souleva un sourcil curieux "Tu sais c'est drôle, j'ai déjà entendu ça quelque part.". Elle croisa les bras sur sa poitrine, se demandant ce que voulait dire Yasmine, ayant l’impression qu’elle avait la capacité de sonder son esprit et de lire dans ses pensées à ce moment « C’est-à-dire ? ». Si la brune avait connu quelqu’un qui avait vécu une situation similaire, c’était plutôt intéressant d’avoir son avis sur la question et la blonde fut soudainement absorbée par ses paroles, n’attendant que la suite "Excuse-moi, Justine. Je voulais pas t'embarrasser avec mes questions.". La blonde secoua la tête, se relâchant, laissant la pression s’évaporer dans le vestiaire « Non ne t’en fais pas, ce n’est pas toi, c’est juste toute cette situation… ». Elle se mit à jouer avec la fermeture éclair de son sac à main, occupant ses doigts comme elle pouvait « Il faut que tout ce que je te dise reste entre nous, d’accord ? ». Elle plongea son regard dans celui de la brune, cherchant son approbation, sa promesse qui était importante pour elle « J’ai vraiment pas envie que ça arrive aux oreilles d’Isaac… ». Elle soupira légèrement et recommença à jouer avec sa fermeture, se préparant à s’ouvrir à Yasmine.
Yasmine sentait qu'elle avait mis les pieds dans le plat. Ce n'était pas tant la réaction de Justine qui l'avait mise sur la voie, plutôt la lourdeur soudaine qui pesa désagréablement sur le vestiaire des infirmières… ou alors y était-elle plus sensible parce qu'elle connaissait par-cœur cette incertitude qu'elle décela immédiatement dans le regard de jade de son interlocutrice. D'ailleurs, c'est ce qui lui fit doucement baisser la tête pour consulter les options qui s'offraient à elle à ce moment-là ; mais aussi, ça lui permis d'échapper à l'exposition de la toile involontairement impudique des émotions de la blondinette dont le visage de poupée se colora peu à peu, ne laissant plus aucun doute quant à ce qu'elle tenait tant à garder pour elle. A sa place, Yasmine n'aurait pas apprécié qu'on la mette sur le fait accompli – ça lui était déjà arrivée, elle en gardait des cicatrices toujours un peu sensibles, malgré les années, les excuses et les regrets – aussi lui accorda-t-elle un instant pour qu'elle puisse reprendre ses esprits tandis que de son côté, elle tenait à faire de son mieux pour répondre à la demande d'explications qu'elle lui fit dans la foulée.
Elle avait beau être ouverte et tolérante, il y avait des sujets sur lesquels Yasmine ne préféraient pas s'étendre ; l'amour – dans le sens romantique du terme, car il y avait toujours eu beaucoup d'amour entre elle et Hassan – non-réciproque en faisait partie. Ça la touchait de trop près, ça lui demandait de faire un effort supplémentaire pour ne pas admettre qu'elle avait été suffisamment sotte et naïve pour ne pas réussir à faire la part des choses et considérer l'affection d'un homme proche d'elle pour ce qu'elle était réellement : c'est-à-dire de l'amitié sincère, parfois étourdissante, la limite entre le trop et le pas assez cohabitant sous la supervision d'une ambiguïté semée par les doutes exprimés par certaines de leurs connaissances, persuadés qu'être aussi proche de quelqu'un, aussi proches qu'eux l'avaient toujours été, ne pouvait définitivement pas être anodin. Et elle qui n'était pas influençable, maîtresse de sa pensée, à défaut d'être celle de ses émotions immédiates, elle y avait cru tant ça lui paraissait évident, à elle aussi. D'où l'impression qu'elle avait maintenant de s'être laissé berner par son cœur ; Yasmine était tombée de haut et ça avait été douloureux. Cependant, elle avait ravalé son erreur comme une pilule trop amère dont elle sentait encore l'arôme sur le bout de la langue, et qui donnait une saveur toute particulière aux échanges qu'elle avait avec le jeune homme depuis qu'elle lui avait avoué pour de bon ce qu'elle ressentait pour lui. Ça l'avait soulagée sur le moment et puis elle avait pris conscience qu'après ça, qu'après avoir consenti à lui révéler ce qui la taraudait depuis trop longtemps, ils ne réussiraient plus à évoluer sans avoir le sentiment d'avoir gâché l'harmonie qui leur avais permis de se faire confiance, mais de s'aimer aussi, même si ce n'était pas de la même façon. C'était difficile pour Yasmine d'assumer qu'elle était responsable de ce quiproquo sentimental, mais comme une perche à laquelle on s'accroche pour ne pas couler, elle trouvait une certaine satisfaction dans l'idée qu'elle avait enfin été honnête – avec lui, mais avec elle-même aussi – même si ce n'était pas totalement pour le meilleur ; le pire avait été évité au moins. C'était cette profonde conviction qui lui permettait de garder à l'esprit que, considérant l'importance qu'Hassan avait pour elle, elle ferait les efforts nécessaires pour faire un petit travail sur tout ça, sur elle-même en premier lieu, et le garder auprès d'elle comme l'ami qu'il avait toujours été, et rien de plus. Néanmoins tout ça, ça leur appartenait – quelque part, ça lui appartenait davantage à elle qu'à Hassan, et parce qu'elle ne tenait pas à s'exprimer plus en détail sur ce qui lui avait permis d'affirmer avoir déjà entendu les mots que Justine avait employés quelques instants plus tôt, elle décida de ne pas en dire davantage. Elle se concentra plutôt sur ce qui sortit de la bouche de sa collègue une fois qu'elle eut repris bonne contenance, et qu'il lui sembla qu'elle quémanda son silence. Yasmine lui répondit avec toute la gentillesse qu'elle avait en réserve "Je suis pas très populaire dans les couloirs de l'hôpital en ce moment." Sous-entendu qu'elle ne risquerait pas de faire de bourde – même pas face à Molly qui elle, n'hésiterait pas une seconde à répandre la rumeur en la gonflant un peu, ses talents de narratrice n'étant plus à prouver. Elle lui fit dans un demi-sourire avant d'ajouter "Même si j'avais été au top de ma popularité, j'ai la réputation de plutôt bien savoir garder les secrets. Tu demanderas aux petits demain, ils pourront te confirmer que j'ai une grosse malle mentale qui renferme tous leurs sales petits secrets. Non, ne me demande pas de te raconter, j'ai donné ma parole." Pinky promise à l'appui. Et elle singea le serment en posant une main sur son cœur, fermant les yeux pour parfaire le tableau de la confidente intraitable. L'une des seules qualités qu'elle s'accordait sans ciller, sans craindre de manquer de modestie, plutôt douée à l'exercice de la confession, elle disait vrai "Mais te sens pas obligée, c'est pas forcé qu'on en discute aujourd'hui… la journée a été longue." insista-t-elle parce qu'après tout, elle avait choisit de ne pas rentrer dans les détails de son affirmation, alors pourquoi devait-elle l'exiger d'elle en retour ? "Sauf si ça te soulage. Je sais que ça fait du bien d'exprimer certaines choses à voix haute… ce genre de choses en particulier." Si elle pouvait servir à quelque chose à ce propos, user de son expérience personnelle avec discernement, Yasmine se portait volontaire. Elle n'en dit pas plus toutefois, refoulant ses propres secrets avec un sourire qui s'élargit pendant qu'elle se levait du banc, laissant le choix final à Justine de verbaliser ce qui pesait si lourd sur son petit cœur.