Je tournais comme un lion en cage. Levi était parti au studio y’avait à peine 45 minutes (42 Ariane, t’as compté), et déjà j’avais rangé par ordre alphabétique tous ses livres, tous ses vinyles, tous ses instruments par leur prénom dédié. J’avais aussi fait le tour des raisons stupides et tout sauf justifiées de son besoin de prendre l’air ailleurs, qui excusaient pas le fait que s’il faisait une nouvelle rechute, il se retrouverait bien trop loin de l’hôpital pour que ce soit raisonnable. Mais vas-y dude, vas jouer au lover, va te faire roucouler des chansons d’emo kid à l’oreille, va écrire des belles paroles pleines d’espoir de merde quand les derniers résultats qu’ont donnés tes scans ont montré tout, sauf ça. De l’espoir. C’est tellement relatif quand t’y pense.

J’ai fini par quitter le bateau ; j'y suffoquais. C’est con parce que c’était sur le pont que je respirais le mieux depuis le retour de son cancer. Mais là, c’était inutile que je reste à creuser des tranchées entre les voiles et le mât, que je claque du talon sur le bois vernis de la coque qui en avait vu d’autres, mais qui ne m’avait jamais vue dans cet état. Quand j’arrive à l’appartement où j'ai pas été depuis des jours, c’est tout juste si je me souviens où j’ai mis la clé dans mon sac. Mon regard qui fouille agressivement à travers les dizaines de trucs accumulés, qui finit par être attiré par un colis à mes pieds bien avant de dénicher dans la poche secrète le trousseau qui n’est plus d’aucun intérêt à mon sens. La dernière fois où j’ai ouvert un colis qui ne m’était pas adressé, ça avait tourné en guerre froide avec Vitto. Évidemment, lorsque je vois que le nom sur l’emballage n’est pas le mieux, pour sûr que je réitère.

Assise au sol en plein milieu du couloir, les voisins passent en me lançant tour à tour des coups d’œil aussi curieux qu’outrés par le bordel que je génère avec le peu de carton qui survit à la boîte. Ce n’est que lorsque j’ai en main les goodies commandés par le pauvre type qui s’est trompé d’adresse que j’éclate d’un rire franc, moqueur au possible. Le gars était pas allé avec le dos de la cuillère, il avait bon goût pour se gâter, y’avait pas à dire. Je reconnais des vestiges du podcast à GQ, des items que j’avais encensés dans mes chronoiques sextoys, j’en fait la liste mentale en me rapellant certains bon moments procurés avec ceux testés – et clairement, approuvés.

Puis, j’ai un élan de bonté aussi, de bon karma. Quand je téléphone au numéro associé à sa commande pour tomber directement sur une voix masculine que je connais pas du tout, mais que je n’oserais pas priver du contenu de ses folies non plus. Je suis pas sans cœur malgré ce qui se dit – et bon, ok, j’ai piqué 2-3 trucs dans ses affaires, les intérêts en rétroaction dirons-nous.

« Caelan Leckie ? » j’attends d’avoir confirmation, avant de poursuivre, de roucouler plutôt. « J’ai en ma possession votre bien le plus précieux. » la tension est palpable ; ou pas du tout, j’en ai rien à battre, je m'amuse, il était temps. « Vous avez jusqu’à 20h pour venir le récupérer à la marina. Sinon je le jette à l’eau. »

Ca a tout d’un piège. Vraiment tout. Il lâche pas son téléphone des mains, il tremble un peu parce que c’est Caelan et qu’il panique pour pas grand chose et que la voix au téléphone lui a donné à peu près un milliard de raisons de le faire. Elle était trop floue et trop précise, y’avait tout et rien à la fois. La seule chose qui est sûre c’est que y’a anguille sous roche, baleine sous rocher, et que même quand il panique il trouve toujours le moyen de trouver des expressions en rapport avec l’océan. Ca pourrait être à propos de la contre expertise de la plateforme pétrolière, ça pourrait être à propos de sa femme qui est son ex femme, ça pourrait être à propos du meurtre du mari de sa jumelle, ça pourrait être à propos de son chien qui a encore fait ses besoins dans l’allée du voisin. Foutu chien. C’est sûr que c’est lui. Il se venge parce qu’ils l’ont appelé Rex, c’est encore ça. Peut être que le bateau a coulé et qu’elle va lui donner la plaque ? Oh non, pas le bateau, tout mais pas le bateau. Il pourrait lui donner le labrador si elle veut, il n’a toujours pas appris à s’assoir quand on lui demande ce foutu chien. Non mais il n’y a pas à chercher de toute façon, ce n’est pas le bateau. Il appelle Ezra tous les quinze (trois) jours pour venir faire un check up complet, il n’aurait pas pu couler dans la nuit.
Ca a assez inquiété Caelan pour qu’il abandonne tout et vienne à la marina, cependant. Il n’aurait pas pu continuer à vivre sa petite vie à la villa tout en sachant que quelqu’un a en sa possession son “bien le plus précieux” - y’a pas idée de lui faire des frayeurs comme ça. C’est quoi son bien le plus précieux, au juste ? Silk ? Il l’a appelé, elle l’a insulté. Ok. Elle va bien, alors, pas de demande de rançon à craindre. C’est déjà ça. Mais qui l’aurait appelé en donnant son nom complet ? Qui fait ce genre de choses encore de nos jours ? Pourquoi il a pas été appelé “colibri”, comme dans ces films qu’il déteste ? C’aurait été mignon Colibri, ça aurait moins eu cet arrière goût amer de réalité. C’est nul, la réalité. Cela ne l’empêche pas d’être aussi paniqué qu’un passeur ou qu’un bleu qui va recevoir sa première information classée ultra secrète.

Lui demandez pas comment il en est arrivé à reconnaître Ariane, parce qu’on s’en moque allègrement. Le fait est qu’elle est celle qui a l’air le plus louche dans tous les environs, et la seule dont un gros carton attend devant le bateau. Pour sûr que les yeux de l’océanologue se perdent sur l’engin, qu’un oeil se perd sur le nom, qu’il trouve que c’est quand même beaucoup plus intelligent que de donner le nom de sa femme/ex femme et qu’il est un stupide adolescent de ne jamais penser à ce genre de choses. ”Vous avez un nom de code, du coup ? C’est pour que je rentre dans mon rôle.” Qu’il fait genre qu’il est pas du tout stressé, qu’il est pas en sueurs, qu’il a pas manqué trois arrêts cardiaques à cause des cris enfantins sur le terrain de jeu. ”Alors, y’a quoi dedans ? Un pouce ? Un coeur ? Le testament de JFK qui me lègue tout ? Le secret des templiers ?” Bien mieux que ça, bien mieux. Il fait son paon encore mais il va bien vite redescendre. ”Si c’est ma belle mère vous pouvez la noyer.”

À peine je suis restée 15 minutes top chrono à l'appart, le temps de flatter Christian, de lui demander quels étaient les potins de la semaine. J’avais une toute nouvelle mission de vie, un tout nouveau but ultime ; et il avait l’air tellement flippé le gars au téléphone, que j’en fabule encore. Je l’imagine de tous les styles et de toutes les couleurs, je m’amuse à le comparer à Auden en me disant que ça fait très remake de 2018 ce rendez-vous, assez pour appeler Williams, pour m’assurer qu’il fiche rien ce soir de plus important que de traîner avec moi. Que direct quand Caelan Leckie l'angoissé aura réalisé qu’il n’a aucune raison de paniquer, je pourrai aller rejoindre l’italien. Mon plan est sans faille.

”Vous avez un nom de code, du coup ? C’est pour que je rentre dans mon rôle.”  je bats des cils, le laisse fabuler encore un peu, c’est bon pour sa pression et pour son cœur, ça va les garder en forme, alertes. Il s’est dépêché, ça paraît, y’a un filet de sueur sur son front. ”Alors, y’a quoi dedans ? Un pouce ? Un coeur ? Le testament de JFK qui me lègue tout ? Le secret des templiers ?” il a dû prier tous les saints pour pas se retrouver avec une contravention, ou alors il s’est claqué une course de taxi à la Fast and furious, j’en ai rien à foutre. Je me régale juste de son souffle qu’il perd, de ses joues rouges, de ses mots qu’il vomit, de la scène, really. ”Si c’est ma belle mère vous pouvez la noyer.” mon silence immuable qui se casse pour un rire franc et sec. Presque déçue de pas pouvoir passer mes frustrations des derniers jours sur sa fameuse belle-mère ; faudrait qu’on se reprenne.

« Calme-toi, c’est pas Craiglist. Je t’ai pas fait venir ici pour tourner un porno dans la cabine. » que je finis enfin par statuer, plantant mon regard dans le sien non sans poser au ralenti et au sol la boîte que je tenais toujours dans mes bras. « Quoi qu’avec ta sélection, y’a de quoi faire. » me redressant tout aussi lentement, et le bout de mon pied qui repousse le carton vers lui, le couvercle entrouvert qui laisse présager sa luxure en nombreuses formes et formats, à batteries ou électriques. « J’ai toujours dit que ceux qui avaient l’air le plus timides étaient ceux qui décevaient jamais. » un battement de cils plus tard et j’en finis plus de sourire. « Merci d’encore une fois me prouver que j’ai raison. »

Elle a une bonne tête, pourtant. C’est ce qu’il se dit pour se rassurer en tout cas, et ça a beaucoup avoir à le fait qu’il soit roux et que ce soit la seule couleur de cheveux capable de rassembler les gens entre eux autant que les séparer du reste du monde. Mais la jeune femme, elle, elle en a un peu rien à faire du #redpower apparemment et elle ne semble pas décidée à répondre à aucune de ses blagues (sous entendez, ses myriades de préoccupations) et ça ne fait qu’accentuer son inquiétude. C’est pas comme s’il avait besoin de beaucoup pour s’inquiéter davantage, faut dire. Finalement même quand elle finit par rigoler à sa dernière blague, il n’est pas rassuré. Il aime même sa belle mère, de toute façon, même si il la préfère loin de Brisbane.

« Calme-toi, c’est pas Craiglist. » Panique à bord, panique à bord, il n’a pas la référence. Mayday, sos, il est perdu. « Je t’ai pas fait venir ici pour tourner un porno dans la cabine. » Ca il connait mieux, mais bizzarement il n’a pas pensé à cette issue une seule seconde. Est ce qu’elle est en train de dire ce qu’ils ne vont pas faire pour qu’ils le fassent au final ? Parce qu’elle devrait vraiment apprendre à dire les choses directement et d’une seule traite, ça éviterait à Caelan de se liquéfier sur place. D’autant qu’elle prend vraiment soin de la boite comme la huitième merveille du monde - au moins - et qu’il commence réellement à douter que venir ici était une bonne idée. Spoiler alert : ce n’en était pas une, Caelan. « Quoi qu’avec ta sélection, y’a de quoi faire. » Les mots font leur chemin jusqu’à son cerveau mais il ne les comprend pas pour autant. Pour résumer, il est simplement bloqué dans sa phase “hein ?” et elle tourne en boucle dans le cerveau de l’océanologue. Elle est sûre de pas vouloir parler tectonique des plaques ? Non ? Il gère mieux ce sujet là, pourtant. Il aurait préféré. Il aurait vraiment préféré parler de n’importe quoi plutôt que de voir tout ce qui sort de cette boite, toutes ces choses qui luisent au soleil, tout ce qui le fait fondre sur place, à la fois de gêne et de tous les autres sentiments du monde qui y seraient liés. S’il avait pu devenir une autruche et cacher sa tête dans le sol, il aurait tout fait pour le faire en cet instant précis.

”Naan, moi je suis là pour la rançon du doigt de ma belle mère, pas tout ce … ça.” Son index pointe la boite du bout des doigts mais il ne s’écarte pas vraiment de son torse, parce qu’on sait jamais si un de ses objets lui saute à la gorge et le tue sur le coup - c’est sûrement déjà arrivé. ”On avait dit que c’était pas Craiglist-machin.” Il ne sait plus trop ce qu’il dit, là, en fait. Il repousse le carton vers elle du bout du pied pour qu’au moins le soleil cesse de se refléter sur ces maudits objets pour ensuite finir directement dans son oeil. ”Je suis pas le gars pour la soirée tupperwares-qui-ressemblent-à-tout-sauf-à-des-tupperwares, je sais pas vraiment pour quoi je viens mais je suis certain que ça n’a rien à voir avec tout ça.” Il est tellement catégorique, tellement certain. Il na manquerait plus qu’il prenne les idiotes expressions de Ned Flanders et il serait totalement dans le personnage. Le voilà, son nom de code.

”Naan, moi je suis là pour la rançon du doigt de ma belle mère, pas tout ce … ça.”   « Oh allez, c’est pas joli de mentir. Et encore moins de pas assumer ses kinks. » je roule des yeux, parce qu’il fait chier à se cacher derrière sa gêne.

Le gars, il a la chance que son colis ait été reçu par moi, pas par sa femme des 10 dernières années à qui il cache écouter Brokeback Mountain sur mute toutes les nuits pour assouvir ses pulsions, pulsions qui se retrouveront enfin soulagées avec le matos de goodies qu’il a bien fait de s’acheter pour se gâter un peu. J’ai envie de lui lâcher un "Yas queen !" motivé de cheerleader approximative, mais je suis pas certaine que ce soit le bon moment. ”On avait dit que c’était pas Craiglist-machin.” double roulements d’yeux, j’attends qu’il sorte tous les arguments de merde qui lui viennent à la tête avant d’intervenir à nouveau. ”Je suis pas le gars pour la soirée tupperwares-qui-ressemblent-à-tout-sauf-à-des-tupperwares, je sais pas vraiment pour quoi je viens mais je suis certain que ça n’a rien à voir avec tout ça.”

« T’as du goût. » ma main libre vient tapoter son torse de façon aussi sèche que possible – mais qu’il prenne ça comme un encouragement, comme du support, comme un genre de soutien quelconque qui ne vient de ma part qu’une fois toutes les nouvelles lunes en Scorpion. Mais il continue de se liquéfier sur place, et comme son sprint jusqu’à moi et son pseudo bien le plus précieux est loin derrière dans notre brève chronologie, ça me prend pas très longtemps avant de faire 1 + 1. « Ou alors la personne qui t’as commandé tout ça pour te rendre aussi rouge que tes cheveux en avait. » ce qui en soit rend l’histoire encore plus fun.

Et parce que je déteste l’ignorance et les gens qui restent dans une zone de non-savoir, j’inspire profondément, pose mes deux paumes sur mes hanches, jette un dernier coup d’œil à son friendly basket avec de verrouiller mes yeux aux siens. « Tu veux une démo de mes préférés? » un fin sourire qui n’en finit plus de grandir sur mes lèvres. « Gratuitement bien sûr.  » un battement de cils pour la forme. « Comme ça tu décides ce que tu gardes, et ce que tu renvoie à l’expéditeur. » là, c’est l’ultime lueur de malice qui colore mes iris. « En courrier prioritaire. Directement sur son lieu de travail. J’peux même lui livrer en mains propres pour retourner la faveur. » et moi qui me cherchait une distraction pour m’occuper l’esprit ce soir, il semble tout indiqué.

Il n’est plus un petit garçon mais il en a tout l’air en tout cas, à paniquer parce qu’il voit des objets classés -18 par son cerveau et il s’étonne presque de pas les voir flou. Ou peut être qu’il voit tout flou, mais en tout cas pas assez pour que ce soit totalement censuré par son cerveau. Parce qu’il voit tout là, et qu’il s’imagine dans quel ses ça tourne, ça vibre, ça fouette. Et le pire, c’est quand il n’arrive pas à en comprendre pleinement l’utilisation sans le mode d’emploi sous les yeux et que ça lui fait presque peur. Au moins il ne trésaille pas quand elle vient lui tapoter le torse et il lui lance même un regard étonné, parce que sur une échelle de un à dix il est perdu au niveau douze. Elle, là, elle semble juste jouer au jeu le plus amusant de la terre entière et il n’arrive même pas à la détester pour ça. Au contraire, elle est atypique, elle a peur de rien et elle est absolument tout ce qu’il n’est pas - mais qu’il n’aimerait pas ne pas devenir pour autant. Il arrive même à sourire face à la situation, levant les yeux au ciel alors qu’elle propose une démo. Presque prévisible. Elle passe au niveau au dessus alors qu’il a pas encore check le nombre de vies qu’il a en réserve et qu’il ne se lance dans l’aventure que quand il a le maximum, parce qu’on sait jamais ce qui peut toujours arriver. Caelan serait le genre d’homme à vouloir à tout prix faire du bobsleigh mais à aussi demander à ce qu’on entoure les bords de papier bulle.

”T’oserais pas.”

Vous le voyez, là, le Caelan qui n’a aucune idée de qui se tient devant lui ? De qui fouille dans le coffre aux merveilles ? De qui a besoin de fair en’importe quoi pour ne pas penser à Levi ? Parce que Caelan, lui, il est totalement aveugle. Et un peu con, un peu trop sûr de lui alors qu’il arrive à sourire à nouveau maintenant qu’il pense le pire passé, qu’il pense qu’elle va gentillement refermer cette boite en carton et recommencer à préparer sa scène pour tous les autres illustres inconnus qu’elle va s’amuser à prank pour le reste de la journée. Il est vraiment, vraiment aveugle. Et un peu sourd. Et un peu amputé de tous ses sens, en fait. ”Je laisserai les ménagères devant les tuto youtube pendant la soirée tupperware, elles risquent pas d’être déçues. Mais ça ne change pas le fait que j’ai rien à voir avec tout ce machin chose là. Y’a même pas de nom sur la commande parce que c’est un prank que tu fais à tout le monde, hein ?” Hein ? Dis lui que c’est vrai, hein. Steuplé. Laisse le respirer un peu parce qu’il parle beaucoup et qu’il commence à manquer d’air. ”Ca fait que tu peux tout garder et tout brancher en même temps pour faire sauter la centrale électrique de la ville, si ça te tente.” La voilà, la nouvelle terroriste … de l’électricité. Promis il lui trouvera un meilleur nom d’ici à ce qu’elle entre en action.

”T’oserais pas.” « Tu crois? » le véritable dialogue de sourds qui est en train de se placer me plaît plus qu’il n’y paraît. Parce que d’habitude, les gens qui m’entourent savent que me dire ce genre de trucs, c’est gage que je fasse tout l’inverse. Mes amis, ma famille, mes ennemis même, tous, ils sont au courant de l’erreur de débutant qu’il vient de faire. Parce que maintenant, c’est impossible que je le laisse partir indemne, c’est ridicule de croire qu’il va s’en sortir sans être un peu pas mal traumatisé par la suite. J’en fais ma vendetta.

Et il déblatère le pauvre, il se change les idées, il dit tellement de mots dans une même phrase que j’arrête d’écouter – non, il aurait même pu juste dire un seul mot que j’aurais arrêté d’écouter à un moment. Mon idée est faite, il n’est que le dommage collatéral. ”Je laisserai les ménagères devant les tuto youtube pendant la soirée tupperware, elles risquent pas d’être déçues. Mais ça ne change pas le fait que j’ai rien à voir avec tout ce machin chose là. Y’a même pas de nom sur la commande parce que c’est un prank que tu fais à tout le monde, hein ?” entre temps je me suis penchée au sol, j’ai commencé à jouer avec le matos, ouvrir les emballages, sentir l’intérieur des différents tubes de produits nettoyants et autres lubrifiants, complimentary gifts qui viennent avec les commandes de plus de 100 balles. Quel goujat de ne pas être empli de gratitude en l’instant. « Caelan Leckie. C’est d’où ça? Y’a beaucoup de lettres qui ont l’air de pas aller ensemble. » j’ai pas besoin de lui exhiber la facture à son nom ni même de lui montrer l’étiquette de la poste qui est bien collée, immuable, sur la boîte. J’ai mémorisé son nom, je vais lui faire des prank calls toute la nuit jusqu’à le rendre fou avec Auden s’il continue de faire sa sainte nitouche. D’ailleurs. « T’as toujours été aussi prude ou c’est juste un traitement de faveur pour moi? »

Là encore, mon regard est occupé à scruter lequel des items je vais lui mettre sous le nez en premier, lequel aura la lourde tâche de faire bonne première impression. C’est sur une Magic Wand que je porte mon dévolu, la crème de la crème, quoi qu’elle m’occasionne une légère déception une fois le vibrateur sorti de son plastique protecteur. « Han, ils ont changé la couleur, bleu minuit était nettement plus beau. » la moue de gamine dépitée que je lui dédie, quand finalement j’entre les batteries, active le tout, et laisse le vrombissement caractéristique accompagner ma silhouette que je redresse.

« Tu crois ? » Même pas qu’il ose répondre sur ce coup là parce qu’il voit bien les yeux qu’elle lui tend, les même qu’avaient Calie quand il venait de dire une très très grosse connerie - et ça lui arrivait assez souvent. Ce sont toujours ces mêmes yeux qu’il ne voit jamais venir mais dont il sait que leur présence est de très mauvaise augure pour la suite de la discussion, surtout maintenant qu’il vient clairement de lui lancer un défi qu’elle ne semble pas prête à perdre. Très bien. Enfin non … tout sauf très bien. Mais il va devoir faire avec, et tant qu’elle ne lui demande pas se faire des démonstrations à son tour alors il devrait pouvoir s’en sortir tout en gardant un peu de sa sueur pour lui même.

Elle est déjà en train de fouiller dans le carton qui semble contenir plus d’objets qu’il n’y a de place à l’intérieur, à elle touche à tout, elle plonge sa main au fond alors qu’il aurait peur d’attaper le thétanos avec ce genre de conneries. Elle déballe, sent, tâte, malaxe, juge autant que possible et il se dit que là y’aura plus vraiment de retour possible et il plaint la personne à qui ça a été envoyé. Il se dit aussi qu’elle est vraiment bizarre et s’il se met à rire c’est seulement par stress, parce que jamais de la vie il n’aurait osé croire qu’il se retrouverait un jour devant une totale inconnue qui fouille une boite emplie de sextoys et choses en tout genre au beau milieu de la Marina. Parce que ce qui l’étonne le plus c’est la Marina, ouais. Il est centré sur une seule chose, comme tous les garçons, et pour lui cette chose c’est l’océan. Le reste ne fait que s’en rapprocher plus ou moins et il juge de leur bien fondé selon leur proximité avec l’eau. “On a donné le prénom normal au reste de la fratrie.” Il répond seulement, les yeux en l’air, le regard perdu vers le bateau qui l’intéresse depuis la première seconde mais dont elle avait eu l’audace de le défaire. Il était trop perdu dans sa gêne pour y faire attention, alors qu’il s’intéresse à ces engins comme Ezra à ses voitures. Et ça veut dire beaucoup, parce qu’il le saoule beaucoup. “Je suis d’ici. Et le bateau ? Le tien ? Il a un nom ?” Il répond avec le seul (maigre) espoir qu’elle en fera de même à son tour, parce qu’après tout il l’a vu sortir de l’embarcation avant de commencer à se noyer sous la sueur de son front. Il a beau chercher il ne voit pas de nom écrit sur la coque, pas de son côté en tout cas. Ce serait une erreur de débutant que de lui tourner le dos parce qu’il s’attend qu’elle sorte un taser à tout moment pour l’emmener dans de sombres histoires de prostitution à travers le monde - ça doit valoir cher, les roux. Il en a même oublié d’être véritablement choqué qu’elle répète son nom entier. Encore. “C’est un traitement de faveur, quelle question.” Non il est toujours aussi chiant.

Maintenant qu'il s'est enfin rendu compte du lieu où il était, une petite lumière s'est allumée dans son esprit et il a arrêté de paniquer. Juste comme ça. Oui. Parce qu'il est simplement un peu trop long à la détente comme gars. "Tu nous prépares un duel à base de Magic Wand? J'ai fait de l'escrime. Tu vas perdre." Il ment pas, oublié seulement de préciser qu'il ne s'est pas habillé comme un apiculteur depuis 10 ans. Cela ne l n'intéresse plus vraiment de toute façon, maintenant qu'il tourne autour de Cadence et que sa main glisse sur sa coque, que ses yeux se posent de partout comme s'il était réellement un expert. C'est son monde à lui. Le bateau bien plus que n'importe quel objet avec lequel la rousse semble bien décidée à le tourmenter.

C’est pas trop tard pour faire les présentations dirons-nous, quand il a un épisode de politesse et qu’il gratte un semblant de connaissance. “Je suis d’ici. Et le bateau ? Le tien ? Il a un nom ?” graduellement, mon attention passe du contenu de sa boîte – je l’assume pour deux, voilà – à lui. « Cadence. 50% à moi. Pourquoi tu demandes? » du menton, je provoque gentiment, gentiment parce que j’ai des bouteilles de lubrifiant aux couleurs de l’arc-en-ciel dans chaque main du coup c’est pas aussi agressif que ce que j’avais prévu dans ma tête comme attaque. Mais mine de rien, sa question me donne envie de voir où est la moitié sur le bateau, comment je pourrais diviser ça pour faire chier Levi un maximum, et pour m’assurer un bonheur constant et illimité au maximum, également. Les remarques dix fois trop longues et exhaustives de Calean-le-prude ont quand même des avantages, finalement.

“C’est un traitement de faveur, quelle question.” « Trop d’honneurs. » je soupire, blasée, allumant la baguette magique que je glisse sous son nez – littéralement, elle va direct s’attaquer à ses p’tits poils hirsutes de visage – le temps qu’il reprenne contenance, qu’il ait l'air d’avoir un éclair de génie qui lui traverse le regard.  "Tu nous prépares un duel à base de Magic Wand? J'ai fait de l'escrime. Tu vas perdre." mon sourcil qui se hausse dramatiquement, et l’amusement qui se lit dans mon visage direct. « Monsieur connaît ses classiques finalement. » j’avais rien nommé, j’avais pas laissé l’emballage à a vue, il venait de se cramer le dude, il venait direct de me dire qu’il savait exactement de quoi je parlais et dans l’espace d’une seconde, minuscule seconde, il était devenu un des miens.

« En garde, loser. » par contre, c’est pas parce qu’il est dans mon crew que je vais être douce avec lui. Laissant entre ses mains la Magic Wand à laquelle il est familier c’est sûr là maintenant, plus aucun doute, je reporte mon intérêt sur le Rabbit, plus bulky, mais qui risque de faire son effet. Le jeu de pieds que j’improvise, l’esquive que j’orchestre, on a l’air de deux cons à se battre sur le quai, mais en vrai lui plus que moi. « Oups. » que je finirai par lâcher, moqueuse, victorieuses, quelques minutes plus tard quand je fais tomber son arme à l’eau d’un coup aussi calculé que répété sur sa joue qui a fini par le distraire. « Tu l’aurais pas aimé de toute façon. Ça, ça semble plus dans tes cordes. » bonne joueuse, je lui lance un ensemble de gag balls et autres accessoires complémentaires à la gueule.

C’est du bateau dont il veut parler maintenant, et essentiellement du bateau. C’est nul tous ces objets, la plupart ne le concernent même pas et de toute façon cela ne l’a jamais vraiment intéressé. Allez savoir pourquoi tous les garçons de son âge cherchaient des photos de décolletés sur internet et lui s’informait sur le degré d’acidité toléré par la prochaine espèce de poisson qu’il allait tanner ses parents pour acheter. Chacun ses priorités. Encore aujourd’hui il n’a aucune arrière pensée n’ayant quoi que ce soit en rapport avec la rousse ou la boite, parce que de toute façon son coeur est déjà bien trop comblé. C’est joli, Cadence, comme nom. Atypique. Au moins le propriétaire du bateau n’a pas eu l’imbécilité de choisir le nom de sa copine. Quel imbécile l’a fait, par contre ? Je vous le donne dans le mille : Caelan. Bien sûr que le petit roux de compétition a fait ça, et bien sûr qu’à peine quelques mois après ça il a rompu avec ladite femme parce qu’il n’est pas doué pour garder ses relations et beaucoup plus pour rendre ses ex compagnes borgnes. Alors oui, bien sûr que le Calie est devenu le Silk et que, telle une malédiction, la foudre a frappé une seconde fois au même endroit : Silk est passée du rang de femme à celui d’ex femme. Enfin bref. Morale de l’histoire : c’est très joli comme nom pour un bateau, Cadence. Joli nom pour un joli bateau si on en croit la main du roux qui glisse sur le bois vernis et bien entretenu, son oeil qui divague sans jamais apercevoir d’objets qui ne seraient pas à leur place. Oh bien sûr qu’il est chiant et qu’il trouverait pléthores de choses à reprocher à la cinquante pour-cent propriétaire, mais il est quelque peu coupé dans ses pensées par un duel improvisé de … choses non identifiées. Elle manque de le brûler, en plus, cette sorcière venue de lointaines contrées. Diantre.

Caelan reste persuadé que la seule raison pour laquelle il a perdu son âme (et sa dignité) dans les cinq premières minutes (secondes, à vrai dire) du combat c’est parce qu’il n’était pas prêt et qu’une de ses oreilles écoutait avec attention le clapotis des vagues, de ce fait il n’avait pas pu calibrer son oreille interne et par conséquent, son équilibre avec. Oui. Tout ça à la fois. Et parce qu’elle lui a un peu trop chauffé le bout des poils et parce qu’il ne s’était jamais battu avec ce genre d’armes. Et parce qu’elle lui a lancé au dernier moment alors qu’ils n’avaient même pas eu le temps de se saluer comme il se doit. Elle s’appelle comment, franchement, cette rousse psychopathe ? Il devrait lui trouver un surnom vraiment très très très horrible … Lilith.
C’est vraiment le pire que Caelan puisse trouver, parce que selon ses enseignements à l’église, la péchêresse originelle est vraiment la pire de toutes. Pire que la méchante reine de Blanche Neige et de tous les autres Disney - c’est pour dire, parce que Julie raconte souvent à quel point elle est vraiment hoooorrible. Il est su de tous que Julie aka la meilleure filleule/nièce du monde a toujours raison ; mais là c’est encore pire. Elle se bat contre le roux alors qu’il est totalement paumé, et, au vue de la situation, il y a de quoi. Il a l’habitude de faire exprès de perdre pour faire plaisir aux enfants mais là c’est tout autre chose, et presque que son ego inexistant est atteint en plein coeur en même temps que le “ploc” de son arme tombant à l’eau sonne le gong de sa défaite écrasante. Ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il pourra refaire le discours de Maximus dans Gladiator - le seul film qu’il ait regardé jusqu’au bout. “Touché, coulé. J’ai perdu. Tu peux tout garder.” Ce n’est pas parce qu’il sourit et qu’il dit ces quelques mots qu’il est vraiment bon joueur pour autant, parce qu’au fond il est seulement agacé qu’elle lui ait fait perdre son temps pour des enfantillages - et heureux qu’elle l’ait fait, cette inconnue qui n’a peur de rien et qui l’a sorti pour un temps au moins de son ennuyant quotidien. “Et je laisse ce ça pour l’autre 50% propriétaire.” Il lance, au hasard. Sur un malentendu il pourrait même avoir raison, qui sait.