Le bateau fait toutes les manœuvres nécessaires à son arrimage dans la Marina et Caelan le scrute au loin (c’est à dire pas du tout, car il est à même le port), assis sur un bloc de béton, le poing enfoncé dans sa joue, ailleurs. Cet engin des mers n’a définitivement rien à voir avec son petit bateau à lui et même si on y ajoute le cheval, il aurait du mal à rivaliser avec cette ONG mondialement reconnue. Il n’a aucun esprit de compétition, de toute façon, alors voilà au moins son ego préservé des conséquences qu’une telle comparaison pourrait avoir sur lui. Bien sûr qu’il n’a rien à voir avec les Sea Sepherd, bien sûr qu’il continuera à les regarder de loin avec cet oeil brillant du petit garçon qui vit toujours au fond de lui, celui qui faisait tous ses exposés sur l’organisation à chaque fois qu’on lui laissait le libre choix. C’est ainsi que, très rapidement, il n’a plus vraiment eu le choix de choisir ses sujets. Ni même le thème, parce que tout le monde en avait marre d’entendre parler de l’océane, de sa faune et de sa flore sur toutes les coutures. Lui n’en a jamais eu marre, même à 35 ans il garde toujours le même doux esprit et cette envie de bien faire. L’envie, seulement. Parce qu’il n’a pas l’âme d’un pirate ou même d’un sauveur, il est juste le petit gars du coin, celui qui sourit tendrement à chaque fois qu’on lui apporte son plat au restaurant, celui qui a le don de vivre les pires ruptures de l’univers (à ses yeux, en tout cas). Il n’est pas un vaillant, pas un combattant. Il est celui qui joue des tambours, qui motive les troupes, qui les laisse se cogner et qui arrive avec les pansements ensuite pour tenter de recoller les morceaux. Par dessus tout il est le grand frère qui doit protéger Norah, la seule âme qui le retient réellement à terre alors qu’il sait qu’il n’y a jamais eu sa place, lui qui rêve d’étendues d’eau à perte de vue. Alors à défaut de vivre toutes ces aventures il se contente d’observer ces femmes et ces hommes qui le font à sa place, qui ont tous les courage qu’il n’a jamais eu.

Il profite seulement d’une après midi off pour venir s’occuper de son bateau - et il se retient d’appeler Ezra parce qu’il aurait vraiment juré avoir entendu un bruit bizarre. Tout ce spectacle n’était qu’un bonus sur la liste et il s’apprête à repartir en mer parce qu’il n’a pas grand chose d’autre à faire de toute façon. Le roux finit par se remettre droit, la trace de son poing bien rouge et ancrée sur son visage, on peut même dénombrer le nombre de phalanges et faire tout un tas d’analyses scientifiques avec. Ses yeux se perdent un instant sur les oiseaux quadrillant le ciel, il prend une grande inspiration et hume cet air marin et iodé qui sent bon la liberté et tout un tas d’autres choses. Il sourit bêtement, chose dont il a l’art et la manière, parce qu’il sourit toujours sans aucune raison valable. “Désolé.” Et voilà, Caelan incapable de faire cinquante mètres sans rentrer dans quelqu’un. Peut être que s’il regardait autre chose que ses pieds, il aurait vu l’homme arriver. Le fait est qu’il l’a plutôt violemment bousculé au niveau de l’épaule, bien trop pressé de rejoindre le Silk. ”Sea Sheperd ?” Son nez se lève, ses yeux pétillent quelque peu. Un véritable enfant. ”Une mission en particulier ?” Il regarde beaucoup trop leur site internet, à tel point qu’on lui a proposé d’en faire la page d’accueil par défaut. Il regarde les missions en méditerranée, au Gabon, à Mayotte. Mais leur grande île continent est loin de tout ça alors il interroge quand même, curieux. Curieux et éternel enfant insatiable de nouvelles données pour ses exposés, qu’il fait à ses neveux à défaut d’avoir une classe à qui balancer son discours. Ils y on prit gout, eux aussi. Il ne leur a pas laissé le choix de toute façon.


@Martin Murphy

Bras croisé, debout sur le pont, appuyé contre le mur de la tour de contrôle, j’observe avec une attention toute particulière ce moment où le Bob Barker s’avance dans le port. Je sens le navire vrombir une dernière fois sous mes pieds avant de ralentir encore et encore et je fais parfaitement confiance à notre capitaine pour guider le bateau à la place qui lui est désigné. Alors que nous nous approchons du quai, je vois très nettement les quelques pairs d’yeux qui nous observent avec un intérêt tout particulier. Il faut dire ce qu’il en est : ce bateau est impressionnant. Avec sa couleur bleue, grise et noire et sa gueule de requin peinte sur l’avant, aucun autre navire ne peut rivaliser avec lui. Pas même ceux de la navy (si vous voulez mon avis).

Le crew commence à arriver au compte goûte sur le pont et, quelques minutes plus tard, Bob est amarré et solidement attaché. Me poussant du mur, je retire mon pull –car avouons-le, il fait quand même bien chaud ici- laissant ainsi apparaître mon t-shirt avec la tête de mort propre aux pirates des mers, l’attache autour de ma taille puis attrape mon sac à dos et l’épaule avant de me diriger vers la passerelle. Je la descends, salue une dernière fois mes collègues et les remercie joyeusement avant de me diriger vers la ville.

Perdu dans mes pensées, commençant tout doucement à me demander où je vais bien pouvoir dormir aujourd’hui –il n’est que 17h, ça me laisse donc facilement encore pas mal de temps pour trouver un logement décent (au pire je peux toujours aller voir Jameson)- je me fais soudainement percuter. Très loin d’être impulsif, je relève la tête, pose mon regard sur la personne qui a commit la faute et lâche un « désolé» comme si c’était aussi de ma faute, avant que le roux ne décide de taper la discussion. Lançant un coup d’œil vers le navire que je viens de quitter, il me demande si nous revenons d’une mission particulière.

J’arque un sourcil puis hausse les épaules en regardant au dessus de mon épaule « Le japon» dis-je simplement, reportant mon attention sur le jeune homme « comme chaque année» précisais-je, presque las «Mais je dois t’avouer que je n’ai rejoins l’équipage que plus tard lorsque la mission était déjà fini afin d’avoir un lift pour l’Australie » je laisse échapper un petit rire puis dépose à nouveau mon sac à dos au sol, ayant tout à fait l’impression que cette discussion va un peu s’éterniser « Mais je sais qu’ils ont eu pas mal de succès quand même et que la mission s’est bien passé » j’hausse les épaules «well, pas aussi bien qu’ils ne le voudraient, évidemment, mais y a eu des années où c’était pire quand même» je roule des épaules et me masse un peu la nuque «Martin btw » me présentais-je finalement en lui tendant la main, souriant joyeusement.

@Caelan Leckie

Il est vraiment bizarre, Caelan. Il se met à taper la discussion à des inconnus comme un enfant qui vient de rencontrer son idole. Ce genre de chose ne lui ressemblent vraiment pas. Le tout a peut être quelque chose à voir avec ses yeux qui restent rivés sur le logo de l’organisation, la tête de mort de l’ancre. C’est un peu glauque selon lui - à son humble avis - mais aux grands maux les grands moyen, et en matière de protection marine il s’agit réellement de très très grands maux, vraiment. Vraiment, vraiment. Ce n’est pas de sa faute, de toute façon, si le logo est plus ou moins à hauteur de ses yeux et qu’il ressort si facilement sur ce tee shirt (c’est le but Caelan, c’est le but). L’inconnu l’informe qu’ils reviennent du Japon et un frisson de dégoût traverse la colonne vertébrale du roux. Oh, oui, ce pays a une très belle culture, mais … mais il a aussi de très beaux défauts. Et par très beaux défauts, il sous entend par là de très très horribles défauts causant la mort et l’extinction de bien trop d’espèces, endémiques ou non. S’ils s’y rendent chaque année, comme il le précise, alors cela prouve bien qu’il y a quelque chose qui cloche avec ce pays là, aussi beau soit-il. L’Australie aussi est un beau pays qui a ses défauts, il en est assuré et et premier plan pour en être conscient. C’est quelque chose qu’il tente d’inculquer en douceur à ses neveux.

L’homme finit par entrer lui même dans les détails et les précisions qu’il n’avait pas forcément demandé mais le roux se tait et écoute. C’est un art qu’il maîtrise, après l’avoir minutieusement exercé pendant près de trente cinq années. Tout le monde apprend à écouter avant de parler, après tout. Il s’intéresse toujours aux histoires qu’on lui raconte, aime bien cette vite consistant à vivre par procuration via les paroles d’inconnus ou de proches. Tout le monde semble vivre une vie bien plus palpitante que la sienne et il ne s’en plaint pas, oh non. La sécurité et la chaleur de son chez lui sont incomparables, même quand Silk l’insulte pour la troisième fois de la journée sans raison apparente - elle en a sûrement trouvé une de raison, elle. ”Alors ils ont enfin ouvert leur compagnie de Taxi ? Chouette.” Il n’en manque jamais une pour tenter de rajouter une petite blague, même s’il s’agit toujours d’un jeu dangereux quand on ne connait pas notre interlocuteur. Pour le coup, Caelan n’a aucune idée de qui est l’homme qui lui fait face, mais il a peut être son petit doigt qui lui dit qu’il peut parler. Ce ne serait pas non plus la première fois que son petit doigt lui joue des tours, ceci dit. ”C’est le principal.” Que la mission soit réussie, que l’engagement de ces personnes ait quand même quelques conséquences positives. Ils se donnent corps et âme dans cette oeuvre, ils méritent de le faire pour quelque chose. Pour les sauver - rien que ça. ”Caelan. Le gars lourd qui te pose des questions alors que t’as sûrement juste envie de rentrer chez toi. Enchanté.” Il tend la main pour venir serrer fermement la sienne, les lippes étirées. Il l’aime bien, lui. Certes, Caelan aime tout le monde ; mais lui encore un peu plus. Il a l’air d’être un bon gars. Ca a beaucoup à voir avec le fait qu’il fasse parti des Sea Sheperd. ”Membre actif ? Ou c’était juste pour le taxi ?” Il se la joue recurring joke. Quitte ou double.

Je laisse échapper un rire sincèrement amusé lorsque l'inconnu me demande si l'ONG s'est enfin décidé à ouvrir un service Taxi et hausse les épaules  «faut croire que oui » dis-je en souriant avant de lancer un coup d'oeil vers le navire  «Non mais en vrai j'étais à Pékin en début du mois de Septembre, j'ai rencontré deux gars, j'ai discuté avec eux et ...voilà » comme si c'était aussi simple. On ne s'engage pas aussi facilement au près des Sea Shepherd et si j'ai pu embarqué sur le Bob Barker, c'est simplement parce que je faisais parti du crew il y a quelques années que ça et que j'ai gardé de très bons contact avec le capitaine.

Je lui explique ensuite avec joie de quelle mission rentre le navire -étant donné qu'en ces quelques semaines de traversé j'ai quand même beaucoup discuter avec l'équipage et, surtout, j'ai suivi de près la mission qu'ils étaient entrain d'entreprendre- et souris doucement lorsque l'inconnu dit que c'est une bonne chose que ça ce soit bien passer. S'il savait la vérité derrière tout ça. Mais je décide toutefois de ne pas ruiner son espoir et hoche simplement la tête sans me départir de mon sourire avant de me présenter.

Les précisions de Caelan me font doucement rire alors que je secoue la tête, lui faisant, tout d'abord silencieusement, comprendre qu'il n'y a pas de mal à poser des questions  « ça tombe bien, j'ai pas de chez moi et je n'ai absolument aucune idée où dormir ce soir» haussais-je les épaules, l'air de rien  «donc au final, j'ai tout mon temps » je lance un coup d'oeil vers la rue qui s'éloigne du port puis vers le ciel  «enfin, pas tout à fait non plus. Genre faudrait que je trouve un toit avant le couché du soleil » j'hausse les épaules puis reporte mon attention sur Caelan lorsque celui-ci me demande si je membre actif ou si c'était vraiment juste pour le taxi.

 « Actif» répondais-je avec une certaine fierté «Enfin je veux dire, j'étais membre actif » je fronce les sourcils  « et je le suis toujours. Du moins je compte bien le redevenir et ...bref. Disons que j'ai fait parti des Sea Shepherd pendant 5 ans de 2012 à 2017 lorsque j'habitais ici. Puis j'ai quitté l'ONG pendant 2 ans lorsque je parti m'installer en Irlande et maintenant ….voilà, je suis de retour» haussais-je les épaules, comme si déménager aussi facilement était la chose la plus naturelle du monde.  «Et toi ? Tu es d'ici ? T'es intéressé par les Sea Shepherd ? Parce que si oui je peux te filer plein d'information et te présenter à l'équipage et tout ! »

@Caelan Leckie

Caelan pensait Martin déjà membre des Sea Sheperd avant son retour sur ce navire et cette nouvelle information lui laisse relever un sourcil surpris. ”Si un autre militant débarque, je risque d’être enrôlé dans une aventure à l’autre bout du monde ? C’est histoire que je prévienne la dogsitter avant, au moins.” En vérité la dogsitter c’est son ex femme. Mais il faudrait quand même réellement la prévenir s’il s’en va. Il la prévient dès qu’il quitte la maison plus de cinq minutes et elle lui répond toujours d’un amoureux “je m’en fous” qui lui réchauffe le coeur. Cela permet au moins au chien d’être toujours nourri et il le soupçonne d’avoir même droit à double ration certains soirs - ce que le Labrador se garde bien de notifier. L’autre vérité c’est qu’il se doute bien que rien de toute cela n’est aussi simple dans la vraie vie mais ce n’est pas parce qu’il est trentenaire qu’il a appris à poser les vraies questions sans passer par d’innombrables blagues vaseuse. Il évolue dans les mêmes rêves que ses jeunes neveux pensent être réalité.

”Donc au final j’ai tout mon temps.” Oh quelle mauvaise idée que de dire ce genre de phrases à Caelan, le dévoreur de temps. Il pose des questions sans se rendre compte du soleil qui décline à l’horizon, sans jamais distiller d’informations à son propre sujet. Il est un horrible être humain pour toujours agir de la même manière mais il faut croire que ça lui convient, ce mode de vie. Il ne peut surtout pas s’empêcher de questions d’innombrables question à Martin parce qu’il correspond à cet homme qui vit la vie dont il rêve seulement la nuit. Peut être même qu’une partie du roux se demande s’il ne pourrait pas l’héberger pour la nuit, lui qui d’habitude ne laisse personne mettre un pied chez lui s’il n’a pas passé un interrogatoire et enlevé ses chaussures au préalable. Pour les chaussures, ça peut toujours s’arranger et c’est déjà ça. Cette idée fait sourire Caelan, parce que ce serait vraiment insensé et irraisonné que t’accueillir un parfait inconnu chez lui, même un membre des Sea Sheperd. Ils finissent par sourire et rigoler simplement, une scène naturelle et emplie de bons sentiments. ”Le typique marin sans port d’attache alors, si je comprends bien ?” Loin de lui l’idée de juger la vie d’autrui, bien sûr. Il cherche seulement à comprendre ses interlocuteurs, et le mode de vie de Martin éveille une myriade de questions en lui.

Il ne se perd pas dans d’inutiles explications, répond d’un simple mot qu’il est un membre actif de l’organisation et la fierté se sent dans sa voix autant qu’elle se voit sur son visage. ”L’attrait de la bière et d’un accent encore moins compréhensible que le notre a eu raison des Sea Sheperd ?” Que Caelan ironise, tout simplement pour ne pas avoir à clairement demander pourquoi il a passé deux années de sa vie à l’autre bout du monde pour mieux revenir vivre en Australie. S’il avait demandé au roux il lui aurait aussitôt répondu qu’il n’avait pas à aller chercher bien loin pour être heureux, qu’ils vivent déjà dans le meilleur pays du monde. Chauvin, dîtes vous ? A peine. ”J’ai grandi pas loin d’ici et cette ville m’a adopté. Ou c’est moi qui l’ait adopté, je ne suis certain de rien.” C’est lui qui l’a adopté, bien sûr. Il a fait trente kilomètres et sa vie a changé, il n’est jamais retourné là où tout a commencé puisqu’il se sentaient bien mieux là où tout a continué. Continué pendant un temps, avant que la vie ne se fige. ”On peut dire que j’ai choisi mon port d’attache.” Il insiste bien sur le port, parce que s’il n’y en a pas alors mieux vaut ne même pas perdre le temps de penser à s’installer.

Un rire - trahissant totalement sa panique - se fait temporairement entendre et il balaye l’air de la main, comme pour signifier que ce Martin dit vraiment d’absurdes bêtises. ”La protection des océans fait parti de mon travail. Je suis océanologue donc tout ce qui en découle m’intéresse, mais … non. Enfin, pourquoi pas les rencontrer oui peut être mais …” Et si on lui demande pourquoi il voudrait les rencontrer alors il dirait que c’est seulement à but professionnel et absolument rien de plus. ”On a tous un objectif commun, de toute façon. Les moyens pour y arriver son variés.” Et tous respectables.

Je souris à l’inconnu et c’est d’un regard presque attendrit que je l’observe. Non pas car je le trouve mignon lui et son visage expressif –bien que, avouons-le, il soit tout à fait à mon goût- mais surtout parce que je me rends compte de la beauté de la chose et de l’incroyable pouvoir que détient cette ville. J’avais presque oublié à quel point la ville et ses habitants sont accueillant et combien tout ici est chaleureux. Non seulement au niveau de la météo, mais aussi et surtout les gens qui peuplent les rues. Ça fait à peine cinq minutes que mes pieds se sont à nouveau posés sur le sol australien et tout de suite j’ai engagé la conversation avec un gars d’ici. La chance ? Peut-être.

Dans tous les cas je rigole de bon cœur lorsque le jeune homme blague à nouveau, demandant avec ironie s’il risque de se faire enrôler au sein des Sea Shepherd si un deuxième militant débarque. «Non,non t’inquiète pas. Pas aujourd’hui en tout cas. Ils sont déjà tous partie » je souris et hausse les épaules, me passant une main dans la nuque «et puis bon, en vrai c’est un peu plus compliqué de faire parti de cette ONG. Mais bon, je vais pas t’embêter avec les modalités hein » je repose mon regard sur le jeune homme « Sauf si évidemment ça t’intéresse réellement de nous rejoindre» dans ce cas là, oui, je me ferais une réelle joie de lui expliquer tout ce qu’il doit savoir.

« Haha, ouais, si on veut» répondais-je alors que Caelan ait exposé l’argument que je sois un vrai ‘marin sans port d’attache’ « j’aime bien dire de moi que je suis un globe-trotter à la retraite même si, en vrai, je n’ai jamais réellement prit ma retraite» je souris doucement «Je suis né en Allemagne que j’ai quitté à 18 ans pour m’installer en Nouvelle Zélande, puis je suis parti faire le tour du monde avec mon frère pendant 5 ans avant de débarquer à Brisbane en 2012 et partir en Irlande en 2017 avant de revenir ici …aujourd’hui » j’hausse les épaules « Je suis parti en juin dernier en me lançant le défis d’arriver ici sans prendre l’avion» mon sourire s’élargit réellement et j’écarte un peu les mains «Mission accomplie » je laisse échapper un rire avant de replonger mes mains dans les poches de mon jeans «enfin le bière Irlandaise ne vaut clairement pas la bière allemande hein » contrais-je l’argumentation de Caelan «je suis juste parti en vacances en Irlande et je suis tombé amoureux du pays et d’une jeune femme et …voilà. Comme j’avais plus aucune attache ici, je suis parti » tout simplement. Bien évidemment, je vais taire le fait que ce soit la mort de Hugh, mon binôme, qui est à l’origine de mon départ assez précipité.

C’est ensuite, par une certaine politesse mais surtout un réel intérêt, que je lui retourne quelques questions, apprenant ainsi que Brisbane l’a adopté étant donné qu’il a grandit dans une ville à côté. « Ah c’est cool ça ! C’est vrai que la ville est très agréable» dis-je en hochant la tête «C’est facile de l’adopté et d’être adopté aussi » je souris doucement. Sourire qui s’agrandit encore plus lorsque j’apprend que je fais face à un océanologue « Oh woah ! Vraiment ? » m’exclamais-je en me redressant « C’est trop cool !» et je le pense vraiment « ça fait longtemps ? tu as un projet en cours ? Tu travail où ? » s’il te plait, dit moi qu’il ne travail pas dans le centre aquatique Marineland de la ville « Le centre aquatique de Brisbane … il existe toujours … ?» demandais-je, hésitant si oui ou non j’ai envie de connaître la réponse.

@Caelan Leckie

Martin ressemble à un de ces adultes évoquant l’océan infini de possibilités sur un futur, seulement basé sur un “si” semblant plus que réalisable avant de tout effacer parce que, non, bien sûr que cet océan infini de possibilités ne plairait absolument pas à son interlocuteur. Et, si Caelan avait eu dix ans à nouveau, il serait sans doute resté piégé entre les mailles du filet et il aurait laissé le marin lui expliquer les tenants et aboutissants des Sea Sheperd - comme s’il n’avait pas déjà passé des heures entières à se renseigner à leur sujet. Il sait déjà tout mais peut être qu’il l’aurait laissé lui expliquer à nouveau juste pour le voir sourire, parce que tout cette histoire semble réellement lui tenir à coeur. Caelan ne peut que comprendre ce qu’il ressent, bien qu’il reste le marin à jamais cloué sur la terre parce que trop attaché à la chair de sa chair. “Un jour peut être, qui sait.” Un jour où Norah n'aura plus besoin de lui ? Jamais. Cela n’arrivera jamais, parce que même quand c’est le cas il ne l’accepte pas. Elle restera à jamais sa frêle petite soeur - cette même frêle petite soeur qu’elle n’a jamais été.
Le roux l’écoute d’un oreille attentive et quelque peu rêveur de cet homme plus jeune que lui qui a déjà réalisé tant de ses rêves si ce n’est tous. Il a connu les sept continents et mers et ce sont deux choses pour lesquelles il l’envie déjà bien plus que de raison. Tomber amoureux d’un endroit et d’une femme en même temps, c’est au moins quelques chose dans laquelle il se retrouve sans trop de soucis. Il a fait de cette jolie blonde sa femme et elle a fait de lui son ex mari, mais il faut croire que ce ne sont là que les aléas de la vie qui sont venus torpiller son coeur. Il extrapole sans doute un peu trop mais se doute que l’histoire de Martin doit ressembler à la sienne car il est revenu en Australie et ne porte aucune bague à l’annulaire. Ce qui signifie beaucoup. On peut en porter une et ne plus être marié (ce que Caelan maîtrise très bien), mais être marié et ne pas en porter est beaucoup plus rare. Voire impossible. Inimaginable.
Brisbane a adopté les deux hommes et ils en ont fait de même avec elle ; c’est donc un fait. Un fait qui fait une fois de plus sourire le doux Caelan. “Un peu plus de dix ans maintenant. Je travaille au centre de recherches de la ville.” Il ne donne pas les initiales du lieu, trouve le tout bien trop pompeux et n’a pas envie de passer pour quelqu’un qu’il n’est pas. Les informations à son propos sont données à la va vite, presque murmurées parce qu’il pense que cela n’a rien d’important et encore moins d’intéressant. “On travaillait surtout contre l’implantation d’une usine pétrochimique près des côtes ces temps ci. Mais on a réussi, maintenant, alors retour à la normale.” C’est ce qu’il pense en tout cas, c’est avant qu’on lui fasse savoir que la contre expertise qui va ruiner sa vie et sa carrière débutera sous peu. “Le centre aquatique existe toujours, oui.” Il répond, d’un ton neutre alors qu’il n’en pense pas moins. Il n’a aucun argument pour ce genre de centres et celui de Brisbane ne fait pas exception, qu’on parle de sa ville de coeur ou non le résultat est le même : ce genre d’endroit ne devrait pas exister. Pourtant Caelan ne dit rien, ne laisse rien paraître non plus ; l’exemple même de la neutralité absolue. “T’as l’air investi dans la cause au maximum, je me trompe ? Du genre à se dire que la finalité vaut tous les moyens ?” Ses yeux verts se relèvent vers Martin et son expression quasi chérubine démontre bien qu’il n’y a aucune marque d’animosité dans ses paroles, seulement une curiosité puisque l'inconnu l'intrigue très largement.

C’est avec un doux sourire que j’accueille l’incertitude de Caelan. Avec son ‘un jour peut-être’ il me montre qu’il n’est pas totalement fermé à l’idée d’un jour faire parti des Sea Shepherd ! Je pense que si j’insiste un peu, appuyant avec les bons arguments, il y a forcément moyen de le rallier à notre cause. Non pas que ce ne soit pas déjà le cas étant donné qu’en tant qu’océanologue il est déjà pas mal sensibilisé à la destruction humaine de la faune et de la flore maritime. Il lui faudra donc, seulement, le courage d’aller au front. Et en vrai je pense que cet homme que je viens tout juste de rencontrer et que je ne connais absolument pas, pourrait être un très bon atout. Mais il n’est pas encore question de cela aujourd’hui ! J’imagine bien aussi Caelan être typiquement le genre de personne qui se braque facilement si on lui met trop rapidement trop de pression. Mais je peux aussi me tromper !

Dans tous les cas j’apprends qu’il travail au centre de recherche de la ville et qu’ils bossaient contre l’implantation d’une usine de pétro chimie à la côté et qu’ils ont réussi « Ah c’est grâce à vous ? Merveilleux !» souriais-je grandement avant de grimacer lorsqu’il me dit que c’est maintenant un retour à la normal qu’ils vivent au boulot «Je ne crois pas, non » dis-je en me baissant pour fouiller mon sac duquel je sors un magasine récupérer sur le navire « Adani s’implante à 160 km au nord-ouest de Clermont, à 900 km d’ici» expliquais-je en feuilletant le magasine « ils vont agrandir la mine de charbon qui y existe déjà pour en faire la plus grande du monde. Ils extraireront 2 millions de tonnes de charbon par minutes. Ces deux millions de tonnes seront transporter par navire vers l’inde où ils seront brûlé et se retrouveront donc dans l’atmosphère pour aider le réchauffement climatique à s’accélérer» trouvant la page, je tend le magasine à Caelan «et le pire dans tout ça c’est que cette mine est à moins de 10 km de la grande barrière de corail et que les bateaux devront passer au-dessus de la barrière pour aller en inde » expliquais-je «un seul accident et c’est la mort assuré pour les coraux qui sont déjà en très mauvais états et …bref, voilà. Tout ça pour dire qu’il n’y a jamais un retour à la normal tant que les multinationales ne voient que l’argent que ça peut leur apporter » je prends un profonde inspiration et me tais, sentant que je commence tout doucement à monter pression.

Lorsque Caelan assume que je suis du genre à être totalement investit dans la cause, je laisse échapper un rire presque jaune «ça se voit tant que ça ? » demandais-je avec une certaine ironie avant de secouer la tête en me passer une main dans les cheveux «Mais en vrai …oui, t’as raison. C’est juste que … ça me révolte tout ça. » je regarde autour de moi et hausse les épaules « ça a commencé quand j’ai suivi un groupe d’activiste en amazonie en 2012 et que je me suis attaché à un arbre pour sauver des paresseux. J’ai arrêté la viande et tous les produits d’origines animales en arrivant à Brisbane et je me suis engagé au près de Sea Shepherd» je croise les bras devant moi «Depuis j’ai participé à pas mal d’action avec eux au Japon, au Mexique mais aussi avec la partie française sur les Îles féroé. Je tairais le fait que le prison féringienne c’est une autre histoire que l’australienne » ajoutais-je avec un rire presque amusé «J’ai été en Chine pour sauver les chiens lors du festival de Yulin et …bref, ouais, j’aime bien être sur le front et agir » je souris doucement «à côté j’ai adopté un mode de vie 100% végan et j’ai réduit mes déchets de presque 95% donc …voilà» quand j’en parle, ça donne l’impression que c’est énorme, mais je pense, moi, que ce n’est toujours pas assez et que je pourrais faire bien plus encore.

@Caelan Leckie

« Ah c’est grâce à vous ? Merveilleux ! » Merveilleux, oui, comme la contre-expertise lancée contre lui. Merveilleux comme la fin de son contrat avec le centre de recherche qui va lui tomber dessus sous peu, lorsqu’il sera désarmé et au pied du mur. Merveilleux, en effet. Il sourit faiblement, pose ses yeux au sol un simple instant. Les mots mal choisis du roux poussent Martin à se lancer dans un monologue qui n’en termine pas. Caelan en vient à se demander quand est ce qu’il trouve le temps de respirer, lui dont les mots n’arrêtent pas de s’accumuler. Maintenant qu’il a assez fui son regard lorsque la discussion était tournée à son propos, il peut regarder Martin droit dans les yeux et l’écouter accumuler les arguments les uns à la suite des autres. Rien que Caelan ne sache pas déjà, rien qu’il n’ait pas déjà étudié pendant des jours si ce n’est des semaines ou des mois ; parce que les océans, au delà d’une passion, sont son métier. ”Ce n’est pas parce que c’est préjudiciable que ce n’est pas la normalité pour autant. Il n’y a rien de nouveau là dedans.” Il ne fait pas dans les grands discours, lui, et ne fera sûrement jamais dans ce domaine là. Il préfère user de paroles courtes et concises même s’il serait largement capable de débuter une thèse à propos de n’importe quoi en relation avec leur océan. Tous ses proches le savent et savent soigneusement éviter le sujet maintenant.

Le voilà désormais lancé pour raconter ses exploits personnels et ceux avec les Sea Sheperd. Caelan ne juge jamais personne, pour rien, mais son besoin viscéral de respecter les règles ne peut s’empêcher de se sentir mal face à ses paroles. Une chose est certaine, c’est que lui n’aurait jamais pu en faire de même, que ce soit en Amazonie, en Chine, au Japon ou sur n’importe quelle île Française. ”Une réduction de déchets de seulement 95% ? Quelle honte.” Il esquive, rigole doucement, tente de ne pas se rendre sur cette pente glissante que sont les convictions du bénévole. Le roux a tant de mal à comprendre ses actes, lui qui est toujours caractérisé par son parfait flegme, son absence de blanc ou de noir pour toujours privilégier un gris parfait, mélange de toutes les couleurs primaires. ”Pour ma part, la seule fureur de la Nature que je crains est celle de ma femme ; et si je tarde trop je suis un homme mort.” Silk va le tuer et elle le tuera encore plus quand elle apprendra que la raison de son retard est le questionnaire improvisé de son mari pour un bénévole. Elle le saura, oui, bien sûr, parce qu’il est bien incapable de lui mentir à propos de quoi que ce soit. "Je continuerai à suivre vos aventures quoi qu'il en soit, de près ou de loin." Il le pense sincèrement, son sourire le confirme.