C’était en train de la travailler depuis des semaines au point qu’il n’y a plus que ça dans sa tête : un arbitrage intérieur sur la prochaine décision qu’elle prendra et qui changera littéralement son quotidien. Depuis plusieurs années, Clara avait tentée de se satisfaire de l’étiquette de petite amie et des sacrifices qu’elle amène, comme celui d’être fidèle (sacrifice totalement échoué), d’être supportive, de savoir se mettre de côté et de faire des concessions pour son couple. Clara était tombée tellement amoureuse qu’elle s’était laissée croire pendant longtemps qu’elle en serait capable mais le fait accompli est là : elle ne l’est pas. Elle pensait – voulait – sincèrement être cette fille lambda qui se satisferait d’une relation sérieuse mais les récents évènements lui avait permis de réaliser que ça ne serait jamais le cas. L’amour est là, indéniable et douloureux à la fois mais il est plus une entrave au développement de chacun qu’un réel apport à sa vie et à celle de Nicolas. Par amour – et égoïsme aussi – elle s’était enfermée dans cette relation qui n’était qu’un tissus de mensonge mais qu’elle était incapable de terminer parce qu’une rupture la rendrait trop malheureuse. Elle avait mené une double vie en pensant que cette part d’elle, celle qui ne calait pas avec ses aspirations de relations sérieuses, s’exprime assez pour laisser l’autre vivre mais l’autre est malheureuse depuis bien trop longtemps. Le fait accompli est que sa relation ne fonctionne plus et cette information prenant de plus en plus de place dans la tête de Clara, elle l’obsède parce qu’elle doit décider de ce qu’elle doit faire. Continuer comme ça n’est plus possible. Mettre fin à tout ça parait insurmontable bien que l’idée ait finalement frappée la petite blonde, la mettant dans un état de panique assez important. Voilà quatre années qu’elle était en couple avec lui et d’avoir pris la décision ne l’aide pas à se dire qu’elle ira mieux, au contraire, toutes les conséquences, tous les compromis, tout ce qui a été mis de côté pendant quatre ans lui revient à la figure par vague. Elle est mal. Rongée par la culpabilité et la peur qui habite ceux qui s’apprêtent à faire beaucoup de mal. Seulement, c’était le moment de prendre le taureau par les cornes et de cesser d’être ce qu’elle n’est pas. C’en était assez de cette double vie et cela passe par se mettre au grand jour devant les personnes qu’elle a osé berner. Elle avait menti à Yasmine pendant toutes ces années. Ou plutôt, elle l’avait laissé croire à cette Clara rangée qu’elle n’est plus capable d’être et avait joué un rôle auprès d’elle. Si pour faire les choses biens, elle aurait dû en premier lieu parler à Nicolas, le principal concerné et expliquer la situation à son entourage. Les conseils plein de sagesse de Yasmine pourrait s’avérer fort utile dans la situation - dans le cas hypothétique où elle ne met pas Clara à la porte - et là, c’est de ça dont elle a besoin : qu’on l’aide à faire un peu le ménage là haut. Elle a choisi une heure où elle sait que Fatima n’est à la maison pour faire sa visite. La mère Khadji avait tendance à poser beaucoup de question sur sa vie de couple et Clara lui apprenait tout de suite que celle-ci s’apprête à se terminer, elle n’aurait pas la place pour avoir la conversation qu’elle souhaite. C’est une chose difficile que de formuler à haute voix des pensées qui n’ont alors été répétée à personne et c’est en prenant une inspiration pour se donner du courage qu’elle sonne à la porte avant de tomber nez à nez avec sa meilleure amie. « Bonjour, je peux entrer ? » Elle essaie de ne pas avoir une mine grave mais ça semble peine perdue. Elle jette un coup d’œil pour voir qui est là, s’il y’a de la visite. « Je suis désolée de tomber comme ça comme un cheveu sur la soupe, je devais te parler. » explique Clara, morte de trouille et de stress avant d’ajouter. « En privé. » Sous-entendu que là, c’est sérieux.
Sans le savoir, Yasmine était exactement dans le même état d'esprit que Clara… à un détail prêt. Elle, elle était célibataire depuis plus de deux ans, et ça lui avait toujours convenu. Jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive que ce choix de ne pas s'occuper de sa vie amoureuse était induit par les sentiments qu'elle couvait pour Hassan et qui, admettons-le sans tourner autour du pot plus longtemps, altérait considérablement sa vision des histoires d'amour. Elle n'avait pas sciemment menti, elle n'avait pas sciemment prétendu qu'elle préférait rester seule… en revanche, elle avait sciemment fait en sorte de saboter les quelques bribes de bonheur que sa courte relation avec Edgerton lui avait apportée, car dans un coin reculé de son esprit tourmenté, elle s'était toujours préparée à se rendre toute disponible si jamais il s'avérait qu'au final, elle avait ses chances avec son ami d'enfance. C'en était terminé, définitivement. Elle ne voulait plus s'enfermer dans ce carcan qu'elle s'était imposée sous le prétexte qu'elle n'avait jamais rien connu d'autre, et que c'était la seule vraie conjoncture qui lui faisait envie, qui lui plaisait. Peut-être que sa récente dispute avec Edge était la cause immédiate de son envie de prendre le taureau par les cornes elle aussi, et d'enfin se préparer à atteindre le bout du tunnel sans s'en vouloir terriblement d'admettre pour de bon qu'elle méritait autre chose qu'une histoire qui ne verrait jamais le jour ailleurs que dans ses rêves les plus fous. Elle était prête à tourner la page, c'était une certitude qui l'avait gardé éveillée ces derniers jours, et c'était dans cette optique qu'elle harponna résolument son téléphone portable et ses clefs de voiture. Du temps s'était écoulé depuis l'épisode de la station-service. Elle n'avait pas tenu les comptes – elle avait étrangement l'impression qu'un mois complet venait de passer cependant… à qui mentait-elle, vraiment ? –, elle savait toutefois que ça avait assez durer, et que si elle devait être la première à faire le premier pas vers Edgerton, et bien, elle endosserait ce rôle sans rechigner. Elle avait des choses à se reprocher, assez pour être capable de le concéder à haute et intelligible voix et lui présenter des excuses sans tomber dans le pathos ; et surtout, sans asseoir les propos qui lui avait craché à la figure ce soir-là, et qui ne cessaient de la contrarier. Yasmine ne s'attendait pas à ce qu'il accepte ses excuses, encore moins à ce qu'il lui pardonne de s'être emportée pour les mauvaises raisons, mais elle tenait à ce qu'il sache qu'elle était sincèrement désolée d'avoir profité de cette occasion pour régler tout ce dont ils avaient soigneusement évité de parler depuis qu'ils avaient doucement commencé à renouer, et lui proposer de mettre cartes sur table sans pour autant se faire du mal. En vérité, ça lui tordait le ventre d'imaginer qu'elle avait sonné le glas du rapport qu'ils avaient tenté de reconstruire, angoissée par la conclusion de la conversation qu'elle tenait tant à avoir avec lui ; une conversation qu'elle s'évertuerait à mener posément, malgré les difficultés qu'elle rencontrait à envisager de lui parler de certaines choses alors que de l'autre côté, ça lui faisait encore de la peine de resonger à tout ce qu'ils s'étaient dit sans subtilité, portés par la rancœur. Yasmine avait besoin de savoir où ils en étaient, et puisqu'elle ne tenait pas à réitérer les mois de fuites volontaires qu'elle avait imposé à Hassan lorsqu'elle avait tant voulu se préserver de la vérité qu'elle lui avait enfin donné, mise au pied du mur, elle était farouchement décidée à prendre sur elle pour être enfin fixée. D'une main habituée, celle tenant son téléphone étroitement serré entre ses doigts, elle balaya un long rideau de cheveux d'un côté à un autre de sa tête, les sourcils froncés tant elle se concentrait sur l'objectif qui l'animait à ce moment-là. Les quelques pas supplémentaires qu'elle fit pour atteindre le vestibule – empoignant au passage sa veste en jean qu'elle enfila à la hâte – furent énergiques, trop pour que ça ne la surprenne pas de trouver Clara au seuil de sa porte qu'elle avait ouverte dans la foulée, parée à l'action.
"Pardon, tu m'as fait peur." fit-elle après un grand sursaut, la main tenant ses clefs de voiture posée sur la poitrine et le cœur battant à tout rompre – sous le coup de cette visite impromptue, ou celui de l'entreprise qu'elle avait engagée et qui devait l'emmener sur un terrain miné, elle ne saurait vraiment le dire à ce moment-là. En revanche, l'expression qu'elle lut sur le visage de sa meilleure amie la fit reconsidérer ses occupations à la hâte. Alors qu'elle était prête à lui dire qu'elle avait quelque chose de très urgent à faire, Yasmine se ravisa doucement. Les yeux scannant rapidement les traits de la blondinette, elle se décala de l'ouverture de la porte de son appartement pour la laisser passer "Je suis toute seule, fais comme chez toi." lui proposa-t-elle, un peu contrainte, mais doucement déterminée à savoir ce qui l'amenait dans son nouveau chez elle sans s'annoncer ; parce qu'elles étaient constamment en contacts, et qu'en règle générale, Clara n'était pas la moins avare en textos lorsqu'il s'agissait de faire entendre à sa meilleure amie qu'elle comptait la monopoliser pendant une heure ou deux. Vraiment, ça ne lui disait rien qui vaille, aussi après un soupir discret, elle ferma la porte derrière une fois qu'elle fût entrée. Après avoir lancé ses clefs de voiture et son téléphone portable dans le vide-poche de l'entrée, Yasmine la suivit jusqu'au salon douillet qu'elle lui désigna d'une large ouverture de bras tandis qu'elle lui demandait patiemment "Quelque chose ne va pas ? Assieds-toi." Tout en retirant sa veste en jean, qu'elle posa sur la patère de laquelle elle l'avait décrochée, elle s'avança à reculons vers le coin ouvert de la cuisine. A distance, l'expression de la jeune femme lui parut définitivement trop sérieuse pour qu'elle daigne détendre l'atmosphère avec une boutade dont elle seule avait le secret. Yasmine s'arrêta derrière le comptoir du petit-déjeuner, lui avouant, la voix enrouée par la soudaine inquiétude qui, en même temps, teinta graduellement ses traits "Tu m'inquiètes, Clara."
L’entrain que met Yasmine en lui ouvrant la porte lui fait faire un geste de recul. La jeune femme apparait clé en main, veste sur les épaules avec une expression de surprise sur le visage. Visiblement, l’infirmière semble prête à partir de chez elle, et pressée. Elle ne l’attendait pas, ce qui est normal vu que Clara n’avait pas jugé bon de prévenir de son arrivée. Cette réalisation pourrait éventuellement donner à Clara l’idée de se raviser et de choisir de s’effacer plutôt de prendre du temps que sa meilleure amie devait avoir à utiliser pour une autre cause que la sienne. "Pardon, tu m'as fait peur." Seulement, Clara n’est pas cette personne douée d’altruisme et au lieu de gentiment ajouter vu la situation qu’elle pourra repasser plus tard, elle vient à la charge, demandant du temps. Un léger silence se produit pendant lequel Clara soutient le regard de Yasmine comme pour lui faire comprendre qu’il s’agit d’un moment de crise, voir même de flip total. Le langage non-parlé semble fonctionner vu qu’à la minute d’après, la blonde est invitée à entrer. "Je suis toute seule, fais comme chez toi." Elle ne se fait pas prier pour pénétrer dans le petit appartement de Yasmine. Son regard se promène partout, elle doit encore le mémoriser. Elle ne dit rien en attendant patiemment d’avoir toute l’attention de son amie. La curiosité que de demander où elle se rendait pointe son nez mais Clara sait que si elle n’avoue pas son secret maintenant, elle pourrait très bien se rétracter à l’avenir et ce n’est pas ce qu’elle souhaite. "Quelque chose ne va pas ? Assieds-toi." C’est le moment d’expliquer et soudainement Yasmine prend des airs d’audience de cinq cent personnes devant laquelle Clara reste muette. Même si elle n’est pas la principale concernée par sa double vie, elle a aussi menti à Yasmine. Pire, son comportement, voir même sa personnalité cachée parce qu’arrivée à un certain point, la Clara sage relève du rôle parfaitement interprété, représente des choses que la brune réprouve. Ce dont Clara a peur à l’instant présent, c’est de blesser Yasmine en lui avouant ses mensonges mais encore plus de sentir du jugement dans son regard. Peut-être aurait-elle mieux fait de prévenir afin de pouvoir bénéficier de quelques minutes encore de cette camaraderie qu’est la leur. Peut-être … Elle se motive malgré tout parce qu’après de toute manière, il est temps pour elle d’avancer. "Tu m'inquiètes, Clara." Ajoute Yasmine, dont la perspicacité lui a très certainement permis de voir tout le trouble interne que ressent Clara. Cette dernière s’assied et après une grand inspiration, demande : « Je te dis mon secret si tu me dis le tiens, tu t’souviens ? » demande t-elle en faisant écho à cette soirée au karaoké où les questions allaient être formulées mais que les réponses n’étaient pas prêtes à venir. « Si je te dis mon secret, tu me promets de ne pas me mettre à la porte tout d’suite et de m’aider ? » C’est lâche de sa part que de l’embarquer dans une telle promesse mais à situation désespérée, geste désespérée. Elle regarde surtout le sol, craintive pour la suite. Elle se sent horrible. Elle sait qu’elle l’est. Elle n’assume pas. « Je mens à Nicolas depuis des années, sur notre couple et je ne sais pas comment faire pour arrêter. » Certain dirait qu’il suffit de dire la vérité, mais là, ce n’est pas une question de quoi mais de comment. Elle est embourbée et n’a pas la moindre idée de comment s’en sortir.
Son instinct étant ce qu'il était, c'est-à-dire plutôt bon aux dernières nouvelles, Yasmine se sentit soudainement enveloppée d'un sentiment d'urgence qu'elle connaissait que trop bien. Et pour cause, il faisait partie de son quotidien. Elle avait beau avoir des projets immédiats qui lui tenaient particulièrement à cœur, l'expression indéfinissable sur le visage aux traits si fins et délicats de Clara lui indiqua illico, sirènes hurlantes en bonus, qu'il fallait qu'elle s'oblige à revoir l'ordre de ses priorités. Exit sa détermination à aplanir la situation avec son ex-petit ami, sa meilleure amie avait besoin d'elle. Ce fût non sans éprouver une petite pointe de frustration qu'elle la fit rentrer chez elle, bien décidée à savoir ce qui semblait tant la tracasser. Elle s'était tout de même sentit obligée de se rendre jusqu'à chez elle sans savoir véritablement si elle la trouverait là… aussi Yasmine laissa son inquiétude s'exprimer. Le silence que Clara laissa retomber sur la pièce lorsqu'elle s'enquit des raisons de sa présence ici lui parut plus long qu'en vérité. Alors qu'elle s'était dirigée à reculons vers le coin cuisine, rejoignant le comptoir du petit-déjeuner dans l'optique de lui préparer un thé – la boisson du réconfort chez les Khadji, c'était imparable – elle marqua brusquement une pause significative à la fois dans ses mouvements et dans son raisonnement.
La réponse que la jeune femme lui apporta lui fit froncer les sourcils et abandonner toute velléité de lui préparer quoi que ce soit. Yasmine, qui s'était penchée pour s'appuyer sur la tablette du comptoir, se redressa pour mieux se raidir et échanger un regard avec la jeune femme ; un regard pénétrant, voué à sonder tout ce qu'elle pouvait bien d'avoir caché dans sa petite tête à ce moment précis. Elle ne saurait comment l'expliquer, mais depuis qu'elle était rentrée du Niger, elle sentait que quelque chose n'allait pas chez Clara. Elle qui était si pleine de vie, elle lui laissait parfois le sentiment étrange de se barricader derrière quelque chose qu'elle n'arrivait pas à atteindre malgré la corde qu'elle lui avait déjà lancé à plusieurs reprises ces derniers mois, foncièrement convaincue qu'il s'était passé quelque chose dont elle n'osait pas parler. Elle lui avait proposé un deal qu'elle jugeait équitable la dernière fois qu'elle avait essayé de savoir le fin mot de l'histoire, comptant sur les vertus légendaires de la confession pour soulager la conscience de la blondinette autant que la sienne… mais ça n'avait pas pris et depuis, elle avait préféré battre en retraite en évitant de songer à tout ça, très peu douée pour les vraies suppositions, s'était-elle aperçue ces derniers temps. Alors qu'elle remette la proposition qu'elle lui avait faite sur le tapis en arborant cette mine indescriptible, c'était assez pour qu'elle se ranime et qu'elle vienne immédiatement s'asseoir à ses côtés. "Je me souviens." Je le savais, pensa-t-elle, mais pas sous le ton de la victoire, plutôt sous celui de la certitude pétrifiante. Elle s'assit presque prudemment à côté de la jeune femme, coinçant à deux mains ses cheveux derrière ses oreilles, et opinant du chef pour l'encourager à aller plus loin encore. Les yeux dansant de part et d'autre du visage de sa meilleure amie, elle capta les siens, et quand elle laissa éclater l'écho d'une promesse, Yasmine dégaina aussitôt son petit doigt pour le crocheter à celui de Clara "Tu sais que je ferai jamais ça. Je te le jure." Et c'était un pacte scellé par cette manie de petite-fille qui lui était étonnamment restée, même à 30 ans passés. Elle ne pourrait jamais y revenir, c'était un acte sacré pour elle ; et comme pour apporter davantage de cachet à cette promesse qu'elles venaient de passer, elle garda un long moment encore le doigt de la blondinette autour du sien. Et leurs mains jointes de cette façon, elle les posa sur ses genoux en penchant la tête, prête à accueillir ce qu'elle s'apprêtait à lui. Là encore, ses sourcils se froncèrent "Tu lui mens sur votre couple, qu'est-ce que tu veux dire par là ? Il s'est passé quelque chose de grave entre lui et toi ?" finit-elle par lui demander un peu naïvement, à mille lieues de pouvoir anticiper les révélations que déverseraient bientôt la jeune femme, à qui elle dit gentiment "Hey, t'es là, tu demandes de l'aide… c'est que t'as envie de faire quelque chose à propos de tout ça. Ça va aller, Clara." Et lâchant sa main, elle se pencha pour la prendre dans ses bras et la serrer dans une étreinte pleine d'affection et de douceur ; tout ce dont elle avait besoin pour ne pas craindre de parler en sa présence.
Le poids de la culpabilité devient de plus en plus écrasant. Clara a passé des années à regarder ailleurs, à faire comme si le fourbi dans lequel elle s’était foutue n’était pas en train de prendre de plus en plus de contrôle sur sa vie jusqu’à arriver, comme maintenant, à son point de non-retour et à l’écraser de tout son poids. A ce stade-là, on est clairement sur de la lâcheté de la part de Clara parce que même alors que la vérité menace d’éclater en explosant à l’intérieur d’elle-même, elle parvient encore à se bercer d’illusion et à se chuchoter qu’elle peut s’en tirer en mentant alors qu’une grosse part d’elle-même ne veut que tout raconter à Yasmine, comme si cette dernière détenait les secrets de l’absolution et surtout le remède miracle qui fera que tout ira bien. C’est stupide mais il faut croire que les personnes les plus désespérées sont celles qui arrivent à croire le facilement à la magie. Seulement, croire en l’impossible, ce n’est pas le modjo de Clara et il y’a une forte partie d’elle qui arrive malgré à faire en sorte qu’elle appelle à l’aide afin de trouver une solution raisonnée, à fortiori, de pouvoir au moins partager le lourd fardeau qu’elle s’est imposée. Il y’a plusieurs mois, Yasmine avait offert d’apprendre à connaitre ce secret et si la réaction de Clara avait été de s’enfermer dans ses mensonges, aujourd’hui, elle se décide à arrêter quand bien même qu’à chaque pas qu’elle fait, elle hésite à en faire un en arrière. "Je me souviens." Répond Yasmine, ce qui aux yeux de la blonde pourrait presque paraitre comme une acceptation à écouter ce qu’elle a à dire alors qu’en soi, l’infirmière n’a rien approuvé de telle. Métaphoriquement parlant, Clara se sent comme au bord d’un précipice et prête à sauter. Elle attend juste de savoir si elle aura un coup d’main à l’arrivée ou non. "Tu sais que je ferai jamais ça. Je te le jure." Il est difficile de savoir quelque chose à cent pour cent quand son comportement est fortement préjudiciable et réprouvable. Si elle n’a aucun doute que Yasmine l’aidera, Clara a bel et bien peur que la jeune femme le fasse par obligation parce que Clara le lui aura fait promettre et que Yasmine n’abandonne jamais personne, que parce qu’elle ne la juge pas. Ses confessions, elles sont assez pour briser une amitié parce que la vérité, c’est qu’elle n’est pas qui elle montre depuis des années. C’est ce qu’elle commence à avouer, avec peine et sans le faire vraiment. "Tu lui mens sur votre couple, qu'est-ce que tu veux dire par là ? Il s'est passé quelque chose de grave entre lui et toi ?" Elle s’en rend compte à la question de Yasmine. Ce qui est horrible, c’est qu’elle n’est pas sûre que son amie mesure la gravité de ses actions à moins d’utiliser des mots précis pour les décrire, des mots qu’elle aurait voulu ne pas prononcer, par culpabilité et par honte. "Hey, t'es là, tu demandes de l'aide… c'est que t'as envie de faire quelque chose à propos de tout ça. Ça va aller, Clara." Non, ça ne va pas aller. Elle est la pire personne au monde et ça, elle ne peut plus corriger le tir, elle doit juste assumer, chose qu’elle n’a jamais eu l’habitude de faire. Alors que Yasmine tente en vain de la réconforter, Clara sent le dégoût d’elle-même prendre possession d’elle. Il faut qu’elle le dise. Elle se le répète pendant un long moment, ce discours de motivation à finalement le faire et alors qu’elle se dit que rien ne pourra être pire que maintenant, elle tente de reprendre son calme. « Je trompe Nicolas depuis des années. » Et les paroles résonnent un instant parce que si Romy était déjà au courant de la chose, elle n’avait jamais fait partie de la grande arnaque que représentait la Clara de Nicolas. Yasmine si. Elle lui avait menti en lui faisant de beau discours sur leur relation, en jurant que tout était parfait et en incarnant la nana bien sous tous rapports. « A ce stade, c’est carrément une double vie que je mène. Il y’a moi quand il est là et moi quand il ne l’est pas au point que je ne sais même plus qui je suis des fois, et puis, je vais lui briser le cœur. »Parce que fatalement, la situation ne peut plus durer et que si elle s’était mise dans ce merdier pour préserver Nicolas à un instant T, maintenant ce n’était plus possible. « Je me déteste d’avoir fait ça et je ne sais pas comment faire, une part de moi ne veut pas lui faire mal mais, je peux plus vivre comme ça. »
Dans le microcosme de Yasmine, il y avait trois couples qui pouvaient prétendre à l'exemplarité. Ses parents qui, même dans la tragédie, ne s'étaient jamais détournés l'un de l'autre. Ils démontraient une unité telle, faisant bloc contre l'adversité d'une seule et unique voix, qu'elle avait parfois le sentiment profond qu'ils n'avaient même pas besoin de se parler pour se dire les choses. C'est vrai, ils n'étaient peut-être pas friands des démonstrations d'affections en public, le dernier souvenir qu'elle avait d'eux en train de s'embrasser sur les lèvres remontant à des années en arrière, la façon dont ils se regardaient était la preuve irréfutable qu'il s'aimaient à en mourir pourtant. Ça avait instillé un sentiment de chance chez la jeune femme lorsqu'elle pensait à eux en tant que couple tandis qu'elle avait beaucoup gravité autour de camarades de classe qui devaient supporter les divorces et remariages de leurs géniteurs sans broncher, récoltant au passage des traumatismes d'enfance qui définiraient leurs opinions au sujet des relations amoureuses. Amjad et Fatima étaient le but ultime à atteindre à ses yeux et d'une certaine façon, ça expliquait pourquoi elle ne s'était jamais donné la peine de véritablement s'éprendre de quelqu'un : elle savait qu'un amour comme le leur était unique et que finalement, c'était bel et bien eux les chanceux. Il y avait aussi Qasim et Olivia qui, dans leur genre à eux, avait assis son envie précoce de ne pas se contenter de répondre aux exigences culturelles de ses parents et de considérer les hommes non-musulmans comme des options envisageables et pas comme des interdictions formelles. La famille mixte qu'ils avaient conçue de leur propre volonté, bâtissant leurs traditions à eux et affirmant à chaque nouvelle naissance de leurs enfants leur envie de sortir des sentiers battus pour mieux faire ouvrir les yeux à ceux qui pensaient toujours qu'à notre époque, il valait mieux se contenter de ce qu'on connaissait et laisser le reste pour ceux à qui ça revenait de droit ; c'était la modernité du lien qui les unissait tous les deux qu'elle trouvait belle chez eux, en plus de leurs enfants qui en grandissant prenaient de plus en plus l'allure des citoyens de demain. Et puis il y avait Nicolas et Clara. Cette impression de perfection ultime qu'ils dégageaient lorsqu'ils étaient dans la même pièce, et pas seulement parce qu'ils étaient jeunes et beaux. Cette habitude si particulière avec laquelle ils interagissaient, sans même prétendre devoir faire des efforts pour faire marcher leur couple ; la complémentarité de leur caractère et le naturel de l'amour qu'ils se portaient l'avait toujours impressionnée parce qu'elle s'était toujours dit que, ses standards étant ce qu'ils étaient, tomber amoureuse aussi vite et aussi fort de nos jours était probablement une utopie à laquelle elle croyait en secret, mais qui relevait davantage du conte de fées que de la fatalité. Pas par cynisme ni par envie profonde de contredire l'idée que l'amour existait vraiment comme le faisait Hassan depuis sa débâcle avec Joanne ; parce qu'elle y croyait, elle. Seulement, les temps avaient évolué et les comportements aussi ; au-delà de son manque d'expérience en la matière et de la naïveté que certains lui trouvaient à ce sujet, Yasmine n'était pas idiote.
Toutefois, c'est ce qu'elle crut devenir face à la révélation de Clara. Les mots qu'elle laissa enfin filer claquèrent comme une gifle sur sa joue et bien qu'elle resta éberluée pendant quelques secondes, la jeune femme se remit les idées en place avec une rapidité qu'elle avait acquise au cours de sa carrière d'infirmière. Elle lâcha doucement Clara pour mieux la regarder, et la détresse qu'elle lut dans ses yeux la fit déglutir par à-coups. Elle n'avait pas le droit de mal prendre cette révélation, pas devant ce regard-là. Elle n'était pas la principale concernée dans cette histoire, quand bien même la petite blonde n'avait pas joué franc-jeu avec ceux qui, comme elle, avaient cru si fort à leur histoire. Le jugement lui était interdit, elle ne reviendrait pas là-dessus. Mais d'un autre côté, elle ne pouvait ignorer le fait qu'elle avait été dans les chaussures de Nicolas. Être le trompé n'avait rien d'agréable, ça remettait en doute tout un tas de choses, et lorsque l'on n'était pas particulièrement sûr de soi, la trahison prenait des allures de punition amplement méritée. Non, non… elle n'avait pas le droit d'en vouloir à Clara, le parallèle entre son histoire avec Nicolas et la sienne avec Edgerton n'avait pas lieu d'être. Ils étaient restés cinq mois ensemble, Nicolas et Clara étaient sur le point de se marier… Yasmine secoua la tête. "Je vais faire du thé." fût la seule chose qu'elle se sentit capable de dire. Les mains écartées devant elle, donnant l'étrange impression de ne plus savoir exactement où elle se trouvait alors qu'elle était pourtant dans son propre appartement, elle se leva rapidement de son canapé. Laissant Clara derrière elle, elle se dirigea vers le coin cuisine qu'elle avait quitté un peu plus tôt. Elle farfouilla dans les placards, y dénicha le thé en vrac qu'elle préférait, et prit une profonde inspiration lorsqu'elle remplit la bouilloire en se sommant de ne pas surréagir et de respecter la promesse qu'elle avait faite à sa meilleure amie… mais elle pensait à Nicolas, c'était plus fort qu'elle à ce moment-là. Elle poussa la plaque de cuisson au maximum pour porter l'eau à l'ébullition plus vite, puis elle vint poser ses mains sur le bord du comptoir du petit-déjeuner. Se réinsérant dans la conversation, Yasmine dirigea son regard partout autour d'elle sauf sur Clara "Tu lui as déjà brisé le cœur, il le sait juste par encore." Elle se trouva dure, mais elle parlait en connaissance de cause. Ça lui avait fait du mal d'apprendre qu'Edge était allé voir ailleurs, reste qu'elle avait préféré qu'il soit franc avec elle avant qu'elle ne se mette à nourrir des sentiments plus forts à son égard ; elle devait bien reconnaître qu'il s'était montré magnanime à ce sujet, sans doute parce qu'il avait compris que leur histoire était vouée à l'échec... ça, c'était ça qui lui avait permis de lui pardonner. Elle resta silencieuse un instant avant d'enfin trouver le courage de regarder fixement Clara à qui elle dit "Tu te détesteras pas moins de lui dire, t'apprendras à vivre avec. Lui aussi, et ce sera agréable pour personne au final, mais ça passera." affirma-t-elle, là aussi en connaissance de cause et soudain, elle laissa échapper un rire qu'elle amenuit en posant ses deux mains, formant un masque de fortune en forme de triangle, sur sa bouche et sur son nez. Ça n'avait rien drôle, et elle le savait bien, d'où l'idée qu'elle ferma brièvement les yeux en secouant la tête pour se reprendre. Et puis, elle baissa ses mains qu'elle agrippa finalement au bord du comptoir en même temps qu'elle demandait à la jeune femme, le bout de la langue logée dans le creux d'une dent "Ça dure depuis combien de temps exactement ?" Elle lui avait dit tromper Nicolas depuis des années. Même si sa question n'avait pas ce but quand elle la lui posa, Yasmine se rendit compte, les secondes défilant doucement, qu'elle avait soudainement besoin de savoir si elle avait été incluse dans sa mascarade. Le calcul ne serait pas difficile à faire, et cette idée lui noua l'estomac.
On pourrait penser que d’énoncer son secret à voix haute aurait un côté libérateur. Ce n’est pas le cas. Les mots sortent et le secret n’arrête pas de la ronger pour autant parce qu’à la culpabilité s’ajoute la crainte du jugement d’autrui, des personnes qui comptent et dans une moindre mesure, des dommages collatéraux. Si Yasmine n’était pas la principale concernée de cette mascarade et si celui qui a tout à perdre reste Nicolas, elle avait malgré tout été bercé d’une douce illusion et jamais sa copine n’avait choisi de lui parler de ses réflexions internes, de ses agissements et jamais elle n’avait fait la démarche de préparer le terrain comme si elle l’avait prise pour acquise malgré ses mensonges. Clara avait berné Yasmine en prétendant que tout allait bien dans sa vie, en l’excluant d’une part d’elle-même importante et ça, ça ne peut que lui exploser au visage et ses aveux ne sont que le déclencheur d’une suite qui risque fort peu de plaire à la blonde. "Je vais faire du thé." Son regard ne se détache pas de Yasmine alors que celle-ci parait visiblement sous le choc de la réponse. Ce qu’elle aurait supposé être le secret de Clara doit être à des milliers de kilomètres de ce qu’elle lui confie et Clara comprend, acquiesce et n’ajoute rien, les yeux fixés sur Yasmine, elle attend une seconde réflexion. Pendant plusieurs minutes, il ne flotte dans l’air que les bruits de paquet, de cuisine et de meuble d’un Yasmine qui prépare du thé. Le souffle de Clara reste pendant ce temps comme suspendu dans l’air. Elle bloque. Le temps parait si long que c’est un mystère pour justifier qu’elle ne suffoque pas. "Tu lui as déjà brisé le cœur, il le sait juste par encore." Sa réponse est dure mais terriblement vrai au point que le poids qu’elle pose sur les épaules de Clara ne l’assomme pas, comme si ça avait toujours là mais que maintenant c’était visible. Elle avait déjà brisé Nicolas et de ce fait, elle s’était déjà brisée également parce que cette relation avait beau n’être qu’un mensonge, elle tient plus de l’ordre du fantasme vécu dans la tête de Clara et là, le rêve se termine ne laissant place qu’à la vérité. Ce n’était pas ce qu’elle voulait entendre. Ce qu’elle voulait, c’était une formule magique ou bien les clés d’une Delorean lui permettant de faire un saut dans le temps. La culpabilité continue de lui monter à la gorge et à la lui prendre. Elle sait vers où elle se dirige mais elle est morte de trouille et a honte, comme si toutes les émotions négatives qu’une personne peut ressentir à propos d’elle-même venaient se faire une place en elle. "Ça dure depuis combien de temps exactement ?" demande finalement Yasmine, écrasant encore plus Clara dans l’étau de ses mensonges. Rien ne servirait d’atténuer la chose en mentant, en prétendant que c’est récent. Elle avait dit que cela faisait des années, maintenant elle doit fournir le chiffre. « Trois ans. » souffle t-elle, consciente que sur quatre années de couple, c’est beaucoup et alors que le chiffre sorte dans ses lèvres, sa gorge se noue pour la dernière fois, ne laissant apparaitre sur place qu’un torrent de larme et de cris qui sera tout ce que l’on obtiendra d’elle de la soirée.
Trois ans. Le cerveau de Yasmine se mit en marche, turbinant à une vitesse ahurissante, au même moment où la bouilloire se mit à chanter dans son dos. Le temps qu'elle fasse le décompte de toutes les choses qui s'étaient passées en trois ans et qu'elle vienne lui couper le sifflet, à cette fichue bouilloire, et le silence se répandit, assourdissant, dans l'appartement qu'elle avait rendu si douillet. Trois ans ; de la rémission d'Hassan, à son agression, en passant par sa rencontre avec Edge et son voyage humanitaire, mais aussi la naissance de Reda et son examen d'admission à l'école de médecine… elle avait l'impression que plusieurs vies s'étaient écoulées en ce laps de temps si court qu'elle eut bien du mal à imaginer comment Clara avait pu garder ce secret aussi longtemps. Mais en même temps, elle prit conscience du poids que ça devait représenter de garder ce secret en particulier, de la charge émotionnelle qu'elle avait engrangée, capable de faire bonne figure devant tous ceux qui avaient été témoins de son histoire avec son petit ami. Ça avait dû être très dur… mais elle l'avait choisi et malgré tout l'amour qu'elle avait pour Clara, toute l'amitié qu'elle lui avait toujours réservée à elle, et rien qu'à elle, elle sut qu'elle ne serait jamais capable de la plaindre. Yasmine se trouva dure d'épiloguer avec autant de jugements, même si c'était uniquement dans sa tête. La manière dont son corps se raidit ne trompait pas cependant, et l'éclair qui passa dans ses yeux d'émeraude lorsqu'elle comprit qu'en vérité, elle avait été idiote de croire en l'honnêteté de son amie, fût si dense qu'elle vit des centaines de petits points danser dans son champ de vision "Clara…" fit-elle seulement, accusant le coup de sa réponse en revêtissant un masque de tristesse à la hauteur de ce que lui inspirait la situation. Jamais elle n'aurait pu imaginer pareille révélation, jamais elle n'aurait un jour cru pouvoir douter de la parole de la jeune femme qu'elle avait devant les yeux – sa meilleure amie… et pourtant à ce moment-là, elle eut du mal à accueillir ses larmes comme ce qu'elles étaient. Un soulagement réel que ses cris rendirent déchirants et qui la fit réagir. Mais pas de gaieté de cœur. Yasmine n'ajouterait rien, elle se contenterait d'être là. De la prendre dans ses bras et d'éponger les larmes qui ruisselaient sur ses joues tandis que Clara comprenait enfin que le chemin qu'elle avait choisi de prendre la menait à sa perte. Elle serait l'amie qu'elle avait toujours été pour elle, à prendre en considération sa folie et en l'appréciant telle qu'elle était, mais en n'oubliant pas qu'elles étaient faites différemment, et qu'être amie avec quelqu'un, c'était aussi accepter de ne pas valider des actions qui, comme son infidélité, donnaient du fil à retordre à quiconque avec un peu de moralité. Plus encore, elle étoufferait cette colère qu'elle sentait gonfler dans son cœur lorsqu'elle repensa à toutes ces conversations où Clara lui avait dépeint sa vie avec Nicolas comme étant celle dont elle avait toujours rêvé, choyée par le prince de conte de fées qui s'étaient présentés à sa porte avec son cœur en bandoulière… qu'elle allait maintenant piétiner.
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C’était en train de la travailler depuis des semaines au point qu’il n’y a plus que ça dans sa tête : un arbitrage intérieur sur la prochaine décision qu’elle prendra et qui changera littéralement son quotidien. Depuis plusieurs années, Clara avait tentée de se satisfaire de l’étiquette de petite amie et des sacrifices qu’elle amène, comme celui d’être fidèle (sacrifice totalement échoué), d’être supportive, de savoir se mettre de côté et de faire des concessions pour son couple. Clara était tombée tellement amoureuse qu’elle s’était laissée croire pendant longtemps qu’elle en serait capable mais le fait accompli est là : elle ne l’est pas. Elle pensait – voulait – sincèrement être cette fille lambda qui se satisferait d’une relation sérieuse mais les récents évènements lui avait permis de réaliser que ça ne serait jamais le cas. L’amour est là, indéniable et douloureux à la fois mais il est plus une entrave au développement de chacun qu’un réel apport à sa vie et à celle de Nicolas. Par amour – et égoïsme aussi – elle s’était enfermée dans cette relation qui n’était qu’un tissus de mensonge mais qu’elle était incapable de terminer parce qu’une rupture la rendrait trop malheureuse. Elle avait mené une double vie en pensant que cette part d’elle, celle qui ne calait pas avec ses aspirations de relations sérieuses, s’exprime assez pour laisser l’autre vivre mais l’autre est malheureuse depuis bien trop longtemps. Le fait accompli est que sa relation ne fonctionne plus et cette information prenant de plus en plus de place dans la tête de Clara, elle l’obsède parce qu’elle doit décider de ce qu’elle doit faire. Continuer comme ça n’est plus possible. Mettre fin à tout ça parait insurmontable bien que l’idée ait finalement frappée la petite blonde, la mettant dans un état de panique assez important. Voilà quatre années qu’elle était en couple avec lui et d’avoir pris la décision ne l’aide pas à se dire qu’elle ira mieux, au contraire, toutes les conséquences, tous les compromis, tout ce qui a été mis de côté pendant quatre ans lui revient à la figure par vague. Elle est mal. Rongée par la culpabilité et la peur qui habite ceux qui s’apprêtent à faire beaucoup de mal. Seulement, c’était le moment de prendre le taureau par les cornes et de cesser d’être ce qu’elle n’est pas. C’en était assez de cette double vie et cela passe par se mettre au grand jour devant les personnes qu’elle a osé berner. Elle avait menti à Yasmine pendant toutes ces années. Ou plutôt, elle l’avait laissé croire à cette Clara rangée qu’elle n’est plus capable d’être et avait joué un rôle auprès d’elle. Si pour faire les choses biens, elle aurait dû en premier lieu parler à Nicolas, le principal concerné et expliquer la situation à son entourage. Les conseils plein de sagesse de Yasmine pourrait s’avérer fort utile dans la situation - dans le cas hypothétique où elle ne met pas Clara à la porte - et là, c’est de ça dont elle a besoin : qu’on l’aide à faire un peu le ménage là haut. Elle a choisi une heure où elle sait que Fatima n’est à la maison pour faire sa visite. La mère Khadji avait tendance à poser beaucoup de question sur sa vie de couple et Clara lui apprenait tout de suite que celle-ci s’apprête à se terminer, elle n’aurait pas la place pour avoir la conversation qu’elle souhaite. C’est une chose difficile que de formuler à haute voix des pensées qui n’ont alors été répétée à personne et c’est en prenant une inspiration pour se donner du courage qu’elle sonne à la porte avant de tomber nez à nez avec sa meilleure amie. « Bonjour, je peux entrer ? » Elle essaie de ne pas avoir une mine grave mais ça semble peine perdue. Elle jette un coup d’œil pour voir qui est là, s’il y’a de la visite. « Je suis désolée de tomber comme ça comme un cheveu sur la soupe, je devais te parler. » explique Clara, morte de trouille et de stress avant d’ajouter. « En privé. » Sous-entendu que là, c’est sérieux. 