Ca fait des semaines qui sont passés et t’as l’impression ça fait encore plus que ça. T’arrives pas à t’enlever Noa de la tête malgré tout tes efforts et c’est juste horrible. Même les gens que tu te tapes, t’as le visage de Noa qui vient au milieu de ton esprit aux moments les moins opportuns. Tu peux rien faire pour l’oublier. T’arrives juste pas. Tu sais qu’il faut du temps mais en attendant c’est grave la merde.

T’es en train de shooter un couple qui va se marier dans quelques semaines. C’est toi aussi qui a été booké pour le grand jour. Là c’était genre, un avant goût pour montrer leur bonheur au monde entier. Pour montrer qu’ils regrettent pas leur choix. Qu’ils sont sûr. Ils vont vraiment le faire et tout le monde est convié pour voir ça de leurs propres yeux. Et comme toujours, dès que y’a le moindre petit truc que tu peux relever qui te fait penser à Noa, ton esprit le fait sans ton autorisation et tu détestes ça. Il se passe pas une journée sans qu’il y ait un truc quelque part qui te fait penser à elle. Le pire c’est quand tu crois la voir au détour d’une rue. Mais non. C’est jamais elle. T’es juste hanté. T’es juste grave amoureux.

Le shooting était vers Sunshine Coast et t’as deux bonnes heures de voiture pour retourner sur Brisbane. Après avoir écouté une fois entier ANTI de Rihanna pour la milliardième fois, tu changes, cherchant quel autre disque t’as dans ta boîte à gant et… Y’en a qu’un. C’est le premier album de Britney Spears « Baby one more time ». Tu hausses une épaule et tu le mets. Ca fait longtemps que tu l’as pas écouté. T’es abonné à Rihanna ces dernières années, tu fais une obsession sur elle.

Baby One More Time qui commence et bien évidemment tu connais toutes les paroles par coeur. De tout l’album entier. Mais là, tu penses à Noa dans tous les mots ça te fait bizarre. My loneliness is killing me… I must confess, I still believe. When I’m not with you I lose my mind. Hmmmm… T’aimes pas trop que ce soit si vrai. Mais tu continues d’écouter en essayant de pas faire attention sauf que ça le fait tout seul sans ton autorisation. Oh pretty baby, I shouldn’t have let you go… Et puis tu passes à la chanson d’après parce que ça t’énerves quand même un peu. Noa est en train de te ruiner tes chansons préférées. Sauf que la suivante c’est pas mieux. Celle d’après non plus. T’avais jamais réalisé avant. Loving you means so much more. More than anything I thought before. Mais non. Tu veux pas. You drive me crazy. Tu passes à la chanson d’après parce que ça te saoule. All I really want is to hold you tight… Baby all I need is time. T’en as trop marre… Elle te ruine Britney. Sometimes c’est tellement trop ça. Trop tout ce que tu ressens. Tu l’écoutes jusqu’au bout celle là. Tu la remets même du début quand elle est fini.

Quand t’arrives enfin chez toi, c’est fin d’après midi et tu vois la voiture de Noa garé dans le coin. Elle est là. Tes jambes qui vont vers chez elle. T’as aucune idée de ce que t’es en train de faire mais tu veux la voir et tant pis si elle te claque la porte au nez. Tu frappes. Tu regardes ton reflet dans la vitre à côté et t’as les cheveux en vrac. T’as été dehors toute la journée, y’avait du vent au bord de mer. I’m still cute. La porte s’ouvre alors que t’es en train de te regarder et tu tournes la tête directement espérant que c’est elle qui t’ouvres. Et oui.

« J’ai vu ta voiture j’ai, je suis venu j’ai… »

Tu galères. T’es nerveux. T’es amoureux.

« J’allais me commander un truc à commander. A emporter. Enfin, un truc commandé livré chez moi. »

T’es aussi pas anglais. C’est pas facile de parler dans une autre langue quand tes émotions font autant des leurs. T’es super cute là. Assez pour qu’elle veuille passer du temps avec moi ?

J’suis rentrée du taf y a même pas dix minutes, j’suis tuée, j’suis fatiguée mais la journée à été hyper intéressante. J’ai participé à un séminaire sur l’inclusion du numérique dans les parcours de soin des patients, toutes les nouvelles technologies et la pointe de l’high tech, les innovations en cours de développement. J’y suis allée avec un des médecins de l’association, il m’a fait quelques recommandations et en même temps a presque passé commande pour de futurs équipement pour l’association. Si seulement j’étais certaine qu’on pouvait s’offrir ce genre d’innovation, bien que L’association Beauregard était toujours à la pointe. Je devrais en toucher quelques mots à James même si le médecin était sans doute mieux placé pour défendre son beef steak à ce niveau.
On pourrait croire que les journées séminaires sont tranquille, mais rester plus de 8h assis à écouter des personnes prendre la parole minutes après minutes, c’était surement plus fatiguant qu’une journée de travaille effective. J’avais le cerveau en ébullition et j’avais assimilée bien trop d’information, plus que ce que je pensais en être capable. J’avais qu’une envie : rentrer, me poser et me vider la tête devant une série débile des années 2000.
Loan allait pas tarder à arriver à son tour. Lorsque j’entend frapper, attendant personne, j’me dis que peut être, à nouveau elle a oublié ses clés. Comme j’suis du genre à toujours fermer depuis que j’me suis faite voler mon sac, elle se retrouve souvent à la rue et heureusement, la plupart du temps, j’suis là. Si non, elle sait qu’il y a un double chez Isaac, elle à qu’à s’y rendre, c’est pas si loin. J’ouvre sans faire trop attention à qui pourrait être derrière sauf que j’reconnais bien la silhouette de Andy et son visage et j’ai bien cru que mon cœur allait exploser dans ma poitrine en le reconnaissant sans m’attendre à le voir. Et ce con qui se met à battre la chamade alors que franchement, j’arrivais à penser bien moins souvent à Andy ces derniers temps. C’était toujours plus simple dans l’ignorance et là, devant moi, j’pouvais pas l’ignorer. « J’ai vu ta voiture j’ai, je suis venu j’ai… » c’est moi ou il bégaie ? « J’allais me commander un truc à commander. A emporter. Enfin, un truc commandé livré chez moi. » wow. J’comprends rien. Je fronce les sourcils et mon cerveau arrive à faire à peu près la traduction avec un peu de retard. « Tout va bien ? » il à l’air complétement à l’ouest. J’suis hyper étonnée qu’il revienne vers moi, même si ca fait plusieurs semaines qu’on s’est pas vu et que c’est vrai, j’ai l’impression que ça fait une éternité maintenant. Surtout que la dernière fois, j’suis vraiment passée pour une grosse conne. « Ca tombe bien, j’ai pas mangé… » que j’avoue, ouvrant un peu plus la porte, l’invitant alors à entrer. Noa, surtout, fais rien que tu pourrais regretter.

Tu vois à sa tête qu’elle est toute sauf indifférente à la vision de ta personne sur le palier de sa porte. Tu sais pas si c’est dans le bon sens ou pas. Tu sais pas si elle va te claquer la porte à la gueule ou pas. Tu sais pas si elle a toujours envie de te voir ou pas. Tu sais rien parce qu’elle a beau vouloir une chose au fond d’elle, elle se laisse pas la peine d’aller dans cette direction là pour des raisons complètement connes qui t’enragent. Alors elle a beau avoir le coeur au bord des yeux là maintenant, ça veut pas dire qu’elle va pas te tourner le dos dans moins de deux secondes parce que t’as pas été chez un psychologue depuis la dernière fois que tu l’as vu. « Tout va bien ? » Elle s’inquiète. Et ça te fait chier de t’en rendre compte si naturellement. Qu’elle ne le cache pas. Qu’elle prenne même la peine de te poser cette question. T’étais tellement sûr qu’elle voulait vraiment plus rien à voir avec toi. Si t’avais su tu serais venu plus tôt au lieu de te torture à chaque fois que tu passes devant chez elle et que sa voiture est devant. « Ca tombe bien, j’ai pas mangé… » Dios mio. Tu pensais pas qu’elle accepterait. Tu sais même pas pourquoi t’as proposé ça. Tu sais même pas ce que tu fou là. T’as pas réfléchit. Mais voilà que t’es en train d’entrer chez elle. C’est une amie. Parce que tu vois pas les choses autrement. Elle tient à toi. Tu tiens à elle. C’est ça la définition de l’amitié non ? Maintenant que t’es dans son espace, maintenant qu’elle te laisse faire parti de sa journée, tu te détends. Tes épaules se relaxent. Tes poumons se remplissent mieux.

« Tu veux manger quoi ? »

T’es déjà en train de sortir ton téléphone de ta poche. T’es beaucoup trop calme et sage là Andy. Vraiment on dirait un enfant de choeur ça fait bizarre. Faut que tu reprennes du poil de la bête.

« S’te plaît dit moi que t’es pas en train de regarder une télé réalité. »

Parce que tu sais que tu vas pas choisir le programme. Parce que tu sais que vous allez manger devant la télé. Parce que tu sais que tu vas l’embrasser à un moment ou un autre sur ce canapé. Parce que ça s’est toujours passé comme ça sur ce canapé et t’es décidé à ce que ça continue. Elle sait ce que manger sur ce canapé sous entend. Elle t’a laissé entrer chez elle pour commander à manger. Mais tu ne vas pas mettre la charrue avant les boeufs. C’est déjà tellement hallucinant que vous soyez tous les deux en train de parler comme si tout allait bien. Ca. C’est surtout ça qui t’aide à respirer mieux. Elle est ton air. Tu t’en étais même pas rendu compte avant.

Au moment même où Andy met un pied chez moi, je doute. Je sais pas pourquoi j’ai accepté surtout que depuis le début, c’est une histoire d’amour pour la bouffe entre lui et moi et que je sais qu’il a pas choisi ce moment là pour rien. J’me dis qu’il a calculé son coup, que c’est prévu et qu’il sait d’avance comme ça va finir. J’me fais peut être encore trop de film, j’en ai aucune idée mais j’vais pouvoir être objective, garder mes distances pour ma replonger dans ses bras cinq minutes après avoir reçu notre commande, ou même avant de l’avoir reçu d’ailleurs…
J’vais m’assoir sur une chaise alors que j’le laisse prendre place sur le canapé. « Tu veux manger quoi ? » je sais pas… Pas de Mcdo parce que ça à une symbolique trop forte pour nous. Pas de taccos par ce que c’est dans ce resto que notre relation a pris un vrai tournant. Pas de Bagels non plus… « Une pizza. » je crois qu’on avait jamais vraiment mangé de pizza ensemble. S’il savait comment j’avais finis par choisir ça, il me prendrait encore pour une folle qui se complique bien trop la vie et il aurait sans doute raison. Parce que Andy est capable de bien me cerner, parce que j’lui ai donné toutes les pièces pour, je lui ai mis toutes les cartes en main pour savoir qui je suis, ce qui n’a pas été réciproque. Il a clairement un meilleur jeu que moi.
« S’te plaît dit moi que t’es pas en train de regarder une télé réalité. » je lève les yeux vers la tête et je secoue la tête, sourire aux lèvres. Il m’énerve. « Nan. Pas cette fois. » C’est la pub d’ailleurs. « Je crois que Charmed va commencer. » J’finis par me lever de ma chaise pour aller prendre deux verres. « tu bois quoi ? » j’tente de faire diversion, de gagner du temps pour pouvoir anticiper la suite. Pour mieux gérer ce moment qui m’échappe totalement. C’était pas prévu, qu’il soit là, qu’on mange ensemble, qu’on fasse comme si de rien n’était. J’ai été clair, j’veux pas qu’on soit ami, c’est impossible pour moi. J’ai seulement deux ex que j’ai toujours en ami, et mes meilleurs amis. Nicolas mais notre relation remonte au lycée et on a jamais eu de relation sexuelles ensemble, et Max, un dieu au lit dont j’suis incapable de me passer réellement mais notre relation s’est simplement fini, sans drame et sans larmes. Entre Max et moi ça a peut être sans doute toujours été qu’une histoire de cul avec beaucoup d’attachement, pas un réel amour. Mais Andy, c’est beaucoup plus profond et compliqué. Parce que dès que j’le vois je sais que j’l’aime toujours et j’risque pas de l’oublier si facilement, mais j’peux pas rester avec un mec qui sait pas s’ouvrir à moi et qui part du principe que le partage, c’est normal.

« Une pizza. » Et voilà que t’as déjà ton nez dans ton téléphone pour commander ce qu’il faut. Parce que tu connais ses goûts. Parce que tu te souviens de tout con que tu es. Tu tiens beaucoup trop à elle et tu as fait attention à tout en ce qui la concerne. Ou du moins, beaucoup de chose en tout cas et ses préférences culinaires en font parti. Et comme t’es vraiment qu’un con tu comptes prendre la même chose que ce que tu vas prendre pour elle. T’es sentimental Andy. T’es cute.

Pas de télé réalité aujourd’hui. Mais ton esprit est à moitié là parce que tu es toujours sur ton téléphone pour la commande et t’as aussi très nettement remarqué qu’elle est installée sur la chaise et toi sur le canapé. Hmmm. « Je crois que Charmed va commencer. » Tu lèves la tête de ton téléphone. Charmed ? « tu bois quoi ? » Mais elle est déjà là dessus, debout. Come next to me, bitch.

« Je nous ai pris une bouteille de vin italien avec les pizza. »

Tu lésines pas sur les moyens. La bouteille coûte plus cher que la bouffe mais tu t’en fou. Tu remets le nez dans ton téléphone pour finaliser la commande. T’as aussi pris de quoi en dessert. Tu t’es fait plaisir. Plaisir à tous les deux. Et puis y’a une annonce à la télé avec un petit bout de la musique du générique de Charmed et tu vois la tête de Alyssa Milano et tu comprends.

« Oh ! Hechiceras ! »

Ca te remonte des souvenirs cette série.

« Ok je connais. Ma mère regardait tout le temps. »

Tu marques une pause.

« Et moi aussi du coup. »

Parce que y’avait qu’une télé chez toi.

Andy est rivé sur son téléphone à regarder ce qu’il pourrait nous commander, dès que je dis Pizza, c’est comme s’il avait déjà presque commandé, prêt à être livré. Alors que j’allais nous sortir de quoi boire un verre en attendant, lui me sort qu’il nous a pris du vin italien. Sérieux ? Du vin ? Italien en plus… genre ! c’est chiant et c’est énervant et en même temps j’peux pas lui en vouloir de prendre du vin ! J’adore le vin et ça il le sait et il sait surtout l’effet que l’alcool a su moi. Oui, ça me détend, oui ca désinhibe mais en même temps il prend beaucoup de risque. C’est quitte ou double, je risque de m’énerver contre lui et de lui dire des choses qu’il a pas envie d’entendre. Tout comme je risque aussi d’être grave attendrie et de finir sur le canapé avec lui. Noa : n’approche pas ce canapé ! Je garde mes distances ! de toutes façons, pour le moment, y a pas de vin. « et en attendant ? » que je demande, comme si ca m’faisait ni chaud ni froid qu’il ai pris ça. Il sait que c’est pas l’cas, que ca m’fait plaisir, il le sait et il va en jouer mais j’veux rien montrer. Poker face.
Charmed commence, le générique se lance direct et j’pourrais presque chanter la chanson par cœur. J’me retiens. « Oh ! Hechiceras ! » qu’il sort, je sais pas c’qu’il dit mais j’comprends que c’est la version espagnol de Charmed. Il a l’air beaucoup trop enjoué à l’idée de voir les trois sœurs Halliwell. « Ok je connais. Ma mère regardait tout le temps… Et moi aussi du coup.» Ca m’parait genre normal que ce soit le genre de série qu’on regarde en famille, c’est trop bien et ça plait à tout le monde ! « ca a mal vieilli et avec du recul, c’est très niais et assez con, mais j’m’en lasse jamais. » une sorte d’attachement à l’adolescence, je suppose. « il met combien de temps à arriver le livreur ? » que je dis en m’approchant et regardant au dessus de son épaule, l’application toujours ouverte. Je joue à un jeu dangereux parce que j’avoue en profiter pour regarder s’il avait pas des notifications en attentes, genre un logo qui ressemble à Tinder ou une autre application de rencontre. J’vois rien, il a d’la chance. « comment ca s’passe le taf ? » je dis en me reculant et allant de nouveau m’assoir derrière. Je garde en tête de garder mes distances.

« et en attendant ? » Just your pussy, thanks. Mais non tu dis pas ça. Tu le penses juste. Parce que c’est tout ce à quoi tu penses. Même si t’as envie de la prendre dans tes bras et la serrer fort avant d’atteindre son entrejambe en vrai. Yep. C’est vrai ça Andy. Just her pussy is good. T’es trop drôle, mais elle peut pas t’entendre avec ton humour et pas sûr qu’elle trouverait ça marrant elle. Elle te mettra une claque bien forte. Et puis angry sex. Toujours pas drôle Andy et tu lui as toujours pas dit ce que tu veux boire.

« Ce que t’as. »

Sans drogue dedans si possible. Une autre blague qui ne ferait rire que toi et que tu te gardes bien de partager. « ca a mal vieilli et avec du recul, c’est très niais et assez con, mais j’m’en lasse jamais. »

« Toujours mieux que les télé réalités. »

Tu dis ça mais à chaque fois que vous êtes tombé dessus ensemble, t’as regardé sans t’ennuyer. Tu t’es même grave amusé. Mais t’aimes juste la faire chier à ce propos. « il met combien de temps à arriver le livreur ? » Tu vois qu’elle s’approche de toi pour avoir cette information alors que tu pourrais juste lui donner. Viens à côté… Tu la veux proche. Tu penses pas du tout à ce qui pourrait s’afficher sur ton téléphone, tu penses juste à l’avoir à proximité. Sur ce canapé.

« Environ 50 minutes. »

Parce que t’as pas pris un petit truc de merde. T’as pas choisi en fonction de la rapidité à venir. La proximité de chez elle. T’as pris parce que la bouffe est bonne. T’es déjà allé dans ce resto. C’est du bon. Tu laisses le téléphone poser sur la table basse en face du canapé avec ta commande en préparation affiché. Comme ça elle peut voir. Comme ça elle reste à côté de toi, parce qu’apparemment c’est ça qui la garde dans le coin. Mais elle retourne sur sa stupide chaise. Beaucoup trop loin de toi. « comment ca s’passe le taf ? »

« Ca se passe. »

T’es tourné pour la regarder. Est-ce que t’es en train de jouer à l’ami que tu ne veux pas être ? Elle a si peur d’être proche de toi et tout ce que tu veux c’est la sentir proche. Sérieusement. Vraiment. T’as juste besoin de la toucher. De la sentir dans tes bras. De la sentir bien. Tu la quittes pas des yeux. Elle te manque trop. Beaucoup trop. De l’avoir à côté de toi comme ça mais qu’elle garde ses distances c’est difficile. C’est grave difficile parce que… 

« I miss you. »

C’est beaucoup trop vrai pour que ça soit dur à dire.

« I miss you and I love you. »

C’est étrange de l’avoir dit si facilement. Mais là, tu le sens bien. C’est super bizarre. Tu pensais pas être capable mais si.

« And I hate that I love you. »

Tu viens de citer Rihanna, sérieusement ? You’re so gay. Mais apparemment maintenant que t’as réussi à le lâcher une fois tu te fais plaisir à le dire de nouveau. Ça sonne bizarre à tes oreilles de dire ça. Ça fait bizarre que ça soit si naturel et facile. Pourquoi pas le reste Andy ? Pas pareil.

 50 minutes, ca m’semble long et j’me demande comment j’vais m’en sortir, comment j’vais combler tout ce temps. On va rester là à regarder ces épisodes de Charmed et c’est bien, dans le plus grands des malaises parce qu’on aura rien à se dire ? J’vais rester derrière, sur ma chaise et avoir l’impression que ces 50 minutes seront aussi longue qu’une journée de taf sans motivation. Du coup, je lance la question qui comble l’espace concernant son travail et la réponse est aussi passionnante que la question. « Ca se passe. » je hoche la tête, pas l’impression que ce soit si fou que ça… Il se tourne vers moi et me regarde un instant : à quoi il pense ? Dans quel but il est venu ici réellement ? J’en ai aucune idée, j’sais pas quoi en penser moi-même. Et il brise le silence. « I miss you. » je m’y attendais pas, pas comme ça. Je dis rien, lui aussi il me manque mais c’est beaucoup trop compliqué. « I miss you and I love you. » alerte bombe nucléaire, il vient de se passer quelques chose dans mon corps que j’avais encore jamais ressentie. Explosion de sentiments, ma poitrine semble être trop petite pour contenir mon cœur en ce moment même. J’avale ma salive, ressent cette boule énorme dans mon ventre. Qu’est ce qui lui prend à Andy ? Pourquoi il me dit ça maintenant, là… pourquoi il me balance ça alors que j’me suis promis que c’était terminé. Pourquoi pas avant ? « And I hate that I love you. » j’me lève. Je fais un demi tour sur moi, je vais dans la cuisine et me sert un autre verre d’eau alors que l’autre est encore plein sur la table. Je me pose un instant, sans le regarder. Putain qu’il est con ! Je me tourne à nouveau vers lui. « Pourquoi tu fais ça ? » J’avais pas envie de l’entendre me dire qu’il m’aime, j’ai pas envie de l’entendre me dire quoi que ce soit qui pourrait me faire craquer et me faire tomber dans ses bras en une fraction de seconde. Même si oui, si bien sure j’en avais envie, j’en mourrais d’envie depuis toujours de ces quelques mots. Ces trois mots si courts et si intenses. « Tu sais que c’est pas qu’une question d’amour… » que c’est plus compliqué que ça. « Moi aussi, je déteste ça… » ça, comme si j’étais incapable de lui dire ces mots moi aussi à présent. « Que le problème reviendra toujours et que amour ou pas, on est pas compatibles. J’peux venir sur ce canapé et on peut coucher ensemble, c’est facile ça, tu peux m’dire dix fois que tu m’aimes Andy. Si c’est pour continuer et recommencer la scène dix fois, j’veux pas de ça. » et c’était toujours aussi compliqué pour moi d’être si distante et si dure avec lui. J’en avais envie de pleurer à nouveau même si mon cœur lui ne se calmait pas. Putain, il vient de me dire ce que j’avais toujours eu envie d’entendre et moi, j’suis là, à deux mètres de lui, gardant mes distances pour arrêter de souffrir à nouveau.

 
Elle gère pas du tout ce que tu lui dis. Elle se lève, elle marche. Elle va un moment dans la cuisine. Elle est déstabilisé. Good. C’était l’effet escompté. Mais t’as aucune idée de la suite. Tu sais même pas pourquoi t’as dit ça. « Pourquoi tu fais ça ? » Merde. Elle te demande des clarifications et tes motivations sont pas tout à fait claires dans ta tête. « Tu sais que c’est pas qu’une question d’amour… » Mais elle continue de parler donc t’as le temps de réfléchir. T’as même le temps d’oublie parce qu’elle passe à autre chose en quelque sorte. « Moi aussi, je déteste ça… » Tu comprends bien ce qu’elle veut dire dans ces mots là. Elle ne nomme pas les problèmes directement cette fois. Elle a pas l’air sur le point de te proposer une thérapie cette fois ci. « Que le problème reviendra toujours et que amour ou pas, on est pas compatibles. J’peux venir sur ce canapé et on peut coucher ensemble, c’est facile ça, tu peux m’dire dix fois que tu m’aimes Andy. Si c’est pour continuer et recommencer la scène dix fois, j’veux pas de ça. » Fais chier. Pourquoi elle rend pas les choses plus simple ? T’es en train d’essayer de la retrouver entièrement mais rien n’a changé. T’as pas changé. Je lui ai dit que je l’aime. C’est des mots, c’est facile ça. Elle veut que tu n’ailles voir personne d’autre qu’elle. Mais t’es incapable de promettre ça. Tu te retiens fort de remettre sur le tapis qu’elle a dit ok pour baiser ensemble. Tu sais que ça ne serait qu’un allé simple vers la porte d’entrée pour toi. Tu la connais.

« Pourquoi je tombe toujours amoureux de gens avec qui ça fonctionnera jamais ? »

Un sourire se trouve sur tes lèvres. Vaut mieux en rire. Tu sais pas quoi faire d’autre là. C’est vraiment fou cette affaire. Parce que oui. Elle n’est pas la première personne. Elle est la première femme. Y’a eu Dwayne aussi il y a une éternité. T’avais 18 ans. Mais la douleur de la séparation a été similaire. Moins pire mais c’était aussi éprouvant pour ton pauvre petit être qui ne sait pas aimer inconditionnellement.

« C’est vrai cette histoire de ‘c’est pas drôle si c’est trop facile’ ? »

C’est Itziar qui t’a dit ça.

« Parce que nous deux c’est pas facile du tout. »

Même très loin de ça. Tu jettes un oeil à l’app. Y’a encore un long moment avant d’être livré. Mais tu comptes pas partir. Tu vas manger ce repas avec elle. Tu vas faire attention à ce que tu dis. T’aimerais essayer qu’elle soit dans ta vie d’une façon ou d’une autre. Tu veux passer du temps avec elle même si c’est pas entre ses cuisses. Elle peut venir entre les miennes sinon. Andy…

J’suis hyper serieuse, j’comprends pas le but de la manœuvre. Enfin, si j’comprends, il m’aime, il veut me récupérer, il donne tout ce qu’il peut, j’sais bien à quel point il fait un effort là, à me dire ces mots. Et si j’étais pas si butée, j’pourrais m’en contenter, lui sauter dans les bras – ce que je crève d’envie de faire – et lui dire qu’on repartait, qu’on retentait, qu’on oubliait tout ça. Mais dans un mois, ca va recommencer, j’vais de nouveau être frustrée, j’vais de nouveau être confrontée à ses envies d’ailleurs, ses pulsions qu’il arrive pas à contrôler. Je souhaite pas la même chose que lui et même si j’ai fais cette vidéo, ca compte plus. J’suis égoïste sans doute, je pense qu’à moi dans cette histoire, à mon bien être aussi, même si en ce moment, j’peux pas dire que j’vis ma meilleure vie, que j’sois totalement heureuse, mais c’est dans l’optique d’un futur proche meilleur. Et en même temps, j’peux pas infliger tous mes pétages de cables à Andy. Même si j’ai l’impression que ça lui plait, qu’il en redemande, puisqu’il est là… « Pourquoi je tombe toujours amoureux de gens avec qui ça fonctionnera jamais ? » ca m’fait un pincement au cœur de l’entendre dire ça et en même temps, ca le fait rire. Il dit les choses sous le ton de l’humour mais c’est loin d’me faire rire. « J’aurai aimé pouvoir dire le contraire. » que ça fonctionne, que ça match entre nous. En même temps, je suis pas certaine d’un amour sincère et véritable entre deux personnes qui soient capable d’aller papillonner et pour qui la relation est basée sur le cul. Est-ce genre de personne qu’il faut à Andy ? « C’est vrai cette histoire de ‘c’est pas drôle si c’est trop facile’ ? » je vois pas bien où il veut en venir, mais j’pense qu’on a eu notre dose d’obstacle pour le moment. « Parce que nous deux c’est pas facile du tout. » Je souffle, je m’approche du canapé et en fait le tour pour aller m’asseoir à l’opposé d’Andy sur celui-ci. « Ca a jamais été facile. » que ce soit pendant notre colocation où on passait notre temps à se pourrir, j’avais fini par craquer et m’en aller. Ou que ce soit après, depuis un an qu’on se tourne autour, depuis un an qu’il est si présent pour moi. « On aurait du garder nos distances. Mais t’es arrivé à un moment de ma vie si compliqué… » je baisse les yeux un instant et le regarde à nouveau. « J’ai toujours pensé que j’allais te détester à vie. Et maintenant que je t’aime, c’est tout ça que je déteste. » entre la haine et l’amour, y a qu’un pas, il parait. « J’ai des exigences que j’peux pas t’imposer, j’l’ai bien compris. »

 
« J’aurai aimé pouvoir dire le contraire. » Faut que tu te rendes à l’évidence Andy. Elle est pas LA personne pour toi. Elle se rapproche mais pas encore assez à ton goût.Elle va pas craquer cette fois. Pourquoi elle rend tout si compliqué ? Tu comprends vraiment pas que quelqu’un d’autre puisse avoir envie d’autre chose que toi. Mais ce que je veux c’est parfait. Quand on est pas jaloux à la première occasion. C’est ça qui se passe chez les gens normaux. Ils veulent de l’exclusivité. « Ca a jamais été facile. » Jamais ouais.   « On aurait du garder nos distances. Mais t’es arrivé à un moment de ma vie si compliqué… » Ok donc maintenant elle est en train de dire que c’est de ta faute parce que tu t’es inquiété pour elle ? J’ai même pas fait exprès ça m’est tombé dessus. On prévoit pas quand on tient à quelqu’un. Tu soupires. Ca te saoule tellement toute cette histoire. En plus elle est en train de dire qu’elle regrette tout ce qu’il s’est passé entre vous. Elle souhaite que ça ne se soit jamais arrivé. Bitch. Toi tu changerais rien. Tu veux rien oublier.  Mais tu le dis pas. Tu gardes cette info pour toi. Elle s’en fou. Elle sait déjà. Tu la surestimes peut être là. « J’ai toujours pensé que j’allais te détester à vie. Et maintenant que je t’aime, c’est tout ça que je déteste. » C’est si compliqué… Ca te fatigue grave. « J’ai des exigences que j’peux pas t’imposer, j’l’ai bien compris. » Au moins ça. Et elle essaie pas de te changer de nouveau. Tu apprécies énormément, parce que quoi qu’il arrive, nope, tu vas pas changer. T’es pas prêt à affronter ça. Tu es confortable dans ta vie telle qu’elle est. T’as mis un moment à être en paix avec tous tes penchants et elle remet tout sur le tapis. T’as pas besoin de ça. Mais elle est là. A côté de toi. Et t’as tellement envie de l’embrasser et la tenir contre toi… Tu jettes un coup d’oeil à ton téléphone pour essayer de penser à autre chose qu’à ses lèvres.

« La bouffe arrive dans 10 minutes. »

Une information qui peut paraître anodine mais qui sous entend pas mal de trucs dans votre histoire à tous les deux. La bouffe vous rassemble depuis toujours.

« Est-ce que tu veux que je m’en aille ? »

Parce que ça sert plus à rien d’insister. Ni toi ni elle ne va changer. Ca va mener nulle part. Si elle te dit de rester, peut être que vous allez pouvoir rester amis. Elle voulait pas. Mais entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait, c’est pas toujours cohérent alors t’attend de voir sa réponse là. Et tes yeux qui vont sur ses lèvres beaucoup trop et ta main qui se ferme en un poing pour éviter d’aller la toucher.

Je parle toute seule, une fois de plus, j’ai pas de retour, sa seule réponse c’est de me dire que notre repas est bientôt livré, dix minutes, okay… J’ai l’impression qu’on a fait un pas quand même, d’accepter que finalement on était pas compatible et que peut être, c’était pas la peine de luter parce que ce serait toujours plus dur et qu’à chaque fois, ca le serait encore plus. Y avait plus qu’à laisser faire le temps, laisser passer la souffrance et le manque intense, laisser passer la douleur de son absence, les peines de cœur. Accuser le coup et accepter qu’il soit plus totalement à moi, qu’il soit plus mon mec, mon gars, mon copain. C’est fini, faut juste s’efforcer de tourner cette page-là. Ça ne veut pas dire que l’histoire est finie, ça veut juste dire qu’on passe à un autre chapitre et qui sait ce que nous réserve la fin du livre…  Du coup, de penser à tout ça, ça m’laisser mélancolique, nostalgique de tous ces moments passés avec lui, parce que ça va tout changer, il y en aura plus du moins, pas de la même façons. Je reste silencieuse quelques instants, l’impression d’être perdue dans mes pensées, de plus être ici dans cette pièce, de me replonger quelques mois avant et de revoir défiler chaque souvenir avec lui. J’vois rien qui m’chagrine, je repasse que les bons, le reste à pas sa place ici, parce que je sais que c’est à cause de tout ça qu’on en est là. Mais je sais que si c’est si dur, que si mes sentiments sont si forts, c’est pour tout le reste, pour tous les beaux moments. « Est-ce que tu veux que je m’en aille ? » je relève la tête et plante mon regard dans le sien, je secoue la tête, bien sûre que non, il va pas partir, bien sure qu’on allait partager ce repas ensemble et qu’on allait terminer cet épisode de Charmed. Enfin, ce deuxième épisode même.
Je me lève à nouveau, comme si ça allait me changer les esprits, me faire penser à autre chose et chasser tout ça de ma tête. J’vais prendre un verre d’eau, même si c’est autre chose qu’il me faudrait bien là et j’reviens sur le canapé, j’m’assoie pas à l’autre bout cette fois, j’m’installe à côté de lui et pour ces dix dernières minutes, j’vais poser ma tête contre son torse après avoir ouvert ses bras pour venir me blottir contre lui. Juste dix dernières minutes.

 
Elle dit rien. Mais elle donne une réponse négative. Elle ne veut pas que tu partes. Ca te fait du bien de voir qu’elle est aussi faible que toi malgré tout. Qu’elle veut pas que tu partes déjà. Qu’elle veut passer du temps avec toi malgré toute cette situation de merde. Cette confirmation. Ce point final que vous deux ce sera plus en tant que boyfriend girlfriend que vous vous présenterez à l’avenir. Tu sais pas si y’a un avenir quelconque mais tu tiens tellement à elle que t’espère que oui. Que tu veux pas croire que vous allez vous envoler dans la vie l’un de l’autre. Et puis elle s’en va, tu la regardes filer dans la cuisine. Tu soupires. Tu regardes ton téléphone parce qu’en vrai là, la télé, t’en as rien à faire. T’as pas la tête à suivre un épisode de quoi que ce soit. Et puis elle est de retour dans la pièce, ta tête qui se relève aussitôt pour la suivre du regard. Elle s’approche. Elle vient sur le canapé. Elle se met pas à l’autre bout. Elle se cale contre toi. Tu glisses ton bras autour d’elle automatiquement parce que ça peut pas être autrement là. Elle a besoin autant que toi de contact. Ton deuxième bras qui l’entoure aussi. Une main qui va jusque dans ses cheveux. Elle peut carrément sentir combien ton coeur bat vite parce que c’est pas des conneries quand tu dis que tu l’aimes. Ton corps tout entier l’aime et tu peux rien faire pour le cacher. Ca te casse les couilles d’ailleurs mais c’est comme ça. Tu fermes les yeux parce que tu peux pas voir son visage de toute façon. Tu profites du moment, tu l’aimes beaucoup trop cette bitch. Tu détestes ça. L’amour c’est de la merde. Ca fait que souffrir.