| | | (#)Mar 8 Oct 2019 - 0:51 | |
| Ils n'avaient pas envie d'être là, Jack et Ellie. Ni elle, ni lui, et tout dans leurs pas qui traînent sur le linoléum ciré, sur leur air blasé, sur leur démarche lâche et leur tête perdue dans les nuages le confirmait.
Jack qui était désormais un habitué des appels de la direction, eux qui ne perdaient pas de temps pour le tenir au courant des frasques de sa fille et de tout ce que sa bande et elle mettaient en scène pour faire tourner en bourrique quiconque dérivait sur leur chemin. Mais ce soir n'était pas rencontre de discipline courante, non, si au moins, il se serait senti utile, il aurait cru que sa place était valide et qu'il faisait un pas de plus dans la direction d'une relation père-fille normale en se présentant à l'établissement et en tentant de tout faire en son pouvoir pour rattraper le tir avec la gamine.
Mais non, ce soir marquait plutôt l'innovante idée - dénoter le sarcasme - d'un ensemble de professeurs de l'année d'Ellie qui organisaient l'horreur sur Terre, la soirée parents-élèves. Au programme, ils avaient innocemment tout mis en oeuvre les yeux brillants la bouche en coeur pour faire de ce pèlerinage un calvaire pour adultes comme pour adolescents. On devait sillonner les couloirs pour voir les salles de classe où les étudiants évoluaient, assister à des extraits condensés des cours qu'ils vivaient une fois la journée scolaire entamée et, cerise sur le gâteau, goûter un menu préparé par l'équipe de la cafétéria de l'entrée au dessert qui ne feraient même pas rougir de jalousie les malades de l'hôpital. Évidemment, que ni Jack ni Ellie ne voulait y être.
Et ils viennent d'arriver, tous les deux dans le gymnase. Où l'enseignant de sport raconte son histoire d'amour avec le football australien, et où un couple de parents se tourne furieusement vers Jack qui bâille à s'en décrocher la mâchoire, qui a grossièrement été tout sauf subtil, et qui finit par récolter soupirs et roulements d'yeux en aparté.
« Quand est-ce qu'on passe à la salle de musique? » qu'il finira par demander à Ellie, quand tout le monde est occupé à admirer la collection de ballons de toutes les couleurs. Un père plus cocky qu'un autre propose un match amical entre adultes duquel Jack fait habilement fi en tournant le dos aux équipes se formant maintenant derrière lui.
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| | | | (#)Mar 8 Oct 2019 - 9:00 | |
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Seigneur… C’était interminable. Qui avait donc un jour eu l’idée de ce genre de journée dite « pédagogique » où les étudiants, accompagnés de leurs parents, vivaient une journée typique lycéenne ? Sûrement quelqu’un qui n’aimait pas les enfants ou en tout cas les adolescents. Pourtant il y avait bien quelques parents qui semblaient heureux et curieux d’être là. Et quelques ados tout excités de pouvoir montrer à leurs géniteurs ce qui composait une de leurs journées… D’autres essayaient de brouiller les pistes pour qu’on ne sache pas qui étaient leurs parents, avec une pointe de honte probablement… Et puis il y avait les parents comme son père. Enfin il était peut-être un brin unique dans son cas, plutôt du genre à regarder sa montre pour consister que le temps passe beaucoup trop lentement lorsqu’on ne s’amuse pas… !
« Ils avaient raison finalement… C’est exactement l’ambiance d’une journée habituelle… On s’y ennui presque autant. »
Les chiens ne faisaient pas des chats et Ellie ne prenait pas plus de plaisir que son père à être là. A les voir tous les deux, les mains à moitiés fourrées dans leurs poches, cherchant à éviter le contact visuel avec ceux qui faisaient les équipes sur le terrain de football pour éviter d’être choisit par une équipe quelconque, personne n’aurait pu nier les similarités qui les liaient !
Ellie arque un sourcil à la question de son père qui a la riche idée de carrément tourner le dos aux équipes qui se montaient. Dans le même temps il la cachait alors c’était un peu « d’une pierre, deux coups ».
« T'as jamais été au lycée ? »
Elle a un sourire amusé, vaguement désabusé alors qu’elle ajoute :
« Tu sais que le seul instrument de musique qu’on pratique ici, c’est la flûte à bec hein ? »
Fallait pas qu’il s’attende à un truc très rock’n’roll. Le truc le plus dingue qu’ils aient jamais fait dans cette salle c’était de coller des boîtes d’œufs peintes sur les murs pour en améliorer l’insonorisation déjà médiocre. Et même si Ellie parvenait à grappiller des points plus que bienvenus dans cette option, elle n’était pas une artiste de la flûte.
« Même la salle de répétition de la fanfare du lycée a plus d’allure. »
Qu’il soit prévenu !
Ce n’était pas la première fois que son père et elle se retrouvaient ici. Mais en général, ils étaient convoqués. S’en suivait quarante-cinq minutes de « rendez-vous compte, Ellie ceci, Ellie cela » et un long silence de mort dans la voiture le temps de rentrer. Ellie finissait par faire la gueule pour dissuader son père d’essayer de dire quoi que ce soit et ça passait… Plus ou moins quoi. Là c’était différent, ils étaient un peu tous les deux dans le même bateau.
« C’est quoi après ? T’as encore le programme avec toi ? »
En guise de programme un polycopié tout bête réalisé par l’équipe de la vie scolaire. Le tout dans une police dépassée et avec des ballons et des cotillons qui laissaient supposer que cette journée serait beaucoup plus fun qu’elle ne l’était en réalité !
Ellie récupère le papier froissé que son père extrait d’une de ses poches pour constater :
« La cantine. Cool… »
Sur le ton de celle qui ne trouvait pas ça cool du tout. D’ailleurs, alors que son estomac grogne un peu à cette idée, l’adolescente constate :
« Je me ferais bien un McDo. »
Hyper santé et tout ça, elle savait. Mais franchement, elle n’était pas sûre que la nourriture qu’on servait à la cantine de l’établissement soit diététiquement meilleure. Quant à la salle de musique, dont elle regarde quand même la place dans l’arbre de leur triste visite :
« Musique c’est presque en tout dernier. »
Et de noter :
« Le prof va te reconnaître tu crois ? »
Ce serait bien le moment le plus agréable de la journée, celui où elle pourrait faire preuve d’un petit excès de fierté et d’orgueil ! Par contre juste avant ça il y avait la prof d’anglais et Ellie grimace rien qu’à voir le nom de la dite prof, accolé à sa matière et au numéro de sa classe.
« Franchement… Cette prof me déteste. »
Pas sans raison, Ellie étant du genre à faire l’école buissonnière ou à rattraper ses nuits pendants ses –trop longues- explications de texte.
« Je suppose que sécher n’est pas une option hyper bienvenue… ? »
Elle teste quand même. Comme si la semaine passée, Madame Hurley n’avait pas déjà fait un paragraphe entier dans son carnet de liaison pour critiquer ses fréquentations et les heures d’absence pendant ses cours. Mais du coup en vrai :
« T’étais quel genre d’élève, toi ? »
Meilleur qu’elle ? Pas que ce soit super dur en ce moment mais en général ce qu’Ellie faisait, son paternel l’avait fait avant elle… En pire !
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| | | | (#)Lun 14 Oct 2019 - 20:42 | |
| « T'as jamais été au lycée ? » qu’elle demande, la gamine, quand il ne pourra pas plus jurer qu’ici, dans un gym et dans une école, quand il ne se souvient même pas lui-même de la dernière fois où il s’est souvenu de sa période scolaire à lui. Une vie, un monde avant ça. « J’ai essayé, fort. Mais c’était pas pour moi. » que Jack répond d’abord, avant de se rattraper dans ses mots, un fin sourire en coin qui glisse sur ses lèvres. « Et c’est là où je te dis de pas suivre mon exemple parce que j’ai jamais été aussi accompli qu’à remplir un questionnaire de maths ou à recevoir une bonne note en philosophie? » mais personne ne le croit, et lui encore moins. Il n’avait pas son diplôme pour être parti en roadtrip avec Jude et des amis à eux la veille de la rentrée de leur dernière année. Jude était retournée en cours l’année suivante, avait fini son cursus, s’était démarquée parce que c’était une brillante, une battante. Jack lui, s’était enfoui le nez dans la musique à ce moment-là, pour ne jamais s’en sortir.
Parlant de musique, il tente une approche, essaie de leur sauver la démonstration de testostérone pitoyable qu’autant l’un que l’autre ignore parfaitement. « Tu sais que le seul instrument de musique qu’on pratique ici, c’est la flûte à bec hein ? Même la salle de répétition de la fanfare du lycée a plus d’allure. » mais Ellie n’est pas convaincue, le lui fait savoir assez vite. « Même la salle de répétition de la fanfare du lycée a plus d’allure. » « On va la voir? » qu’il s’empresse d’ajouter, parce que ça lui brise le cœur que sa fille ait pas accès à quelque chose de potable ici. Il se rassure en se disant qu’elle peut entrer comme dans un moulin au studio d’enregistrement duquel il est propriétaire, il se rappelle toujours de laisser la porte de la salle bien déverrouillée pour les visites d’Ellie qui vont comme bon lui semble ; néanmoins, c’est une moue un brin déçue qu’il arbore en réalisant que ce ne sera pas ici qu’elle apprendra plus que ce qu’elle s’est déjà enseignée elle-même, toute seule. Un goût de déjà-vu, lui-même ayant dû se démerder pour acheter sa première guitare et en comprendre les rouages y’a de ça plusieurs dizaines d’années.
« C’est quoi après ? T’as encore le programme avec toi ? » il se rappelle vite fait avoir la feuille imprimée, pliée de tous les sens sans le moindre respect enfournée dans la poche de son jeans. Et il la lui tend, s’étonnant à ne pas être aussi désabusée qu’elle, se disant que peut-être qu’il avait manqué un truc, que le programme les étonnerait, qu’il y aurait de quoi faire. « La cantine. Cool… » elle soupire, il ne réprime pas un rire, il se doute que la bouille grise s’additionnera à une bouille beige, que rien ne sera savoureux et que la stricte odeur des plats aura raison d’eux. « Je me ferais bien un McDo. » pareil – il rêve de frites et de coca, il pense à un burger bien dégoulinant à l’instant, en saliverait presque si le bruit agressant des espadrilles des pères en pleine séance de sport aussi stupide que trop longue ne l’énervait pas à ce point. « Si ça se termine bien à l’heure qu’ils ont dit, on ira ensuite. » un coup d’œil par-dessus son épaule et il réalise que tout le monde semble être en mouvement, qu’ils ont un horaire à suivre, et que de ne pas en avoir le contrôle est presque effrayant. « Ça c’est si ils décident pas de nous traîner au sous-sol pour sacrifier l’un d’entre nous. » il chuchote, il s’amuse, mais il garde tout de même un œil vers les professeurs au sourire trop béat, au regard trop brillant pour que ça n’en soit pas inquiétant. « Tu trouves pas que tout ça a une drôle de vibe? »
Les gens se déplacent, le cortège file vers la cafétéria, ils traînent tous les deux de la patte Jack et Ellie, ils dérivent aux casiers, le regard du père se perdant là à tenter de trouver au hasard celui de sa fille. « Musique c’est presque en tout dernier. Le prof va te reconnaître tu crois ? » un rire passe, un autre. « S’il me reconnaît ça va trahir son âge. » et ça risquerait également de trahir le fait que le fameux prof écumait les bars de l’Australie jadis lorsque Jack était en avant-scène. Depuis qu’il a lâché le groupe et lâché la drogue, il se contente de vivre dans les coulisses pour la plupart du temps, quoi qu’il finit toujours par prendre place sur scène à un moment ou un autre. Les bons côtés lui manquent bien plus fort que les mauvais. « Franchement… Cette prof me déteste. Je suppose que sécher n’est pas une option hyper bienvenue… ? » levant le regard des casiers, Jack laisse repasser ses prunelles sur le visage de sa fille, et Ellie qui fronce avec appréhension quand il soupire mollement, autant envie qu’elle de se tirer, mais sachant autant que la gamine que s’il font ça, ils auront la direction du bahut aux fesses pour un bon moment. Autant jouer leur jeu, même si cela hypothèque une soirée entière.
« T’étais quel genre d’élève, toi ? » « Correct ; j’étais pas celui qu’on remarquait le plus, ça aidait pour sécher. » ils finissent par aboutir à la cafétéria, suivant les autres pour récupérer chaque un plateau qui, sans aucune surprise, n’a absolument rien d’appétissant au programme. Jack qui attrape une grosse poignée de sachets de biscuits secs et deux boissons gazeuses supplémentaires, ils auront au moins un truc de potable dans le ventre en attendant leur récompense au drive in un peu plus tard. « Ma Madame Hurley à moi, c’était Janet Savanah. » il le dit avec dédain, ne le réalise qu’une fois qu’ils se sont posés sans même se consulter en retrait de tous les autres, à une table à l’autre bout de la cafétéria. À croire que ni l’une ni l’autre n’avait envie de faire dans les banalités et les conversations de surface ce soir. Ils ne sont pas là pour se faire des amis. « Si elle avait pu me foutre à l’extérieur du lycée, elle l’aurait fait à tous les jours. » il rigole, plante sa fourchette avec une curiosité mêlée à un franc dégoût dans ce qui semble être une purée salée. Yuk. « C’est empoisonné tu crois? »
Les sachets de biscuits sont depuis longtemps terminés et les coca jetés au recyclage lorsqu’ils arrivent dans la fameuse salle d’anglais et que, comme Ellie l’avait mentionné, la prof ne semble pas des plus ravie au premier coup d’œil. « Ellie, quelle surprise. » Jack sent un drôle de picotement dans sa poitrine, comme si ça lui faisait mal au cœur que sa fille ne soit pas la préférée, comme si ça l’étonnait vu le comportement de rebelle dont elle se targue, ce même comportement qu’il avait lui-même jadis. D’ailleurs. « On s’installe devant. » il affirme, ne laissant pas à Ellie la chance d’argumenter lorsqu’il lui pointe du menton la chaise à côté de la sienne. « Ignorer complètement c’est mon truc préféré – ça les fait tourner en bourrique. » et il le montre Jack, lui qui n’a habituellement aucune malice, mais qui s’amuserait presque de voir Mme Hurley tenter de le piquer entre quelques commentaires sur les classes, sur la participation de certains, la réticence des autres. Il sait qu’elle pointe et qu’elle dégage des éléments qui font partie des frasques qu’a pu pull off sa fille. Et il tient son regard planté dans celui de l’enseignante, il n’a pas baissé le menton une seule fois, quoi qu’il reste muet, buté. Elle rage, elle grogne presque, elle lui pose une question qu’il n’a même pas entendue, et il en rajoute une couche d’insolence. « Hum? »
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| | | | (#)Mar 15 Oct 2019 - 11:28 | |
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C’est vrai ? Ellie a une petite mine surprise alors que son père lui avoue n’avoir pas été le meilleur élève du monde. Pas qu’elle se soit attendue à l’entendre dire qu’il avait fait Harvard hein… Mais en réalité, c’était la première fois quand même qu’elle soupçonnait que son père ait pu déserter les bancs de l’école aussi souvent qu’elle et s’abonner aux absences comme aux heures de colle.
« Tu es diplômé ? »
Il avait été jusqu’au bout de l’école secondaire ? Ou pas du tout ? En tout cas, pour ce qui était du discours qu’il devait tenir, Ellie reconnait :
« Ce serait pas mal moins ma tasse de thé. »
Elle préférait encore qu’il évite de plomber l’ambiance et de reprendre une pelle pour creuser le fossé déjà suffisant entre eux. Et puis au fond, elle avait très bien compris que la question n’avait pas réellement demandée de réponses de sa part.
A propos de la salle de la fanfare, Ellie montre d’abord les parents super concernés qui leurs servaient de chaperons. Inutile de penser s’enfuir pour aller la voir, si ? Et puis haussant les épaules :
« C’est verrouillé pour qu’on pique pas les instruments ou qu’on les abîmes pas en jouant avec. »
C’était plein de bon sens mais ennuyeux pour eux ! En tout cas s’ils avaient réussi à couper au match de foot ils allaient devoir se plier au reste et c’est comme ça qu’à défaut d’un McDo ils avaient « dégustés » les plats mal dosés de la cantine, se gavant davantage de cochonneries que d’autres choses. Et Ellie s’était même permise de taquiner :
« C’est quand que tu te mets aux fourneaux pour me préparer mon lunch ? »
Mais la proposition de partir manger un truc gras après l’épreuve que représentait cette journée n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Ellie avait donc acquiescé tout en venant récupérer du bout de son index un peu de purée sur le bord de son assiette. C’était pas « bon » mais elle avait faim et dans ces cas-là on fait sans doute un peu moins la fine bouche. Peut-être bien que c’était parce qu’ils le savaient que les cantiniers se contentait d’un truc « passable » au lieu d’essayer de leur préparer un truc « bon ».
« S’ils faisaient le tour des club du lycée, on pourrait aller à celui de magie noire pour voir des vrais sacrifices. »
Ellie mime avec ses mains une quelconque aura lugubre avant d’avoir un bref éclat de rire.
« Note que ce serait probablement plus drôle de faire partit d’un club si y en avait vraiment un comme ça. »
Mais comme les clubs étaient validés par l’administration du lycée hein… ! Bref… Ellie reste vaguement songeuse à propos de l’âge de son prof de musique, haussant finalement simplement les épaules.
« On verra. S’il te demande un autographe, soudoie-le pour les notes de mon prochain semestre… ! »
Qu’elle grappille encore plus de points ! Elle n’était pas sérieuse mais au moins elle n’appréhendait pas la démonstration de ce cours là. Pas comme le cours d’anglais où sincèrement elle se rendait à reculons. Ses mains étaient devenues toutes moites même… Et même si son père lui avouait n’avoir pas été un meilleur étudiant qu’elle, c’était une maigre consolation devant le regard inquisiteur de Hurley et ses paroles vicieuses qui sous le couvert de faire des généralités, la visait plus que les autres. Se penchant légèrement sur lui, Ellie lui souffle d’ailleurs à l’oreille :
« J’aurais préféré que la purée soit empoisonnée ouais… »
Ceci étant dit, un bref coup d’œil dans la foulée à son père lui avait permis d’amoindrir son embarras devant l’affiche qu’elle se tapait. Il faut dire qu’il avait fait exactement ce qu’il avait dit qu’il ferait, en quelque sorte. Il ignorait ses remarques cinglantes et son regard chargé de reproche qui semblait dire « C’est vous le père de cette mauvaise élève ? C’est quoi votre système d’éducation à la maison ? Le retour à l’âge de pierre ?! ».
Ellie avait peut-être bien pesté lorsqu’ils s’étaient assis complètement devant mais à présent elle en profitait davantage. Son père assumait toutes ses frasques sans avoir l’air le moins du monde honteux et quelque part ça faisait du bien, ça lui redonnait une certaine légitimité. Du coup elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir un petit sourire en coin à regarder le duel qu’ils se livraient, quasi muet du côté de son père !
« Tu vas réussir à te faire virer du cours de démonstration. »
Mais son ton était définitivement rieur pour le coup ! D’ailleurs Madame Hurley embraie direct sur l’importance de l’éducation à la maison, de l’enseignement parental niveau respect, politesse et tout le barda… Comme si elle avait voulu se venger de cette complicité si rare mais bien présente entre son père et elle aujourd'hui. Et quand elle accuse le « comportement démissionnaire et irresponsables de certains parents », Ellie ne la laisse pas terminer sa phrase, s’insurgeant :
« Hey ! »
Elle se fait foudroyer du regard par la vieille harpie et Ellie pince les lèvres, se laissant retomber dans le fond de sa chaise, bras croisés, colérique après cette vieille folle. C’est vrai qu’elle était la première à s’en prendre à son père et à faire pleuvoir les reproches sur lui. Mais c’était « son privilège ». La prof d’anglais, pour sa part, n’avait aucun droit de dénigrer son père. Pas devant elle en tout cas. Et Ellie était visiblement plus impulsive que son père, incapable de se contenter de la regarder de manière narquoise et ennuyée pour l’enrager.
« Après elle se demande pourquoi je viens jamais… »
Et d’ajouter, toujours frustrée de ne pas pouvoir l’envoyer mourir :
« J’aime pas qu’elle t’insulte. »
La prof l'avait pas nommé ni rien... Mais tout le monde avait compris non ? Elle avait hâte que ça se termine et qu’ils passent au suivant.
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| | | | (#)Sam 26 Oct 2019 - 0:28 | |
| Revenir sur les bancs d’école n’avait jamais été quelque chose que Jack espérait. Plus vite il avait pu se tirer de son lycée, plus vite il s’était senti lui-même, libéré. C’était lourd de devoir s’adapter à une forme d’autorité qui ne résonnait pas pour lui, c’était difficile de se sentir confiné dans un local fermé quand il rêvait de grands espaces, d’air, de vivre. Toujours bohème, toujours un peu trop libre à leur goût à eux. « Tu es diplômé ? » « De l’école de la vie, ça compte ? » qu’il blague, tente de dédramatiser, avant de secouer la tête de la négative pour au moins lui donner une réponse honnête. Ça ne lui avait jamais vraiment nuit et il s’en considérait très chanceux, la musique ayant aidé à son éducation et les boulots qu’il ait pu faire à côté qui payaient le loyer. Aujourd’hui, il avait ouvert son propre studio de production et il n’aurait jamais pu le faire s’il n’avait pas eu toute l’expérience accumulée, celle que l’école ne le lui aurait jamais donnée.
La conversation flirte avec l’horaire, il n’essaiera pas d’être autoritaire parce que personne n’y croirait, ni même lui. « C’est verrouillé pour qu’on pique pas les instruments ou qu’on les abîmes pas en jouant avec. » son sourcil se hausse, Jack qui n’aime pas savoir que sa fille n’a pas accès aux instruments qu’elle veut, quand elle le veut. Il a pris pour acquis que si c’était ainsi chez eux, c’était ainsi partout. « Ils sont pas autant doués pour organiser des journées parents/élèves que pour couper la créativité en tout cas. » qu’il peste, sa voix douce rendant le tableau toujours un peu ridicule. Il est pas méchant Jack, mais il y a quelque chose avec l’établissement, avec les professeurs, qui ne lui revenait pas, depuis toujours.
Les burgers les font saliver, la bouffe de la cafétéria beaucoup moins. Ellie est d’attaque pour lui demander un sac tous les midis et il rigole Epstein, il voit de suite la catastrophe arriver. « C’est à tes risques et périls ; mais je peux essayer. » il est bon joueur tout de même, à voir et à goûter ce qui se retrouve dans leurs assiettes c’est pas donné que ce qu’il pourrait piètrement préparé ne serait pas foncièrement meilleur. « Des chips, c’est dans quel groupe alimentaire ? » la question qu’il semble poser le plus honnêtement du monde, avant de laisser un autre rire de bon cœur glisser sur ses lèvres. Il se souvenait pas du tout du dernier moment où tous les deux avaient eu un semblant de complicité du genre, son cœur ne pouvant s’empêcher de se serrer de se demander à quel instant tout chamboulerait. Quand il bousillerait tout. « S’ils faisaient le tour des club du lycée, on pourrait aller à celui de magie noire pour voir des vrais sacrifices. Note que ce serait probablement plus drôle de faire partit d’un club si y en avait vraiment un comme ça. » Ellie change de registre et le suit dans ses fabulations, encore une fois, il est sauf. « Au moins t’apprendrais un truc utile pour te sortir de la merde si besoin. »
Le chaos de la prof d’anglais casse tout le charme de la classe de musique à venir. Ils s’installent devant, Jack reçoit claque par-dessus claque, il encaisse, hoche de la tête, écoute à peine, mais écoute tout de même. Ellie laisse rien passer, elle s’impose même à un moment, et les yeux voilés d’un père surpris autant qu’attendrit la couve une seconde. L’enseignante soupire, il s’applique à la critiquer à la seconde où elle passe près d’eux une dernière fois. « Et après, ils veulent que vous vous comportiez bien. Que vous soyez respectueux. » la blague. Mais déjà elle les ignore, faisant signe aux parents de poursuivre leur route. Bien sûr que Jack se sent plus mal qu’à son arrivée, bien sûr qu’il l’a cherché. Il n’avait pas besoin d’une énième personne lui pointant à quel point il faisait un boulot pathétique ; n’en reste que d’avoir vu sa fille tenir tête a su panser un peu ses blessures si creuses.
« On passe à ton casier avant? » il propose, soulagé, les épaules encore un peu remontées mais la respiration de plus en plus calme. « Y’a un truc que je voudrais te donner. » c’est stupide et probablement qu’elle aimera pas, c’est qu’une vieillerie comme la guitare de l’autre fois qu’elle avait ridiculisée, quand ils avaient mangé ensemble comme un vrai père et une vraie fille. Mais il est confiant, du moins, jusqu’à ce qu’ils arrivent devant la porte close, le métal gravé et Ellie qui semble dire que c’est là où ses affaires se trouvent en temps normal.
Puis, il sort de son sac en bandoulière des feuilles et des feuilles de partitions, toute séparées, toutes prêtes à être collées aussi. Comme des affiches, mais à une connotation particulière. Ce sont les premières versions, celle où l’artiste lui-même a appliqué ses commentaires, de la chanson préférée d’Ellie ces temps-ci. Un truc indie qu’il l’a entendu répéter des dizaines de fois alors qu’elle devait penser qu’il l’écoutait pas. Y’a fallu qu’il joue de ses contacts pour trouver le truc, qu’il soit inventif et demande l’aide d’Isy pour préparer la version finale, mais il en est fier Jack. Un petit geste peut-être, mais un immense pour lui. Et le voilà qui lui tend le tout, le coeur un peu plus emballé.
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| | | | (#)Lun 28 Oct 2019 - 11:17 | |
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L’école de la vie. Pendant un instant Ellie avait observé son père sans rien dire, sans émotion… Et finalement un petit sourire en coin s’était peint sur ses lèvres avant qu’elle ne se détourne. C’était peut-être bien la seule école qui comptait dans le fond. Parce qu’Ellie doutait à tous les jours de l’intérêt réel des choses qu’elle apprenait ici. A quel point est-ce que ça lui servirait un jour, tout ça ? Mais ça n’avait pas beaucoup d’importance. Le principal intérêt de cette journée pédagogique, au final, c’était ce lien qu’elle créait entre son père et lui. Comme quoi on a raison « à quelque chose malheur est bon ».
C’était rare qu’ils soient sur la même longueur d’onde plus de quelques minutes. Mais c’était agréable. C’était comme avoir une famille pour de vrai, sans rien de dysfonctionnel, surtout pas eux. Par contre alors qu’il avait blagué sur l’option « lunch maison », Ellie avait chassé l’idée d’un revers de main et d’un rire bref mais sincèrement amusé. Quant aux chips :
« Des patates. C’est des légumes, non ? »
Un peu comme les pizzas en était pour peu qu’on ne s’intéresse qu’aux tomates qui les composaient. Bref. On en revenait au cours d’anglais, ou du moins à la présentation de ce dernier et à cette prof qui s’amusait à essayer de les humilier tous les deux mais surtout son père dans le cas présent. A croire que cette femme n’avait jamais été jeune. C’était peut-être le cas en vrai ! Ellie ne l’imaginait pas avoir été un jour autrement que replète et grisonnante, sans lunettes à double foyer et sans ridules un peu partout sur le visage.
La joute entre père et prof ne cesse pas vraiment et Ellie n’aime guère davantage l’école à présent. Plus que jamais l’extérieur qu’on voyait par la fenêtre lui semblait attirant. Et si ça ne dure que quelques minutes, ce sont des minutes en trop. Ellie est plus qu’heureuse de pouvoir s’extirper de cette classe dans laquelle elle mettait bien peu les pieds. Et par chance, son père ne semble pas vouloir épiloguer sur ce qui vient de se passer, préférant passer à tout autre chose. Son casier l’occurrence.
Du coup c’est là qu’ils vont et Ellie ouvre rapidement le cadenas. A l’intérieur c’est un peu le foutoir mais pas non plus le chaos. Y a une photo de sa mère sur le haut du casier et ça la met dans l’embarras mais sur cette photo, y a son père aussi. Une des rares qu’elle a d’eux deux. Et dessus, ils devaient être à peine plus vieux qu’elle en mode « baba cool » comme dans ces années-là. Au moins là-dessus non plus son paternel n’épilogue pas. Il lui donne le fameux truc dont il avait parlé quelques instants plus tôt, attisant sa curiosité adolescente.
Ellie saisit le paquet de feuilles, reconnaissant vite des partitions. L’adolescente vient rapidement les remettre au carré, observant alors plus soigneusement la première page. Elle voit le titre évidemment… Et puis rien qu’à voir les premières notes, le son prend le relais, lui laissant dans les oreilles la musique de cette chanson qui tournait en boucle depuis des semaines sur sa platine dans sa chambre. Elle avait même commencé à s’y essayer à la guitare, avec plus ou moins de résultat. Evidemment, ce qui la frappe, ce sont les ratures, les notes, les changements… Son index passe sur l’encre bleue et elle peut sentir la petite aspérité laissée par la bille dans la chaire du papier.
« Des originaux… ? »
Ellie fronce les sourcils, incertaine, le cœur un peu dans le flou. C’était l’auteur qui avait écrit dessus ou bien un autre musicien ? Son père ? Mais rien qu’à son regard elle devine… Et Ellie, par réflexe, vient brièvement serrer les feuillets contre elle avant de les regarder à nouveau.
« Mais comment tu les as eu ? »
En plus ce groupe c’était pas non plus le plus populaire qui soit. Encore un truc un peu underground qu’elle avait trouvé au gré de ses pérégrinations sur internet. Mais ils avaient clairement « un truc ». Elle avait acheté leur CD directement sur la page de leur groupe avant qu’ils ne signent un petit contrat indie et qu’ils deviennent pas mal plus populaires à présent.
« Il faut que je les plastifie, je peux pas les mettre comme ça, elles vont s’abîmer. »
Elle allait acheter des pochettes avant de les scotcher dans son casier. Et même là elle était un peu récalcitrante même si personne n’irait lui voler ça, probablement. Il y a encore un instant de léger inconfort avant qu’Ellie ne relève les yeux vers son père. Elle lui adresse un sourire, reposant les partitions dans son casier le temps de venir brièvement, mais sincèrement, serrer son père dans ses bras cette fois.
« Merci papa. »
Peut-être qu’elle ne lui disait pas assez. Ni merci, ni papa. Mais bon, si elle distillait peu ce genre de mot, ils étaient quand même précieux à ses yeux.
Ellie le relâche, se sentant peut-être encore un peu plus complice et proche de son père. Ça allait peut-être pas durer alors autant en profiter. On les interpelle un peu plus loin, pour qu’ils suivent le groupe… Et retenant son père par le bras, elle lui assure quand même :
« J’suis contente que tu sois venu. »
Et pourtant, y a encore une semaine, Ellie avait hurlé à travers toute la maison qu’elle ne voulait pas qu’il vienne, qu’elle-même n’irait pas, tout ça… Comme quoi hein… !
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| | | | (#)Jeu 31 Oct 2019 - 23:53 | |
| « Des originaux… ? » il hoche de la tête, il acquiesce, il est timide Jack, il veut pas qu’elle pense qu’il tente de l’acheter non plus. Parce qu’il a pas fait ça pour faire passer une tentative comme une autre de négociation. Il savait qu’Ellie allait être contente de mettre la main sur ces papiers-là, et si la frousse du départ l’a empêché de parler pour confirmer quoi que ce soit, se contentant d’un faible mouvement de la tête, de la voir toucher le papier, de remarquer ses doigts qui s’arrêtent aux mêmes endroits où lui-même a validé le trait de crayon, ça lui réchauffe le coeur. « Mais comment tu les as eu ? »
Il avait dû ramer le pauvre gars, il avait jouer de ses contacts. Il avait payé une somme faramineuse au final, brûler pas mal d’économies qu’il s’était étonné de tenir dans un compte. Jack faisait n'importe quoi avec son fric, il en gardait juste assez pour payer le loyer et la nourriture, le reste, il lui brûlait les doigts - et dans l’instant, il se tenait dans les paumes de sa fille. « J’étais au bon endroit au bon moment. » qu’il dédramatise, pas envie de lui gratter la moindre once d’estime quand il n’en a aucune pour lui-même. Mais d’avoir vu les originaux, d’avoir pensé à elle, d’avoir fait le lien, et de voir la réaction qu’elle a, les yeux brillants le sourire qui se dessine, ça vaut toutes les dettes qu’il devra payer et tout ce dont il devra se priver pour les prochaines semaines.
Elle réfléchit à voix haute, bien sûr qu’il est attendri. « Il faut que je les plastifie, je peux pas les mettre comme ça, elles vont s’abîmer. » « On a une machine pour ça au studio, si tu veux passer les faire toi-même, sinon je peux m’en occuper. » ils l'utilisent souvent pour afficher les posters des bands avec qui ils travaillent sur les murs de B&B. Rien de bien glorieux, tous des groupes indépendants, tous très loin des têtes d’affiches de billboard. Mais des bands que Jack aimait de tout son coeur, qu’il avait lui-même découvert, qu’il chérissait un peu comme ce moment, mais jamais autant.
« Merci papa. » Jack s’étonne, il ravale même pas, respire encore moins. Ses yeux qui de suite montent des partitions qu’elle a encore entre ses mains pour se plonger dans ceux d’Ellie. Y’a rien de bien spécial dans ce moment vous direz. Y’a rien d’extraordinaire, y’a rien de plus que ce à quoi ressemble toutes les scènes d’un père et de sa fille, l’un donnant un cadeau à l’autre. Mais son coeur au Epstein, il se serre d’amour. Ses prunelles, elles brillent. Il l’aime sa fille, il l’a toujours aimée aussi fort qu’il a pu. Et même si les autres parents n’en ont rien à faire du duo qu’ils forment en retrait, à avoir déjà manqué la première demie-heure de la prochaine rencontre, Jack lui, il est heureux. Il est heureux et il se doute qu’elle l’est également, et c’est tout ce qui compte. « Heureux que ça te plaise, Ellie. » tout dans ses mots sonnent comme s’il lui avait dit qu’il l’aimait. Tout, le ton, l’intonation, le coup d’oeil, le sourire. Tout.
La main d’Ellie qui vient se poser sur son bras, il sourit de plus belle. « J’suis contente que tu sois venu. » « Pareil. » le temps qui s’arrête, les voix qui se font distantes. Jack qui regarde pas par-dessus l’épaule d’Ellie, il en a rien à faire du prof qui attend qu’ils viennent le rejoindre. « On a assisté à plus de 70% du truc, n’est-ce pas? » qu’il demande, le regard complice, se doutant qu’elle comprendra de suite où il veut en venir. « Y’a un McDo sur le chemin vers le studio. » la classe de musique qui, de toute façon, ne semblait pas être phénoménale aux yeux d’Ellie. « On pourrait passer prendre des burgers avant que t’aies accès à bien mieux qu’un placard à balai de guitares. » c’est pas son genre de se moquer des autres, encore moins de dénigrer quoi que ce soit. Mais quand il s’agit de musique & d’Ellie ; Jack est intransigeant. Le meilleur pour elle. |
| | | | (#)Mar 5 Nov 2019 - 8:04 | |
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C’était sûrement un peu méchant à dire… Mais Ellie ne s’attendait jamais vraiment à ce que son père la surprenne positivement. Un peu méchant et plutôt injuste même sûrement… Mais ne dit-on pas que lorsqu’on s’attend au pire on ne peut pas être déçu ? Bref. Là il l’avait surpris et c’était une bonne surprise, ça faisait chaud au cœur et que ça vienne de lui, ça comptait sans doute encore plus. Alors qu’importe qu’il ait visiblement joué de chance pour lui obtenir ces précieuses partitions !
Ellie hésite un peu pour la machine, ayant du mal à relâcher les feuillets. Elle allait avoir la chanson dans la tête toute la journée à présent ! La jeune femme vient finalement remettre les partitions entre les mains paternelles, convenant :
« Tu auras l’occasion de le faire avant moi. »
Et elle aimerait pouvoir les accrocher au plus vite quoi ! Peut-être dans son casier, peut-être dans sa chambre… Elle savait pas encore mais elle avait le temps de voir venir. C’est qu’au lycée, Ellie ne passait pas tellement de temps… Du coup elle n’était pas sûre d’en profiter autant quoi !
Quoi qu’il en soit ils devaient avoir l’air un peu bizarres pour un œil extérieur, à se regarder en chien de faïence, visiblement tous les deux repus de satisfaction et n’osant pas esquisser un trop grand geste de peu de fracasser le moment d’un mouvement maladroit. Pourtant, si Ellie suppose que le moment ne pourrait pas être meilleur son père réussi à nouveau à la surprendre avec une question qui laissait supposer ses intentions. Elle penche légèrement la tête sur le côté, néanmoins interrogative dans son attitude. Est-ce qu’elle avait bien compris ?
Voilà que son père lui proposait de se carapater de cette réunion débile, de se faire un McDo –la cantine ne leur ayant clairement pas rempli le ventre- et même d’aller dans ses studios ! Finalement, elle aurait sûrement ses partitions avant la fin de la journée du coup ! Un sourire revient donc flotter sur les lèvres d’une Ellie enthousiaste avant qu’elle ne finisse spontanément par venir crocheter le bras de son père du sien. Ça lui donnait le cœur fort battant d’avoir ce geste de quasi tendresse… Mais cette façon de s’emballer qu’avait son palpitant n’était pas une mauvaise chose, elle avait au moins cette certitude.
« Je vais te ruiner en nuggets, en frites et en sauce aigre-douce, t’as même pas idée ! »
Elle aurait pu manger cette sauce à la cuillère, quasi. Mais avec du poulet pané c’était un must même si d’aucun aurait simplement dit « malbouffe ».
« J’ai appris une de tes chansons. »
Elle ne la jouait pas « parfaitement »… Mais elle en tirait quelque chose de néanmoins mélodieux et de plus en plus exercé.
« Peut-être qu’on pourrait la jouer ensemble tant qu’à être là-bas. »
Avec des guitares à se mettre sous la main, tout ça. Et parce que l’instrument avait toujours très hautement piqué sa curiosité et une part de son intérêt :
« Je pourrais essayer la batterie ? »
Cet instrument imposant et indispensable n’était pas qu’une boîte à rythme et Ellie en avait fait la découverte à mesure qu’elle affinait sa sensibilité et son ouïe à la musique. Ceci étant dit, pour revenir brièvement à un sujet plus terre à terre :
« Tu vas dire quoi si quelqu’un nous prend sur le fait en train de nous barrer ? »
Si ça se trouve elle pouvait peut-être même se faire coller pour ça. Pas que ça ait une grande importance pour elle ni qu’elle compte forcément s’y rendre mais BON. Ellie affermit sa prise sur le bras de son père, se collant quasi à lui, rendue presque jalouse tandis qu’en passant près de la Vie Scolaire une surveillante entre deux-âges fait un sourire mi-timide mi-charmeur à son père. Il était à elle, aujourd’hui ! Et d’ailleurs Ellie presse un peu le pas pour qu’ils sortent de l’angle de vue de la surveillante !
« Allez ! C’est moi qui conduis. »
C’était une blague… Mais aussi un léger appel du pied ! A 17 ans, Ellie commençait sérieusement à avoir envie de développer encore plus son indépendance… Et pour ça, le permis ne serait pas mal venu… ! Puisqu’ils étaient en bonnes conditions, elle pouvait sûrement le lui faire comprendre !
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| | | | (#)Mar 19 Nov 2019 - 2:32 | |
| Ils complotent et il ne réalise pas le bien que cela lui fait, Jack. Il ne réalise pas comment sa mâchoire s’est automatiquement détendue, comment ses sourcils ne sont plus du tout froncés. Comment ses épaules se relâchent, comment son regard s’est encore plus adouci si c’est possible. « J’ai appris une de tes chansons. » Ellie est toute en surprises ce soir, et jamais il ne s’en plaindrait. Il passerait des heures ainsi, même si leur conversation a lieu dans les couloirs d’un collège qu’il déteste presque autant que sa propre école, lorsqu’il était scolarisé. « Laquelle? » qu’il ose l’égoïste, se réjouissant d’un détail qui ne devrait pas avoir d’importance, pieux musicien qui habituellement laisse ses chansons s’envoler vers les oreilles de quiconque le veut sans jamais s’y imposer. Aujourd’hui, il se nourrit de la douceur de sa fille, il se réjouit de se savoir un peu en elle, un peu dans sa tête, qu’il y ait pris une place même si ce n’est seulement qu’à travers sa musique. Pour lui, la musique est plus importante que tout le reste, pour lui, la musique reste sa vie. Qu’Ellie parle son langage le fait que l’aimer encore plus si cela reste possible. « Peut-être qu’on pourrait la jouer ensemble tant qu’à être là-bas. » il est ému, il ne s’en cache pas, l’œil luisant d’une larme heureuse, c’est un sensible Jack, il laisse les émotions monter comme elles viennent et hoche bien sûr, définitivement la tête de l’affirmative comme s’il pouvait en être autrement.
« Je pourrais essayer la batterie ? » la demande qui sort un peu de nulle part au sens où il ne l’avait ironiquement jamais imaginée derrière une batterie. Il connaissait la rage qui l’habitait, il connaissait tous ses démons contre lesquels elle luttait toute seule, si forte, depuis bien trop longtemps. Mais il ne s’attardait pas à l’évidence Jack, il n’aurait jamais pu penser qu’Ellie puisse s’intéresser à l’instrument, lui ayant découvert plutôt une attention étonnante à la seconde où elle manipulait une guitare, où elle en tirait des notes au fil des secondes du bout des doigts. « La batterie, ah ouais? » mais il ne refuse pas, n’oserait jamais, sait déjà laquelle elle pourrait étrenner, laquelle il sera ravi de la voir essayer. « On a installé un piano aussi, il est vieux mais tu l’adorerais je pense. » les longs doigts fins d’Ellie qu'il rêverait de voir courir sur un clavier, lui qui sait pertinemment que la brunette serait impeccable à y jouer la mélodie si elle s’y intéressait. Elle est à l’âge où il touchait à tout jadis, elle est à l’âge où il essayait des dizaines d’instruments, tout ce qui lui passait sous le nez sans jamais s’engager à en apprendre uniquement un. Il s’était laissé charmer par la guitare bien sûr et y revenait toujours, mais son adolescence avait été ponctuée de fausses notes et de gammes réussies, d’autant de sons, de cordes et de partitions que possible, lui laissant très peu de temps pour faire autre chose que de rêver, une harmonie à la fois.
Ils s’activent, Jack sent le bras d’Ellie qui se love contre le sien, son intérêt tout dérivé sur ce contact bien plus que sur le regard de l’intervenante qu’il ne sentira pas une seule seconde brûler son épiderme. « Tu vas dire quoi si quelqu’un nous prend sur le fait en train de nous barrer ? » « Cours plus vite. » il se moque, il a le visage de celui qui sourit de bon cœur, les rides au coin des yeux et des lèvres, il est si naïf Jack, si innocent au final. Puis il se reprend, la question qu’il pose à travers une blague, mais la réponse que ses esquisses de potentiel père se surprennent à vouloir connaître. « Ça fonctionne encore l’excuse d’elle est malade, on doit rentrer à la maison, ou tu as été trop malade cette année déjà? »
Le stationnement se dessine enfin devant eux comme une première récompense, les burgers et les cocas qui feront partie de la seconde vague de soulagement lorsqu’ils verront enfin le bâtiment scolaire se dessiner derrière eux dans le rétroviseur. « Allez ! C’est moi qui conduis. » les clés avec lesquelles il joue savamment entre ses doigts, la voiture qu’ils atteignent et son regard qui pense, qui cède, l’instant d’après. « Si t’as vraiment envie, on pourrait… attends. » il s’installe derrière le volant, l’invite à entrer naturellement. Le moteur qu’il démarre, la musique qu’il lui laisse religieusement choisir, et le vieux taco qui a vu chacun des kilomètres qu’ils ont pu sillonner depuis leur arrivée à Brisbane se faufile sur la route peu de temps après. « Fais-moi confiance. » qu’il narre enfin, quand ils empruntent un autre chemin que le traditionnel, qu’il dérive tout de même à un McDonalds pour les vivres essentiels, leur commande dans un sac à l’odeur réconfortante posée sur les cuisses d’Ellie quand il finit par tourner dans le stationnement désert d’un supermarché fermé à cette heure.
« C’est comme ça que j’ai appris. La première fois, officieusement. » Jack ferme le contact, tend les clés à Ellie, et fait mine de sortir de la voiture pour lui laisser le siège le temps qu’il prenne celui dans lequel elle était installée plus tôt. Il évite bien sûr de mentionner qu’il avait appris dans une voiture volée, que son cousin complètement bourré l’avait repérée dans une ruelle et qu’il avait dû prendre le volant pour s’assurer de les ramener en vie chez eux en urgence au beau milieu d’une nuit glaciale canadienne. « T’as juste besoin de différencier les deux pédales. Une arrête, une accélère. Ton pied droit pour les deux. » du doigt, il lui pointe les fameuses pédales, réajustant pour elle les miroirs et le siège conducteur, qu’elle n’ait pas besoin de le faire elle-même. « Pour chaque seconde au-dessus de 20 km/h, je mange une de tes frites. » question qu’elle ne ressente pas le besoin de faire de la vitesse, question qu’elle apprenne les bases en douceur sans se blesser.
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| | | | (#)Lun 25 Nov 2019 - 9:48 | |
| - Spoiler:
J'ai choisit un nom de chanson au hasard qui pourrait les rapprocher mais si ça se peut pas, n'hésite pas à me tenir au courant et je modifierais tout ce passage (ou le titre si y a une chanson qui parle de Jude mais s'appelle autrement dans ta tête). J'ai conscience de moins relancer aussi dans ce RP donc si c'est un soucis pareil : n'hésite pas à me MP !
« Jude. »
Est-ce que ça le surprenait, qu’Ellie ait pu choisir une chanson qui portait le prénom de sa mère ? Elle ne saurait pas dire si ça avait le même effet sur son père ou bien pas mais pour sa part, lorsque ses doigts grattaient la mélodie et que ses lèvres fredonnaient tout bas les paroles tout en subtilités et en double-sens de cette chanson, sa mère lui manquait un peu moins. Il n’y avait aucune évidence dans cette chanson. Sans doute qu’il fallait connaître « la » Jude… Et son père… Pour en comprendre tout le sens. Et même là, il était probable qu’Ellie n’y entendait pas tout, n’ayant pas les clefs de tous les souvenirs que ses parents pouvaient avoir entre eux.
Au final, peut-être qu’à la jouer ensemble, même pour quelques minutes seulement, redonnerait l’illusion qu’ils étaient une vraie famille, tous les trois.
Ellie ne tergiverse pas davantage, se réjouissant assez de pouvoir tester une batterie. Enfin son père ne l’avait pas dit comme ça mais il lui semblait clair qu’en l’absence de « non », c’était une acceptation ! Cet instrument l’impressionnait de par sa taille et elle avait envie de se fatiguer un peu les bras dessus ! L’adolescence acquiesce également à propos du piano, se montrant curieuse :
« Et un violoncelle ? Vous avez un violoncelle ? »
A croire qu’elle était dans sa période « instruments encombrants » !
Ceci étant réglé ou presque, Ellie lève les yeux lorsque son plaire plaisante à propos de ce qu’il dirait si on les attrapait à « fuguer » ! Et pour toute réponse à propos de ses absences, elle grimace en fourrant ses mains dans sa poche parce que clairement, c’était pas une carte à trop jouer à moins de vouloir faire croire qu’elle était mourante à ce stade !
En montant dans la voiture son père reste énigmatique mais Ellie oublie rapidement parce qu’ils commandent et que son ventre cri famine comme s’ils n’avaient pas déjeuné à la cantine ! Une chance, d’une certaine façon, qu’Ellie soit une « nerveuse ». Ça lui permettait de bouffer à peu près n’importe quoi sans avoir à se soucier de rentrer dans sa taille de pantalon habituelle. Elle devait tenir ça de sa mère par contre parce que son père avait une stature plus généreuse, sans aller jusqu’à dire qu’il faisait quelques kilos en trop, c’était pas le cas.
Ellie réceptionne la bouffe, supposant qu’ils allaient rentrer au studio pour manger du coup… Et elle pique un de ces nuggets qui lui avait tant fait envie qu’elle avait gentiment tapé sur le bras de son père pour lui dire de prendre « une boîte de vingt » et pas un menu avec neuf pauvres nuggets ! La jeune fille fait passer avec une gorgée rapide d’un coca-light qui ne valait pas le coca à la cerise qu’elle adorait mais qui faisait le job avant d’arquer un sourcil en les voyant prendre… La mauvaise route, en gros.
« Tu vas où là ? »
Et si cette histoire de confiance ne lui dit rien qui vaille, les explications qui suivent tirent à nouveau un sourire ravi sur ses lèvres ! Elle attrape rapidement les clefs, enthousiaste comme la gamine de dix-sept ans qu’elle était !
« Wow c’est cool ! »
Rapidement elle sort de la voiture, écoutant d’une oreille un brin distraite ce que son père lui dit, le chassant presque du siège conducteur pour lui piquer sa place… ! Bien qu’elle le laisse faire les réglages pour elle, Ellie vient ajuster le rétroviseur central à son tour, presque plus par principe parce que dans l’excitation elle ne savait pas comment on pouvait regarder partout : devant, sur les côtés, derrière…
Cette voiture avait au moins pour elle d’être une automatique. Pas la peine qu’elle s’encombre avec les vitesses et à ce stade c’était probablement pas plus mal.
« Ok, ok, j’ai compris ! »
Elle attache rapidement sa ceinture à nouveau et un petit glapissement aigu franchit ses lèvres tandis qu’elle fait ronronner un peu le moteur, restant néanmoins à l’arrêt pour le moment.
« Je sais même pas quelle sensation ça fait, 20km/h. »
Mais Ellie pose ses yeux sur le compteur kilométrique, louchant brièvement dessus histoire de se rappeler de ne pas l’oublier.
« Tu as la direction assistée ? »
Elle se renseigne, savoir si elle allait luter un peu avec le volant ou pas. Ellie était peut-être novice mais elle était un minimum renseigné sur les facilités ou difficultés pour conduire quoi ! En tout cas son pied revient doucement presser la pédale de l’accélérateur après qu’elle ait défait le frein à main. Son regard va frénétiquement de « la route » au compteur… Et après avoir roulé à un rythme d’escargot un instant, elle monte un peu pour frôler les 20, frissonnant légèrement d’anticipation !
« Tu me dis quand je tourne ! »
Elle avait peur de s’y prendre trop tard !
« Tu me dis hein ?! »
Pour le coup, elle avait on ne peut plus besoin des conseils paternels !
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| | | | (#)Mar 17 Déc 2019 - 20:21 | |
| « Et un violoncelle ? Vous avez un violoncelle ? » « On a un violoncelle. » ce serait mentir de dire que Jack n'adorait pas voir sa fille aussi enthousiaste. Ce serait absolument faux de statuer qu'il n'allait pas tout faire pour subtiliser de son propre studio le fameux violoncelle, question de le kidnapper sur une durée indéterminée pour le laisser traîner dans leur salle familiale. Il se fait des espoirs gros comme le monde Epstein, il a envie de tout lui donner à Ellie, il tente à chaque jour, mais parfois, à travers les bons coups qui sont un peu plus nombreux, enfin, se glissent ses erreurs. Il est malhabile Jack et parfois beaucoup trop émotif. Il pense tout trop fort, il réagit parfois de façon complètement impulsive, mais jamais son amour pour sa fille ne change ; et c'est bien ce qu'il tente de lui montrer aujourd'hui à coup de fuite, à coup de fugue.
Elle a les lèvres reluisantes de coca quand son regard glisse du panneau de bord à la route, que sa tête tourne d'un sens comme de l'autre et qu'elle réalise qu'ils ne sont pas sur le bon trajet, celui qu'ils ont convenu au préalable. « Tu vas où là ? » il lui explique en quelques mots, bref, il s'en voudrait de gâcher la surprise. Même s'il n'osait pas la tenir en haleine trop longtemps, qu'elle s'énerve, qu'elle décide de sortir de la voiture aussi vite, sans qu'il n'ait le temps de mettre les freins. Il a peur constamment qu'elle parte Ellie, et lorsqu'il le réalise, il se fait mal de voir que c'est ce qu'il lui a imposé, trop de fois déjà.
Epstein qui se nettoie les idées, qui lui donne les clés. Ils changent de place et il ne se presse pas, il remarque bien qu'elle tremble un peu, à peine, pas assez pour qu'il le souligne, ça ne serait que pire à son sens. « Ok, ok, j’ai compris ! » son sourire ne fait que grandir lorsqu'il entend le moteur s'actionner, lorsqu'il voit sa gamine se replacer dans son siège et qu'il fait un dernier checkup tout autour d'eux. Le stationnement est désert, ils ont rien à craindre et même si, Jack s'assure avec une ruse teintée de friture qu'Ellie fasse attention. « Je sais même pas quelle sensation ça fait, 20km/h. » il a jeté son dévolu sur une poignée de frites quand il relève la tête vers elle, expliquant la dite sensation une lueur de malice dans son regard. « Si tu sens autre chose qu'une voiture qui avance à pas de tortue, c'est que ça fait plus que 20km/h. » qu'il relativise, moqueur.
« Tu as la direction assistée ? » les questions se multiplient, il est silencieux. Il la laisse trouver son rythme, il la laisse prendre confiance en elle. « Tu me dis quand je tourne ! » là encore, Jack ne dit mot, il fait qu'hocher calmement de la tête. Il a tout du père là, il a tout de la figure paternelle bienveillante qui fait confiance, et c'est probablement ce qui déstabilise la jeune fille dans l'instant, parce qu'eux deux n'ont pas cette dynamique-là, parce qu'ils ne l'ont jamais vraiment eue, qu'ils tentent de trouver une complicité quand ils ne l'ont encore jamais vraiment créée. « Tu me dis hein ?! » Jack qui la couve du regard, qui replace ses mains sur le volant, qui l'encourage sans qu'elle en ait besoin.
« Respire, ça va bien, tu gères. » là par contre, c'est lui qui y voit une nécessité. Parce que c'est la vérité. Elle a cette adrénaline qui remonte, elle a cette sensation de liberté dangereuse qu'elle découvre, et il sait qu'une fois qu'elle sera le moindrement conquise, sa liberté sera encore une fois revenue au rang de priorité. Ellie qui lui piquera sa voiture des dizaines de soirs de suite. Ellie qui organisera des roadtrips sur un coup de tête, qui verra du pays elle qui a très longtemps détesté l'Australie à prime abord. « Là, on tourne. » ce n'est que lorsque le musicien voit qu'elle a pris un peu plus ses aises qu'il lui propose un nouveau défi, un challenge qu'il la sait capable de terrasser. « Doucement - ok, mieux. » il coach Jack, il explique, il la guide en retenant le volant au dernier moment pour lui éviter d'être trop brusque quand elle ne sait pas quoi faire, qu'elle apprend à mesure. Mais Ellie est brillante, elle cumule le savoir en un claquement de doigts.
Il la laisse s'amuser encore quelques minutes sans rien imposer, avant de repérer une place un peu plus loin où elle pourra se rendre, où elle pourra tester autre chose. « T'as envie d'essayer de te garer? » à s'entendre, il sait très bien à quel niveau sa proposition peut être prise comme ennuyeuse - derechef, il précise. « C'est pas aussi stressant, mais tu peux tenter à reculons pour un peu plus de danger. » un clin d'oeil plus tard, et il lui pointe l'endroit où il l'invite à tenter de garer la voiture entre les lignes, de l'avant comme de l'arrière, il jugera pas. « Tu t'en sors déjà bien mieux que moi. » par contre, ce qu'il juge, c'est qu'elle n'a encore fait aucune marque sur la bagnole, quand lui à pareil âge, avait occasionné un bordel sans nom sur la carrosserie de la voiture de son père.
- :
C'est all good L'idée est parfaite, Ellie aussi
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| | | | (#)Lun 6 Jan 2020 - 9:14 | |
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« ha ha, très drôle… ! »
Mais la vérité, c’est qu’Ellie glousse pour de vrai malgré son ton un peu sarcastique. Ça la dérangeait pas d’aller à la vitesse d’une tortue, ça restait excitant quand même vu que c’était la première fois. Après elle pouvait pas promettre de pas avoir envie d’aller plus vite s’ils retentaient l’expérience mais là, maintenant, tout de suite, c’était suffisant il lui semblait.
De toute façon elle stressait quand même malgré l’adrénaline et malgré le plaisir de ce test. Ses mains étaient un peu moites, ses épaules un peu crispées. C’est qu’elle mettait toute son attention dans ce qu’elle faisait et en ce sens les paroles réconfortantes de son père font son effet, passe entre les fêlures de sa coquille habituelle pour caresser un peu cœur. Elle acquiesce à chaque mot, un petit « hm ! » positif aux lèvres, attentive à en crever.
Lorsqu’il lui dit de tourner l’adolescente tire un bon coup sur le volant ! Un peu trop vu qu’il lui demande aussi de calmer un peu ses ardeurs ! A nouveau Ellie acquiesce, essayant de doser histoire de pas tourner en mille ans mais aussi de respecter le truc quoi. C’était plus technique que ce qu’elle avait toujours imaginé en voyant son père ou sa mère se plier à cet exercice !
Une question ensuite… Une proposition en fait. Un petit challenge, quelque chose comme ça et Ellie laisse un long « heuuuu... » planer quelques instants avant de faire peser son pieds sur le frein histoire d’immobiliser le véhicule.
« Ok. C’est dur ? »
Elle avait toujours entendu dire que les femmes étaient des catastrophes au volant. Elle avait toujours trouvé ça aussi injuste que sexiste et elle ne se souvenait pas de sa mère comme d’une piètre conductrice. Mais comme là là elle ne se sentait pas non plus hyper en contrôle, disons qu’elle était prête à relativiser un peu le mythe.
En tout cas Ellie ré-avance un peu, juste de quoi dépasser l’endroit où elle devait se garer. Elle passe ensuite la marche arrière, galérant un peu à comprendre comme ça fonctionnait exactement… Et rendue là elle déplace ses mains sur le volant, cherchant comment l’accrocher pour être confortable, vérifiant dans quel sens elle devait le tourner pour réussir à reculer dans le bon sens aussi !
« Tu as eu ton permis à quel âge ? »
Ellie garde une main sur le volant, l’autre se posant entre son père et elle tandis qu’elle se retourne quasi complètement pour voir où elle allait. Son pied se pose en douceur sur l’accélérateur histoire de commencer à reculer pour de bon et la bonne nouvelle c’est déjà qu’effectivement : elle recule !
Elle est sûrement un peu trop lente pour tourner le volant néanmoins et lorsque finalement elle relâche pour remettre le pied sur le frein puis tirer sur le frein à main, la voiture est davantage garé en épi que droit, disons ! Heureusement qu’il n’y avait personne hein ! Ellie ouvre sa portière pour vérifier les lignes blanche, constatant qu’elle était garée aussi tordue qu’il le lui avait semblé… Et du coup elle convient :
« Ok ouais… C’est super dur ! »
Du coup elle ajoute :
« Je me garerais jamais dans un parking. »
Ça réglait le problème non ? Elle abandonnerait toujours sa voiture là où elle aurait de la place ! De toute façon elle aimait les grands espaces ! Enfin ça c’était la belle théorie quoi. La portière est refermée et Ellie se réinstalle dans son siège, venant prendre quelques frites à son tour, le regard posé sur son paternel.
« C’était qui qui conduisait le mieux entre maman et toi ? »
C’était pas une comparaison importante mais ça restait des trucs qu’elle ignorait et qui piquait sa curiosité maintenant qu’elle était une adolescente accomplie.
« Je me ferais un immense roadtrip autour du monde quand j’aurais le permis. »
C’était un projet fou, irréfléchis et tout ça… Mais ça lui semblait aussi vraiment parfait. D’ailleurs pour être honnête :
« Après le lycée je me disais que j’irais peut-être faire le tour de l’Asie en backpacker. »
Ou même avant la fin du lycée selon où elle en serait pour ses dix-huit ans. Mais bon, elle disait ça alors que y avait rien de vraiment prévu. Juste une envie, une sensation de liberté et d’aventure qui lui tendait les bras après avoir visionné quelques vidéos de backpacker sur YouTube. C’est sûr que ça apportait son lot de galère mais pour le moment rien ne lui semblait insurmontable.
« Et j’aimerais bien retourner voir maman, aussi. »
Pouvoir aller jusqu’à sa tombe. Ellie n’avait jamais su quoi lui dire, debout devant sa pierre tombale. Mais maintenant qu’ils étaient ici, elle y songeait souvent.
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| | | | (#)Dim 19 Jan 2020 - 4:44 | |
| Un vrai moment, à deux. Il a ri Jack à un moment, et Ellie aussi. Ce sont les détails qui comptent, ce sont ces souvenirs là qu'ils créent au fur et à mesure que la voiture avance à un rythme saccadé, qui resteront gravés. Ils n'ont pas besoin de se casser la tête à imaginer des sorties improbables, des discussions de fond aux larmes plus que présentes. Juste elle, juste lui. Ils s'apprivoisent les Epstein, ils sont comme ça avec tout le monde. Incapable de se faire confiance même entre eux ; incapables de laisser aller les coups d'oeil qui jaugent, les remarques sarcastiques. Mais c'est ainsi qu'on les reconnaît, c'est ainsi qu'ils montrent à quel point ils sont une famille, à deux. Et ça, c'est déjà beaucoup.
« Tu as eu ton permis à quel âge ? » « La version officielle ou celle que ton grand-père a jamais su? » il s'amuse le père, il complote. Il devrait pas lui donner de mauvaises idées mais il a lâché prise depuis tellement longtemps à ce sujet. La vérité c'est qu'il fait bien plus confiance à Ellie qu'à la version qu'il était durant son adolescence. Elle est beaucoup plus brillante, beaucoup moins dissipée qu'il l'était lui-même à son âge. Elle tient ça de Jude, certainement. « 16 ans légalement. » une frite y passe, un peu de coca par-dessus pour se rincer la langue. À 13 ans il avait de faux papiers, à 13 ans il ramenait son cousin ivrogne. À 13 ans, il découvrait le monde et ses vices et à 16 ans, il en avait légalement toute la portée.
L'exercice du stationnement ne vient pas sans heurts. Y'a des frites qui tombent au sol à cause des coups de roues et de volant, Jack passe proche de reverser sa boisson sur son cardigan de laine boho aux mille couleurs - et odeurs. « Ok ouais… C’est super dur ! Je me garerais jamais dans un parking. » il en a même perdu le briquet qu'il cherchait pour s'allumer une cigarette le brun, la figure paternelle qui troque doucement sa place à l'ami, à l'allié ici. La clope qu'il glisse entre ses lèvres le temps d'aider Ellie à manoeuvrer la voiture dans le bon sens, et même si les lignes sont d'office bafouées par une automobile en diagonale, elle a tout de même réussi la majorité des quelques points à la liste. Il s'inquiète pas Jack. Le reste, c'est que de la pratique. « Ça ferait de toi une parfaite conductrice pour quiconque veut braquer des banques. Penses-y. »
Ils s'arrêtent, donc. La discussion qui coulait bien alors que le moteur tournait semble vouloir rester ambiante, y'a des mots qui remontent, des anecdotes aussi. Il est nostalgique Jack, qui ne le serait pas, lorsqu'Ellie aborde le plus naturellement du monde Jude et sa propre passion conduite. « C’était qui qui conduisait le mieux entre maman et toi ? » « Elle. » il répond sans même y réfléchir Jack. Parce qu'ils en ont des roadtrips au compteur, parce qu'il en a vécu des tas avec elle des escapades sur la côte canadienne, australienne. Jude était une conductrice hors pair et gardait un calme impeccable sur n'importe quelle route, connue ou non, perdue ou non. « Mais la musique que je mettais était meilleure. » Epstein senior qui remet les pendules à l'heure, la bouche pleine de frites pour la peine.
« Je me ferais un immense roadtrip autour du monde quand j’aurais le permis. »
Là, là, juste là. Il a l'impression d'entendre Jude parler, et le frisson qui quitte sa nuque pour secouer toute sa colonne vertébrale lui fait autant de bien que de mal.
« Après le lycée je me disais que j’irais peut-être faire le tour de l’Asie en backpacker. » il hoche de la tête, l'écoute, garde le silence aussi, il lui expliquera pourquoi lorsqu'il aura retrouvé son souffle, lorsqu'il aura repris contenance. « Et j’aimerais bien retourner voir maman, aussi. » sa tombe, au Canada.
Jack qui a retrouvé son briquet, qui le fait craquer automatiquement, s'allume une cigarette, tend le paquet à Ellie comme le pire des pères de l'humanité en sachant très bien qu'elle en prendra probablement une pour tout de suite, et une pour plus tard.
« On peut y aller ensemble, si tu veux. » il commence, à tâtons, sa voix qui étonnamment ne se casse pas lorsqu'il statut ces quelques et simples mots. « En Asie. » d'abord, « Et voir Jude. » surtout. Puis, il inspire, la bouffée qui pue la nicotine, qui caresse ses sens, calme ses nerfs. Sa tête s'appuie sur le siège, il ferme les yeux un temps. Avant de les réouvrir pour plonger son regard éternellement voilé dans celui de sa fille. « C'était son rêve, quand elle avait ton âge. » il commence, pensif, blessé, amoureux. « Elle voulait faire toute l'Asie, l'Inde aussi. Elle en avait des cahiers remplis, des listes d'arrêts à n'en plus finir. Son sac était prêt. » la boule commence à se former dans sa gorge, il est trop tard pour qu'il fasse marche arrière. « Mais elle a jamais pu. Elle nous a suivi en tournée à la place, elle faisait la roadie. On a signé un gros album cette année-là, et elle a mis son projet de côté pour être là pour le mien. » "on partira dans quelques mois" qu'il avait promis. Encore une promesse qu'il avait failli. |
| | | | (#)Mar 21 Jan 2020 - 8:11 | |
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Si y avait déjà deux versions, ça voulait pas mal tout dire ! Parfois Ellie se demandait comment son père voyait l’éducation des enfants dans sa tête. Ça l’arrangeait bien souvent mais elle se demandait si c’était « la bonne méthode ». Pas qu’elle irait le lui dire, se tirant littéralement une balle dans le pied à cette occasion… Mais clairement Ellie avait conscience de ce que son père pouvait être permissif ou laxiste. Souvent elle trouvait ça bien, parce qu’elle faisait un peu ce qu’elle voulait et c’était un peu ce que tous les ados du monde voulaient. Et d’autres fois, au milieu du spleen ou de la colère, elle se demandait si c’était un désintérêt pour les conséquences sur son avenir. C’était sûrement voir trop loin… Son père n’y réfléchissait sûrement pas… Mais par moment oui c’est vrai : Ellie aurait eu envie de le secouer.
Pas là cela dit hein ! Et elle se contente de lever les yeux au ciel lorsqu’il lui donne donc l’âge assortit d’un « légalement » qui ôtait toute crédibilité à l’information ! Quant à braquer des banques il vanne gentiment :
« La monnaie de demain c’est le bitcoin, t’es vraiment pas à la page. »
Elle n’a aucun mail ensuite à se dire que sa mère était la bonne conductrice des deux, qu’importe qu’elle elle n’ait pas forcément commencé avant ses 16 ans ! Sa maman c’était une femme responsable. Parfois elles s’étaient pris la tête parce qu’elles avaient une relation d’adulte à enfant… Mais ça restait quand même un modèle pour Ellie.
L’adolescente a d’ailleurs vaguement conscience que l’humeur de son père se trouble un peu, sans qu’elle puisse bien saisir. Elle continue de bavarder projet de manière plus qu’insouciante jusqu’à ce que son père lui propose un truc qui sortait un peu de nulle part. C’était peut-être même pas une vraie proposition sincère mais ça y ressemblait en tout cas.
« Ben ton boulot ? »
Il allait faire comment ? Prendre une année sabbatique genre ? Parce qu’aller voir sa mère ça n’allait pas être trop demandant en temps mais un tour d’Asie en mode débrouille, ça allait sûrement être pas mal plus chronophage !
Mais au-delà de cette question très terre à terre, Ellie réalisait que ce trouble dans l’humeur de son père, c’était plutôt son regard. Quelque chose avait comme « vieillit » dedans. Un « truc » s’était assombrit… Allumé puis aussitôt éteint. Ça fait la même chose avec son cœur d’ailleurs lorsque son père lui explique soudainement que les rêves qu’elle avait aujourd’hui, sa mère les avait eus elle aussi, au même âge déjà.
« Ils sont où ces cahiers ? »
Ils existaient encore ? Dans la famille de sa mère peut-être ? Elle pourrait les appeler. Son père n’était pas forcément le type le plus aimé du monde par la famille de son père mais elle avait toujours été chérie. Peu importe. Les aveux de son père ensuite posent de toute façon comme un voile sur les souvenirs qu’il partageait avec elle. Ellie coupe le contact, se laisse tomber dans le fond de son siège, silencieuse, comme réfléchissant à la sentence émotionnelle qu’elle devait balancer à la figure de son père. Mais même elle ne savait plus là.
Elle attrape plutôt un peu de poulet pané et de la sauce aigre-douce, pour s’occuper les mains comme la bouche, désespérément silencieuse toujours. Elle en ingurgite deux ou trois avant de finalement relever les yeux vers son père.
« Et puis je suis arrivée. »
Alors elle avait encore repoussé ses beaux projets. Au finalement, elle ne les avait jamais réalisés.
« Pourquoi tu étais comme ça avec elle ? »
Ellie réalisait que c’était la première fois qu’elle posait à voix haute cette question qui pourtant résumait le plus gros de son incompréhension et de sa violence.
« Aujourd’hui qu’elle est plus là, je crois pas que tu feins le manque d’elle. Mais t’étais où, lorsqu’elle était là ? T’étais « avec qui » ? »
Elle avait assez googlé son père pour savoir ce qu’on en disait hein… Même si sa mère en avait gardé une belle image, elle ne s’était jamais tout à fait voilé la face. A elle aussi, Ellie aurait bien demandé avec violence pourquoi elle s’était laissé faire ? Et au-delà de Jude, de sa petite maman :
« Qu’est-ce qui fait que tu crois plus être mon père aujourd’hui que quand j’avais vraiment besoin de toi ? »
C’était un peu cruel comme tournure de phrase parce qu’Ellie avait toujours besoin de son père sans doute… Mais elle était plus indépendante, plus autonome. Ce n’était pas pareil que lorsqu’elle avait cinq ans et qu’elle essayait vainement de veiller à noël pour voir si son père se garerait devant chez elles pour revenir un jour dans leur vie.
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| | | | (#)Dim 1 Mar 2020 - 0:13 | |
| « Ils sont où ces cahiers ? » à la maison, au grenier.
Il a tout répertorié Jack. Lui et son éternel bordel qu'il a laissé derrière lui lorsqu'il la touchait elle. Jude qui avait tout aligné, tout rangé dans des dizaines de pages. Ses trajets de rêve, ses envies, ses plus belles aspirations une fois le sac à dos sur l'épaule. Il s'était promis qu'il irait, qu'il referait chaque pas de ses itinéraires, qu'il toucherait chaque monument qu'elle voulait voir, prendrait en photo le monde en entier pour elle. Il ne tenait aucune de ses promesses mais celle-là, il préférerait crever que de passer à côté. « Et puis je suis arrivée. »
Elle sonne le glas Ellie, elle le ramène à ici et à maintenant. Elle est brillante sa fille, elle comprend tout, capte bien plus qu'il ne captera en toute une vie.
« D'une aventure, on est passés à une autre. » et pourtant ils n'ont rien abandonné, vraiment. Ils ont été dépaysés, il a tout gâché ; mais jamais Jude n'avait regretté la présence d'Ellie dans leurs vies, et même si l'adolescente le nierait probablement férocement, jamais il n'avait regretté lui non plus. Il avait été maladroit et il le serait sûrement encore, mais dans tout le raz-de-marrée qu'avaient été leurs quotidiens communs et divisés durant les 17 dernières années, Ellie avait toujours été un phare, une lueur à travers la tempête.
« Pourquoi tu étais comme ça avec elle ? » ses mains se resserrent sur le sac, il entend le papier kraft grincer sous sa poigne agressive. « Aujourd’hui qu’elle est plus là, je crois pas que tu feins le manque d’elle. Mais t’étais où, lorsqu’elle était là ? T’étais « avec qui » ? » il peut pas parler de ça, il ne peut pas et il ne le fera pas. Il ne peut pas dépeindre ce portrait-là à sa fille, il ne l'assume même pas lui-même. Il ne peut pas lui dire à quel point il était au fond du gouffre, il ne peut pas lui confier comment la drogue l'a détruit, comme il a tout laissé faire comme un lâche. Il ne peut pas lui exprimer à quel point il se répugnait dans la glace au matin, à quel point il se répugne encore chaque jour. Elle est à la fois trop jeune pour tout savoir et trop vieille pour le lui pardonner. La chronologie coince, les aveux blessent, il est égoïste Jack en gardant ça d'elle, et il ne le réalise que trop mal. « Qu’est-ce qui fait que tu crois plus être mon père aujourd’hui que quand j’avais vraiment besoin de toi ? » « C'est compliqué, Ellie. » la seul et unique pointe d'autorité qu'il aura envers elle, il la pose ici, et maintenant.
Il ne joue jamais au père Jack, il en est incapable. Et pourtant il se ferme, il se ferme au point où il laisse son reste de clope sur le parking, son silence les guidant d'abord, son ton sans équivoque qui prend le relai. « On rentre. » et il se retrouve derrière le volant, et il démarre, et il se mure dans son mutisme aussi.
C'est compliqué, Ellie. Et ce n'est pas pour autant que ce n'est pas difficile, autant pour elle que pour lui. |
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