Light up the blunt

 Je ricane lorsque Jet déclare qu'il a pas besoin de ma pitié. Ok, pas de soucis ! S'il préfère perdre des centaines - ou milliers, ça dépend de ce qu'il a sur lui - de dollars plutôt qu'un bout minimal de sa fierté, c'est lui que ça regarde ! Enfin, je dis ça mais j'aurais probablement réagi pareil, donc je suis bien mal placé pour juger. Je souris lorsqu'il dit qu'il veut conduire cette voiture, assurant qu'il irait plus vite que moi encore. T'es sûr que tu veux à nouveau parier ? que je lui demande avec un humour teinté de sarcasme, histoire de le titiller un peu. On passe par l'accueil de l'Emporium afin de payer une chambre qui reste à disposition pour la nuit, et je ne réagis pas plus que ça lorsque Jet m'annonce qu'il comptait bien m'en piquer de toute façon, et que ça faisait partie de ses "spécialités". Bien évidemment; il n'avait pas l'air du type de gars à demander l'autorisation. J'hausse les épaules, ajoutant, toujours avec cette légèreté mordante: Tant que ma voiture est toujours au parking et mes affaires persos toujours sur moi demain matin, tu peux être le spécialiste de ce que tu veux. De toute façon, vu ce qu'on va se prendre, ça m'étonnerait qu'on dorme cette nuit; et même si ça devait être le cas, vu ma propension assez incroyable à l'insomnie, je peux parier sans aucune hésitation être celui qui sera toujours éveillé alors que l'autre se tapera un gros roupillon. Bref. On entre dans la chambre si luxueuse qu'elle en ferait pâlir d'envie la plupart des habitants de Brisbane, mais Jet semble simplement appréciateur du lieu, n'en laissant rien voir d'autre. J'aime ça, il ne perd pas le nord ce garçon, et ne se laisse pas si facilement impressionner. Je regarde les sachets qu'il a disposé sur la table basse avec intérêt. Pas de LSD, je n'ai pas envie de me taper un trip - dont on ne peut jamais connaître la teneur avant d'y être jusque dans le cou - auprès d'un inconnu, aussi roublard qui plus est. L'héroïne, j'ai arrêté depuis bien des années, trop addictif. Allez, des amphétamines. Ca rend joyeux, plus alerte, et c'est bien connu pour stimuler le désir comme le plaisir; en bref, exactement ce qu'il nous faut. Je désigne le sachet correspondant: On va commencer par ceci. Tu préfères par voie orale directe ou en fumant ? Quelle que soit la forme qu'il préfère, moi je m'en fiche bien.

Quelques minutes plus tard, le monde a une nouvelle saveur, des couleurs plus prononcées, et les odeurs sont plus marquées aussi. Tout est plus beau, plus incroyable. Je me sens particulièrement bien, à la fois détendu et plein d'énergie. Nous sommes tous les deux allongés sur le bout du lit, les jambes dans le vide, les pieds à terre, en train de savourer les toutes premières minutes de la montée de ces substances dans nos veines. Je me tourne vers Jet, qui est sans aucun doute aussi perché que moi actuellement, mais nous gardons quand même une forme de lucidité: on a pas abusé sur les doses, autant par prudence l'un envers l'autre que par rapport à l'hôtel; il faudrait éviter que l'on s'écroule et qu'on nous retrouve totalement défoncés au petit matin. D'ailleurs, tous les sachets qu'il avait sorti ont été soigneusement rangés dans mes poches de manteau, au-cas-où. De toute façon, on peut s'y resservir comme on le souhaite. Je me tourne un peu pour être vraiment proche de lui, et sans rien ajouter de plus, je l'embrasse à nouveau. Un véritable baiser cette fois, pas le patin à la va-vite que je lui avais donné au bar afin de faire fuir l'adolescente de quinze ans. L'objectif n'est plus du tout le même, maintenant.

Light up the blunt

J'hausse un sourcil, alors même qu'un rictus lève le côté droit de mes lèvres. Moi, peur ? Ça se voit qu'il ne me connait pas. C'est dit sur le ton de la provocation cependant, et je vois bien qu'il ne me questionne que pour me donner envie de lui répondre d'autant plus. Il ne m'aura pas à ce petit jeu-là. Et puis, je tiens trop à ma caisse pour la refiler à un parfait inconnu. J'ai tendance à être trop dépensier, mais y a des limites quand même. Nous entrons dans la chambre et nous installons; je retire ma veste, mes chaussures et mes chaussettes, pour rester simplement en chemise et pantalon. C'est déjà bien plus confort, et encore plus quand on sait quel type de superbe soirée je vais passer. Jet m'annonce qu'il sniffe; j'hoche la tête, approuvant totalement la démarche: Je préfère comme ça aussi. Montée plus rapide, et clairement ce soir, le but est tout autre que d'attendre que les effets daignent se faire sentir. Je sors un billet en riant lorsque le dealer me demande si je n'en aurais pas un de plus; je n'aurais jamais pensé l'utiliser comme ça, mais après tout, pourquoi pas. Je le laisse préparer la ligne, et ensuite... C'est le paradis.

Je me retrouve, au bout d'un temps qui est sûrement aussi court qu'infini, au-dessus de Jet, et je l'embrasse fiévreusement. Je le relâche un instant, et l'observe. Je le désire, comme j'en ai désiré bien d'autres avant lui, et comme ce sera le cas après. Mais ce soir, c'est sur lui que je jette mon dévolu, et tant qu'il le veut aussi, alors la musique se déroulera au rythme de nos corps. Tiens, d'ailleurs, en parlant de son... Je recule un instant, et sors mon portable, pour faire passer une musique d'ambiance aux tonalités rock et sensuelles à la fois, un mélange assez détonant. Je monte un peu le son, et annonce finalement: Je vais prendre une douche. Bien chaude, évidemment, il n'est pas question de la prendre froide, cela couperait les effets trop vite. En réalité, plus que l'envie d'être propre avant de se lancer à faire quoi que ce soit, même si cette raison se suffit à elle-même, je veux voir si ce gamin sait ce qu'il veut. Soit il vient me retrouver, me chercher sous l'eau chaude, et là je serai certain qu'il veut vraiment que l'on passe la nuit ensemble à faire mille galipettes. Soit il préfère s'en tenir aux seuls effets de sa drogue, et au moins, je me dis que je n'aurais pas essayé d'aller plus loin en vain. J'arrive dans la salle de bain, termine de me déshabiller, et me glisse sous le jet d'eau brûlante en grognant de satisfaction. La chaleur plus le ressenti des amphétamines me grisent. Je ferme les yeux, savourant l'instant.

Light up the blunt

L'eau chaude - brûlante même, diront certains - coule sur ma peau. Je suis du genre à rester des heures sous la douche, c'est mon moment de décontraction; soit je déconnecte d'absolument tout et fait le vide, soit des milliers de pensées se bousculent et je réfléchis sans voir le temps passer. Ce soir, on est plutôt sur la première option. Pour autant, je n'en reste pas moins attentif à ce qui m'entoure. Alors c'est sans mal que j'entends Jet arriver dans la pièce, et s'installer à quelques mètres de moi. Je ne le regarde pas, je n'ai pas besoin de me retourner vers lui pour le scruter. Je me contente de rester sous l'eau, et de profiter de l'instant. Il relance la discussion, sur les plaisirs de la vie de riche. Je ricane à ses paroles, et réplique d'un ton sans appel: Ça en fait partie. Une pause, d'une ou deux secondes, peut-être. Et c'est d'autant plus appréciable quand on est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Cette description colle totalement à sa situation; mais à la mienne aussi, en un sous-entendu qu'il comprendra s'il le veut. Il aurait sans doute bien du mal à croire qu'il y a longtemps de ça, j'étais à son niveau, voire plus bas encore. Et pourtant. Mais je ne lui parlerai pas de ma vie, ce n'est pas le but de la soirée. Après quelques instants, j'entends le bruit de ses pas sur le carrelage se rapprocher. Pas besoin que je bouge pour lui faire de la place; la douche à l'italienne de cette suite est assez grande pour accueillir au moins trois personnes sans se pousser. Un frisson me parcourt lorsque sa peau, encore assez froide, rencontre mon dos. Parfait.

- Le lendemain matin -

Je suis le premier réveillé. Ou plus exactement, je suis le seul à ne pas avoir dormi. Pas grave, ce n'était pas le but des drogues qu'on a pris hier soir d'ailleurs, alors je ne m'attendais pas à ce que ça arrange mon état. Je souris, alors que Jet remue un peu de son sommeil. Il semblerait presque inoffensif, comme ça. Ah, je ne me laisserai pas prendre à ce piège. Je m'habille, prends mes affaires. Je vérifie qu'il ne m'a rien piqué, sait-on jamais: papiers divers, clés de voiture et d'appartement, carte bancaire et espèces, drogue... Non, j'ai bien tout. Je suis grand prince, je lui laisse le billet qu'on a utilisé pour sniffer. Il ne me manquera pas. Je griffonne mon numéro de téléphone sur un papier, avec un mot : Je te rappellerai. Allan. Un dernier regard en arrière, de toute façon il peut rester jusqu'à midi au moins, la chambre est déjà réglée. Et il n'est que sept heures après tout. La nuit aura été agréable, et qu'elle ait but à se renouveler ou non, j'en conserverai un bon souvenir.

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