Elle était belle, étrangement belle. Elle dégageait un truc et il arrêtait pas de la fixer Matt, il faisait que ça, savait faire que ça. Parce que bien sûr qu'il repensait à comment il s'était fait prendre au piège, à comment il avait été idiot de pas écouter ce qu'on disait à son sujet, de foncer directement dans le piège. Il la revoyait là pour la première fois depuis il sait même plus combien de temps, il la revoyait et il rageait intérieurement parce qu'autant elle dégageait quelque chose, autant elle était comme un aimant, autant il savait qu'il était dans la merde.

Elle l'aiderait jamais, elle en avait rien à foutre de lui. C'était un plan suicidaire, dans tous les sens et de tous les côtés, c'était voué à l'échec. Et le verre rempli d'un liquide infecte aux teintes de vert qu'on lui a servi dans la station de ravitaillement transformée en vieux bar crade ne fait que lui confirmer que tout ça, ça goûte mauvais. Le goût traumatise sa langue, c'est amer et acide, c'est sucré et piquant, c'est de l'alcool de contrebande et il le recrachera pas parce qu'il a besoin de toutes ses forces pour finir par se lever et aller à sa rencontre.

Pas une fois elle a bougé depuis qu'il est entré, depuis qu'il l'a vue assise au bar. Pas une fois elle ne l'a regardé non plus, et il sait que la suite sera aussi chiante qu'impossible à se terminer sur une bonne note. Mais il inspire, et il s'appuie les coudes sur le comptoir, plante son regard sur son visage, pas dans ses prunelles à elle, jamais elle céderait aussi facilement qu'il pense. Il se racle la gorge comme un idiot Matt, il attend comme le con qu'il est en permanence et là encore plus.

« Ça fait longtemps. » qu'il trouve à dire, charmeur de pacotille. Ça fait longtemps que tu m'as foutu le plus gros vent de l'histoire de la galaxie ouais. Et maintenant, turns out que j'ai besoin de toi et que c'est une question de vie ou de mort. Ouais, tout ça.

Il essaie de se convaincre qu'il l'avait vue venir, qu'il savait clairement que ce serait pas facile, qu'il lui parle rien que pour le défi derrière. Mais soyons honnêtes, Matt, il est paumé là, et le fait qu'il se poste sous son regard à elle le statut parfaitement. Il est dans la merde et personne va vouloir se mettre les mains là-dedans, c'est assuré. Ça lui prend quelqu'un qui a peur de rien, ça lui prend du solide. Il fait avec les moyens du bord, il est inventif, débrouillard le gars, il a rien, il a tout perdu et depuis, il agit comme si tout lui était dû. Drôle de paradoxe.

« Mais qui voilà ? Ça serait pas le pire crétin de la galaxie ? » elle aurait pu faire plus mal, il en convient, crétin ça sonnait presque doux à ses oreilles s'il laissait son égo à l'extérieur du bar flotter dans l'univers étoilé ; et c'est ce qu'il va devoir faire s'il veut s'assurer d'avoir son aide. « Le pire? Ça sonne presque comme une première place, je prends. » il fait son charmeur, y'a même un de ses sourcils qu'il hausse avec confiance et assurance, il est à chier Matt, mais parfois y'a des gens que ça fait rire. Il mise donc sur son sens de l'humour en cas de crise. « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » l'espace d'un instant, il croit presque qu'ils ont une conversation pouvant mener à une potentielle collaboration.

Il y croit et on l'a vu plus tôt, il est con Matt, il pense pas, il est impulsif, et il commande un Gin & Galac-Tonic aussi, et un refill pour elle, voyant sa question comme la victoire de pouvoir rester une minute de plus. « Est-ce que j'ai vraiment besoin d'une raison pour vouloir passer un bon moment avec une amie de longue date? » il roucoule, il mise sur le fait que le visage de l'un est familier à l'autre, mais il avance à tâtons aussi, prudent petit idiot. « Mais si t'insistes... »  elle a pas insisté Matt, elle a rien dit « ... y'a bien une mission sur laquelle je suis posté actuellement qui serait parfaite pour toi. » oh, comment il tente de broder de jolis mots autour de son cri à l'aide.

« J’insiste pas… » et il est assez con Matt pour s'arrêter et se demander si elle arrive à lire dans ses pensées, si elle a capté ce qu'il se disait à l'instant ou s'il est juste trop transparent pour que qui que ce soit nie qu'il est bourré d'audace et/ou stupide, c'est selon. Pourtant, il continue, il se laisse pas abattre, le verre qu'on pose devant lui qui finira par diminuer de moitié le temps qu'elle met à aligner ses mots avant de les dire - une brève poignée de secondes, en fait. « T’essayes de piquer son portefeuille à un vieux droïde et tu galères ? » y'a un rire qu'il laisse échapper Matt, si seulement. Ça serait clairement le genre de boulot merdique et dégradant qu'il ferait les yeux brillants la bouche en coeur s'il avait à choisir entre se réduire à ça, ou assumer la merde dans laquelle il s'est foutu. « Je suis sure que John le borgne donne des cours aux débutants pour ce genre de soucis. » et elle continue, elle s'amuse, il l'écoute, il la laisse le roaster, il a pas d'autres choix non plus que d'encaisser son venin le temps qu'il faut, le temps qu'elle veut.

Puis enfin, viens le soulagement pur et dur dont il ne se cache pas, lâchant un soupir rassuré à l'entendre. « Mais si ton problème nécessite un peu plus de finesse t’as sonné à la bonne porte. Je t’écoute. » il arrive pas à retenir son sourcil de se hausser Matt, parce que selon les rumeurs qui courent, elle, elle a rien d'une douce, et c'est principalement pour ça qu'on l'avait mis en garde le fameux soir où il s'était pavané de séduction devant elle. Pourtant, elle lui laisse le champ libre, il a pas besoin de plus pour s'installer sur le tabouret à sa gauche, et gober le reste de son verre sans plus de cérémonies. « Ça va sonner pire que ce que c'est. » Matt commence, il inspire, tente de se rassurer lui-même quand elle en a probablement rien à faire de sa pseudo-dentelle parce que la situation ne la concerne pas - pas encore.

« Mais le dernier vaisseau que j'ai volé - ben il appartient aux rebelles. » et ça, c'est une grosse, une énorme connerie. On touche pas à leur flotte, on s'en approche pas même à une galaxie de distance. La majorité des pilotes rebelles ont des casiers classés prioritaires, ce sont des recyclés qui n'en ont rien à faire de tuer pour survivre, de buter qui que ce soit pour défendre leurs opinions. Erreur de débutant doublée d'un trop plein de confiance de croire que de piquer ce vaisseau-là lui permettrait de se payer de quoi revamper son actuel. Matt, il avait eu les yeux plus gros que la panse et maintenant, il était sur les radars. « J'aurais besoin que tu gardes une partie des pièces de ton côté, j'en ai déjà éparpillé quelques unes par ci par là. » il fait gaffe de dire qu'il est suivi, il fait gaffe de dire qu'il sent même le regard brûlant d'un gars le surveillant au fond du bar depuis qu'il y est entré. « Y'a que toi et ta soeur qui connaissez cette galaxie mieux qui quiconque - vous savez où planquer ça dans les recoins les moins probables. » et en cas de crise, il savait qu'elle avait de quoi se défendre violemment aussi, c'était pas à négliger.

Et elle s'éclate. Et elle s'éclate et il rage Matt, il rage derrière son grand sourire forcé, son coude appuyé, son verre avec lequel il joue comme s'il était zéro conscient de la merde qu'il a causée, et qu'il va continuer de causer au vue de la réaction qu'il reçoit. « T’as volé un vaisseau rebelle. Un putain de vaisseau rebelle. » il essaie de garder son calme mais ouais, c'est vrai, sa paume se resserre avec vigueur sur son verre, il le tient fort le gars, étonnant que le réceptacle n'ait pas volé en mille miettes. « J'ai volé un vaisseau rebelle. » putain mais quel con. Juste de s'entendre le dire ça lui confirme ce qu'il sait déjà.

« Et pourquoi je t’aiderais ? » là est la fameuse question. Il souffle Matt, il est rassuré tout d'un coup d'un seul. Parce qu'elle aurait bien pu se tirer, prendre sa si belle silhouette et la barrer n'importe où que là, pas la laisser ambiante à attendre ce qu'il a à dire. Y'a espoir ; où alors c'est qu'un idiot qui voit de l'espoir où il y en a pas, désespéré. « 80% de mes prises, c’est aux rebelles que je les vends. Pourquoi j’accepterais un deal où j’ai autant à perdre et aussi peu à gagner ? Pour tes beaux yeux ? » pourquoi il bat des paupières le gars? Pourquoi il tourne le tout en ridicule, une fraction de seconde, avant de réaliser que s'il fuck up ça, il fuck up pas mal tout. Sa carrière, son vaisseau, sa vie - tout. « C’est moi que t’es v’nu voir, pas ma sœur, pourquoi ? »

« Y'a plusieurs raisons, je suis content que tu me les demandes. » si t'as un moment et un seul dans ta vie pour être beau parleur Matt, pour roucouler bien comme il faut, c'est maintenant. « D'abord, avoue, une mission où t'as tout le pouvoir parce que j'ai gaffé et que t'es là pour me dépanner, c'est une offre dure à refuser. » et d'une, qu'il additionne d'une longue gorgée de cocktail aussi acide que nécessaire, pour ravaler et son ego, et son orgueil. « De deux, ça remonte à quand, la dernière fois où t'as fait ton boulot et où tu t'es sentie le couteau sur la gorge? » s'il avait eu un couteau, il aurait peut-être bien joint l'utile à l'agréable pour l'exemple. À la place, c'est le revers de sa main qu'il pose sur la nuque de la belle, une pression toute douce, rien de bien dangereux, juste assez pour aller avec son regard qu'il plante dans le sienne un peu plus fort, un peu plus loin. « Et de trois, j't'ai toujours préféré à ta soeur. » il hausse les épaules, la vérité, simple. Hannah était la logique, Rae était la violence, Matt penchait pour les actions plutôt que les mots, and here we go. À son oreille, il insiste même, goujat. « Mais s'te-plaît lui dit pas, je suis déjà assez dans la merde comme ça.  »

À peine il se détache d'elle qu'elle renchérit, verrouille ses yeux aux siens. « Tu te ferais chier avec elle. » « Ce sera notre secret alors. » il s'en plaint pas, il a pas ce pouvoir-là de toute façon, et s'il était le moindrement attentif il verrait bien les détails, il verrait bien comment elle se joue, comment elle se nourrit de ses frasques, à quel point elle s'en réjouit. Pourtant Matt, il est factuel, et ce à quoi il se rattache, ce sont les différents rictus de la belle, ses expressions même microscopiques qu'il scrute, qu'il enregistre, toujours trop près d'elle pour que ça ne soit pas remarqué.

« Il est où ce vaisseau, ou ce qu’il en reste ? » c'est un oui, ça a tout d'un oui. Il porte son verre à ses lèvres, cache son sourire victorieux derrière une gorgée abominable. Et ouais, ce sont ses épaules qui se détendent, et ouais, c'est bien sa respiration qui se relâche, sa mâchoire pareil. « J'attends qu'un oui de ta part, et tu sauras tout sur tout. » il est bon joueur Matt, il lui donnera tout ce dont elle a besoin si elle le demande. Autrement, il n'avancera pas tout de suite la négociation. Elle en sait déjà trop, il a été impulsif, toujours l'est-il, surtout pour sa survie. « Je marche à trois conditions. » à son tour d'hausser un sourcil, à son tour de rester sur sa fréquence à elle, d'oublier complètement tout ce qui se trame autour d'eux pour scotcher son regard à ses lèvres, remonter naturellement dans ses yeux au moindre de ses silences.

« La première c’est qu’on fait les choses à ma manière. Quoi qu’il arrive, si y’a un désaccord, je parle et t’écoutes. » il est bon élève Matt, il hoche de la tête, se tait complètement. Il est pas con - presque pas - sachant très bien qu'elle bosse avec des rebelles fréquemment, et que donc, elle est la mieux placée pour le sortir de la merde tant elle connaît leurs ruses, tant elle les connaît en détails. « La seconde va de soi, je garde tous les profits. Tous. 100% » ça, il tique. Ses dents mordent sa lèvre, il se reprend à deux expirations avant d'hocher de la tête, buté. Il accepte, il rage, il sait qu'il a merdé, mais il est pas en position de faire autre chose que de resserrer sa paume sur son verre, de prendre sur lui encore un peu. « La troisième je te la dirai plus tard, j’aime l’effet de surprise. Mais tu dois l’accepter, aveuglément, et dès maintenant. » par contre, là, elle pique sa curiosité, elle pique son intérêt, elle pique et il se redresse.

Il aime ça Matt, il aime le jeu. Il aime le risque l'idiot, c'est bien pour ça qu'il en est là. « Deal ? » et elle se rapproche, il sent son parfum qui envahit ses narines, il sent son magnétisme qui envahit ses sens, il inspire, il fait exprès, il est dans la merde et il sert sa main après avoir pris tout le temps du monde pour y enlacer ses doigts. « Deal. »

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