Y’avait eu le rejet entre nous. Enfin surtout de moi à lui. Ca avait été plutôt violent et pas du tout assumé. Mais maintenant on peut réellement parler de tout ça au passé. On parle de ce moments comme d’un temps oublié, remontant à plusieurs années en arrière. Un monde avant 2020, ça semble important à préciser maintenant qu’on est plus proche de l’année 2030. Maintenant qu’on se trimballe tous les deux avec une bague en or à l’annulaire et qu’on se dit des trucs cheesy à chaque seconde qui passe sans que ça ne paraisse artificiel. Fuck. Je suis deep into, beaucoup trop deep, beaucoup trop marié. Beaucoup trop amoureux. Beaucoup, beaucoup trop. Tellement que je suis devenu le genre de petit ami qui fait des anniversaires surprise, qui book des trucs à l’autre bout du monde dans le seul but de faire plaisir à l’homme que j’aime.
Je suis devenue cheesy à souhait, peut être même plus que Ginny si c’est vraiment possible. Tellement cheesy que je ne compte plus rien, que j’ai loué cette villa aux Seychelles parce que j’ai vu le piano sur les photos (et après m’être assuré que le piano restait bien sur place). Parce que je le connais, Léo, je sais qu’il va avoir ses mains collées sur les touches blanches et qu’il va rapidement oublier la piscine à débordement et la vue sur les rochers et l’océan bleuté. Je sais qu’il va tout aimer et il n’aura même pas eu le temps de me prendre la tête avec ce voyage parce que je ne l’ai tenu au courant de rien, j’ai payé cinq suppléments valises rien que pour lui parce que j’ai littéralement pris tout son dressing - juste au cas où. Et il a fait le voyage avec un casque sur les oreilles, un bandeau sur les yeux ; et moi à côté de lui parce que maintenant y’a des places double en business et ok j’avoue que j’ai apprécié le concept. J’ai moins aimé quand il a commencé à quémander mon épaule comme si c’était un doudou mais j’avais pas le droit de lui en vouloir cette fois ci. Ni toutes les autres fois. On a finit par dormir avec mon bras sous sa tête et nos mains entremêlés et j’ai mal regardé la serveuse qui venait nous voir toutes les cinq minutes pour nous demander du champagne.

Finalement il a le droit d’entendre autre chose que Queen tourner en boucle dans ses oreilles. J’avais pas pensé à lui préparer une playlist alors j’ai téléchargé dans la panique ce qui me semblait être le mieux et c’est tombé sur Queen. Maintenant ça a été remplacé par le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles et le bruit de l’océan venant mourir sur les rochers. Ca ressemble un peu trop à de l’asmr selon moi mais je finis par avoir pitié de lui et lui enlève son bandeau alors qu’on arrive devant notre villa louée pour les dix jours à venir. Dix jours pendant lesquels on ne va absolument rien faire et ce dans un lieu paradisiaque, et je trouve (objectivement parlant) que c’est une merveilleuse idée.

“Joyeux anniversaire, mon amour.” Petit con. Joyeux anniversaire, petit con. (que j’aime) Mes mains se posent entre sa mâchoire et son cou et je viens lui dérober un court baiser, les lèvres étirées dans un sourire bien trop grand pour mon visage.

Il n'existait pas d'aussi joli mot que le 'oui'. Le 'oui' qui faisait que désormais, je ne pouvais plus cesser de jouer avec l'anneau en or accroché à mon annulaire gauche. L'anneau à l'intérieur duquel était gravé la date la plus importante de la planète; celle de mon mariage avec le meilleur peintre - et amant; époux, désormais - d'Australie.

Je n'avais - presque - pas protesté, lorsque Auden avait insisté pour me passer un bandeau et un casque, me privant de mes sens pour me guider jusque dans un avion. Je me souvins avoir fait la blague du "ah ouais, tu veux déjà te débarrasser de moi ?" à un moment de l'histoire. Non, mon humour n'avait pas pris une ride malgré les années passées. Des années plus ou moins compliquées, mais passées avec brio. J'étais tous les jours reconnaissant que mon cœur - enfin, surtout la pluie - m'ait poussé jusque dans cette galerie d'art. J'étais reconnaissant pour la peinture rouge, l'atelier, le portrait sur lequel je m'étais abîmé les yeux presque dix ans en arrière et tout ce qui avait suivi. Les bons comme les mauvais moments nous avaient amené exactement où nous étions présentement. Dans un avion, dont je ne connaissais absolument pas la destination finale. Tant que je sentais cette main que je connaissais bien dans la mienne, tout était parfait. Peu importe si l'avion s'écrasait au milieu de l'océan ou des montagnes. Enfin, s'il pouvait éviter de le faire..

C'est l'air marin que j'ai perçu en premier. « Est-ce qu'on a fait toutes ces heures d'avion pour rester en Australie ? » lançai-je probablement très très fort, précisément parce que je ne m'entendais pas parler. Juste après, mes yeux se posèrent sur un océan d'un bleu azuré, dont l'étendue infinie ressemblait à du saphir liquide. Enfin, ça c'était après avoir posé mes yeux sur la villa devant laquelle je me trouvais planté, la bouche entrouverte de surprise. Son 'joyeux anniversaire' acheva d'attacher les commissures de mes lèvres à mes oreilles. Un baiser plus tard, je me retrouvai pendu au cou de mon peintre, la fatigue causée par le vol complètement évaporée - si elle avait un jour existé. « T'es complètement fou. » Je me tournai à nouveau vers la villa, la main gauche accrochée à son haut comme pour m'assurer que tout était bien réel. « Mon Dieu, Auden. » La villa était retirée dans la nature. Depuis l'endroit où nous nous trouvions, on pouvait déjà apercevoir l'océan. L'endroit était paradisiaque, mais je n'avais pourtant aucune idée de là où nous nous trouvions exactement.

La réaction après le choc était celle qui consistait à - presque - couvrir son visage de baisers. « Je mérite pas tes idées incroyables. » Parce qu'il me surprenait toujours, à chaque seconde, tout le temps. La vie était loin d'être ennuyeuse, avec Auden. Laissant les bagages sur le perron, je volais les clefs de la villa avec plus d'énergie qu'en contenait un gosse surexcité. Ma main gauche se posa sur la poignée de la porte et à mon annulaire brilla mon alliance, d'un éclat chatoyant. « Tu veux pas me porter jusque dans la maison ? J'ai au moins besoin de ça pour me remettre de l'idée que j'ai écouté Queen en boucle pour atterrir au paradis avec l'homme le plus génial de la planète Terre. » Et de toutes les autres planètes réunies.

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”T’aurais pu t’arrêter à “mon dieu”, j’aurais su que tu parlais de moi.” Nan, les remerciements et les effusions d’amour ne font toujours pas parti des choses que je sais gérer dans la vie. Ca n’en ferra jamais parti, pas au même point que l’humour faussement vantard parce que Léo sait très bien où je veux en venir. Il sait très bien tout ce qu’il se passe là maintenant dans mon esprit, toutes les idées de merde qui le traversent pour rendre fou les employés du resort et rendre ce séjour inoubliable de bien des manières. De toutes les manières, à vrai dire. Cela ne m’empêche pas de passer mes bras dans son dos malgré toutes les courbatures engendrées par le voyage, de lui rendre son baiser au quintuple parce que je suis toujours obligé d’en rajouter.

Son hyperactivité revient au galop et j’ai l’impression que j’aurais dû lui mettre un tapis de jogging dans l’avion pour qu’il soit au moins un peu plus calme. Sans doute que cela n’aurait pas suffit, parce que maintenant il va devoir passer des heures à découvrir la villa et les environs, à cocher toutes les activités qu’il voudra faire dans un des nombreux guides disséminés sur la table du salon. Pourquoi les cocher, d’ailleurs ? Il va toutes vouloir les faire. Je le sais. Je le connais. On se connait. ”Tes arguments me semblent valables.” Que je souris, avoue alors qu’il a déjà abandonné notre millier de valises avant même la porte franchie. Un premier bras se place derrière ses genoux et l’autre près de ses omoplates et le voilà soulevé et moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la serrure de la porte tournée dans le même temps. Ce n’est pas ce que j’avais prévu mais c’est ce qui m’arrange sans doute le plus à l’instant, moi qui lui raconte quelle pièce se trouve où juste pour attirer son attention, pour avoir ses yeux coincés dans les miens alors que j’essaye de me repérer mentalement sur les plans de leur site.

Je viens le poser sur le fauteuil alors qu’il est encore dos au piano, m’assis rapidement à ses côtés et entame la première mélodie qui me vienne en tête et qui ne sorte pas de mes heures passées à l’église. Et il sait, Léo, que je ne joue jamais, que j’ai refusé d’avoir un piano dans notre maison, que je refuse catégoriquement d’en utiliser un où que ce soit même quand notre train a trois heures de retard et que la gare est vide. Il sait tout ça, il sait l’importance que ce moment a pour moi. Et moi je sais à quel point il sera heureux de pouvoir jouer du matin au soir à s’en faire brûler les empreintes digitales. ”Maintenant t’es carrément obligé de me présenter comme le meilleur mari du monde entier.”

« Tu sais que t'es mon dieu, j'ai jamais besoin de explicitement le préciser. » Non, pas besoin. J'étais assez collant tous les jours, trop amoureux depuis des années. Ma main vint se perdre contre sa joue. « Ton ego a encore besoin d'être rassuré ? » Parce que le mien était gonflé à bloc juste à l'idée d'imaginer Auden en train de penser et de réserver ce voyage, pour nous. Rien que pour nous. Et pour mon anniversaire. Mon ego avait littéralement de quoi m'envoyer courir partout, jusqu'au sommet du Mont Everest histoire de montrer à la planète à quel point je me sentais bien aux côtés de celui dont les blagues vantardes douteuses ne m'avaient jamais fait fuir.

A mon grand bonheur, je me retrouvais porté dans les airs. Je me cramponnai au cou de mon peintre, sourire jusqu'aux oreilles accroché au visage, comme indélébile. Un grand "waw" suivit notre entrée dans la maison. Mes yeux se posaient partout. J'avais déjà oublié les valises, le trajet en avion, tout ce qui composait un monde qui me sembla soudain très lointain. Auden n'avait pas l'air décidé à me poser par terre et je savourais l'apesanteur comme il se devait. Ma main libre, celle qui n'était pas enroulée derrière la nuque de mon mari, imprimait quelques caresses sur la mâchoire de ce dernier. L'endroit avait l'air parfait, une véritable petite bulle dont j'avais envie d'explorer tous les recoins. Mon aîné mit un terme à mon petit voyage en me posant sur un petit fauteuil. « Tu vas rentrer les valises tout seul pendant que je me repose ? T'es un vrai gentleman ! » que je lançai en souriant alors qu'il s'installait à mes côtés. Alors, finalement non ?

Et c'est là qu'elles montèrent dans la pièce; les notes d'un piano dont je n'avais jamais ne serais-ce qu'imaginé la présence potentielle. Mon sourire s'éteint de surprise, revint sur les mots de Auden. « De l'univers. Ne vise pas que la planète Terre. T'as aucun concurrent, même pas dans l'espace. Et les aliens ne font pas de piano. » Mes yeux se promenaient déjà sur les touches noires et blanches, avides d'y voir mes doigts les animer. « C'est vraiment le plus beau des cadeaux d'anniversaire. » Sans quitter le piano des yeux, j'enroulai mes bras autour de l'un des siens. « Merci. Promis, je jure de ne pas passer ma vie devant ce piano. Je veux profiter de mon mari, un peu, quand même, pour les jours qu'on doit passer ici. Combien de temps pour notre voyage au paradis, d'ailleurs ? » Mon mari. Je m'étirai légèrement pour déposer un baiser sur sa joue. « Dans ma valise, t'as mis mon carnet à dessin ? Je veux te dessiner au piano. Si tu me fais le plaisir de revenir t'installer devant. » Est-ce que j'utilisais ma meilleure arme, aka mes yeux du "s'teuplaîîît" ? Non : j'en abusais juste un max. « T'as caché d'autres surprises, dans cette maison ? On est où, d'ailleurs ? Sur quelle île ? » Parce que j'avais entendu l'océan, senti le climat digne de celui du paradis. On ne pouvait être que sur une île, et je l'espérais perdue au milieu de rien.

Léo n’est pas contrariant ; il ne l’a jamais été. Je n’ai qu’à me vanter d’une simple chose pour qu’il m’offre l’univers sur un plateau d’argent. Il le fait même quand je ne me vante de rien, même quand je ne demande rien. Il le fait tout le temps, depuis toujours, depuis la première. Dans les pires moments que nous avons connu, dans les crises existentielles du couple que nous formons, il a toujours été ainsi. Il a toujours agit de la sorte et nulle doute que cela ne s’arrêtera jamais parce qu’il est ainsi. Il me complète, moi qui n’aie jamais rien su donner à personne ; lui qui a un jour reçu mon coeur sans rendre cet instant gênant pour personne. Il a fait comme si de rien n’était, comme si cela avait été une chose aisée et au fond il sait qu’encore aujourd’hui je le remercie de rendre toutes ces choses de la vie si faciles. Mon sourire ne fait que s’élargir alors que mes doigts se posent à tour de rôle sur les touches colorées et qu’il se colle encore un peu plus à mon épiderme. "Tu sais ce qu'il y a de bien, avec notre travail ? C'est qu'on peut retourner au pays quand on le souhaite." Je ne réponds pas à la question, l’évite en laissant mes mots planer avec un peu plus de force que la musique s’échappant du piano. La vérité, la seule, c’est que j’ai prévu le voyager aller mais pas le retour. Nous saurons quand il sera temps de rentrer tout comme nous savons que pour le moment il est bien inutile de penser à ces choses là. Nous avons une île à découvrir et une vie à vivre ; ça semble déjà être un programme plutôt chargé, surtout qu’il va occuper la majeure partie de son temps sur ce piano. Il le sait, je le sais, il a beau promettre le contraire que je ne lui en veux aucunement. "Carnet à dessin fourré entre tes habits, pour ne pas l’abîmer." Un voyage sans carnet à dessin n’aurait rien eu d’amusant ni pour lui pour moi. Finalement, mes doigts osent enfin lâcher les touches bicolores.

"Bienvenue aux Seychelles, Léo Ivywreath-Williams." Merde, j’ai toujours trouvé ce nom beaucoup trop long. "Sur l’Île Curieuse, plus précisément. Connue pour ses tortues géantes … qu’on pourra aller observer demain matin." J’ai prévu ça. J’ai prévu plein d’autres choses, aussi. Mais il n’en saura rien avant d’être mis devant le fait accompli parce que tout le but de ce voyage est seulement de le faire penser à autre chose. Ma main vient se poser derrière lui et remonte le long de sa colonne vertébrale jusqu’à venir se loger dans ses cheveux pour que je le rapproche un peu plus de moi, pour que je puisse l’embrasser un instant sur le front en fermant les yeux. "On m’a dit que la température de la piscine descendait rarement en dessous des vingt cinq degrés." Je souffle, laisse voler un instant.

Je crois que je pourrais m'endormir là, contre lui, à simplement l'écouter jouer. C'est qu'il est bon, même s'il refuse toujours de se laisser aller aux touches noires et blanches. Moi, je bondis sur tous les pianos qui croisent notre route, même si nous avons déjà du retard là où nous devons nous rendre. Les années m'ont fait perdre ma capacité à n'être jamais en retard nul part, mais je crois que c'est pour le mieux. « Quand on veux ? Tu as filé mon chat à un refuge, alors ? » que je ricane, faussement offusqué. Le vieux Mach' supporte bien Auden qu'il n'embête jamais, ou presque. Il se fait trop vieux pour lui courir dans les pattes. J'en oublie presque ma question - à laquelle il ne répondra pas - jusqu'à ce qu'il ne mentionne mon carnet à dessin. Là, un sourire croît sur mes lippes, chassant ce qu'il restait du précédent. Je vais bientôt avoir mal aux zygomatiques. « T'as vraiment pensé à tout. » Un hochement de tête impressionné accompagne mes mots, alors que le peintre s'est arrêté de jouer. Mes doigts se glissent à la place des siens et frôlent les précieuses touches sur lesquelles je vais m'abîmer les doigts dans les prochains jours.

Les Seychelles. Pour réprimer tout l'enthousiasme qui pourrait me faire courir un peu partout - voilà quelque chose que je n'ai pas perdu avec les années : mon trop plein d'énergie - mes dents attrapent ma lèvre inférieure. « C'est un peu long, ça, comme nom. Tu n'as qu'à m'appeler par ton nom, il y a moins de syllabes. » Et je ne me lasserai probablement jamais de cette option. « Oh woaw, t'as pensé aux tortues. Je pourrais me faire tatouer une tortue géante sur l'autre cheville. » Le contact du brun m'arrache quelques frissons et j'enroule presque mécaniquement mes bras autour de lui. « Vingt cinq degrés... Je vais me fondre dans cette piscine et ne plus jamais en sortir. » C'est là que je percute, au mot 'piscine', que cet endroit est un véritable paradis. La maison, les flots qui nous entourent, le piano. Auden. Dans le sens inverse des priorités; le meilleur pour la fin. Mes lèvres trouvent à nouveau les siennes et je délaisse le piano au profit de la visite de la maison. Je ne tarde pas à trouver notre chambre, dont l'immense baie vitrée donne presque directement sur une plage de sable fin. C'est en baissant les yeux sur le lit que je remarque les pétales de fleurs éparpillés sur les draps. « Auden, y'a des fleurs partout ! Bon sang ce lit est immense. » Et j'en veux définitivement un pareil pour notre chez nous. On ne dort jamais dans un lit assez grand - et je trouverai toujours le moyen de squatter le côté de Auden. « T'as prévu un truc pour aujourd'hui, ou je peux aller fondre sur le bord de la piscine ? » que je lance à la cantonade, en faisant le tour de la chambre. Merde, cet endroit est trop grand. Mon sens de l'orientation est si merdique que je suis capable de m'y perdre.

”Là Ginny doit être en train de le nourrir de saumon à la main après qu’ils soient allés le chercher ensemble chez le poissonnier.” Ce chat va devenir obèse. Quand Ginny ne le nourrit pas, Noah s’en sert comme repose poignet pour mieux se caler devant ses jeux vidéos. C’est certain. Il ne doit très certainement plus rien en avoir à faire que ce soit de Léo ou de moi. Dans tous les cas, il est certain que je n’aurais pas pu abandonner son chat dans un refuge, il se serait accroché à mes habits et aurait fait des trous dedans, à n’en pas douter.

Ses remarques me fascinent toujours autant avec leur je ne sais quoi d’invraisemblable. ”Parce qu’il a moins de syllabe. Quel romantisme, riccioli, j’en reste bouche bée.” Comme si j’avais jamais quémandé un peu plus de romantisme dans notre couple, comme si, parmi tous les sujets de disputes que j’ai inventé sur un coup de te, celui ci aurait jamais pu en faire parti. Même lui n’y aurait pas cru. Même moi j’aurais été incapable de me trouver de faux arguments sur ce coup là. Il parle de tortues, il parle de piscine. Je sais qu’il est déjà en train de préparer tout notre séjour sans qu’il ne s’en rende compte et cela ne me pose même pas de problème. J’ai appris à le comprendre et à apprécier toutes ces émotions qui le composent. Et ça me va. Je souris même, lui vole un dernier baiser, le laisse s’en aller pour découvrir la maison qui sera notre pendant quelques jours.

Déjà, un premier cri parvient jusqu’à mes oreilles alors qu’il semble avoir remarqué les fleurs qui parsèment notre lit - comment les manquer, il faut dire ? Décidant enfin de laisser le piano tranquille, je le rejoins dans notre chambre dans laquelle il a jugé bon de s’enfuir. ”La journée est libre mais ça ne sera pas le cas des autres.” Je précise, taquine, n’en raconte pas plus sur nos aventures à venir. Il est déjà trop occupé à faire glisser ses doigts salis par le trajet sur la baie vitrée et laisser ses empreintes par la même occasion ; c’est limite s’il ne bave pas déjà sur la plage qui s’étend devant lui. La scène me fait sourire mais je décide de l’en détourner, enroulant mon bras autour de ses épaules pour le ramener près du piano. Ma main taquine ses boucles et se perd entre elles. Pas longtemps, cependant, puisqu’à peine arrivés sur le bord de la piscine que cette même main vient malencontreusement se poser dans son dos pour malencontreusement lui faire perdre son équilibre et le pousser dans la piscine. C’est dommage, quand même, qu’il n’ait pas su trouver le temps de mettre son maillot de bain. M’enfin, ce n’est que mon avis. Mes lèvres qui se pincent pour m’empêcher de rire ne sauraient dire le contraire. ”Du coup, tu crois que tu vas fondre ou pas ? Tu me dis si jamais t’as besoin de mon aide, histoire que je ne vienne surtout pas.”

Mon chat va probablement vouloir rester avec Ginny toute sa vie. Et c'est OK, en vrai je le lui laisserais volontiers. Surtout si elle lui donne vraiment du saumon à manger. Peut-être même qu'elle lui a cuisiné des sushis. Rien que le mot 'sushis' donne à mon ventre de quoi gargouiller. « Oh, pardon mon chéri. Je change ma réflexion, alors : t'as qu'à m'appeler par ton nom parce qu'il est plus joli, et parce que je préfère signer L.W. que L.Y.. » Je trouve drôle que ces deux lettres se ressemblent autant, mais que le W semble être un Y complet, comme s'il manquait quelque chose à cette dernière lettre désormais en version finale. Ou alors c'est juste parce que je suis un rêveur romantique et que désormais, je vois des signes partout. L'amour fait définitivement raconter n'importe quoi. Alors, avant d'un peu trop me perdre dans la guimauve qui nous entoure, je file à la découverte de notre maison - que dis-je; de notre palace - en commençant par la chambre. Et la guimauve n'est pas moins présente ici, tant les pétales qui jonchent le lit sont nombreux.

La vue est trop belle, si splendide que je ne m'en détourne pas lorsque Auden passe la porte. Il m'arrache à ma contemplation et j'affiche une moue faussement déçue, comme un gamin auquel on viendrait de retirer ses bonbons. « Ah ? T'es en train de me teaser un programme dont tu vas me donner la composition, j'espère ? » Non, il ne le fera pas. Je le sais déjà, mais j'aime bien user de mon plus beau regard de chiot battu malgré tout. Je pose ma tête contre son épaule tout le trajet retour jusqu'au piano. Je n'ai déjà plus d'yeux que pour la piscine, étendue claire qui fait, elle aussi, face à une mer parfaite, bleue, couleur paradis. « Faut que j'aille mettre mon maillot de bain, j'ai trop envie de goûter l'- » Pas le temps de formuler plus longtemps mon vœu que je perds l'équilibre. Mon dernier regard avant la chute est pour le responsable, dont je ne parviens pas à rattraper le bras suffisamment vite afin de l'entraîner dans ma chute. Je sors la tête de l'eau et secoue mes boucles trempées. La bouche grande ouverte, je constate l'étendu des dégâts. « T'es un salaud, Auden Williams. », je lance, grande sourire étalé sur le visage. En attendant, l'eau est délicieuse. Je n'y reste pourtant qu'une demi seconde, le temps de sortir de la piscine pour pourchasser Auden le long de la terrasse.

Il ne me faudra pas trop de temps pour parvenir à l'attirer dans un nouvelle chute, directement dans les flots tièdes. J'émerge en souriant, pousse toute l'eau que je peux dans sa direction, rien que pour venger son geste précédent. Ce n'est que parce que je suis essoufflé par la course et les éclaboussures que j'arrête de m'agiter. « Tu vois, j'ai pas besoin de ton aide, je peux me débrouiller seul comme un grand. » Pour t'emmerder, en tous cas, je sais me débrouiller. « J'ai une préoccupation importante : on doit aller manger quelque part à tous les repas, ou tu vas cuisiner pendant tout le séjour ? » Parce qu'il est hors de question que je ne cuisine quoi que ce soit de tout le temps que nous allons passer ici. Je risque de foutre le feu à la maison. Je me rapproche d'une brasse. « T'as parlé de poisson, maintenant j'ai faim, mais c'est dommage, on va fondre dans la piscine à cause de toi. » J'adore râler.

Il rêve, il divague, il me pose dont questions pour lesquelles il connaît déjà la réponse et cela ne mène à ne rien dire de plus. Il sait déjà tout ; ou, en tout cas, il sait qu’il ne saura rien de plus. Alors trèves de bavardages et le voilà qui perd malencontreusement l’équilibre, tente de jouer de ses bras (en vain) pour se rattraper et qu’il me jette un dernier regard de chien battu. La scène se joue au ralenti devant mes yeux, dramatique au possible. Oups ? « T'es un salaud, Auden Williams. » Ses boucles sont collées sur son visage et mon sourire s’étend encore un peu plus alors que je m’agenouille face à la piscine. ”C’est pour ça que tu m’as épousé.” C’était dans les termes du contrat, c’était livré avec tout le reste. Il est au courant depuis la première seconde et des dizaines d’années plus tard maintenant il n’a plus le droit d’être surpris. On sait tous les deux de quoi il en retourne, on sait tous les deux que notre alchimie est faite ainsi.

Finalement il est vif, le bougre, il en ressort rapidement et nous entraîne dans une course poursuite improvisée autour de la piscine - laquelle je suis toujours étonnée ne se soit pas terminée par une chute. Je me retrouve finalement aussi trempé que lui, joue le mari en colère pendant une seconde avant d’être incapable de pincer davantage mes lèvres pour cacher un sourire béat. Comme n’importe quel gamin l’aurait fait, je lui renvoie le double d’eau qu’il projette sur ma figure, sans chercher à comprendre ce dont il en retourne. ”Si t’as pas besoin de moi je peux simplement te laisser là et te donner ton billet de retour pour que tu te débrouilles, hm ?” Est ce que j’attends seulement qu’il répond par un “nooon Auden reste !” ? Oui. Absolument.

”Ni l’un ni l’autre, j’attendais que tu nous prépares tes fameuses pâtes trop cuites oubliées dans l’eau.” Je taquine, lance un clin d’oeil, me moque de sujets qui ne m’ont en réalité jamais perturbés. Mes doigts viennent dégager les cheveux perturbant mon champ de vision alors que lui profite de ma seconde d’inattention pour se retrouver à quelques centimètres de moi. Mes mains viennent aussitôt se poser des deux côtés de sa mâchoire alors que j’écoute ses paroles d’une oreille distraite. Je me contente seulement de plonger mes yeux dans les siens, noisette sur noisette. Ma tête s’abaisse légèrement à son niveau, nos lèvres se rapprochent. Et il coule. Je le fais couler, pour être plus exacte. Parce qu’on a jamais été cheesy, parce qu’on ne le sera jamais ; parce qu’on est juste cons. Je le laisse remonter rapidement à la surface et cette fois ci je dégage moi même les quelques mèches de cheveux ayant élu domicile sur son visage. J’ai un sourire en coin, narquois au possible, mais mes doigts s’appliquent à ne pas lui faire mal. ”Tu sais qu’on peut continuer à fondre dans la piscine et se faire livrer à manger ? Tout ce que tu veux. Même des pâtes trop cuites, ou du poisson.” Parce que je n’avais pas dans l’idée de cuisiner ni même de quitter notre cocon à chaque repas.