J’aurais pas dû me lever. Je le savais pourtant, et je l’ai fait, parce que les gens disent toujours qu’il faut se lever tôt et blablabla. Et comme une saleté de mouton, je fais ce que les gens disent. C’est assez rare, mais parfois, faut bien prétendre être comme les autres, ça les perturbe moins. Je me lève, prends un café, me souviens qu’une douche est souhaitable puis m’habille. Si j’avais su, j'aurais repris le chemin de mon lit, mais je ne suis pas devin, et a priori, une idiote. Alors je me rends vers la porte, prends mes clés, enfile mon blouson et sors. Le frigo est vide et au lieu de jouer la feignasse, je décide de faire les cours en direct, sans livraison, enfin, du moins, pas via un ordinateur cette fois donc. Il est pas question que je porte tout ça. J’arrive dans le magasin sans aucune volonté et prends machinalement ce qui me tombe sous la main, je vais définitivement ajouter une liste de courses faite sur internet plus tard. Je vais au fond du magasin en question et j’aurais pu entendre les crise de putois d’un pauvre type qui venait d’entrer dans le magasin, si j’avais entendu quelque chose. Mon appareil était bon, mais on était pas dans avengers, il me donnait pas une ouïe super sonique. Je continuais du coup à remplir mon caddie sans aucune réaction à ce qu’il pouvait se passer plus loin. Un type arrive vers moi, semble pas vraiment ravie de ma non réaction, sauf qu’à ce moment là, j’ai pas la moindre idée de la réaction que j’aurais du avoir. Lui, il a pas l’air d’aimer et il va me le faire savoir, je regrette de ne pas avoir laissé éteint mon appareil. Je le regrette souvent en fait. Le silence de certains est plus agréable. Dans un monde idéal, tout le monde signerait et je serais tranquille sans aucun bruits parasites - les gens - et je pourrais retourner chez moi. Mais on est dans un monde de merde ou c’est du chacun pour soi et c’est pas de si tôt que ça changera. - Un souci ? - Que je lui sors pour savoir pourquoi cette tronche.

Nino était sortie à sa pause du matin pour aller se chercher à manger dans cette superette à deux pas de l’association Beauregard. Il était pas comme les autres, mes médecins, les travailleurs sociaux, les agents administratifs, il ramenait pas sa gamelle de bouffe chaque midi pour manger sain et équilibrer. Il avait pas le temps pour ça, alors chaque midi, il allait soit s’acheter des sandwich, soit il se prenait une pizza ou quand la motivation le prenait, il allait acheter un plat préparé qu’il avait plus qu’à foutre au micro-onde et manger seul dans son coin. Ces derniers temps, il croisait plus Adèle, elle venait plus du tout à l’association et il se demandait si elle allait bien. Il avait quand même pris le temps de lui envoyer un message après l’avoir croisé au parc. Depuis, plus grand-chose. Mais il allait pas tarder à lui réécrire pour prendre à nouveau de ses nouvelles, pour savoir si le traitement se passait bien et si c’était en bonne voie pour elle. Il espérait.
Il salua le caissier qu’il commençait à bien connaitre à force, ils étaient trois à enchainer les postes, ouvrir les caisses, passer les articles sous leur nez à longueur de journée. Nino venait ici au moins une ou deux fois par semaine, à force, il connaissait le magasin par cœur et il savait parfaitement où il devait aller pour faire son choix. Aujourd’hui, du pain, du jambon et du beurre feront l’affaire, il a pas si faim que ça. « Salut Barry, pas de pain frais ce matin ? » le cassier jette un œil vers l’étalage de boulangerie. « Ca vient, si t’as trois… » la porte du magasin s’ouvre et un mec à visage couvert entre dans l’enseigne, pointant un flingue sur Barry. « La caisse ! » Nino file à l’arrière du magasin, se planquer derrière un rayon. Il se dirige tout droit vers une nana qui semble pas capter ce qu’il se passe, elle avait peut être pas vu ou entendu. « Un souci ? » La blague. « Ta gueule ! » l’italien posa sa main sur la bouche de la jeune femme et la poussa en arrière. « dis pas un mot. » qu’il lui fait comprendre en mettant son index sur sa propre bouche. « Y a un braquage la bas. » Nino avait vu qu’un seul homme mais un deuxième se dirigea vers l’arrière du magasin pour rameuter tous les clients à l’avant. « Vous, vous bougez, tous aux caisses ou j’vous défonce vos ptites gueules ! » Nino sait bien qu’il faut jamais faire le malin dans ce genre de situation et il s’execute, de toutes façons, il a rien sur lui, on pourrait pas lui voler quand chose. « Clay va finir par appeler les flics, il visionne les caméras de surveillance h24. » qu’il prévient quand même, histoire de les mettre en garde, comme s’il avait une sorte de compassion pour eux. « Ferme ta gueule connard ! » et il se prend un coup de flingue dans la nuque. Il sert la mâchoire et les poings mais fait rien en retour, parce que lui, il est pas armé.

Le ptit jeune en face - et pas si laid - me dit de la fermer, j’ai envie de lever les yeux au ciel, après tout, pour parler avec une main sur sa bouche ça risque d’être compliqué. Quelque chose se passe plus loin et quand il me dit ça, je regarde de l’autre côté. Merde, des ptits cons avaient envie de tout nous gâcher. J’eus le temps de lui dire que j’étais sourde - je m’inquièterais plus du fait que j’avais dû le dire, je me serais giflée de ne rien avoir grillé - d’un geste puis je vis arriver un mec pour nous rameuter vers le devant du magasin. J’avais envie d’hurler face à la situation. Quel détective de fou je faisais alors. Si ça passait à la télé, Adèle allait m’envoyer un mail avec juste “ahaha connasse” ou un truc dans le genre. Je devais donc me taire et laisser faire le truc, pour pas finir avec une balle dans le corps, corps que j’aimais plutôt sans rien dedans, quoi que, enfin, pas ça quoi. J’aurais ben soupiré, mais ces idiots semblaient pas si doué et une mouche qui pète les aurait surement fait sursauter et tuer trois personnes dans fair exprès. Les gens pensaient que je me coltinais des criminels noirs comme les ténèbres, il y avait tout de même bien plus de gentils abrutis qui avaient décidé de jouer les félons en herbe. Je soupirais quand même dans ma tête. Il dit un truc, je ne comprends que surveiller ou surveillance avant que le type con comme ses pieds et bon à abattre lui mets un coup. C’est dans ces moments là que je me dis que les gens font chier à pas savoir signer, ce serait tellement pratique dans ces moments là. Quoi que ces idiots pourraient être gêné si on commençait à signer un peu trop de manière vive. Même si on pouvait signer de manière discrète. Je m’assieds avec les autres et reste dans mon coin frustrée. Je sais chuchoter, heureusement j’ai appris à faire la différence, pour éviter de gueuler quand il faut pas. Pour ceux en face de moi il suffisait de remuer les lèvres le son qui en sortait avait peu d’importance. - Quelque chose me dit que c’est ma journée. Remi et toi ? - J’avais pas envie de parler à qui que ce soit d’autres en fait. Mais si je voulais pas mourir d’ennui, il fallait que je parle, le silence ça me gavait vite dans ces situations. Puis j’aimais pas me faire avoir comme une imbécile. - Ca va ? - Waouh, je demandais si quelqu'un allait bien, j'étais surement malade, j’allais vérifier si j’étais pas en phase terminale, parce que j’aurai surement pas demandé si ce type que je connaissais pas allait bien, j’en aurais eu franchement rien à battre même s’il tombait raide mort devant moi. Lizzie et d’autres étaient en train de me rendre soft, j’allais vomir putain. Je regardais autour de nous et espérais que personne ne joue les héros, ils finissaient par crever ou faire tuer d’autres ceux là. Lizzie voulait toujours tout savoir, mais l’ignorance était parfois précieuse.

L’italien se retrouve à l’entrée du magasin avec les autres clients et les deux caissiers présents. Il sent encore ce petit coup de pression sur sa nuque quand le revolver froid a percuté sa peau. Assis à côté de cette nana qu’il avait retrouvé dans le rayon frais à l’arrière du magasin. Il scrute ces branquignoles qui semblent faire les malins avec leurs flingues mais qui en réalité, n’ont pas l’air d’être très à l’aise et de savoir réellement comment réagir, ils sont paniqués, ils regardent partout autour d’eux et surtout, ils sont beaucoup trop lents. Ils prennent bien trop de risque et ca ferait presque pitié à Nino qui pourrait se lever et leur donner un coup de main pour les aider et faire en sorte qu’ils s’en aillent bien avant que les flics arrivent, parce que là, le compteur tournait et ils étaient sans doute plus très loin. Il se donnait trois minutes avant d’entendre les sirènes au loin et encore, trois minutes, c’est long. « Quelque chose me dit que c’est ma journée. Remi et toi ? » qu’il l’entend à côté, il tourne sa tête vers elle et fronce les sourcils en captant que c’était à lui qu’elle parlait. Sérieux ? « tu veux faire les présentations là ? » c’est quoi son problème à elle ? Nino répond pas, il secoue la tête et regarde à nouveau les amateurs faire maladroitement leur braquage. Et Barry qui traine de la patte, il est au ralentie, faisant comme s’il connaissait pas le code du coffre, trop fort ce Barry. « Ca va ? » elle recommence. Nino qui la regarde à nouveau et qui comprend pas c’est quoi son jeu, elle veut quoi ? « tu veux une balle dans l’crâne ? Pas moi. » il savait bien qu’ils allaient jamais utilisé leurs armes à feux et il était entrain de se dire qu’elles étaient surement factis ou alors pas chargées. Mais s’ils ne pouvaient pas utiliser leurs armes, ils pouvaient quand même lui foutre un bon coup d’pied bien placé et Nino avait pas envie qu’on le touche aujourd’hui. Il était juste venu chercher un sandwich pour manger pendant sa pause déjeuner et il repartira avec son sandwich d’ailleurs. « Ah, les sirènes. » que l’italien signale alors qu’il entend, moins de trois minutes passées d’ailleurs, les sirènes d’une voiture de police. « Je savais que Clay regardait les caméras… » qu’il se vente presque alors qu’il voit les jeunes s’activer à ne plus savoir dans quelle direction aller. L’un d’eux s’approche de Nino et lui balance une petite liasse de billet. « tu leurs dit qu’on s’est barré vers le stade. » et Nino regarda les quelques billets qu’il avait dans les mains, à vue d’œil, ca représentait cents dollars, c’était sans doute suffisant pour mentir vite fait à la police, mais il savait surtout que Barry allait lui reprendre des mains direct après qu’ils soient partie. La vie était si injuste. « Vas-y, j’vous couvre. » qu’il lance, juste pour qu’on l’emmerde pas plus et il allait négocier la moitié avec le caissier, parce qu’il estimait avoir sa part de responsabilité dans l’arrestation de ces jeunes dont Nino allait balancer la direction dans laquelle ils allaient se diriger et non le stade.

Waouh, il y avait pire que moi ! Ce type pensait que c’était pas important de savoir à qui on avait affaire ? Quitte à crever - même si on en était loin - autant savoir avec qui non ? Fataliste ? Non, réaliste, c’était des crétins et j’allais pas mourir. Si c’était le cas ce serait la mort la plus stupide, et encore là, c’était con de pas savoir qui était là. Mais le monsieur il était pas d’accord. J’aurais bien ralé mais je me contentais de le regarder et je me retins de tirer la langue, il le prendrait pas bien, il avait pas l’air très optimiste ce type, ou très chaleureux du coup. Oui c’était la charité qui se foutait de l’hôpital. et de tout le personnel mais j’aimais pas qu’on me parle mal, sauf quand j’avais été inconvenante. Lizzie rirait de savoir que je m’étais faite engueulée pour avoir été polie, ça m’apprendra tiens. Et voilà qu’il parlait de balle dans le crâne. A vrai dire non mais il pensait VRAIMENT que ces types en seraient capables ? Et puis merde, qu’il crève d’une commotion, ce type s’il voulait pas être un tant soit peu coopératif. Je me foutais bien qu’ils piquent le fric moi, j’attendais juste qu’on passe à autre chose. Et après on disait que j’étais chiante. Voilà qu’il parlait, ah lui il avait le droit, je pigeais pas trop avant de comprendre le mot sirènes. A moins qu’il ait dit qu’il voulait revoir un dessin animé de son enfance, les flics arrivaient. Super, je serais enfin débarrassé de ce tas d’abruti,y compris ce type là. Enfin, je pensais. La loi de murphy était souvent cruelle. Apparemment un type dont je me foutais du nom avait fait quelques chose avec les caméras, j’écoutais tellement peu que les mots ressemblaient à du charabia. C’était pas seulement quand il y avait des parasites sur la ligne, c’était aussi quand je faisais peu d’efforts à lire sur les lèvres. Voilà qu’un des types lui refilais du fric et pas besoin de lire pour savoir ce qu’il pouvait vouloir. Un moyen de filer sans être emmerdé par les flics. Je m’approche de lui aussi sec. - Vu que j’étais bien tranquille avant que tu me les brise et que tu es charmant, ce serait bien que tu partages, le fric, et ce qu’il faut faire. Toi va crever plus loin. - J’envoyais donc aller jouer aux billes le caissier. Oui j’étais une emmerdeuse, pire quand j'essayais de pas l'être et que ça servait à rien, pire quand on venait me les briser avec des vieux hold up moisis. J’en avais pas besoin ni envie de ce fric, c’était une question de principes.

Qui pouvait faire confiance sur parole à une victime d’un cambriolage ? Quel genre de malfrats amateur allait laisser des tunes à quelqu’un sous prétexte qu’il allait le couvrir par solidarité ? Quelle solidarité Nino avait-il à ressentir par rapport à ces gamins qui avaient sans doute besoin d’un peu d’animation dans leurs vies ? Il pourrait se mettre à leur place, se revoyant facilement une quinzaine d’année en arrière, voir même vingt piges quand il commençait à trainer avec ces mecs pas clairs de Scampia mais il était allé à la bonne école, on lui avait tout appris avant de l’envoyer dans la gueule du loup et jamais on ne lui aurait dit de laisser une part du butin à des passants en leur demandant de le couvrir, encore moins si ces personnes se trouvaient sur les lieux de l’assaut. « Aller, tien Barry, c’est pour toi, le reste, c’est pour mon argent de poche, de toutes façons, tu vas récupérer le reste dans moins d’une heure. » il lance un clin d’œil et glisse les quelques billets dans sa poche, et il s’y attendait pas, mais voilà que l’autre brune débarque juste derrière lui. - Vu que j’étais bien tranquille avant que tu me les brise et que tu es charmant, ce serait bien que tu partages, le fric, et ce qu’il faut faire. Toi va crever plus loin. – Il la juge, il la regarde mal, elle se prend pour qui celle là. « Les affaires, c’est les affaires, tu veux du fric ? Vas faire le tapin. » et arrête d’emmerder Nino. « on était tous tranquille quand c’est arriver. Vas porter plainte et attend tes dommages et intérêts. » L’italien lui tourna le dos et alla dehors aussitôt, oubliant pourquoi il était venu ici en premier lieu : pour se nourrir, mais faut croire que l’appétit lui était passé. Il dégaina une clope et l’alluma en attendant d’entendre les sirènes des flics se rapprocher, lorsqu’ils passèrent devant la supérette, l’italien leur fit signe de la direction dans laquelle les brigands avaient filé et non pas vers le stade comme c’était soit disant prévu.

Caractère de merde, certainement. mais je venais de trouver mon maître, enfin, disons que celui là mordait à son tour. C’était franchement perturbant quand ils se rebiffaient. Mais après tout c’était tout à son honneur. J’aurais surement fait pareil en fait. Bon, j’aurais pas de fric, et je comptais pas discuter avec les flics ou qui que ce soit. En plus ils me connaissaient très bien ceux là et j’avais pas envie d’attirer l’attention. J’étais pas con, il avait surement demandé de mentir pour lui, mais pas moyen de savoir précisément ce qu’ils avaient pu se dire. Gavée et blasée, je savais que de toute ce type je risquais pas d’en faire grand chose. Ok il m’avait  potentiellement sauvé la vie, mais bon, j’avais pas envie non plus de le remercier, ça m’écorchait la langue. J’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il se barre. Je le suis, allez savoir pourquoi et je m’approche. Il fume, il a parlé aux flics et j’arrive à devant lui et rire une carte de ma poche et lui tends. – Bon, tu m’as quand même empêchée de prendre une balle dans le crâne avant que tout ça commence. Donc si t’es dans la merde un jour, je te donnerait un coup de main. Je te ferais un prix quoi. Sur ce, je file faire le tapin, faut bien que je gagne du fric comme tu dis hein ! – Je souris et prends le chemin de mon boulot. En chemin les flics me stoppe pour me poser des questions, reconnaissant mon visage, j’ai le droit à des remarques. – Tiens, une delgado au même endroit que des emmerdes ! Quelle surprise ! – Et comme on s’adore, je lui répond avec un grand sourire. – Des flics à côté d’un magasin de bouffe ! Ca m’en bouche un coin ! Rien fait m’sieur l’agent ! Parole de scout ! – Ils me font une dernière remarque et me laisse là vu que mon cher partenaire fait partie des leurs. Ils savent que j’ai rien fait, cette fois du moins. Je leur lance unbaiser à distance et vais enfin bosser laissant tous ces idiots loin derrière moi, là ou je les “entends” plus.