Assise à une table près de la fenêtre, le cœur en berne, l'organisme étonnement purifié de toute substance illicite, Allie dessinait sur une serviette en papier tandis que son smartphone demeurait impassible. Michael, son époux, devait la rejoindre après un rendez-vous professionnel qui leur prodiguerait possiblement les bonnes grâces d'un nouveau sponsor. Ils ne roulaient pas spécialement sur l'or avec leurs vidéos pornographiques, néanmoins, il n'en demeurait qu'elles leur permettaient de vivre confortablement. Par ailleurs, Michael était beaucoup trop ambitieux pour laisser leur parcours professionnel stagner. Il avait pris des cours du soir en montage et photographie et son charisme leur permettait de décrocher de temps à autres des contrats. En quelque sorte, il était le moteur des finances du couple, le passionné par cette voie à laquelle il avait initié Allie des années plus tôt. Pour sa part, la Oakheart ne s'en plaignait pas. Elle était fière de son métier et n'éprouvait aucune honte à représenter l'industrie des vidéos au contenu pour adultes. Bien que jamais elle n'en ait touché mot à sa famille, ayant brûlé tous ponts avec elle depuis plusieurs années maintenant. Sa fratrie et ses parents étaient intouchables à ses yeux, précieux, respectés ; et en aucun cas elle ne les méritait désormais, vu les choix de carrière et de vie pour lesquels elle avait opté. Elle avait certes tenté de faire de son mieux pour plaire à tout le monde, mais le destin l'avait aspiré dans une véritable spirale infernale au sein de laquelle elle finissait par prospérer, malgré tout.
Elle touille machinalement son café, nouveauté du menu pour laquelle elle avait su se laisser tenter, juste pour pouvoir traîner un peu plus au bar et constater qu'en effet, Matt n'était pas là aujourd'hui. Une rousse l'avait servie, tandis que Deklan l'observait à distance muni d'un regard entendu. Il avait surpris Allie des semaines plus tôt dans l'appartement de son patron, situé en haut du café/bar, et n'avait manifestement pas oublié cette péripétie. La vingtenaire s'était par la suite volatilisée, usant le prétexte d'un électricien en attente de Matt pour fuir le passé, le présent, le futur. Pour une fille qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, elle était devenue maître en l'art de s'éclipser.
La vie, que dire de celle-ci? Les choses ne se déroulent jamais comme nous le voulons. Tristan n’a pas désiré se retrouver veuf cinq ans auparavant. Sa chère épouse est décédée tragiquement, mais vie a continué. S’il y a vraiment une vie après la mort, il espère qu’elle est fière de ce que leurs quatre enfants sont devenus et de ce qu’ils deviennent en grandissant tout comme Tristan est fier de ses enfants. Les choses ne sont pas toujours faciles, mais ils s’en sortent tous les cinq ensemble parce qu’ils forment toujours une famille malgré le manque de la maman.
Aujourd’hui, étant libre et sans enfant, ce qui est très rare, Tristan a décidé de faire quelques petites courses. Noël approche à grands pas, ce qui veut dire cadeaux. Tristan ne veut pas cette année, encore une fois, devoir acheter ses cadeaux à la dernière minute. Il a donc profité de sa journée de congé pour commencer ses courses de Noël. Ses enfants sont jeunes alors il est facile de leur acheter quelque chose qu’ils aiment puisque bientôt ils voudront que de l’argent comme les adolescents. La magie de Noël n’est pas la même que les enfants sont grands.
Le trentenaire mérite une pause et c’est au Death Before Decaf qu’il a décidé d’entrer question de se prendre un chocolat chaud pour emporter. Sa commande donnée et payée, il attend sagement qu’on le serve. C’est donc quelques instants plus tard qu’il remercie la dame et qu’il prend sa boisson qu’elle lui remet en souriant. Il tourne sur lui-même et son regard est rapidement porté sur une femme assise un peu plus loin. Il reconnaît alors sa jeune sœur qu’il n’a pas vue depuis longtemps. Ne pouvant pas partir, il se dirige vers elle, elle est seule et semble "s’ennuyer"... du moins c’est ce que Tristan voit dans sa posture. TRISTAN : « Ma soeur? » Dit-il en la regardant.
Elle ne mouve pas son regard de sa serviette de papier sur laquelle elle dessine depuis plusieurs dizaines de minutes, maintenant. Ses doigts se referment sur la touillette qu'elle agite distraitement dans sa boisson chaude, son regard critique décryptant sans merci son ouvrage. Allie avait toujours été appliquée et recherchait continuellement la multitude d'options qui lui permettait d'offrir à chacun de ses ouvrages de nouvelles dimensions. Ses réflexions volent toutefois en éclat lorsqu'elle perçoit la voix de son frère aîné, Tristan.
« Ma sœur ? »
Elle se fige, expose par son comportement le fait qu'elle a non seulement entendu l'homme s'adresser à elle, mais également qu'elle l'a reconnu. Bien entendu qu'elle connaît la voix de Tristan, qu'elle ne l'a jamais oubliée, souvenir intarissable d'un être cher, qu'elle pourrait le retrouver entre mille. Cependant, jamais elle n'a cherché à rétablir de contact avec lui, tout comme le reste de leur famille. Et aujourd'hui, cette confrontation la pétrifiait. Elle abandonne la touillette, rabat ses mains sur ses cuisses, tel une enfant craignant des réprimandes imminentes. Sa gorge est serrée, elle ignore prodigieusement quoi dire, quoi faire. Elle ne peut se résoudre à l'observer, pourtant, elle finit par s'y forcer, poser ses yeux bleus expressifs sur cet aîné qu'elle avait toujours adoré et qui la rendait si fière. Celui qu'elle ne méritait absolument pas comme frère. « Tristan. » Elle parvient à articuler, intonation brisée, nouée. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » Elle lâche, en désespoir de cause, jugeant son interrogation particulièrement stupide et malvenue mais incapable de faire mieux dans les circonstances. Son cœur martèle violemment sa poitrine et désormais, elle ne peut plus quitter le Oakheart du regard. Malgré tout, il lui manque horriblement et elle n'a jamais cessé d'aimer son frère.
Tristan a bel et bien vu, il s’agit effectivement de sa petite sœur qu’il n’a pas vue depuis des années. Il n’a jamais compris d’ailleurs pourquoi elle a pris ses distances avec lui ainsi que le reste de la famille. La revoir aujourd’hui et ici est donc une belle chose pour Tristan parce qu’il ne s’y en attendait pas. Peut-être aura-t-il enfin des réponses à toutes ses questions. Il est difficile parfois de savoir ce que les gens pensent réellement, ce qui se passe réellement dans leur tête.
Regardant sa jeune sœur, il l’écoute, mais elle ne lui dit rien de spécial. Tout ce qu’elle trouve à lui demander c’est ce qu’il fait ici. Ce n’est certainement pas une question de la sorte, comme s’il n’avait pas le droit d’être ici. Qu’est-ce qu’il fait ici? Pour Tristan c’est assez simple, il est venu chercher une boisson. TRISTAN : « Je suis venu chercher quelque chose à boire et toi? » Il jette un regard sur le dessin qu’elle était en train de faire. Il reconnaît ainsi sa petite sœur qui, même si elle a maintenant un corps de femme, a toujours ce charmant talent en dessin.
Est-ce uniquement Tristan ou est-ce qu’il ressent vraiment un certain malaise. C’est comme si elle voulait vider certaines zones dans la tête et l’esprit de Tristan qui travaille toujours aussi fort pour gagner sa vie et pour donner une vie la plus possible normale à ses enfants. TRISTAN : « Je peux m’asseoir? » Il faut lui demander la permission parce qu’elle attend peut-être quelqu’un et cette personne n’a peut-être pas envie de connaître Tristan parce qu’il n’a jamais été l’homme le plus bavard. Il a toujours été du genre à tout refouler en lui pour ne pas décevoir ou encore se faire juger par certaines de ses idées disons parfois archaïques.
Ses prunelles fixent affectueusement le visage de son frère, incapables de s'en décrocher, une partie d'elle-même optant pour savourer, mémoriser, ce moment précieux qu'elle ne sait capable de se reproduire. Son cœur bat la chamade, son souffle est court ; elle est terrorisée de l'éventuel rejet duquel Tristan pourrait lui accabler tout comme des reproches justifiés qu'il pourrait lui adresser. En quelques paroles, son aîné serait parfaitement capable de la démolir, tant elle l'aime, qu'il lui manque et qu'elle se juge fautive de ses agissements.
« Je suis venu chercher quelque chose à boire et toi? » Il répond, posé, force tranquille qu'il a toujours composé. Son regard étudie la serviette qu'elle noircissait d'un dessin et pudiquement, elle la mouve de manière à la discréditer de l'attention de son interlocuteur. Le dessin a toujours été sa passion première, cependant, auprès de ses proches, elle ne l'a jamais totalement assumé. L'on ne pouvait vivre de dessin, ses gribouillis pouvaient tout au plus lui apporter de la distraction mais assurément pas du pain sur la table. Elle avait beau en rêver, l'évidence lui paraissait magistrale depuis son enfance. « J'attendais quelqu'un, » elle renseigne, sourire en coin aux lèvres, l'emploi du passé lui plaisant bien. Son époux, Michael, ne devrait pas tarder ; mais dorénavant, son temps est dévolu à Tristan.
« Je peux m’asseoir? » Ses yeux clairs quittent enfin les traits masculins pour envisager la chaise située en face d'elle. Elle acquiesce, ses doigts se referment nerveusement sur son gobelet. Le Oakheart s'installe sur le siège, elle repose de nouveau ses prunelles sur lui. « Qu'est-ce que tu es devenu ? » Elle questionne ensuite, timorée, plus qu'intéressée par l'évolution de l'existence de son frère mais aussi redoutant qu'il lui retourne cette question à laquelle elle ne saurait s'autoriser à lui répondre.
Pourquoi est-ce que ça lui fait si drôle de revoir sa sœur? Pourquoi est-elle vraiment partie? Pourquoi n’a-t-elle presque pas donné de ses nouvelles? Tristan aurait des tonnes de questions à lui poser. La famille c’est ce qu’il y a de plus important dans la vie parce que la famille sera toujours là même dans les moments les plus difficiles. Tristan en sait quelque chose puisque sa famille a été présente pour lui quand sa femme a perdu la vie il y a plusieurs années maintenant. Il s’est retrouvé veuf avec quatre jeunes enfants, dont un tout petit bébé d’à peine quelques mois. La mort de sa femme a été la pire épreuve de sa vie et encore aujourd’hui il pense souvent à elle quand ça ne va pas avec ses deux plus vieux, dont un pré-adolescent. Il pense à elle et parfois il lui parle, il lui demande conseils sur comment agir.
Allie attend quelqu’un, Tristan ne devrait pas rester dans ce cas, mais c’est sa sœur et elle lui manque alors il lui demande s’il peut prendre place à ses côtés. Il partira quand cette autre personne arrivera. Ayant la permission de sa jeune sœur, il prend place sur la chaise et lui sourit. Elle a changé depuis la dernière fois, elle est une véritable femme maintenant et ça parfois Tristan à du mal à le réaliser. TRISTAN : « Je ne resterai pas longtemps dans ce cas. » Dit-il simplement.
Qu’est-ce que devient Tristan? Il aimerait bien avoir des tonnes de choses à lui dire, mais malheureusement Tristan a une vie ennuyeuse. En fait, entre ses enfants et son travail, il n’a pas de vie. Il a dédié sa vie complète à son travail et surtout à ses enfants parce que ses enfants ont besoin de lui, ils ont besoin d’être bien encadrés malgré le manque de leur mère, ils ont besoin de leur père pour grandir le plus sainement possible. TRISTAN : « Je ne suis rien devenu, toujours les mêmes choses, les enfants et le travail. Je n’ai pas une autre femme dans ma vie si c’est ce que tu veux savoir. » Tristan n’a jamais refait sa vie pour la simple et unique raison qu’il aimera toujours sa femme, la mère de ses enfants. TRISTAN : « Et toi? »
Elle est maladroite, elle ne se fait pas à la présence inopinée de Tristan au Death before Decaf. Cela fait des années qu'elle erre dans Brisbane, sans avoir cherché à retrouver son aîné et sans avoir eu à le confronter. Bien sûr, à de nombreuses reprises, il lui a semblé l'avoir reconnu au détour d'une rue ou dans un magasin ; et à chacun de ses moments, elle a senti une pierre sombrer lourdement dans son estomac et la culpabilité comme le manque la ranger sans merci. Aujourd'hui, ces deux monstres sont avidement nourris et c'est précautionneuse qu'elle discute avec son frère. Elle se sent si peu légitime, pourtant, elle ne peut se résoudre à vouloir étendre la conversation, à désirer passer davantage de temps avec lui. Elle a fauté, mais son affection pour Tristan demeure inchangée.
« Je ne resterai pas longtemps dans ce cas. » Un rictus étire ses lèvres, ses yeux passent de la silhouette du Oakheart à ses doigts noués. Elle inspire doucement, plonge son regard dans celui de son frère. « Tu peux rester autant que tu veux. » Elle veut en savoir davantage sur le quotidien de Tristan, ça lui semble le plus important. « Je ne suis rien devenu, toujours les mêmes choses, les enfants et le travail. Je n’ai pas une autre femme dans ma vie si c’est ce que tu veux savoir. » Elle l'observe quelques instants, sans saisir l'importance de cette deuxième information. Que Tristan partage sa vie avec une femme ou pas l'importe peu, l'essentiel demeure à ses yeux qu'il soit heureux. « Comment vous allez, tous ? » Elle questionne ainsi, à l'attention de ses neveux et nièce tout comme de son frère, voire même leurs parents. Peut-être ne mérite-t-elle pas une réponse sincère, quand elle a joué à la chaise vide durant plusieurs années. Mais son attention est honnête, elle tient à eux, tant qu'elle n'a jamais su les confronter depuis son départ de leur vie.
« Et toi? » Les secondes se faufilent, la question si redoutée exprimée. Allie se pince discrètement les lèvres, hésite, jusqu'à ce que des mots précis traversent ses lèvres dans un vif espoir de renouer. « J'attends ton beau-frère. » Soit son mari à elle. Tristan ne l'a jamais rencontré, il ignore probablement même qu'elle est une femme mariée, à moins que Molly lui ait dévoilé cette information. Elle se sent piteuse de l'annoncer que maintenant, de longues années après son changement de statut, mais il vaut peut-être mieux tard que jamais. De plus, il lui paraît étrange de donner tant de valeur à Michael aux yeux de son frère quand elle ne lui a jamais voué de l'amour sincère mais qu'elle reste entichée à un autre garçon depuis ses dix-huit ans. Pourtant, Michael a été son roc et il sait y faire. Il a toujours su l'ôter de tous ses mauvais pas, et Dieu sait qu'il y en a eu.
Revoir sa soeur aujourd'hui alors qu'il ne s'y en attendait pas est comme le plus beau jour de sa vie... enfin, si nous excluons le jour de son mariage et la naissance de ses enfants bien entendu. Un tel bonheur, Tristan n'en avait pas vécu depuis un bon moment déjà. À première vue sa soeur semble bien en santé physiquement ce qui rassure Tristan qui ne veut rien de plus que le bonheur pour ses soeurs. Tristan ne comprend tout de même pas pourquoi sa soeur est partie comme ça et qu'elle n'a plus jamais vraiment donné de nouvelle. Est-ce que Tristan aurait manqué quelque chose? Possiblement.
Avoir la permission de sa soeur pour rester est signe qu'elle veut qu'il reste vraiment sinon elle ne lui aurait jamais dit de rester. Il compte donc rester le plus longtemps possible parce qu'ils ont tant de choses à se dire. Tristan veut voir sa soeur le plus longtemps pour s'assurer qu'elle va bien mentalement, pour savoir ce qui se passe dans sa vie parce qu'il s'est longtemps inquiété pour elle. Il s'inquiète pour elle comme tous les frères s'inquiètent pour leurs petites soeurs. C'est ça la famille, quand quelqu'un ne va pas bien alors personne ne va bien. Nous voulons le bonheur de tous les autres quitte à oublier son propre bonheur. TRISTAN : « En général tout le monde va bien, mais ça irait encore mieux si tu venais visiter les parents des fois. Tout le monde s'inquiète pour toi. Personne ne comprend pourquoi tu es partie comme ça. Qu'est-ce qui s'est passé Allie? As-tu été forcée de quitter par un homme? Es-tu en danger? » Demande-t-il à sa soeur pour comprendre tout ce qui a pu se passer ces dernières années. Elle ne peut pas être partie comme ça sur un coup de tête pendant toutes ses années sans raison. Il y a certainement une raison à cette distance terrible qu'elle a créé avec toute la famille. Ils ont toujours été une famille unie, une famille qui s'entraide.
Tristan a un beau-frère? Il l'ignorait complètement. C'est d'ailleurs cet homme que sa petite soeur attend sagement dans ce café. Qui est cet homme? Est-ce l'homme pour lequel elle a coupé tous les ponts avec la famille? Comment ne pas être curieux face à une telle déclaration? Tristan regarde sa petite soeur. TRISTAN : « Mon beau-frère? Eh bien je ne savais pas que j'avais un beau-frère. Vais-je pouvoir le rencontrer ce mystérieux beau-frère? Il fait quoi dans la vie? Il est gentil avec toi? Il te traite bien? »
Elle se donne une multitude d'excuses aussi créatives les unes que les autres, Allie, pour s'autoriser à demeurer auprès de son frère, pour le convier à ne pas la quitter quand il lui manque aussi inavouablement qu'atrocement. Poser ses yeux azurés sur Tristan lui confirme à quel point sa présence la réconforte ; elle s'est toujours sentie en sécurité avec son aîné, mais aussi valorisée. A ses côtés, c'est comme si elle avait sa place dans un monde qui parfois, lui paraissait trop compliqué ou terne.
Rompre les ponts avec lui avait été difficile mais bien plus simple en évitant de le confronter. Elle savait pertinemment qu'elle n'aurait jamais pu annoncer à sa famille ne plus désirer les voir ; elle n'était pas dotée d'un tel cran. Elle se serait brisé le cœur encore plus qu'il ne l'était quand elle eût décidé qu'elle ne les valait plus, qu'ils seraient bien mieux sans elle et ses problèmes. Elle n'aurait jamais pu se résoudre à chercher le Oakheart, elle se plie au destin pour l'avoir mis sur sa route. Elle le perçoit tel un signe, un encouragement de l'univers à renouer avec ses proches, pour lesquels elle demande promptement des nouvelles.
« En général tout le monde va bien, mais ça irait encore mieux si tu venais visiter les parents des fois. Tout le monde s'inquiète pour toi. Personne ne comprend pourquoi tu es partie comme ça. Qu'est-ce qui s'est passé Allie? As-tu été forcée de quitter par un homme? Es-tu en danger? » Elle maintient quelques secondes son regard puis l'abaisse sur la surface de la table. Ses doigts pressent nerveusement le métal entourant le mobilier. La question est légitime mais elle peine à trouver ses mots comme leur permettre de franchir la barrière de ses lèvres. Alors, elle laisse filer les secondes, agonisantes, qui se métamorphosent ensuite en minutes lancinantes. Peut-être Tristan oubliera-t-il, peut-être retirera-t-il cette interrogation qui la tiraille depuis des années. Elle ressent son inquiétude, davantage que des reproches ou de la colère. « J'ai fauté. » Elle finit par laisser glisser, à demi-mot, voix éraillée. Ses doigts font des va-et-vient sur le rebord de la table. « J'avais trop de problèmes pour vous embarquer là-dedans. Pour vous mériter. » Elle déglutit, ose relever ses pupilles vers son interlocuteur. « Tu me pardonnerais ? »
Elle tente un sourire qui relève davantage du rictus. Son mari est abordé, et bien vite, Tristan en parfait grand frère attentionné s'interroge sur le jeune homme. « C'est grâce à ton beau-frère, que je ne suis plus en danger. » Elle affirme. Michael avait été patient et aimant, elle vivait certes une existence peu orthodoxe puisqu'ils gagnaient leur pain via la pornographie, mais elle avait aussi arrêté de consommer de la drogue à outrance et de flirter avec la mort grâce à lui. « Tu peux le rencontrer aujourd'hui, si tu veux. Il ne devrait plus tarder. » Allie suggère, conciliante. « Il est monteur, pour des petits films indépendants. » Elle sélectionne des parts de vérité. Bien sûr qu'elle n'avouerait pas à Tristan que son époux est modèle pornographique et qu'elle tourne des vidéos destinées aux adultes avec lui. Cependant, Michael est aussi chargé de monter les différentes scènes pour leurs réalisations, ainsi, elle estime simplement omettre des éléments sur sa profession. « C'est quelqu'un de bien, » elle conclut. Posé, sensible, travailleur. Il était aussi très arrogant, mais ce défaut n'avait jamais fait de mal à qui que ce soit.
La famille Oakheart n'a jamais compris pourquoi Allie est partie sans vraiment donner de nouvelle par la suite. Ils sont tous inquiets pour elle et c'est normal puisque pour les Oakheart la famille est ce qu'il y a de plus important. Tristan imagine que la famille a cessé de chercher à avoir de ses nouvelles lorsqu'elle ne retournait pas toujours leurs messages. Que pouvaient-ils faire? Lui mettre la police aux fesses? Elle était majeure et elle ne voulait plus les voir... les Oakheart n'avaient pas vraiment le choix que de l'accepter. Cela a été difficile pour tout le monde et Tristan doit avouer qu'il aurait bien aimé que sa petite soeur soit présente physiquement quand il vivait l'épreuve la plus difficile de sa vie, c'est-à-dire la mort tragique de sa femme.
Regardant sa soeur, il remarque assez rapidement que celle-ci n'ose pas vraiment lui répondre étant donné qu'elle fait tout pour ne pas croiser son regard. Est-ce qui s'est passé avec elle pour qu'elle en soit ainsi aujourd'hui?! Il ne réplique pas, il ne fait que la regarder parce qu'elle finira bien par lui répondre quelque chose. C'est quelques instants plus tard qu'elle ouvre la bouche. Elle a fauté, tout le monde faute une fois dans la vie. Quelle était la faute d'Allie? Quelle peut bien être cette faute qui a fait en sorte qu'elle s'éloigne autant? TRISTAN : « Tu es ma petite soeur, peu importe tes fautes, je ne cesserai jamais de t'aimer et de m'en faire pour toi. Je ne sais pas ce que tu as fait, mais tu pourras toujours tout me dire. Jamais je te jugerai parce que moi-même je ne suis pas parfait et il m'arrive à moi aussi de fauter parfois. » Dit-il en la regardant. Elle doit comprendre qu'elle sera toujours importe pour lui même si elle fait des choix qu'elle n'assume pas. Tristan n'a pas été élevé pour juger les autres. Il est convaincu que personne dans la famille la jugera. Qui sont-ils pour juger les gens? Tristan veut uniquement que sa soeur soit heureuse et en sécurité. TRISTAN : « Veux-tu me dire ce que tu as fait? »
Tristan ne savait pas qu'il avait un beau-frère et que celui-ci, aux dires de sa soeurs, lui a sauvé la vie. Il ne connait pas le danger dans lequel sa soeur était, mais il devra remercier cet homme. Nous ne pouvons rester sans émotion face à une telle déclaration. Ce n'est pas tout le monde qui est un héros. Tristan ne sera jamais un héros, mais sa soeur a rencontré un héros. TRISTAN : « C'est cool, tu me donneras des titres, je regarderai ça. D'un coup que mon beau-frère devient un monteur oscarisé un jour ce serait plaisant. » Dit-il en souriant. TRISTAN : « Je serai ravi de le rencontrer. J'espère que je ne te ferai pas honte. D'ailleurs, maintenant que je t'ai "retrouvée", il faudrait que tu viennes chez moi voir les enfants. Je leur ai souvent parlé des mauvais coups que je te faisais parfois pour te faire crier et pleurer lorsque j'étais jeune. » Quel frère ne s'est jamais amusé à faire crier et pleurer sa petite soeur?!
Bien entendu que c'était inévitable que Tristan m'interroge sur les motifs de ma disparition aussi soudaine que radicale de ma famille. Une part naïve de mon être avait espéré que mon aîné ne s'enquiert jamais de ce mystère empli de noirceurs comme de couleuvres, mais j'étais totalement consciente que mon frère vouait trop d'affection à l'égard de ses sœurs pour ne pas désirer connaître la nature des maux qui m'avaient tant transie qu'il m'était apparu optimal - indéniable - de rompre les ponts avec mes proches. Je savais pertinemment qu'en agissant de la sorte, j'avais causé du chagrin. Encore aujourd'hui, je portais fébrilement, laborieusement, le poids de mes erreurs comme de mes acides remords. Toutefois, j'étais sombrement convaincu qu'à remonter le temps, j'agirai de la même façon.
« Tu es ma petite sœur, peu importe tes fautes, je ne cesserai jamais de t'aimer et de m'en faire pour toi. Je ne sais pas ce que tu as fait, mais tu pourras toujours tout me dire. Jamais je te jugerai parce que moi-même je ne suis pas parfait et il m'arrive à moi aussi de fauter parfois. » Mon regard s'anime sans oser retrouver celui de mon interlocuteur, honteuse. Je ne doute pas de la véracité des propos de Tristan, mais je juge égoïstement mes fautes monumentales et impardonnables. « Veux-tu me dire ce que tu as fait? » Un rictus nerveux apparaît sur mon minois, mes doigts jouent nerveusement avec la serviette en papier disposée devant moi. « Non. » Je réponds, à contrecœur, à demi-mot, sincèrement désolée. « Moi-même, je me pardonne pas. » J'explique, justifie ce refus, ce mutisme, ce cauchemar qui me range depuis si longtemps.
J'évoque Michael, partie intégrante de ma vie, la lueur de toute l'obscurité dans laquelle j'étais plongée. Celui qui a su me remettre sur les rails, envers et contre tout. Celui qui s'est montré patient, conciliant, tenace. Celui qui m'a sauvé la vie, ni plus ni moins, quand j'annihilais tout le positif de ma vie et me dédiais sans relâche à une fatalité funèbre. « C'est cool, tu me donneras des titres, je regarderai ça. D'un coup que mon beau-frère devient un monteur oscarisé un jour ce serait plaisant. » Je ris doucement, touchée par l'attention de mon frère, once de bonheur sincère qui m'effleure même si, de toute évidence, je ne risque pas de donner un titre de suite au Oakheart, à moins que Michael se mette à monter des vidéos qui ne relèvent pas du registre pornographique. « Je verrai avec lui pour t'en montrer. » Et par la même occasion, le père de famille pourrait rencontrer aujourd'hui son beau-frère. « Je serai ravi de le rencontrer. J'espère que je ne te ferai pas honte. D'ailleurs, maintenant que je t'ai "retrouvée", il faudrait que tu viennes chez moi voir les enfants. Je leur ai souvent parlé des mauvais coups que je te faisais parfois pour te faire crier et pleurer lorsque j'étais jeune. » Un sourire nostalgique apparaît sur mon minois. « J'aimerais beaucoup. » Et d'un geste habile, je reprends possession de mon crayon pour inscrire sur la serviette de papier mon numéro de téléphone, avant de tendre le tout à Tristan. « C'est mon numéro, » je présente un peu inutilement.
La porte du café/bar s'ouvre ensuite et le nouvel arrivant se dirige avec assurance vers la table des Oakheart. « Hey » Mes yeux se relèvent vers Michael et je me redresse sur la banquette. « Mike, j'te présente mon frère, Tristan. » L'attention du blond passe de mon visage à celui de mon aînée, avant de lui tendre une main poliment. Contrairement à son épouse, il portait son alliance. « Bonjour Tristan. Content de te rencontrer enfin. » Il m'adresse un regard faussement réprobateur. « Comment ça va ? »
Tous les êtres humains de ce monde font des erreurs parce que personne n'est parfait. Moi aussi j'ai fait des erreurs au courant de ma vie et je les assume. Je n'ai pas d'autre choix que d'assumer ce que j'ai pu faire. J'assume parce que la vie continue malgré tout. Je tente le plus possible de ne pas faire d'erreur mais parfois c'est difficile parce que je n'ai pas réponse à tout. Cela ne fait pas de moi une mauvaise personne, ça ne fait pas de moi un mauvais père à qui nous ne pouvons laisser la garde de ses enfants. Jamais je ne vais juger ma soeur pour ce qu'elle fait ou ce qu'elle a pu faire. Cela dit, elle ne veut pas me parler, pour l'instant, des erreurs qu'elle a commises et je dois tout simplement respecter ce choix. Elle doit seulement ne jamais oublier qu'elle pourra toujours tout me dire. TRISTAN : « D'accord, je comprends. » Dis-je simplement à cet instant.
Si je suis pour rencontrer mon beau-frère, je veux bien savoir ce qu'il fait dans la vie. Je vais visionner ses films. Ne sait-on jamais, peut-être est-il un homme oscarisé. Ce n'est pas à tous les jours que nous avons la chance de rencontrer quelqu'un qui a déjà remporté un Oscar ou encore un prix de renom. TRISTAN : « C'est parfait. » J'attendrai avec impatience qu'elle me nomme des noms de films que je pourrai visionner tranquillement à la maison le soir lorsque les enfants sont couchés. Disons que regarder un film quand les quatre enfants sont debout ce n'est pas quelque chose de facile puisqu'ils viennent à tour de rôle me déranger pour toutes sortes de raisons. J'aime mes enfants mais parfois ils sont difficiles, ils sont surexcités et ils sont méchants entre eux. Je dois parfois intervenir, les punir.
Ma soeur me glisse ce bout de serviette de papier avec son numéro dessus. Je souris et je le prends pour bien le ranger dans ma poche. Je fais la même chose qu'elle pour lui laisser mon numéro si jamais elle veut, elle aussi, m'appeler pour discuter, pour uniquement donner de ses nouvelles, prendre de mes nouvelles. Ce bout de papier, je le garderai précieusement dans mes choses après l'avoir entré dans mes contacts téléphoniques. TRISTAN : « Merci. »
Voilà que mon fameux beau-frère arrive. Je me lève poliment pour lui serrer la main avant de m'asseoir de nouveau sur ma chaise. Je suis content de le rencontrer. À première vue il semble un homme bien. Au final, c'est tout ce que je veux. Je veux que ma soeur ait un homme bien à ses côtés, un homme qui prend soin d'elle. Maintenant que je sais que ma soeur est entre de bonnes mains je pourrai dormir un peu plus tranquille. TRISTAN : « Ça va et toi? Comment ça ma soeur t'a déjà parlé de moi? En bien j'espère? »
Je me sens purement égoïste de refuser de répondre à ce frère qui me pardonne déjà, qui est enclin à effacer des années de silence imposé de ma part pour retrouver une sœur aux tumultueux secrets. Mes doigts triturent machinalement, nerveusement, le rebord de la table, mon regard le fuit, comme si je redoutais qu'il en dise trop, comme si je jugeais que je ne méritais pas l'attention du Oakheart. « D'accord, je comprends, » Tristan répond simplement, de toute son empathie et sa neutralité. Je me suis toujours demandé comment mon frère pouvait composer cette force tranquille, comment il était capable de prendre autant de recul et de tolérer ce que beaucoup jugerait injuste et certainement très répréhensible. C'est une maturité qu'il possède que je lui envie, pour laquelle je l'admire sincèrement.
C'est avec un enthousiasme timoré que je m'engage à démontrer une part du travail de mon époux à Tristan, soit ce sur quoi il peut bien travailler et ne soit pas destiné qu'aux adultes. Je saisis une nouvelle serviette en papier sur laquelle j'inscris mon numéro de téléphone que je tends à Tristan, comme une promesse de rendez-vous, une tentative de renouer ce lien bafoué depuis beaucoup trop longtemps. Mon frère m'imite et je glisse précieusement l'information dans la poche de ma veste, me promettant de l'ajouter à mon répertoire téléphonique plus tard. « Merci. » J'adresse un sourire sincère à mon interlocuteur et au même moment, Michael arrive à notre hauteur.
Je fais les présentations, mon aîné se lève afin de serrer poliment la main de son beau-frère. J'observe les deux hommes interagir, toujours aussi impressionnée par la capacité de caméléon de mon mari. Mike détient cette aptitude à s'adapter à la personne qui se présente à lui de manière à entretenir le plus chaleureux, le plus amical des échanges. Je ne suis pas si avenante, si patiente, si investie avec mes relations. « Ça va et toi? Comme ça ma sœur t'a déjà parlé de moi? En bien j'espère? » Je me décale pour que le jeune homme s'installe, mais celui-ci demeure debout, expliquant : « Je ne vais malheureusement pas pouvoir rester très longtemps. Il y a un rendez-vous pour le boulot bientôt pour lequel d'ailleurs Allie m'avait promis m'y accompagner. » Je n'ai même pas à le regarder pour deviner un sourire espiègle s'installer sur ses lippes, avant qu'il ne réponde à Tristan : « Ça va, ça va toujours. Elle m'a parlé de tous les Oakhearts, même si elle n'est pas très loquace. » Michael m'offre un clin d’œil complice, auquel je réponds par un sourire en coin. « Tu me diras, quand je pourrais voir les enfants ? » Je prie, pressée de revoir Tristan en amont de cette première rencontre qui semble vouloir s'achever.
Je ne sais pas où me vient cette force intérieure, ce calme. Il faut dire qu’avec quatre enfants nous nous développons une patience avec le temps. Gérer quatre enfants tout seul ce n’est pas toujours évident. Je n’ose même pas imaginer ce que ce sera lorsqu’ils seront tous des adolescents. Je pense que je risque d’en voir de toutes les couleurs. J’espère que mes enfants seront de bons enfants, qu’ils n’auront pas une adolescence trop mouvementée. Je m’imagine déjà avec trois garçons qui mangent sans arrêt et qui ne veulent pas ramasser leur chambre. Viendra aussi un jour où je devrai leur parler de l’amour et des relations sexuelles. Je n’ai vraiment pas hâte à ce moment.
Maintenant que j’ai le numéro de téléphone de ma soeur je pourrai l’inviter à la maison parfois. Nous avons tellement de choses à rattraper tous les deux et les enfants seraient contents de faire sa rencontre. Je ne veux plus jamais perdre ma soeur de vue. Je veux qu’elle reste dans ma vie à tout jamais. Mes sœurs sont importantes pour moi même si je ne les vois pas souvent en raison de mon travail et des obligations que j’ai comme père monoparental. Je garderai précieusement ce numéro et je le mettrai à mon répertoire téléphone dès que je serai à la maison.
En plus de rencontrer ma soeur par hasard ici, je m’apprête à rencontrer mon beau-frère. Je ne savais même pas que j’avais un beau-frère. Je suis donc curieux de savoir ce qu’il fait dans la vie et de savoir s’il prend bien soin de la petite sœur. Le voilà enfin, je me lève pour lui serrer la main en souriant. Sa première réponse me déçoit un peu puisque je pensais rester encore un moment avec ma soeur. TRISTAN : « D’accord. » Je regarde par la suite ma jeune soeur en souriant. TRISTAN : « Quand je ne suis pas au travail je suis à la maison alors tu peux venir quand tu veux. Tu as juste à me téléphoner avant d’arriver pour que je ramasse un peu la maison. Disons qu’avoir quatre enfants ne me permet pas toujours de garder la maison propre et en ordre. »
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