"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ C’est d’un pas rapide et cadencé que je traverse les longs couloirs vides de tout et remplis de rien, avec la terrible sensation d’étouffer qui écrase mon torse. Ces murs n’auront pas ma liberté, ils ont déjà enfermés une partie de moi et je les hais ! Je les hais ! Je hais cet endroit plus que tout au monde. J’ai besoin d’air, putain ! Je transpire énormément, j’ai le souffle court et mes mains tremblent furieusement. J’ai beau les serrer l’une dans l’autre, les tremblements ne se calment pas pour autant. Plus rien n’y fait. Je n’arrive plus à capter la mélodie qui m’apaise et à la place, c’est un brouhaha incessant et assourdissant qui envahit mon esprit. J’entends les hurlements fous, les cris désespérés et les coups répétés qui s’écrasent contre la chair entaillée. J’entends les supplications, j’entends la peur et elle s’empare de moi. Je suis terrifié, je suffoque. De l’air ! De l’air ! Je dois sortir d’ici. Sortir d’ici et m’oxygéner, m’annihiler le cerveau, oublier tout, jusqu’à ma propre existence. Il n’y a plus que la boisson pour mon salut. Seul le whisky pourra me calmer, et encore ! Je ne crois pas que ce sera suffisant. Pas cette fois, putain ! Rien ne sera suffisant. Y’a cette haine, cette foutu rage qui enfle à chaque seconde, à chaque respiration et ces envies de meurtre qui m’assaillent. Salopard de père ! PUTAIN ! Enfoirée de société de merde ! Je les emmerde ! Je les emmerde tous ! Charognards ! Enculés ! Fils de putes ! Je pousse un cri de rage en frappant dans la porte qui s’ouvre avec fracas sur la liberté et les quelques visiteurs présents s’écartent rapidement de moi en prenant peur vu mon état. J’ai besoin d’exploser la gueule de salopards là. Il me faut du sang. Je dévale les marches de l’établissement pénitentiaire et glisse une cigarette presque cassée entre mes lèvres sèches. C’est d’une main tremblante que j’extirpe mon téléphone portable de ma poche et le rallume. Clyde. C’est lui que je vais contacter. Il me faut un combat putain. Un putain de combat. Fissurer des crânes, exploser des mâchoires, défoncer des connards qui ne tiennent pas debout. Je vais crever putain. Je vais crever, je ne respire plus, c’est l’enfer. Sur mon écran s’affiche le doux surnom que j’ai attribué à l’élu de mon cœur et j’hésite, un instant à lire son message. Mon visage se crispe, j’ai le cœur qui saigne. Putain, bébé tu penserais quoi de moi là ? Je vais tellement te décevoir… Tu m’as écrit quoi ? Incapable de résister plus longtemps, j’ouvre le message et le dévore de mes yeux voilés par les larmes qui coulent sans que je n’y prête une attention particulière. Et les sanglots redoublent à la lecture. Bordel, mais je ne te mérite tellement pas. Si tu savais… Si tu savais à quel point je suis enfermé dans ma tête, dans mon corps. Je m’en sors pas, Terrence, je m’en sors pas. Putain ! Le téléphone s’échappe de mes mains, tombe sur le sol terreux du parking, à côté de ma bécane et je jure, excédé, avant de me laisser glisser au sol pour le ramasser. L’écran est fissuré, et je relis les mots qui sont sensés m’insuffler du courage mais qui me défoncent le cœur à coup de douceur. Je te mérite pas, putain. Tellement pas. Et je tapote sur l’écran, tout en tirant férocement sur la clope que j’ai fini par allumer et qui calme un petit peu mon rythme cardiaque, m’imposant d’inspirer et d’expirer la fumée à un rythme acceptable pour mes poumons trop enfumés déjà. Extérioriser ma mauvaise opinion de moi me fait du bien et je me persuade que la meilleure chose à faire, c’est l’éloigner Terrence. L’éloigner de moi et de la violence que je contiens difficilement et qui menace d’exploser à chaque instant, qui a besoin d’exploser. Ahsby m’a mis dans un de mes pires états, et je guette la réponse de Clyde comme si ma vie en dépendait. Ma vie en dépends, en effet. Je garde trop de rancœurs, trop de culpabilité, trop de regrets et tout ça me bouffe au quotidien. Je fais taire ces sentiments en ingurgitant des litres et des litres de whisky, mais ils sont toujours là, ils ne me quittent pas et ils reviennent à la charge, parfois bien trop puissants pour que je lutte contre eux. Aux docks, 19 : 30, ce soir. Un soupir de soulagement sort de mes lèvres en même temps que la fumée épaisse à la lecture du message libérateur. Ce soir, aux docks, à 19h30. Il ne me reste plus qu’à boire en attendant. Je me relève péniblement, les muscles endoloris et je tapote un dernier message. Puisque tu t’accroches, Terrence, autant que tu saches tout, et quand tu sauras… Tu pourras partir. Tu partiras, c’est le mieux pour toi. J’enjambe ma bécane, plaque mon casque sur mon crâne et démarre dans la foulée. L’esprit concentré sur l’unique objectif de cette fin de journée : libérer mes pulsions meurtrières, soulager mon corps meurtri de la pression que la douleur exerce un peu partout, délivrer mon esprit des souvenirs, de ce passé morbide qui vient se confronter à l’avenir et l’entacher de noir. Je ne vais réussir qu’à t’assombrir, Terrence. Tu ne te rends pas compte de ce qui se profile à l’horizon, de l’histoire qui s’apprête à refaire surface et de tout ce que cela implique au quotidien. Je ne veux pas t’infliger ça. Je ne veux pas le subir à nouveau. Mais PUTAIN ! Je n’ai pas le choix ! Je suis partagé entre mes envies égoïstes et l’immense culpabilité que j’éprouve à l’égard de ma mère et mon frère. Je leur dois bien ce sacrifice… Même si ce dernier doit me coûter la vie. Une seule bonne action avant de crever. Les larmes coulent, dévalent les joues creuses, mouillent la barbe fournie et s’écrasent sur le cuir du blouson. Daisy avale les kilomètres vite, un peu trop vite. J’évite de justesse un camion en déviant de ma voie et prends la direction de la librairie, le cœur tambourinant dangereusement au sein de ma cage thoracique. Ce soir, tout prends fin. Je sombre définitivement dans le mal, je tue le positif et l’écarte de ma vie pour toujours. T’as eu un sursis, boy, juste un sursis. Tu croyais quoi, franchement ? Que tu t’en sortirais comme ça, un claquement de doigt et hop, fini ? On ne change pas un homme comme toi. La violence c’est dans les gênes, c’est ce qu’il t’a transmis ton putain de paternel et comme lui, t’aime le whisky et t’aime te battre. Il avait sûrement raison l’pauvre type de l’autre fois : ses coups doivent te manquer. T’as besoin qu’on te frappe, t’as besoin de faire la victime, de te replier derrière les bleus et tes poings. Tu cherches à crever, boy, et chaque jour tu t’en rapproches de la fin. Elle se dessine à l’horizon la fin est-ce que tu la vois ? Pas encore… Il est trop tôt. Ça vient. Accroche-toi encore un peu. Elle vient ta fin. Mais je ne veux pas l’entrainer dans ma chute, Terrence. Ni lui, ni Lonnie, ni même Maman. Ils ont trop de choses à vivre, trop de choses à voir et à aimer encore. La moto dérape sur le parterre de fleurs à côté du trottoir et je laisse le moteur tourner, allumant une cigarette nerveusement. Et les voilà, les boucles brunes qui volettent au vent, le corps fuselé qui accourt, pressé, stressé et le visage que j’aime tant plongé dans l’inquiétude et la peur indicible qui s’accroche fermement aux tripes. Oh que je déteste te faire du mal. Mon regard se baisse à son approche, comme si je ne méritais pas qu’il me regarde. La haine dans mes yeux, tu ne la connais pas encore. Ni la haine, ni la folie. Je vais te faire tellement de mal, Terrence et je me déteste pour ça. Je précède ses paroles, rejetant la douceur avec laquelle il pourrait m’envelopper en disant – Monte. Vite ! Je ne veux pas m’attarder ici, je veux m’éloigner de tout ce qui ressemble de près ou de loin à notre quotidien, je ne veux pas entacher nos souvenirs. Ils sont beaux, ils sont purs, je ne veux pas y toucher. Mais ils appartiennent déjà au passé… Mon cœur se fissure, j’ai mal, putain j’ai mal. Mon poignet se casse sur l’accélérateur sitôt qu’il se tient à moi, je n’attends pas une seconde de plus pour l’embarquer vers Bayside, au plus proche des docks pour picoler toute l’après-midi en attendant le rendez-vous, la délivrance qui mettra fin à tout ce qu’il y a de pur entre nous. Lorsque j’arrête la moto, sur un terreplein à côté de l’océan, je ressens une étrange pesanteur et tous mes gestes sont lents. La mise en place de la béquille, l’arrêt de la machine, les clés que j’enlève du contact pour les fourrer dans ma poche, le casque que j’enlève, mes cheveux que j’ébouriffe, mon regard qui se fixe sur l’océan au loin et la cigarette que je cherche machinalement sans même m’en rendre compte. Tu vas me détester, Terrence, tu vas me détester au moins tout autant que je me déteste.Et ce sera bien fait pour moi. C'est tout ce que je mérite, n'est-ce pas ? De crever seul, comme un chien.
(c) DΛNDELION
Dernière édition par Harvey Hartwell le Ven 14 Fév 2020 - 16:04, édité 1 fois
Il savait qu'aujourd'hui était un jour important, sans en savoir plus pourtant. Hier soir, Harvey lui avait vaguement parlé d'un rendez-vous le lendemain avec une conseillère pénitentiaire qui avait apparement émis l'idée que Gail Hartwell allait peut être pouvoir sortir de prison après vingt longues années passées derrière les barreaux. Et il ne savait pas trop si son petit ami était d'accord avec ça, si ça lui faisait plaisir ou pas mais il avait néanmoins l'air de souffrir terriblement, ses sourcils toujours plus bas, le regard toujours plus sombre et coincé au bord du vide, le corps en suspens, le coeur ralenti. Hier soir, il s'était tu face aux verres de whisky qu'Harvey s'envoyait discrètement au fond de la gorge, n'avait rien dit comme tous les autres soirs et nuits qu'il passait ici, avait préféré se murer dans le silence pour ne pas réveiller des blessures qui n'étaient potentiellement pas encore prêtes à être exposées, se répétant inlassablement que si son petit ami avait besoin de venir lui parler de quoi que ce soit, il le ferait de lui même, sans y avoir été forcé. Manifestement, ce n'était pas encore le moment; seul le temps saurait lui offrir la confiance nécessaire pour le faire, éventuellement. Il était patient, Terry, se découvrait montagne d'endurance et de tenacité, comprenait le sens profond des mots dévotion et omission, apprenait à se taire et à fermer les yeux même quand tout ce qu'il voulait c'était lui prouver qu'il pouvait tout encaisser et tout comprendre. Hier soir, ils n'avaient pas beaucoup plus parlé, seulement de ce rendez-vous, avaient regardé un film, avaient fait l'amour aussi et Terrence y avait aloué toute la douceur qu'il ne savait pas lui exprimer d'habitude sans avoir peur de devenir trop envahissant, avait offert tout cet amour qu'il ne parvenait jamais à lui verbaliser clairement, les yeux dans les yeux tout du long, sans un bruit, les gestes lents et le coeur ouvert en grand. Et ce matin, il était parti travailler l'âme un peu trop lourde et les paupières fatiguées. Parce qu'il n'avait pas beaucoup dormi, Terry, avait veillé sur lui, avait calmé ses cauchemars lui qui n'en faisait plus depuis un moment. La main dans ses cheveux blonds, les lèvres contre son front et le corps logé tout contre le sien il l'avait bercé, inlassablement, immuablement ancré dans l'instant en s'oubliant totalement, comprenant parfaitement que l'enjeu de demain était foutrement plus important que ce qu'Harvey voulait bien laisser paraitre et que ce qu'il avait à faire lui, à la librairie.
Il avait songé à lui toute la matinée, avait refusé de le déloger de ses pensées, s'était demandé s'il avait mangé, s'il s'était reveillé sans trop de douleurs et sans la gueule de bois, s'il avait trouvé son petit mot accroché sur le frigo, aussi. Vers 14 heures, il s'était permis de lui envoyer un texto, l'estomac dans les talons alors qu'il picorait à peine son sandwich durant sa pause repas. Il le connaissait fort, Harvey, mais il le savait aussi sensible. Il les avait vu, les flèches encore plantées dans sa peau, le passé greffé un peu partout comme un pansement qu'on refuserait de retirer par peur de découvrir que la plaie en dessous n'avait jamais cessé de saigner. Il le sait qu'ils ont tous les deux des sacs à dos plein de merdes et de déchets qu'ils n'avaient jamais appris encore à lester, mais il savait aussi qu'ensemble, ils pouvaient essayer, se tenir la main et se promettre de jamais rien abandonner. Pourtant, un peu avant 15 heures, c'est le bruit d'un Harvey qui s'écrase au sol qu'il entend via un sms, pas le son d'une guerre qu'il aurait gagné. Il le sent terrassé, abattu, et il prend peur. Alors il court vers Gabriel, lui demande s'il peut quitter le travail plus tôt, voit sa demande acceptée. Je rentre pas, j'ai autre chose à faire. Si t'y tiens vraiment, je passe te prendre à la librairie. J'espère que t'as ton casque. Après, t'auras le choix. Quand tu comprendras, quand tu sauras, tu seras libre. Les sourcils froncés au dessus de l'écran de son téléphone, il ne comprend plus rien, Terrence, la panique qu'il ne parvient plus à chasser ni à camoufler et qui fait lentement sa place partout, picotements dans la nuque, mains fébriles, ventre noué. Libre de quoi? Comprendre quoi? Y avait quoi de plus que l'alcool et le passé impitoyable qui semblaient vouloir jour après jour reprendre leurs droits et bousiller son mec avec la force d'un tsunami et d'un ouragan réunis ? Il tremble, ne laisse pas transparaitre son affolement dans ses réponses mais son monde s'effrite un peu. Libre de quoi, Harvey? Libre de toi? Libre de te quitter? De partir? Mais moi ça, je veux pas ! De quoi tu parles Harvey, ça veut dire quoi tout ça?
Il laisse passer les heures qui s'étirent avec une lenteur inhabituelle et il doit avouer qu'il a bien du mal à se concentrer sur son travail. Ce n'est que lorsqu'il entend le ronronnement de la moto de son petit ami au dehors qu'il court chercher son casque. Gabriel, Harvey est arrivé, je... l'index dirigé vers la porte il attend l'accord de son patron pour se précipiter à l'extérieur, les boucles en pagaille, à l'image de son coeur. Il ignore vers quoi il va, il patauge dans un flou sombre et anxiogène mais il ne se laisse pas démonter, garde le menton haut et le sourire aux lèvres. Il est là, Harvey, le visage défait, le corps annihilé, nerveux. Le sourire de Terrence disparait. Harvey, qu'est ce qui s'est passé à la prison pour que tu me reviennes anéanti comme ça, pour que tu m'envoies des messages aussi fatalistes ? C'est quoi toutes les brisures que je vois incrustées partout sur toi, c'est à cause de ta mère? Elle ne peut pas sortir de prison? Ou alors elle peut et toi tu veux pas? Je connais pas votre relation ni les raisons de son enfermement alors je suis perdu, je sais pas. Qu'est ce que tu as? Et tes yeux, ils sont rouges ! T'as pleuré ? Je suis sur que t'as pleuré... Pourquoi tu m'as pas demandé de venir avoir toi ? Harvey pourquoi ? Il se mord la lèvre, reste quelques secondes à tripoter son casque convulsivement, les yeux posés sur le visage de son petit ami qu'il voudrait prendre dans ses bras mais il sait que ce n'est pas le moment et quand Harvey lui demande de se dépêcher il obéit, grimpe à l'arrière après avoir enfilé son casque sur la tête et les voilà qui roulent en direction d'un lieu que Terry ne connait pas. Pas grave, il a confiance, il le suivrait partout s'il le lui demandait. Une heure plus tard il observe les panneaux, a lu "bayside" puis "docks" et lorsqu'ils arrivent au lieu de destination et que la moto ralentit il retire son casque et laisse ses yeux parcourir les lieux. Harvey l'a amené sur un terrain vague face à des entrepots dégueulasses en vieilles briques rouges recouvertes de crasse, et des hangars inutilisés sous lesquels s'amassaient une foule oppressante. Il sent sa respiration s'accélérer, Terrence, les sourcils invariablement froncés, le pied au sol et le cul toujours sur Daisy. Harvey, c'est quoi tout ça ? Ils viennent pour voir quoi ces gens, là-bas ? Il a, l'espace d'un instant, l'espoir qu'il s'agisse d'un concert en plein air ou une connerie de ce genre mais vu les billets échangés rageusement, les tableaux noirs posés au sol et les cris lancés à la manière des bookmakers lors des courses hippiques auxquelles ses parents le trainaient quand il était jeune, il comprend de lui-même que c'est tout sauf un concert. Il se détache de son petit ami et se lève, l'observe un peu interdit la clope éteinte entre les lèvres et machinalement il plonge sa main dans la poche de son jean pour en sortir un briquet et venir la lui allumer. Il pose le casque sur la moto et le regarde se lever à son tour pour attacher la bécane à un banc qui semblait avoir été placé là un peu au hasard. Il croise les bras après avoir remis une mèche de ses cheveux en arrière, Terrence, l'esprit engourdi et les pensées pêle-mêle qui percutent son crâne dans tous les sens. En vérité, si on lui avait demandé, il aurait été incapable de décrire la situation alors il se contente de suivre Harvey un peu aveuglément où qu'il aille, les tripes accrochées à ses côtes pour éviter de se casser la gueule. Il plante ses yeux verts dans les siens avant d'inspirer fort et de souffler pour chasser sans y arriver toute l'angoisse qui commençait à se faire une place trop importante au fond de son coeur. On fout quoi ici? J'comprends pas, tu veux me montrer quoi? Il baisse la tête et la relève pour affronter ce que le visage de son petit ami pourrait répondre et que ses mots voudraient taire. Il s'est passé quoi à la prison Harvey? C'est ça qui te met dans cet état? Parle-moi.. s'il te plait. Et il sait que d'habitude il ne le force à rien. Mais là, il sent qu'il n'a pas le choix...
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ - Harvey, c’est quoi tout ça ? Ils viennent pour voir quoi ces gens, là-bas ? Mon regard triste et plein de colère se lève vers les hangars désaffectés qui se dressent face à l’océan et où la foule de truands et de déshérités se presse à la manière des animaux qui se tassent dans un enclos trop étroit pour passer la nuit. Ils viennent voir des chiens se battre ces gens là-bas, ils viennent pour se faire du fric sur la misère de gars comme moi, ils viennent car ce sont des raclures et qu’à part le sang plus rien ne les excite, ils viennent parce qu’ils sont pourris jusqu’à l’os et qu’aucune rédemption n’est possible pour leurs âmes… Je ne réponds pas tout de suite, la peine est lourde et mon cœur me pèse dans ma poitrine. Ce que je m’apprête à faire, Terrence, c’est te dévoiler le pire de moi. Je ne pense pas que tu puisses acceptes ça. Je ne crois pas que tu doives l’accepter d’ailleurs. Je ne sais pas faire autrement. J’ai essayé tu sais, de canaliser ma colère différemment. Je me suis rendu dans ces salles de sport ou le commun des mortels entretient sa forme, mais moi je m’en fiche d’avoir un bon cardio ou de perdre du poids, je m’en tape de gagner des années de vie et de prendre bien soin de moi, je suis hermétique au discours sociétal qui tourne en boucle partout, parce que ça fait longtemps que je vis en marge de cette société pourrie en réalité, ça fait longtemps que je suis sur le bas-côté, que je nage à contre-courant et que je déploie des efforts surhumains pour ne pas me noyer. Survivre, voilà mon mode opératoire. Pour quelle raison ? Je l’ignore. Mais je survis depuis si longtemps que je ne sais plus faire autrement. Mon regard s’est perdu au loin, et c’est la flamme vacillante du briquet tendu sous ma clope qui me fait revenir à moi. J’aspire à grandes bouffées d’air la fumée qui vient prendre possession de ma bouche, ma gorge puis mes poumons, m’insufflant un peu de mort au passage. Foutu présage, n’est-ce pas ? Mes yeux ont du mal à affronter les siens qui me confrontent avec détermination, et je m’y résous finalement car c’est ce que j’ai voulu, non ? Je t’ai amené ici dans un but bien précis et si tout s’effondre en moi, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Car c’est moi qui ait provoqué ce désastre, c’est moi qui suis responsable de la panique que je lis au fond de tes prunelles émeraudes, c’est moi qui ait pris la décision de te dévoiler tout ce que je ne saurais te confier. Les mots ont leurs limites et je ne saurais décrire ce que je m’apprête à te montrer, mon amour. Il faut que tu le voies, que tu me voies, que tu saches le monstre que je peux être. – On fout quoi ici ? J’comprends pas, tu veux me montrer quoi ? Il s’est passé quoi à la prison Harvey ? C’est ça qui te met dans cet état ? Parle-moi… s’il te plait. J’inspire profondément, étrangement calme face à ce que je vais faire. Et je balance ma clope à peine allumée au sol pour m’approcher de Terrence et réduire totalement l’espace qui nous sépare. Avec douceur, mes mains se posent sur ses joues et mes pouces viennent les caresser tendrement. O mon amour, si tu savais tout le bien que tu me fais, tout le bonheur que j’éprouve à vivre à tes côtés, à m’endormir le soir avec toi pour me réveiller au creux de tes bras. Personne d’autre que toi ne sait lire en moi comme tu le fais, ne s’adapte à mon style de vie particulier, ne réagit parfaitement face à ma brusquerie ou à mon manque de tact. Il n’y a que toi qui sais exactement comment me prendre, comment m’amadouer et comment faire ressortir le meilleur de moi. Et je refuse, oh oui je refuse, que le pire que j’ai en moi ne vienne entacher tout ça. Je ne peux pas vivre plus longtemps dans l’omission ou dans le mensonge, et si j’ai cru à un moment que je pourrais me passer de ça, je sais aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Il faut que j’aille sur ce ring, il faut que je déverse ma rage car à trop la contenir, elle explosera de la mauvaise façon envers le mauvais mec. Et ça ne doit pas arriver. Mon front se pose contre le sien et mes yeux se ferment, laissent échapper une larme ou deux, qui coulent sur nos deux visages posés l’un contre l’autre. – Je suis désolé. Je laisse échapper ces mots dans un murmure, ils flottent un instant avant que mes lèvres ne s’écrasent sur les siennes, désireuses de ressentir encore et peut-être, surement, pour la dernière fois ce dont je vais me priver pour toujours. Cette flamme incandescente, brillante et lumineuse qui m’anime en ta présence. Ce bonheur dans lequel je nage avec béatitude. Cette sensation d’exister enfin pour quelqu’un, d’être important, d’être aimé et désiré. Nos lèvres se percutent, nos bouches s’ouvrent et nos langues s’emmêlent. C’est le besoin péremptoire, au-delà de l’envie, qui se fait pressant et mes bras s’enroulent autour de son corps frêle pour le serrer avec force contre moi. O ton corps, o ton odeur, o toi… C’est douloureux, ça fait mal mais je n’ai pas le choix. Je n’ai jamais eu le choix, ce n’était qu’une illusion de croire le contraire.
Et les corps se détachent, s’écartent et se désunissent. Ma main vient capturer la sienne et s’enroule autour de son poignet. – Suis-moi. A nouveau mes gestes deviennent empressés et rapides, nerveux et directifs. Mon regard dévie de son visage ou de son corps, pour se concentrer sur le hangar, la foule de rats d’égouts qui se presse devant et que nous contournons rapidement. Je deviens l’homme derrière le masque d’impassibilité et mon visage prend un air plus sévère à chaque seconde qui passe. Les battements de mon cœur sont rapides et s’entrechoquent au creux de ma poitrine, ma main moite glisse dans la sienne alors que j’avance d’un pas assuré et déambule entre les brigands rassemblés en ce lieu sordide. Tous les pires hommes de la création sont réunis ici, pour l’appât du gain ou l’appât du sang, pour vibrer le temps d’une soirée en s’extasiant devant des combattants désabusés, aux regards vides et aux cœurs lourds. Nos mains se quittent, se séparent à cause d’un passage trop étroit entre deux hommes et il n’en faut pas plus pour m’énerver. Je pousse brutalement l’homme qui m’a séparé sans le vouloir de mon mec, et mon attitude agressive et violente ne l’incite pas à rétorquer quoi que ce soit. Ma main, possessive, s’accroche fermement à l’avant-bras de Terrence que je tire brusquement vers moi et mes yeux lancent des éclairs tout autour, comme pour défier quiconque de le toucher. Je deviens l’animal, celui qui mord avant d’être touché, qui grogne avant d’être remarqué, qui frappe avant d’être attaqué. Et je trace, rapidement jusqu’à un coin spécifique du hangar, à l’écart de la foule, où je retrouve Clyde. Ma main est toujours fermement posée sur l’avant-bras de Terrence. Je ne te lâche pas, pas maintenant, pas encore. – Ah t’es enfin là toi ! T’as l’air d’avoir d’la rage à évacuer, fils. C’est bien, faut que tu t’rattrapes toute façon, j’ai dû t’rajouter sur la programmation, ça m’a coûté du blé. T’as intérêt à m’en rapporter l’double. J’hoche simplement la tête, me racle la gorge et plante mon regard droit dans l’sien. J’ai une seule chose à négocier ce soir, et je n’ai pas besoin de m’exprimer pour cela. – Quoi ? C’est qui la brindille qu’tu ramènes là ? Me dit pas qu’il va s’battre hein ? Son rire gras fait monter l’énervement en moi, mais je conserve malgré tout mon calme, me contentant de siffler entre mes dents, menaçant : – Il ne doit rien lui arriver. Clyde tire sur son cigare, une lueur se met à briller dans son regard alors qu’il perçoit très vite son propre un intérêt dans ma requête et il ne manque pas de se jeter sur l’occasion pour me dire – Oh c’est une faveur que tu m’demandes là, fils. Très bien, ce sera 80-20 ce soir sur tes gains dans ce cas. – ça m’va. Je crache dans le creux de ma main, tout comme lui, avant de les faire se rejoindre dans une poignée viril qui scelle l’accord. La négociation terminée, j’entraîne Terrence à l’écart et commence à enlever ma veste en cuir, ainsi que mon sweat. La tension monte et m’habite alors que je me saisis de bandes qu’on me prête, et c’est sur un ton incroyablement calme que je lui expose la situation tout en me préparant mentalement à la suite. – Je vais me battre ce soir, Terrence. Devant tous ces connards qui vont miser sur ma gueule ou sur celle de mes adversaires. Devant toi aussi, si tu décides de rester. Minutieusement, je tire sur la bande enroulée autour de mon poignet et l’attache proprement. – C’est ce que je fais. Je me bats. Quand ça devient trop dur et trop compliqué à gérer, j’envoie un message et on m’indique le lieu et l’endroit pour que je me rapplique. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui en sortant de la prison, j’ai envoyé un message. Je fixe la seconde bande sur mon poignet et relève mon regard vers le sien. J’affronte sa peur et je lui confie la réalité, aussi moche qu’elle puisse être. – Il n’y a pas de règles ici. Ce ne sont pas des combats à la loyal, tout est permis. Ça va être violent, je préfère te prévenir. Si tu veux partir, je comprends.Et voilà, Terrence. C’est la dernière étape, tu sais ? Après ça, je n’aurais plus rien à t’apprendre sur mes démons, tu sauras tout. Me voilà, moi dans mon entièreté grotesque, à nu. C’est moche, non ? T’as le droit de trouver ça moche. T’as le droit de partir. Je te fixe, la lassitude s’est emparée de moi, ainsi que la résignation. Je suis tellement désolé… Si tu savais à quel point je suis désolé d’être ainsi. A quel point je m’en veux de te faire ça, à toi qui ne m’a apporté que du bien, que du bon. Je suis mauvais tu sais ? Et je paris que tu n’avais aucune idée d’à quel point je pouvais être mauvais… Pardon. Pour tout ce que j’ai fait de travers, pour ne pas savoir aimer correctement, pour être un incapable violent et contraint par sa propre douleur. Je ne te mérite tellement pas…
Ils avaient traversé la ville jusqu'à la mer, pas au même endroit que la toute première fois mais il y avait là comme une réminiscence bien trop forte pour être ignorée; le début et la fin scellés tous deux contre les vagues, au milieu des embruns face à un soleil qui choisissait cette fois d'être sur le déclin. A Gold Coast, ils avaient assisté à une naissance, celle de l'aube et du jour nouveau qui éclairait de sa lumière l'émergence d'une relation qu'ils avaient appris à construire ensemble carte après carte au fil des semaines. Le crépuscule de Bayside était-il présage de fin, aussi surement que l'aube avait été annonciatrice de commencement? Aucun d'eux n'aurait été en mesure de le prédire. Il ne répond pas, Harvey et c'est surement ça qui perturbe Terrence aussi fort, le coeur qui s'effrite et le souffle qui se tarit. Il observe son petit ami fumer les yeux éteints et il se demande depuis quand il souffre autant, depuis quand il a perdu pied vraiment, à plus savoir comment lui répondre autrement qu'avec des gestes plutôt qu'avec des mots. Hier soir encore, ils faisaient l'amour ensemble dans la moiteur d'une chambre trop petite pour contenir leurs deux coeurs, en silence et en douceur, les corps en émoi et les gestes lents. Hier encore il l'avait vu rire, s'était laissé aller contre ses bras et il ne sait pas où ni quand tout à basculé de l'autre côté pour arriver jusqu'à cet endroit, mais il n'aime pas ça. Il laisse Harvey poser ses mains larges sur ses joues froides mais ne réagit pas, le fixe comme s'il était un étranger, ne comprend plus rien, ouvre la bouche pour parler mais c'est trop tard parce que déjà sa voix se meurt au fond de sa gorge. On est où là, Harvey, pourquoi tu ne dis rien. Pourquoi tu m'as amené ici ? Il s'est passé quoi à la prison? Parle moi, je t'en prie parle-moi ! J'ai besoin de savoir parce que j'ai peur et j'ai peur parce que je crois comprendre. Et même tes mains contre mon visage ne me rassurent pas. C'est quoi cette flamme morte qui vacille dans tes yeux, putain? Pourquoi j'arrive pas à la rallumer hein? Pourquoi j'arrive pas à la rallumer? Le front d'Harvey se colle au sien mais il ne ferme pas les yeux, Terrence, se perd dans la contemplation du sol, là sans l'être vraiment. Il assiste aux évènements avec distance, l'esprit qui se sépare du corps pour éviter de se casser la gueule trop fort, par instinct de protection, probablement. Il pourrait pleurer parce qu'il les sent le brûler de l'intérieur, ses larmes, même si en vérité il est vide de tout. Et tant qu'Harvey ne lui aura pas donné d'explication il restera en suspend, le ventre à moitié consumé d'appréhension et bouffé par les esquisses d'une nervosité qu'il ne connaissait pas si puissante. Y a quoi derrière ces portes là bas, Harvey, dis moi que c'est pas ce que je crois. Confirme que c'est pas ça. Que rien de moche ne va se passer alors qu'on va à peu près bien toi et moi, dis-moi que ces gens sont pas des connards qui misent sur toi. Dis-moi que tout va bien. Que tu vas rester avec moi. Qu'il va rien nous arriver Mais il ne répond toujours rien, Harvey, si ce n'est je suis désolé, murmuré comme on dirait au revoir, les lèvres qui viennent capturer les siennes dans un baiser bien trop intense pour ne rien signifier. "Adieu Terry", c'est ça que t'essayes de me dire? Tu vas me montrer quoi pour penser que je vais te fuir sans plus jamais revenir? Tu me crois si faible? Tu penses que j'peux pas supporter? J'pourrais tout supporter, moi, t'entends? Je le sais pour tes combats, je le sais depuis le début. Arrête de m'embrasser comme si ce baiser était le dernier. Il pose ses paumes contre son torse pour le repousser mais il n'en fait rien et c'est les yeux ouverts et tristes aussi qu'il accueille sa bouche sans tenter de s'en dégager. Il voudrait s'écarter brutalement, les sourcils froncés, lui demander pourquoi il est désolé, lui réclamer des explications parce qu'il sent qu'il perd pieds mais rien ne dépasse la barrière de ses lèvres alors il renonce et le laisse poursuivre sans offrir de résistance, le corps en perdition et l'esprit à l'abandon.
Suis-moi. Et il le suit sans poser de question, petit être à la dérive qui obéit sagement et qui ne saisit plus très bien le sens du vent. Il se laisse porter pourtant, la main d'Harvey fermement agrippée à son poignet et il trottine derrière lui en observant tout autour. Les lieux sont glauques, ca pue et les voix sont grasses. On entend des paris lancés à la volée, des noms inconnus et des cotes écrites à la va-vite sur des tableaux noirs qu'on avait déjà trop de fois effacés. Depuis combien de temps Harvey participait à ce genre de combats, il ne savait pas. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il en fait. Il l'avait appris une fois au hasard de ses errances nocturnes dans Brisbane pendant les deux semaines durant lesquelles Harvey avait fait silence radio, se souvenait même du nom du mec qui lui avait tout balancé. Seth. Il lui avait dit qu'il se battait dans des vieilles caves dégueulasses mais jamais il ne s'était imaginé que ça pouvait ressembler à ça, Terry, n'avait jamais vraiment réalisé que ça pouvait ressembler à ça en vérité, avait partiellement occulté cet aspect de sa vie pour le rendre moins réel, le réduire bêtement à de simples esquisses plutôt que d'en faire un dessin complètement terminé. Imaginer Harvey se faire démonter la gueule et rendre coup sur coup était au dessus de ses forces alors il avait réduit le malaise au silence, enfermé à double tours dans une boite qu'il avait enterré au plus profond de lui pour ne jamais la retrouver. Mais ca n'avait pas marché et ça le percute d'autant plus, là tout de suite, parce qu'il avait fait l'autruche, Terry, à vouloir rêver d'une relation où tous les soucis pouvaient être réglés à coup de méthadone et de rendez-vous chez le médecin. C'était pas ça, la vie, pas vrai? Ce n'était pas que lui et ses petits problèmes de drogue, lui et sa mélancolie, lui et ses démons. Y avait ceux d'Harvey aussi, bien palpables même s'il avait essayé de les camoufler au maximum durant trois mois et Terrence en avait bien conscience des verres de Whisky qu'il s'enfilait en douce, de son haleine lourde et de ses cauchemars, avait bien conscience du spectre du passé qui ne cessait de le dévorer jour après jour, avait bien compris qu'il n'était pas le seul à souffrir. Et même s'il avait fait preuve de dévotion et d'abnégation, même s'il avait fermé les yeux sur l'alcool, il ne savait pas le faire une nouvelle fois, ne savait pas s'il était prêt pour ce qui allait se dérouler ici, là. Autour d'eux, c'est l'effervescence et il sent Harvey nerveux comme jamais, les gestes secs et rapides, leurs mains qui se séparent et Harvey qui s'en prend au responsable. Terry ne dit rien, se laisse juste faire, poupée de chiffon qu'on trimballe comme si de rien n'était et qu'on défend comme un os qu'on ne voudrait pas partager. Il avait fait son choix, aussi. Il avait pris la décision de venir, lui avait écrit qu'il serait là, qu'il irait avec lui où il irait et c'était là qu'il l'avait emmené. Face à la putrescence de l'humanité. Sa tête tourne, il bat des paupières et comprend à peine ce qui se passe. – Quoi ? C’est qui la brindille qu’tu ramènes là ? Me dit pas qu’il va s’battre hein ? C'est qui ce mec? Il est moche et il a l'air d'être une parfait connard. C'est à lui que tu me confies, Harvey? Comme on filerait son gosse à la première nounou disponible du quartier? Pourquoi tu fais ça? Pourquoi tu me demandes pas si j'suis assez grand pour me démerder seul? J'suis assez grand pour me démerder seul. Il ne sait pas pourquoi, Terrence, mais y a désormais la colère qui monte en lui comme une vague incontrôlable qu'il tente en vain de contenir. Harvey veut bien faire, il l'entend bien, il perd du fric pour assurer sa "protection" mais c'est pas comme ça que ça marche. Il n'ose pas répliquer pourtant et choisi de se foutre de côté, le cerveau qui s'actionne et les pensés qui fusent. De quoi parle t-il en vrai? De quelle protection aurait-il besoin? C'est pas lui qui s'apprêtait à se battre après tout... Et comme un enfant dont on ne s'inquiète pas de connaitre l'avis, Harvey l'emmène à l'écart pour enfin lui parler. – Je vais me battre ce soir, Terrence. Devant tous ces connards qui vont miser sur ma gueule ou sur celle de mes adversaires. Devant toi aussi, si tu décides de rester. Il écoute la suite, Terry, le visage fermé qu'il refuse de laisser se décomposer, comme si c'est lui qui partait au combat. Les poings serrés, il n'est probablement pas aussi calme que son petit ami, les tourbillons d'incompréhensions qui se bousculent partout à l'intérieur, le souffle qu'il peine à reprendre, le coeur qui pulse si fort qu'il a l'impression qu'il pourrait provoquer l'effondrement du bâtiment en quelques secondes. Il l'écoute, comprend ses raisons et tout devient soudain très clair. Il inspire fort avant d'expirer lourdement, les iris vertes qui le fixent comme pour le retenir, lui dire qu'il peut trouver autre chose que ça, qu'ils chercheront ensemble et que c'est pas grave s'ils n'y arrivent pas tout de suite, pensée absurde du mec qui pense qu'il peut encore tout arranger. Aller viens Harvey, on se casse d'ici, on les laisse avec leurs conneries. Tu viens, dis? Mais il n'y crois pas du tout parce qu'il sait que le chemin est sans issu, qu'ils ont franchi le point de non retour et que désormais il n'y a qu'une seule direction possible. Droit devant, en évitant au maximum la casse. Le discours d'Harvey est brut, pas enrobé dans du sucre pour faire passer la pilule et il n'y a rien de marrant, rien à interpréter, pas de sens caché ou de demi-mot. C'est la vérité telle qu'elle est qu'il lui offre au creux du coeur, comme un appel au secours surement et il ignore s'il est prêt à affronter ça, Terrence, à garder les yeux grands ouverts quand il le verra prendre et donner des coups, mais il ne bouge pas Hart' ça va être à toi ! Ca va trop vite et il sursaute mais ne quitte pas son petit ami des yeux, le trouve beau malgré la situation, beau et fort d'affronter ses démons comme il le fait, sans ciller, sans trembler. Harvey attends... C'est une supplique murmurée les bras en avant. Il ouvre la bouche, enfin, fait un pas vers lui et le serre subitement dans ses bras sans réflechir, ses mains qui s'accrochent avec force contre sa nuque moite et d'une voix stable et faussement assurée il lui dit dégomme-les, bébé... C'est surement la première fois qu'il l'appelle ainsi, lui le pudique. Mais la pudeur est au placard ici, au milieu des billets et des cadavres des mecs qui avaient surement déja été oubliés. Il est fier de lui malgré tout, pas des combats qu'il fait, non, mais de la façon dont il survit, comme un guerrier, debout dans l'arène, droit et honnête. Et c'est ce qu'il voit quand il s'installe dans les gradins sur une pauvre chaise rouillée au milieu d'une euphorie qu'il préfère ne pas qualifier, c'est un gladiateur qu'il voit entrer en scène, le torse humide et les cheveux sales. Harvey, il se métamorphose. De petit ami doux et attentionné il devient chien fou, les yeux sombres et le front bas. Il n'est pas là pour s'amuser mais pour extérioriser le mal comme on dégueulerait du purin, pour se libérer du venin, faire péter les cicatrices sous lesquelles il y avait encore trop de pourriture. Il est tendu, Terrence, le corps endolori de se redresser pour regarder au dessus des têtes. Il reconnait le fameux Clyde prendre place à ses côtés, inspire et bloque sa respiration quand celui-ci se penche doucement vers lui. Alors mon p'tit, c'est qui Hart', pour toi ? ton grand frère? Ton cousin? Il a l'air de tenir beaucoup à toi. J'le connaissais pas comme ça. Terrence tourne vers lui un visage froid et fermé comme jamais, lèvres pincées et sourcils froncés, yeux plissés, menton levé. Hart', c'est mon mec. Et devant l'expression de Clyde il ajoute y a un problème avec ça?Non, non aucun problème, aucun problème. Le sourire que Clyde ne tente même pas de cacher sous la fumée de son cigare n'a rien de rassurant et pourtant il ne le lâche pas du regard, Terrence, même si ce dernier a reporté son attention sur le ring. Il veut lui montrer qu'il n'est pas qu'une brindille qu'on peut briser d'un coup de paroles mal placées, qu'il ne se laissera jamais intimider et surement pas par un mec dans son genre. Il ne baissera pas les yeux. Le bruit d'une cloche le sort de ses pensées et le combat commence... Il fait comme les autres et se lève subitement, le coeur au bord des lèvres. Un coup, deux coups, trois coups. Harvey est magistral, imposant, agile, gracile, puissant. Mais il se doute que tout ne se passera pas aussi bien et que le gorille qui attend gentiment son tour juste à côté du ring ne fera qu'une bouché de lui au prochain tour. Il déglutit, les larmes aux yeux, sourcils indéfectiblement froncés et il se mord la lèvre en espérant qu'il récupèrera Harvey en un seul morceau. S'il te plait, dégomme-les.
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ - Si tu veux partir, je comprends.Le choix t’appartient, Terrence, entièrement. Je t’ai amené ici, je t’ai trainé dans les pires bas-fonds là où toutes les racailles se retrouvent entre eux pour parier et s’exciter sur le dos de pauvres types désespérés ; et je te fais découvrir la noirceur qui habite mon cœur depuis plusieurs années déjà, depuis cette rencontre fortuite un soir à Temple Bar, Dublin ; mais je ne t’oblige à rien, tu sais. Si tu n’as pas envie d’assister à ça, je peux le comprendre. C’est moche, ça n’a rien de reluisant et j’aimerai que ça ne fasse pas partie de moi. Cogner, défoncer des gueules, ressentir l’excitation et l’adrénaline qui alimentent mes veines, la rage qui déferle et sors de mon corps pour exploser sur un autre. Une fois qu’on y a pris goût, il est difficile de ne pas y revenir. C’est ma solution, tu sais. Pour garder mon sang-froid tous les jours face aux sales types qui défilent au Confidential Club, face à tous les connards qu’on peut tous être amené à croiser chaque jour, tous les malpolis, injurieux, méprisants, tous ceux qui peuvent te faire péter les plombs si rapidement ; c’est ma solution à moi d’entrer sur ce ring et de tout lâcher. C’est comme ça que je fonctionne, c’est comme ça que j’avance, c’est comme ça que je survis. C’est moche. C’est moi. Je n’ai jamais prétendu être un autre, et tu connais ma hantise du miroir. Je n’ai aucune envie de te mentir plus longtemps, ou de te cacher cette partie de moi. Je suis honnête avec toi, mon amour. Tu mérites une personne qui ne te trompe pas, et qui ne te fais pas de mal. Tu mérites le meilleur de ce monde, et je représente tellement le pire là, que je ne pense pas être en mesure de te le donner. Tu me rends meilleur, mais tu n’as pas à porter ce fardeau et surtout, surtout, je n’ai pas à te l’imposer. Le choix t’appartient, Terrence. T’as toujours eu le choix et tu l’auras toujours.
L’ambiance est pesante, alourdie par l’atmosphère moite ; les corps se tassent et se pressent, les paris sont lancés à la volée, psalmodiés religieusement pour appâter les truands avides de gain et de sang. Du spectacle, qu’on en ait au moins pour notre argent ! Je paris que tu n’avais jamais imaginé assister à ça, n’est-ce pas ? A cette foule répugnante constituée de scélérats aux visages défigurés par la vie et ses horreurs ; à cette liesse poisseuse qui dégouline, s’impose partout comme du venin gluant et prends possession de la moindre part d’humanité pour l’étouffer rageusement ; au tableau hideux et repoussant dans lequel je me fonds parfaitement… - Hart, ça va être à toi ! Mon regard, toujours planté dans le sien, se ferme légèrement à cette information. Tu fais quoi, Terrence ? Tu restes ou tu pars ? Je suis en attente, suspendu à tes lèvres, à la décision que tu vas prendre et qui sera déterminante pour les combats à venir. Une bataille fait alors rage en moi, des sentiments contradictoires m’envahissent à nouveau, je suis écartelé entre la raison qui me hurle de te repousser loin, très loin de moi et le cœur… Le cœur qui, lui, a envie que tu restes, que tu me regardes, que tu me voies et que tu continues de m’aimer et de distiller dans mes veines cet élixir de bonheur qui fait pétiller mon cœur et me donne l’élan et l’envie de vivre. Sois pas égoïste, boy. Pourtant, j’ai envie de l’être. Est-ce que c’est mal, dis ? De vouloir que tu restes ? J’ai tout fait pour que tu partes mais j’ai envie que tu restes, c’est bête n’est-ce pas ? C’est bête mais c’est moi. Moi et mes fichues contradictions, moi et mes putains d’hésitations, moi et mes saloperies d’inhibitions. Aide-moi à les combattre putain ! Aide-moi à m’en sortir ! Aide-moi à vivre ! Mes phalanges se crispent autour des bandages serrés, la tension qui m’habite est démesurée et je sens l’abattement qui me guette quand soudain c’est une supplique murmurée qui vient caresser mes tympans. – Harvey attends… Et alors, plus rien n’existe autour de nous. Tout est occulté brutalement. Il n’y a plus que ses bras, forts et puissants qui viennent s’enrouler autour de mon corps tendu à l’extrême, ses bras qui me donnent tout à coup une force incroyable et immense, qui me procurent une énergie renversante et je suis bouleversé. Immobile, j’accueille son corps qui se presse contre le mien sans réellement réagir. Alors, tu restes mon amour ? C’est ce que ça veut dire, c’est ça ? Puis, il y a ses mains qui se posent sur ma nuque et s’y accrochent fermement. Mes yeux clairs ébahis se plantent dans les siens, émeraudes, qui brillent à la lueur des vieilles lumières jaunâtres du hangar. – Dégomme-les, bébé… Soufflé par ces mots remplis de puissance, la bouche entrouverte, tout mon corps s’ébranle subitement alors que je réalise qu’il ne partira pas, Terrence. Il ne partira pas, non, il va rester. Il va rester et affronter la dure réalité, avec moi, à mes côtés. Et c’est un sentiment profond et féroce qui m’envahit car ma détermination n’en est que renforcée et au lieu d’être vidé de toute énergie, d’être abattu comme je m’y étais attendu, me voilà rempli d’une puissance nouvelle, d’une envie exceptionnelle. Oh oui, putain, je vais tous les dégommer mon amour ! Pour toi, je vais me battre pour toi. Ça me prend aux tripes, ça brûle à l’intérieur, un sentiment surpuissant m’envahit et le lion en moi rugit intensément tout en s’avançant vers le ring. Mes paumes se frappent violemment l’une contre l’autre et je bande mes muscles jusqu’ici noués, j’échauffe mes épaules dont je vais devoir tirer toute la force. Et c’est habité par la rage que je pénètre sur le ring, tout en ayant conscience des deux prunelles d’opaline qui se concentrent sur moi. Regarde-moi, bébé, regarde-moi les défoncer…
La cloche retentit, je fais craquer ma nuque alors que mes yeux exorbités se fixent sur mon adversaire. Il n’est pas très grand, mais plutôt épais. Il va falloir cogner sur la tête, car sa graisse le protège partout ailleurs, et ça ne me dérange pas. J’ai de bonnes notions de free-fight, avec tout un apprentissage traditionnel de boxe et je me bats depuis suffisamment longtemps pour analyser rapidement mon adversaire. Se battre, ce n’est pas juste envoyer ses poings au hasard en espérant que la chance soit avec nous. Ça requiert du sang-froid, de l’analyse et de la technique. Une seule frappe peut envoyer son adversaire au tapis, si elle est correctement amenée et précise. Pour cela, il faut aussi connaître un minimum le corps humain et son fonctionnement, savoir prendre appui ingénieusement pour s’élancer et donner les coups avec justesse et rapidité. Il y a toujours un temps, en début de combat, où les deux combattants se jaugent, s’analysent et apprennent de leur attitude. Mais moi, je ne suis pas comme ça, du moins je ne le suis pas ce soir. Je ne suis ni tempéré, ni calme et j’ai une rage en moi qui a besoin d’exploser alors j’attaque aussitôt, dans les secondes qui suivent le son strident de la cloche et mon uppercut fait reculer de plusieurs pas mon adversaire, surpris. Sa garde s’abaisse, dommage pour toi mon gars, et c’est une droite violente qui s’écrase sur sa mâchoire et sa joue gauche. Il crache du sang, déjà. Le combat vient à peine de commencer et j’ai déjà pris l’avantage, comme une bête enragée et furieuse qui ne peut contenir plus longtemps sa violence. La rage écumante boue dans mes veines gorgées de sang qui ressortent sur mes muscles bandés à l’extrême, le sang appelle le sang et je me jette dans ce déferlement de colère avec abandon, laissant derrière moi l’homme pour devenir la bête pleinement. Je me laisse posséder par la haine et ma violence n’en est qu’augmentée, mes coups sont précis, implacables et n’offrent aucune chance à mon adversaire de s’en sortir. Il se retrouve bien trop vite assailli par une avalanche de poings qui s’écrasent sur sa tronche d’ivrogne et lorsque sa main tape sur le sol en signe de reddition, je rugis de frustration en m’éloignant de lui au lieu de continuer à lui rétamer la gueule. Un autre ! Putain, envoyez-en un autre ! Mes mains se posent sur les cordages et je fais face à la foule agitée, jusqu’à ce que mon regard capte le sien. Mon pouls est rapide, une certaine tension m’habite et je l’observe sans ciller. T’es resté. Putain de merde, t’es resté. T’en pense quoi, alors ? T’as peur ? Tu me trouves moche ? Il se passe quoi dans ta tête là ? J’ai besoin de savoir, merde, j’ai besoin de savoir si tu m’aimes encore malgré tout ça. T’es pas dégouté de moi là ? J’ai du sang sur la tronche, j’ignore si c’est le mien ou le sien, ce connard m’a bien explosé la tête à plusieurs reprises. Mais tu sais, les coups je ne les sens pas, ils ne sont jamais assez forts, ils ne me brisent jamais. Ils me renforcent tu sais, ils me construisent, ils me font du bien. J’suis taré, c’est ça ? Dis-moi que j’suis taré. Dis-moi que c’est n’importe quoi. Dis-moi que tu ne veux pas de ça. Qui pourrait vouloir de ça putain ? Qui bordel ? Dis-moi qui ? Mon amour… Dis-moi que tu m’aimes, putain. Moi, je t’aime.
On aurait pu se demander ce qu'il foutait là, Terry, petit bout de mec au milieu d'une foule excitée au possible, au milieu des odeurs de transpiration et d'effluves de parfums bon marché excessivement lourds. On aurait pu se dire qu'il faisait tache, qu'il dénotait un peu trop pour faire réellement partie de toutes ces conneries avec son air de gosse perdu dans un supermarché mais il était pourtant bien là, debout, à observer la scène sans trop en comprendre tous les rouages mais certain qu'il n'allait pas se barrer, qu'il allait tout affronter sans sourciller. Il ne comprend pas tout, mais ce qu'il voit le bouleverse. Harvey est habile, malin, rapide, il frappe où il faut quand il faut avec une force que Terry ne lui connaissait pas. Il est beau, aussi, quand il s'exprime même si c'est avec une violence extrême et quand l'adversaire abandonne il ne peut s'empêcher de lancer le poing en l'air en criant, Terry, pas heureux ni pour Harvey ni pour l'autre type, juste satisfait de voir que tout s'arrête, qu'il a un peu de répit pour reprendre un peu d'air, lui qui était resté en apnée toute la durée du combat. Il le regarde s'appuyer aux cordages de ce ring taché d'autres combats surement bien plus violents que celui-là, la peau brillante de sueur et les cheveux blonds en rideau devant son visage ensanglanté. Il a gagné ce round, Harvey. Il a gagné le droit de continuer, il a gagné le droit de prendre un risque supplémentaire, celui de devenir le suivant peut être, le mec au sol, K.O, défoncé, ou à taper de la main pour dire qu'il préfère abandonner. Et ça lui tord le coeur à Terry, ça lui donne envie de pleurer parce qu'il a conscience que si tout fait sens pour son petit ami, que c'est son moyen d'y arriver, de continuer, d'affronter la vie, de pas crever, lui il a encore du mal à assimiler. Se prendre des coups et en donner pour sentir la douleur venir effacer tout le reste... c'était ce qu'il faisait lui aussi, avant, quand il se perdait dans les draps et sous les corps, à vouloir qu'on lui fasse mal pour se rappeler qu'il était encore vivant. C'était deux choses totalement différentes au final. Ou peut être pas tant que ça.
Il n'a pas eu le choix que de rester, en vérité. Parce qu'il est son mec, qu'il le comprend et qu'il ne le laissera pas tomber mais c'est dur dur dur de ne pas sombrer ou de se laisser glisser au sol pour se rouler en boule et hurler. Hurler son besoin dantesque de l'aider, de le protéger, hurler parce qu'il a mal de le voir se bousiller comme ça à cause d'un passé et d'un présent trop lourds à porter. Il a mal pour de vrai, Terry, ca lui ronge l'intérieur et lui ravage le coeur parce qu'il réalise soudain l'ampleur de la souffrance d'Harvey et des démons qui le hantent. Il réalise qu'il ne sera jamais de taille à panser les blessures, jamais assez fort pour arracher de ses mains la douleur qui coule dans ses veines sans jamais vouloir s'en aller. Il est qui finalement, à se croire assez grand pour faire face ? Et pourtant, pourtant il reste là, le souffle bloqué et les yeux durs parce qu'il sait malgré tout qu'il peut y arriver. Il est coriace, Terry, pas du genre à abandonner et même quand on pense que tout est perdu, lui, il s'accroche aux derniers morceaux de radeau. Il ne veut pas flancher, ni se noyer, pas ici, pas devant lui. Ils parleront de tout ça plus tard c'est une certitude, il pleurera probablement seul pour décharger tout ce qu'il encaisse et qu'il ne dira surement jamais, mais là, il faut qu'il reste solide et droit, les épaules en arrière pour faire croire que ça ne l'atteint pas. Et quand il sent le regard d'Harvey chercher le sien il n'hésite pas une seule seconde et fend la foule, joue des coudes, pousse sans retenue du plat des mains parce que c'est comme ça que ça fonctionne ici, non? Il ne s'excuse pas d'être irrévérencieux, ne dit pas pardon parce qu'il s'en fout des autres et n'a qu'un objectif en tête, celui de le retrouver. Il arrive enfin à lui et sans se soucier des regards qui s'écorchent fatalement contre l'image qu'ils offrent, saisit les cordes pour s'aider, un pied sur le ring pour grimper jusqu'à son corps et il l'enlace une nouvelle fois. C'est furtif mais puissant et quand il s'écarte il a le visage carabiné par le fureur, Terrence, une main qui se pose tendrement contre la pommette d'Harvey. Ses yeux s'affolent à la vue du sang et il ne sait pas à qui il appartient mais aussitôt il passe sous les cordages et va chercher un linge humide sans rien demander à personne, tire la main de son petit ami pour qu'il s'assoit sur le petit tabouret en bois placé en coin de ring et lui éponge doucement le visage, accroupit face à lui. Il aimerait lui dire qu'il est fier de lui mais il ignore si c'est approprié, alors il ne dit rien, le fixe du regard et lui sourit. T'es beau, tu sais... lâché sans comprendre pourquoi, la voix douce et le coeur explosé, vulnérable, posé la en offrande en attendant le coup de poignard. Qu'est-ce qu'il fout là lui? Qui l'a laissé monter, bordel?! Clyde. Il est essoufflé, le cigare entre deux doigts et l'autre main qui éponge son front d'un revers de mouchoir en tissu. Brindille tu sors du ring. T'as rien à foutre ici. Terrence se redresse, la main fermement posée contre le torse d'Harvey qu'il sent déja nerveusement se lever, pour lui signifier qu'il s'en charge. Je m'appelle Terrence, pas "brindille" et je suis venu voir Hart' quelques secondes. Ca gêne quelqu'un ? Il ne se laisse pas démonter, veut montrer à ce Clyde de quel métal il est fait, qu'il n'a rien de la feuille de papier ou de la petit branche brisée qu'il semble être aux yeux de ce type. Un peu qu'ça gêne, t'as pas le droit de faire ça. Il hausse les sourcils, Terrence, arrogant et glorieusement prétentieux, le menton levé et la voix faussement menaçante. Ah ouais? Pourtant j'croyais qu'il n'y avait pas de règles dans vos foutus combats ? Clyde soupire, se dit surement qu'il est tombé sur le petit con de service qui lâche pas le morceau, se penche un peu en arrière en tirant sur son cigare quand quelqu'un vient lui murmurer un truc à l'oreille avant de faire un pas en direction de Terrence et de lui murmurer froidement, la fumée qu'il lui souffle à la gueule : t'as pas misé.J'ai pas...Quoi?T'as pas misé sur lui, tu peux pas venir lui parler si t'as pas misé, gamin. Et il se doute que c'est sûrement faux, qu'il n'y a que l'appât du gain qui intéresse cet enfoiré alors il se mord la lèvre, Terry, ne regarde pas Harvey parce qu'il sait ce qu'il verra au fond de ses yeux. Il sait qu'il verra un "non" écrit avec toutes les lettres de son coeur, un "non ne mise pas, ne fait pas ce qu'il dit". Il a l'absolue conviction que c'est ce qu'il verrait alors il s'obstine à affronter le regard de Clyde quelques secondes avant de sortir rageusement son porte-feuille de la poche, les traits tendus, lèvres pincées, sourcils furieux. Il déteste savoir que son petit ami participe à des combats mais ce qui l'exècre plus encore, c'est d'avoir vu des connards miser sur lui. "Hart' va mourir ou va vivre? J'en sais rien mais j'mise 200 dollars !" Ca le répugne et il pourrait fusiller du regard tous les putain de bâtards qui ont osé aligner de la tune pour le voir se faire démonter la gueule. Alors il se maudit intérieurement de faire ce qu'il va faire, lui tend un billet ou deux, il ne sait même pas, attend qu'on lui dise que c'est bon et se retourne enfin, d'un coup, les doigts qui viennent immédiatement se plaquer sur les lèvres de son petit ami. Je sais ce que tu vas dire, mais on a pas le temps pour ça. Le mec que j'ai vu là bas, un certain Jawbreaker si j'ai bien lu les tableaux, a une cote de 3 contre 1 et il doit faire au moins.. deux mètres je sais pas. C'est un immeuble. Il a l'air très énervé Harvey et je... Il déglutit, ne le quitte pas du regard, des larmes qui font briller ses pupilles mais qu'il retient avec force pour ne pas lui montrer qu'il a peur. Je veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit alors tu le défonces, parce que je ramène pas mon mec en morceaux ce soir t'as compris? Harvey, t'as compris?? Surtout que... j'sais pas conduire Daisy moi. Et il espère qu'il dira oui et que ce oui suffira à faire en sorte que tout se déroule bien, qu'Harvey ne sera pas sorti du ring avec le crâne en sang ou les os brisés. Il sait que ce n'est ni le moment ni le lieu pour les élans de tendresse alors malgré son envie irrépressible de le serrer dans ses bras, il se contente de poser une main contre son torse, le conviction placardée au quatre coins de son visage. Tu gagnes. Tu fais comme t'as fait avec le premier. Tu gagnes. Tu m'as dit que quand ça devenait trop dur tu venais pour te battre ? Alors j'veux te voir te battre. Parce que vu sa tête, lui, il hésitera pas. Tu prends toute ta rage, toute ta colère, toutes les douleurs, tu les colles contre tes poings et tu gagnes. Ca va aller. Ca va aller Harvey. T'es beau quand tu combats, même si je déteste ça. T'es beau parce que t'as eu les couilles de me dévoiler ça de toi et que je t'admire. Ca change rien, tu sais. T'as accepté mes démons, j'accepte les tiens. Tu vas gagner et après on rentrera à la maison. Tu vas gagner Harvey, et ceux qui n'ont pas misé sur toi s'en mordront les doigts.
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ Mes mains se serrent sur les cordages à m’en faire blanchir les phalanges, mes yeux scrutent la foule surexcitée et braillarde à la recherche de l’élu de mon cœur et mon cœur fait un bond au creux de ma poitrine lorsque je le vois fendre la foule, pousser des corps qui font le triple de poids du sien, se faufiler au milieu de cet amas grotesque d’êtres humains répugnants et se frayer un chemin jusqu’au ring, jusqu’aux cordages, pour se hisser devant moi. Et c’est sa beauté qui me percute brusquement, sa pureté et son innocence, l’éclat lumineux au fond de ses prunelles émeraude qui me transporte continuellement. Les nerfs à vifs, la respiration défaillante, les muscles tendus, je ne me suis jamais senti aussi vulnérable qu’à cet instant et c’est la première fois, la toute première fois, que je n’éprouve aucun sentiment de peur ou de méfiance. C’est inédit, c’est intense, c’est bouleversant mais je me sens en sécurité car tu es là, avec moi et que ta seule présence suffit à tout balayer. Le noir, le danger, la folie, la colère, la rage, le sang… Tout est éclipsé par ta clarté qui m’éblouit. O mon amour, si seulement tu avais conscience de ta puissance, de tout ce que tu me donnes sans t’en rendre compte, de la façon dont tu m’alimentes, dont tu me nourris et me fait vivre. Tu m’aimes, hein ? Oui, tu m’aimes, je le sais. Son corps se presse avec tendresse contre le mien, contraste exorbitant avec la violence qui pullule dans ce lieu dégueulasse et dans les cœurs de ceux qui se pressent et revendiquent avec véhémence plus de coups, plus de rage, plus de haine encore. Je la prends cette tendresse, je l’emmène au plus profond de moi et elle s’installe contre mon âme, se fait une place bien au chaud et ne bouge plus. Ta tendresse est source de vie, mon amour. Puis, il y a cette main qui se pose sur mon visage avec douceur, ce pouce qui caresse distraitement ma pommette et ses yeux magnifiques qui me dévisagent. J’y lis de la peur dans ton regard, j’y lis de l’inquiétude, j’y lis un peu de désespoir, beaucoup de tristesse mais une furieuse envie de combattre tout ça, une féroce volonté et une détermination titanesque. Il passe sous les cordages sans hésitation, sa main attrape la mienne et me tire jusqu’au coin qui m’est attribué en attendant le prochain combat. Je m’écroule sur le tabouret, pantin désarticulé un peu trop ému pour réagir. Car je suis bouleversé par sa dévotion, je suis touché par son abnégation, et chacun de ses gestes me crie son amour, me hurle son soutien immense. Je n’ai pas l’habitude, tu sais ? Qu’on prenne soin de moi, qu’on s’occupe de moi, qu’on me prenne par la main et qu’on me fasse comprendre que oui, tout ira bien… Toute ma vie, j’ai été abandonné, balancé à droite et à gauche, en errance et sans accroche. J’ai laissé des connards se divertir de ma misérable existence, j’ai laissé des êtres abjects se servir de moi et décider de mon sort sans m’en soucier plus que ça, persuadé que je ne valais rien de plus que le mépris général. Personne ne s’est jamais inquiété de savoir ce que je ressentais, personne ne s’est jamais arrêté sur ma personne pour tenter de comprendre, pour percer les secrets qui habitent mon cœur, derrière mon regard froid, mes phalanges écorchées, ma démarche rigide et mon ton rude. Personne, sauf toi mon amour. Ça m’ébranle, ça me bouleverse et ça retourne tout à l’intérieur. Mes yeux te dévisagent avec une admiration démesurée, je t’observe comme le petit garçon qui voit passer une étoile filante et croit fermement que son vœu le plus cher va être exaucé. Tu exauces déjà tous mes souhaits, tu sais ? Juste en étant là, juste en étant toi. Toi, toi, toi… - T’es beau, tu sais… Je déglutis, mes lèvres s’étirent en un large sourire ému et mes yeux s’emplissent de larmes. Touché, bébé. Mes mains se lèvent, avec la volonté de se poser sur son doux visage pour le saisir en coupe et lui offrir un baiser tendre mais ce doux instant de volupté est brisé par la voix rauque et caverneuse de Clyde qui s’approche, menaçant. A nouveau, je me rends compte que j’avais tout occulté, que le contexte autour de nous ne se prête pas à ces gestes de tendresse et que l’amour est considéré ici, bêtement et à tort, comme une faiblesse. Pourtant, c’est ce qu’il y a de plus fort au monde car jamais je n’ai ressenti une telle force courir farouchement dans toutes mes veines. Je grogne tandis que mes yeux se voilent de noir à nouveau et que la bête ressurgit pour faire face à mon espèce de ‘manager’ qui me les brise sévère d’un coup. Je me tends et commence à me redresser pour rétorquer une injure et le renvoyer paître quand une main se pose au milieu de mon torse et me stoppe dans mon élan. Qu’est-ce que tu fais bébé ? C’est une toute autre tension qui s’empare vivement de moi alors que je fixe Terrence, éberlué. Terrence qui fait face, Terrence qui menace, Terrence qui tient tête, Terrence tel que je ne l’avais encore jamais vu. La surprise laisse rapidement place à un profond sentiment de fierté et d’admiration alors que je l’observe répondre, être sec, prétentieux et arrogant. Les boucles qui volettent tout autour de son visage, son regard fixe et assuré et sa voix qui ne tremble pas mais crache les mots farouchement. Ta force, mon amour, ta force elle est incroyable ! J’en reste bouche bée, extasié et émerveillé devant son impétuosité, son mordant et sa robustesse. Je suis épaté par le courage qui l’habite et qui me souffle, mon corps qui s’écrase dans les cordages et devient mou face à sa vigueur et l’énergie qu’il déploit pour me protéger. Tu me protèges, Terrence, c’est ça ? T’es en train de me protéger là, n’est-ce pas ? Mon cœur explose dans ma poitrine en un millier de papillons qui virevoltent dans tous les sens. Mes yeux détaillent ton visage et les émotions qui transparaissent à travers tes expressions, et je vois que ça ne te plaît pas, non, ça ne te plaît pas qu’on me traite comme un chien ici. T’aime pas que les gens misent sur moi, ça te répugne, ça te dégoute et ça t’énerve. T’as pas envie de le faire, t’as pas envie d’ajouter de la mise sur ma tronche et tu n’as pas besoin de le faire en réalité car ce bâtard te ment. T’as le droit d’être là à partir du moment où je te le permets. Qu’il aille se faire foutre cet enculé, avec son cigare infect, on l’emmerde ! A nouveau, j’ai envie d’intervenir, de m’interposer au milieu de cette transaction frauduleuse, de Clyde qui tend le crachoir pour ramasser un peu plus de thune, toujours plus de thune. L’argent c’est la mort des hommes, c’est la grande faucheuse déguisée, c’est la pomme tentatrice du jardin d’Eden, c’est la ruine du monde. L’argent c’est ce qui nous possède et nous rend aveugle, hermétique, seul… Je suis las de ces conneries. Je ne me suis jamais battu pour la mise, je ne me suis jamais battu pour le gain et je me suis toujours considéré comme perdant peu importe l’issue du combat. Je suis là pour perdre de toute façon. Tu le sais, Terrence, n’est-ce pas ? Il éloigne Clyde, Terrence. Il l’éloigne et la seconde suivante, il y a ses doigts qui se plaquent sur mes lèvres et réclament toute mon attention. Mes yeux sont grands ouverts, ils l’observent, suspendu à ses lèvres, à ses mots et au moindre de ses gestes. – Je sais ce que tu vas dire, mais on a pas le temps pour ça. Le mec que j’ai vu là-bas, un certain Jawbreaker si j’ai bien lu les tableaux, a une cote de 3 contre 1 et il doit faire au moins… deux mètres je sais pas. C’est un immeuble. Il a l’air très énervé Harvey et je… Tu m’informes, tu me soutiens, tu t’inquiètes… T’es là avec moi et tu vis pleinement le moment, durement ancré dans ma foutu réalité. O Terrence, comment peux-tu être aussi parfait ? Je ne te mérite tellement pas, bordel… T’es exceptionnel, transcendant. Je t’aime. – Je veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit alors tu le défonces, parce que je ramène pas mon mec en morceaux ce soir t’as compris ? Ton mec … Je suis encore ton mec. Tes mots me frappent, je me retrouve envahi par un sentiment doucereux et extatique que je ne mérite assurément pas, encore moins vu la façon dont je t’ai traité aujourd’hui. Tu veux me ramener à la maison, mon amour ? C’est ce que t’es en train de me dire ? T’es en train de me dire qu’il va y avoir un après ? Tu ne me laisses pas tomber alors ? Tu persistes et signes malgré ce que tu vois ? Ce soir, tu me ramènes chez nous ? Tu dormiras avec moi mon amour ? Tes bras autour de moi, ta respiration contre ma peau, nos corps enlacés dans la pénombre et les doux battements de nos deux cœurs qui résonnent en rythme, mélodie suave du bonheur… Va y avoir un après, vraiment ? Tu vas rester ? Comment peux-tu ? - Harvey, t’as compris ?? Surtout que… j’sais pas conduire Daisy moi. Cet aspect pragmatique aurait pu me faire sourire dans d’autres circonstances, mais il a pour effet de me ramener à moi et brusquement, j’hoche la tête de façon assuré. Alors que mon corps reposait indolent contre les cordages, je me tends à nouveau et me réveille, résolu à en découdre de nouveau Et c’est comme si j’enfilais mon armure avant de partir sur le champ de bataille, comme si un courant électrique venait d’alimenter les batteries à nouveau : je suis déterminé. Ok, Terrence, j’vais me battre et tout défoncer. Et lorsque tout cela sera terminé, lorsque cette soirée horrifique sera enfin derrière nous, alors je conduirais Daisy sur la route et nous nous enfuirons, loin, très loin de toute cette merde gluante, de tout cet amas de problèmes lancinants et nous rentrerons à la maison, ensemble, là où rien ne pourra nous atteindre, là où seuls nos cœurs et nos corps se retrouveront, là où nos âmes fusionneront, dans l’amour et la pureté… Putain, tu m’aimes c’est ça hein ? C’est ça qui me réchauffe entièrement et qui me donne un punch incroyable, n’est-ce pas ? Tu m’aimes si fort, c’est tellement puissant, je me sens rempli de tout ce que tu m’offres… Oh, tu ne te rends pas compte d’à quel point tu me fais du bien là ! – Tu gagnes. Tu fais comme t’as fait avec le premier. Tu gagnes. Tu m’as dit que quand ça devenait trop dur tu venais pour te battre ? Alors j’veux te voir te battre. Parce que vu sa tête, lui, il hésitera pas. Tu prends toute ta rage, toute ta colère, toutes les douleurs, tu les colles contre tes poings et tu gagnes. Ça va aller. Oui, mon amour, ça va aller. Tu viens de me placer toutes les cartes en mains, de me donner tous les atouts pour remporter le combat, je me sens revigoré, revivifié et c’est grâce à toi. Jamais je ne me suis senti aussi confiant avant un combat. Je ne vais pas te décevoir, crois-moi. Tu sais, je ne pensais pas, j’ignorais, qu’en t’amenant ici tu me témoignerais autant d’amour, que tu m’accorderais toute ta compréhension et au-delà, un soutien indéfectible. Je ne pensais pas que tu pourrais m’aimer autant, je ne pensais pas qu’on pouvait aimer cette partie de moi, je ne pensais pas être digne de tout ça et d’ailleurs, je ne le crois toujours pas mais bordel, t’es là. T’es resté. Et il y a cette flamme que tu viens d’allumer en moi et qui brille avec une force extraordinaire et incroyable. Oh, je vais me battre mon amour. Pour nous. Je vais me battre, Terrence. Pour toi.
Tout s’enchaîne alors à une vitesse hallucinante. Terrence quitte le ring et les acclamations de la foule redoublent d’intensité, une sorte de ferveur malsaine s’élève dans le hangar lugubre et les paris s’affolent. Mon adversaire fait une entrée sérieusement applaudie et je me remémore les conseils de mon petit-ami ‘une cote de 3 contre 1’. C’est donc du sérieux, la mise en bouche est terminée voilà le plat de résistance qui arrive. Il est grand le bougre, il me dépasse de plusieurs centimètres, en grandeur et en largeur si bien qu’on pourrait croire à une catégorie supérieure de combattants. Je fais craquer ma nuque, crache sur le sol et me concentre sur lui. Provocateur, aimant le spectacle, je le devine un brin sadique. Il ne doit pas être du genre à s’arrêter de cogner lorsque son adversaire tape sur le sol. Tant mieux, je n’ai pas l’intention de me montre miséricordieux non plus. La cloche sonne, et le combat commence. Comme deux loups alphas qui s’affrontent en cercle, des coups sont tentés, plutôt hasardeux pour déterminer les failles, repérer les déséquilibres et le manque de technique. Consciemment, je me ralentis afin de lui donner l’opportunité de cogner plus fort et d’en apprendre davantage sur sa réelle force de frappe. Le coup ne tarde pas d’ailleurs et son poing s’explose dans mes cotes, me pliant en deux. J’ai le réflexe de mettre mes mains devant mon visage, là où son genou gauche vient précisément se heurter violemment. L’enfoiré ! Je le repousse alors vivement, le déséquilibrant au passage et ma droite rencontre une partie de sa mâchoire pour l’éloigner plus durablement de ma personne. Il est lourd, ses coups sont rocailleux et font des dégâts (je sens mes cotes douloureuses déjà) alors je dois éviter au maximum de m’exposer. Fais-le courir, boy, épuise-le. Je sais d’avance que tout cela va être éreintant et si je ne veux pas me faire laminer bêtement, il va me falloir toute ma concentration. Je ne baisse pas ma garde, et je me repose fermement sur mes appuis, le laissant attaquer et dévoiler son jeu lors d’un premier round tendu. Il est mauvais en jambes, ses kicks ne sont pas soignés mais c’est sa force brute qui reste son principal atout et peut à tout moment lui faire gagner l’avantage. Je ne le sous-estime aucunement, c’est un combat difficile à gagner. Et alors que la cloche a sonné la fin du premier round, je perçois du mouvement dans mon dos qui m’alerte et j’évite de justesse un drame lorsque son pied heurte violemment mon flanc gauche. Il m’aurait touché au milieu du dos, il m’aurait brisé. Le choc me pousse tout de même dans les cordages et il se jette sur moi la seconde suivante, prêt à me terrasser littéralement. Cet enculé a pris l’avantage de manière déloyale, mais qui criera au scandale ? N’est-ce pas là le but des combats clandestins ? Pas de règles ! La foule est en train d’exploser de joie justement et je me fais rétamer la tronche, je suis sonné alors que les coups pleuvent sur mon crâne et alourdissent mon corps. Sors de là, boy, dégage-toi des cordes ! J’inspire profondément et me baisse brusquement dans une tentative pour échapper à la tempête que j’essuie, et j’évite un énième coup de poing qui frappe l’air furieusement. Une fois sorti de cette zone dangereuse, je me ressaisis difficilement. Mon avantage, c’est qu’il aime être acclamé alors tandis qu’il fait le mariole, je me reprends. Ma vision a beau être brouillée, j’ai beau être sonné à cause de tous les pets que je me suis pris dans la gueule mais j’ai toute ma tête, et je sais ce que je dois faire pour prendre l’avantage et mettre fin au carnage. Je sautille un peu, trépigne sur place, j’ai besoin d’une impulsion et d’élan. Me voilà donc qui grimpe sur les cordes rapidement, leste malgré tout et agile, pour m’élancer et exploser mes poings serrés l’un contre l’autre sur son crâne brutalement, mes jambes qui compressent fermement ses épaules. Je déverse alors toute ma rage, toute ma colère sur sa nuque et je le laisse s’effondrer au sol, vaincu. Qui fait le rigolo maintenant, hein ? L’arbitre vient dans le ring pour constater du knock-out et lève mon bras pour annoncer le vainqueur. Ça râle dans le hangar, car peu avaient parié sur ma trogne. J’ai le goût du sang dans la bouche, des ecchymoses un peu partout et je ressens déjà la douleur dans tout mon corps. C’est donc péniblement que je sors du ring et cherche mon amour du regard, un peu perdu et un peu vide. J’ai tout donné, Terrence, je t’assure. Ce n’était pas facile, il était coriace, mais j’ai réussi. T’es fier de moi, mon amour ? T’es où ? On rentre maintenant, non ? C’est fini, n’est-ce pas ? T’es où ? - Terrence ? Bébé ?
La noirceur existait partout. Dans les lieux, dans le temps, dans les gens, et si Terrence en était empli il comprenait désormais que ce n'était pas une blague quand Harvey lui disait que la nuit l'habitait également, qu'ils partageaient ce tourment. Il en avait eu un aperçu à Sydney mais aussi la première fois qu'il avait pénétré son appartement, la première fois qu'il avait pu évaluer la taille des blessures dans son âme au nombre de bouteilles d'alcool vides disséminées un peu partout, qu'il avait vaguement entrevu l'ampleur des dégâts à l'odeur et au bordel qu'Harvey avait laissé s'installer doucement au fil du temps, centimètre après centimètre, pièce après pièce. Mais il n'avait pas nettement compris à quel point le passé de son petit ami l'avait défoncé, avait brisé tous les os de sa persévérance comme on donnerait des coup de talons sur une planche de bois pour la détruire avec rage. Il était bousillé jusqu'au fond, Harvey, et c'était visible sur son visage pour qui le regardait vraiment. Les sourcils affligés, les yeux vides, les poings serrés; le noir, c'était surement ce qu'ils partageaient de plus triste, tous les deux. Mais le noir ce n'était pourtant que l'assemblage cacophonique de toutes les couleurs. Alors s'il y avait des ténèbres en eux, il y avait forcément de la couleur, aussi, quelque part... Terry aurait pu se faire cette réflexion s'il en avait eu le temps, mais tout s'enchaine assez vite et il avance avance avance, comme à son habitude, ne laisse pas le temps à son cerveau de suivre ou de répliquer mais écoute ses instincts, les laisse même prendre le dessus sur toute raison. C'est le coeur qui parle. Surement qu'il aurait dû rester "à sa place", le cul sur sa chaise rouillée à écouter Clyde lui répéter à quel point Harvey était bon et qu'il rapportait beaucoup d'argent, sûrement qu'iil aurait dû fermer sa gueule, petit rien au milieu d'un tout bien trop étouffant pour qu'il sache encore trouver son air mais il tient le coup, en apnée jusqu'à ce qu'il retrouve Harvey. Harvey qui est en sang, Harvey qui ne dit rien, Harvey qui écoute et qui sait que le temps des explications viendra, mais que ce n'est pas maintenant. Terrence ne se pose même pas la question de savoir ce que son petit ami a pensé de sa mise forcée, des tunes déposées dans les mains de Clyde, l'important c'est de lui parler, ne se demande pas si le sang qui recouvre son visage est le sien ou celui de son adversaire. L'important c'est de l'éponger. C'est de le prévenir que le danger est après, que la grosse brute qui arrive n'est pas là pour faire du tricot. Il aimerait se jeter à son cou, lui dire de ne pas y aller, lui hurler qu'il voudrait rentrer, qu'il en a vu assez. Qu'il a le coeur en miettes et les yeux brûlants de retenir ses larmes mais tout ce qu'il arrive à faire c'est l'encourager. Parce qu'il sait qu'Harvey ne bougera pas d'ici, qu'il va combattre et qu'il n'est pas le genre à abandonner. Alors il lui dit de foncer, de gagner et puis il doit s'en aller sans aucune autre réponse d'Harvey que ce que ses yeux clairs lui renvoyaient. Il allait tout donner. Et les pieds de Terry ont à peine touché le sol hors du ring que la cloche tinte à nouveau. Il se retourne alors pour voir le combat, percuté dans tous les sens parce qu'il est tout devant et qu'ici se trouvent les pires raclures, ceux qui postillonnent en criant, ceux qui lèvent le bras en libérant des odeurs dégueulasses, ceux qui ont le ventre proéminent et qui bousculent bousculent parce qu'il faut être au plus près, pour voir la violence dans sa forme la plus brute, parce qu'il faut être juste devant l'horreur pour s'en satisfaire pleinement, apparemment. Il est là, Terrence, au milieu de ça, debout, bien droit, le cou tendu, le regard fixe. Il ne le quitte pas du regard, son Harvey, le voit jauger l'adversaire, voit qu'au fond de ses prunelles céruléennes il y en lui l'envie d'en découdre. T'as besoin d'avoir mal toi aussi, Harvey? Il t'est arrivé quoi pour que tu cherches à ce point les coups, les prendre ou les rendre... il t'est arrivé quoi? Et à mesure que le combat avance, il sent Jawbreaker prendre l'avantage et la foule qui hurle en sa faveur. Il fait le mariole, Jaw, il fait le show et il voit qu'Harvey est en difficulté dès les premières minutes aux coups qu'il se prend. C'est difficilement supportable mais il ne détourne pas les yeux un seul instant, Terry, même si c'est effrayant, même si son sang ne fait qu'un tour. Et il hurle HARVEY ! alors que ce dernier est plié en deux, sans savoir s'il l'entendra . Surement que non, surement que sa voix fluette s'est perdue quelque part entre les braillements trop gras et les coups qui s'enchainent, mais il continue de joindre ses cris à la fureur ambiante, la respiration lourde et rapide, les boucles qui volent devant ses yeux au rythme des bousculades. Soudain, tandis qu'il sent une main se poser sur son épaule, il fait volte face brusquement et se retrouve nez à nez avec Clyde qui l'aide à sortir de la mêlée. Sans un mot, Terrence le suit et lorsqu'ils sont moins compressés par le reste de la foule, l'observe tirer sur son cigare, le jauger de haut en bas, d'un air mauvais. T'y connais rien à tout ça, j'me trompe? Terrence, les yeux vissés sur Harvey, le coeur en équilibre au dessus du vide à chaque coup porté, ne répond pas. Il n'a pas envie de lui donner la satisfaction de se sentir plus supérieur encore qu'il ne semble l'être déja. Ouais... J'men doutais, t'y connais foutrement rien. Ca se voit. T'aurais pas misé quand je te l'ai demandé, si t'y connais quelque chose. Ca te fait quoi de le voir se battre ? Avant ce soir, tu savais qu'il venait se faire défoncer la gueule régulièrement pour le plaisir? Parce que tu sais, c'est lui qui a voulu venir, là. Il m'a presque supplié. Tu lui a fais quoi pour qu'il ait envie de t'punir comme ça avec ce putain de spectacle? Les machoires de Terrence se crispent et il laisse passer quelques secondes avant de répondre, le regard toujours attentivement porté sur Harvey. Ca change quoi que j'y connaisse quelque chose à toutes ces conneries? Vous avez eu votre argent, et moi j'ai mon mec encore vivant. Le reste on s'en fout. Il voit qu'autour d'eux les gens ne se gênent pas pour fumer alors il sort une cigarette de sa poche, juste pour le geste, pour se donner une assurance qu'il n'a pas et les mains tremblantes il allume l'extrémité avant de tirer une bouffée et de recracher la fumée. C'est pas une punition de le voir se battre.Mensonge. J'ai mal.Il est doué. C'est vous qui devriez le supplier de venir ici. Et lui qui devrait refuser.C'est bien mal connaitre ton "mec" alors. Tu vois pas qu'il adore ça, frapper, ou qu'on le frappe? Regarde-le, là, pitoyable et pathétique à rechercher des coups pour calmer un putain de mal-être pas soigné. Moi j'men fous tu sais, il me rapporte du fric. Mais ces gars-là, crois-moi, ils ont la baffe facile alors tu devrais te méfier de lui. Ce mec est insupportable et sa méchanceté n'a d'égale que son agressive arrogance mais Terrence lui fait face enfin mais ne se démonte pas alors qu'il n'a qu'une envie, c'est d'éclater en sanglots. Jamais Harvey ne lèverait la main sur lui, il en est persuadé. Il n'était pas comme ça. Pourquoi il viendrait ici, sinon? Et alors qu'il voudrait répliquer il aperçoit l'adversaire d'Harvey lancer son pied vers son dos et c'est brusquement qu'il retient sa respiration, Terry, crie en silence, les bras tendus instinctivement en avant comme s'il pouvait protéger son petit ami de là où il se trouvait. Peut être que ça a marché finalement, peut être que l'éclat de voix de son coeur a été suffisamment puissant pour arriver jusqu'à lui parce qu'il pivote, Harvey, et évite le pire. Sans réfléchir, il veut courir, Terrence, retourner auprès de lui et au diable les bousculades, il sait qu'il est capable, qu'il tiendra le coup. Mais alors qu'il esquisse un mouvement en avant pour retourner près du ring, il sent qu'une main lui retient l'avant bras. Ses yeux en colère glissent le long du bras jusqu'au visage de Clyde et il tente de se dégager de l'étreinte mais elle est si puissante qu'il n'y parvient pas. Putain mais lâchez-moi ! Pas intimidé pour un sous, c'est sans un mot que Clyde le tire avec force au plus proche de lui, son visage collé contre celui du sien Si j'étais toi, Terrence, je fermerais gentiment ma gueule et je suivrais Duncan sans faire d'histoire. La situation prenait une tournure improbable et il a soudain très peur, Terry, ne comprend plus rien, la gorge seche, le coeur qui s'effrite et les poumons en feu. Duncan? Il n'a le temps de se poser de question qu'un mec encore plus gros et grand que Jawbreaker lui attrape le poignet avec beaucoup trop de force. Suis-moi, Terrence. Et s'il sent que tout lui échappe, il a quand même une certitude: il doit prévenir Harvey. Alors il le cherche frénétiquement du regard parce qu'il a entendu la cloche mais n'a pas vu la fin du combat alors il ignore s'il va bien, et ça l'effraye bien plus encore que tout le reste. Il faut qu'il vérifie qu'il va bien. Il faut qu'il vérifie qu'il n'a rien. Alors il sautille avec l'énergie du désespoir au dessus des têtes mais ne voit qu'un amas de cheveux et de fumée et son angoisse se transforme en colère sourde. Il faut qu'il vérifie qu'il n'a rien. Il doit s'assurer qu'il n'a rien ! Dans un sursaut d'inconscience il freine la marche et il tente de tirer en arrière sur son poignet pour le sortir de l'étau que forme la main de Duncan mais c'est peine perdue parce qu'il n'a clairement pas la force nécessaire pour s'opposer à la montagne qui lui fait face. Arrête, Terrence, tout va bien, je dois juste t'amener là bas. Elle est étrangement douce, la voix du molosse et ça contraste avec son allure et la situation. Peut être qu'il ne fait qu'obéir, peut être qu'il n'est pas méchant, finalement, alors, résigné, Terrence l'écoute, les yeux qui balayent néanmoins la foule pour vérifier une dernière fois qu'Harvey est vivant. Puis il passe au travers de couloirs dégueulasses aux murs recouverts de mousse, de rouille et de toiles d'araignées avant qu'enfin on le fasse entrer dans une salle vide et sombre. Il panique mais ne dit rien, voudrait que le sang circule de nouveau dans sa main alors il demande à Duncan de le lâcher. Ce qu'il fait. Il inspecte rapidement la pièce dans laquelle il se trouve, Terry, et il n'y a rien pour le rassurer; face de lui, une table, des chaises, autour des murs de béton et une petite lucarne. Impossible de s'échapper. Mais putain de merde, c'est quoi ce bordel???? Il panique vraiment, Terrence, est terrorisé mais il le sait, il doit garder son calme alors il ferme les yeux deux secondes, enfile le masque pas très convainquant du mec qui peut gérer cette situation et se tourne vers Duncan. Tu peux m'expliquer ce qui se passe? J'suis où là? Les mains derrière le dos tout en lui barrant l'accès à la porte, le cerbère hoche la tête. J'peux rien dire, Terrence. Faut attendre.T'en sais pas plus que moi, c'est ça ? Il pourrait sortir son téléphone de sa poche et envoyer discrètement un sms à léo ou à gabriel, mais Duncan a les yeux braqués sur lui, dissuasifs, stoïques. Et il se demande bien ce qui se passe alors qu'à l'autre bout de l'entrepot, Clyde venait tout juste de trouver Harvey pour l'amener au même endroit...
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ L’atmosphère est lourde, chargée en humidité moite, nocive et maladive. Mon regard est voilé et j’ignore si c’est à cause du sang ou des pleurs qui inondent mon visage. Je suis perdu, à la dérive, dérouté et chancelant alors que mes pieds foulent le sol terreux du hangar, refuge d’une marée humaine frelatée pour la soirée. Je suis à ta recherche de mon amour, mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine et le son de ses battements résonne à mes tempes, martèle mon crâne ; le sang qui pulse dans mes veines alimente en moi la peur qui s’insinue, cruelle, et domine largement tout autre sensation. La souffrance est éclipsée, la colère éludée, la fatigue mise de côté, et seule la terreur vibre, sournoise, malveillante et bornée. Où es-tu mon amour ? Pourquoi est-ce que je ne te vois pas ? Pourquoi est-ce que tu ne m’apparais pas cette fois ? J’ai fait ce que tu m’as dit pourtant : j’ai gagné le combat, n’es-tu pas fier de moi ? Où es-tu ? Je me suis battu pour toi… Impossible de le trouver parmi la foule en liesse, qui se tasse et se presse autour du ring en réclamant son dû, cet argent sale dont l’odeur flotte dans l’air et perturbe l’atmosphère de son purulent effluve. T’es parti, c’est ça ? C’était trop dur pour toi tout ça, n’est-ce pas ? T’as eu raison, je ne peux pas t’en vouloir… T’as pris la meilleure décision ce soir, c’était ce qu’il fallait faire… Mon cœur éclate, mon cœur explose, mon cœur n’est plus qu’un organe putride qui assure sa fonction péniblement. Et c’est la tristesse qui s’abat sur mes épaules au même moment où la large main de Clyde claque sur mon omoplate dans un élan de fierté, tel le parieur qui félicite son poulain pour la prouesse accomplie et le valorise à sa manière pour s’assurer qu’il réitérera l’exploit. L’abattement est tel que je ne cherche même pas à me dégager de son emprise, et que je me résous à courber l’échine. T’es qu’un chien après tout, un chien qui mord et sur lequel on pari. Tu ne sers qu’à renflouer les poches de profiteurs véreux, tu n’es qu’un objet qui sert à faire du profit, utile un temps, remplaçable à tout moment… Tu n’es rien en somme. – Ça c’était du spectacle, gamin ! T’as sorti tes tripes ce soir et tu les as tous mouché ! Entends-les râler sur les mises qu’ils ont perdues ! J’le savais qu’il ne valait rien leur molosse, tout dans les muscles rien dans la tête. Pas comme toi, champ’, hein ? Tiens, éponge-toi la tronche t’as du sang partout là, tu dois rien y voir. Un linge sale m’atterrit entre les mains. Je ne réfléchis pas et je l’appose sur mon visage meurtri aux multiples ecchymoses. J’ai sacrément mal à la joue droite et la paupière au-dessus enfle légèrement, ce qui me fait grimacer quand j’applique le linge humide sur mon visage. – Terrence… Je prononce dans un murmure, la voix qui se meurt entre mes lèvres. Est-ce que j’aurais la chance de te revoir un jour, Terrence ? Est-ce que mes yeux supporteront de se poser sur ton doux visage en sachant que je t’ai perdu à jamais à cause de ce que je suis ? Je ne crois pas que je pourrais le supporter, non. Je ne crois pas. Une bouteille de whisky se retrouve plaquée contre ma paume de main et la voix caverneuse de Clyde m’ordonne – Tiens bois ça, champ’, tu l’as mérité ! J’obéis, instrumentalisé par la cruauté sans limite de mon manager qui connaît mes démons et les alimente pour garder la main sur ma personne. L’odeur de son cigare envahit mes narines alors que le liquide brûlant coule le long de ma gorge, pour venir noyer ma peine avec son ivresse. Je veux tout oublier, oui. Car mon cœur qui meurt m’insupporte, car la douleur de l’affreuse et impitoyable réalité me broie tortueusement, car ma conscience me ramène à tout ce que je viens de perdre ce soir… L’espoir, t’as perdu l’espoir boy. T’es foutu maintenant. – Ta brindille a pas supporté l’spectacle, gamin. Quelle idée d’le ramener aussi ! Il a rien à foutre à côté d’un ring ce môme, il n’est pas de ta trempe celui-là. Mes mains viennent brusquement se poser sur mon visage alors que je m’effondre en sanglots, impuissant et terrassé par le désespoir qui m’envahit et m’engloutit brutalement. Assis sur un banc crasseux au milieu d’un tas d’humains plus repoussants les uns que les autres, ma peine s’écoule, immense et harassante. La main de Clyde revient claquer sur mon omoplate et sa voix atypique reprends juste après – Allons champ’, te mets pas dans des états pareils, je m’en suis occupé de ta brindille, je l’ai mis à l’écart. Il y a un petit temps d’arrêt, un petit temps de latence où je ne saisis pas vraiment le sens de ses paroles. Puis, je relève la tête et mon regard embué de larmes cherche celui de Clyde, gamin perdu qui cherche des réponses face au grand vide de sa vie. Ça signifie quoi ça Clyde ? Tu l’as mis à l’écart Terrence ? Tu lui as fait quoi exactement ? Pourquoi à l’écart ? Il est où ? Et brusquement, c’est toute ma force qui me revient et mon cœur qui se remet à fonctionner. Je me lève d’un coup et lui fait face, avec pour seule interrogation – Où ? Où il est ? Où est mon mec ? Pourquoi est-ce que cette soirée m’échappe complètement et pourquoi dévie-t-elle dangereusement vers une tournure étrange ? Une peur ankylosante s’empare de mes muscles qui se bandent pour faire face à un Clyde nonchalant et stoïque. – Suis-moi gamin, je t’y emmène, t’en fais pas. Il me crache la fumée noircie de son cigare en pleine visage, me sourit et me tourne le dos. Je connais ce sourire, Clyde, c’est celui du profit et il ne me dit rien qui vaille. Pantin désarticulé, c’est la peur au ventre que mes pas se collent aux siens et que je déambule parmi la foule, piètre gladiateur qui se rend à l’exécution et se jette désespérément dans la fosse aux lions. Oh pourquoi je t’ai amené ici, Terrence ? A quel moment est-ce que je me suis dit que c’était une bonne idée ? Pourquoi j’ai fait ça ? Et je prie, je prie tellement fort pour que cette soirée ne vire pas au drame. Deux molosses m’encadrent rapidement, leurs souffles chauds se répandent sur mes épaules et je comprends alors que je me suis fait avoir comme un débutant. Montrer mon affection pour Terrence, c’est comme tendre la clé de mes chaines à mes bourreaux et je commence à peine à m’en mordre les doigts. Le hangar bruyant laisse place à des couloirs sombres et silencieux, je m’enfonce dans les ténèbres à la recherche de ma lumière, la peur au ventre et le cœur qui tambourine fort, fort, fort contre ma poitrine. Et alors qu’on arrive devant une salle, j’aperçois par la lucarne mon petit-ami. Ses boucles volantes tout autour de son visage attristé. C’est moi qui te fait ça Terrence, j’en suis horriblement désolé. Un poing s’écrase sur mon torse et mon dos heurte violemment le mur. Rien ne sert de lutter, je suis à leur merci. Clyde s’approche, et ses dents brillent dans le noir alors qu’il explique – Tu vas bien m’écouter maintenant gamin. Ta brindille là, je la brise en claquant des doigts. Je n’ai qu’à siffler et Duncan le réduira en miettes. C’est pas ce que tu veux n’est-ce pas ? Mon regard cerné de noir fixe mon bourreau intensément, en attente des conditions qu’il va émettre pour négocier la libération de Terrence. La fumée épaisse de son cigare se répand une nouvelle fois tout autour et il poursuit, en gardant ce sourire carnassier qui le définit si bien. – J’veux que tu m’signes un putain de contrat, champ’. Un putain de contrat qui t’oblige à te battre pour moi quand je le décide et j’veux que tu me cèdes ta part sur les mises à hauteur de 80-20, non négociable. Si je signe ce foutu contrat, je vends mon âme au diable. J’en ai parfaitement conscience. Mon regard ne cille pourtant pas, car je sais que la menace est réelle. L’heure n’est pas aux négociations. – Et m’prends pas pour un con gamin. C’est moi qui décide de ton sort. Si tu gagnes ou si tu perds. Si tu m’la fais à l’envers… Je la casse en deux ta brindille c’est clair ? Je déglutis, serre les dents et refoule toute la répugnance que j’éprouve à son égard. Oh Terrence, qu’est-ce que j’ai fait ? J’hoche alors la tête, n’ayant pas d’autres choix que d’accepter ces termes abjects pour obtenir la libération de mon amour. – Parfait ! Laissez-le entrer. Les molosses me relâchent, la porte s’ouvre et je pénètre dans la pièce avec la honte cuisante qui se lit sur tout mon visage. Oh mon amour, ils ne t’ont rien fait au moins ? Viens, viens contre moi. Nos torses se heurtent, mais c’est l’amour qui me percute et me transcende alors. Oh ton odeur, ta douceur… Oh mon amour, qu’ai-je fait ? Et je te serre, serre, serre si fort contre moi. Mes larges paumes qui descendent le long de tes épaules jusqu’au milieu de ton dos alors que mon visage s’enfouit dans ton cou et tes cheveux. Les larmes s’écoulent malgré mes paupières fermées et je savoure cette étreinte comme si c’était la première et la dernière à la fois, symbole d’éternité. Le temps s’arrête, nos cœurs fusionnent et je m’en veux atrocement. De te faire ça, de t’obliger à vivre tout ça, à ressentir tout le mal qui hante ces lieux, qui me hante moi… J’aurai aimé te tenir à l’écart de ça… Mais tout ça, c’est moi. Le claquement de langue de Clyde résonne dans la pièce et j’entends sa voix moqueuse dire – Ne sont-ils pas mignons nos tourtereaux ? Mon regard noir se porte vers lui et je vois Duncan déposer un papier, ainsi qu’un stylo sur la table qui se trouve au centre de la pièce. Le fameux foutu contrat. – Allez Champ’, une petite signature et vous êtes libres. C’est pas cher payé je trouve. Pour l’instant… Je me détache alors à contrecœur de mon amour et j’évite son regard en m’avançant près de la table pour me saisir du stylo et apposer rapidement ma signature en bas de la maudite feuille. Je lis mon sort au funeste destin, et peut-être que c’est tout ce que je mérite finalement… De crever comme un chien.
Il fait froid dans cette cage de beton et il sent sa respiration prendre un peu trop d'amplitude, les poumons qui luttent furieusement pour se remplir d'un air qui semble manquer en ce lieu tant il est hermétiquement fermé. Et il étouffe, Terrence, il le sent, ça pulse partout sous son crâne, sa gorge est en feu et il a les dents qui se serrent, mâchoires contractées. Parce qu'il s'inquiète affreusement, parce qu'il a peur, parce qu'il ne comprends rien. Mais s'il n'a pas encore saisi la raison de cet isolement forcé, il y a une chose qu'il sait: Harvey n'est pas derrière tout ça. Il a bien compris que c'était pas prévu au programme, que son petit ami l'avait amené ici seulement pour lui faire part de sa noirceur à lui, celle qu'il avait peur de lui avouer par crainte de le voir fuir pour toujours, qu'il avait courageusement franchi ce pas décisif pour lui dire en silence qu'il n'était pas si parfait qu'il le pensait et lui montrer sa part d'ombre en espérant que malgré tout il resterait. Il avait fait cet effort incommensurable pour lui témoigner sa confiance, mais certainement pas pour lui montrer la pourriture dans le coeur des autres. Et c'est pourtant ce qu'il voit, Terry, occultant les combats auxquels il venait d'assister. Il la voit, la merde saisissante de laideur qui entoure le coeur de Clyde, celle qui dégueule aussi par tous les pores des enfoirés restés là-bas près du ring, à lancer sans honte des paris toujours plus grands sur la gueule d'autres mecs comme Harvey qui n'avaient peut être pas d'autre choix que de venir ici. Harvey, t'es où? Dis-moi que t'as rien, dis-moi que t'es en sécurité. Est-ce que Clyde se sert de moi pour te faire chier? Pour te faire chanter? Et ça lui fait soudain un déclic dans sa tête à Terry, parce qu'il a toujours le cerveau qui fuse dans tous les sens, à élaborer mille plans et mille possibilités. Ca fait un déclic et il comprend qu'il va très probablement servir de monnaie d'échange, que Clyde va fatalement demander quelque chose à Harvey en utilisant Terrence pour qu'il accepte, jouer sur la corde sensible. Et c'était surement leur erreur à tous les deux, d'avoir témoigné ostensiblement leur affection l'un pour l'autre. Ils n'auraient pas dû. Pas ici. Peut être que s'ils s'en sortent indemnes, ça leur servira de leçon. Il soupire, fait les cent pas, touche les murs à la recherche d'une aspérité qui laisserait découvrir une porte dérobée -il avait une imagination un peu trop fertile- ferme les yeux, les rouvre, s'approche du molosse, le pas lent, la voix douce. Hey. Duncan, c'est bien ça? Duncan hoche la tête. Je... écoute, je sais que t'en sais pas plus que moi et que tu ne me veux pas de mal. T'as pas l'air méchant et je veux croire que tu es gentil. Je... Il cherche ses mots, baisse la tête, fait jouer de ses yeux de chien battu pour le soudoyer. On ne se connait pas, mais tu sais, j'ai pas mal d'argent et... je sais pas combien te paye Clyde, mais je double si tu me laisses sortir d'ici. Le molosse ne cille pas d'un millimètre, le regard fixé sur Terry. Il mesure plus de deux mètres, doit bien peser dans les 140 kilos de muscles et il ne faut pas avoir fait des études supérieures pour comprendre qu'un affrontement au corps à corps aurait été perdu d'avance. Il ne répond pas, Duncan, mais Terry remarque son imperceptible moue désolée en coin de lèvre, alors il poursuit. Et si tu veux pas, dis-moi au moins ce que tu sais. J'ai froid, j'ai embêté personne et je veux juste retrouver mon copain. Hart', tu sais, le blond qui s'est battu tout à l'heure pour le compte de Clyde. C'est mon petit-ami et... j'voudrais le retrouver. Tu veux bien faire ça pour moi? M'aider à le retrouv...
Mais il n'a pas le temps de terminer sa demande, Terry, qu'il aperçoit Harvey de l'autre côté de la lucarne. Harvey, le visage tuméfié. Harvey, l'air dépité, Harvey avec le regard de celui qui a abandonné. Il le voit, se faire acculer contre le mur sans réagir après que leurs yeux se soient croisés et il fait un pas en avant mais se fait stopper net par la paume massive de Duncan contre son torse. HARVEY !! Duncan, laisse-moi passer ! Mais il n'obtient aucune réponse. Il a le regard inquiet, sent que ça se passe mal de l'autre côté mais il n'a pas le droit d'avancer alors il observe la scène, impuissant, la colère qui monte et qui refuse de s'en aller. Clyde est là, maintient Harvey, lui crache des paroles qu'il ne peut pas entendre mais il se doute que c'est sérieux parce que ça dure beaucoup beaucoup trop longtemps. Il croit même voir son petit-ami hocher la tête avant que la porte ne s'ouvre enfin pour le laisser entrer et il n'attend pas une minute de plus, Terry, pour se jeter contre lui, les mains qui s'agitent frénétiquement sur la peau de son visage, se heurtent au sang, aux gonflements dus aux coups qu'il avait reçu pendant le combat. Il veut vérifier qu'il va bien, qu'il n'a rien, que ce connard de Clyde ne lui a pas fait de mal. Harvey, dis-moi que ça va! Mais il ne répond pas, Harvey, recherche sa chaleur, le visage enfouit dans son cou. Alors il prend sur lui, Terrence, va chercher tout au fond la force nécessaire pour le rassurer, de lui murmurer moi j'vais bien... j'vais bien, avant que son attention ne se reporte sur Clyde. Il est médisant, il se fout clairement de leurs gueules et ça le met en rogne, Terry, ça lui fait froncer les sourcils et crisper les mâchoires. Il voudrait répondre un truc bien cinglant, lui cracher d'aller se faire foutre mais il n'en a pas le temps. Un papier qu'on dépose sur la table, des mots lancés d'une voix sifflante et il a peur de comprendre, peur qu'Harvey signe un pacte avec le diable, qu'il remette son destin entre les mains d'un enfoiré de première qui ne fera qu'une bouchée de lui quand il l'aura à sa merci. Il reste là, les yeux posés sur son petit ami, la respiration en arrêt, le coeur au dessus du vide, tétanisé. Ne signe pas, ne signe pas, ne signe pas... Harvey ne signe pas.. Mais il signe. Il signe et ça lui donne envie de pleurer à Terry, parce qu'il n'est pas d'accord, parce qu'il refuse fermement que son mec se laisse embobiner comme ça. Eh ben voilà Champ' ! Tu vois que des fois t'es intelligent ! T'as fait le bon choix, crois-moi. Il s'apprête à récupérer la feuille mais c'était sans compter sur la rapidité de Terrence qui se précipite et la lui arrache des mains avant de la déchirer d'un geste sec et plein de rage. Mais putain de merdeux de mes couilles ! Le regard furieux, Clyde, désarçonné, observe tour à tour les molosses et Harvey avant de s'arrêter sur Terry. Tu fous quoi bordel, tu sais pas ce que tu viens de faire ! Tu sais pas ce que tu viens de faire ! Mais il ne connait pas "brindille", il ne sait pas qu'il plie peut être mais ne se brise jamais. Il ne sait pas qu'il n'a peur de rien quand il s'agit d'aimer et d'aider, que les menaces et les regards noirs ne l'impressionnent pas parce qu'il a été forgé à coup de cuir dans le dos, à coup d'insultes, à coup de douleur, alors il s'approche, la fureur ancrée partout sur son visage et il lui dit, menton en avant. Détrompez-vous, je sais très bien ce que j'ai fait. Il ne signera pas. Pas tant que je n'aurais pas lu entièrement votre putain de contrat. On se reverra, Clyde, mais prenez rendez-vous, j'suppose que vous savez déja comment nous joindre de toute façon. Vous en faites pas, on viendra. Mais j'ai fait des études de droit, vous savez pas à qui vous avez affaire. Il a interêt à être en béton votre machin. Et dans un geste plein de rage il vient appuyer les morceaux de feuille contre le torse de son interlocuteur médusé et part se saisir de la main d'Harvey. Viens bébé, on s'casse vite d'ici. La pourriture c'est contagieux.
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ Il aura suffi d’un simple faux pas, de nos cœurs exposés et vulnérables sur un ring surélevé, de notre amour dévoilé au grand jour, si pur et si innocent, au beau milieu d’une foule grouillante de malfrats ; et là où la haine est toute puissante, l’amour n’a pas sa place. Car même s’il vibre, même s’il est intense et fier, même s’il a la capacité de déplacer des montagnes, il se fait engloutir par la cruauté du pire de l’humanité. Je me rends compte de l’immensité de ma bêtise lorsque l’odeur âpre du cigare de Clyde vient irriter mes narines, et je me sens terriblement stupide et impuissant. Pourtant, aussi repoussant soit-il, je me plie à sa volonté car je ne peux pas imaginer qu’il puisse s’en prendre à Terrence. Tu es là, mon amour. Tu es là, séquestré dans une pièce à l’humidité douteuse, gardé par un molosse qui ne sait pas penser par lui-même, sûrement terrifié et bouleversé. Qu’ai-je fait ? Pourquoi ai-je pensé que t’amener ici était une bonne idée ? Faut-il bien que je sois un abruti fini parfois ! Je me flagelle mentalement tout en acceptant les conditions de Clyde en hochant la tête. Je ne suis qu’un pantin après tout, non ? Qu’un homme qu’on instrumentalise et dont on se sert impunément en se fichant de ses ressentis. Tu ne ressens rien, t’es qu’un chien. Mais ce n’est pas le cas, car j’ai mal, je souffre et il y a cette colère en moi que je ne sais pas extérioriser autrement que par les poings. Elle me tourmente, elle me rend fou, elle me possède et le seul moment où je l’autorise à prendre le dessus, c’est ici, parmi les rats de la société, au milieu de la putrescence de l’humanité, je lâche tout. Cette colère aveuglante qui m’effraie tant. Cette colère que je retiens bien trop souvent. Plus je la garde, plus elle enfle, et ça me bouffe à l’intérieur, c’est viscéral, je ne la contrôle pas, jamais, et ça fait mal de réaliser que je ne suis que l’instrument de cette colère irascible finalement. Je pénètre dans la pièce étroite et insalubre, et accourt vers mon amour. –Harvey dis-moi que ça va ! Non, ça ne va mon cœur. Je suis un être brisé et j’ignore si je suis capable de construire quoi que ce soit. Tu ne peux pas me réparer, ce n’est pas à toi de me réparer. Tu vas te faire mal en essayant, et je ne veux pas que tu aies mal. Bouleversé, je me rappelle de notre séparation et de la douleur sans équivoque ressentie alors. Putain, mais qu’ai-je fait ? – moi j’vais bien… j’vais bien. Tu vas bien ? Petite lueur d’espoir qui réchauffe instantanément mon cœur. Mes bras se serrent davantage autour de lui, profitant de la douce chaleur colportée par son corps contre le mien. Oh bébé, tu seras toujours ma lumière dans l’ombre, éclaire-moi à chaque instant, illumine notre chemin. Je m’en remets tellement à toi, si tu savais. Je ne devrais pas, mais tu es tellement plus fort que moi. Car j’ai renoncé à la rédemption il y a quelques minutes à peine, et c’est Clyde qui me rappelle à l’ordre d’un ton moqueur et acerbe. Je me détache alors de Terrence et sans réfléchir davantage, me saisit du stylo et appose ma signature sur son foutu contrat sans même prendre la peine de le lire. Peu importe ce qu’il y a d’écrit dessus de toute façon, je n’ai pas le choix. Soit je signe, soit les trois cerbères présents dans cette pièce se feront un malin plaisir à nous rétamer la gueule – et j’estime être suffisamment défoncé pour ce soir, quant à Terrence, personne ne le touche. C’est ma façon de te protéger, tu sais. Ce n’est pas beau, ce n’est pas bien, mais c’est comme ça dans ce milieu. Les concepts de beauté, de bien et de mal, on s’en tape. Ici, tout marche au troc, à l’échange, aux tripes. Et clairement, je sais que je ne peux pas venir à bout des trois gaillards immenses comme des putains de montagne à moi tout seul. Nous sommes faits, comme des rats. Quelle ironie du sort ! Tête baissée, couvert de honte et de sang, j’abdique et Clyde s’en réjouit. On peut y aller maintenant ? On peut quitter cet endroit, chevaucher Daisy et mettre des kilomètres et des kilomètres entre tout ça et nous ? Sommes-nous libres désormais ? Jamais réellement… Tel un condamné en sursis, je tends la main vers Terrence mais ce dernier ne l’entend pas de la même oreille. Et il saute, Terrence, il bondit même et vole in extremis la feuille de contrat sous le nez de Clyde. Surpris par ce brusque revirement de situation, je me dresse d’un coup et me tend. Mais qu’est-ce que tu fais bébé ? Et je l’observe, Terrence, le cœur qui bat à tout rompre dans la poitrine alors qu’une alarme retentit dans mon esprit. Il faut agir vite, vite, vite. Ne pas se laisser attraper. La réactivité est notre seule issue. – Viens bébé, on s’casse vite d’ici. La pourriture c’est contagieux. Il y a le visage rouge de Clyde en train de bouillir face à Terrence et ses phalanges qui craquent bruyamment et qui alertent sur le coup qui ne va pas tarder à partir. Je saisis la main tendue de Terrence et la tire puissamment vers moi, lui évitant ainsi un coup brutal en plein visage. Le poing fend l’air mais n’atteint que son oreille heureusement. Je bondis en avant tous muscles dehors pour balancer mon front en plein dans le nez de Clyde, furieux. Un craquement sonore se fait entendre, et les molosses se mettent en mouvement autour de nous, ils finissent enfin par réagir et comprendre que cela tourne en défaveur de leur boss. C’est le moment de fuir. – COURS ! Que je crie en rugissant et en poussant Terrence vers la sortie. Courir c’est notre seule option désormais. Fuir ensemble. Et c’est une course effrénée qui s’engage, le sang qui pulse dans les veines et le cœur qui bat frénétiquement dans la poitrine, nos jambes s’activent pour mettre un maximum de distance entre nous et les clébards de Clyde. J’attrape la main de Terrence dans la course et le guide à travers le dédale de hangars accolés les uns aux autres. Sous les poutres vieillies, les pieds qui battent la poussière du sol, le souffle haletant et court, deux fugitifs s’envolent dans la nuit…
Nous ne nous arrêtons qu’une fois arrivés sur le terre-plein où Daisy est garée. La belle n’a pas bougé, et c’est éreintés que nous nous stoppons dans notre folle échappée. Mains posées sur les genoux, je suis penché en avant et je guette le hangar au loin avec appréhension. – Ils nous ont suivi tu crois ? Putain… Je crache sur le sol l’excédent de salive dans ma bouche et me redresse brusquement, faisant fi des multiples courbatures et blessures accumulées sur mon corps. Je décadenasse la roue de Daisy et place les clés sur le contact. – Vaut mieux pas trainer ici, tirons-nous vite. Je tends le casque à Terrence et pose le mien sur mon crâne en grimaçant. Si la chance nous a – en quelque sorte – souri, il ne faudrait pas tenter le diable. Se tirer dans les plus brefs délais me semble la meilleure des options et il n’y a pas à tergiverser. Le vrombissement familier du moteur qui se lance m’apaise instantanément alors que j’enjambe la bécane et prends place sur la selle. Terrence grimpe à son tour et ses bras se serrent autour de moi. Je n’attends pas plus longtemps pour lancer Daisy sur la route, traçant rapidement à une vitesse excessive sur les routes abandonnées de la baie…
Le moteur s’arrête de tourner après une bonne heure de conduite. Je ne sais pas où on se trouve, si ce n’est sur la route de l’océan sur un éden de falaises. Le vent frais s’engouffre dans mes cheveux et se faufile sous nos vêtements, alors que nous descendons tour à tour de la moto. Les larmes sont sèches sur ma peau, deux filets plus clairs sur mes joues sont la preuve que leur source a mis du temps à tarir. Si tu savais comme je m’en veux putain. Mes doigts fébriles agrippent le paquet de cigarette défoncé, et c’est l’une d’elle complètement tordue que je glisse entre mes lèvres gercées. Puis, avant même de l’allumer, comme une plainte refoulée depuis trop de temps, je laisse échapper – Putain, je suis désolé, je pensais pas qu’il allait se servir de toi comme ça, je… Putain j’suis trop con, pardon, pardon, pardon… Je pensais pas bébé. Et je tombe sur le sol. Assis face à l’immensité bleue, le son des vagues qui se fracassent durement sur les roches en contre-bas, je renifle péniblement et viens serrer mes jambes contre mon torse. Comme l’enfant meurtri qui a fait une bêtise, l’enfant perdu, un peu sauvage, un peu trop seul, un peu trop triste aussi, persuadé qu’il a tout perdu et que rien, absolument rien n’est récupérable.
Il n'a pas conscience de ce qu'il fait ou dit, Terrence, pas totalement lucide sur la situation, l'esprit trop préoccupé à protéger Harvey comme un loup sauvage protègerait ses petits, avec les tripes bien accrochées, la voix hargneuse et les yeux assassins. Il ne sait pas qu'il risque gros en vérité, qu'il pourrait se prendre le poing de Clyde contre la pommette ou dans l'estomac, qu'il pourrait se faire littéralement piétiner par les trois molosses présents mais il s'en balance parce que sa priorité, là tout de suite, c'est Harvey. C'est l'empêcher de se lier à cet escroc, à ce truand, c'est faire en sorte que ce contrat devienne caduc, qu'il disparaisse et que l'ordre revienne. Tu vois, c'est mon rôle, ça, Harvey. Te protéger. Parce que j'suis pas ton mec à moitié. Mon rôle, c'est de te montrer que je suis fort, que sur moi, tu peux te reposer, c'est de me dresser comme un mur infranchissable entre toi et les dangers et les empêcher de t'atteindre. Parce qu'il n'y a rien de plus important pour moi que ça, désormais : prendre soin de toi et t'aider. Alors il ne réfléchit pas, ne se laisse pas démonter, s'élance tous crocs dehors, les mots assurés et l'impétuosité lancée toutes voiles ouvertes, enroulés dans l'arrogance et baignés d'irrespect. Et il n'y a rien qui tremble chez Terrence si ce n'est la rage, celle de voir son mec se faire manipuler par un connard peu scrupuleux prêt à tout pour se faire de l'argent facile sur sa tête, prêt à utiliser l'amour et l'affection comme moyen de pression et de chantage, prêt à uriner allègrement sur ce qu'il y a de plus beau en ce monde pour se payer des couilles en plaqué or. Clyde, il lui donne envie de vomir avec son odeur dégueulasse de cigare bon marché et son parfum de marque acheté sous le manteau pour le payer moins cher. On est quoi pour toi, connard? Des animaux? Des moins que rien? Du gibier? De la chair à canon? Tu t'en fous de mon mec, pas vrai? Tu t'en fous de savoir qu'il a un coeur et qu'il n'est pas qu'une machine bonne à faire du fric sale. Tu t'en fous d'acheter un costume avec le sang des autres, de payer tes cigares parce que mon mec est pas mort au combat. T'es qu'une merde. T'es rien du tout. C'est toi, l'animal. C'est toi! Et moi vivant, JAMAIS je ne laisserai Harvey signer un de tes papiers sans l'avoir lu en premier. Et il l'affronte sans un clignement de paupières, le contrat déchiré dans la main qu'il vient écraser contre le torse gras de Clyde avant de reculer et de tendre la main vers son petit ami. Il se sent comme un chevalier, Terrence, le coeur noble et la bonne action affichée fièrement comme un étendard, mais il a à peine le temps de toucher la main d'Harvey que celui-ci l'attire brusquement vers lui pour lui éviter le crochet du droit. Il lui évite un crochet dans la mâchoire mais pas dans l'oreille et par instinct, il plaque une paume dessus en gémissant, Terrence, les yeux fermés, les dents serrées. La douleur, il connaissait mais il devait bien avouer que ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas pris un coup aussi fort. Le souffle coupé par la brutalité de l'instant il se redresse péniblement, observe tétanisé son petit-ami mettre un coup de tête à son enfoiré de manager, les yeux écarquillés. – COURS ! S'il avait eu le temps, il se serait demandé s'il avait déjà entendu Harvey crier comme ça, s'il avait déjà été témoin d'autant de panique dans ses yeux, il aurait pris le temps de lui dire que son tympan lui faisait un mal de chien et qu'un acouphène strident occupait l'espace ambiant, mais il se fait pousser en dehors de la pièce sans autre forme de procès avec cet ordre prononcé à brûle-pourpoint. Et il obéit sans résister une seconde, la confiance offerte et ses jambes qui trouvent soudain une énergie nouvelle. Ils courent tous les deux, amants dont l'amour n'avait finalement pas pu être recouvert de vase et de merde, même enfermé dans un bloc de béton, même séquestré dans les tréfonds d'un entrepot au milieu de nulle part. L'amour triomphe toujours pas vrai? Ou c'était que des conneries de comte de fées? Il court, Terrence, en cadence avec Harvey, leurs pas qui frappent et résonnent tout autour et à l'intérieur aussi, contre les côtes, à pulser en coeur avec l'aiguille de l'horloge du temps, la poussière qui volent et les voix qui se sont tues depuis un moment. Ils courent parce qu'ils ne peuvent faire que ça, s'enfuir, prendre le large, mettre les voiles. Dégager d'ici, par choix, et pas obligation. Est-ce qu'ils auraient pu mourir, coincés entre ces quatre murs de béton? Est-ce que l'irrespect de Terry aurait pu les mettre en danger? Est-ce que l'affront qu'il avait craché à la gueule de Clyde aurait pu les tuer? Il a bien trop peur de la réponse pour être en capacité de se le demander alors il court, la gorge qui brûle et les poumons en enfer. Il dérape, se rattrape à la main d'Harvey qu'il tient fermement, la bouche pleine de particules de terre et lorsqu'ils arrivent dehors ils ne s'arrêtent qu'une fois Daisy devant eux. Il lance frénétiquement des coups d'oeil en arrière, Terry, et là où ils sont désormais enveloppés d'un silence de mort, il entend l'horrible bruit de la ferveur au loin s'élever de l'entrepot, méphitique et fétide. – Ils nous ont suivi tu crois ? Putain… Harvey crache, Harvey a du mal à reprendre son souffle, et il a du mal à réprimer l'envie violente de se jeter contre lui, Terrence, pour le rassurer, lui dire que tout est terminé, qu'il peut se reposer, qu'il prend le relais. Malheureusement il ne sait pas conduire la moto et ses épaules s'affaissent sous le poids de la déception, celle de ne pas être capable de le décharger, celle de réaliser doucement que c'est lui qui les a foutu dans cette merde sans nom. J'sais pas...Et j'veux pas le savoir. La respiration bruyante et la main contre le torse pour calmer les flammes qui lui dévorent le thorax il fait le ping pong entre la nuit et son petit ami qui retire les chaines de sa bécane, leurs chaines à eux aussi, et après avoir mis leurs casques ils s'en vont, laissant derrière eux une trainée de poussière et une dette morale qu'ils ne pourraient pas oublier...
Et ils roulent. Ils fendent la nuit comme on pataugerait dans la vase sans jamais sentir le fond, les coeurs affolés mais soulagés. Malgré tout, ils savaient tous les deux que ce n'était pas terminé, cette histoire, qu'ils auraient surement Clyde sur le dos un moment, qu'il leur faudrait nécessairement faire attention à l'avenir. Pourtant, alors qu'ils filent sur la route, ses bras menus autour du ventre d'Harvey, Terry ne pense ni au passé ni à l'avenir, mais bien au présent, et lorsqu'ils s'arrêtent enfin en haut d'une falaise avec pour seule compagnie le bruit puissant des vagues, il inspire en retirant son casque, laisse le vent faire voler ses cheveux. Et c'est une tristesse infinie qui s'empare de lui au moment de croiser le regard de son petit ami; il a des bleus au visage, Harvey. Il a des hématomes, il a des meurtrissures. Il a les marques de ses propres blessures au coeur affichées sur sa peau et quand il porte une cigarette à la bouche, il les voit, Terry, les phalanges explosées, le sang qui a seché. Il reste interdit un instant, les sourcils tristes et l'envie de pleurer roulée en boule au fond de sa gorge mais il refuse de se laisser aller parce qu'il se doit d'être là, d'être l'épaule sur laquelle Harvey pourra pleurer, il se doit d'être fort pour lui autoriser à flancher. Alors il descend de la moto et l'écoute parler, s'excuser comme si les maux du monde étaient de sa responsabilité et de le voir au sol, juste là à ses pieds, le regard perdu du gamin esseulé qu'on a trop souvent abandonné, il sent son ventre se tordre, Terry. Il voudrait s'abaisser, le prendre dans ses bras, et il le fera il le sait. Mais pas maintenant. Parce que la rage est trop forte et qu'elle doit s'exprimer. J'ai pas la rage contre toi, Harvey. Ca non, jamais. J'ai la rage contre la vie, contre le monde entier, contre tous ces pourris qui t'ont fait morfler. Putain mais regarde nous, qu'est ce qu'on est? Deux mecs blessés de partout, les fleches au corps, le coeur buté et les épaules voutées. Mais tu sais quoi? Si tous les autres sont partis, moi j'te laisserai pas tomber. Alors il serre les dents et articule doucement. J'vais pas te lâcher. Harvey, t'entends? J'vais pas te lâcher. Et ils ont trop encaissés tous les deux, ils ont trop encaissés, au propre, comme au figuré. Y a des larmes qui viennent se perdre quelque part sur ses joues et il ne les retient pas, Terrence, ne cherche pas à se cacher. Il est comme ça, fragilisé, un peu pété mais il assume pleinement parce qu'il sait qu'Harvey est capable de l'aimer malgré tout. Ce qu'ils ont vécu là aurait pu tout foutre en l'air mais c'est tout le contraire qui venait de se passer. Terry, maintenant, il était persuadé qu'ils pourraient tout supporter, qu'ils étaient forts et que rien ne pourrait détruire ce qu'ils essayaient maladroitement de construire. Il déglutit, ferme les yeux puis les rouvrent, le regard droit devant, fait une moue parce qu'il hésite et puis finalement... Mon père adoptif me battait. D'aussi loin que je me souvienne, il me tapait sur la gueule et m'insultait. J'étais pas assez bien, pas assez blond, pas assez australien, pas assez intelligent. Alors il faisait claquer sa putain de ceinture contre mon dos pour me rabaisser, pour me casser. Il voulait pas de moi, qu'il disait. Et bah tu sais quoi? Il inspire tout l'air marin que peuvent contenir ses poumons et il se met à hurler comme jamais il n'a hurler JE TE MAUDIS ESPÈCE D'ENFOIRÉ !!!!!!!!!! Et il ne retient pas les sanglots, hurle à nouveau un grand AAAAHHHHH pleine de haine et à plein poumons pour se libérer, pour vomir à ce monde qui ne l'entend plus toute la souffrance accumulée depuis tant d'années. Et il serre les poings, ne se laisse pas aller à la tristesse ou à l'abattement parce que ce soir, il sent qu'il leur faut se purger, que c'est le moment ou jamais d'expulser tout le noir pour entrevoir enfin la couleur. Alors il s'abaisse, les mains fermement agrippées au bras d'Harvey pour le relever et il pleure Terry, comme un fou, le coeur émancipé, le regard déterminé. Aller. A toi. Crie Harvey.. Libère-toi. Crie un truc, crie tout ce qui te fais mal. Crie tout ce qui te bouffe là, dans ton bide. Crie tout ce que t'as jamais exprimé, crie tout ce que t'as jamais pu crié parce que personne t'entendait, parce que personne t'écoutait.Moi, je t'écouterai...
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ Il y a les falaises rocheuses qui s’étendent sur plusieurs kilomètres à nos pieds et le vent qui souffle avec force au cœur de la nuit noire, faiblement éclairée par les quelques étoiles qu’on perçoit à travers les nuages, ceux-là même qui obscurcissent grandement la voute céleste. Il y a donc le vent qui soulève les vagues et ces dernières viennent s’écorcher avec fracas sur la roche creusée, comme si elles étaient l’instrument de la colère divine ce soir, une colère sourde mais tenace, qui gagne constamment du terrain, grignotant un peu de vie à chaque marée. Les éléments autour de nous tempêtent, tout comme nos cœurs qui battent encore frénétiquement dans nos poitrines, nos respirations sont erratiques, nos souffles, anarchiques. Ce soir, j’ai voulu te montrer la partie la plus noire qui sommeille en moi et je t’ai entraîné dans les ténèbres. Nous avons basculé dans un monde qui ne peut que nous détruire et qui n’aura de cesse de nous vouloir du mal. Et il y a cette vérité qui s’impose, cette vérité que j’accepte difficilement, cette vérité qui ne comporte malheureusement aucune issue : je ne dois plus y revenir. Car désormais, ils m’attendent au tournant. J’ai une dette envers Clyde, et je connais le monstre de profit qu’il est, il ne lâchera pas l’affaire comme cela. Il est même capable de venir foutre le bordel dans ma vie et je dois m’attendre à le voir débarquer à tout moment. Oh Terrence, qu’ai-je fait ? Et je m’effondre, je m’effondre en sanglots, je m’écroule sur la terre aride et la roche en me confondant en excuses, plaintes qui écorchent mon palet alors qu’une boule se forme au fond de ma gorge. Les bras enroulés autour de mes jambes repliées, je me balance légèrement pour calmer l’émoi qui s’empare de moi et me désarçonne. Que vais-je faire maintenant ? Quelle solution vais-je trouver ? Comment anesthésier la colère ? Comment l’évacuer ? Si tu savais comme j’ai peur de moi, Terrence, comme j’ai peur de ce que je suis capable de faire. Si tu savais comme je redoute mes propres coups, comme je redoute la violence qui m’a formé, forgé et qui désormais me constitue… Je voulais te montrer à quel point je me déteste, à quel point la violence est inscrite en moi, à quel point elle me bouffe et me ronge, je voulais que tu voies tout ça… Que tu me voies, moi. Egoïste. Purement égoïste, encore une fois. Ce que tu veux fous tout en l’air, boy. C’est toujours la même rengaine, t’as pas le droit d’exiger quoi que ce soit, t’as pas le droit de « vouloir », t’es pas né pour ça. Recevoir, oui. Donner, oui. Mais exiger, je ne peux pas. Espérer, je ne peux pas. Car la douleur qui suit est atroce, cinglante comme le fouet qui claque sur la peau, l’entaillant largement pour que s’écoule le sang. Et ça suinte, ça se déverse, ça dégouline. L’espoir, c’est la mort de l’âme putain ! J’ai pas l’droit, c’est ça ? J’ai pas l’droit, dis moi ? Est-ce que c’est ça ? EST-CE QUE C’EST CA BORDEL ? Et mes paupières se crispent, se ferment avec violence alors que je fais appel aux divinités, créatrices de ce monde pour qu’elles m’expliquent le but de tout ça, le but de toute cet étalage de souffrance, le but de toute cette peine, ce déchirement infâme ! Suis-je né uniquement pour souffrir ? Un défouloir, une décharge, un exutoire pour d’autres. Et je subis leurs abréactions, je recueille leurs pulsions refoulées tandis que mon âme pleure, fatiguée, exténuée, vidée de toute énergie. Qu’ai-je fait putain ? Qu’ai-je fais ? La question tourne en boucle dans ma tête, mes mains rougies et terreuses, couvertes de sang et de poussière séchés, tremblent alors que je les serre l’une dans l’autre. Qu’ai-je fais, putain, qu’ai-je fais ? – J’vais pas te lâcher. Harvey, t’entends ? J’vais pas te lâcher. La voix douce me parvient, lointaine, comme une brise agréable au cœur de la tempête, elle m’effleure à peine, si bien qu’elle ressemble à un mirage. Pourtant, je sais qu’il a parlé Terrence et j’ai compris ce qu’il a dit. Je m’y accroche fermement. Il ne va pas me lâcher. J’ai entendu et j’hoche la tête, cherchant fébrilement un briquet pour allumer la sèche placée méthodiquement entre mes lèvres. Il ne va pas me lâcher et je le crois, même si clairement il devrait me lâcher car c’est ce que tout homme sensé devrait faire. Mais Terrence n’écoute pas la raison, ce n’est pas la raison qui le guide mais le cœur et j’ai eu un bref aperçu ce soir de ce qu’il était capable de faire par amour. Tout. Absolument tout. Il n’y a aucune limite à sa dévotion, aucune restriction à son abnégation, aucun frein à son affection. Lorsqu’il aime, Terrence, c’est de toute son âme, de tout son cœur et de tout son être. Je l’ai compris ce soir, et je suis tombé encore plus amoureux de lui. Il ne va pas me lâcher, non. Et moi non plus je ne le lâcherai pas. Désormais, c’est lui et moi, pour le bon et le mauvais, pour les obstacles à venir et les réussites, pour les ténèbres et les moments de lumière. Le bon, le mauvais, le toujours et à jamais. – Mon père adoptif me battait. La révélation frappe aussi fort que le marteau sur l’enclume, et elle s’abat sur moi avec une brutalité foudroyante. Mes yeux se relèvent brusquement sur Terrence qui se laisse aller à des confidences troublantes, confidences que je recueille et qui me trouble énormément. – Il voulait pas de moi, qu’il disait. Et bah tu sais quoi ? J’observe mon homme, suspendu à ses mots, sans réussir à deviner ce qu’il faire ensuite. Son père le battait, Terrence. Son père était l’un de ces hommes… Et la colère bouillonne, je la sens prendre de l’ampleur dans mon thorax, mes dents se serrent, mes poings aussi et j’ai beaucoup de mal à la ravaler. Ainsi, c’est donc ça les marques sur ta peau, bébé ? C’est ça les marques dispersées sur ton dos ? Ce sont ces coups à lui ? Ses marques à lui ? J’ai toujours pensé que c’était une façon de posséder les êtres que celle de les battre, d’inscrire sa haine sur leur corps pour chercher à s’en défaire, de détourner le dégoût de soi pour l’imposer aux autres, aux plus faibles, à ceux qui sont sans défense… Mais on ne possède jamais l’esprit, et ce dernier est plein de ressources insoupçonnés. Qui croit posséder, est possédé en réalité. C’est une chose que j’ai fini par comprendre, difficilement. Alors, il se tourne, Terrence, il se tourne vers l’océan et vaillamment, il hurle sa haine et sa colère, il hurle et expulse la malédiction qu’il a toujours rêvé de formuler au fond de lui et il gueule – JE TE MAUDIS ESPECE D’ENFOIRE !!!!!!! AAAAHHHHH. Et le tableau n’est ni beau ni touchant, il n’est pas là pour satisfaire la curiosité malsaine de qui que ce soit mais bien pour expulser ce qui doit l’être. La haine viscérale qui bouffe les tripes, la colère innommable qui grouille et hante l’esprit, la douleur rageuse qui sommeille lancinante et tue à petit feu. Il expulse tout ça, Terrence, il rejette le mal pour se vider de son atrocité, pour faire place neuve, pour réussir à se lever à nouveau dès demain, pour regarder vers l’avenir et accueillir la chaleur, la douceur, la bienveillance et le bonheur. Il s’agit d’un renouveau ce soir, d’une libération, de chaînes qui se brisent bruyamment, d’un fardeau qu’on délaisse. C’est une renaissance, et j’arrive à le percevoir. Je suis ému, touché, fébrile et je n’ose pas bouger. Aussi lorsqu’il vient vers moi Terrence, je panique. Je panique car je me sens incapable de faire de même, malgré qu’il insiste. Il me dit – Allez. A toi. Crie Harvey. Libère-toi. Crie un truc, crie tout ce qui te fait mal. Crie tout ce qui te bouffe là, dans ton bide. Crie tout ce que t’as jamais exprimé, crie tout ce que t’as jamais pu crier parce que personne t’entendait, parce que personne t’écoutait. Libère-toi, dit-il. Il me demande de me libérer, d’expulser à mon tour mes démons, de sortir ce qui me dévore de l’intérieur et je pleure. J’ai peur. Je me débats légèrement, mollement, faiblement. Je n’y arriverai pas, je ne peux pas, je ne sais pas. Je me lève, je recule, je tire sur son bras. Laisse-moi, je ne peux pas faire ça. Paniqué, déboussolé, poussé dans mes retranchements, les larmes montent, la peine aussi et ça explose de partout. Je hurle brusquement – ARRETE ! TU NE SAIS PAS ! Et c’est un rejet brutal, soudain, non dirigé contre lui mais bien contre moi qui débarque soudain et qui prend toute la place. Et je frappe mon torse, fortement en criant à nouveau – TU NE SAIS PAS ! Et les pleurs redoublent, je tremble de tout mon corps. – C’est MA faute, c’est moi… J’aurai dû… Je n’ai pas pu… Je n’ai pas su… Et les regrets, boueux, collés au cœur et aux tripes, je les dégueule difficilement. Mais mon regard se tourne vers l’océan à son tour et prie d’une douce fureur, je parle avec véhémence et crache un venin à mon tour – C’est moi qui aurait dû te tuer, t’étouffer dans ton sommeil, c’est moi qui aurait dû prendre sa place. Sale crevard. Ordure. C’est toi la merde et je te hais ! JE TE HAIS ! JE TE HAIS ! Et, pris par un élan de colère, je m’abaisse et ramasse une lourde pierre. Prenant de l’élan, je la balance de toutes mes forces dans l’écume rugissante en criant une dernière fois – JE TE HAIS ! Je glisse sur la roche, tombe à la renverse et mon corps heurte le sol rocailleux à nouveau. Je m’étale de tout mon long et mes bras se tendent vers lui, vers ma lumière, vers mon amour. Viens, je t’en prie. Viens contre moi, dans mes bras. J’ai besoin de toi. – Je t’aime. Mots soufflés dans le vent, porteurs de l’espoir qui m’anime malgré tout, celui en qui j’ai envie de croire. Je crois en toi, Terrence. Je crois en toi parce que je t’aime.
Il ignore ce qui l'a réellement poussé à crier comme ça, Terrence, surement cette tension retenue dans son ventre, refoulée depuis trop d'années, surement le fantôme du bruit horrible des coups de ceinture claquant contre la peau fine de son dos qui l'empêchait de dormir certaines nuits, surement l'impression atroce de ne jamais être assez pour personne, de n'être qu'un bon à rien, rien qu'un enfant qu'on abandonne, d'avoir une moitié de coeur et des racines ancrées dans le vide, surement les larmes acides qui avaient trop de fois brûlé ses joues et noué sa gorge. Surement la vie, juste la vie, la vie qui pète les plombs, la vie qui distribue les mauvaise cartes en regardant tout le monde se démerder, petites fourmis en plein milieu de l'océan à espérer trouver un coin de terre pour ne pas crever, pour ne pas se laisser aspirer tout au fond. C'est un peu toutes ses souffrances qu'il gueule, Terry, toute la merde qu'il a besoin d'éructer et s'il n'y avait pas eu Harvey, il y avait fort à parier qu'il aurait hurlé sa haine toute la nuit jusqu'à accueillit l'aube en morceau, jusqu'à s'en déchirer les cordes vocales, jusqu'à se vider de ses propres larmes, jusqu'à s'en dilacérer l'âme, jusqu'à se réduire lui-même à l'état de rien, le corps en charpie, éviscéré, vidé de tout. Mais il n'est pas seul, ce soir, Terrence. Il n'est pas seul parce qu'il est venu ici avec celui qui partage sa vie, celui en qui il fait une confiance aveugle malgré les nids de poule sur le chemin, celui pour qui il serait prêt à tout, celui de qui il ne lâchera pas la main. Alors il partage, il veut lui offrir à lui aussi la possibilité de se libérer de ses chaines, de les éclater dans le feu et l'âpreté, et pas à coup de sophrologie ou de belles paroles à la con. Il veut utiliser la colère et la violence, parce que c'est comme ça qu'il avait grandit, Terry et c'est comme ça qu'il avait été forgé, Harvey. Deux gosses déglingués qu'on avait abandonné de toutes les façons possibles, les genoux écorchés à force d'être tombés et la confiance en eux abimée par des années de déchirures. Alors il le tire symboliquement vers le haut, le force à se relever, à ne pas se laisser attirer vers le fond. Il est peut être un peu dirigiste, Terry, peut être qu'il le met au pied du mur et il ne sait pas si Harvey est prêt à faire ça, à cracher comme on dégueulerait un poison avant qu'il ne tue, évidemment que non, mais il veut essayer. Il veut le pousser un peu plus loin en dehors de sa zone de confort, là où ça fait peur, là où ça fait mal, ce no man's land effrayant qu'on est obligé de traverser pour se reconstruire. Détruire avant de rempiler les briques pour se faire un sanctuaire, un lieu de repos.
Il a peur, Harvey, ca le bouscule tout ça, c'est évident. Mais Terrence ne le lâche pas des yeux. Il ne cille pas, fronce les sourcils alors qu'il est en sanglots, ne se laisse pas impressionner par ses tentatives d'échapper à l'étreinte de ses paumes contre son bras, ne se laisse ébranler par ses cris. Vas-y, crie Harvey. Crie moi dessus si tu veux, mais crie. Crache. Hurle. Ton corps a encaissé ce soir, t'es allé au bout de tes forces alors sors ce qui reste, baisse les barrières. Sors tout. C'était le moment. Et il refusait de le laisser passer. – ARRETE ! TU NE SAIS PAS ! Il le fixe et ne bouge pas. Alors dis moi...– TU NE SAIS PAS !ALORS DIS MOI !! Peut être qu'il crie un peu aussi, Terry, pour l'encourager à le faire, pour le brusquer, peut être qu'il tremble parce qu'il fait froid, parce qu'il pleure trop fort, parce qu'il a besoin qu'ils se confrontent ensemble à tout ça. Et c'est là qu'il explose Harvey, qu'il parle enfin, qu'il se livre, la langue qui se délie, le coeur éclaté et vulnérable. Il hurle, hurle hurle et sa voix traverse l'océan pour aller se heurter contre l'horizon invisible tout là bas au coeur de la nuit, il lance une pierre et se retrouve au sol, vidé, chancelant, morceau de chair qu'un rien pourrait briser. Il tend les bras et Terrence reste un instant interdit, les yeux encore ouverts sur le néant, bouleversé par les confessions de son petit ami. Il ignore de quoi il parle mais sa douleur, il l'a ressenti lui animer les tripes, a fait monter la rage. Mon Harvey, mais qu'est ce qui t'est arrivé... qui t'a blessé comme ça, qui t'a détruit? Il entend encore ses mots qui résonnent tout autour de lui, des mots percutants, des mots durs, des mots affreusement douloureux et il ne peut s'empêcher de penser qu'il démontrerait la terre entière pour le protéger, qu'il serait capable de se dresser contre le monde pour qu'il ne lui arrive plus rien, même s'il est fragilisé, Terry, même s'il n'en a surement pas la force. Il le ferait, il en était persuadé. Alors il regarde son petit-ami lui tendre les bras et ses sourcils se défroncent, les larmes se tarissent et il renifle, le fixe et s'agenouille à ses côtés, le corps qui s'enroule, le front contre le torse d'Harvey, replié sur lui même. Il était sur le point de lui dire à quel point il était fier de lui quand une voix grave et épuisée interrompt son élan et lui lâche trois mots que personne ne lui avait encore jamais dit. – Je t’aime. dans un murmure qui d'évapore presqu'aussitôt avec le vent mais qui se grave au fer partout en lui. Trois mots qui lui font autant d'effet qu'un boulet de canon dans l'estomac et il ouvre les yeux, le corps qui se déplie pour venir observer Harvey. Il y a un silence déchirant qui s'immisce entre eux, les boucles de Terrence flottant sous la brise froide et les joues rendues sèches par les larmes. Il aurait presque le réflexe de lui demander de répéter ou de lui dire "c'est vrai?" mais il a le souffle coupé, il lui faut encore quelque secondes pour encaisser. Il l'aime. Il l'aime et s'il en était déjà plus ou moins persuadé avant, les mots venait de rendre tout plus concret. Tu... Harvey, tu...Tu m'aimes ? Tu m'aimes? Moi? Doucement, il s'approche, s'allonge à ses côtés, ramasse la clope qui était tombée au sol tout à l'heure et il tire dessus, la tête calée dans l'herbe et les yeux plongés dans le firmament, une main sur le ventre. Et il est étrangement paisible, Terrence, parce qu'il a la sensation que les astres venaient de s'aligner dans sa vie pour la première fois et il tourne finalement la tête vers son petit-ami. Il ne savait pas qu'on pouvait l'aimer comme ça, Terry, qu'il y avait droit, qu'on pouvait lui offrir ça comme un cadeau précieux qu'on ne réservait à personne d'autre. Ca brouille tous ces radars, ça recolle tous ces doutes.
Harvey. Son petit-ami. Le premier. Huit mois qu'il avait mis le feu à son coeur, huit mois qu'il avait rendu sa vie plus folle, plus incertaine, plus palpitante aussi. Et alors qu'il l'observe en souriant tendrement, d'un coup, tout lui revient en tête. Le premier soir d'Harvey au Confidential Club et la souffrance qu'il avait immédiatement lu dans ses yeux, Harvey qu'il approche doucement, à pas de loup, mois après mois sans jamais oser aller trop près, Harvey qui le sauve d'une agression, puis de deux, Harvey et lui sur Daisy, ses bras autour de son ventre, à dévaler les kilomètres jusqu'à l'océan, le levé du soleil et ses lueurs dorées, leurs corps nus et leur premier baiser dans les eaux glaciales de Gold Coast, leur première fois dans la serre sur le toit sous une pluie et un orage étourdissants, les oeufs, l'assiette brisée, le tableau peint en noir, la table cassée, la douche, le réveil merveilleux. Et puis l'absence, la douleur, la Grèce, les kilos en moins, Léo, le road trip et la chambre d'hotel de Sydney, le malaise, la drogue, l'hopital et le retour en camion, son bras autour de ses épaule, sa compréhension. Il revoit leurs échanges par sms, leurs rires sous l'arbre du parc, la pizza, sa brosse à dent qui s'invite dans le gobelet de la salle de bain d'Harvey, et puis ses vêtements dans le tiroir, son odeur de coco sur les oreillers et son violoncelle dans le salon, les rendez-vous chez le médecin sa main dans la sienne, les quatre coups de sonnette, la gaypride, l'alcool, les combats.. et puis ça. Ses mots. Ici. Là. Et il réalise soudain toute l'ampleur de ses propres sentiments, à quel point ils sont éloquents, à quel point ils gouvernent tout, à quel point ils ont besoin de s'exprimer. Ses prunelles vertes passent de ses yeux à ses lèvres plusieurs fois avant de venir l'embrasser doucement, tendrement. Et quand leurs bouches se séparent il lui sourit plus fort avant de soupirer de joie, le souffle qui relache tout, front contre front. Harvey... moi aussi je t'aime... C'est un constat qu'il ne peut plus refouler et sans prévenir il roule sur le dos et hurle JE T'AIME !!!! tête en arrière, coudes au sol, yeux fermés fort fort, clope serrée entre ses doigts et son rire cristallin qui éclate et brise le silence parce qu'il ne l'a jamais dit à personne, parce qu'il est nerveux peut être un peu, parce que ça explose partout en lui, parce qu'il le ressent et que c'est vibrant, brûlant et puissant, parce que c'est là, c'est bien là et il a envie que l'univers l'entende et le sache, que ses cris ne soient pas que de colère, mais aussi d'amour. Surtout d'amour. Je t'aime.. une dernière fois dans un soupir à peine audible, le sourire incrusté dans ses joues, les pupilles brillantes et les étoiles tombées de la voute céleste qu'on retrouvait désormais dans ses yeux. Et d'un geste un peu maladroit il vient se coller à lui furtivement, le corps soudain transit par le froid mais bizarrement remplis d'un feu qu'il ne voulait jamais voir s'éteindre. Il lui dit faut qu'on rentre, on va attraper la mort à rester là. Viens , se relève, tire sur la clope en fixant l'océan une dernière fois, ne sait pas d'où ça vient mais se sent invincible et incroyablement vivant, là tout de suite et c'est d'une voix assurée qu'il ajoute ramène nous à la maison.A la maison. Pas chez toi Harvey, pas chez moi. A la maison. Parce que ce soir, et peut être demain si t'en as envie, ça sera chez nous. Parce qu'on est plus orphelins, parce qu'on est plus seuls dans notre peine, parce qu'on ne l'était déja plus depuis deux mois mais que désormais on le sait plus fort qu'avant parce qu'on se l'est dit et que rien ne pourra nous enlever ça. Ramène-nous loin de tout. Dans notre refuge. Notre chez nous.. Ouais, ramène-nous à la maison.
"I TOOK THE PISTOL AND I SHOT OUT ALL THE LIGTHS. I STARTED RUNNING IN THE MIDDLE OF THE NIGHT. THE LAW AIN’T NEVER BEEN A FRIEND OF MINE, I WOULD KILL AGAIN TO KEEP FROM DOING TIME. YOU SHOULD NEVER EVER TRUST MY KIND. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? I’M A WANTED MAN. IF YOU ASK ME TO CHANGE I DON’T KNOW IF I CAN I’LL ALWAYS BE WHO I AM. I’M A WANTED MAN I GOT BLOOD ON MY HANDS. DO YOU UNDERSTAND ? ► I’M A WANTED MAN, ROYAL DELUXE."
→ Il s’est allongé sur moi, Terrence. Son visage est posé contre mon torse, son dos est complètement courbé et ma large main vient se poser au milieu de ce dernier dans une caresse rassurante et douce. Je suis là, mon amour. Je suis épuisé, mais je suis là. Je suis avec toi et je viens de me libérer d’un poids énorme. C’est toi qui a réussi à me faire dire ce qui ne voulait pas sortir, cette culpabilité monstrueuse qui me colle à la peau depuis ma plus tendre enfance, depuis les premiers coups reçus, depuis la vision du visage tuméfié de maman qui pourrit désormais dans une prison à cause de ce bâtard. Je le hais, je le hais viscéralement pour tout ce qu’il nous a fait subir, pour tout ce que maman, lonnie et moi avons enduré par sa faute. Et je fais face à cette haine pour la première fois, je lui fais face, je l’accepte et je la révèle aussi. Je la crie, je l'expulse, je la dégueule. Et je me sens désormais vidé, de toute ma colère ainsi que de toute mon énergie. Comme le combattant qui termine, victorieux, tous ses combats et qui peut enfin, relâcher la tension et arrêter d'être constamment sur la défensive. Je ne suis jamais sur la défensive avec toi, Terrence... C’est alors que trois petits mots s’échappent de mes lèvres naturellement sans que je ne les calcule ni que je ne les retienne. Libres, ils franchissent la barrière de mes lèvres au moment qu’ils jugent d’eux-mêmes parfait. Je suis étendu sur le sol, les yeux bleus rivés vers la voûte céleste parsemée de rares étoiles, et l’aveu qui s’extirpe de mon corps épuisé et à bout de force est libérateur. Oh si tu savais tout le bien que tu me fais, mon amour, tout le bonheur que j’éprouve à être à tes côtés, tout l’amour que je ressens pour toi. Ça me porte, tu sais ? Ça me révèle, ça me fait vibrer de la tête aux pieds et surtout, surtout ça me donne envie d’avancer. Il y a des choses que je réalise sur moi-même en ta présence, certains dysfonctionnements que je prends désormais en compte au lieu de les ignorer, certaines attitudes qui me font défaut au lieu de m’aider. Je vois tout ça maintenant. Je le vois et j’ai envie de changer. Parce que j’ai envie de m’en sortir, bébé, j’ai envie de m’en sortir grâce à toi, et pour toi, pour t’apporter la sécurité dont t’as besoin, pour te cajoler, t’aimer à la hauteur de ce que tu mérites et te prouver que tous les hommes ne sont pas que des enfoirés. Jamais je ne te frapperais, jamais je ne lèverais la main sur toi, jamais je ne te forcerais ni ne t’obligerais à quoi que ce soit. Tu es libre avec moi, bébé. Tu es libre de tout. Et oh bordel, ce que j’aime te voir libre ! Tu es si beau, si intense, si parfait lorsque tu agis librement… Si beau… - Tu… Harvey, tu… Je t’aime ? Oui, ça ne fait aucun doute. Et je crois que ça fait un bon moment que je le sais, mais il fallait que mon cerveau intègre l’information pour la relâcher au moment parfait. C’est parfait ce soir, n’est-ce pas ? Maintenant que tout a été dit, maintenant qu’il n’existe plus aucun secret entre nous, maintenant que nos âmes se sont mises à nues, tout comme nos corps et nos esprits. Je t’aime, Terrence et t’es le premier que j’aime. Le premier et le seul pour lequel j’ai envie de me battre, le premier et le seul qui me donne l’envie de me lever tous les matins, le premier et le seul qui me donne le sourire aux lèvres constamment, le premier et le seul tout simplement. Je tourne ma tête lentement vers lui qui vient de s’allonger à mes côtés et je souris en contemplant son profil parfait. Il y a les astres qui se reflètent dans ses yeux brillants, ses boucles folles qui volettent légèrement sur son front et sa tempe, ses lèvres qui se pincent pour tirer sur la cigarette puis pour relâcher la fumée dans l’atmosphère, et c’est une image que je grave dans ma mémoire pour ne jamais l’oublier. T’es si beau, mon amour, lorsque tu es libre… Il tourne son visage vers moi et nous restons là un moment, sans parler, les yeux dans les yeux, à simplement se contempler et se reconnaître. Deux âmes sœurs qui ont eu la chance de se trouver au milieu de l’immensité du monde. Quelle chance en effet ! Ma main vient effleurer son avant-bras doucement, cherchant le contact électrisant de son corps contre le mien. J’ai vu à quel point tu m’aimais ce soir, bébé. Je sais que tu es capable de tout pour moi, tu n’as rien besoin de me dire. J’ai vu la détermination dans ton regard, tu m’as impressionné par ton impétuosité, ta fougue, ton intransigeance. T’as fait des études de droit il paraît ? J’aimerai en apprendre plus sur ça… J’aimerai tout savoir de toi, absolument tout, car ça vient de toi alors c’est obligatoirement parfait pour moi. Et il y a ce début de sourire qui vient étirer mes lèvres alors que mon regard parcourt ton visage. J’y lis toute ta surprise mais tout ton apaisement aussi. Elle a été dure cette journée, bébé, n’est-ce pas ? Elle a été dure, oui. Mais nous sommes encore là, tous les deux, vivants et remplis de force. Car c’est de ton amour que je tire toute ma force désormais. Et je sais que tu fais de même, bébé. Laissons-nous porter par ce sentiment explosif qui fait battre nos cœurs à l’unisson et combats tous nos démons. Ma main cherche la sienne, pour enrouler mes doigts aux siens mais mon geste n’atteint pas son but car il me devance, Terrence. Ses lèvres douces et sèches se posent tendrement sur les miennes, et nous échangeons un baiser chargé d’émotions, un baiser ému et transcendant, nos bouches viennent lier nos cœurs à nouveau et les promesses silencieuses d’éternité sont à nouveau proclamées ainsi. J’ai ton souffle sur mes lèvres, ton goût sur ma langue et les yeux clos je te laisse t’éloigner avec l’envie de te rattraper pour t’embrasser encore et encore… – Harvey… moi aussi je t’aime… Les yeux écarquillés, interdit et médusé par l’aveu qu’il formule à son tour et qui fait écho au mien, je le regarde rouler sur le dos et crier vers le ciel et l’infini ces trois mots qui bouleversent tout à l’intérieur de moi. – JE T’AIME !!!! C’est une chose de le savoir, une autre de se l’entendre dire, et l’émotion qui me traverse m’ébranle de la tête aux pieds. Tu m’aimes… Tu m’aimes !!! Et pour la première fois mon cœur qui menace d’exploser dans ma poitrine n’est pas douloureux, c’est même tout le contraire. Il est réchauffé, apaisé, cajolé par de tels mots et c’est une explosion bénéfique, une explosion qui recolle les morceaux au lieu de les éparpiller, une explosion qui rassemble et qui ne détruit rien mais qui, à l’inverse, répare. Son rire fluet s’élève dans l’air, mélodieuse caresse qui vient bercer mes tympans et soulage mon émoi. Je m’autorise à rire à mon tour, rire de bonheur et d’amour, rire parce que je me sens entier et comblé. Enfin complet. La pièce manquante du puzzle, celle qui le parfait et vient tout unir et éclairer, voilà ce que tu es dans le tableau de ma vie, Terrence. Essentiel. Indispensable. Primordial. - Je t’aime. Des larmes de joie apparaissent dans mes yeux, je renifle doucement et pose mes mains sur son corps qui se presse contre le mien. Avec tendresse, je l’aide à grimper sur moi et glisse une main sur sa joue, replaçant quelques folles mèches bouclées vers l’arrière. – T’es si beau, tu sais… J’suis fier d’être avec toi. J’ignore pourquoi je ressens le besoin de prononcer ces mots, mais ils me semblent importants. Car oui, je suis fier, extrêmement fier d’être avec un mec aussi fort, aussi fougueux, aussi combatif. Et mon regard est plein d’admiration, les étoiles du ciel se reflètent dans mes yeux pour les faire briller alors que je l’observe, mon homme à moi… - Faut qu’on rentre, on va attraper la mort à rester là. Viens. Ramène-nous à la maison. Ce pragmatisme, qui me ressemble davantage qu’à lui, me fait sourire. J’aime qu’il me rappelle à l’ordre, j’aime qu’il prenne les devants, j’aime qu’il me dirige. Alors, je me relève et me secoue un peu brusquement, oubliant les douleurs et les bleus qui parsèment mon corps. - Bébé… Ma main se pose sur son avant-bras et je tire doucement dessus, pour le ramener contre moi. Alors mes bras puissants s’enroulent autour de lui, sur ses épaules et nos visages se frôlent à nouveau. Il tremble, Terrence, de froid sûrement mais ce n’est pas bien grave. Susurrés de nouveau, les trois petits mots qui changent absolument tout, le percutent – Je t’aime, juste avant que mes lèvres ne s’apposent contre les siennes. Et ça fait un bien fou de le dire tu sais ? Je vais y prendre goût, je risque de te le dire souvent et d’en abuser. On abuse jamais des bonnes choses il paraît. Malheureusement, je n’ai pas assez d’expériences des bonnes choses pour le dire, mais j’ai envie de le découvrir. Avec toi, mon amour, j’ai envie de tout découvrir…