"OH CAUSE THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL THE DARK. YES AND THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL THE DARK. AND THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL YOU GO. YEAH SO YOU CAN’T CRAWL NO MORE. AND WAY DOWN WE GO. ► KALEO, WAY DOWN WE GO."
→ Aujourd’hui, c’est une matinée agitée et bien différente de celles qui rythment d’ordinaire mon quotidien. Je devrais y être habitué car j’accueille Morgane une fois toutes les trois semaines à la maison et pourtant, les réveils sont toujours aussi difficiles car explosifs. Il faut dire que j’ai toujours eu du mal à m’endormir et à trouver le sommeil, les matins sont donc une vraie plaie pour moi qui n’ai en général que deux ou trois heures d’endormissement au compteur. Ajouté à cela une môme de quatre ans surexcitée dès le réveil, et vous obtenez un cocktail assez détonnant de bon matin : moi qui suis en train de me traîner dans la cuisine, avec pendu à mes basques la petite frimousse de Morgane qui ne cesse de me poser toutes sortes de questions étranges – Papa, tu crois que je pourrais avoir une licorne un jour ? Non mais je sais que ça n’existe pas, je ne suis pas stupide ! Je veux une licorne doudou, j’en ai vu au centre commercial. Dis on ira au centre commercial aujourd’hui ? Je sors la brique de lait du frigo, la dépose sur le plan de travail et attrape le bol bleu, avec Elsa de la Reine des Neiges peinte dessus. – N’oublie pas tu dois mettre le chocolat après, une fois que le lait soit chaud papa, sinon ça ne se mélange pas bien. J’hoche la tête, suis les directives de ma fille de quatre ans qui se révèle être une véritable tortionnaire par moment et verse donc le lait dans la casserole pour le faire chauffer tandis que je me coule un café. Je soulève Morgane pour la faire s’assoir sur le bar face à la cuisine et j’écoute son charabia plein d’innocence et d’enthousiasme avec un air absent, à moitié réveillé. Je garde mon énergie pour l’interminable journée qui se profile à l’horizon. Et lorsque Mouse nous rejoint, c’est une avalanche de câlins qui envahit la cuisine de bon matin… Non, il faut bien que je l’avoue, je ne peux guère me plaindre car ce sont les meilleures matinées lorsqu’elle est là. Epuisantes, mais parfaites.
Je marche à grandes enjambées pour réussir à suivre Morgane qui sur son petit vélo s’est lancée dans une course effrénée pour être l’une des premières au parc d’enfant. Petit rituel qui s’est installé dans le temps. La cigarette que j’ai aux lèvres pendouille et je tire vaguement dessus sans lâcher du regard la prunelle de mes yeux qui s’élance, téméraire et pleine de vie vers les toboggans et tourniquets, tape-culs et balançoires. Je ralentis ma course lorsque l’enfant me balance son vélo rose dans les jambes en m’ordonnant d’en ‘prendre soin’. – Mais bien sûr ma chérie. Et je soulève le petit engin aux pompons qui pendent sur le guidon, totalement stéréotypé pour le coup (c’est elle qui l’a choisi, je n’ai rien influencé), pour m’éloigner vers un banc proche d’un petit parterre de fleurs. Le coin des parents, en somme. – PAPA ! La douce voix mélodieuse de ma fille qui hurle m’interpelle et je me tourne vers elle, en me demandant bien quelle est l’urgence. – PAPA YA UNE DAME QUI EST MORTE DANS LA CABANE ! J’ouvre de grands yeux ronds à cette information plutôt frappante et lâche le vélo rose pour m’approcher, suspicieux de ma petite fille qui ne bouge pas et reste à une distance respectable de la petite cabane en bois par laquelle il faut obligatoirement passer pour accéder au toboggan. Je découvre alors la silhouette allongée d’une jeune femme, inerte et je grimace en m’approchant pour vérifier qu’elle est bien en vie. – Laisse-moi voir Mo’, t’en fais pas. Je m’accroupis devant la cabane ridicule et trop petite, pour glisser ma main vers le visage de la demoiselle endormie lorsque je l’entends grogner. Je lève les yeux au ciel, comprends que la personne n’est pas en danger de mort et soupire en tapotant son épaule un peu brusquement. – Mademoiselle… Pas de réponse. J’insiste alors, un peu plus durement, un peu plus sèchement – Oh, mademoiselle ! La jeune femme se redresse péniblement, et j’explique – T’es dans un parc pour enfants là, c’est le matin, faut aller faire dodo ailleurs. J’ai du café si tu veux. Je me dis que ça peut l’amadouer et donc la faire décamper d’ici. Morgane ne me casse pas les pieds depuis plus de deux heures pour que son temps au parc soit gâché par la première bourrée venue. Je suis un papa impliqué, c’est tout.
Dans son rêve, la suédoise entend la voix d’une gamine. Elle est trop loin pour qu’elle puisse comprendre ce qu’elle dit, c’est plus un écho que des paroles nettes et précises. Ce n’est plus vraiment un rêve, alors, mais plutôt un cauchemar. Parce que Freya et les enfants, ça fait dix. Les petits êtres humains sont insupportables, ils cassent les oreilles pour trois fois rien et ils doivent sûrement coûter plus cher que le poids sur une balance. Il n’y a pas à dire, Freya n’aime pas les enfants. En plus, ça court dans tous les sens, ça n’écoute rien, ça pleure pour peu et ça use. Il n’y a qu’un mini humain qu’elle apprécie, c’est le fils de son cousin. Une télé, un paquet de bonbons, une bouteille de soda et le problème est réglé, il est heureux comme tout. (Son père peut-être moins quand il le récupère tout exciter à cause de l’overdose de sucre dans l’organisme du petit bout.) L’écho au loin la fait se retourner un peu, inconsciemment avant qu’elle entende une voix un peu plus proche. « Mademoiselle… » Pour le coup, ça parait bien plus réel. On l’emmerde, on la touche, pourquoi on la touche, là ? Fais la morte, Freya, ne réagis pas. Si tu restes allongée comme ça, peut-être qu’on va finir par se lasser et te laisser tranquille. Ouais, ça semble être un bon plan ça. Inerte, inconsciente. « Oh, mademoiselle ! » Mais en faites, on insiste. Lourdement, sèchement, et Freya ne peut pas ne pas grimacer. Trahison par son propre visage qui n’apprécie pas le ton. La suédoise finit par tenter d’ouvrir les paupières, difficilement, prête à envoyer chier la personne qui ose interrompre un sommeil durement gagné et hautement mérité. Elle se relève sur un coude, les mots qui sont dans la tête mais sans aucune grande cohérence. Au bout de trois secondes, le type en face d’elle finit par être plus rapide – évidemment, ce n’est pas lui qui a la tête qui gronde, qui grince, ni le type digestif qui menace de péter à tous les étages parce qu’elle lui en a fait baver. Ou boire, plus tôt. Pourtant, on pourrait penser qu’avec le temps, son corps se serait habitué mais ce n’est jamais vraiment le cas. Parce que c’est une Doherty, il faut toujours qu’il y ait une faille dans la conception. Enfin, même si dans le cas de la fratrie, il y en a eu plusieurs et qu’elles sont toujours là, jamais vraiment colmater, toujours à leur pourrir la vie.
Freya pourrait presque (par mégarde) foutre son pied dans le visage du propriétaire de la voix sèche qui ose la perturber dans son sommeil. Mais ce dernier est bien plus vif qu’elle. « T’es dans un parc pour enfants là, c’est le matin, faut aller faire dodo ailleurs. J’ai du café si tu veux. » Bordel. Quoi ? Les paupières devraient s’ouvrir mais c’est dur, elle a la tête lourde et elle a juste envie de grogner. D’ailleurs, c’est ce qu’elle fait. Elle se masse le front en grognant. « Nawak, un parc pour enfants, j’ai la gueule pour dormir dans un parc pour enfants ? » Elle dit ça mais quand Freya ouvre les yeux, enfin et péniblement, elle peut constater que, non seulement le soleil est effectivement bien levé et qu’elle est dans une maison qui est bien trop petite pour être la sienne. C’est tout marron, tout en plastique (ou on ne sait quel autre matériau) et surtout, c’est minuscule. Elle prend conscience de ses jambes bizarrement foutues pour rentrer dedans avant de poser avant son regard brun sur l’intrus. « Tu s’ras prié de nettoyer tes godasses avant de franchir l’seuil. » L’éthanol n’est pas redescendu complètement et Freya relâche son coude pour se laisser de nouveau choir contre le sol. C’est pour ça que le matelas lui paraissait bien dur aussi. Elle finit par étendre ses jambes en direction de l’entrée et, dans son action, elle pousse sans ménagement le jeune homme. Elle baille et s’étire ensuite les bras avant de se redresser complètement, le visage peiné par l’effort. « T’as parlé d’café, nan ? Ou ça aussi j’l’ai rêvé ? J’te préviens, t’as intérêt à en avoir parce que j’rigole pas avec ce genre de trucs. » Le café, c’est sûrement la seule boisson saine qu’elle prend sans aucune modération. Puis Freya se met à regarder son interlocuteur, comme si elle le voit pour la première fois (c’est le cas après tout). « J’sors pas tant que j’ai pas mon café. » Et elle croise les bras pour bien prouver son point de vue.
Ce n’est pas aujourd’hui qu’on pourra la berner avec sa dose de caféine. Même si c’est encore deux putains d’yeux bleus qui essaient de l’amadouer. Nope, ça ne fonctionnera pas.
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→ Elle s’éveille difficilement la jeune femme, bien éméchée de la veille, jeune fleur flétrie dont les pétales jonchent le sol de la cabane, et si le tableau pourrait éveiller en moi de la compassion, le fait que ma fille de quatre ans à côté de moi me pousse à la déloger ne me permet pas de m’attarder sur la poésie du moment. Après l’avoir secoué comme un prunier, elle se redresse en grognant légèrement et je suppose qu’elle aimerait s’étirer mais vu la position dans laquelle elle se trouve, c’est un peu compliqué. – Nawak, un parc pour enfants, j’ai la gueule pour dormir dans un parc pour enfants ? J’hausse les épaules et arque les sourcils en me demandant si elle est réellement sérieuse. Peut-être pas encore assez réveillée pour se rendre compte de l’endroit où elle se trouve. Peut-être encore trop bourrée de la veille aussi. Peu importe à vrai dire car ce n’est pas mon problème et je me fiche des raisons qui l’ont amené à dormir ici dans cette position des plus inconfortables ; tout ce qui m’intéresse c’est la libération de la cabane du parc pour que Mo’ puisse jouer en toute tranquillité. Alors, sereinement, je lui rétorque : – J’sais pas si t’as la gueule pour, je dirais que t’as plus la gueule à dormir dans un lit mais là t’es dans une cabane en plastique et tu bouches l’entrée. Un petit sourire amusé sur les lèvres, je la regarde, la jolie demoiselle en plein réveil et je lui trouve un petit air mignon en dépit de son caractère grognon. Elle étend ses jambes, les étire et me pousse par la même occasion en soufflant : – Tu s’ras prié de nettoyer tes godasses avant de franchir l’seuil. Je ne retiens pas un petit rire qui s’échappe alors que mon regard fait le tour de l’exigüe petite maisonnée. Je n’y rentrerais pas, j’en suis sûr. Encore moins si elle y reste. – Oh tu m’invites déjà à entrer ? J’préfère aller chez moi tu sais. J’hausse deux fois les sourcils avant de m’écarter un peu de la sortie. Morgane se presse dans mon dos, l’air fâchée, avec une petite moue tandis que l’inconnue se redresse complètement et sort de la cabane. – T’as parlé d’café, nan ? Ou ça aussi j’l’ai rêvé ? J’te préviens, t’as intérêt à en avoir parce que j’rigole pas avec ce genre de trucs. J’sors pas tant que j’ai pas mon café. Un bref coup d’œil vers le banc où j’ai déposé mon café brûlant et le sac de Morgane, ainsi que son vélo rose, et je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que ma fille s’exclame – C’EST LA DAME MECHANTE DU VELO ! La dame méchante du vélo… Je tourne mon regard circonspect vers Morgane qui fixe l’inconnue avec un air boudeur et méfiant sans réellement comprendre de quoi il s’agit. – Comment ça c’est la dame méchante du vélo ? Je demande, cherchant une explication rationnelle à ce bordel qui semble trop déluré pour être réel. – Elle m’a presque écrasé avec son vélo ! Et après elle a crié sur Maman ! Ignorant cet incident-là, je me racle la gorge et tourne mon regard interrogateur vers la jeune femme à mon tour. – Alors comme ça on vole les maisons des enfants et on manque de les écraser ? Joli palmarés. Et c’est un sourire à peine masqué qui se pose sur mes lèvres malgré tout. Parce que ouais… L’ordinaire n’a pas le même attrait, c’est tout.
Elle geint, Freya, parce qu’on la déloge de là où elle était bien. Et en plus, on lui reproche de boucher l’entrée. N’importe quoi, c’est chez elle, elle a le droit de s’y prélasser comme quand Alice la géante se retrouve coincer dans la petite maison (ou alors c’est l’inverse ?). La jeune femme sourit légèrement, un peu (beaucoup) bêtement aussi quand il lui dit qu’il préfère aller chez lui. « Heeeey, c’est très cosy ici, t’sais. Ça a pas l’air mais c’est… Cosy. » dit-elle en tâtant légèrement le sol qui est en faites tout sauf cosy. Son dos a dû en souffrir parce qu’elle se redresse en grimaçant. Bon okay, ce n’est pas cosy du tout et elle a aussi mal au fessier. Alors Doherty se relève, elle se cogne la tête contre l’encadrement de la sortie et elle grogne de nouveau. « Et pi, j’suis pas facile fille. » Oui, parce que ça, c’est une information importante. Oh et. « J’ai un copain. » C’est nul, il s’en fiche mais Freya finit par sortir en rigolant comme une gamine – après tout, ils sont dans un parc, elle s’en rend bien compte malgré elle. Elle plisse les yeux, elle passe la main sur son front et elle grimace furieusement parce que le soleil l’agresse et que la lumière est bien trop forte. « C’EST LA DAME MECHANTE DU VELO ! » « NAN MAIS CA VA DE CRIER COMME CA ? » Une petite voix perçante qui s’incruste dans ses oreilles en même temps que les rayons qui lui tapent la rétine et Freya a l’impression que sa tête va finir par exploser dans quatre trois dix une seconde.
Il y a comme un moment où le type tout fin, tout brun, tout papa apparemment se met à parler avec la petite voix perçante. Une conversation que Freya ignore parce qu’elle regarde les environs, se demandant comment elle a atterri ici. Elle tâte ses poches et fronce des sourcils. Pas de portefeuille, pas de clés, pas de téléphone, rien du tout. Le bordel, le désespoir, la panique. Elle n’aime pas avoir des trous noirs comme ça, c’est bien trop déstabilisant. Et puis merde, comment ça se fait que sa jumelle alcoolisée a cru que c’était la plus brillante des idées de venir crécher dans un fichu aire pour enfants ? Parce que la voix perçante, elle a décrété qu’elle n’en veut plus jamais comme réveil. Prends bonne note, jumelle alcoolo. « Alors comme ça on vole les maisons des enfants et on manque de les écraser ? Joli palmarès. » Il lui parle ? C’est à elle qu’il parle ? Doherty tourne la tête vers lui parce qu’elle a la sensation que oui et effectivement, ses yeux tout piquants tombent sur un regard bleu clair qui la regarde. Il sourit quand même, l’idiot, alors que Freya ne voit pas trop ce qu’il y a à sourire. « Qu’est-ce que… » Elle n’y comprend rien, Freya, c’est quoi cette histoire d’enfants écrasés ? « Alors déjà, j'vole rien. J’y étais en prems. Fallait s’réveiller avant, mini pouce. » dit la jeune femme en regardant la mini pouce en question. Et en faites, maintenant qu’elle la voit d’un peu plus près, effectivement qu’elle lui rappelle quelque chose, cette mini pouce. « La dame méchante du vélo, hein ? Ooooooh, ça va, j’t’ai à peine frôler. Pauvre p’tite chose. » Freya se redresse vers le jeune homme, celui qui s’est tapé Jessian pour avoir fait cette offrande haute comme trois pommes au monde. « Les enfants, d’nos jours, ça chouine vraiment pour rien, hein. Bon, et c’café, c’est pour aujourd’hui ou faut aller chercher les grains j’sais pas où dans l’monde ? » Oui parce qu’avant, il faut un café. Avant quoi ? Elle n’en sait rien mais il faut quand même un café.
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→ → Elle n’a pas l’air très commode la princesse déchue, la belle à la cabane dormante, la blanche-neige des temps modernes sans animal pour lui donner un coup de fouet. Et ça m’amuse plus que ça ne m’exaspère car fut un temps où j’aurai très bien pu me réveiller dans un parc complètement bourré moi-aussi. Alors, c’est presque avec nostalgie que je l’observe s’étirer et tenter de se redresser – et pour ce faire, elle me pousse sans délicatesse, ce qui manque de me faire tomber sur les fesses. – Heeeeey, c’est très cosy ici, t’sais. ça a pas l’air mais c’est… Cosy. Je grimace, fais une petite moue, puis hausse les épaules en déclarant – J’aurai plutôt dit « plastique » que cosy, mais si t’as envie d’édulcorer la chose. Après tout, moi j’ai dormi dans mon lit et je suis plutôt reposé malgré le réveil des plus énergiques que Mo’ m’a fait vivre. – Et pi, j’suis pas facile fille. J’ai un copain. Je me retiens de lui balancer un prétentieux « elles disent toutes ça avant de finir dans mon pieu », mais je n’en pense pas moins en l’observant. Combien j’en ai entendu minauder, faire les yeux doux et jouer les filles impossibles et mortelles en utilisant l’excuse du copain ? Il y en a eu beaucoup trop en réalité. Beaucoup trop de nanas qui se voilent la face ou qui se cachent derrière leur prétendu ‘mec’, alors que tout ce qu’elles veulent, c’est se sentir libres et lâcher prise dans d’autres bras. Je suis le mec d’un soir, celui qui les fait rêver et qui disparaît au petit matin, sans un bruit, sans un numéro de téléphone, sans rien laisser derrière lui que du vide et la honte. En d’autres termes, on peut tout à fait me considérer comme un connard de la pire espèce. Je n’ai eu qu’une seule véritable histoire d’amour, et elle m’a brisé le cœur. Je n’ai pas réellement envie de réitérer l’expérience. Pourtant, t’es en train de tomber amoureux mec, non ? Elle t’as pas déjà eu Anderson et ses yeux de biche ? Arf…Fichue Anderson tiens ! Et c’est Morgane qui m’extirpe de mes pensées en criant de sa voix fluette et stridente (qui apparemment résonne dans la tête de la demoiselle, car elle crie à son tour). Je grimace, recule légèrement pour m’entretenir avec ma fille qui semble profondément détester notre alcoolique notoire et m’amuse de ce récit étrange. Ainsi donc, Jess a déjà eu affaire à cette drôle d’énergumène. Je l’interpelle à nouveau tandis que Morgane croise ses petits bras sur sa poitrine, dardant un regard sans équivoque sur la jeune femme, comme pour lui demander des comptes. – Qu’est-ce que… Alors déjà, j’vole rien. J’y étais en prems. Fallait s’réveiller avant, mini pouce. Devant l’impertinence de la jeune femme, Morgane ouvre sa petite bouche qui forme un O de stupeur et je ris en secouant la tête. Je tends la main à la jeune femme et lui attrape la sienne pour l’extirper de là. Ses doigts sont gelés, ce qui contraste doucement avec la chaleur qui enveloppe les miens. – T’inquiète pas Mo’, la dame va se lever. Et je tire vigoureusement sur sa main, la forçant à se lever d’un coup. Evidemment, je suis le mouvement et la retiens de se casser la gueule en riant. – Doucement… Doucement. Je recule de quelques pas et Morgane se précipite dans la cabane, l’air revêche, défiant la jeune femme de s’y remettre. Qui va à la chasse perd sa place, ou plutôt qui s’fait tirer, n’y retourne pas… - La dame méchante du vélo, hein ? Ooooooh, ça va, j’t’ai à peine frôlé. Pauvre p’tite chose. Les enfants, d’nos jours, ça chouine vraiment pour rien, hein. Bon, et c’café, c’est pour aujourd’hui ou faut aller chercher les grains j’sais pas où dans l’monde ? A nouveau, je secoue la tête, diablement amusé par son humour plein de sarcasme. – Y’a plusieurs spots dans le monde, pour les grains. Mais un starbuck f’ra l’affaire j’imagine hein ? Je lui désigne le bain sur lequel traîne le café encore chaud, accompagné du petit vélo rose. – Allez viens. Tu peux jouer Mo’ maintenant. J’envoie un baiser volant à ma fille tout en dirigeant la jeune femme à la démarche précaire vers le banc. Je m’installe à ses côtés, un léger sourire flottant sur les lèvres et je coince une clope entre mes lèvres en l’observant de biais. - Je suppose que tu sais pas comment t’as atterri là… T’as un téléphone sur toi ? Des papiers ?
« J’aurai plutôt dit « plastique » que cosy, mais si t’as envie d’édulcorer la chose. » C’est une question de point de vue. Alors Freya hausse les épaules en arborant une mine boudeuse de cette contre affirmation qui ne lui plait pas. Non, en faites, c’est la situation générale qui ne lui plait pas, à Boucle brune (ou blonde, elle ne sait même pas quelle couleur orne sa tête) dans sa maison trop petite pour elle. La suédoise n’a aucune idée de comment elle est arrivée jusqu’ici et encore moins à quel stade elle en était dans sa vie en globalité (globale) pour se dire que dormir dans une cabane à mioches était la meilleure des idées. C’est l’alcool, c’est venu dans son gosier sans qu’on lui demande son avis et elle n’a pas fait attention, mea culpa. Comme si on peut croire de tels propos quand on la connait un tant soit peu.
« T’inquiète pas Mo’, la dame va se lever. » Ah bon ? Et si la dame elle ne veut pas ? ‘Pas de café’, noooon. Et en faites, il ne lui demande même pas son avis, le grand brun parce qu’il est déjà en train de la tirer. C’est brutal et elle grogne. « Hey, un peu d’délicatesse, bordel. Chui pas en chiffon encore, hein. » Et en plus, elle manque de se cacher la tronche. Pas que c’est sa première situation compromettante. C’est une Doherty, elle en a connu tellement, des moments étranges, cocasses ou carrément affligeants. Mais franchement, ça ne manque jamais de la renfrogner un peu, Freya. Parce qu’elle n’aime pas qu’on l’extirpe comme ça, qu’on vienne lui chercher des poux alors qu’elle veut simplement dormir. Alors elle ronchonne en guise de réponse à son léger avertissement, celui d’y aller doucement. Elle va lui en foutre dans la tronche, des doucement, surtout pour laisser sa petite minimoys courir vers là où elle dormait à poings fermés. La suédoise ne trouve rien d’autre à faire que tirer la langue à la gamine fière comme un paon dans sa cabane. « La prochaine fois, j’ferai comme les chiens, j’marquerai mon territoire. » La mini pouce la regarde en fronçant des sourcils. « Demande à ton père c’que ça veut dire. » En voilà une leçon classe et délicate dans les règles de l’art.
« Y’a plusieurs spots dans le monde, pour les grains. Mais un starbuck f’ra l’affaire j’imagine hein ? » Freya hausse une nouvelle fois les épaules. « Okay, tout c’qui a d’la caféine, j’prends. J’suis pas exigeante. » Pas comme son degré de sommeil. Ou sa qualité. La jeune femme grommelle alors qu’elle se voit suivre le jeune homme (malgré elle, hein, faut pas abuser) alors que ce dernier rassure sa chère tête blonde qu’elle peut jouer tranquillement. « Pff, trop gâtés, ces gamins. » Elle, c’est à peine si ses parents pensaient à les sortir de temps en temps. Comme des animaux, ces morpions. Mais les animaux, c’est vachement moins casse pied que des enfants qui courent et crient tout le temps sans arrêt. Elle a une pensée émue à son petit hamster qui doit vagabonder joyeusement dans le jardin de Tim et elle aussi, elle veut vagabonder joyeusement dans un jardin, for godsake. Une minute de tranquillité, trop demandé ? « Je suppose que tu sais pas comment t’as atterri là… T’as un téléphone sur toi ? Des papiers ? » Qu’elle a atterri là-bas hier, non, c’est le vide total. Par contre, Freya a un sourire sarcastique en posant ses fesses lourdement sur le banc. « Bah si, je viens de marcher parce que tu m’as forcé et booom ! Mon cul s’est posé sur le banc. Magie ! » Téléphone, papiers… « T’en poses souvent ce genre de question ? J’étais bourrée, j’suis pas amnésique. » Même si quand même, se retrouver sans rien, c’est louche et bizarre. Et impossible de se rappeler si elle est partie avec quelque chose la veille au soir. Elle finit par se pencher et prendre un tas de feuilles qu’elle jette en direction du jeune homme. Qui ose fumer devant elle, bordel de merde. « Tiens, tes papiers. Quant au tel… » Freya retourne les poches de sa veste d’un air triste. « Envolé. » Ou oublié. Qui sait ? Son attention est ensuite happée par la fumée de la boisson chaude sur le banc qu’elle prend sans attendre son reste. Première gorgée et elle laisse échapper un petit soupir de contentement tout en s’affalant un peu plus sur le banc. Avec ce soleil toujours en train de lui cramer la rétine. Bordel de pays. « J’croyais que c’est interdit de fumer dans un parc pour mômes. » En faites, ça devrait être interdit partout parce que c’est chiant, ça pue, ça donne le cancer et des maux de crâne. C’est qu’elle en oublierait presque ses addictions, la gamine.
"OH CAUSE THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL THE DARK. YES AND THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL THE DARK. AND THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL YOU GO. YEAH SO YOU CAN’T CRAWL NO MORE. AND WAY DOWN WE GO. ► KALEO, WAY DOWN WE GO."
→ La demoiselle est ronchonne, sûrement qu’elle n’a pas un réveil des plus agréables et pourtant j’y mets les formes car j’ai suffisamment fréquenté d’aires de jeux pour savoir que certains parents ne sont pas aussi délicats lorsqu’il s’agit de protéger leur progéniture ! En vrai, je suis carrément un gentleman parce que j’aurai très bien pu me contenter de lui dire « bouge ton gros cul de là ». Cul qu’elle n’a pas si gros que ça en vérité, puisque maintenant qu’elle est levée j’ai le loisir de la reluquer, je ne vais pas m’en priver. Parce qu’elle est plutôt mignonne, la ronchonne mais son caractère de cochonne lui ôte tout son charme, c’est dommage. J’avoue que j’ai un petit faible pour les petites filles sages (qui ne sont pas si sages en réalité), alors le style brut de décoffrage a tendance à me faire reculer de plusieurs mètres. Et pour le coup, il y a aussi son haleine chargé en alcool qui a eu le temps de macérer, ce qui n’aide pas vraiment, mais je vais m’abstenir de lui en parler – à moins qu’elle se montre beaucoup trop désagréable. – La prochaine fois, j’ferai comme les chiens, j’marquerais mon territoire. Demande à ton père c’que ça veut dire. Oh, elle n’a pas besoin de me le demander, à quatre ans Morgane comprends bien plus de choses que ne le pensent les adultes. Mais ayant l’habitude qu’on diminue consciemment la compréhension des enfants pour éviter de se remettre en question, j’hausse simplement les épaules et embrasse la joue de ma petite princesse, caressant tendrement son dos en disant – Va jouer Mo, profite, ne t’en fais pas. C’est pas ça qui nous mettre en retard sur le programme de la journée, hein ? Et comme je m’y attendais, le regard de Morgane s’illumine car elle a déjà prévu de me faire vivre un enfer, et moi je plonge dedans, bêtement. – Pff, trop gâtés, ces gamins. Remarque acerbe qui m’effleure à peine. Je m’en tape complètement de tout ce qu’on pourra me balancer sur ma façon d’éduquer ma gosse, je suis là déjà et c’est bien mieux que beaucoup de lâches qui se tirent et n’assument rien. Une fois assis sur le banc, à la place des jeunes parents, je lance la discussion pour tenter d’en apprendre un peu plus sur la jeune femme. Pour en arriver à se réveiller dans un parc complètement torchée de la veille, c’est qu’elle a forcément des problèmes et je suis du genre à tendre la main sans rien attendre en retour. – Bah si je viens de marcher parce que tu m’as forcé et booom ! Mon cul s’est posé sur le banc. Magie ! J’écarquille les yeux en l’écoutant, je crois que j’hallucine un peu d’ailleurs. On dirait une adolescente de quinze ans qui s’exprime, prêt à faire sa mini-révolution parce que papa a refusé de lui offrir son poney, wow ! – T’en poses souvent ce genre de question ? J’étais bourrée, j’suis pas amnésique. – Et si délicate, putain ! S’en est presque impressionnant. Je lève les yeux au ciel, pouffe un peu et tire sur ma clope, avant de l’observer jeter des feuilles en l’air. Ok, elle a un grain en fait la meuf. – Tiens, tes papiers. Quant au tél… Envolé. Et là, c’est le moment où je me demande si je dois appeler les flics ou pas. Parce que son comportement est plus qu’anormal et qu’il en devient presque inquiétant car plus elle parle, plus elle s’agite, plus elle montre des signes de psychotique. – Ok… T’as pas un papier qui indique qui contacter si jamais t’es perdue dans la ville ? C’est qui qui s’occupe de toi ? T’as un tuteur ? T’es dans quel centre d’accueil ? J’ouvre mon téléphone et scroll sur mes applications pour ouvrir un plan de la ville, voir s’il y a un centre pour psychotiques ou déficients dans le coin. – J’croyais que c’est interdit de fumer dans un parc pour mômes. J’hausse les épaules et réponds simplement sans m’en préoccuper plus que ça – J’ai pas vu le panneau d’interdiction. Puis, je relève la tête sur la nana, sourcils arqués en me demandant si elle est dangereuse pour les autres ou quoi. J’espère que Morgane va continuer à jouer et ne reviendra pas par là. – Tu connais Jess apparemment ? Que je demande en me rappelant des mots de ma princesse.
« Va jouer Mo, profite, ne t’en fais pas. C’est pas ça qui nous mettre en retard sur le programme de la journée, hein ? » Au moins, il a l’air d’un père plus ou moins exemplaire, quand on voit au-delà de son apparence originale, sa dégaine de dandy et ses tatouages présents un peu partout. Comme quoi, l’apparence ne fait pas le moine. L’inconnu a déjà sûrement plus fait pour sa gamine qui a l’air de nager en plein bonheur que son propre paternel qui ne les a jamais amené au parc - pas aussi loin que Freya puisse s’en rappeler en tout cas. La jeune femme regarde la gamine s’éloigner en courant et elle serait presque nostalgique du temps où elle aussi, elle était insouciante comme ça. Où elle n’avait pas pleine conscience des problèmes dans le foyer, où elle ne se rendait pas vraiment compte qu’ils étaient déjà tous maudits à vivre et grandir dans un enfer ambulant - est-ce que ce sont les enfers ou le monde, telle est la question. La suédoise se tasse un peu plus sur le banc, ne sachant pas trop si elle veut dire ‘fuck off’ au soleil pointé un peu trop brillamment devant ses rétines ou au contraire, profiter de la chaleur des rayons pour se réveiller. Sûrement un peu des deux alors qu’elle lève son minois avec les yeux clos vers l’astre solaire tout en balayant sa main devant son nez parce que l’autre, le papa exemplaire, il est quand même en train de fumer dans un parc pour gamins. C’est quand même un comble. « Et si délicate, putain ! S’en est presque impressionnant. » La jeune femme eut un hoquet de rire parce que délicate ne fait pas parti de sa définition. Elle a beau avoir une moue presque enfantine et absolument adorable, les traits qu’elle porte et son regard sombre dénotent totalement. Et il suffit qu’elle ouvre la bouche pour casser définitivement ce portrait de la femme-enfant qu’on peut avoir, fragile et ‘délicate’.
« Ok… T’as pas un papier qui indique qui contacter si jamais t’es perdue dans la ville ? C’est qui qui s’occupe de toi ? T’as un tuteur ? T’es dans quel centre d’accueil ? » Là, pour le coup, Doherty ne rigole plus. Elle le regarde fixement, l’air droit, tout en se demandant s’il ne se fout pas de sa tronche. Le pire ? C’est qu’il a l’air foutrement sérieux. « Alors, j’ai pas besoin de tuteur, ni d’un chaperon. J’ai un chez moi et j’connais Brisbane comme la couleur de ma première culotte - verte avec des points roses si ça t’intéresse. T’es en train de m’traiter d’folle, là, j’le sens que tu m’traites de folle. » Un centre d’accueil, franchement, il ne faut pas non plus exagérer. « J’ai vingt-sept piges et j’ai pas besoin d’un putain de centre d’accueil. Nan mais sérieux, il en faut pas beaucoup pour t’faire crier aux alertes, visiblement. » Même si elle a effectivement un problème à la tête, d’un, ce n’est pas écrit sur son visage et de deux, elle se sent parfaitement bien, là. Aucun complexe à avoir, « J’ai juste un mal de crâne de chien. Et le reste, c’est total naturel. » Alors tu peux fuir si tu veux avec ta gamine, sinon.
« J’ai pas vu le panneau d’interdiction. » Freya secoue la tête tout en croisant les bras avec une mine boudeuse. Ce n’est pas l’odeur de la clope qui va arranger son mal de tête. « Tu connais Jess apparemment ? » Ah. Doherty lâche un soupire avant de bailler et de rejeter la tête en arrière contre le banc tout en s’y affalant un peu plus. « Ouais. A l’école. C’était pas une enfant d’cœur, ta nana. » Freya croit se rappeler que Jessian lui a dit qu’elle n’était plus avec le père de sa gamine mais pour être honnête, elle n’a rien retenu (elle n’est pas en capacité de se rappeler de toute façon). « En tout cas, ça t’va bien au teint, les vélos roses à pompons. » qu’elle dit en désignant le vélo qui traine à côté du banc. « Bon et ce café, j’y ai l’droit quand ? » Freya n’oublie pas contre jamais l’essentiel.
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→ Elle se comporte d’une façon étrange la jolie demoiselle, et en plus d’être ronchonne elle a carrément l’air folle. Alors ni une ni deux, je décide de faire une bonne action et de l’orienter vers le chemin de la raison. Elle s’offusque automatiquement et s’insurge dans la foulée – ce qui me fait bien marrer en vérité. – Alors, j’ai pas besoin de tuteur, ni d’un chaperon. J’ai un chez-moi et je connais Brisbane comme la couleur de ma première culotte – verte avec des points roses si ça t’intéresse. Elle m’allume en me parlant de sa culotte. Elle m’allume, et ça pourrait me plaire si je ne me questionnais pas réellement sur ses capacités mentales – personne ne veut d’une folle furieuse comme amante, c’est le genre de nanas capable de te couper les couilles pendant ton sommeil ou de foutre le feu à ta baraque durant ton absence et, hors de question que cela ne se produise. – T’es en train de m’traiter d’folle là, j’le sens que tu m’traites de folle. J’hausse les épaules et rétorque simplement – Baaaah, faut dire que t’agis un peu comme une folle aussi. Tu pionces dans un parc pour enfants, tu t’énerves alors que personne ne t’agresse et t’es bah… folle ouais. T’agis comme une putain de tarée névrosée et angoissée qui agresse pour que les gens restent à distance. T’sais, j’voulais juste que tu sortes de la petite maison des gosses pour qu’ils puissent jouer moi hein. J’veux rien sinon. J’ai pas envie d’voir ta culotte. Et pour ta gouverne, y’a des gens qui ont des chez-eux et qui connaissent Brisbane comme leurs poches tout en ayant besoin d’un tuteur, ce n’est pas forcément négatif. Certains handicapés sont plus autonomes que nous, alors loin de moi l’idée de cracher sur eux ou de les mépriser. Au contraire, je les trouve admirables pour réussir à vivre en dépit d’une maladie qui leur pourrit la vie. – En vrai, si t’as besoin d’aide c’est pas négatif tu sais. T’as pas beaucoup d’monde qui te proposera de t’aider comme ça, sans rien attendre en retour. Mais si tu prends tout de manière désagréable bah… ça donne pas envie de persévérer t’sais. C’est pas une leçon de morale, mais j’suis blasé. J’suis un mec tranquille en vérité, un peu nerveux ouais, mais pas méchant alors me faire rabrouer de la sorte ne me plait pas. – J’ai vingt sept piges et j’ai pas besoin d’un putain de centre d’accueil. Nan mais sérieux, il en faut pas beaucoup pour t’faire crier aux alertes, visiblement. J’ai juste un mal de crâne de chien. Et le reste, c’est total naturel. Sous prétexte qu’il est assumé, le mauvais caractère doit être toléré ? C’est nouveau ça. – T’as dû prendre une sacrée murge pour te retrouver dans cet état… Je fais une petite moue, observe autour de nous et m’allume tranquillement ma clope. D’où peut-elle bien connaître Jess ? ça m’interroge, alors je vais à la pêche aux infos car il est hors de question que je quitte ce parc à cause d’une meuf ronchonne. – Ouais. A l’école. C’était pas une enfant d’cœur, ta nana. Je souris, connement. – Je ne l’étais pas non plus. Un triple connard, carrément. J’étais le genre de gosse à faire chier tous les autres, tout le temps. Et à se battre aussi, constamment. Le nombre de renvois et d’heures de colles parle pour moi. C’était n’importe quoi. – C’est pas ma nana ceci dit. – En tout cas, ça t’va bien au teint, les vélos roses à pompoms. Bon et ce café, j’y ai l’droit quand ? J’arque les sourcils, pouffe et pointe du doigt le café posé à ses côtés sur le banc. – Je te l’ai déjà donné en fait… Mais non, elle n’est pas folle puisqu’elle l’affirme hein ? – Le rose me va bien, les couettes aussi. J’aime bien me travestir parfois, c’est sympa. Ça ne t’arrive jamais ? Puisque cette rencontre n’a ni queue ni tête, autant s’amuser un peu. – T’as une attitude de mec un peu.
« Baaaah, faut dire que t’agis un peu comme une folle aussi. Tu pionces dans un parc pour enfants, tu t’énerves alors que personne ne t’agresse et t’es bah… folle ouais. T’agis comme une putain de tarée névrosée et angoissée qui agresse pour que les gens restent à distance. T’sais, j’voulais juste que tu sortes de la petite maison des gosses pour qu’ils puissent jouer moi hein. J’veux rien sinon. J’ai pas envie d’voir ta culotte. Et pour ta gouverne, y’a des gens qui ont des chez-eux et qui connaissent Brisbane comme leurs poches tout en ayant besoin d’un tuteur, ce n’est pas forcément négatif. » Freya se tasse sur son banc, le regard devant elle, perdu sur la gamine innocente qui joue, alors que son cerveau essaie d’engloutir non plus de l’éthanol mais les mots de l’inconnu. Et il en dit beaucoup. Un peu trop assimilé alors elle grimace. Ce n’est jamais très agréable de se faire traitée de ‘folle’ et encore moins de ‘tarée névrosée’. Le coup qu’elle se prend derrière la tête (façon de parler) lui rappelle qu’elle n’est pas dans un moment propice pour ce genre de remarques. Est-ce que c’est pour ça qu’elle s’est foutue la tête à l’envers la veille ? A défaut de voir le visage de son copain complètement abattu de la voir comme une âme morte trainant dans son appartement, la suédoise aurait bien pu penser que d’aller dans le bar du coin et vider son salaire en liquide en tout genre était la meilleure des idées. Juste de quoi foutre son état morose dans les chaussettes et lui dire ‘fuck’ pour douze petites heures. Ce n’est rien, douze heures, n’est-ce pas ? Et pourtant, l’inconnu qui lui parle comme ça, ça lui refout le moral en berne d’un seul coup. « En vrai, si t’as besoin d’aide c’est pas négatif tu sais. T’as pas beaucoup d’monde qui te proposera de t’aider comme ça, sans rien attendre en retour. Mais si tu prends tout de manière désagréable bah… ça donne pas envie de persévérer t’sais. » Okay, elle serait presque à deux doigts de culpabiliser, là. Presque. Si Freya n’était pas déjà assez occupée à foutre une cohérence dans sa tête sur tout ce que les lèvres fines de son interlocuteur viennent de découler. « Okay, je… Déjà, ma culotte verte à poids rose, tu vas avoir du mal à la voir, elle me va plus depuis que j’ai passé l’âge de deux ans. » La suédoise serait même incapable de dire ce qu’elle porte en ce moment. Pas que c’est intéressant de surcroît. « C’est- ugh, parce que oui, ça lui torche un peu le cul de le dire, quand même gentil de vouloir aider mais y a rien à aider, crois-moi. » J’ai juste le cerveau en vrac mais rien de nouveau sous le ciel dégagé et bien trop lumineux. « Donc tu peux ne pas persévérer. C’est juste… J’ai mal au crâne, j’ai un trou noir et j’suis pas forcément très agréable comme meuf. » Mais ça, il l’a sûrement déjà constaté.
« T’as dû prendre une sacrée murge pour te retrouver dans cet état… » Freya eut un rire sans odeur, à part celle de la clope. « Faut croire que ouais. » Seul son compte en banque pourra lui donner une brève idée de ce qu’il s’est passé la nuit dernière. Elle n’a pas forcément hâte de regarder. « Je ne l’étais pas non plus. » La suédoise lui jette un regard du coin de l’œil tout en souriant légèrement. « Ça explique les vibes de mauvais garçon, alors. » Parce qu’il n’est pas le genre qu’on attend de voir dans un parc, aussi tôt, avec un vélo rose d’un côté et une fillette hyperactive de l’autre. Il rajoute que Jessian n’est pas sa nana et Freya se pince les lèvres avant de hausser les épaules. Les histoires de cul d’une fille qui n’était même pas son amie - qui ne l’a jamais été d’ailleurs - ce ne sont pas ses affaires. « Je te l’ai déjà donné en fait… » Oh shit. Doherty prend la tasse des deux mains comme si c’est le sésame ultime de la plus rude des épreuves et se met à boire une, deux, trois gorgées avant de quitter le goulot dans un soupir satisfaisant. « Le rose me va bien, les couettes aussi. J’aime bien me travestir parfois, c’est sympa. Ça ne t’arrive jamais ? T’as une attitude de mec un peu. » Freya balance la tête en arrière tout en rigolant parce que hey, c’est drôle. « Chacun fait c’qui veut, j’suis personne pour juger. » Elle fait une moue pensive tout en souriant au soleil avant de secouer la tête. « Ah ouais, nan, perso, j’suis très bien dans ma peau d’meuf. Enfin sauf quand mère nature frappe mais ça, hein. » La suédoise reboit quelques gorgées de son liquide avant de tourner la tête vers lui. « On parle de culotte et de travestissement mais j’sais même pas comment tu t’appelles. Preuve que j’ai pas besoin de ma carte d’identité, Freya. » Et son nom de famille ? 1. On ne le dit pas aux inconnus. Et 2. On ne s’en vante pas. Règles de base.
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→ La franchise, c’est surprenant. Nous vivons dans un monde rempli de faux-semblants où tout le monde préfère se cacher derrière un écran numérique plutôt que d’affronter la vie bien en face, aussi lorsque j’observe la réaction de la jeune femme à côté de moi tandis que je lui parle sans détours, franchement et sans y mettre de forme, je me dis qu’on ne doit pas souvent lui parler comme ça. Et c’est dommage, de cacher la véritable nature des choses, de créer des non-dits qui entraînent inévitablement des quiproquos et des situations embêtantes. J’crois que je deviens sage en étant père pour avoir ce genre de réflexions sur le monde mais ce que je sais, c’est que j’ai pas envie de cacher des choses à ma fille ou de lui brosser un tableau édulcoré d’un monde pourri jusqu’à l’os. J’veux qu’elle ait les armes pour se battre, j’veux qu’elle sache dans quoi elle met les pieds, j’veux qu’elle ait conscience du monde et de ses vices pour qu’elle y fasse sa place comme elle le pourra tout en sachant que je serais toujours là. Ouais, ça me réussit d’être papa j’crois. – Okay, je… Déjà, ma culotte verte à poids rose, tu vas avoir du mal à la voir, elle me vas plus depuis que j’ai passé l’âge de deux ans. Cette remarque m’arrache un sourire et je m’amuse de son attitude d’enfant penaude qui en serait presque touchante si elle ne m’avait pas agressé il y a quelques instants à peine. Mon cerveau n’est pas une girouette, et je la crois capable de changer d’humeur assez rapidement. Une bonne lunatique, pour sûr elle l’est. – C’est –ugh, quand même gentil de vouloir aider mais y’a rien à aider, crois-moi. On a tous cruellement besoin d’être aidé. Et j’ignore pourquoi on s’met des putains de barrières infranchissables pour ne pas saisir les mains tendues ainsi que des putains d’œillères pour ne pas voir ceux qui pourraient nous faire du bien. On veut crever, je crois. Et seuls de préférence. – Donc tu peux ne pas persévérer. C’est juste… J’ai mal au crâne, j’ai un trou noir et j’suis pas forcément très agréable comme meuf. Je me tords les lèvres, tire sur ma clope et souffle la fumée en regardant Morgane jouer avec des camarades maintenant – dont les parents se tiennent bien loin de nous d’ailleurs. – Bah si t’as besoin qu’on te ramène chez toi, ou même si tu veux appeler quelqu’un. Je lui montre le téléphone qui dépasse de ma poche et lui sourit doucement. – M’en fous que tu sois pas agréable, j’en ai connu d’autres. C’est juste que faut pas te méprendre sur les gens à qui t’as affaire. Y’a pas que des connards opportunistes dans ce foutu monde. Pas que des enculés sur qui on ne peut pas compter. La discussion se poursuit, intrigante. Deux inconnus qui s’apprivoisent dans un parc pour enfants. Et il s’avère que nous avons une connaissance en commun : Jess. Seulement, elle ne semble pas vouloir s’attarder sur le sujet et j’admets que moi non plus. Je ne connaissais pas Jess à l’époque où elle semble l’avoir connu, mais j’imagine à son ton et sa remarque qu’elles n’étaient pas les meilleures amies du monde. Si conflit il y a, je m’en tiens bien loin, ne voulant absolument pas mettre le nez dans des affaires qui ne me regardent pas. – ça explique les vibes de mauvais garçon alors. Je souris, réponds simplement – Je ne suis pas un père très conventionnel. J’fais même carrément tâche lors des réunions de parents ou des fêtes de l’école – et je ne parle pas des sorties scolaires auxquels je ne suis généralement pas convié. J’en reviens au fait que les gens se cachent : ça va de paire avec le fait qu’ils jugent sur les apparences et s’arrêtent sur la façade sans vouloir creuser. Parce que l’intérieur est moche et qu’il n’y a que de la poussière à l’intérieur ? Que tout part en friche ? Que tout est sur le point de s’effondrer ? Mais si, au milieu des débris, il y avait de l’or ? Cela voudrait dire qu’on passe à côté d’un trésor… - Chacun fait c’qui veut, j’suis personne pour juger. Ah ouais, nan, perso, j’suis très bien dans ma peau d’meuf. Enfin sauf quand mère nature frappe mais ça, hein. Pour ça, je n’envie pas les nanas effectivement. – On parle de culotte et de travestissement mais j’sais même pas comment tu t’appelles. Preuve que j’ai pas besoin de ma carte d’identité, Freya. Un sourire se plaque sur mes lèvres alors que je m’amuse de son prénom – Effrayante, Freya… T’es un sacré phénomène toi ! Elle est pas mal ta peau d’meuf, t’as raison de te sentir bien dedans. Moi c’est Abel. Je tourne mon regard vers elle, allonge un bras sur le banc et demande, curieux – Et tu fais quoi dans la vie, Freya, à part prendre des murges et tenter de monnayer tes culottes de gosse ? Tu sais que ça peut être un trafic de pervers ça n’empêche… Je réprime un sale frisson aux trucs dégueulasses qui m’viennent en tête. – Y’a des putains de tordus dans ce monde. Secouant la tête, j’écrase ma clope avec ma chaussure avant de passer mes mains sur mon visage, fatigué par ma courte nuit et la migraine qui frappe à mes tempes. J’ai pas d’jus ce matin c’est l’horreur ! Et la journée est loin d’être terminée. Y'a une minimoy surexcitée dont j'dois m'occuper qui plus est.
« Bah si t’as besoin qu’on te ramène chez toi, ou même si tu veux appeler quelqu’un. M’en fous que tu sois pas agréable, j’en ai connu d’autres. C’est juste que faut pas te méprendre sur les gens à qui t’as affaire. » Freya le regarde avec un œil différent parce qu’il lui tient un discours qu’on ne lui a que vaguement tenter de faire comprendre dans le passé. Mais normalement, ce sont des gens spécialisés, qui ont fait des études pour ça, qui ont été formés pour radoter ce genre de conneries. Cet inconnu, ce père d’une gamine qui a l’air hyperactive à courir dans tous les sens et qui accepte de se trimbaler avec du rose et des pompons pour un amour paternel qu’elle ne peut comprendre, il n’a rien de tout ça. « Du coup, j'me méprends si j’pense que tu fais des études de psy ou quelque chose comme ça ? » Sur toute la ligne, certainement, mais tant pis. Au point où elle en est, il pensera qu’elle est juste une cause désespérée et puis voilà. Trop butée pour encore pouvoir accepter l’aide d’autrui, trop têtue pour affronter ses problèmes. Surtout maintenant. Est-ce qu’elle est vraiment sortie sans son téléphone ni son portefeuille ? La jeune fille pince son nez tout en fermant les yeux. « Bordel, j’espère quand même que mes affaires sont chez moi ou chez mon copain et qu’on m’a rien volé. » Parce que l’arroseur arrosé, elle n’aime pas ça. Fouiller les poches d’autrui, c’est drôle. Mais quand ça vous arrive, ça l’est beaucoup moins. « Je ne suis pas un père très conventionnel. » Freya boit une gorgée tout en haussant les épaules. « Au moins, t’as l’air de prendre ton rôle à cœur. On peut pas en dire pareil de tous. » Son propre géniteur coincé dans un coin de sa tête malgré elle, elle secoue la tête pour effacer son image. Elle a déjà assez mal au crâne comme ça, elle ne veut pas en rajouter une autre couche. Sinon, elle risque de vomir et personne ne veut voir du vomi dans un parc pour enfants. Ni même d’ailleurs. Jamais. C’est répugnant.
« Effrayante, Freya… T’es un sacré phénomène toi ! Elle est pas mal ta peau d’meuf, t’as raison de te sentir bien dedans. Moi c’est Abel. » Si c’est une façon de la complimenter, Freya éclate de rire. « Freya, effrayante… Ah, on me l’avait pas encore faite, celle-là ! » Après, on s’étonne qu’elle ne veuille pas qu’on lui donne de surnoms, aussi. Cependant, ça, c’est un jeu de mots dont elle pourrait s’y faire. « Et tu fais quoi dans la vie, Freya, à part prendre des murges et tenter de monnayer tes culottes de gosse ? Tu sais que ça peut être un trafic de pervers ça n’empêche… » « Ew. » « Y’a des putains de tordus dans ce monde. » « Ouais et j’fais pas encore parti de cette catégorie. J’suis pas fan des morpions mais quand même, j’ai des limites. » Elle soupire légèrement tout en finissant par coincer ses jambes sous ses fesses, incapable de rester assise convenablement. « Et ben, écoute, rien de très glamour, je m’occupe des morts du cimetière du coin. » La suédoise mène le gobelet à ses lèvres, sentant ses esprits un peu plus revenir à leur sens malgré le flou qui continue à persister. Mais elle n’est pas assez ivre pour manquer d’en dire trop car être croquemort, ce n’est pas la seule chose qu’elle sait faire. Mais ça, ce n’est pas demain qu’elle le hurlera sur tous les toits. « C’est pénard, c’est calme et j’peux m’envoyer autant de murges que j’veux… Tant que j’gerbe pas sur les cercueils. » Ce n’est jamais arrivé car, aussi surprenant soit-il, Freya s’est doutée d’une espèce de conscience professionnelle. C’est peut-être le simple fait qu’elle passe après Tim et qu’elle ressent une responsabilité vis-à-vis de lui, elle ne sait pas trop. C’est bien la première fois qu’elle se sent presque scrupuleuse dans son travail. « Et toi, à part être un père exemplaire mais qui clope quand même dans un parc pour morpions ? »
"OH CAUSE THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL THE DARK. YES AND THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL THE DARK. AND THEY WILL RUN YOU DOWN, DOWN ‘TIL YOU GO. YEAH SO YOU CAN’T CRAWL NO MORE. AND WAY DOWN WE GO. ► KALEO, WAY DOWN WE GO."
→ - Du coup, j’me méprends si j’pense que tu fais des études de psy ou quelque chose comme ça ? C’est plus fort que moi, j’éclate de rire en l’entendant. Moi, faire des études de psy, c’est une putain d’ironie quand on sait que je frôle constamment la dépression sévère. Je secoue la tête, franchement amusé et demande – Et t’en déduis ça pourquoi ? Parce que j’suis juste franc ? Waw, t’as pas du croiser beaucoup de gens sincères dans ta vie toi en fait. Pour être aussi méfiant envers l’être humain, c’est qu’on a été sacrément déçu à un moment, y’a pas d’autres explications possibles. On ne naît pas avec une aversion pour son prochain. – Bordel, j’espère quand même que mes affaires sont chez moi ou chez mon copain et qu’on m’a rien volé. Elle mentionne son copain : typique de la sainte-nitouche qui te met un vent alors que t’as même montré que tu voulais la ken. Les meufs se ressemblent toutes, elles ont l’impression de prendre de la valeur en disant haut et fort qu’elles ne sont pas seules. C’est si difficile d’assumer le célibat quand on est une nana ? C’est dommage en tout cas. Elles brandissent leur mec comme si ce dernier, absent sur l’instant T, pouvait leur préserver d’une drague lourde ou d’une situation ingérable. La vérité, c’est que si tu tombes sur un gros lourd, un connard ou un psychopathe, tu peux toujours brandir la photo du plus fidèle et plus cute des mecs, il sera toujours absent et pourra pas t’aider. Oh stupidité, quand tu es parmi nous ! – Ce serait franchement dommage, ouais. Espérons que ce ne soit pas ton mec qu’ait décidé de te voler… Et j’hausse deux fois de suite les sourcils, provocateur. – Au moins, t’as l’air de prendre ton rôle à cœur. On peut pas en dire pareil de tous. Petite moue boudeuse, elle a des daddys issues la sale gosse. Parait que ce sont des chaudasses, celles qui ont un problème à régler avec leur père. Mais c’est une info que je ne pourrais pas vérifier, elle a la bague au doigt la jolie bourrée – du moins, c’est ce qu’elle veut faire croire. Moi je me demande pourquoi une meuf heureuse avec son mec se retrouve à pioncer dans un parc pour enfants. Il est où ton mec ? Imaginaire ? Dans ta tête ? Allez, j’suis grand seigneur, j’vais éviter de la tourmenter mais je n’en pense pas moins… T’as un problème, meuf, clairement.
- Freya, effrayante… Ah, on me l’avait pas encore faite, celle-là ! Ouais, j’suis doué pour les surnoms et ça a longtemps été un jeu dans la cour d’école. J’en ai fait pleurer des sales mioches que les parents n’avaient pas épargnés en leur donnant des prénoms stupides. Et mon imagination débordante m’a complètement immunisée contre les moqueries à mon encontre. Si tu me provoquais, je te faisais souffrir le triple, tout simplement. Un connard, ni plus, ni moins. - Et ben, écoute, rien de très glamour, je m’occupe des morts du cimetière du coin. C’est pénard, c’est calme et j’peux m’envoyer autant de murges que j’veux… Tant que j’gerbe pas sur les cercueils. Étrange et à la fois, fascinant. Mes yeux glissent sur sa silhouette de haut en bas comme si elle venait de dire pour la première fois quelque chose d’intéressant, entaché bien évidemment par sa nonchalance exaspérante et son je-m’en-foutisme qui va jusqu’au sarcasme concernant les morts. Le respect est clairement mort à ce stade. – Là, tout de suite, j’suis heureux d’être londonien et de me faire enterrer là-bas plus tard. Parce qu’imaginer qu’un énergumène comme elle sera par la suite responsable de ma dernière demeure… C’est mort. – L’alcool c’est ton truc apparemment… Que j’dis simplement, comme un constat. Personnellement, je préfère la fumette, c’est plus reposant et ça donne moins mal à la tête. – Et toi, à part être un père exemplaire mais qui clope quand même dans un parc pour morpions ? Je ne relève pas la vulgarité qui atteints des points culminants et la rends bien moins séduisante alors – il faudrait pour qu’elle le soit, qu’elle n’ouvre surtout pas la bouche. Tout son charme disparaît alors. – J’suis juste un père exemplaire qui clope, ni plus, ni moins. Je me lève alors de mon assise et l’observe avec un petit sourire avant de lui tendre mon téléphone portable. – Allez, l’effrayante, t’as l’droit à un coup d’fil pour te tirer d’ici. C’est une offre limitée, profite-en tant que j’suis de bonne humeur.
L’honnêteté de faire parti du mauvais côté de la frontière, c’est la seule chose sincère qu’elle a toujours connu, Freya. Les gens se cachent derrière des façons d’être pour juste se montrer politiquement correct mais quand on gratte un peu plus, on voit que ce n’est que du superflu, que de la poudre magique pour cacher ce qu’il se cache vraiment. Alors le fait qu’Abel se montre ‘franc’ comme il le dit, qu’il a l’air de véritablement se soucier de sa santé à cet instant précis, ça la désarçonne un peu. « Ce serait franchement dommage, ouais. Espérons que ce ne soit pas ton mec qu’ait décidé de te voler… » Freya explose (sincèrement) de rire à cette phrase parce qu’il n’y a rien de plus drôle que de penser à Tim essayant de la voler. « Oh non, nope, non, aucun risque là-d’sus. » Jamais Tim ne ferait ça. Il est bien trop droit et trop maladroit pour ça. Elle n’est pas de si mauvaise influence que ça. En tout cas, elle essaie de ne pas être comme ça avec lui. Encore une fois, ça fait mauvais genre sinon.
« Là, tout de suite, j’suis heureux d’être londonien et de me faire enterrer là-bas plus tard. » La suédoise hausse les épaules tout en souriant de façon amusée. Londres, ça doit être drôlement différent d’ici. Elle n’en sait rien, elle n’est jamais allée. Mais la télévision suffit pour lui montrer qu’il doit faire sacrément plus froid là-bas - un paradis pour elle, certainement. « L’alcool c’est ton truc apparemment… » « C’est un passe-temps comme un autre. » Ou pas. Les gens ne se détruisent pas le foie pendant leurs passe-temps. Mais pour la jolie blonde, c’est comme une balade de santé.
« J’suis juste un père exemplaire qui clope, ni plus, ni moins. » Tant qu’il ne fout pas le feu avec son mégot dans la chambre de sa fille, il n’y a rien de mal à ça. Heureusement que tous les pères ne sont pas comme le sienne ; mieux vaut en avoir un qui clope qu’un qui crame. « Allez, l’effrayante, t’as l’droit à un coup d’fil pour te tirer d’ici. C’est une offre limitée, profite-en tant que j’suis de bonne humeur. » Freya le regarde se lever, finit le café cul sec et attrape le téléphone. « Okay. J’en profite sévère alors. » Et évidemment, c’est d’une humeur massacrante que Wren la recueille à l’autre bout du fil. Sa cadette ne changera définitivement pas maintenant.