CORA & FINNLEY ⊹⊹⊹ Oh no, I can't slow down, I can't hold back, Though you know, I wish I could. Oh no there ain't no rest for the wicked, Until we close our eyes for good.

(SUR LA ROUTE). Les yeux qui se perdent sur le tableau des départs, le billet dans sa main qu’il serre à l’en froisser, et son rythme cardiaque qui prend l’ascenseur à mesure que les minutes défilent et le rapproche d’un embarquement immédiat : Finn se demande sérieusement ce qu’il fout dans cet aéroport et l’envie de d’envoyer un message désolé à sa cadette puis faire demi-tour pour rejoindre la sécurité de son appartement est particulièrement tentante. Il n’en est pas fier ; mais la vérité est que Finn n’a jamais pris l'avion, quand bien même il a passé la trentaine. L’occasion ne s’est jamais présentée, tout comme celle de quitter le sol australien, ce qu’il réalise également et ne fait que renforcer son angoisse. Le Coverdale n’est pas facilement anxieux pourtant, toutefois au-delà de la peur de monter dans un de ses engins qui ne lui inspire que moyennement confiance, s’ajoute surtout la probable confrontation avec une sœur qu’il n’a pas vue depuis plus d’un an. Quelques appels Skype par-ci, par-là, de plus en plus espacés et de plus en plus ignorés, inutile de dire que Finn appréhende particulièrement de se retrouver confronter à une Bryn qui devient le portrait craché de sa grande sœur, portée par des ambitions développées par leur génitrice. C’est un constat qu’il a fait de loin : pour en être assuré encore aurait-il fallu accepter de renouer le dialogue et tenter de resserrer les liens avec celle qu’il a longtemps considérée comme la personne la plus importante de sa vie. Et qui l’est encore, d’ailleurs, même si l’admettre est douloureux compte tenu du chemin qu’elle a pris, celui-là qu’il lui souhaitait autant qu’il le craignait : s’il est heureux pour le succès de Bryn qui se profile, il ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la situation qu’il a vécue avec Cora et sa mère, et qui l’a amené à s’interdire de réaliser ses rêves pour demeurer spectateur de la réalisation de ceux des autres. Et si Finn a fait de son mieux pour permettre à Bryn de développer son goût pour le surf en enchaînant les heures afin de lui permettre de prendre des cours, il admet le regretter légèrement depuis que cette dernière a décidé de ne pas revenir à l’issue de son échange de six mois aux États-Unis. Six mois, puis huit, en fin de compte un an, et finalement presqu’un an et demi que Bryn n’a pas remis les pieds à Brisbane. Et encore une fois, s’il est plus que ravi à l’idée que sa sœur puisse vivre de sa passion – parce qu’il a tout fait pour que ce soit le cas et qu’elle ne connaisse pas les mêmes regrets que lui, qui le hantent toujours – il n’arrive pas à se défaire de ce sentiment d’abandon qui accompagne la réussite de Bryn, et cette honte qui s’abat sur ses épaules. La honte d’être encore une fois le dommage collatéral de la famille Coverdale, d’être celui qui trime pour le bonheur des autres, d’être celui qui, finalement, n’arrivera jamais à se faire un nom ou à prétendre être quelqu’un : tout simplement parce qu’il ne sera jamais important, Finn, ni dans sa carrière, ni auprès de ses proches. Et le fait d’avoir dédié une partie de sa vie à sa petite sœur lui a longtemps permis d’être en paix avec son image ; réduisant temporairement au silence cette impression d’être un raté, de n’être que ce gamin peu charismatique aux maigres qualités et au parcours tout tracé : il vivra d’un job lambda dans un appartement miteux, peut-être qu’il finira par trouver une fille aussi désespérée que lui d’avoir l’approbation et l’amour des autres et qu’ils pourront prétendre être heureux ensemble, jusqu’à ce qu’il crève dans l’indifférence générale parce qu’il n’a jamais changé quoi que ce soit, ni dans ce monde, et encore moins dans la vie des autres. Au-delà de ça, le départ de Bryn sans possibilité de retour n’a pas seulement réactivé toutes ces insécurités qu’il n’a jamais traitées, mais a également mis en évidence une autre problématique : il n’a jamais eu d’objectif au cours de sa vie, et n’en aura probablement jamais d’autres que ceux qui visent à permettre la réalisation de ceux de son entourage. Car ce n’est pas seulement l’absence de cette cadette qu’il a élevée qui est difficile à supporter ; c’est surtout le fait de réaliser qu’il ne sait pas qui il est en dehors de sa famille, maintenant qu’il a été complètement délaissé par celle-ci et qu’il se retrouve seul avec lui-même, un lui-même qu’il cherche, sans réussir à le trouver.

Ou plutôt, il se donne l’illusion de le trouver, dans le fond d’un verre, comme celui qu’il a commandé en attendant que les passagers soient appelés à embarquer. Si on lui demande la raison de ce choix en une heure aussi matinale, il ne sera pas difficile de le justifier : l’appréhension de prendre l’avion exige de trouver des solutions. À cela, on peut combiner le besoin de se donner du courage, ce qui justifie le second verre qui se retrouve entre ses mains. Et on peut même pousser le vice jusqu’à anticiper l’arrivée et la rencontre avec Bryn, et une seconde dose de courage qui se trouve dans le troisième verre. Finn finit par abandonner ce bar où il était à son aise – quand bien même les tarifs sont exorbitants – et rejoint la file d’embarquement à la der’, manquant presque d’être recalé et de justifier ainsi son absence à la compétition à laquelle l’a convié sa cadette. Il ignore s’il s’agit réellement d’une volonté de sa part ou d’une sympathie de sa team, puisqu’il n’a jamais daigné se rendre à la moindre compétition de la plus jeune Coverdale. Pas que l’envie lui manquait, au contraire ; c’est souvent le temps qui s’est joué de lui, et, aussi, son hydrophobie qui l’empêche d’être serein en sachant que Bryn risque à tout moment d’avoir un accident qui pourrait la mettre en danger – un peu extrême, Finn ? À peine. Toujours est-il que cela a toujours été compliqué pour lui de faire le pas, parce que si sa crainte de l’avion relève d’une appréhension de la première fois, concernant l’eau c’est une véritable phobie contre laquelle il n’a pas encore trouver de solutions – et il n’a jamais vraiment cherché à le faire, d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, c’est un Finnley nerveux qui finit par chercher sa place une fois dans l’avion, le pas assuré dû à un organisme qui tient sans difficultés les verres enchaînés quelques instants plus tôt, jusqu’à parvenir à son siège et laisser échapper un « c’est une blague » d’entre ses lèvres lors qu’il constate que la personne située à ses côtés n’est nulle autre que Cora. Parce qu’on peste derrière lui alors qu’il tente de d’accepter l’information et se veut interdit, il est obligé de s’asseoir à côté de sa jumelle pour ne pas déranger plus les autres passagers. « Salut. » Qu’il finit toutefois par dire sans réellement s’arrêter sur le visage de sa sœur, trop perdu dans ses pensées quant à la raison de sa présence sur ce vol et, surtout, s’il s’agit d’une coïncidence ou d’une supercherie dont Bryn serait à l’origine. Ce dont il doute, ne lui ayant pas parlé depuis suffisamment longtemps pour qu’elle n’ait pas songé au fait que les relations entre les jumeaux soient au beau fixe. « Conviée aussi à la compét’ de Bryn, je suppose ? » Il demande, même si la réponse lui paraît être une évidence. Et pour la suite, il se mure dans le silence, ressassant autant la dernière conversation houleuse qu’il a eue avec Cora, que tentant de maîtriser (avec difficulté) son angoisse quant au départ imminent de cet avion, maintenant que celui-ci a commencé à bouger et que ses doigts s’enfoncent dans les accoudoirs à en devenir indolores.

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Coverdale²

Elle range ses billets dans son sac à main alors que sa valise prend la route de la soute à bagage. Pour Cora, ce n’est rien de plus que de la routine. Elle a déjà pris l’avion et hormis le fait qu’elle soit dans un mode où elle aimerait ne pas faire de vague, rien ne déroge de l’habitude. Les aéroports sont des endroits plutôt stressant pour beaucoup de monde et ça a le mérite de faire en sorte que chacun garde le nez sur soit ses bagages, son billet, le panneau d’affichage ou même encore les enfants. Elle qui appréhendait, comme à chaque fois, se retrouve face à une indifférence plutôt plaisante. Elle sent qu’on la reconnait mais plus personne ne vient vers elle. Une photo prise à son insu n’a plus de valeur et hormis susciter la question de c’est pas elle, la nana dans …, elle ne produit plus aucune réaction. Cette réalisation, c’est la source du sourire que Cora affiche alors qu’elle marche à travers le terminal pour rejoindre sa porte d’embarquement en direction de l’Afrique du Sud où elle se prépare à assister à l’une des compétitions de surf de sa petite sœur. Elle n’avait pas vu Bryn depuis des mois, dieu bénisse les réseaux sociaux et autres applications qui permettaient de garder le contact à l’autre bout du monde parce qu’ils permettaient aux deux sœurs d’entretenir le bout de relation qu’elles avaient commencé à tisser. Ce n’était jamais simple pour Cora que de faire face à leur passif mais Bryn était de bonne volonté et chacune savait agir au mieux pour que les choses s’améliorent, ce qui est la seconde raison du sourire qu’arbore la jeune femme. Sa petite sœur lui avait manqué et l’idée de la voir et la soutenir la transporte sur un petit nuage. Petit nuage dont elle ne descend qu’en reconnaissant une voix que l’on qualifierait difficilement de familière pour le peu qu’elle s’exprime mais qui reste gravée en elle malgré tout. « C’est une blague » Le sourire s’efface quand elle aperçoit Finnley dont le siège semble être à première vue celui entre elle et l’inconnu qui occupe l’allée. Elle ne dit rien, se décompose juste en l’observant faire. Bien sûr qu’elle avait mentionné à Bryn sa dernière conversation avec Finnley. Elle n’avait pas manqué d’expliquer la fatigue qu’elle ressentait face au rejet constant de son frère jumeau à son égard. Même là, alors que le temps avait passé, elle ne pouvait s’empêcher de sentir cette petite cicatrice intérieure lui faire mal et clairement s’il lui avait été possible de s’enfuir à travers le hublot, elle l’aurait fait parce qu’un vol de plusieurs heures en sa compagnie ne l’enchante pas. « Salut. » dit-il, une fois assis à côté d’elle, ce à quoi elle répond un « Salut. » qui se veut avoir le même ton que le siens. Son visage finit par se détourner de lui à l’instant où elle respire ses effluves d’alcool, signe que son problème ne s’est pas arrangé avec le temps. Problème qu’elle juge plus qu’il ne l’inquiète. Par auto-préservation sans doute. Elle bâtit un mur. Après tout, elle ne fait rien de plus qu’il n’a demandé. « Conviée aussi à la compét’ de Bryn, je suppose ? » « Hum-hum » répond t-elle en faisant mine d’être trop occupée à lire un quelconque article dans un magazine qu’elle a chopé au passage avant d’embarquer. C’est ce qu’elle se fixe de faire : occuper son esprit pour ne pas avoir à ruminer que Finnley est là, assis à côté d’elle. Fort heureusement, maintenant qu’elle planifie de démarrer sa propre boite, des choses à potasser elle en a assez pour que ce ne soit pas difficile. Il faut juste que l’extérieur l’aide, ce qui n’est pas le cas quand l’hôtesse s’adresse à elle pour lui demander de refermer sa tablette le temps du décollage. Comme toujours, le regard de Cora divague de l’autre côté du hublot en attendant que l’avion ne quitte le sol, jusqu’à ce qu’elle sente que quelque chose ne va pas à côté d’elle. Un regard qu’elle pose suffit lui fait comprendre qu’un vol de routine pour elle a un tout autre sens pour lui, et c’est en apercevant ce qui semble relever de la peur qu’elle se décide à l’aider au moins une fois. « Essaie de respirer doucement, une fois la secousse du décollage venu, ça va aller mieux. » tente t-elle de dire de sa voix la plus rassurante possible en posant sa main sur la sienne alors qu’elle commence à ne faire qu’un avec l’accoudoir. « C’est pas plus effrayant que des montagnes russes au final, tu verras. »

Il ne saurait dire s’il a envisagé la perspective que son chemin croise à nouveau celui de Cora suite à leur discussion houleuse d’il y a quelques semaines. Un part de lui pensait que ce n’était pas une fin en soit, étant jumeaux et inévitablement lié par ce statut, et désormais par l’affection que partagent Bryn et Cora. Une part de lui était cependant persuadée que les propos de Cora à son encontre marquerait la fin de toute relation entre eux, douce ironie qu’il soit vexé par quelques mots sur son état (qu’il n’assume pas, alors pourquoi en être vexé ?) alors qu’il lui balance de pires horreurs depuis des années. Toujours est-il que Finn n’avait pas imaginé que leurs retrouvailles (si elles étaient à envisager) se fassent dans de telles circonstances. À choisir, il aurait voulu que ce soit une volonté de l’un ou de l’autre (mais à ce taux-là, il est probable que cette situation ne se serait pas présentée pendant des années), et non l’objet d’un piège. Car un piège, c’est ce dans quoi il a l’impression d’être tombé, et forcément que Bryn est la coupable toute désignée. Ou sa team, mais il ne sait pas trop comment ce genre de choses se règlent, il faut dire qu’autant par Cora que par sa petite sœur, il est tenu éloigné de tout ce qui touche à leurs carrières respectives. Et s’il ne s’en porte pas plus mal, cette ignorance forcée est parfois désagréable et lui donne l’impression d’être toujours ce gamin mis de côté malgré les années, et qui ne comprend pas grand-chose comme c’est le cas à cet instant. Les premiers mots qui s’échappent d’entre ses lèvres ne sont pas des plus agréables, mais il n’est pas parvenu à le contenir même s’il n’est pas aussi en colère que cela laisse présager. Seulement, la situation lui déplaît, et la manière dont les mots de Cora frappent dans sa tête ne l’aide pas à envisager les choses sous un autre angle (bien qu’il ne soit pas particulièrement optimiste de manière générale). Et pourtant. Une part de lui ne s’oppose pas totalement à cette rencontre, et il se surprend même à débuter la conversation, alors même que le silence ne l’aurait pas dérangé. Mais face au désintérêt flagrant de sa jumelle, Finn se contente d’un « d’accord » las qui en dit plus sur son agacement que sur le fait qu’elle soit également conviée à la compétition en question. Alors Finn se tait, fait appel à cette fierté qu’il était prêt à mettre de côté pour tenter d’apaiser les choses ; parce qu’il n’oublie pas que leurs relations s’étaient améliorées suite au procès de leur mère et que, pour la première fois, il était prêt à faire un pas en direction de sa sœur en réalisant que, dans le fond, ils n’étaient pas si différents. L’un et l’autre brisé par leur génitrice, toujours malmené par son influence perverse, incapable de mener la vie qu’ils auraient voulue. Et peut-être que si les choses avaient été aussi simples, ils auraient pris l’avion en toute connaissance de la présence de l’autre, et même ravis par cette nouvelle. Mais il a fallu que cette misérable nuit et ce foutu accident se mette entre eux, et que la victime de Jude soit une connaissance de Cora, pour le peu qu’il avait compris. Et un instant, il la remercie de l’avoir enfin laisser tomber, de ne plus faire le moindre effort, parce qu’il a oublié, une brève seconde, qu’il y avait cet accident alors qu’il voulait simplement retrouver sa jumelle, pour la première fois depuis des années. Comme toujours, les autres se mettent sur leur chemin, et Finn ne peut que se rapprocher de ne pas avoir saisi une des nombreuses occasions tendues par Cora. De toute façon, à cet instant, il en a jusqu’à oublier la présence de sa sœur à ses côtés alors que l’avion commence à bouger et que sa peur est réactivée, ses doigts s’enfonçant dans l’accoudoir de son siège tandis que son estomac lui remonte dans la gorge. Il n’a jamais pris l’avion et il pensait naïvement que ce n’était pas grand-chose, mais les sensations que le décollage lui provoque sont loin de le convaincre de cette idée. « Oui, enfin, le but des montagnes russes c’est de connaître la descente la plus rapide qui soit, je suis pas sûr que la comparaison soit adaptée. » Il fait remarquer avec un sourire nerveux, comme si la tension a le don de le rendre plus bavard. Toutefois, il prend note des conseils de Cora et tente de calmer sa respiration, tandis que par réflexe, ses doigts se sont emmêlés avec force autour de ceux de Cora et que, malgré tout, son appréhension ne diminue pas. Au contraire, il a réellement l’impression que son cœur remonte dans sa gorge alors qu’il est enfoncé dans son siège et il déteste cette sensation. Finn finit par enfin se calmer après que les longues minutes de décollage soient derrière lui et que l’avion commence enfin à se stabiliser. « C’est toujours comme ça ? » Il demande, un peu idiot, parce qu’il n’en sait rien et que c’est un peu gênant comme constat à trente-deux ans. Profitant d’enfin parvenir à reprendre son souffle, son regard se baisse sur sa main et il s’empresse de libérer sa main de celle de Cora, principalement parce qu’il a tellement serré que sa liberté retrouvée s’accompagne de traces blanches sur les doigts de Cora. « Désolé, je voulais pas te faire mal. » Il s’excuse, penaud, parce que malgré la nature de leur relation, ça n’a jamais été son but – physiquement – que ce soit volontairement ou non. « Merci. » Qu’il souffle enfin, après un silence, reconnaissant, mais se murant à nouveau dans le silence : il doit lui laisser la tranquillité qu’elle désire et qu’elle mérite.

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Coverdale²

Tout sujet est matière à s’occuper l’esprit et s’il y’a une chose dont l’actrice peut se vanter, c’est d’avoir toujours eu une tête bien pleine de sujet divers et variés à potasser. Cependant, celui qui avait toujours eu la priorité sur ses pensées, c’était Finn. Il suffisait que le garçon s’y invite et tout de suite, il n’existe plus d’autres problèmes que ceux que peuvent poser son frère et là, tout d’suite, c’est une bataille mentale qu’elle s’inflige à essayer de ne pas revenir dans ses travers et à ne pas faire de pas vers lui vu qu’elle sait très bien que cela finira comme toujours : par un rejet. Elle a travaillé dur ces dernières semaines pour se faire une raison et pour reévaluer ses priorités et arrêter de se placer dans l’engrenage toxique que représente ce lien. Elle avait choisi de garder les bonnes personnes, celle qui l’aident au quotidien et pour les autres, elle s’en détachera. Problème, c’est que Cora arrivait toujours à trouver des excuses à Finn et à le lui pardonner, à se dire que c’est sa faute à elle et que somme toute, elle l’avait mérité. Il faut encore qu’elle ne retombe pas là-dedans aujourd’hui et qu’elle tienne l’idée qu’elle ne peut plus s’imposer ce genre de prise de tête. Tout cela tombe assez vite à l’eau alors qu’elle le sent en détresse. Si elle ne tient pas à revenir vers lui pour être déçue à nouveau, elle ne lui souhaite pas de mal et c’est tout naturellement qu’elle pose une main sur son bras, qu’elle tente de le calmer pendant quelques secondes. Un décollage, ce n’est pas si long après tout. « Oui, enfin, le but des montagnes russes c’est de connaître la descente la plus rapide qui soit, je suis pas sûr que la comparaison soit adaptée. » réplique t-il, ce à quoi elle ne réponds pas, consciente que c’est toujours chose plus facile à dire qu’à faire quand il s’agit de peur et que l’heure n’est pas à s’offenser de tout et n’importe quoi, surtout d’une réplique balancée sous le coup de l’émotion. Les secondes passent, puis les minutes, les ramenant au présent comme si le décollage n’avait jamais eu lieu. « C’est toujours comme ça ? » Elle aimerait lui dire que non mais la vérité, c’est qu’il faut un paquet de voyage pour que ça passe et que dans les faits, tout dépend de tout un chacun. L’idée serait de lui répondre que ça va en fonction de comment il gère d’autres activités secouante comme les fameuses montagnes russes ou bien les balades en mer mais plutôt que de lui poser la question pour lui apporter une réponse pouvant l’aider, elle se retient, bloquée par le fait qu’elle puisse recevoir la moindre accusation de ne même pas savoir si son frère sait garder le contenu de son estomac sur un bateau. « ça vient en faisant. » dit-elle, comme si elle venait de piocher sa réponse dans le dico des textes blancs. « Désolé, je voulais pas te faire mal. » dit-il en lâchant sa main qu’elle, avant qu’il ne le souligne, n’avait même pas remarqué qu’elle lui faisait mal. Elle hausse les épaules avant d’ajouter. « C’est rien, ce qui compte c’est que c’est passé. » Elle esquisse un sourire, se répétant qu’elle ne doit pas être sympa, que c’est le meilleur moyen d’en prendre encore plein la gueule mais c’est très difficile. Elle crève encore pour l’attention de son frère, si ce n’est pas pitoyable. « Merci. » dit-il après un second silence pendant lequel elle aura pris le temps de sortir ses affaires afin de poursuivre la création d’Atlantica, sa boite de prod. « C’est normal. » dit-elle avant de relever les yeux vers lui. « Tu penses que ça ira là bas ? Pendant la compèt de Bryn, avec la mer ? » Parce qu’elle savait en revanche qu’il en avait peur et très honnêtement, c’est de le savoir qui l’avait fait penser qu’il ne serait pas là. Comme quoi, c’est le week-end des prise de courage.

C’est pas censé faire ça, l’alcool. C’est pas censé l’affaiblir, bien au contraire ; s’il a commencé à chercher du courage dans le fond d’un verre d’alcool bon marché, ce n’est pas pour se ridiculiser à la moindre occasion ni pour se laisser bouffer par des peurs qui sont peut-être communes, mais en demeurent néanmoins honteuses lorsqu’elles s’expriment face aux mauvaises personnes. Les femmes de sa famille appartiennent à cette catégorie et si face à Bryn il était surtout question de garder la face et de ne pas paraître faible face à celle qui l’avait pris pour un modèle, face à Cora il est surtout question d’un ridicule qu’elle a souligné lors de leur dernière confrontation et qu’il ne veut pas accentuer pour lui donner raison. Pourtant, au fond, il le sait ; si les paroles de Cora résonnent autant en lui des semaines après leur dernière entrevue (qu’il serait plus approprié de qualifier de dispute), c’est qu’elles ont su s’infiltrer dans son esprit sans qu’il ne parvienne à les en empêcher, et qu’il leur accorde plus de crédit qu’il ne le souhaiterait, sans quoi il ne ressentirait pas autant d’ambivalence à l’encontre de sa sœur. Partagé entre cette rancune qu’il a pris l’habitude d’éprouver et qui s’est concrétisée à nouveau lors de leur dernier échange, et ce semblant de soulagement qu’il n’assume pas (et qu’il ne saurait expliquer) d’avoir été mis devant le caractère problématique de son propre comportement. Il continue pourtant de prétendre que tout va bien et qu’il ne comprend pas les reproches qu’on peut lui faire sur sa consommation d’alcool, mais la gêne de consommer a laissé place à des excuses socialement acceptables comme celle qui consiste à maîtriser sa peur de l’avion ; parce que dans un sens Cora lui a prouvé qu’il n’avait plus besoin de se cacher, que sa capacité à lever le coude est désormais reconnu. Et la reconnaissance n’a pas amené ce qu’il craignait ; à savoir des serments et des remontrances, accentuant toujours plus l’addiction d’un Finn qui commence à se faire une raison. Il ne rend pas les choses plus acceptables, seulement plus justifiables, et la différence réside dans le fait que ses proches soulignent le problème sans se risquer à l’aider, lui assurant de jour en jour que, finalement, le problème n’était que dans sa tête et n’en est en réalité pas un. Et si la conversation qu’il partage à cet instant avec Cora est des plus banales, la manière dont ce qui fut précédemment l’objet d’une confrontation entre eux est passée sous silence a un effet apaisant sur le rouquin, qui se retrouve naïvement à penser que ce voyage en avion pourrait une parenthèse bienvenue dans leur relation houleuse. Ça, et le fait qu’il est anxieux et qu’il a évidemment besoin de se changer les idées, mais encore une fois Finn préfère voir les choses comme ça l’arrange et la première option est plus à son avantage que la seconde. C’est un nouveau silence qui s’installe entre eux après quelques remerciements timides, et lorsque Cora reprend la parole, ce n’est que pour souligner sa phobie. Car s’il n’est pas rassuré en avion, on ne peut pas dire qu’il soit complètement terrifié ; avec la mer et l’eau en général, c’est une autre histoire. Il me faudra quelques verres. Et même s’il vient d’avoir la preuve que l’ivresse lui procurait l’inverse de ce qu’il recherche, ce n’est pas pour autant qu’il va se convaincre que le courage ne se trouve pas au fond d’un verre. Il y est, il ne creuse seulement pas assez. « J’ai pas vraiment le choix. » Qu’il soupire dans un premier temps avec un bref haussement d’épaules. Il est trop tard pour reculer ; il s’est engagé auprès de Bryn et même s’il ne sait plus vraiment où il en est avec sa sœur, il n’a aucune intention de la trahir. « Et puis, tant que c’est pas moi au milieu des vagues, je peux gérer. J’avais, j’ai, surtout peur pour elle, mais bon, c’est pas une petite fille, elle sait ce qu’elle fait et elle se débrouille plutôt bien. » C’est un euphémisme, la carrière de Bryn décolle de jour en jour ; et il ne peut plus se cacher derrière des excuses pour justifier le fait qu’il soit absent à ses compétitions. Sa phobie lui a surtout servi d’excuse pour ne pas admettre que voir sa réussite ne faisait que rouvrir des plaies causées par Cora, et qu’il n’apprécie pas ce rôle de spectateur impuissant dans la vie de ses sœurs, quand lui reste cloitré au sol alors qu’elles s’envolent vers le succès. « Tu lui as parlé, récemment ? » Qu’il finit par questionner, parce que ce n’est pas son cas et c’est probablement l’une des raisons pour laquelle il est aussi anxieux ; ce sont des retrouvailles qu’il appréhende, peut-être encore plus que celles qu’il vient de vivre avec Cora dans cet avion.

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Coverdale²

Elle n’avait jamais pris le temps de réfléchir à la façon dont elle se comporterait face à Finn lorsqu’elle le reverrait. Elle ne s’était pas dit qu’il faudrait qu’elle veille à anticiper ce genre d’évènement car elle est partie du postulat que ceux-ci ne se produiront pas. Le rouquin était maitre dans l’Art d’éviter sa jumelle et elle comptait sur ce talent pour s’épargner une éventuelle prise de tête dont elle s’est très bien passée avant d’y être confrontée sans préméditation. Finn n’avait jamais émis le souhait de voir une seule compétition de Bryn et cette dernière avait avoué à Cora, une fois, ne pas trop s’attendre à un changement même si celui s’est visiblement opéré sans qu’elle n’en soit informée. Nulle rancœur pour ce guet-apens. Elle se dit juste qu’il lui restera à prendre sur elle et qu’après tout, ce sera toujours un bon exercice pour apprendre à montrer les crocs. « J’ai pas vraiment le choix. » Effectivement, maintenant que son séant est planté dans un siège d’avion à une altitude dont elle ne chercherait même pas à connaitre la hauteur, il est trop tard pour reculer. Face à cette rhétorique, elle reste muette. « Et puis, tant que c’est pas moi au milieu des vagues, je peux gérer. J’avais, j’ai, surtout peur pour elle, mais bon, c’est pas une petite fille, elle sait ce qu’elle fait et elle se débrouille plutôt bien. » Elle acquiesce sans commentaire qui pourrait être jugé déplacé. Les œufs sont toujours bien présent sous ses pieds et à vrai dire, hormis de la pluie et du beau temps, il y’a très peu de chemin sur lesquels elle souhaite s’aventurer avec lui. « Tu lui as parlé, récemment ? » demande-t-il après un certain temps de silence. Est-ce intelligent que de lui répondre qu’elle et Bryn arrive à se parler au rythme d’un ou deux facetime par mois, que les échanges sont emprunts de bienveillance et qu’elles arrivent à tisser ce lien de sœurs que les jumeaux sont incapable d’avoir et que lui a brisé avec elle il y’a maintenant deux ans ? C’est compliqué parce que Cora ne veut pas avoir le sentiment de lui claquer à la gueule que tout se passe bien alors qu’il n’est pas dans leurs vies. La tentation est grande pourtant que de le faire, mais ça n’aurait rien d’intelligent. C’est pourquoi elle répond de façon évasive. « Oui, le week-end dernier. J’ai réussi à l’avoir entre deux entrainements. Elle stresse beaucoup parce qu’elle a peur de tomber en plein envol mais elle va bien. J’ai droit à une photo de tout ce qu’elle mange aussi. » Elle le glisse comme une remarque anodine mais maintenant que Bryn est passée sous la coupe de Danielle, elle a bien trop peur que cette dernière ait eu une trop grande influence en partageant ses idées de nutrition à la limite de la maltraitance. Puis indirectement, prendre en photo son assiette a beaucoup aidé Cora à gérer ses propres démons. « Elle a reçu quelques offres et pourraient revenir à Brisbane. » Qu’elle finit par ajouter, voir si jamais Finn est intéressé par faire un pas et souhaiterait profiter du retour de sa sœur pour arrêter de cultiver sa solitude. « Si vous avez une conversation, ne sois pas dur avec elle. » ajoute t-elle après un léger temps de silence. Elle comprend la rancœur de Finn, mais elle souhaiterait l’inviter à ne pas développer cette dernière et à ne pas s’éloigner plus de Bryn. Si elle-même n’est plus capable de l’avoir dans sa vie parce qu’il n’est pas sain, elle ne lui souhaite pas que cette solitude continue de lui coller à la peau.

Si Finnley a toujours soutenu sa sœur dans son envie de faire de sa passion son métier (même s’il a voulu qu’elle s’assure une sécurité avec un diplôme en poche), il est malgré tout surprenant qu’il soit dans cet avion pour aller soutenir Bryn à l’une de ses compétitions. Il n’est pas totalement ignorant de celles-ci ou de ses entraînements, pour autant Finn s’est toujours assuré de s’y rendre une fois que Bryn n’était plus sur sa planche à affronter les vagues. C’est stupide ; il en a conscience et pour sa sœur il aurait dû être en mesure de mettre sa phobie de côté, mais c’est une peur irrationnelle qu’il n’arrive pas à contrôler – c’est bien le principe. Il ne perd pas espoir d’y arriver un jour et d’être en mesure de suivre sa petite sœur dans les plus grands événements de sa carrière qui a bien démarrée, mais pour l’heure, c’est encore dans un état d’anxiété avancée qu’il appréhende cette compétition – et pas seulement parce qu’elle marque les retrouvailles entre la fratrie Coverdale. Ce voyage en avion s’annonce long et pas uniquement à cause de la distance qui sépare les jumeaux de leur cadette, mais surtout en vue du placement qu’est le leur. Finn pourrait rester silencieux pendant des heures afin de s’éviter de faire la conversation à Cora, surtout qu’il n’a pas réellement pardonné certains mots échangés au cours de leur dernière dispute (et il n’est pas d’assez mauvaise foi pour ne pas imaginer que la réciproque est vraie). Mais il n’est pas dans son état normal et il n’est pas seulement question de l’alcool qui coule dans ses veines, mais bien de cette peur qu’il ne parvient pas à maîtriser. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, échanger avec Cora autour de banalités lui permet de penser à autre chose et de ne surtout pas regarder par le hublot pour ne pas voir qu’ils volent à une altitude qui suffirait à le faire tomber dans les pommes. En réalité, maintenant que l’avion a décollé, son appréhension se réduit ; encore une fois parce qu’il est surtout question de ne pas être à l’aise en avion que d’une véritable peur comme cela est le cas pour l’eau (et des personnes de petite taille, mais chut, il n’assume pas cette phobie). Conscient que la conversation l’aide à ne pas se focaliser sur ce qui l’entoure, il poursuit celle-ci même après le silence de Cora et cherche à savoir si elle a eu la chance de bénéficier de quelques nouvelles de la part de la cadette. « Une photo de tout ce qu’elle mange ? » Il répète, un peu surpris. « Pourquoi faire ? » Que Cora n’oublie pas qu’il ne baigne pas dans ce milieu, contrairement aux deux sœurs et que c’est donc un détail qui lui échappe. « Enfin, elle mange bien du coup ? Elle ne s’affame pas pour les sponsors ? » Peut-être est-ce un cliché, mais là-aussi il ne faut pas oublier que Finn ne connaît pas l’intérieur de ce monde et qu’il se base que sur les rumeurs et les clichés qui entourent les métiers sous les projecteurs ; et il sait que sa sœur a décroché quelques contrats en tant qu’égérie de certaines marques, une sorte de mannequinat qui pourrait connaître des dérives. Alors il comprend un peu mieux la réflexion de Cora. « Oh. Je ne savais pas. » Qu’il admet lorsqu’il est question de potentielles offres qui pourraient la faire revenir à Brisbane ; Bryn ne lui en a pas parlé, mais il ne peut s’en offusquer : ce n’est pas comme s’il était très disposé à répondre à ses appels et à échanger avec elle. Piqué par la réflexion de Cora, il se contente de grogner un « hm, hm » dans un premier temps, agacé qu’elle se permette de lui faire la leçon. Il serait tenté de lui signaler que c’est lui qui a dû s’occuper de Bryn lorsqu’elle était trop occupée à parcourir le pays avec leur mère et qu’elle n’a pas à interférer dans ses liens avec la cadette parce qu’il sait s’en occuper, lui. Mais il se retient, conscient que justement, ses liens avec Bryn sont entachés et qu’il est loin d’être exemplaire. « Je ne sais même pas si on en aura une. » Il se contente de rétorquer, avant d’ajouter : « ni même si elle le voudra. » Il pourrait comprendre, il ne lui a certainement pas laissé un souvenir impérissable avant qu’elle ne s’en aille. « Je ne pense pas qu’elle reviendra. Elle n’a rien à y gagner, ici. » Il finit par avouer, après quelques instants de silence, le regard fixé sur l’allée où passe les hôtesses. Et là-aussi, il ne peut pas lui en vouloir ; que viendrait-elle retrouver à Brisbane ? Il y a tant d’autres opportunités ailleurs, loin de sa famille éclatée.

ain't no rest for the wicked

Coverdale²

« Une photo de tout ce qu’elle mange ? » Elle ne s’attendait à ce qu’il répète une remarque qu’elle avait prononcé sous couvert d’anecdote. Que Bryn ait côtoyé Danielle l’avait finalement rapproché de Cora sur bien des points. La jeunette pouvait comprendre maintenant le pouvoir pervers que dégageait leur mère et comment celle-ci savait très bien comment utiliser les talents de ses filles pour se servir elle. Fort heureusement pour elle, Bryn n’avait pas eu leur mère assez côté assez longtemps pour que celle-ci tienne les rennes au point de détruire le mental de sa fille pour la posséder. Bryn était assez vieille, assez prévenue et n’avait pas gardé ce partenariat trop longtemps. Cora, c’était tout l’inverse. Elle en était ressortie fragilisée et avec des démons qu’elle vient tout juste de finir la découverte et qu’elle commence à apprivoiser. L’anecdote des photos étaient seulement un quelque chose que les sœurs avaient mis en place pour se conforter l’une et l’autre qu’elles allaient bien. Une idée de Bryn, pour qui l’idée que le bonheur se reflète dans ce que tu manges est une conviction. « Pourquoi faire ? » Elle hausse les épaules pour toute réponse, l’air de sous-entendre qu’il s’agit là d’une habitude parfaitement féminine qu’il ne peut pas comprendre. Elle se conforte rapidement avec la certitude que sa non-connaissance de leur monde ne l’amènera pas penser à d’éventuel troubles alimentaires. « Enfin, elle mange bien du coup ? Elle ne s’affame pas pour les sponsors ? » « Oui, et non » dit-elle en hochant la tête avec un sourire, se maudissant au passage pour avoir aborder le sujet même s’il ne se doutera pas que celle qui a des problèmes, ce n’est pas la surfeuse. Elle finit par changer de sujet en amenant le retour hypothétique de Bryn à Brisbane. Elle sait qu’elle ne devrait pas car c’est à Bryn de décider si elle veut en parler à Finn mais connaissant son frère, elle préfèrerait qu’il sache l’annonce pour au moins éviter de réagir avec une amertume et une agressivité passive qui le caractérise et qu’elle souhaitait épargner à leur sœur. Elle ne sait que trop bien que ce type de comportement, ça ne les éloigne que plus. « hm, hm » dit-il, balayant ses mises en garde, ce qui ne la surprend pas et l’amène à se remettre dans son siège. Loin d’elle l’idée d’aller dans la morale ou d’évoquer le sujet avec plus de profondeur. Ce qui en suit ne la regarde que trop peu. « Je ne sais même pas si on en aura une. » ajoute t-il, lui donnant un sentiment désagréable, comme s’il cherchait à être plaint alors qu’il repousse les autres. « ni même si elle le voudra. » « Donc, elle t’aurait invité et tu serais venu pour ne pas vous parler ? » pointe t-elle, sans s’impatienter mais juste pour souligner le côté ridicule de sa prise de risque s’il ne cherche pas à échanger avec elle. « Je ne pense pas qu’elle reviendra. Elle n’a rien à y gagner, ici. » Ses sourcils se lèvent d’une façon qui souligne à quel point Cora trouve sa remarque ridicule. Elle peut revenir pour des milliers de raisons et le fait qu’eux deux soit à Brisbane en est une. Peut-être que Finn n’en serait pas où il est, s’il était capable de comprendre que oui, on peut revenir pour lui. « C’est à elle de le décider. » Fais juste le second pas, se retient-elle d’ajouter.

Il répète les propos de Cora, dans l’optique qu’elle corrige l’incompréhension dans laquelle il se trouve ; peine perdue, c’est finalement une mise de côté en bonne et due forme dont il hérite, comprenant à son langage non-verbal qu’il s’agit de choses qui ne le concernent pas. Un truc de filles, qu’on pourrait dire en usant de clichés, mais en l’occurrence il est surtout question de le tenir éloigné d’un monde dans lequel il n’a pas sa place, contrairement à ses deux sœurs. Et le sentiment amer que le rejet de Cora lui laisse le renvoie à ses premiers pas dans le business et à ceux, quelques années plus tard, de Bryn. Voyant ses deux sœurs marquer toujours un peu plus la distance avec lui, en plongeant dans un monde où il ne peut les suivre. Cora marque à nouveau cette distance et il préfère se taire, conscient qu’une opposition de sa part n’amènera rien de bon si ce n’est une énième dispute entre eux et que l’endroit est mal choisi pour cela. Et puis, ce n’est plus comme s’ils avaient grand-chose à se dire, les jumeaux, alors que Cora se contente du minimum de syllabes autorisées au sein d’une conversation pour répondre aux questions d’un Finn épousant à nouveau son rôle de grand frère un peu trop protecteur. Il n’a pas à s’inquiéter de l’alimentation d’une Bryn qui ne s’affame pas pour les sponsors, même si cet échange lui laisse un arrière-goût qu’il ne saurait expliquer et le convainc d’être un peu plus regardant sur ce genre de détails concernant sa cadette ; des fois qu’elle outrepasserait certaines règles susceptibles de mettre en danger sa santé. Le rouquin semble bien préoccupé pour un type qui n’a guère eu d’intérêt pour sa sœur depuis quelques semaines, filtrant les appels et découvrant seulement aujourd’hui les nouvelles opportunités qui s’offrent à elle, dans la ville où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Un retour aux sources qui l’étonne, même s’il ne peut que se blâmer de ne pas être au courant. Il accepte sa responsabilité, il accepte beaucoup moins les conseils de Cora qui tombent mal et qui, en plus de ça, sont parfaitement déplacés. Elle n’a aucune légitimité à interférer dans la relation qu’il a avec Bryn, c’est bien trop tard pour cela et il ne veut pas lui donner un poids dans ses décisions qu’elle ne mérite pas. « Pas de ça, en tout cas. » Parce qu’ils évitent les sujets qui fâchent depuis des mois et que ce week-end ne lui semble pas approprié pour remettre ceux-ci sur le tapis. Il est là pour la soutenir, pas pour se disputer avec elle et probablement que Bryn en est arrivée au même constat. Toujours est-il que les réflexions de sa jumelle finissent par avoir le même effet sur lui qu’elles l’ont à chaque fois ; il en a marre et c’est la raison pour laquelle il se contente de marmonner un « ouais » à la dernière réflexion de Cora, avant de glisser ses écouteurs dans ses oreilles, ne lui souhaitant pas même un bon voyage pour le reste de celui-ci qu’ils feront dans le silence ; parce qu’il n’en penserait pas un traître mot.

sujet terminé