Tu as eu ton congé de l’hôpital hier. Muni de plans d'évasion indéniablement salutaires, tu t'es réinstallé sur Cadence auprès d'Ariane. Même si tu ne l'avoues pas de toi-même, tu constates que ce séjour à St Vincent's t'a fait du bien. Tu te sens réellement mieux, comme si les divers protocoles de soins avaient su te requinquer, remettre les compteurs à zéro sur ton état, mis à part pour le cancer qui lui ne cesse d'évoluer pour l’instant.
Tu as noirci plusieurs pages de ton carnet : des paroles de chansons, des accords mélodiques, des projets du futur. Tu te sens renaître, la sensation que tu peux t'en sortir t’éprends de nouveau, tu crois être en mesure de battre une seconde fois cette maladie qui te traque depuis deux ans maintenant. Peu après minuit, tu t'étais écroulé dans ton lit avec Parker et au matin, elle t'avait annoncé partir retrouver Kane. Tu avais hoché la tête, signe que tu avais saisi le message, puis l'avais encouragée d'un signe de la main à disparaître retrouver le Williamson. Ils avaient besoin de temps tous les deux. Par ailleurs, tu haïssais être la raison pour laquelle ils étaient tant séparés. Pendant que la rousse enfile ses godasses, tu t'endors.
Une vingtaine de minutes plus tard, tu te réveilles. Il te semble avoir couru un marathon tant ton cœur martèle violemment ta poitrine. Ton corps est à la merci de sueurs froides et mollement, tu tentes de remonter la couverture sur tes épaules, poing sur un palpitant brutal. Bien vite, tu ne sais plus si tu as froid ou bien chaud, tu as le sentiment de perdre tout contrôle sur ton organisme et gauchement, tu vises la table de chevet sur lequel repose ton téléphone. Tu œuvres à contacter Ariane, le speed dial finalement utile, jusqu'à ce que l'engin se dérobe de tes doigts moites et faibles.
One missed call
Il dégringole sur le sol, tu fermes les yeux, rageur, halètes. Les tonalités reprennent, tu espères entendre la voix de la rouquine, ou la sonnerie de ton téléphone retentir. Ta tête te paraît peser des tonnes, tous les muscles de ton cou sont faibles, frisent l'inexistant, ton dos est extrêmement douloureux, ton cerveau te semble trop étroit pour ta boîte crânienne. Tu inspires doucement, gémis, glisses un bras vers le sol à la recherche du cellulaire muet depuis quelques minutes avant de perdre l'équilibre, épris d'étourdissements, et finir sur le sol, te cognant violemment la tête sur le mobilier au passage.
Two missed calls
Levi Hey bro. Are you up to something?
Tu rappelles Ariane, finis sur sa boîte vocale. Tu textes Kane, immobilisé au sol. Des aiguilles invisibles percent ta chaire, te tiraillent de douleur. Stupidement, tu oublies que le soldat du feu se trouve possiblement avec Ariane, tu penses au meilleur ami qui t’a promis être là pour toi, l’ambulancier qui saurait tout résoudre de sang-froid, ou qui te rassurerait alors que tu flippes comme jamais. Tu pries pour que Parker reprenne possession de son outil de communication et retourne tes appels rebondissant odieusement sur sa boîte vocale, certain de survivre à tout si elle se tient à tes côtés. La mer déchaînée affrontée en solo ne t’a jamais fait aussi craindre pour ta vie qu’aujourd’hui, où tu te retrouves chaos cloué à même le sol de ta cabine, incapable de te mouvoir pour te redresser, te relever. Du sang coule sur ta tempe, se mêle à la bile que les étourdissement t’ont fait recracher sans retenue. Un pic de douleur fait glisser tes doigts sur le clavier électronique.
Three missed calls
Levi njiokp
Tu rouvres péniblement les yeux, ignorant prodigieusement combien de temps tu es demeuré inconscient. Ton corps transi, endoloris, abandonné, te rappelle à l’ordre. Ta tête pèse toujours des tonnes, le moindre mouvement te prodigue de brutaux hauts-le-cœur. Tu tapes à l’aveuglette sur ton téléphone, continues ta quête, t’acharnes à les joindre. C’est sur Charlie que tu finis par tomber. Elle high, toi voguant dans le mal-être. Elle t'assure qu'Ariane et Kane sont bien ensemble. Apparemment, il y a des larmes de la part du garçon, rien de surprenant. Red te permet de garder conscience jusqu’à ce que Matt arrive, t’as fini par capituler et lui téléphoner directement, il t’a assuré être là aussi vite que possible et n’a assurément pas menti.
≈≈≈
La prochaine station est les urgences de St Vincent’s. Tu ne sais comment tu t’y es rendu, Matt n’apparaît pas dans ton champ de vision. Tu grelottes tandis que des mains rêches s’affairent sur ton corps, qu’une poigne ferme te retient lorsque tu menaces de passer par-dessus le brancard pour extraire la bile ruinant ton œsophage au passage. “You okay, You okay,” la voix masculine assure. Ta respiration se coupe, ton coeur s’affole, ton instinct t’incite à te recroqueviller sur toi-même en dépit des gestes de soignants calmant les chimères de ton organisme comme ils peuvent. “I’m in pain,” tu finis par souffler, si fébrilement que tu es persuadé que tes paroles sont inaudibles. Mais la même voix te réplique : “I know. We’re taking care of it. Hold on.” Tu fermes les yeux, t’accrochant à ces mots prononcés sur une intonation aussi empathique que catégorique. They’re taking care of it. I’m okay.
J’ai fini dans le lit de Kane, dans ses bras. J’ai fini par m’endormir entre ma respiration saccadée et ses joues humides, salées. J’ai fini toutes les cartouches de stoïcisme qui me restaient, toutes les forces que j’avais emmagasinées pour mieux m’écrouler, pour mieux m’effondrer au pire moment. Ma tête s’est inventée une place sur l’oreiller d’un meilleur ami d’une autre vie, son bras que j’ai forcé à un moment dans mon sommeil autour de mes hanches, son corps lové dans mon dos qu’il n’aurait même pas eu besoin d’imposer que je l’aurais réclamé.
I fucked up Kane. I fell in love with him. Bad. Évidemment que je me réveille en sursaut, que j’ai la tête qui explose, la gorge serrée. J’ignore quelle heure il est à défaut de maintenant savoir quel jour nous sommes, le cadran de Kane que j’ignore, quand ma poitrine se soulève, à bout de souffle. « I have to call Jo. » que je concède, sachant très bien que c’est impossible autrement. Il faut que je lui parle, il faut que je comprenne ce qui se passe, il faut que je règle ce qu’il y a à régler, il faut que j’entende sa voix au lieu de tenter de relativiser.
Mais mon écran est illuminé déjà, et pas de son nom à lui. Les appels manqués de Levi que je vois, lui qui téléphone jamais, lui qui texte ou qui apparaît à l’improviste, un ou l’autre. Le portable de Kane est lui aussi sur sa table de nuit et j’y vois des messages du McGrath se cumuler, j’en oublie tout le reste, absolument tout le reste quand je suis persuadée que ça va pas, que rien ne va du tout. Matthew m’a écrit pour s’assurer que je sache que Levi était en sécurité à l’hôpital, mais comme à l’habitude, j’en ai rien à battre du cousin, absolument rien à faire. Mes clés que j’attrape sur la table du salon, ma veste que j’oublie sur le canapé, j’ai rien dit, absolument rien dit à Kane de tout le trajet par crainte de finir par m’insulter de tous les termes possible et inimaginables d’avoir manqué ça.
≈≈≈
Il ouvre l’oeil. J’ai fixé sa silhouette à la seconde où je suis entrée dans la chambre, où ils ont fini par le poster. Il dort depuis des heures. Son crâne a un bandage, y’a du sang séché dans son cou. J’ai compté toutes ses inspirations, pareil pour ses expirations, même si je pense que j’en ai oubliées une ou deux quand moi-même, j’ai arrêté complètement de respirer. « Welcome back, man. » ma voix est enrouée d’avoir été aussi longtemps silencieuse, le gobelet de café froid encore bien plein posé à mes pieds que je renverse dans l’élan en me levant de la chaise où j’étais assise pour aller vers Levi. Mes pas qui évitent savamment la flaque au sol et mes yeux qui l’ont toujours pas lâché.
« Panique pas » c'est Matt. Matt qui demande à Jill de pas paniquer, c'est que la situation va la faire paniquer. « Levi est à l'hôpital ». Levi. Hôpital. C'est les deux seuls mots qui tournent dans sa tête. « Tu peux aller le voir en attendant que j'y retourne ? » Elle met moins d'une minute à sortir de lit de Bailey. Ils s'étaient endormis il y a très peu de temps. Jill avait dû gérer Bailey complètement bourré avant de s'endormir à ses côtés. Avant de recevoir ce message de Matt. Elle se lève, prend les clef de la voiture de Bailey et lui laisse un mot. « Levi va pas bien, il est à l'hôpital, je t'ai pris ta voiture ! ». Elle ne s'excuse même pas, il avait dit qu'il ne voulait pas aller travailler le lendemain de toute façon. Et Levi était bien plus important que n'importe quelle carrière, que n'importe qui d'autre dans ce foutu monde. Bailey ne se réveil même pas, elle met un de ses tee-shirt qui traînait et enfile un jogging, puis prend le volant. Elle met moins de dix minutes à arriver.
≈≈≈
« Levi McGrath ! Quelle chambre ? » La fille de l'accueil est bien trop longue à répondre au goût de Jill et elle n'avait plus de nouvelles de Matt, alors elle attendait. Elle attendait en tremblant, totalement paniquée. Elle monte et arrive devant la chambre qu'on lui a indiqué. « Vous vous occupez de Levi McGrath ? Qu'est ce qui se passe ? Qu'est ce qui lui arrive ? Il va bien ? » elle ne s'arrête plus de poser des questions et une larme roule sur son visage sans qu'elle ne puisse vraiment le contrôler. Le docteur qui venait de sortir de la chambre tentait de la calmer en lui disant que tout allait bien, et Jill l'écoutait attentivement. Elle enregistrait chaque détail, chaque information qui la renseignait sur l'état de son cousin. Elle savait maintenant que Levi était malade, et elle savait que le pire pouvait arriver à tout moment, même si ils n'en parlaient pas vraiment tous les deux. Elle entre dans la chambre et se rapproche d'un Levi endormi. Elle se pose à côté de lui en lui attrapant la main, sans rien dire. Elle attendait qu'il se réveille, elle attendait de voir qu'il était bien vivant. Elle reste plusieurs heures immobile, à attendre un quelconque signe de vie. Matt n'était toujours pas revenu. Mais Ariane arrivait, aussi paniquée que Jill pour attendre avec elle, silencieusement.
Après de longues heures à attendre, Levi ouvrait enfin les yeux. Et Jill ne pouvait pas retenir un gigantesque sourire. « Hey darl' ! Ça va ? » Elle était à genoux à côté du lit, elle lui tenait toujours la main, et Ariane c'était rapproché aussi vite qu'elle de l'autre côté du lit. « Welcome back, man. ». Jill acquiesçait en souriant aussi à Ariane. Elle ne pouvait pas être plus heureuse et inquiète en même temps. Il était enfin réveillé, mais d'après le docteur il avait eu une grosse infection, elle n'avait pas vraiment retenu le nom, juste que ça aurait pu être bien plus grave si Matt n'était pas arriver à temps. Elle voulait tout savoir, mais il avait l'air bien trop faible pour pouvoir encaisser toutes ses questions. « Tu me refais jamais une frayeur pareille ! ».
« I have to call Jo. » Yeah you have to. Et j’ai pas vraiment envie d’être là à ce moment là mais je le serai si elle veut. She will want Levi not me. Actually maybe not. C’est grave compliqué et je sais pas ce qu’elle va faire. Mais ça doit sûrement pas avoir l’air compliqué pour l’instant parce qu’il est à l’autre bout de la planète. Ariane qui check son téléphone et il n’en faut pas plus pour qu’on soit sur le départ à cause d’appels manqués de Levi. Oh no… Parce que comme à mon habitude, j’imagine le pire. Toujours. Et on est en route, et mon esprit est encore en train de voir le pire du pire. Surtout vu l’heure qu’il est, et Charlie qui n’était pas à l’appart’. Je sors mon téléphone et j’envoie un SMS à Charlie.
Holy Where are you? You're alright? I'm heading to the hospital with Ariane, something happened with Levi. Reply to me please. Love u
Mon écran que je quitte pas des yeux. Where is she… J’aime pas. J’aime pas du tout.
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Et il s’est effectivement passé quelque chose de sérieux avec Levi. J’aime pas. J’aime pas du tout. Y’a rien qui va en ce moment. Il avait l’air d’aller mieux ces derniers jours mais comme quoi rien n’est jamais sûr. Absolument rien. On peut pas faire de break d’un jour. Ariane doit s’en vouloir à mort de pas avoir été avec lui à ce moment là. Je peux pas la blâmer. Mais moi là, dans cette pièce avec eux, je me sens encore moins bien qu’avant. C’est pire. C’est horrible. « Welcome back, man. » Elle renverse son café et moi je reste là en distance. Je me sens de trop c’est si horrible… Y’a Jill qui est là aussi, je la connais pas vraiment mais je suis content de voir que Levi est bien entouré. Il a de la famille. Il les a tous. Maybe I can get the fuck out and he’ll be ok. Parce que vraiment, j’ai du mal. Je me suis disputé avec Ariane plusieurs fois récemment. Jamais avec lui. Alors que ça a toujours été à propos de lui. He’s sick. Ouais. Et il me cache beaucoup trop de chose. He doesn’t care about me. Et là j’ai Daydreamer de Trophy Eyes qui me trigger. Daydreamer, no ones going to love you like you love them… Et je les regarde tous autour de Levi. Et je reste contre le mur. Il est déjà pris d’assaut et il veut sûrement pas me voir mais il ose pas me le dire. Oui je me fais tous les films dans ma tête, mais j’ai vraiment l’impression qu’il m’a coupé de sa vie depuis bien longtemps. C’est lui. C’est tout lui. Ariane a été entraîné là dedans mais c’est tout à propos de lui. « Tu me refais jamais une frayeur pareille. » Well, s’il pouvait décider de plus être malade ça m’arrangerait aussi mais on a pas tous le luxe d’éradiquer notre cancer à notre bon vouloir, Jill. Je suis pas de bonne humeur. Mais Levi est en vie. C’est ce qui compte. Si Levi meurt, Ariane meurt. Et j’ai pas envie de relate encore plus fort la prochaine fois que j’écouterai ‘All my friends are dead’. Mes yeux se baissent sur mon téléphone que je sors de ma poche, à la recherche d’une notification de Charlie. Je suis toujours inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles alors je sors de la chambre. Levi est réveillé, tout le monde est sur lui, il est occupé. He’s alive. Et moi je veux check si Charlie l’est toujours. Une fois dans le couloir, je compose son numéro.
« Please pick up… »
Je marche un peu au hasard dans le couloir, concentré sur la tonalité.
Spoiler:
Pas que j'avais prévu de faire ça, mais c'est juste parfait vraiment et comme ça vous pouvez avancer tant que je suis pas dispo jusqu'à jeudi
20 minutes, c’est tout ce que ça prend entre l’appel à l’aide de Levi et Jensen qui prend le lead une fois qu’on passe les portes des urgences. 20 minutes à descendre mes escaliers par trois, à grimper sur son bateau en le faisant tanguer à foison, à brûler des feux rouges. 20 minutes à maintenir mon calme, à agir pour une fois comme la figure d’autorité qu’on écoute, qu’on prend au sérieux. 20 minutes pour essayer au mieux de lui sauver la vie.
Et ça me fait chier à un niveau de devoir retourner au café parce qu’il y a pas juste mon cœur qui a explosé en mille morceaux cette nuit, mais la vitrine arrière du DBD également. Je sais pas qui est l’idiot qui a décidé de lancer une brique sur la façade vitrée menant sur la terrasse, mais ça a fait un beau foutoir et Deklan a pas le rôle légal pour régler l’affaire avec les assurances. Asher aurait pu, mais j’ai pas pensé lui demander tellement c’est récent que justement, il soit gérant, le bras droit de l’annexe, mais le bras droit tout de même.
Jill m’assure qu’elle ira au chevet de Levi en attendant que je revienne, je téléphone à Ginny sur le chemin entre l’hôpital et le café pour lui donner des nouvelles elle qui est restée sur le qui-vive toute la nuit. Elle a prévu laisser Noah à l’école et filer de suite rejoindre le cousin de ce qu’elle me dit.
J’ai à peine le temps de prendre une douche et de changer de t-shirt que je quitte le DBD en furie pour retourner à St-Vincent. Je reconnais la voiture d’Ariane stationnée comme une merde près de la porte principale, roule des yeux de voir comment elle en a rien à foutre de rien elle, un poil rassuré de voir qu’elle soit là pour Levi au moins. C’est déjà ça. Kane est dans le couloir menant vers la chambre où je me dirige quand je ralentis à sa hauteur, ma main qui se pose sur son épaule parce qu’il est dos à moi et que je veux pas le faire sursauter lui qui doit être autant à bout de nerfs que nous tous vu les événements qui nous rassemblent ici. « Yo Kane! » j’attends qu’il daigne se tourner vers moi pour afficher un sourire en coin sur mon visage. « You should tell Char my name’s Matt not Tim. Not even the same letters. » un rire, bref, mais un rire tout de même qui franchit mes lèvres. Elle m’a envoyé un texto incompréhensible la veille en me prenant pour un dude que je connais pas, autant relâcher la pression du Williamson avec la connerie aussi ridicule qu’insignifiante à mon sens. On prend ce qu’on peut pour alléger les esprits. « I hope next time she drunk text me like last night, she’ll fix up a better nickname than that. What do you think about McWinner? »
Ça bouge dans la pièce d’à-côté, j’oublie complètement Kane pour passer la porte où ils semblent tous s’être attroupés sauf lui. Jill a sa main dans celle de Levi, Ariane a foutu un mess caféiné au sol. Mes yeux trouvent les siens, je pique mais gentiment pour une fois. « See we finally have something in common here. » parce que je me doute qu’elle a pas fait exprès de renverser son café, mais qu’à anticiper le goût, je suis sûr que j’aurais fait pareil. « Brought good coffee. » j’avance finalement, le plateau de carton rempli et les gobelets que je distribue d'abord aux filles avant de m’installer au pied du lit de Levi. « How do you feel sailor? »
Dans un autre monde j’aurais dû trouver ça chiant d’être aussi froide avec Kane, avec Jill. D’à peine les calculer, d’ignorer volontairement leurs regards à la dérobée, les quelques mots que je crois les avoir entendus articuler. La vérité c’est que j’en ai jamais déjà rien à faire des autres de base. Même si eux deux ont réussi à se gratter une place dans mon cœur l’une depuis à peine quelques mois l’autre depuis toujours, j’ai pas plus le goût de m’attarder à eux qu’à qui que ce soit d’autre que Levi – son réveil – là.
McGrath cousine lui parle, ils ont une seconde de catching up à faire en famille, je m’impose pas du tout. Ma tête qui fait volte-face quand j’entends un bruit derrière moi, prête à mordre n’importe quel infirmier qui entre pour nous dire que Levi doit filer dans une salle d’examen ou se faire brancher un autre truc dans la chair. Give us a break, would you. Mais le bruit que j’entends, c’est Kane qui part, c’est Kane qui sort de la chambre pour aller faire des allers et des retours dans le corridor, le portable vissé à l’oreille.
J’ai même pas le temps de le retenir, d’articuler un « Kane, don’t – » qu'il passe l'embrasure. Il voit, il me voit, je sais, ses yeux brûlent les miens. Mais il dit rien ; et la porte se referme toute seule derrière lui. Y’a des images qui remontent du dernier moment où on a vraiment été tous les trois ensembles et ça me donne l’impression de s’être produit y’a des années de ça. Quand on vivait en trio, et pas en duo, quand nos conversations à deux ne tournaient pas autour de l’absent, quand même quand Levi était à l’autre bout du monde on était trois contre le reste. Pourtant, là, je me suis jamais sentie aussi seule.
Alors je m’occupe, pour pas sombrer dans un cercle de narcissisme de merde à centrer tout ça sur moi et moi seule. Le portable de Levi que je branche au mur avec mon propre fil de charge parce que soyons honnêtes, la batterie doit être complètement vide après ses nombreux appels et messages d’hier. La dernière fenêtre ouverte lorsque l’écran s’illumine à nouveau est celle d’un texto sans réponse envoyé au Williamson, j'attrape les prunelles de Levi au passage, je sais pas s'il a vu la même chose que moi ou pas. Et c’est le moment où Matthew-le-connard-mais-pas-tant-que-ça-finalement choisi pour entrer. Il nous tend des cafés et il sauve l’humanité entière lorsque le liquide brûlant, et de qualité faut lui donner, touche mes lèvres gelées.
Ton esprit enivré par l'instinct de survie milite contre ton corps rétamé. Par intermittence, tu reprends conscience pour mieux capituler, parfois sursautes brutalement pour mieux t'effondrer. Tu réalises des allers-retours entre le réel et ton subconscient, incapable de délimiter efficacement ceux-ci. Les souvenirs s'emmagasinent, flous mais puissants d'émotions, déteints d'un mirage qui les dévergonde tous sans merci au rang de chimères.
On se mouve autour de toi, tu perçois les bip incessants des machines auxquelles tu es relié, qui exhibent tes constantes et comment l'on traite ton organisme sans retenue aucune. Ta main se réchauffe sous celles de Jillian, l'épuisement te cloue dans les bras de Morphée durant une période qui t'est prodigieusement indéterminée. Puis, ton cerveau te semble gagner en capacités et relève progressivement davantage d'éléments te concernant : les douleurs qui persistent, la sensation qu'on te tire la peau sur un bras, une pression au niveau de ta tête. Tes yeux s'ouvrent enfin, tu observes nonchalamment la scène, sonné, laissant à Jillian et Ariane tout le loisir de réagir comme il se doit. « Hey darl' ! Ça va ? » « Welcome back, man. » Tu ne réponds pas de suite, recueillant les pièces te permettant de compléter le mystère des dernières heures. La soirée te revient, tes réveils infernaux, la peur au ventre de ne parvenir à joindre ni Kane, ni Ariane, les SMS de Charlie qui t'accompagnaient tandis que ton cousin se ruait vers Cadence, en bon héros du jour. Un trou noir concerne les trajets, comme si tu avais sauté du pont de ton bateau à un brancard puis ce lit. Et à mesure que l'histoire se redessine et te happe avec une clarté exponentielle, ta tension se hausse et les battements de ton cœur s'accélèrent, effaré. Tu déglutis péniblement, la bouche sèche, serre tendrement les doigts de ta cousine pour t'assurer qu'elles sont bien là et que tu ne planes pas dans un aussi odieux qu’innovant vertige.
« Mieux, » tu articules fébrilement à l'attention de Jillian, ta main libre bien que perfusée rejoignant la zone de ton crâne pansé l'autre ne quittant pas la sienne. « Vous êtes là, » tu ajoutes, sur un ton mitigé entre l'affirmation et l'interrogation, voguant dans un état frisant le second. « Tu me refais jamais une frayeur pareille ! » Un sourire en coin étire tes lippes, la malice t'habitant de nouveau. Elles sont bien là. « J'vais essayer... » Tes yeux se posent sur Ariane, la fixent éhontément comme pour te prouver qu'elle était réellement dans la pièce elle aussi, avant de suivre le mouvement de ses propres iris sur un Kane qui s'évade dans le couloir sans t'adresser le moindre signe, sans même oser t'approcher comme si tu n'étais qu'un minable pestiféré. Ariane lui parle, il n'a d'yeux que pour son téléphone, la porte se referme, son cliquetis bruyant te fait sursauter. Tout est bien réel.
Tu dévisages un moment la porte, avant qu'elle ne s'ouvre de nouveau cette fois-ci sur ton cousin, ravitaillant les troupes en caféine. Tu remarques Kane qui passe et repasse devant l'embrasure, ne daignant pas accorder le moindre regard vers la pièce où vous vous trouvez pourtant tous. Matt fait la distribution, Parker - trop loin à ton goût - ne tarde pas à y tremper ses lèvres après avoir trouvé une prise de courant pour y brancher ton smartphone - et échanger un regard lourd de sens avec toi. « How do you feel sailor? » Tu hausses un poing en guise de réponse, invites à un fist bump coutumier. « Thanks mate. » Ça te semble si minable comme reconnaissance à tout ce qu'il avait mené et enduré pour te conduire jusqu'ici, ses sacrifices, sa disponibilité, sa résilience et son altruisme à venir te porter secours peu importe ce que ça lui en coûterait personnellement et professionnellement. Même si tu te promets de le remercier comme il se doit, tu ne trouves meilleur vecteur de ta reconnaissance que ces deux mots. Matt ne s'était engagé à rien, il ne t'avait fait aucune promesse ni chanté de belles paroles ; toutefois, il avait su se montrer présent en un éclair parce que tu étais dans le besoin. « Merci à vous tous d'être là. » Tu adresses globalement à Ariane, Jillian et Matt. Tu ignorais à quel moment de la journée vous vous trouviez et depuis combien de temps ils étaient dans le centre hospitalier, mais ils étaient là pour toi, assurant leur soutien indéfectible, même s'ils avaient peut-être mieux à faire - comme être pendu à un téléphone dans le couloir - ou des obligations à assumer. « Pourquoi il est là ? » Tu questionnes, la silhouette du pompier passant à nouveau devant la porte. Il t'étourdirait à force et clairement, il n'en a rien à cirer de toi sinon il serait dans la pièce et non dans le couloir depuis que tu as ouvert les yeux, prenant bien soin de t'adresser ni mot ni geste.
Jill avait attendu des heures dans cette chambre. D'abord complètement seule, avec sa peur et ses pensées, puis Ariane et ce mec qu'elle ne connait pas étaient arrivés. Même si elle n'était plus seule, mais elle ils attendaient toujours dans un silence pesant. Jusqu'à ce que Levi ouvre enfin les yeux. La délivrance. Elle sourit, et essuie une des nombreuses larme qui avait pu couler sur son visage après cette attente interminable. Elle ne se lève même pas pour aller chercher un café, elle adresse juste un coup d’œil inquiet à Matt quand il passe la porte, et un regard mauvais à cet inconnu qui était sorti sans même un regard pour Levi. Elle s'accrochait toujours à sa main comme si sa vie en dépendait. « Mieux ». Un soupir de soulagement quand elle entend ces mots sortir de la bouche de son cousin. Mais elle reste à genoux à côté de lui, sans accorder d'importance à qui que ce soit d'autre dans cette chambre d'hôpital. « Vous êtes là ». Elle lui sourit en resserrant son emprise sur sa main. « Tu voulais qu'on soit où ? Si tu voulais nous réunir pour des présentations ou une soirée y'avait des moyens plus simples de le faire tu sais ? ». Elle était terriblement inquiète mais elle voulait le faire rire, détendre l'atmosphère. « J'vais essayer ». Jill secoue la tête en regardant au sol, il allait bien, il était réveillé et c'était tout ce qui comptait.
Matt est là, il est revenu, il l'a sauvé. Et Jill aime encore plus son frère que d'habitude à cet instant. « Merci à vous tous d'être là. ». Elle sourit de nouveau, elle va certainement sourire à chaque fois qu'il va prononcer un mot. Elle hoche la tête, c'était une évidence qu'elle soit là. Il sait très bien qu'elle ne l'aurait jamais laissé seul dans cette situation. Qu'elle aurait remué ciel et terre pour le rejoindre. « Pourquoi il est là ? » Jill suit le regard de Levi pour voir qu'il parle du brun inconnu toujours accroché à son téléphone. « Je peux le virer moi même si jamais tu veux pas qu'il soit là ! Si je m'en charge, il sera à l'extérieur dans moins de 5 minutes. » Elle le regarde, attendant une approbation peut-être ? Il était déjà assez mal comme ça, il n'avait pas besoin d'un connard qui ne s'intéressait même pas à lui.
Elle se lève, tenant toujours la main de Levi. Elle regarde Ariane qui est à côté de lui. Elle le lâche à contre cœur pour prendre un café et emmener Matt à l'extérieur de la pièce. « Je reviens dans moins de 5 minutes, faites pas de bêtises ! ». Elle comptait bien revenir dans la chambre pour se remettre exactement à la même place qu'avant. Mais elle voulait les laisser tous les deux quelques minutes, ils avaient certainement des choses à se dire. Elle ferme la porte en faisant un clin d’œil à son cousin. « Qu'est ce qui s'est passé Matt ? Pourquoi il a dû aller à l'hôpital ? Dis moi tout s'il te plait je me suis inquiétée et aucun de ces putain de docteur n'est capable de me dire quoi que ce soit... » Elle panique, elle ne s'arrête plus de parler. Matt la connait, il saura la calmer, c'est une des seules personnes capable de la calmer. « Tu peux pas savoir comment j'ai eu peur... » et de nouveau une larme roule sur sa joue. Elle ne pleurait pas souvent, et pourtant, cette nuit, elle n'avait fait que ça.
« Mieux, » c’est con parce que je suis pas du tout rassurée de l’entendre dire ça. Mieux, comme dans y’a une poignée d’heures, j’étais en train de crever. Mieux, comme dans là ça va, mais j’ai clairement failli y passer.
Et c’est ma faute, et je sais qu’il me détesterait de penser ça, qu’il m’a jamais forcée à être là. J'essaie au mieux de vivre sa maladie à ses côtés, n'en reste que je suis assez stupide pour me mettre ce genre de pression sur les épaules. Always. Le gobelet de café sur lequel je me concentre de toutes mes forces pour refermer mes mains et les empêcher de trembler, son attention que je vois dériver sur Jill, puis sur ses blessures, la mienne occupée à pas comprendre du tout ce que peut faire Kane à foutre son camp de la chambre au moment où Levi a le plus besoin de lui, de nous. So much for being there, so much for a promise.
« Vous êtes là, » « Tu me refais jamais une frayeur pareille ! » la tête que je détourne à contrecœur de la porte pour trouver les prunelles émeraudes de Levi qui brillent pas autant de malice qu’à l’habitude, ses yeux voilés qu’il arrive tout de même à planter dans les miens. « J'vais essayer... » y’a un frisson qui se creuse une place le long de ma colonne vertébrale, y’a une boule qui me brûle le ventre, y’a mes lèvres aussi, que je pince pour rien dire, pour rien ajouter de plus. Je ravale, redresse les épaules, occupe ma tête à des futilités, à son téléphone qui garde toute mon attention, quand Levi s’interroge sur l’autre membre de notre trio qui lui aussi, s’est découvert une passion pour un combiné. « Pourquoi il est là ? » « Je peux le virer moi même si jamais tu veux pas qu'il soit là ! Si je m'en charge, il sera à l'extérieur dans moins de 5 minutes. » au moins Jill arrive à m’esquisser un sourire.
« Je reviens dans moins de 5 minutes, faites pas de bêtises ! » Matt la suit, ils filent dans le couloir eux aussi. J’ai réussi à tenir le regard de Levi bien plus longtemps que j’aurais cru, j’ai réussi à calmer mes démons aussi, probablement qu’il y a un lien entre les deux. « Never again. » que je finis par dire, et cette promesse-là, elle s’applique à bien des choses. La première ; que c’est l’ultime et dernière fois où je fais passer Kane avant lui. La seconde ; que je le laisserai pas partir comme ça, que je le laisserai pas partir tout court, not on my watch. Never. Again.
« I’m going to lie down with you now. This will hurt. I’m not even sorry. » mes mots qui accompagnent mes pas, quand j’approche au ralenti de son lit, que je finis par m’y allonger en faisant tellement attention à sa silhouette que c’en est ridicule. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai vraiment recommencé à respirer.
Ok Matt, c'est cool, il parle, il ouvre l'oeil, il discute avec Jill, il lui fait un sourire même. Ça va, tu peux arrêter de compter le nombre d'infirmiers et de médecins qui passent dans le couloir pour t'assurer qu'il y a toujours quelqu'un proche pour intervenir si Levi sombre à nouveau. « Thanks mate. » son poing se lève vers moi, son regard aussi, on a un moment, je jure que sur l'instant il est mon frère le gars, mon sang, il est mon bro' et jamais au grand jamais j'en douterai une seule seconde. « Garde tes forces, t'es beaucoup plus beau quand t'es fully charged. » si con, si niais, si inutile, mais si vrai quand t'y pense. J'ai envie d'embrasser baveusement son front comme de le prendre dans mes bras à lui en casser tous les os ; je me contente de cogner mes jointures contre les siennes comme une énième alliance, comme une confirmation que tout va, qu'il va.
Ça discute mais j'écoute pas, faut que je l'avoue. Kane est dehors, eux sont ici, moi je bois mon café, et je fais des paris avec moi-même pour savoir quand Levi sera à nouveau capable de venir gober son poids en Levi's au DBD. Je fais des paris avec moi-même pour savoir quand Ariane va arrêter de se morfondre dans son coin pour redevenir la chieuse qu'elle est depuis le premier jour. Je fais des paris avec moi-même pour savoir qui entre Jill et Kane survivra au premier round - la blague, tout mon fric va sur ma soeur, les yeux fermés. « Je reviens dans moins de 5 minutes, faites pas de bêtises ! » d'ailleurs, parlant d'elle. « T'as dit la pire chose pour qu'ils fass- »
Mais elle m'entraîne hors de la chambre et honnêtement, je pense que c'est le mieux. Je sais pas ce qu'elle a prévu faire, moi j'ai prévu pas la lâcher, et ça commence par mes bras qui s'entourent autour de sa taille pour la ramener contre moi à la seconde où elle commence à se perdre dans ses mots, à laisser ses émotions prendre le dessus. « Qu'est ce qui s'est passé Matt ? Pourquoi il a dû aller à l'hôpital ? Dis moi tout s'il te plait je me suis inquiétée et aucun de ces putain de docteur n'est capable de me dire quoi que ce soit... » « Il a fait un malaise. C'est commun, c'est chiant et horrible, mais c'est pas une surprise. Il est pris en charge, ils savent ce qu'ils font, Isy l'a soigné quand on est arrivés, tout va Jill. » mes mots se nichent à son oreille, elle a son front posé sur mon épaule quand ma main vient couver sa nuque rien que pour l'avoir un peu plus proche. « Tu peux pas savoir comment j'ai eu peur... » et j'inspire, j'espère qu'elle la sent pas, la conne, l'inutile, la faiblarde, la larme qui coule de ma joue à sa clavicule. « Pareil. »
J'ignore combien de temps on reste dans les bras l'un de l'autre, mais lorsque je parle à nouveau, je sens qu'on a l'un comme l'autre fait le plein de ce dont on avait besoin. « On est tous ou on est rien. » la constatation fait mal, mais elle est vitale. Elle, Levi, Ginny, moi. Qu'elle le veuille ou non, on est un tout. On est une famille, les autres on en a rien à foutre. J'ai des frissons quand je pense à ce qui est arrivé à Levi, quand je me l'autorise enfin. « Je t'aime. » une autre cochonnerie de larme que j'ignore, comme un grand frère borné devrait toujours le faire. « Tu me fais jamais ça ok? » puis, dans la poche arrière de mon jeans, y'a mon portable qui vibre. Je sais que ce sont les assurances qui rappellent, je sais que je dois absolument leur répondre, que sans ça le DBD me coûtera la peau du cul en rénovation. « Et c'est là où je suis à chier parce que je dois absolument le prendre. »
Jill quitte la chambre de Levi pour quelques minutes à contre cœur. Mais elle a besoin de sortir, elle a besoin de parler, elle a besoin de paniquer et d'être rassurée. Elle emmène Matt à l'extérieur de cette chambre d'hôpital et il la prend dans ses bras. Il a connait bien, trop bien. Il sait qu'elle est à deux doigts d'imploser, et que ce serait une très mauvaise idée de faire une crise au milieu d'un hôpital. Alors elle parle, elle pose des questions, elle pleure. « Il a fait un malaise. C'est commun, c'est chiant et horrible, mais c'est pas une surprise. Il est pris en charge, ils savent ce qu'ils font, Isy l'a pris quand on est arrivé, tout va Jill. ». Elle se blottit contre son grand frère, elle pose sa tête contre son épaule, parce qu'elle sait que lui aussi il est pas bien. Qu'il essaie d'être fort pour tout le monde, mais qu'il a flippé ce soir. « Tout va Matt, on est tous sain et sauf. ». Elle sent qu'il pleure, et elle pleure aussi. Le festival de larmes en dehors de la chambre de levi pour pas qu'il les voit. Parce qu'ils ont pas le droit de lui montrer qu'ils vont mal, ils doivent être fort pour lui. « Pareil ». Elle lève pas les yeux, elle s'accroche toujours plus à Matt.
« On est tous ou on est rien. ». Jill hoche la tête. « Même Ginny ? » elle dit ça avec un léger sourire en relevant la tête. Elle essaie de nouveau de détendre l'atmosphère. « Tu l'as prévenu d'ailleurs ? » Et voilà qu'elle s'inquiétait pour sa sœur, on aura tout vu. « Tu sais que si il lui arrive quelque chose, je tiendrai pas, je pourrais pas vous perdre, je peux pas vivre si vous êtes pas là » et les larmes se remettent à couler. Elle lève les yeux et essuie les larmes qui roulent aussi sur le visage de Matt. « Je t'aime ». Elle pose de nouveau sa tête contre son épaule. « Je t'aime Matt ! ». Il faut qu'ils soient tous les deux dans un couloir d'hôpital pour se faire des déclarations. Mais elle avait besoin de lui, et elle avait besoin de lui dire après tout ce qui c'était passé ce soir. « Tu me fais jamais ça ok ? ». Jill reste contre lui le plus longtemps possible. « Si tu me promets que toi aussi tu le fais jamais ! ». Elle se rendait compte que ces deux mecs lui manquait terriblement. « Tu me manques Matt... ». Elle ne le voyait pas souvent depuis qu'elle était revenue à Brisbane.
Son téléphone sonne dans sa poche, et Jill soupire « Et c'est là où je suis à chier parce que je dois absolument le prendre. » Jill se détache de lui pour le laisser téléphoner. « C'est bon c'est pas la première fois que t'auras été un mauvais grand frère ! » et elle lui fait un nouveau clin d’œil en le regardant partir. Et elle voit le connard inconnu, toujours agrippé à son téléphone. Et elle voit rouge. En quelques secondes elle se retrouve sur lui e lui mettant un point dans la figure. Elle avait apparemment besoin de se défouler et il avait fait la connerie de ne pas s'intéresser à Levi. « Quel genre de connard tu peux être pour venir dans sa chambre et même pas t'intéresser à lui ? Qu'est ce que tu fous là d'ailleurs ? » elle le bouscule en arrière de nouveau, elle le pousse violemment. « T'as rien à faire ici si Levi est pas ta seule et unique priorité maintenant ! Et vu le temps que tu passes sur ton téléphone, j'ai pas l'impression que tu t'intéresses à lui ! ». Elle se jette de nouveau sur lui, si personne ne l'arrête elle serait probablement capable de le tuer.
Ton corps s'éveille progressivement, tes muscles te paraissent ankylosés suite à leurs instinctives sollicitations précédentes, leurs soumissions aux divers traitements parcourant tes veines. Tu oses à peine te mouvoir, tes membres auparavant secoués de tremblements et soubresauts désormais immobiles à ton grand soulagement sous le drap d'hôpital. Seul ton regard et ta main pressant celle de ta cousine s'animent, ainsi que tes lèvres formulant des termes lourds de sens franchissant une gorge sèche.
« Tu voulais qu'on soit où ? Si tu voulais nous réunir pour des présentations ou une soirée y'avait des moyens plus simples de le faire tu sais ? » Un sourire en coin malicieux apparaît sur ton visage, ton regard passe d'Ariane à Jillian, tu t'attardes sur leurs portraits, si rassuré et comblé qu'elles soient à tes côtés. « J'vais essayer... » Tu lèves ta main pour caresser fraternellement la joue de la brune et Matt fait son entrée. Ton attention se rive sur ton cousin, le suit du regard tandis qu'il évolue dans la pièce, y apporte chaleur et confort avec sa caféine salutaire destinée notamment aux femmes de ta vie. Tu lui tends un poing muni de mots si banals, mais propulsés par une tonalité intense de sémantique, en guise de reconnaissance ; il fait cogner ses jointures contre les tiennes précautionneusement, banalisant la scène et tous ses prémices d'un « Garde tes forces, t'es beaucoup plus beau quand t'es fully charged. » Tu lui adresses un clin d’œil complice, ton esprit voguant à rejouer les contours abstraits de ton malaise pour déterminer tout l'abominable que tu as imposé malgré toi à Matt. Cependant, ce qui s'immerge continuellement de tes réminiscences repose sur l'irrévocable réactivité et l'implacable altruisme de ton cousin à tout laisser derrière lui pour te venir en aide, peu importe ce qu'il pouvait l'attendre à ton domicile et ce qu'il aurait à faire pour pallier l'urgence. Matt n'avait pas hésité, jamais, tu détenais dorénavant une nouvelle raison d'être encore plus fier et choyé d'être son cousin, de faire partie de ses proches.
Kane passe et repasse dans l'embrasure de la porte, tu l'enregistres en arrière-plan de tes réflexions, finis par te questionner sur les motifs l'ayant mené jusqu'au centre hospitalier quand de toute évidence, tu n'en fais strictement pas partie. Peut-être n'a-t-il accepté que le rôle de chauffeur pour Parker ? Tu songes aux textos reçus, lus, mais sans réponse de sa part ; aux promesses bafouées et brisées par la même occasion ; à l'image d'un meilleur ami volée en éclats. Il t'a menti, il t'a trahi, il t'a déçu. Il a insisté pour que tu lui dévoiles le retour de ton cancer quand tu n'y étais pas prêt, il t'a donné sa parole qui, aujourd'hui, et comme tu le redoutais, dévoile son impossibilité à assumer. Et bien que tu aurais toujours accepté les failles de Kane pour en posséder aussi des milliers, tu n'assimiles pas pourquoi il a fuit ton réveil, pourquoi il s'évertue à faire les cent pas dans le couloir quand tu es là, avec tout le monde. Quel est son intérêt ? Une chose est sûre : en aucun cas ce dernier te concerne. Comme si elle lisait dans tes pensées, Jillian suggère : « Je peux le virer moi même si jamais tu veux pas qu'il soit là ! Si je m'en charge, il sera à l'extérieur dans moins de 5 minutes. » La trentenaire fait naître un nouveau sourire contre tes lèvres pâles. Tu ne doutes absolument pas des capacités de la McGrath pour faire débarrasser le plancher à tout être indésiré, radicalement et efficacement.
Jillian se lève, ta main toujours dans la sienne. Ariane se rapproche, ton smartphone en charge à quelques mètres. Ta main est troquée pour un café et la cousine annonce, dotée d'un enthousiasme pressant : « Je reviens dans moins de 5 minutes, faites pas de bêtises ! » Elle entraîne son aîné avec elle. « T'as dit la pire chose pour qu'ils fass- » Tu suis le frère et la sœur du regard, augurant la nature de leurs échanges au ton employé et au regard tourmenté de chacun. Tu fermes quelques secondes les paupières, recueilles et rapatries tes forces tout en appréciant le fait que l'un des McGrath ait fermé la porte derrière le duo et t'épargne ainsi le manège du Williamson. Quand tu ouvres de nouveau les yeux, tu recherches et te loges instinctivement dans le regard d'Ariane.
« Never again. » Tu émets un mouvement vers elle, l'invitant à réduire la distance beaucoup trop large entre vos deux corps, la priant de te rejoindre dans ce lit médicalisé comme elle l'avait fait beaucoup trop de fois auparavant. « I’m going to lie down with you now. This will hurt. I’m not even sorry. » « Can't wait. » Tu assures, ton plaisantin, poids lourd sur le matelas qu'elle parvient à manier malgré tout pour s'y créer une place méritée - essentielle. Lorsqu'elle emporte en passivité, tu penches doucement ta tête vers la sienne, requérant sa chaleur, complétant votre étreinte. Son parfum enchante exponentiellement ton être, te ramène à votre zone de confort, à votre bulle bienveillante, à votre cocon immuable. Contre elle, tes constantes affichées sur le dispositif médical atteignent enfin la norme, débutent à l'épouser. Ton rythme cardiaque s'axe sur un nouveau rythme, plus sain, ta respiration s'apaise et ruine peu à peu les saccades.
Tu esquisses un mouvement pour saisir sa main libre, la perfusion te rappelle à l'ordre en freinant ton geste. Elle pose son bras plâtrée contre ton torse, effectue le mi-chemin qui t'es indispensable pour que tes doigts se posent contre les siens. « You're my number four. You're my classic four. » Tu commences, remémores, réitères. « But you're the only one who ever made me scared of leaving to a place I wouldn't be able to be with you anymore. » Parce qu'aussi horrible cela puisse sonner, tu n'as jamais redouté la Mort. Tu n'as jamais craint pour la fin - ta fin - eu peur de libérer ton dernier souffle. Cependant, la veille, tu étais terrifié à l'idée de finir ton histoire sur Cadence et disparaître pour un endroit où jamais Ariane ne pourrait se trouver. A ce moment-là, la notion de mort était devenue insoutenable, terrorisante, épouvantable : tu ne pouvais t'imaginer la vie sans elle, ni la mort. « I love you, Ari. You're my number four but you're my first... true love. You're my first reason and my first priority. » Plus toi, mais elle, car soyons réalistes : ton bonheur ne serait rien sans le sien pour le subjuguer.
« Kane, don’t – » Mais la porte se ferme alors que j’attrape son regard au passage. Levi est safe, je peux être indigne et m’occuper de ma vie un tant soit peu. Y’a Matt qui arrive, y’a tout le monde qui va arriver. He’s not alone and he’s alive. Il n’a pas besoin de moi. Je suis concentré sur la tonalité qui ne s’arrête pas à mon plus grand désarroi. Je commence à être vraiment inquiet pour Charlie. Y’a rien qui va. Si elle perd son gosse à cause de nos conneries, ça va être horrible pour elle. « You should tell Char my name’s Matt not Tim. Not even the same letters. » Elle l’a texté. « I hope next time she drunk text me like last night, she’ll fix up a better nickname than that. What do you think about McWinner? » Je le regarde sans rien dire. Elle l’a texté. Elle était encore high. Doesn’t he know she’s pregnant? Parce que drunk text et baby ça va pas ensemble. Je ne sais pas quand elle l’a texté, hier soir, dans la nuit, ce matin ? Tout est possible. Est-ce qu’elle a continué à prendre des substances après ? Doesn’t he see it’s serious ? Mais moi je ne vois que ça. Je me fais tous les films de la terre aussi ça aide pas. Mais deux choses sont sûres. Elle est enceinte, et elle a pris de la cocaïne. C’est la merde.
J’insiste au téléphone. J’essaie même des potes à elle sur Messenger si jamais ils savent où elle est. J’ai pas de réponses assez rapide et je commence à me dire qu’il va falloir que je bouge d’ici pour chercher et pas qu’à distance. Mais je me prends un coup de poing dans la gueule que je n’ai absolument pas vu venir. Je suis sonné. Je perds l’équilibre. « Quel genre de connard tu peux être pour venir dans sa chambre et même pas t'intéresser à lui ? Qu'est ce que tu fous là d'ailleurs ? » Et elle me pousse en plus. Je tombe par terre. « T'as rien à faire ici si Levi est pas ta seule et unique priorité maintenant ! Et vu le temps que tu passes sur ton téléphone, j'ai pas l'impression que tu t'intéresses à lui ! » Mon cerveau a dû mal à totalement traiter ce qui est en train de se passer parce que je suis au sol et elle continue de me frapper alors que je suis déjà all over the place. C’est pas possible, c’est pas possible ce qui est en train de se passer c’est hallucinant. Je suis en train de me faire casser la gueule par Jill et je comprends pas ce qu’il se passe. What is happening is that everything is going wrong. I do everything wrong according to her. Elle a aucune idée de ma vie et elle vient me juger comme ça. J’essaie de me protéger des coups mais j’ai zéro volonté de les rendre. Peut être que j’ai un peu envie de les prendre aussi. De quel droit j’en veux à Levi alors qu’il est malade ? Je suis la personne la plus horrible du monde. Mais j’arrive pas à faire semblant et je pense aussi que ces coups là, je les mérite.
« Can't wait. » le peu de forces qui lui reste, il les met dans son regard joueur, dans une esquisse de sourire en coin. Et je le déteste là de pas garder son énergie que pour lui, je le haïs de m’en donner un peu à moi aussi, de faire ça pour alléger la pression qui affaisse mes épaules, quand il devrait pas penser à moi, surtout pas. « Brace yourself this is happening. » une jambe, une autre, mon cœur qui se serre de remarquer son élan vers moi bloqué par une perfusion de merde, mes doigts, logés dans un plâtre que j’oublie comme le monde entier de l’autre côté de la porte, qui trouvent les siens une fraction de seconde plus tard.
Ma tête a fini sa course sur l’oreiller, mes yeux en finissent plus de voir que les siens. « You're my number four. You're my classic four. » et j’avais averti que ça ferait mal, quand ma paume se resserre sur celle de Levi, quand y’a mon soubresaut qui bloque sûrement un tuyau, qui pince sa peau comme il brûle mon corps en entier. « But you're the only one who ever made me scared of leaving to a place I wouldn't be able to be with you anymore. » Levi dit pas ça, Levi dit jamais ces choses-là. Levi s’attache à distance, Levi garde un monde entier entre lui et les autres. Levi part et il vit sa vie selon ses règles, selon ses désirs et ceux de personne d’autre. Levi pense à tout le monde, Levi aime tout le monde, mais il se contente de lui, que de lui seul. « I love you, Ari. You're my number four but you're my first... true love. You're my first reason and my first priority. » « Are you trying to make me cry? Cause it won’t work. I’m not as lame as Matt. » alors pourquoi ta joue est humide Ariane? Alors pourquoi est-ce que t’as l’impression que t’es en train de lui casser tous les doigts de la main quand la tienne le lâchera probablement jamais même s'il hurle de douleur?
« So let me get this straight : I told you I love you first. Clearly winning this round. » why aren’t you kissing him already? « Ugh ; you taste like a new level of disgusting sweat. » better. Et mes lèvres qui restent sur les siennes beaucoup trop longtemps pour que la moindre pique inutile, pour que la moindre connerie déblatérée à voix haute, pour que le moindre sourire forcé question d’alléger l’air soit considéré comme obsolète. Je l’aime à le lui répéter encore et encore quand j’ai jamais été capable de le faire pour qui que ce soit d'autre, je l’aime à ce qu’il en puisse plus de m’entendre le dire, de me voir le lui montrer, de l’étouffer pour mieux recommencer, pour faire que ça chaque jour qu’il me reste à vivre et rattraper tous ceux où j’ai pas pu le faire avant.
Je l’aime à vouloir être égoïste au possible, pour lui, pour nous. « Let’s leave this town. » ils sont tous là dans le couloir, ils sont tous venus pour s’assurer que Levi allait bien, ils le veulent proche et en santé quand j’ai seulement envie de faire nos valises et de filer recharger ses batteries à l’autre bout du monde. « Get you cleaned up and all good to go. » je sais même pas s’il peut, j’ignore ce que les docteurs diront, ce qu’ils lui prescriront. Y’a des cliniques partout sur la côte, je les repasse dans ma tête, en fait un trajet imaginaire, laisse mes mots occuper le silence de la pièce pour l’empêcher de dire quoi que ce soit le temps que j'ai fini d'exposer tous les pions de ma partie. « A weekend, a year. I don’t care. » I really don’t. Willa qui prend la poussière chez maman, et je m’emballe même si ma voix reste calme, même si mes mots se nichent avec une douceur que je me connais pas au creux de son oreille dans un murmure qu’il pourra nier comme accepter une fois que j'aurai fini mon plaidoyer. « I won’t wait here and do nothing until Bali or Miami. » les destinations autant maudites qu'espérées, l’épée de Damocles des dernières semaines qui nous a transformés en lions en cage à tourner en rond. « Let’s just leave together for a while. » autant voir le monde, autant voir tout sauf un calendrier ponctué de dates fatidiques, autant faire ce qu’on sait faire de mieux tous les deux : laisser guider nos coups de tête, les laisser tout décider à notre place. « You in? »
« Merci. » merci d’avoir été le premier à l’attraper au vol quand il est arrivé ici, merci d’avoir tout donné pour le sauver. Merci de pas avoir hésité une seule seconde à m’appeler même si Matt l’avait déjà fait, de t'être assuré que j’allais, que je pouvais venir à l’hôpital, que j’étais pas prise ailleurs. Merci d’avoir glissé ta main dans la mienne à la seconde où je suis arrivée, de pas l’avoir lâchée depuis, de m’avoir aidé à me frayer un chemin dans des couloirs que je ne connais plus aux couleurs et à l’odeur que je connais trop. « Merci d’être là. » que je m’entends réitérer, les yeux qui ont fini par quitter leur voile d'inquiétude pour se loger dans ceux d’Isy.
Levi a fait un malaise, il s’est retrouvé propulsé de son bateau à un brancard. Mon aîné a tout fait à mon sens, sans même qu’il ait besoin de le mentionner, pour maintenir notre cousin en vie. À l’intérieur, c’est un cocktail que je ressens, qui fait autant mal d’inquiétude que bien de relativisme. C’est un épisode horrible hypothétique que j’évite de rejouer en boucle dans ma tête, imaginant la silhouette de Levi happée par la douleur, grugée de l’intérieur. Mes iris ne cherchent que le beau, ils passent du profil de l’homme que j’aime à nos doigts enlacés d’aussi loin que je me souvienne. Ils remontent vers les fenêtres donnant vers le parc que l’on croise sur le chemin entre la réception et la chambre où il est posé. Ils finissent sur les visages souriants des malades sortis d’affaires, ceux qui font le trajet inverse du nôtre, ceux qui me donnent l’impression que ceci n’est qu’un autre mauvais rêve. Que jamais, au grand jamais, je ne referai le chemin de la cour d’école de Noah où je l’ai laissé en déposant le plus lourd et le plus tendre baiser du monde sur son front pour finir au chevet d’un Levi qui n’aura peut-être pas été aussi chanceux qu’aujourd’hui.
Et j’ai besoin de calme. Je recherche que ça, dans nos silences. Aucun mot n’ayant besoin d’être articulés pour que je sache qu’il est là Isy, que je suis là aussi. J’ai besoin de calme, j’ai besoin de tout le calme du monde pour remettre en place un masque que je m’étais juré ne plus jamais porter ici, mais qui se réinstalle avec une naturel désarmant. Assez, que la scène où Jill lâche sa pression sur un Kane recroquevillé ne me déstabilise pas, ne trouble ni mon air fermé, ni ma silhouette droite, stoïque. Ses effets personnels sont éparpillés sur le linoléum, j'évite de peu son téléphone déjà bien abîmé. Pourtant, bien sûr que je m’inquiète pour elle, bien sûr que je cherche son attention, que mon cœur se serre de la voir aussi mal, que mon cœur se serre de savoir qu’elle l’est autant que moi.
« Jill… » ma voix l’implore, ma voix s’inquiète, ma voix se dédie à elle, et à elle uniquement.
Dernière édition par Ginny McGrath le Ven 25 Oct 2019, 00:51, édité 1 fois