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 Canari. [Murphy&Jo]

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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptySam 26 Oct 2019 - 3:24

Samedi soir. La soirée la plus occupée. Les bars sont pleins à craquer de majeurs et de mineurs qui se font passer pour des majeurs. Des baisers s’éternisent à la hauteur du comptoir et les rires se fracassent contre les murs imprégnés de sueur et d’alcool. Joseph s’est installé dans un coin de la salle et ses deux yeux de vautour scrutent chaque visage, chaque trait facial qui pourrait semer le doute dans son esprit. Il est à la recherche de clients : c’est la première fois depuis quatre ans qu’il cache dans ses poches assez de drogues pour endormir un zoo entier. Il est fébrile, à la fois nerveux et excité par cette impression de nostalgie qu’il ressent au plus profond de ses tripes. Il se revoit avec ses potes, ceux qui vendaient au noir avec lui, il esquisse un sourire pincé et se secoue les puces pour retourner à la réalité. Les manthas ne sont plus et il est seul, ce soir. Il est seul et il a promis de se débarrasser d’au moins la moitié de la poudre magique. C’est le prix à payer pour avoir vanté ses talents de vendeur à Lou, à Freya, à Tobias.

« Bonsoir. » Il s’apprête à s’asseoir devant un garçon esseulé mais, avant qu’il ne puisse poser ses fesses sur la chaise, la voix rebutante de l’homme lui fait ravaler ses intentions : « Dégage, je ne suis pas d’humeur. » Le visage de Joseph s’étire en une grimace et il souffle un pardon discret avant de rebrousser chemin. C’est qu’il a perdu de la vigueur, le trentenaire. Alors qu’il retrouve sa place dans le fin fond de la noirceur, son ouïe se voit attaquer par un beuglement criard qui provient de la scène. Il aurait dû s’en douter : soirée karaoké. I KISSED A GIRL AND I LIKED IT. « Putain. » Il souffle sa frustration par ses narines en faisant rouler entre ses doigts, sous la table, un sachet de cocaïne, sachet qu’il tente depuis le début de la soirée d’ignorer. Il sait qu’il aurait envie de se l’approprier, de le faire disparaître dans sa veine, il est à portée de main. Mais il a fait une promesse à Deborah. Tandis qu’il tente vainement de ne pas laisser ses poils s’hérisser à l’écoute de la fille sur scène qui se prend pour Katy Perry, ses iris claires se posent sur une silhouette de l’autre côté de la salle. Il note la présence de deux boissons devant elle, mais seulement une consommatrice. Par réflexe, il scrute autour d’elle à la recherche d’un garçon, ou d’une fille, peut-être, mais elle semble s’impatienter, comme si son rancard n’avait pas pointé le bout de son nez. Un sourire égoïste soulève la commissure de ses lèvres tandis qu’il perçoit en elle la proie parfaite. Un petit canari au milieu de la mare, les pattes palmées coincées dans les tiges gluantes des nénuphars. Alors il pose ses deux mains sur la table, se redresse en émettant un drôle de grognement (ça doit être un signe de vieillesse) et il se dirige vers le petit oiseau qui s’apitoie sur son sort. Il s’arrête prêt d’elle, pose ses deux poings sur sa table – l’un d’eux renferme le sachet qu’il doit vendre – et il interroge la jeune femme : « Y’a que moi qui a envie de balancer des tomates sur la scène ? » Il grimace en jetant un coup d’œil à la voix qui fausse. I KISSED A GIRL AND I LIKED IIIIIIT. « J’ai l’impression que tu attends un fantôme. » Il pointe la place libérée devant sa proie, conscient qu’un verre plein de bière occupe déjà le territoire. Mais, justement, personne n’a trempé ses lèvres dedans. « J'peux m’asseoir ? » Elle hoche la tête, lui faisant signe de s’installer. C’est un bon signe. Il n’est pas tombé sur un bloc de pierre qui « n’est pas d’humeur ». « T’as l’intention de monter sur scène à ton tour pour abréger nos souffrances ? » Elle a un joli visage. Il n’a aucun doute : sa voix est plus harmonieuse que celle qui tabasse le bar en ce moment-même. Du moins, il est certain qu’elle ne peut pas être pire.        
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyDim 27 Oct 2019 - 1:53

Canari@Joseph Keegan
Cinq mots. J'ai appris qu'il ne faut pas plus de cinq mots pour achever de flinguer une journée déjà merdique. "Je ne viendrai pas désolé" - sans point. La police blanche s'étale sous mes yeux, à la suite de mes nombreux "T'es où ?" flottants dans des bulles bleues - qui a choisi le bleu, d'ailleurs ? c'est la couleur de la paix, paraît-il, c'est peut-être justement fait pour éviter aux gens de balancer leur cellulaire par la fenêtre - qui me narguent désormais. Je remonte la conversation, comme si les messages allaient s'actualiser pour laisser place à un "T'es à quelle table ?" inespéré.

Le téléphone termine sa courte chute sur la table à laquelle je suis installée dans un "paf", fruit d'un geste un peu exaspéré. Dans ma tête, quelqu'un dont j'ai oublié le prénom me rappelle en ricanant que c'est la Loi de Murphy: tout ce qui est susceptible de mal se passer tournera nécessairement mal, alors de toute façon, pourquoi lutter ? Je termine la limonade à la menthe - diabolo menthe, qui commande ça dans un bar, à vingt-trois ans - déjà bien entamée et ressasse toutes les discussions qui ont comblé la journée que je viens de passer au théâtre. C'est un mécanisme normal : on refait dans sa tête toutes les disputes qu'on aurait pu gagner, avec le recul suffisant. Normal. Je crois que de toute façon, je n'ai plus qu'à rentrer, en espérant que Yoko ait cuisiné - pardon; en espérant qu'elle ait fait réchauffer un macdo au micro-ondes - pour que je puisse ensuite aller me jeter sous ma couette. La journée de demain sera meilleure. Ou pas. En fait, il risque de pleuvoir. Je le sais surtout parce qu'une burne qui chante aussi bien qu'un disque rayé nous fait présentement l'étalage de ses talents d'ambianceuse de soirée. Seuls ses amis ivres ont la décence de l'applaudir et de lever les bras lorsqu'elle se lance dans le refrain de I kissed a girl de Katy Perry.

Parce que j'ai payé la bière que je lorgne depuis plus de dix minutes, je m'apprête à la siffler avant de partir. Ma main droite se referme sur le verre froid, alors qu'un type aux cheveux sombre se plante non loin de cette maudite table. « Y’a que moi qui a envie de balancer des tomates sur la scène ? » « Non, moi j'opterais pour des œufs. » Et de la farine. Les mots se sont frayé un chemin entre mes lèvres, seuls, comme des grands. Je retire ma main du verre glacé sans lâcher des yeux mon interlocuteur. J'essaie de savoir s'il vient parler parce qu'il est ivre, ou s'il veut vraiment essayer de me recruter pour aller tuer la chanteuse - la massacreuse de titres. « J’ai l’impression que tu attends un fantôme. » Je laisse s'échapper un petit rire, me contente de hausser les épaules et de détourner un peu les yeux. Le type que j'attendais s'appelle Matthieu. Je ne l'ai pas rencontré, du coup, mais je sais déjà que sur son visage est notée la mention "enfoiré de première". Mon nouvel interlocuteur, un homme aux cheveux sombres, prend sa place sur la chaise vide après un de mes hochements de tête. « Y'avait peut-être un fantôme, qui sait. La bière est pour qui, à ton avis ? » que je lance en m'accoudant à la table. Il a l'air sympa, Matthieu 2.0. J'ai pas envie de lui arracher les yeux comme j'avais envie d'arracher ceux du serveur du bar, qui a refusé de prendre ma carte bancaire, me faisant ainsi marcher jusqu'au distributeur de billets deux rues plus loin.

« T’as l’intention de monter sur scène à ton tour pour abréger nos souffrances ? » Mes yeux s'étaient posés sans attention sur la scène... et ils retrouvent bien vite le chemin des prunelles de mon interlocuteur. « C'est pour ça que t'es là ? Tu crois que je suis plus talentueuse qu'elle ? » Chanter plus juste qu'un disque rayé, ce n'est pas très compliqué. Quelque chose me donne très envie de me retrouver sous les spots rafistolés et visiblement installés de façon très précaire du bar. A tout moment, un projecteur pouvait dégringoler du ciel et terminer sa course sur la tête brune qui marquait la cadence de la batterie à grands coups de hanches. Les copains de notre rock-star prennent le rôle des chœurs en même temps que leur idole se lance sur la fin d'un couplet... qui n'a visiblement pas été écrit pour être ravagé par une chanteuse du dimanche. En même temps que les oreilles de tout le bar arrivent au purgatoire, j'attrape maladroitement la bière payée pour le Matthieu qui ne viendra jamais - le connard - et m'en enfile une gorgée. Une grimace plus tard, je me souviens de la raison pour laquelle je ne bois jamais d'alcool. « Tu veux que je te dédicace le sauvetage des oreilles de tout le bar, ou ça ira ? Je ne suis pas certaine que la performance te convienne, en fait. Au pire tu prends la bière comme dédommagement. Désolée, j'ai un peu bu dedans. », que je marmonne avant de rattacher mon regard à la scène.

C'est qu'elle retient l'attention du monde, cette scène. Ce n'est qu'une soirée karaoké et pourtant; les gens ont l'air d'y prêter attention. Et je connais quelques musiques par cœur, y'aura qu'à regarder un tout petit peu les paroles sur le prompteur aux couleurs criardes et le tour sera joué. Je connais la scène. Chanter devant des gens ne m'a jamais dérangé. « Si je sauve tes oreilles et celles de la salle de façon plutôt acceptable, tu me payeras une autre bière ? » Au diable les diabolos.
Diable, diabolos.
Haha.
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyDim 27 Oct 2019 - 21:19

Une première cible, jeune, seule, probablement déçue de sa soirée qui s’empire au fur et à mesure que les aiguilles de l’horloge tournent. Il se déteste en ce moment-même, Joseph. Il a remis son badge de vendeur, celui qui le transforme en ce qu’il n’est pas : un égoïste. Il profite des moments de faiblesse d’autrui pour enrichir sa propre personne – même s’il est probablement dans le top cinquante des mecs qui ont besoin d’argent à Brisbane. Mais, au fond, ce n’est pas l’or qui fait briller les yeux du vendeur : c’est plutôt le sentiment réconfortant qui apaise ses muscles lorsqu’il se trouve en compagnie de ceux avec qui il travaille à nouveau au noir. C’est la seule chose dont il a besoin, le garçon. Une famille qui comprend les raisons de ses actes et arrive à voir derrière ses actions. Le problème, c’est qu’il n’arrive pas à faire la différence entre un faux et un véritable frère. « Non, moi j'opterais pour des œufs. » Il esquisse un sourire amusé, sourire qu’il nettoie du revers de la main pour retrouver son sérieux – parce qu’il commence à se sentir traître. La jeune femme n’affiche aucune hésitation lorsque le plus vieux s’interroge sur la place libre devant elle alors il y pose les fesses. « Y'avait peut-être un fantôme, qui sait. La bière est pour qui, à ton avis ? » L’air faussement navré, Joseph balaie l’air avec sa main pour se débarrasser du faux fantôme qui occupait le siège avant lui. « On dirait bien qu’il n’avait pas soif. » répond-il, faisant référence au verre complètement plein, encore mousseux. Son regard se perd un moment sur la table alors qu’il tente de ravaler ses remords. Il devrait la laisser tranquille. Mais il ne peut pas. Alors, il sert le sachet dans sa main pour cacher son malaise et il ramène le sujet de la voix cassante qui fracasse l’atmosphère. « C'est pour ça que t'es là ? Tu crois que je suis plus talentueuse qu'elle ? » Il aurait pu faire preuve d’honnêteté, comme il l’a toujours fait. Il aurait pu dévoiler la cocaïne blanche au creux de sa paume et tout de suite mettre les choses au clair : il cherche des clients.  « Nah. C’était ma phrase d’approche. Dans l’genre « j’espère que tu ne t’es pas fait trop mal en tombant du ciel ». Mais j’avoue que j’ai pas l’intention de te draguer. » Et ça, c’est la vérité. « Et ça, c’est la vérité. » Il fronce les sourcils, ses mots se sont enfuis de sa bouche alors qu’il les imaginait au fond de son crâne, comme s’il avait besoin de nettoyer d’avance tous les mensonges qu’il balancera plus tard. Alors que sa nouvelle compagnie trempe ses lèvres dans le breuvage amer qu’elle s’approprie, il remarque la grimace de dégoût qui étire son visage et il ricane en posant ses deux coudes sur la table, les bras croisés devant lui, favorisant la proximité – il connait encore les trucs et astuces d’un bon vendeur. Il doit paraître confiant et expérimenté, ce n’est pas la timidité qui le débarrassera de son stock de drogues. « Tu veux que je te dédicace le sauvetage des oreilles de tout le bar, ou ça ira ? Je ne suis pas certaine que la performance te convienne, en fait. Au pire tu prends la bière comme dédommagement. Désolée, j'ai un peu bu dedans. » Sans réfléchir, il tend sa main libre vers le verre, l’approche de ses lèvres et englouti une imposante gorgée. « Non, ça va, j’aime pas trop me faire remarquer. » qu’il admet, encore une vérité qui ne lui brûle pas les tripes – au contraire de la gorgée de bière qu’il aurait dû calculer davantage avant de l’avaler comme un avale un grand verre d’eau fraîche au milieu de la nuit. « Si je sauve tes oreilles et celles de la salle de façon plutôt acceptable, tu me payeras une autre bière ? » Il fronce les sourcils, intrigué. Et, les petits hamsters dans sa cervelle se mettent à rouler, à rouler, à rouler. « Tu t’en fiches de la bière. » Il attend sa réaction pour continuer en pivotant les yeux vers la scène pour éviter de lui mentir directement dans la rétine. « Mais j’ai un truc plus amusant à t’proposer. » Un poison, un cadeau empoisonné, un fardeau, une tache d’encre opaque sur une plage blanche, un trou noir au milieu des étoiles : tant de meilleures façons de décrire la cocaïne. « Et ça pourrait t’aider à donner la performance de ta vie. » Qu’il ajoute, avant de finalement croiser son regard à nouveau, les yeux brillants de malice.
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyLun 28 Oct 2019 - 1:05

Canari@Joseph Keegan
Ma situation "journée de merde" est améliorée par un gars qui fait de l'humour en chassant de sa place un fantôme inexistant. Ou peut-être qu'un fantôme était vraiment installé à cette place et que désormais, mon interlocuteur va être hanté par cet esprit pour tout le temps qu'il lui reste à vivre. Je crois aux fantômes. Pas en l'existence d'un Dieu, mais aux fantômes oui. Je crois que tant qu'on se souvient des gens, ils nous hantent. Dès qu'on les oublie, ils disparaissent. Ils doivent se faire chier, depuis le temps, les philosophes de l'Antiquité, à attendre le repos éternel qui ne vient pas. Parfois, c'est nul d'être une star. J'ai hâte de pouvoir errer sur le monde et de hanter toutes les personnes que j'ai envie de hanter depuis des lustres.

De toute façon, c'est mal parti, pour être une star. J'en ai visiblement pas le profil, si le type ne s'est pas assis là parce qu'il pense que je ne suis pas plus talentueuse que le disque rayé ambulant qui doit donner des nausées aux insectes qui rampent dans les combles au dessus de nos têtes. « Nah. C’était ma phrase d’approche. Dans l’genre « j’espère que tu ne t’es pas fait trop mal en tombant du ciel ». Mais j’avoue que j’ai pas l’intention de te draguer. » Un petit soufflement du nez m'échappe - quoi ? - et je m'accoude à la table, essayant de jauger si le mec dit vrai ou non. Il a l'air sincère. Ou du moins, draguer n'est pas son objectif. J'aime pas le mot "drague". On dirait qu'on tire des trucs du fond d'un vieux lac pourrit. Personne n'aime les carcasses de voitures laissées là par des psychopathes avant qu'ils ne découpent leurs victimes. « Et ça, c’est la vérité. » « Le reste non ? » Le reste, la suite, l'avant, l'après. Je m'en fiche, au final. Plus rien ne peut me surprendre.

Je déteste l'alcool parce que je ne tiens pas l'alcool. Il faut environ une bière et demi - pas très alcoolisée, en plus - pour me donner la tête qui tourne et pour avoir le plaisir de me voir danser sur les tables en chantant l'hymne russe en albanais. Mais le verre qui se trouve maintenant entre mes mains ressemble à de l'or liquide, chatoyant. Le goût n'en est pas moins amer au point de me faire grimacer, presque grincer des dents. A la rigueur, j'aime bien le vin blanc. Pas cet alcool de barbare. Mon interlocuteur, lui, a l'air d'apprécier, vu la vitesse à laquelle il engloutit au moins un quart du verre en une gorgée. Je le regarde faire, la moue stupéfaite. « Non, ça va, j’aime pas trop me faire remarquer. » « Pas de dédicace. Je retiens. » Je tire à nouveau le verre à moi, comme s'il avait comme par magie changé de saveur entre temps. Mais non, la bière est toujours aussi horrible. Son amertume ne m'empêche pas de tenter un pacte avec l'étranger, dont je ne connais même pas encore le prénom. « Tu t’en fiches de la bière. » « Vrai. » « Mais j’ai un truc plus amusant à t’proposer. » Mes yeux suivent les siens, qui se sont accrochés à la scène. La brune qui tient le micro comme elle s'accroche à la vie a l'air d'arriver sur la fin de sa performance, dans le soulagement général. « Et ça pourrait t’aider à donner la performance de ta vie. »

Je fronce les sourcils, reporte mon regard sur l'homme qui se tient devant ma bière pas bonne et à moitié vide. « Sur une scène de karaoké ? Wow, je suis montée sur plus cool qu'une scène de karaoké, quand même. Ou alors t'es un metteur en scène qui cherche des comédiens ? » Mais oui Murphy, c'est bien de prendre ses rêves pour des réalités. De toute façon, je ne peux pas abandonner Clément et le théâtre. « Parce que c'est oui, sors ton contrat. » Ok, rectification, je peux abandonner Clément et le théâtre. Je glisse une mèche de cheveux derrière mon oreille droite, un peu hésitante. Je reprends mon sérieux. « 'Plus amusant' ça sera toujours mieux que tout ce qui composait ma journée d'aujourd'hui. J'en suis. » Même si je ne sais pas ce que 'plus amusant' sous entend. Si ça inclus de vraiment balancer des tomates sur le disque rayé brun, je ne suis pas sûre que ça me permette de 'donner la performance de ma vie'. Même si la loi de Murphy dit que tout ce qui doit mal se passer se passera forcément mal, j'en suis. Rien de pire que de goûter à une bière dégueulasse ne peut se passer, pas vrai ? Pas vrai ?
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyLun 28 Oct 2019 - 2:06

« Le reste non ? » La question rebondit dans son crâne, tombe à la renverse, trébuche, se fracasse, mais elle reste là comme un écho éternel. Il veut cacher la franchise sur son visage alors il replace ses cheveux vers l’arrière, longues mèches brunes qui mériteraient un peu de soin. Son regard se balade parmi les silhouettes dans le bar et il profite de son propre inattention pour marmonner banalement : « J’dis n’importe quoi. » Des mots soufflés, sans importance, le vol d’une mouche, le vent qui effleure les feuilles des arbres. L’occasion de vanter les bienfaits de sa potion magique se présente étonnamment rapidement et il saute tout de suite dessus pour ne pas manquer le dernier train. Il jongle avec l’intérêt que la jeune femme semble porter envers la scène qui l’accueille à bras ouverts et sa solitude forcée en cette soirée festive. Deux éléments clés qui lui permettront de la piéger comme un petit poisson dans un large filet de pêche – oui, il aura honte plus tard, lorsque l’agréable frétillement chaud se taira dans le fond de son ventre. Pour le moment, il profite de son pouvoir et de la berceuse qu’il impose à la plus jeune sans qu’elle ne puisse se douter de quoi que ce soit. Ça lui avait manqué, de mener la danse. « Sur une scène de karaoké ? Wow, je suis montée sur plus cool qu'une scène de karaoké, quand même. Ou alors t'es un metteur en scène qui cherche des comédiens ? » Un autre ricanement fait vibrer les cordes vocales de Joseph alors qu’il secoue la tête en mimant une grimace. « Non, je n’ai pas de contrat pour toi. Mais t’en auras peut-être plus tard, et tu m’remercieras. » qu’il ajoute, sans modestie. C’est bon. Il a capté son champ d’intérêt : elle veut briller, se hisser sur la plus haute montagne, là où tous les yeux sont rivés. Elle semble considérer son offre fantôme – parce qu’elle n’a aucune idée de quelle surprise le trentenaire cache dans le fond de sa poche – mais elle arrive à se convaincre elle-même d’accepter la folie. Un sourire ravi qui cache une déception inavouable étire les lèvres du vendeur et il penche la tête sur le côté sans jamais briser le contact visuel avec sa future cliente, examinant ses traits féminins et ses iris qui, malgré leur couleur foncée, chantent un bon présage. Il réduit davantage la distance entre eux et tend sa main vide en direction de la jeune femme avant de souffler : « Donne-moi ta main. » Devant le regard hésitant du canari, le vautour gonfle ses plumes, danse, se pavane et lance l’appât : « Fais-moi confiance, tu verras. » Tu verras, tu regretteras, mais j’obtiendrai ce que je pense désirer. La jeune femme obéit, soulève doucement la paume, et Joseph la serre presque tendrement avant de la tirer vers lui. Il s’empare de son index et, sans attendre sa réaction, il glisse le bout de son doigt entre ses lèvres pour l’humidifier légèrement. Avant qu’elle ne puisse intervenir, il l’abaisse ensuite en direction de son autre main, là où se cache le sachet de poudre qu’il a discrètement ouvert quelques secondes avant. Il trempe sa phalange dans la cocaïne et le retire doucement, s’assurant qu’assez de poudre s’est collée à sa peau. Il sourit ensuite, un sourire faux qui cache le petit Joseph en lui qui crie d’arrêter, de ne pas lui faire goûter cette connerie. « Il suffit de le frotter contre tes gencives. » C’est tellement facile. Il mime l’action avant de l’inciter, d’un signe de la tête, à faire comme lui. C’est au rythme d’une chanson de Whitney Houston mal interprétée que la mauvaise influence de Joseph est soudée.      
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyLun 28 Oct 2019 - 2:48

Canari@Joseph Keegan
C'est pendue aux lèvres de mon interlocuteur que j'attends ma réponse, salvatrice ou décevante - choose your fighter - les doigts de la main droite enroulés autour d'une mèche de mes cheveux. « Non, je n’ai pas de contrat pour toi. Mais t’en auras peut-être plus tard, et tu m’remercieras. » Il a l'air de savoir de quoi il parle, le brun. Ma main retourne sagement rejoindre l'autre, paume contre paume. Ma journée est un roller coaster. « Ok. J'en suis. » C'est la deuxième fois que je le dis, mais au moins j'ai l'impression de déjà signer un contrat imaginaire. Ou un pacte. Au choix, encore. Je préfère le contrat, généralement il n'engage pas l'âme des gens. Mes yeux suivent le regard de l'étranger sans jamais le lâcher, même lorsque ce dernier semble chercher quelque chose sur mon visage. Je m'apprête à lancer un 'quoi ?' rieur, lorsque ce dernier tend sa main au dessus de la table. Le tout ressemble de plus en plus à un pacte. Ça me rappelle la bande dessinée Zombillenium, un titre du genre. Les gens transformés en démons le sont dans des bars, et puis ils foutent la merde et les autres gens les détestent.

« Donne-moi ta main. » Je bat des cils, un peu surprise par la demande. Ma main s'élance d'abord, s'arrête en plein vol. Mon pouce vient embrasser le reste de mes doigts, comme pour me rappeler à ma conscience. On ne donne pas ses mains à n'importe qui, surtout lorsqu'on ne sait pas ce qu'il veulent en faire. « Fais-moi confiance, tu verras. » Le sourire engageant de mon buveur de bière et ces quelques mots ont l'effet de me faire oublier l'avertissement sourd de mon corps, qui frissonne au contact de la peau de l'étranger. Je crois que ma respiration s'est ralentie. Ou peut-être que c'est l'inverse. Je ne bouge pas, trop surprise, lorsque mon index termine sa course contre les lèvres de l'inconnu. Mes orbites s'arrondissent, je me prépare déjà à protester. Mais rien ne bouge. Tout semble un peu ralenti, comme étouffé. Je met ça sur le compte de la bière. Même la prochaine casserole qui vient de prendre le micro ne parvient pas à me faire détourner le regard. Mes pupilles se fixent sur ce sachet, qu'il sort de nul part, comme un prestidigitateur. C'est là que ma respiration marque un temps d'arrêt. Non, juste après, lorsque ma peau se retrouve en contact avec ce que je sens être de la poudre.

Mes connaissances en drogue sont équivalentes à zéro, ou un chiffre qui s'en rapproche. Je n'ai jamais rien fumé ou pris de ma vie, légal ou pas. Mes orbes brunes s'accrochent à la neige qui recouvre mon index, sans que je ne parvienne à les en détacher. Les sons, que je ne savais pas coupés par la surprise de l'instant, reviennent petit à petit lorsque mon interlocuteur prend à nouveau la parole. « Il suffit de le frotter contre tes gencives. » Je fronce légèrement les sourcils. Mes pupilles font le voyage index-visage de mon interlocuteur plusieurs fois en une poignée de secondes. Il me semble soudain que mon cœur s'est de nouveau pris pour un marathonien. Il cogne si fort que je l'entends jusque dans mon crâne, comme si j'avais longtemps été en apnée. Et c'est le cas. J'ai oublié de respirer. Je prends une inspiration, comme sortie de l'océan tumultueux de mes pensées. « Qu'est-ce que... enfin... Je vais ressentir quoi ? Comme... de l'euphorie ? » Je crois reconnaître de la cocaïne, mais je ne suis même pas certaine. Et j'en connais encore moins les effets. « C'est quoi, les effets ? Tu promets que je vais pas caner ? J'ai pas envie de mourir sur une chaise de bar. » C'est un endroit moche, pour mourir.

En fait, je n'attends même pas la réponse. Loi de Murphy. Ma journée est assez merdique. Rien d'autre ne peut mal tourner. Ce n'est pas un peu de poudre qui va renverser mon cerveau au point de me faire oublier mon prénom, et tout le reste, comme ils disent dans les spots de prévention contre les addiction et tout le toutim. J'exécute le geste préconisé par mon interlocuteur. Ma main gauche bat la mesure, sur le bois de la table. La poudre a un goût horrible, mais très, très inconnu. « Ça va faire effet combien de temps ? » Est-ce que ça fait effet longtemps, surtout ? Est-ce que j'ai paramétré le numéro Yoko dans mes numéros d'urgence ? J'ai trop de questions à poser à ce type et à moi-même avant que la neige - faute de savoir ce que c'est, donnons lui un joli nom - fasse son effet. « C'est quoi, ton prénom ? » Cette question me paraît subitement très importante. J'ai l'impression de manquer de temps, comme si on m'avait donné à avaler une bombe à retardement. Ou une pendule pas à l'heure.

Je ne sais pas ce que je viens de faire. Je crois que c'était un mauvais choix. Je crois même que j'en suis sûre. Mais le type a un visage rassurant, je trouve. Alors c'est ok. Tout est ok. Rien ne peut mal tourner. Loi de Murphy. Tout tourne déjà trop mal. J'ai mes yeux accrochés à ceux d'un inconnu, comme dernier ancrage avant de repousser les côtes.

Pour partir à la dérive.


Dernière édition par Murphy Rowe le Lun 28 Oct 2019 - 21:00, édité 1 fois
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyLun 28 Oct 2019 - 4:08

« Qu'est-ce que... enfin... Je vais ressentir quoi ? Comme... de l'euphorie ? » Il répond silencieusement. Un seul sourire malicieux est renvoyé à la jeune femme pleine d’interrogations. De l’euphorie, de la passion, de la légèreté. Le meilleur sentiment que Joseph n’a jamais ressenti dans ses veines, juste avant qu’il ne tombe dans le bas du ravin et qu’il se fracasse les os contre la pierre dure de la paroi rocheuse. Le retour à la réalité est le moment que tous les addicts refusent d’affronter. C’est pour cette raison qu’ils la frottent à nouveau contre leurs gencives, qu’ils la sniffent une seconde fois, qu’ils enfoncent encore et encore l’aiguille. Et Joseph tressaillit en serrant le poing assez fort pour que ses ongles déchirent sa peau. Le ver pend au bout de l’hameçon et le poisson mord à pleine dents dans le délicieux appât sans se rendre compte, pour le moment, de la pointe piquante qui s’enfonce dans sa joue. Sous les yeux confiants de Joseph, le petit canari, innocent, imprudent, goûte pour la première fois à la saveur du regret : mais c’est une saveur qu’il ne connait pas. Le fruit de l’interdit l’a tenté et, même si Joseph se voile encore derrière ses allures de prédateur, il lit dans ses iris les mots qu’elle ne saura prononcer qu’une fois qu’elle aura de nouveau envie de glisser son index entre ses lèvres pour le tremper dans le sachet invitant. Je n’aurais jamais dû accepter cette offre. C’est la même pensée qui a traversé l’esprit du plus vieux lorsqu’Alfie lui a présenté la cocaïne de la même façon. Et il était son ami.

La salle tourne autour d’eux, et seulement eux. Ils sont seuls dans le bar et la musique balaie le silence pour seulement leurs oreilles. Pendant un moment, le plus vieux n’entend plus la voix cassante de la nouvelle casserole sur scène. C’est qu’il est concentré pour ne pas se laisser tenter par sa propre marchandise. Elle l’appelle, le tente, l’appâte, mais il résiste et ce, pour Deborah. Il en a envie. Il en tremble presque, mais il cache sa faiblesse en bandant ses muscles et en fixant sa compagnie dans le blanc de ses yeux. « Ça va faire effet combien de temps ? » Machinalement, l’homme interpelé tend la main ver sa consommation et il avale quelques gorgées pour s’éclaircir la gorge. Il a l’impression qu’un désert s’est installé sur sa langue. Il ne manquerait plus qu’une dizaine de dromadaires lui sortent des narines. « Environ trente minutes. C’est juste assez pour te laisser le temps de profiter de chaque seconde. » Il sourit, laisse son regard glisser jusqu’aux lèvres de la jeune femme, des lèvres pulpeuse qu’il compare inconsciemment à des friandises sucrées. « C'est quoi, ton prénom ? » Comme il sait qu’il faudra quelques minutes à la poudre pour atteindre le sang de la consommatrice, il profite de la progression des effets pour glisser sa main dans la chevelure de la plus jeune : il caresse son crâne avec ses ongles pour la faire frissonner. Bientôt, ce contact lui fera l’effet d’un orgasme. Il en profite pour parler à voix basse et laisser chacun de ses mots faire hérisser les poils de ses bras. « J’m’appelle Jo. » Il ne se rend pas compte de l’importance de ses actions. Il pense être un simple vendeur mais il la lie à lui, il se lie à elle. Et, quand les pupilles de la belle se dilatent, il sourit à pleines dents – un sourire nerveux, tout de même. Parce qu’il est maintenant impossible de faire marche arrière. Laissant ses doigts doucement glisser sur les joues douces de sa proie, jusqu’à son menton qu’il caresse dans le sens des aiguilles d’une montre, il conclut : « J’pense que c’est le moment de briller. » Il pivote la tête vers la scène alors que la dernière musique chante ses dernières notes, il lève le bras et s’écrit : « C’est elle la prochaine ! » Il pointe la jeune femme devant lui alors que tous les yeux curieux sont rivés vers elle. « C’est au tour de… » Il se rend compte qu’il ne lui a pas demandé son prénom. « C’est au tour de mon Étoile. »        
 
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyLun 28 Oct 2019 - 23:55

Canari@Joseph Keegan
Que racontent les spots publicitaires à propos des dangers de la drogue et des médicaments ? Ne conduisez pas si vous êtes ivres. Ne prenez pas le volant si vous avez pris de la neige. Tuez vous seuls, vous êtes assez grands pour le faire. N'emportez personne d'autre avec vous. Je sais déjà que j'ai probablement fait le pire choix de la journée. Que c'est le pompon. Les leçons des parents me reviennent fugacement en mémoire, comme un mirage; 'n'accepte rien qui vienne d'un inconnu'. J'ai confiance en mon étranger. Les spots publicitaires devraient dire de faire comme Murphy Rowe, de rencontrer des gens dans les bars. On y fait de chouettes rencontres. « Environ trente minutes. C’est juste assez pour te laisser le temps de profiter de chaque seconde. » Trente minutes. Chaque secondes. Ma main se porte à mon front, comme pour en connaître la température. Ou peut-être que je n'ai pas fait ce geste. J'ai soudain cette sensation d'être happée par un fond imaginaire. Je met la sensation sur le coup du stress, sur cette adrénaline qui anesthésie mes pensées et rend tout plus normal. Plus adapté. Comme un coussin en dessous de l'immeuble duquel je viens de me jeter. Je ne quitte plus mon interlocuteur des yeux, c'est comme si la musique autour de nous avait disparue. Sa main vient trouver mes cheveux, déclenche un raz-de-marée de frisson, un séisme qui part de ma nuque et esquisse une descente en piqué jusque dans mes reins. Sur son passage, le tremblement de terre soulève les cratères de ma chair de poule. Sa course essoufflée prend fin jusque sur mes poignets, au bout desquels mes mains pianotent sur le bois de la table.

« J’m’appelle Jo. » Jo. C'est simple, efficace, facile à retenir. J'ai l'impression de m'entendre respirer, vraiment fort. Combien de secondes se sont écoulées, déjà ? Trente minutes. Profiter de chaque secondes. Je fronce légèrement les sourcils. « C'est un chouette prénom. » Je n'ai pas le temps de donner le mien que la musique reprend autour de nous, plus forte, comme pour m'empêcher de lancer mon maudit prénom. « J’pense que c’est le moment de briller. » Ses doigts sur ma peau déclenchent des orages, des séismes qui prennent de l'ampleur. D'autres raz-de-marée. C'est plus fort que tout à l'heure. « C’est elle la prochaine ! » Je tourne la tête vers la scène. Les gens ont arrêté d'y discuter. « C’est au tour de… » Je crois lui donner mon prénom, mais peut-être pas assez fort. « C’est au tour de mon Étoile. » Mon Etoile. Je souris à pleines dents, tellement fort que l'expression 'sourire jusqu'aux oreilles' doit prendre tout son sens.

Me lever fait tanguer mon monde. Ce n'est pas comme l'ivresse. Je me sens immense, comme si mon corps était encombrant. « Tu peux boire la bière. » que je lance à Jo, avant de passer devant lui en posant ma main sur son épaule. Matthieu a bien fait d'annuler nos plans pour ce soir. Quelque chose de plus intéressant se passe ailleurs, loin de la table de bar à laquelle j'étais accoudée avec mon étranger. Une scène brille, comme un millier de diamants. C'est vrai, ses couleurs sont plus chatoyantes. Elle me paraît plus irréelle, plus belle encore que toutes les scènes sur lesquelles j'ai pu monter jusque là. Le public s'écarte, je fais tout ce qu'il faut pour ne frôler personne. Je ne veux plus sentir les raz-de-marée sur ma peau, j'ai trop peur de m'y noyer. De fondre sur le plancher du bar. L'air de la pièce rend déjà ma peau trop sensible, comme si on la touchait par le dessous. Mon cœur cogne, aussi; vite, fort. Jusque sous mes pieds. « Qu'est-ce que tu vas nous chanter, ma chérie ? » « Wow, t'es pas obligé de crier. » Mais il crie parce que la salle est comble. Trop remplie. Et je suis trop grande pour la pièce, comme Alice aux Pays des Merveilles et ses champignons magiques. Quelle camée, celle-là. Je fouille dans ma mémoire, mais ma tête est comme un appartement encombré, retourné par une tornade. Il y a trop de musiques que j'ai envie de chanter. Je voudrais les chanter toutes en même temps. « Heart a Mess de... Attends... » Et là, c'est le drame. Ou plutôt; la révélation. Je montre mon étranger du doigt, bien qu'il soit perdu dans une foule de plus en plus nombreuse. Une foule grouillante et sans visage. C'est à ça que ressemblent les représentations, au théâtre. C'est à Jo l'étranger que je m'adresse. Je sais qu'il m'entendra. « Electric, je vais chanter Electric de Alina Baraz. »

Je bondis littéralement sur scène, ajuste le micro à ma taille et toussote. L'onde se répand dans la pièce, à laquelle je lance mon immense sourire. La chanson se chante à deux, mais je ferai les deux voix sans aucuns problèmes. Les projecteurs sont trop vifs. Ils rendent les couleurs vibrantes, plus présentes. Et lorsque la musique se lance, j'ai l'impression de me fondre dedans. De m'y jeter littéralement. De me rouler dans ses notes qui me rappellent l'été et les vacances loin de l'Australie. Des vacances que j'imagine, des souvenirs préfabriqués pleins d'édulcorants comme dans les boîtes de nourritures déjà préparées, mais pas trop mauvaises quand même. J'attrape le micro pour faire entendre les premiers échos de ma voix, qui semble sortir de tous les pores de ma peau. C'est un échange avec les notes de musique dont j'ai l'impression d'être entourée. Plus ma voix sort des enceintes, plus j'ai l'impression de m'élever, si bien que me vient l'angoisse étrange de voir le plafond se crever sous la force brute de ma soudaine ascension. Je n'ai pas besoin de regarder l'écran du prompteur, je connais les paroles de la chanson comme si j'étais celle qui l'avait écrite. Les battements électriques qui accompagnent ma voix pulsent jusque dans mes veines et j'épouse chaque riff de guitare de mouvements de hanches, trop à l'aise avec l'endroit sur lequel je me trouve, sur la scène. Ma scène. Le visage de mon étranger crève littéralement la foule, la fend en deux comme Moïse fendit les eaux pour sauver son peuple. C'est exactement ce qu'est la foule; liquide, grouillante. Et je ne vois pas venir la fin de la musique. Il me semble qu'elle n'a jamais de fin, qu'elle prend possession de tous mes sens et ce de plus en plus fort. Les séismes remontent de mes reins jusqu'à mon crâne, bourdonnent sous ma peau. Le nirvana est atteint lorsque la foule éclate en applaudissements qui font battre mes tympans comme des tambours de guerre.

Je bondis de la scène comme si je sautais d'un nuage, fends la masse grouillante, les pores toujours remplis de musique. Elle me porte tant et si bien que j'en oublie la localisation très précise de ma place, dans le bar. Que j'en ai perdu Jo et sa neige. Et c'est l'angoisse qui prend le pas sur les nuages. Il me semble que ma respiration se fait plus profonde, si profonde que je ne suis pas certaine de pouvoir remonter cette falaise là. « Jo ? », j'appelle, en quête de mon donneur de contrat, de mon siffleur de bière, de mon monsieur météo annonciateur de chutes de poudreuse. Il n'a pas pu disparaître, pas alors que j'ai envie de lui sauter dans les bras pour faire revenir les séismes et pour lui raconter à quel point je sentais la foule crier mon nom et la musique prendre possession de toutes les cellules de mon corps, comme si tout avait soudain fait sens.

Comment Murphy se sent dans sa tête: ♫
La chanson que chante Murphy: ♫
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyJeu 31 Oct 2019 - 21:46

Elle complimente son prénom et c’est une raison de plus qui permet à Joseph de croire que la poudre fait son effet sur la cervelle étourdie de la plus jeune. Il a toujours détesté son prénom et, la plupart du temps, les « Jo » sont représentés par des hommes bedonnants qui portent la moustache et qui lisent le journal le dimanche matin pour s’assurer que les températures seront agréables dans les jours à venir. C’est probablement un préjugé qu’il s’est lui-même construit pour se donner une bonne raison de détester le prénom que ses parents lui ont donné. Il a le choix entre représenter un homme bedonnant ou un personnage religieux. Il prendra toujours la première option, comme le christianisme lui a apporté plus de mal que de bien. « Non. » qu’il marmonne tout simplement en se retenant de ricaner. Il ne peut pas lui demander son prénom en retour – ou alors, il n’a pas vraiment d’intérêt à identifier la jeune femme qu’il est en train de salir. Il ne vaut mieux pas trop s’attacher à une personne qui le détestera bien rapidement. Parce qu’il ne commet pas l’acte le plus généreux de sa vie en ce samedi soir de karaoké. Il a besoin d’argent et d’une preuve à offrir à Lou : elle a fait le bon choix en le piochant dans la foule.

Le temps défile à la vitesse d’une cascade. La chanteuse sur scène fausse ses dernières notes et c’est au tour du petit canari de faire aller ses plumes devant son public. Il l’entraîne, la pousse à confronter sa timidité, mais la drogue semble faire le travail à sa place. Ses yeux sont complètement vides : elle ne touche plus au sol et c’est une bonne nouvelle. Amusé, Joseph observe sa candidate improvisée se frayer un chemin fragile jusqu’à la scène et il porte son verre de bière à ses lèvres pour caler la moitié de son contenu, les lèvres étirées en un sourire indestructible. Tout ce qu’il désire, c’est qu’elle profite assez du moment pour avoir envie de lui acheter sa poudre magique, magicien qu’il est. La nouvelle chanteuse est complètement perdue lorsque l’organisateur du karaoké l’interroge quant à la chanson qu’elle veut interpréter et, lorsqu’elle pointe Joseph au travers la foule, il la pointe en retour, entrant dans son petit jeu, les yeux brillants de malice. Il ne connait pas le titre qu’elle évoque – il n’a pas une excellente culture musicale, le dealer. Ses connaissances dans ce domaine se résument à Queen et les quelques interprétations du mauvais groupe Street Cats (un groupe qu’il déteste seulement depuis qu’il a confronté le pianiste). Avant qu’il ne brise le nez d’Alfie, il aimait bien regarder ses doigts danser sur les notes, probablement parce que ça lui rappelait les moments où il jouait de l’orgue dans l’Église au pire moment. « Wouhou ! » Il soulève son verre de bière en direction de la jeune femme sur scène, l’encourageant faussement, comme l’ami gênant qui s’excite devant n’importe quelle prestation et qui amène un bouquet de fleurs dans les occasions qui en nécessitent le moins. Enfin, la voix de la vedette s’élève dans le bar et c’est à ce moment que le garçon glisse son téléphone de sa poche pour s’assurer qu’il n’a pas reçu un message – il a encore espoir de tout à coup être l’homme le plus prisé de Brisbane. Il n’écoute le canari que d’une oreille, conscient que sa voix est plus agréable que celle des premières participantes, mais peu intéressé par son chant en général. Il la regarde quelques secondes, constate le sourire sur son visage et ses membres dansants puis rigole en avalant une autre gorgée de bière. Quelques applaudissement fendent l’air lorsque la chanson se tait et Joseph range immédiatement son portable pour lui aussi encourager le canari. Elle disparaît dans la foule et, aussitôt, il se relève en la cherchant sérieusement du regard – bah quoi, il ne veut pas perdre sa cliente. Il la trouve rapidement, la rejoint en tapant quelques côtes avec ses coudes et il attrape le petit oiseau perdu par l’épaule pour le guider loin des silhouettes. Il l’apporte dans un coin plus calme du bar et joue à nouveau son rôle de vautour. Il prend le visage de la jeune entre ses mains pour la ramener sur Terre, il replace quelques mèches de ses cheveux derrière ses oreilles et il ricane : « Ça va ? Je suis jaloux, t’as l’air de bien planer, uh ? » Et ça, c’est encore la vérité. Il s’accroche à son regard et se retient de toute de suite lui proposer un sachet complet – c’est peut-être encore trop tôt, bien qu’il sait qu’il ne doit pas attendre le moment de la chute pour lui proposer plus de doses : dans ce cas-là, elle refusera certainement de s’empoisonner à nouveau. « Tu viens de faire la prestation de ta vie, moi j’te dis. »        
   

Spoiler:
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyVen 1 Nov 2019 - 2:01

Canari@Joseph Keegan
C'est fou le pouvoir que donne la foule. J'ai comme l'impression de pouvoir soulever des montagnes. Avant de descendre de la scène, j'étais à ça de me jeter contre ces corps, dans ces bras sans-visages, tous pâles et brillants de mille feux, sur fond noir. La musique pulse encore de partout, rend mes cheveux électrique. Tout est électrique, en fait, et je crois que j'ai vraiment bien choisi ma musique.

Mais la musique ne m'aide pas à retrouver Jo'. Elle devient vite trop forte, j'ai du mal à me concentrer sur la vue de la salle. Je suis tentée de me boucher les oreilles, mais je sais déjà que ça ne servira à rien. La musique vient de l'intérieur de mon corps, des pores de ma peau, de mon occipital qui me hurle des paroles que je n'ai même pas chanté. Et mon cœur cogne trop fort, trop vite. Jo' est perdu dans la marée de visages. J'aperçois rapidement un tabouret qui me semble être l'échelle propice à ma tentative de retrouver mon étranger, comme le ferait un pirate en haut de sa vigie pour trouver son île. J'ai besoin de retrouver les côtes que j'ai quitté il y a de trop longues minutes déjà. Combien avait-il dit, déjà ? Trente secondes, profiter de chaque minute ? J'ai oublié. Ce n'est pas grave. Avant d'atteindre le tabouret, je crois sentir que l'on me redirige vers un autre endroit du bar, trop rempli par la foule. Est-ce qu'ils viennent me demander des autographes ? Je me laisse emmener sans broncher, pourtant le monde s'est comme légèrement ralenti. Tout brille toujours autant, si fort que j'en suis éblouie.

Le visage de mon étranger s'impose à mes yeux, et je fronce les sourcils dès qu'il pose ses mains sur mon visage. « Ça va ? Je suis jaloux, t’as l’air de bien planer, uh ? » Je laisse s'échapper un rire alors qu'il glisse mes cheveux derrière mes oreilles, provoquant au passage une vague de frissons qui manque de m'emporter. « J'me sens... lumineuse. » Mes yeux se posent sur mes bras, qui renvoient plus de rayons que les projecteurs de la scène. « T'as vu ça ? » Impossible de ne pas le voir. Peut-être que c'était pour ça, que les gens de la foule avaient applaudi. « Je brille... T'avais raison, c'était le moment de briller. » Est-ce que la neige a pour propriété de dégager des cases chez les gens ? D'ouvrir leurs pores pour que leurs talents cachés ressortent fois cent, puissance mille ? « Tu viens de faire la prestation de ta vie, moi j’te dis. » « Grave. » J'ai déjà envie de remonter sur scène. De prendre mon téléphone pour appeler l'agence de mannequinat dont j'ai repéré le numéro. De rappeler mon père pour lui dire toutes les choses que je ne lui ai jamais dites.

La neige me file des pulsions d'affection jusque là inconnues au bataillon. J'ai soudain très envie de donner un méga-câlin à Jo', qui vient de m'offrir assez d'énergie pour soulever les montagnes, faire applaudir les foules, qui vient de transformer ma journée pourrie en feu d'artifice. « Ils sont beaux, tes yeux. Ils sont grands. » Immenses. « Tu fais souvent ça, là, de rendre les gens brillants ? Je me sens comme une étoile. C'est pas comme ça que tu m'as appelé ? » Je crois me souvenir d'un truc du genre. La pièce semble soudain se rétrécir légèrement, les gens s'y condenser. Je m'y sens un peu perdue. J'ai plus vraiment l'impression d'être dans un bar. Mais c'est bien comme ça.
C'est vraiment bien comme ça.
Surtout parce que j'ai l'impression de me noyer dans la lumière.
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyMer 6 Nov 2019 - 0:17

Il n’a pas encore l’impression de figurer dans la liste des pires hommes qui puissent exister. Il empoisonne une jeune femme aux yeux aussi grands que ses rêves sans se rendre compte qu’il fait exactement l’action qu’il a puni quelques semaines plus tôt : il l’a déformé, le visage d’Alfie, le visage de celui qui lui avait présenté la drogue comme un cadeau de Noël. Au fond, il mériterait que la jeune femme dont il ignore le prénom lui renvoie la pareille : une lèvre fendue, un œil au beurre noir et quelques côtes cassées qui gigotent trop près de poumons fragiles qui se voient dorénavant menacés par ce qui les protégeait autrefois. Mais il est égoïste, ce soir, parce qu’il a l’impression qu’il mérite enfin de retrouver ce qu’il a perdu en se faisant enfermer derrière les barreaux de la justice. Comme il n’a jamais fait les bons choix, il ne brise pas ses habitudes. Alors il l’emporte dans un coin plus sombre, sa future cliente, et il enfonce des idées dans sa tête à coups de compliments. Ce sont les compliments qui manipulent les êtres humains en recherche de reconnaissance. « J'me sens... lumineuse. » Il hoche la tête, ricane, et fait mine de se protéger les yeux des rayons de soleil qui s’émanent de sa silhouette. Il appuie sur la plaie sans même savoir qu’il a planté une mauvaise graine dans la cervelle de la plus jeune. « Je brille... T'avais raison, c'était le moment de briller. » Un sourire fier étire ses lèvres et il la regarde de bas en haut, prétendant toujours d’avoir fait d’elle une star en lui refilant une minuscule pincée de poudre magique. « Tu pourrais briller plus souvent, si t’en as envie. » Si t’en as envie. Les mots sont judicieusement choisis. Il lui donne l’impression qu’elle prend elle-même sa décision alors qu’elle n’est pas en état de réfléchir pour sa sécurité. Elle plane comme un avion au-dessus de la ville et, perchée dans le ciel, ses problèmes semblent minuscules. Et il la complimente une seconde fois pour la convaincre que cet état dans lequel elle se trouve ne dépend que d’elle, de son talent, de son cœur lumineux. Il allait glisser ses doigts dans sa poche pour récupérer un sachet de cocaïne et pour le lui présenter comme le pêcheur présente un ver à un poisson affamé mais elle le coupe dans son élan pour parler de ses yeux si grands. Le garçon reste hébété un moment mais finit par glousser en secouant la tête de droite à gauche pour se convaincre de ne pas embarquer dans son délire. Elle est sous l’influence de la drogue : elle ne pense pas ce qu’elle dit. Pourtant, Joseph est lui aussi un être humain qui adore les compliments. Alors il ne peut s’empêcher de souffler un petit « merci » étrangement timide. Il n’a pas l’habitude qu’on parle de son apparence positivement. Habituellement, on lui fait remarquer ses cernes de fatigue et son teint dangereusement gris. Un cadavre ambulant : c’est comme ça qu’il se décrit depuis qu’il résiste à son addiction. « Oui, c’est comme ça. Mon étoile. » Il l’observe longuement alors que son regard de vautour se transforme progressivement en un voile d’affection. « J’le faisais avant. J’avais arrêté, mais j’dois continuer. » Il se pince les lèvres en gonflant ses poumons d’un air difficilement respirable et il sort enfin le sachet qu’il souhaite vendre de sa poche. Il le coince entre son index et son majeur et le fait danser sous le nez de la jeune femme. « Tiens, si tu veux briller à un moment où je n’serai pas là. » Comme s’il avait oublié qu’il était un vendeur en ce moment-même, il se reprend rapidement à la dernière seconde : « J’peux te vendre la quantité qu’tu veux. On peut commencer par le plus petit prix, cinquante, pour un gramme. » Le voilà lancé dans le discours qu’il connait par cœur mais qui le transforme en une simple machine qu’il faut nourrir d’argent.
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyLun 11 Nov 2019 - 1:48

Canari@Joseph Keegan
« Tu pourrais briller plus souvent, si t’en as envie. » Genre tout le temps. Mais je sais déjà que c'est un truc impossible à faire. D'autres frissons remontent le long de ma colonne vertébrale, et j'ai l'impression qu'un concert s'est installé à la base de ma nuque. Je crois qu'il apprécie mon compliment. Je vois comme ses orbes brillent. Elles sont aussi immenses que la pleine lune. Je sais que je pourrais briller plus souvent, je sais déjà comment. Mes pensées sont décousues. J'ai l'impression de sauter d'une idée à l'autre, en toute lucidité. Tout fait sens. Tout est logique. Mais j'ai pas oublié le surnom, mon étoile. Il me fait beaucoup plus plaisir que toutes les disquettes de tous les Matthieu de la planète Terre. « Oui, c’est comme ça. Mon étoile. » Ravivé dans ma mémoire, le surnom renvoie la vague de frissons qui avait, précédemment, soulevé les cratères de la chair de poule partout sur mon corps. La lumière frissonne, elle aussi. Elle oscille, comme un habit de lumière fluide. Et peut-être que Jo possède le super don de filer de la lumière à tout un tas de gens; à la manière des coupeurs de feu et de leur énergie un peu mystique. Et je ne me trompais pas, je ne me trompais jamais, je ne me tromperai plus. « J’le faisais avant. J’avais arrêté, mais j’dois continuer. » Comme une sorte de mission divine, alors.

De la neige en sachet s'agite sous mon nez dans de frénétiques mouvements. Je louche presque en l'observant, mes yeux ont du mal à faire le point. Je sens que quelque chose prend comme une pente. J'ai comme la drôle de sensation de chuter, tout en sentant le sol fermement accroché sous mes pieds. Je baisse un instant la tête, pour m'assurer que je ne suis pas tombée, ou que le sol ne s'est pas encore éloigné. Mes yeux se reposent néanmoins bien vite sur le sachet transparent qui pend entre les doigts de Jo'. « Tiens, si tu veux briller à un moment où je n’serai pas là. » Je sens encore cet immense sourire fendre mon visage en deux comme celui d'une poupée de porcelaine. Oui, c'est exactement la sensation que ça fait. C'est comme si les sensations s'étaient encore inversée, comme si au lieu de sentir mon corps, je sentais aussi le vide qui l'entourait; ou plus précisément, les atomes qui gravitaient autour. « J’peux te vendre la quantité qu’tu veux. On peut commencer par le plus petit prix, cinquante, pour un gramme. » Cinquante. Est-ce que j'ai la somme sur moi ? Je tâte mes poches en hochant précautionneusement la tête. Le geste déclenche un séisme sous ma peau, comme si je venais de frapper la surface d'une eau claire.

Je ne sais pas comment je me retrouve à farfouiller dans mes billets, ceux que je devais poser à la banque dans la journée. J'ai probablement eu la flemme. Tant mieux pour le moi du présent, tant pis pour le moi du futur, qui cherchera ses billets partout. « Un gramme.. Combien j'ai pris, tout à l'heure ? » Parce qu'avec peu, l'effet est déjà absolument fou. Même si désormais, je crois m'être un peu habituée aux sensations de frissons et aux cognements de ce cœur, qui semble vouloir bondir hors de ma poitrine. Je tends ce que crois être cinquante dollars à Jo', coincés entre mon index et mon majeur. Un grand sourire étalé sur le visage, je passe ma main libre sur mon sternum. Rien qu'avec la main posée sur le cartilage, je peux le sentir palpiter - mon cœur, mon cœur, est un pendule. Je le sens partout, jusque dans des endroits improbables. Je crois que la neige a découvert des muscles dont j'ignorais moi-même l'existence. « Est-ce que si au lieu d'en mettre sur mes gencives, j'en prenais par le nez, les effets seraient pareils ? » Ou mieux ? Plus longs ? Sans cet affreux cœur qui ne veut pas arrêter son marathon ? Peut-être qu'il va exploser en plein vol.

« Merci de t'être assis à la place du fantôme. J'ai pas détesté ma soirée, grâce à toi. » Oh non, loin de là. Le monde autour s'est arrêté de tourner un instant. Il y a juste assez de silence pour que, avant même de réfléchir à mon geste, je ne vienne enrouler un instant mes bras autour de la taille de mon interlocuteur; l'invocateur d'étoiles, le meilleur des trouveurs de courage. Si mon cœur n'a pas arrêté son marathon, je suis certaine qu'il a pris une rythme plus tranquille, parce qu'il sait qu'on a gagné la course; tandis que ma peau me donne l'impression de grouiller de fourmis lorsque le tissus de mes vêtements s'appuie sur cette dernière. « Merci. T'es un chouette être humain. » Il y a longtemps que je n'en avais pas croisé, des comme lui.
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyMar 12 Nov 2019 - 2:26

« Un gramme.. Combien j'ai pris, tout à l'heure ? » C’est bon. Il a capté son intérêt. Pourtant, si c’est un sourire de fierté et d’amusement qui étire ses lèvres, une petite voix dans sa tête ne cesse de lui ordonner de la laisser tranquille, de ne pas la bousiller comme Alfie l’a bousillé lui. Ce lien qu’il instaure entre lui et le petit canari n’est rien d’autre qu’une promesse de descente en enfer. Même Joseph, dépendant depuis vingt ans à cette potion magique, pourrait facilement admettre que d’avoir avalé la première pilule a été son pire choix. Mais il l’a fait pour l’impressionner, Alfie. Pour lui prouver qu’il n’avait pas peur de son monde ni de la personne malade qu’il était devenue en l’instant de quelques mois. Parce que c’est ce que font des amis. Ils se supportent et ignorent les défauts de l’autre. « Pas beaucoup. » Il ne cesse de basculer le sachet devant ses yeux comme le ferait un mentaliste qui tente d’hypnotiser le volontaire qui est monté sur scène. « Tu pourrais le refaire sept fois, environ, avec une telle quantité. » Il met de l’emphase sur les derniers mots dans l’intention de valoriser le sachet toxique qui, au fond, n’est qu’une véritable escroquerie. C’est comme s’il vendait un gramme de mort-aux-rats à… un rat. Il ne sait pas ce qu’il fait, le rat, mais il fait une bêtise. « Atteindre sept fois le septième ciel. » Qu’il ajoute, arborant ses airs de véritable connard qui pense que c’est amusant de parler de cul. Certes, il est devenu un vendeur plus ridé mais il arrive à préserver sa jeunesse à travers son attitude immature, une attitude qu’il a machinalement adoptée quand il est entré dans ce bar, ce soir. Il s’est immédiatement revu à l’âge de vingt ans, encore trop peu expérimenté pour réellement comprendre les conséquences de ses ventes. Et, tandis que la jeune femme tapote ses poches à la recherche d’argent, son regard se fait plus intéressé, non pas parce qu’il se retrouvera bientôt avec quelques billets dans les mains mais bien parce qu’il pourra les présenter à Lou et obtenir son respect. Un cas désespéré, oui, c’est ce qu’il est. « Est-ce que si au lieu d'en mettre sur mes gencives, j'en prenais par le nez, les effets seraient pareils ? » Il s’empare de l’argent qu’elle lui tend et compte rapidement la somme avant de la glisser dans ses poches, le regard comblé. « Pareil, mais plus rapide. Ça monte à la tête en quelques secondes. » Mais ça irrite les cavités nasales, ça cause des saignements, des douleurs. Mais, jamais il ne lui dirait cette information. Et, pour avoir encore plus de contrôle sur elle, il ajoute, l’air faussement inquiet : « Et n’en prends pas à d’autres personnes, si t’en veux plus. Les autres ils vendent du poison. Passe-moi ton tel. » Sans attendre, il glisse sa main le long du ventre de la jeune femme puis de sa hanche (tout pour caresser ses sens sensibles) pour récupérer son portable dans la poche arrière de son pantalon. Il l’ouvre et entre son numéro dans ses contacts avant de le redonner à sa propriétaire, tout sourire, tout fier, glissant du même coup le sachet de poudre dans sa paume. « N’hésite pas à m’contacter si seulement sept ciels c’est pas assez. » Il lui offre un clin, clin d’œil qui fait lui aussi partie de sa pièce de théâtre. « Merci de t'être assis à la place du fantôme. J'ai pas détesté ma soirée, grâce à toi. » Il le perd immédiatement, son sourire. C’est plutôt une lueur de honte qui traverse ses pupilles. Il déglutit, détourne le regard en ravalant ses remords, déstabilisé par son incapacité à préserver son rôle de connard à chaque fois que le canari lui offre de l’attention ou des compliments. Il se racle la gorge mais il n’a pas le temps de lui répondre qu’elle se colle à lui et l’enlace de ses bras aussi mous que des pâtes cuites. Il fixe longuement le vide alors que ses paroles insensées viennent caresser ses tympans et il se secoue les puces en tentant de se convaincre que ce n’est que la drogue qui la fait réagir ainsi. Non, il n’est pas un chouette être humain. Surtout pas ce soir. Ni dans les derniers jours. C’est donc dans un marmonnement non assumé qu’il répond, après avoir posé son menton sur la tête du petit canari : « Toi aussi t’es pas trop mal. » Perdu un peu trop longtemps dans une bulle de réconfort, il se décide finalement à se séparer de la jeune femme pour se replacer les idées. Il doit faire d’autres ventes ce soir. Ce n’est pas que cinquante petits dollars qui lui feront assez de revenu. « Maintenant, j’te conseille de rentrer chez toi. Il vaut mieux que tu n’sois pas mal accompagnée quand les effets cesseront. » Il capte son regard pour bien le clouer au sien bien que ses yeux soient agités, tremblants, à la recherche de quelconque mouvement : « T’as compris ? Promets-moi de ne pas faire de détour inutile. Directement chez toi. » Est-ce qu’il s’inquiéterait pour une inconnue dont il ne connait pas le nom, par hasard ?
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Message(#)Canari. [Murphy&Jo] EmptyMer 13 Nov 2019 - 0:27

Canari@Joseph Keegan
Je crois vaguement saisir que je n'ai pas pris beaucoup de poudre, là, juste à l'instant. Mes yeux s'ouvrent de surprise. Pas beaucoup, et un effet de malade. « Tu pourrais le refaire sept fois, environ, avec une telle quantité. » L'émail de mes dents renvoie à nouveau la lumière alors que je décoche un sourire béat. Sept fois. C'est énorme. Est-ce que je ne vais pas exploser avant sept fois ? Est-ce que c'est comme les médocs', est-ce qu'on doit attendre plusieurs heures avant les prises ? Parce que j'ai littéralement envie de me jeter la tête la première dans mon prochain essai, juste pour sentir à nouveau les frissons, comme si l'on touchait ma peau par le dessous. Je veux les faire revenir tout de suite, ces sensations. Maintenant.

Mais peut-être que les effets sont plus puissants si je changeais de méthode. Mais alors, mes sept tickets pour le septième ciel risquent de s'amoindrir. « Pareil, mais plus rapide. Ça monte à la tête en quelques secondes. » « En quelques secondes... » Je n'ai pas attendu beaucoup avant de percevoir les premiers effets, tout à l'heure. Je sens que j'ai atteint le sommet de la montagne, et qu'il faut maintenant en redescendre. Mais avant, jetons un œil au paysage, profitons de la vue. Profitons de l'accalmie; je ne sens plus mon cœur cogner dans ma poitrine. Peut-être que lui aussi, il contemple la poudreuse avant la grande descente en piquée. « Et n’en prends pas à d’autres personnes, si t’en veux plus. Les autres ils vendent du poison. Passe-moi ton tel. » J'ai un petit rire alors que sa main se glisse sur ma peau, déclenchant le séisme assortit au contact presque électrique qui, me semble-t-il, vient de mon épiderme. Je suis presque prête à me rendre, comme le font les voleurs dans les westerns, les mains en l'air. Vulnérable. « Promis, je prendrai à personne. Je ferai bien attention. » Comme la plus sage des petites filles. Mes yeux distraits se baladent sur ses mains, alors qu'il rentre son numéro dans mon téléphone. Je danse d'un pied sur l'autre, profite encore un peu des trampolines qui s'étendent sous mes pieds, qui rendent le sol léger et fluide comme un nuage. Je profite, avant que tout ne se transforme en sable mouvants. « N’hésite pas à m’contacter si seulement sept ciels c’est pas assez. » Je récupère mes biens, hoche la tête sans me départir de mon sourire presque amoureux. « M'oui. Maiiiis je ferai en sorte d'économiser la poudre. » Tu sais que non. « Pas tout prendre d'un coup. » Tu ne sais pas encore que non.

Il arrive que j'ai des élans d'amour pour les personnes qui m'entourent. Et alors que je me suis lancée dans la descente et que la montagne roule sous mes pieds, que le verglas craquelle et que la lumière passe derrière les nuages, je me jette dans une étreinte très - trop ? - spontanée. Jo' est un être humain du tonnerre. Il a chassé les fantômes et les souvenirs de tous les Matthieu de la planète m'ayant un jour posé un lapin. « Toi aussi t’es pas trop mal. » J'essaie, Jo', je fais de mon mieux. L'étreinte est rompue, et le froid semble lentement se déposer sur ma peau, comme de la neige. Elle commence par attaquer mes reins, je frissonne. Et ce ne sont pas les bons frissons de tout à l'heure. « Maintenant, j’te conseille de rentrer chez toi. Il vaut mieux que tu n’sois pas mal accompagnée quand les effets cesseront. » J'incline la tête sur le côté. Pas mal accompagnée. Yoko sera probablement au travail. Personne ne m'accompagnera. Personne ne doit savoir, de toute façon. Je comprends alors que le froid est surtout amené par le vent de la panique, que je sens souffler au loin. Il souffle contre moi, alors que je descends prudemment la montagne. Mais pour l'instant, il n'est réduit qu'à quelques brises éparses.

Comme elle disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.

« T’as compris ? Promets-moi de ne pas faire de détour inutile. Directement chez toi. » « Oui. Oui, j'ai compris, promis. » Nouveau sourire, je suis presque tentée de retourner me loger contre lui un instant, mais campe sur mes deux jambes. Je crois avoir rassemblé toutes mes affaires, mais mes yeux sont un peu hagards. Il refusent de faire le point, comme un vieil appareil photo long à la détente. « Directement chez moi. J'habite pas loin. » A deux rues d'ici. Le chemin retour ne devrait pas être trop compliqué. Et puis, c'est encore animé, à cette heure. Rien n'est à craindre de la rue, pas encore. De toute façon, il doit même me rester un peu de lumière pour repousser toutes les ombres. Après une grande inspiration, je glisse le petit paquet contre ma poitrine, là où je ne pourrai pas l'oublier. Je suis en mesure de me souvenir que tout ce que je laisse dans mes poches passe systématiquement à la machine. Et je ne veux pas que la neige disparaisse à cause de mon manque d'attention. Une main sur le front qui dérive jusque dans mes cheveux plus tard, je lance un dernier sourire à Jo, et puis un clin d’œil parce que... pourquoi pas. Ma main se pose un instant sur l'épaule du brun alors que je le contourne, le regard fixé vers la porte. « Fais attention à toi, les flics tournent pas loin à cette heure-ci. » Mais probablement avait-il l'habitude. Ce n'est que maintenant que la probable récurrence des actions de Jo' me sautent aux yeux; moment de clairvoyance rapidement effacé par la mélodie de Pumped Up Kicks qui résonne dans le bar, et sur laquelle je ne manque assurément pas de pousser la chansonnette. L'air de l'extérieur n'est pas le seul, à me faire frissonner.
Mon cœur a repris sa course folle.
Ce salaud croit que je vais descendre le Mont Everest tout schuss sans risquer de plonger dans une crevasse au passage.

Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.
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