Le printemps était définitivement installé à Brisbane. Les belles journées se succédaient les unes après les autres et tu ne manquais pas les taquineries de tes collègues qui te faisaient remarquer que tu n’en avais pas beaucoup profité. Avec l’approche de la fin de l’année scolaire, tu avais mis toute ton énergie dans la préparation des examens finaux ainsi que le soutien à tes élèves pour qu’ils réussissent leurs projets de fin d’année. C’était toujours la partie de ton métier que tu préférais. Les longues heures que tu passais dans ton bureau, la porte ouverte, laissant la possibilité aux élèves qui avaient des questions ou envie de discuter d’art, venir le faire. Tu faisais parti des enseignants qui faisaient le plus de permanences de ce genre mais c’était des moments privilégiés à tes yeux. Tu aimais leur donner des conseils, leur dire où se trouvait la meilleure galerie par rapport à leurs sujets et à leurs goûts et c’était des moments de partages riches. Bien entendu, il fallait que tout cela reste professionnel, les élèves que tu avais depuis plusieurs années savaient à quel point tu n’aimais pas parler de toi et d’ailleurs ils étaient les premiers à avouer ne rien savoir de ta vie. Tu connaissais les rumeurs, il y en avait des dizaines, toutes plus folles les unes que les autres. Tu pouvais être homosexuel un jour, père d’enfants cachés un autre jour, c’était en fonction des humeurs et de l’imagination des étudiants ce jour là. Mais aujourd’hui, alors que la journée se terminait, tu décidais de faire une entorse à tes habitudes et de quitter l’université juste après tes cours. Tu avais pris avec toi ton matériel de dessin et d’aquarelle parce que tu avais besoin de peindre quelque chose. Tu ne l’avais pas fait depuis longtemps et cela te manquait. Tu n’hésitais pas une seule seconde sur l’endroit où tu voulais te rendre. Kangaroo Point en fin de journée avait la meilleure vue de la ville et serait magnifique à immortaliser une nouvelle fois, d’un autre angle cependant. Tu te garais donc en bas du parc avant de gravir la colline pour accéder à la vue. Tu ne tardais pas à trouver un endroit tranquille et tu branchais ton téléphone à tes écouteurs pour te mettre à peindre sur des classiques de la chanson française. C’était un moyen pour toi de retourner en France quelques heures même si tu étais à l’autre bout du monde. Un moyen de ne pas oublier cette culture et ce pays si important pour toi. Tu ne sais pas exactement combien de temps tu restes là mais tu sais que plusieurs heures viennent de s’écouler alors que le soleil commence à se coucher. Tu as immortaliser les couleurs sur le papier et tu es assez fier du résultat. Ce n’est pas grand chose certes mais c’est des petits moments volés de ta vie que tu aimes immortaliser. Et surtout, c’est ton petit jardin secret. Rangeant ton téléphone, tu glisses ensuite tes affaires dans ton sac avant de te lever pour redescendre à la voiture. Alors que tu suis le sentier du parc, tu te trouves subjugué par la vue qui s’offre à toi et ce beau couché de soleil et perdu dans tes pensées, tu ne fais plus réellement attention au monde qui t’entoure. C’est comme ça que tu te retrouves à percuter une jeune femme si les cheveux qui viennent te fouetter le visage sont un bon indice alors qu’elle tourne brusquement la tête. Tes réflexes semblent se mettre en place alors que tu la rattrapes de justesse. « Excusez-moi, pardon je ne regardais pas où j’allais. » Lui dis-tu ne lâchant son poignet que quand tu fus certain qu’elle tenait seule debout. Alors que tes yeux se posaient enfin sur son visage, tu ne pus t’empêcher de te dire qu’elle te disait vaguement quelque chose. Tu avais déjà croisé la route de cette jeune femme mais tu n’arrivais pas à remettre le doigt sur quand exactement cela serait arrivé. « Vous n’avez rien ? » Préféras-tu lui demander plutôt que de lui demander d’abord ne voulant pas passer pour un fou. Mais tu continuais tout de même à l’observer et tu ne pus t’empêcher de lui faire remarquer : « J’ai l’impression que nous nous sommes déjà croisés … » C’était presque un murmure, comme si tu étais en train de te parler à toi-même finalement mais peut-être que la jeune femme se souviendrait elle ? Dans tous les cas, ce n’était pas très grave, tu pouvais aussi te tromper.
Le printemps ayant déjà bien pointé le bout de son nez, Justine en profitait pour passer la majeure partie de son temps à l’extérieur. Elle avait posé six jours de congé auprès de sa chef de service, et avait été ravie d’apprendre qu’ils avaient été acceptés. Pour une fois, elle n’avait pas envie de partir quelque part, elle avait envie de profiter de ses jours de liberté pour se reposer, se donner à ses activités diverses et variées, et profiter de ses amis et sa famille. C’était aujourd’hui le premier jour de cette lignée, et la blonde en avait profité pour dormir jusque neuf heures, heure bien tardive pour l’infirmière qui était souvent debout avant six heures. Elle s’était levée tranquillement, avait profité de l’occasion pour aller se chercher un croissant dans la boulangerie de son quartier, et s’offrant un beau petit-déjeuner. Elle avait choisi de ressortir ses vêtements de saison, optant pour une jupe à volants fleurie et un débardeur uni pour ne pas multiplier les motifs. Elle avait proposé à son petit frère de passer la journée avec elle et de partager un repas dans le centre-ville de Brisbane. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas réellement passer du temps avec lui et elle avait besoin de renouer les liens, de le mettre à jour sur sa vie et d’entendre les péripéties qu’il aurait certainement à lui raconter. Elle lui avait donné rendez-vous dans le centre et l’avait rejoint, à l’avance comme à son habitude. Les heures avaient défilé rapidement en sa compagnie, et c’est l’esprit joyeux qu’elle décida de passer par Kangaroo Point avant de rentrer chez elle. Elle marchait, d’un pas léger et un sourire toujours collé sur son visage quand elle heurta quelqu’un qui arrivait face à elle. L’équilibre lui manque et elle frôle la chute. L’homme qui l’a bousculé attrape son poignet avant l’impact, l’aidant à se redresser « Excusez-moi, pardon je ne regardais pas où j’allais. ». Justine releva les yeux vers l’homme en question, son visage lui semblant familier. Il ne lui fallut que quelques minutes pour replacer les choses dans leur contexte et remettre un prénom sur ce visage. Il s’agissait de Marius Warren, l’oncle d’une petite fille dont s’était occupé Justine à plusieurs reprises. Elle avait rapidement sympathisé avec lui, lui donnant régulièrement des conseils, mais avait été surprise quand celui-ci l’avait rembarré quand elle lui avait demandé des nouvelles de sa nièce en le croisant par hasard. Depuis cette rencontre, ils ne s’étaient plus jamais croisés, et l’infirmière avait conservé un souvenir amer de sa réaction et du fait qu’il n’était jamais revenu prendre des nouvelles d’elle. Elle ne sympathisait que très rarement avec les familles de ses patients, quand cela arrivait, c’est qu’elle avait réellement le sentiment que ça pouvait donner quelque chose de beau, alors elle avait été extrêmement déçue de son comportement. Elle qui n’était pas rancunière, elle avait pourtant du mal à passer à autre chose ce coup-ci « Pas de soucis, ça peut arriver à tout le monde. ». Etant donné qu’il la vouvoyait, Justine se doutait qu’il n’avait pas compris qui elle était, et elle voulait voir s’il arriverait à réaliser qu’ils se connaissaient sans coup de pouce de sa part. Son sourire et son humeur légère s’étaient volatilisés, laissant place à une boule dans sa gorge. Il lâcha son poignet et porta enfin ses yeux sur elle, l’observant avec une certaine insistance « Vous n’avez rien ? ». Elle secoua lentement la tête, le rassurant sur ce point-là. Elle n’avait aucune conséquence physique, mais moralement c’était autre chose « Non non, plus de peur que de mal. ». Elle afficha tout de même un sourire timide, se voulant courtoise et ne voulant pas le mettre mal à l’aise dès les premières minutes « J’ai l’impression que nous nous sommes déjà croisés … ». La blonde croisa lentement ses bras sur sa poitrine, ne détournant pas son regard de celui de Marius « Effectivement, on s’est déjà croisés. ». Elle garda son regard plongé dans le sien, et ravala sa salive rapidement « Peut-être es-tu victime d’une amnésie, ça expliquerait l’absence de nouvelles… ». Elle était complètement ironique, et ne s’en cachait pas, mais elle avait vraiment gardé beaucoup de rancœur, et elle voulait qu’il en ait conscience « Justine. Justine Hudson ? Infirmière en pédiatrie au St Vincent ? ». Elle plissa légèrement les yeux, guettant la moindre réaction sur son visage.
Cela allait bientôt faire deux ans que tu étais revenu à Brisbane et tu pensais avoir déjà fait le tour des personnes que tu avais pu blesser avec ton départ. Vu la rapidité et la manière dont tu avais quitté ta ville natale, tu avais laissé un certain nombre de personnes avec un ressenti à ton égard que tu avais dû gérer en rentrant et tu l’avais amèrement regretté car tu aurais préféré pouvoir rentrer tranquillement et ne devoir gérer que tes relations avec Tommy et ta famille en général. Tout cela n’était que du passé et tu avais pu de nouveau te faire ta place à Brisbane et te faire pardonner des personnes qui comptaient pour toi. Tu ne pensais pas, en bousculant une jeune femme après avoir peint quelques heures, retomber dans cette situation. Tu ne l’avais d’abord pas reconnue et le plus important pour toi était de vérifier que la jeune femme ne s’était pas faite mal, qu’elle n’avait rien. « Pas de soucis, ça peut arriver à tout le monde. Non non, plus de peur que de mal. » Même si ce n’était qu’un accident et qu’elle ne s’était pas faite mal, cela n’empêchait pas que tu t’excuses car tu étais un homme poli et mesuré en général. Le visage de la jeune femme, maintenant que tu pouvais le regarder te disait vaguement quelque chose, comme si tu aurais dû la reconnaitre, comme si tu l’avais déjà croisée. Tu décidais alors de lui poser la question pour voir si ce n’était qu’une impression ou si elle avait peut-être une meilleure mémoire que toi. Tu fus légèrement surpris quand elle croisa ses bras et que soudainement son sourire disparut. Les paroles qu’elle prononça ensuite furent aussi tranchantes qu’une lame de couteau bien aiguisée. « Effectivement, on s’est déjà croisés. Peut-être es-tu victime d’une amnésie, ça expliquerait l’absence de nouvelles… Justine. Justine Hudson ? Infirmière en pédiatrie au St Vincent ? » Et soudain, c’est comme si le nuage qui obscurcissait ton cerveau s’était levé soudainement, sans prévenir. Tu te souvenais de la jeune femme. Elle avait été l’infirmière qui t’avait reçu la première fois que Moïra était tombée malade et que tu n’avais pas su quoi faire d’autre que de l’amener à l’hôpital. Tu te rendrais compte aujourd’hui que cela avait été un peu excessif mais tu avais fait ce que tu pensais être le plus raisonnable à l’époque alors que tu avais du mal à ne pas paniquer. Ne sachant pas prendre soin d’un enfant, tu avais écouté les conseils avisés de Justine en ce qui concernait ta nièce et tu t’étais débrouillé pour que ce soit elle qui s’occupe de vous quand vous alliez à l’hôpital. Bien sûr, Moïra voyait un médecin mais le sourire et la bonne humeur de Justine était très appréciable dans ces moments de fort stress pour toi. Et avec tous ces souvenirs revint celui de votre dernière rencontre. Tu avais croisé Justine en dehors de l’hôpital et à force vous aviez sympathisé. A n’importe quel autre moment tu aurais été ravi de la voir mais ce jour-là ce n’était clairement pas le bon moment. Sauf que Justine ne pouvait pas le savoir …. « Je … » Non, lui dire que tu étais désolé n’était vraiment pas la bonne chose à faire dans cette situation. Pourtant tu l’étais car Justine avait toujours été d’une gentillesse irréprochable avec toi et tu le lui avais bien mal retourné. « Je suis vraiment désolé de ne pas t’avoir reconnu et pour la dernière fois que l’on s’est vu. » Cela remontait à avant ton départ pour la France donc presque quatre années désormais. « Je sais que cela ne change rien mais je suis vraiment désolé. J’étais dans un état psychologique assez compliqué à l’époque et j’ai passé deux années en France ensuite d’où l’absence de nouvelles. » Tu ne lui précisais pas que tu n’en avais donné à personne sauf à ta sœur aînée, c’était un détail qui n’arrangerait pas vraiment ton cas de toute manière. Tu ne savais pas si tu étais en train de marquer des points ou pas mais tu décidais de lui demander : « J’espère que tu vas bien de ton côté ? Toujours à l’hôpital du coup ? » Tu n’y étais pas retourné depuis ta dernière visite avec Moïra. Tu ne tombais pas malade et désormais, c’était à Tommy de s’occuper de tout cela, plus à toi.
Justine ne pensait vraiment pas recroiser Marius un jour. Il avait complètement disparu de la circulation après leur altercation dans la rue, et la ville était suffisamment grande pour ne jamais le recroiser. Pourtant aujourd’hui, ils se croisaient de nouveau par hasard, des années plus tard, et la blonde avait encore des ressentiments à son égard et une rancune par rapport à sa façon de s’être adressé à elle à l’époque alors qu’elle ne cherchait qu’à être gentille et polie. Elle était postée face à lui, presque vexée qu’il ne la reconnaisse même pas. Au fond son égo en avait pris un coup, il n’avait pas été des plus gentils avec elle, et en plus de ça il ne se souvenait même pas d’elle. Pourtant quand elle avait aperçu son visage, elle avait reconnu cet homme, même des années après « Je … ». Elle l’écouta parler, curieuse de savoir ce qu’il pourrait bien répondre à ça, curieuse de savoir quelles étaient ses motivations à l’époque et la raison de sa disparition « Je suis vraiment désolé de ne pas t’avoir reconnu et pour la dernière fois que l’on s’est vu. ». Très bien, au moins il était désolé, c’était déjà un début mais la blonde ravala sa salive, conservant ses bras croisés sur sa poitrine et ne relâchant pas ses traits tendus « Je sais que cela ne change rien mais je suis vraiment désolé. J’étais dans un état psychologique assez compliqué à l’époque et j’ai passé deux années en France ensuite d’où l’absence de nouvelles. ». L’infirmière relâcha son visage et pencha légèrement la tête sur le côté. Il le savait pourtant qu’elle était compréhensive non ? Elle était infirmière, elle en voyait des vertes et des pas mûres tous les jours et elle avait acquis une importante ouverture d’esprit à la suite de ses années de pratique « Je suis désolée de l’apprendre… Mais tu sais quand même que je ne t’aurai pas jugé si tu m’avais parlé non ? ». Elle l’interrogeait, voulant savoir ce qu’il pensait de tout ça « Au lieu de me repousser sans explications… ». Après tout elle n’était pas exigeante non ? Elle aurait seulement voulu comprendre pourquoi cette froideur alors qu’un lien amical s’était créé entre eux deux. Elle en avait marre d’avoir constamment l’impression de ne pas être assez bien pour tout le monde, et il avait renforcé ce sentiment en la repoussant, en refusant sa main tendue. Il n’en avait probablement pas du tout conscience, mais c’était le cas, elle s’était sentie profondément blessée, d’autant plus car elle avait été laissée dans l’incompréhension la plus totale « J’espère que tu vas bien de ton côté ? Toujours à l’hôpital du coup ? ». Elle desserra ses bras, les laissant retomber le long de son corps, et relâchant un peu de tension malgré elle « Oui je suis toujours là-bas en pédiatrie. ». Elle accrocha son regard, tentant d’y déceler la moindre émotion, le moindre regret et espérant qu’il comprendrait la raison de sa rancune « Et toi, tu en es où dans ta vie du coup ? J’espère que la France t’a fait du bien du coup. ». Quitte à avoir disparu de la circulation, autant que ça lui ai servi et que son état psychologique se soit amélioré. Malgré sa déception, la blonde ne souhaitait aucun malheur à l’homme qui se tenait face à elle, et espérait que ses tourments se soient estompés. Elle décida volontairement de ne demander aucune nouvelle de Moïra, ne voulant pas provoquer une nouvelle dispute, un nouveau retournement de situation.
S’il y avait bien une chose que tu n’aimais pas, c’était devoir t’expliquer. Et en particulier à des gens qui ne te connaissaient pas vraiment et à qui expliquer ce qui t’était arrivé n’était pas vraiment possible, ils ne comprendraient pas. Mais alors que tu fais le lien, que tu comprends d’où tu connais cette demoiselle blonde et pourquoi elle est en colère, tu ne peux t’empêcher de lui donner une explication. Car même si tu es incapable de te souvenir des mots que tu as prononcés, ni même de l’altercation en elle-même, tu te doutes que tu as été odieux. Tu avais toujours su l’être quand c’était nécessaire. Frapper l’autre avant que l’autre ne perce ta carapace, attaquer pour repousser et décourager toutes les tentatives extérieures. Pourtant, Dieu sait que tu aurais eu besoin de béquilles à cette époque mais tu n’avais jamais été très doué pour les accepter. Et Justine était tombée au mauvais endroit, au mauvais moment. Ce n’était pas de sa faute, elle n’y pouvait rien mais c’était ainsi. Alors la moindre des choses désormais c’était de lui donner une explication, d’essayer de lui faire comprendre que ce n’était pas contre elle que tu en avais, elle qui s’était si bien occupée de Moira les quelques fois où ta nièce avait dû faire un petit séjour à l’hôpital. La jeune femme t’écoute, plus curieuse qu’autre chose et tu ne sais pas si tu es convainquant mais tu t’en fiches, tes explications seront à prendre ou à laisser. « Je suis désolée de l’apprendre… Mais tu sais quand même que je ne t’aurai pas jugé si tu m’avais parlé non ? Au lieu de me repousser sans explications… » Justine n’était pas la première à te faire cette remarque. Et tu commençais à te dire que c’était peut-être toi l’homme bizarre. Tu n’aimais pas parler de toi, raconter tes déboires à des amis ou à des connaissances. Ce n’était pas qui tu étais et ce n’était pas contre Justine qui avait toujours été adorable avec toi. Tu n’avais pas peur d’être jugé, ce n’était pas vraiment ce qui te préoccupait. Tu n’avais juste pas envie d’être entouré et pris en pitié alors tu avais fait ce que tu savais faire de mieux, tu avais repoussé tout le monde en bloc. « Ce n’était vraiment pas contre toi. J’ai repoussé tout le monde à l’époque. » Tu marquais une petite pause avant de dire : « Je ne suis pas quelqu’un de très loquace et cela est encore pire quand il s’agit de parler de moi. Je … Ne le prend vraiment pas personnellement. » Lui dis-tu en plongeant ton regard dans le sien dans l’espoir de la convaincre. Tu n’avais vraiment rien contre Justine, bien au contraire ! Tu ne savais pas si savoir que tu avais repoussé même tes plus proches amis l’apaiserait ou si elle trouverait cela triste mais bon, c’était la vérité au moins. Pour détendre un peu l’atmosphère, tu pris de ses nouvelles. « Oui je suis toujours là-bas en pédiatrie. » Tu hoches la tête avec un petit sourire. Justine est une infirmière exceptionnelle, les enfants ont de la chance de l’avoir à leurs côtés. « Et toi, tu en es où dans ta vie du coup ? J’espère que la France t’a fait du bien du coup. » C’était une excellente question. Où en étais-tu dans ta vie exactement ? Tu n’étais pas certain d’avoir beaucoup avancé depuis que tu étais revenu mais tu allais mieux. Tu pouvais de nouveau avoir un petit rôle dans la vie de Moïra et c’était le plus important pour toi. « La France m’a fait beaucoup de bien. J’ai pu tourner la page sur beaucoup de choses et je … J’en avais besoin. » Finis-tu par dire. Tu ne t’en étais pas rendu compte tout de suite mais lors de ces deux années en France, tu avais pu dire au revoir à Alice. Une manière pour toi d’essayer de tourner cette page douloureuse de ton histoire. « J’ai repris mon poste d’enseignant à l’université et j’essaie de reconstruire des liens avec ma famille. Mais tu as plus de chance de me croiser dans des galeries d’art si tu me cherches. » Dis-tu avec un petit sourire à la jeune femme.
L’infirmière était comme ça, elle prenait les choses à cœur et quand quelqu’un se retournait contre elle sans qu’elle n’en comprenne, elle pouvait devenir rancunière et assez froide. Certes, elle n’avait pas non plus une relation privilégiée avec Marius, ils n’étaient pas intimes, mais elle aurait quand même voulu comprendre pourquoi un tel revirement de situation. Elle ne pensait pas avoir fait quelque chose de mal, mais si c’était le cas, elle aimerait autant le savoir pour ne pas reproduire les mêmes erreurs, que ce soit avec lui ou avec quelqu’un d’autre. Elle n’avait pas pour intention d’aller le confronter, choisissant plutôt de le laisser s’éloigner s’il en ressentait le besoin. Tomber sur lui par hasard était l’occasion de poser ses questions, et de tenter de creuser la situation, pour démêler le nœud du problème et enfin savoir ce qui s’était passé dans la tête du jeune homme. Elle l’écoutait avec beaucoup d’attention, comme à son habitude « Ce n’était vraiment pas contre toi. J’ai repoussé tout le monde à l’époque. ». Elle pencha légèrement la tête, pinçant ses lèvres. Il devait visiblement avoir eu de gros soucis pour s’être autant isolé et elle se sentait désolée d’avoir été si cassante avec lui « Je ne suis pas quelqu’un de très loquace et cela est encore pire quand il s’agit de parler de moi. Je … Ne le prend vraiment pas personnellement. ». Elle hocha la tête, tentant de le rassurer par sa gestuelle. Elle n’allait pas lui reprocher pendant mille ans de s’être enfui face à ses soucis, et elle était soulagée que le problème ne vienne pas directement d’elle « Ne t’en fais pas. Je suis désolée d’avoir été aussi piquante plus tôt. ». Elle avait juste voulu le faire réagir, elle avait voulu le bousculer un peu pour être fixée, pour qu’il en vienne à s’ouvrir un peu plus « Je pensais que tu me reprochais un truc et que tu avais juste fui au lieu de me dire les choses, mais je suis soulagée que ce ne soit pas le cas. ». On sait jamais, elle aurait pu avoir une remarque déplacée devant sa nièce ou autre, qui aurait pu irriter le jeune homme qui aurait juste coupé les ponts sans rien dire. Elle lui expliqua qu’elle travaillait toujours dans le service de pédiatrie, les choses n’avaient pas beaucoup évoluées pour elle, mais elle n’en était pas mécontente « La France m’a fait beaucoup de bien. J’ai pu tourner la page sur beaucoup de choses et je … J’en avais besoin. ». Elle lui adressa un sourire plein de compassion et se relâcha un peu, laissant partir la tension qui avait pris possession de son corps en début de discussion « Tant mieux… Je n’y suis jamais allée, tu étais où exactement ? ». Elle prit le rôle de la Justine curieuse, qui s’intéresse à tout et à rien, qui pose des questions et écoute les réponses avec grande attention « En tout cas, si ce voyage a pu te faire du bien c’est une bonne chose. Tu es quand même content d’être de retour ici ? ». Elle lui sourit gentiment et l’observe tandis qu’il s’apprête à poursuivre « J’ai repris mon poste d’enseignant à l’université et j’essaie de reconstruire des liens avec ma famille. Mais tu as plus de chance de me croiser dans des galeries d’art si tu me cherches. ». Elle répond à son sourire « C’est super, et dans les galeries tu y vas en tant que visiteur ou exposant ? C’est tout là la question ! ». Elle serait curieuse de voir comment Marius se débrouillait niveau dessins, ayant déjà discuté avec lui de ce passe-temps qu’il affectionnait « Et Moira comment se porte-t-elle ? Ça lui fait quel âge tout ça déjà ? ». Elle ne l’avait pas vue depuis très longtemps, la petite fillette avait du bien grandir et très certainement avoir évolué de manière spectaculaire.
Laisser la jeune femme croire qu’elle avait quelque chose à se reprocher par rapport à votre dernière rencontre c’était cruel et sans intérêt. Si votre dernière rencontre s’était transformée en altercation et en moment désagréable, c’était uniquement de ton fait et elle n’y était vraiment pour rien. Malgré cela, tu n’avais jamais été très à l’aise avec les excuses et les explications et tu espérais donc ne pas être trop maladroit dans la manière dont tu t’excusais actuellement. Il était important pour toi qu’elle comprenne que tu n’avais pas été désagréable qu’avec elle et que tu avais coupé tout lien avec Brisbane un moment. Vraiment tous. Les personnes avec qui tu étais restées en contact était des personnes qui habitaient désormais dans le monde entier et qu’encore aujourd’hui tu ne contactais que par internet. « Ne t’en fais pas. Je suis désolée d’avoir été aussi piquante plus tôt. Je pensais que tu me reprochais un truc et que tu avais juste fui au lieu de me dire les choses, mais je suis soulagée que ce ne soit pas le cas. » Elle avait le droit d’être en colère et de t’en vouloir. Elle ne serait pas la première à te dire que tu avais vraiment des manières d’homme des cavernes et des problèmes avec les relations sociales. Tu n’avais pas besoin qu’on te le dise, tu le savais déjà mais c’était la seule manière qui fonctionnait pour toi quand tu étais blessé et que tu avais besoin de panser tes blessures. Ne compter sur personne à part toi-même était devenu une sorte de mantra pour toi. « Tu en as le droit, je ne t’ai pas donné de bonnes raisons de ne pas l’être. Toute cette histoire n’avait rien à voir avec toi et je suis désolé que cela te soit retombé dessus. Tu as toujours été accueillante et rassurante, de bons conseils quand on finissait à l’hôpital, bien plus que ce que j’attendais d’une infirmière. » La passion que tu avais pour ton métier, il était évident que la demoiselle l’avait pour le sien. Tu avais pu la voir en action à l’époque et elle était heureuse d’exercer ce métier. Elle t’avait beaucoup aidé quand tu avais eu Moïra et que tu doutais de tout ne sachant pas ce qui pouvait être considéré comme un signe grave d’une maladie ou d’une blessure et que tu paniquais pour un rien. Cela te paraissait si loin aujourd’hui … « Tant mieux… Je n’y suis jamais allée, tu étais où exactement ? En tout cas, si ce voyage a pu te faire du bien c’est une bonne chose. Tu es quand même content d’être de retour ici ? » Tu ne t’attendais pas à ce qu’elle passe l’éponge aussi facilement, à ce qu’elle accepte tes explications et s’intéresse à ce que tu avais fait ces dernières années. Mais la jolie blonde t’avait toujours surpris et qu’elle continue à le faire te faisait plaisir. « J’étais à Paris, on m’a offert un poste à l‘Ecole des Beaux Arts mais j’ai passé quelques week-ends sur la côte Atlantique. » Dis-tu avant de la rassurer sur un point. Malgré la difficulté de ton retour, tu étais heureux d’être revenu. Tu en avais eu besoin. « Je suis parti deux fois vivre à l’étranger et j’ai adoré ces expériences mais je ne serai jamais aussi à ma place qu’à Brisbane. Le retour n’était qu’une question de temps. » Te contentas-tu de répondre à la question qu’elle te posait. Tes proches trouvaient cela étrange que tu penses cela, ils avaient tendance à te voir plus t’épanouir à Paris. Est-ce que c’était parce qu’ils préfèreraient t’avoir loin de leur vie ? Peut-être, tu doutais leur être essentiel après tout. Tu confiais ensuite à la demoiselle que tu avais repris tes activités d’enseignement à l’université et que tu reconstruisais petit à petit une vie à Brisbane où Moïra n’avait qu’une petite place, voire inexistante. « C’est super, et dans les galeries tu y vas en tant que visiteur ou exposant ? C’est tout là la question ! » Tu laissais échapper un petit rire à cette question. Tu étais professeur d’histoire de l’art et même s’il t’arrivait de dessiner et de faire des aquarelles, tu ne te considérais pas vraiment comme un artiste. « Je ne fais que les visiter. Je ne suis pas un artiste, du moins pas un assez abouti pour être exposé. Cela ne me dérange pas, je laisse ça aux autres, l’enseignement était pour moi une évidence. » Tu n’avais jamais été tenté par le métier d’artiste, ce n’était pas quelque chose qui t’avait attiré donc tu n’avais aucun regret à ce sujet. « Et Moira comment se porte-t-elle ? Ça lui fait quel âge tout ça déjà ? » Tu sentis ton sourire se figer quelques secondes. C’était un miracle que vous n’ayez pas parlé de Moïra depuis le début de votre conversation, tu aurais dû te douter que c’était trop beau pour être vrai. « Moïra va très bien, du moins c’était le cas la dernière fois que j’ai eu des nouvelles. Elle va faire onze ans cette année. » Dis-tu à l’infirmière alors qu’elle te jetait un regard d’incompréhension. Oui, tu n’étais plus responsable de Moïra, c’était à peine si tu pouvais la voir depuis ton retour. « Elle vit avec son père. Mon frère cadet me l’avait laissée le temps qu’il règle ses affaires au Canada mais il est revenu et c’est lui qui a la garde de Moïra. » Belle manière de dire les choses. Ton frère était sorti de prison après que tu aies coupé tout contact entre lui et sa fille avant de la récupérer et de t’empêcher de la voir. Oui, vraiment que de bons souvenirs … « Tu as des enfants de ton côté ? » Lui demandas-tu curieux à ton tour.
« Tu en as le droit, je ne t’ai pas donné de bonnes raisons de ne pas l’être. Toute cette histoire n’avait rien à voir avec toi et je suis désolé que cela te soit retombé dessus. Tu as toujours été accueillante et rassurante, de bons conseils quand on finissait à l’hôpital, bien plus que ce que j’attendais d’une infirmière. ». Un sourire rassuré était apparu sur les lèvres de la blonde. Elle n’appréciait pas savoir qu’elle avait causé du tort à quelqu’un, surtout lorsque c’était complètement involontaire. Elle ne connaissait pas le jeune homme depuis longtemps lorsque cette histoire avait eu lieu, mais elle avait eu l’impression qu’ils avaient tissé une certaine relation de confiance lors de ses allers venues à l’hôpital et qu’elle avait mérité ne serait-ce qu’un petit message d’explication « Ça fait partie de mon travail tu sais, et puis mon pauvre tu avais l’air si inquiet pour elle que si je te laissais repartir sans t’avoir rassuré au maximum, tu risquais de revenir dans l’heure qui suivait… ». Elle était souvent amusée par ces parents qui paniquaient au moindre bobo, au moindre pic de température. C’était amusant et à la fois touchant car cela montrait leur attention et l’amour qu’ils portaient à leurs enfants. C’était probablement livré avec les enfants de devenir inquiets pour tout, mais la blonde ne connaissait pas ce sentiment et il n’était pas prévu qu’elle le connaisse de si tôt. La discussion s’orienta sur le voyage en France, sur les différentes destinations qu’avaient parcourues Marius et sur les bienfaits qu’il avait eu sur lui « J’étais à Paris, on m’a offert un poste à l‘Ecole des Beaux Arts mais j’ai passé quelques week-ends sur la côte Atlantique. ». Elle haussa les sourcils, impressionnée par le poste qu’il avait décroché, cela sonnait prestigieux à ses oreilles et il lui semblait qu’il s’agissait d’une grande école « Ouah c’est impressionnant, c’est assez réputé comme école non ? ». Les rares discussions qu’elle avait eu à propos d’arts avaient suffi à lui laisser penser que ce lieu était connu des artistes et que certains des meilleurs étaient passés par là « Je suis parti deux fois vivre à l’étranger et j’ai adoré ces expériences mais je ne serai jamais aussi à ma place qu’à Brisbane. Le retour n’était qu’une question de temps. ». Elle hocha la tête, s’identifiant parfaitement à son propos « Oui je comprends, je ne me vois pas vivre ailleurs qu’ici non plus, mais contrairement à toi je crois que je n’aurai pas le cran de partir à l’étranger aussi longtemps ! ». S’éloigner de sa famille, de ses amis les plus proches, de son hôpital et de son train de vie australien l’effrayait, mais c’était quelque chose qu’elle avait de plus en plus envie de changer avec les années, elle aimerait oser partir pendant quelques temps, au moins quelques mois. Peut-être quand elle aura passé la quarantaine, si elle n’a toujours pas de famille, elle prendra ses clics et ses clacs et elle vivra une aventure pour elle-même « Je ne fais que les visiter. Je ne suis pas un artiste, du moins pas un assez abouti pour être exposé. Cela ne me dérange pas, je laisse ça aux autres, l’enseignement était pour moi une évidence. ». La blonde était tout sauf une artiste, bien qu’il lui arrivait de temps à autre de décorer des gâteaux, son talent s’arrêtait là « Tu sais pour moi toute personne qui a dépassé le stade du bonhomme bâton est un artiste alors… Mais oui, je trouve que l’enseignement te correspond bien. ». Justine avait toujours trouvé que Marius avait une aura respectable, une âme pédagogue et un profond respect pour les autres. Et il s’agissait de qualités appréciées dans le domaine de l’enseignement « Moïra va très bien, du moins c’était le cas la dernière fois que j’ai eu des nouvelles. Elle va faire onze ans cette année. ». Marius dut voir l’incompréhension sur le visage de l’infirmière car il reprit rapidement « Elle vit avec son père. Mon frère cadet me l’avait laissée le temps qu’il règle ses affaires au Canada mais il est revenu et c’est lui qui a la garde de Moïra. ». Elle hocha la tête, comprenant un peu mieux son absence de sourire en évoquant la jeune fille « D’accord je vois… Ça a du te faire bizarre de passer du tout au rien j’imagine… Onze ans, c’est fou ce que le temps passe vite. ». Elle se souvenait des fois où elle l’avait prise en charge comme si c’était rien, et maintenant voilà qu’elle avait dépassé sa première décennie « Tu as des enfants de ton côté ? ». Un léger sourire presque ironique avait pris place sur les lèvres de la jeune femme. Ce n’était pas l’envie d’avoir des enfants qui lui manquait, mais jusque ici elle n’avait pas trouvé de père « Non je n’ai pas d’enfants, j’aimerai en avoir un jour… ». Elle leva la tête, pensive, imaginant des petites têtes blondes courir dans ses bras « Mais pour l’instant je n’ai trouvé personne pour ça ! ». C’était aussi simple que ça, et Justine ne se voyait pas se lancer dans des parcours d’adoption ou de fécondation in vitro. Elle souhaitait le pack famille qui comprenait enfants et un père, bien qu’elle admirait toutes ces mamans célibataires qui faisaient un boulot remarquable « Je ne me suis même pas posé la question parce que je n’ai vu que Moïra, mais tu en as toi ? ». Après tout, depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, il avait pu se passer des choses.
Avoir un enfant ça avait été dans tes plans quand tu étais jeune mais quand Tommy avait laissé Moïra sur le pas de ta porte avec à peine quelques mots d’explications, tu t’étais déjà fait à l’idée que tu n’en aurais certainement jamais. Les parents ont en général le temps de s’habituer, de voir grandir leur progéniture. Toi, tu avais dû jouer un rôle d’oncle que tu n’avais pas eu le temps d’appréhender et en même temps, jouer le rôle de père de substitution jusqu’au retour de ton frère dont la date n’était jamais certaine. Alors oui, comme te le faisait remarquer Justine avec humour, tu n’avais pas toujours géré la situation avec ton calme légendaire : « Ça fait partie de mon travail tu sais, et puis mon pauvre tu avais l’air si inquiet pour elle que si je te laissais repartir sans t’avoir rassuré au maximum, tu risquais de revenir dans l’heure qui suivait… » Tu aurais vraiment aimé nier ces accusations mais malheureusement, elle avait sans doute raison. La santé de ta nièce et son bonheur avaient été les deux indicateurs principaux de ta vie tout le temps où elle avait vécu chez toi. La transition n’avait pas été simple pour toi quand précédemment, seuls les commentaires et les appréciations positives de tes collègues, supérieurs et élèves te motivaient à avancer. Tu le reconnaissais sans mal, heureusement que Justine avait été là avec son sourire rassurant et sa bonne humeur. « Tu as sans doute raison. J’avais tellement à apprendre et je n’avais pas pu me préparer. C’était un autre temps tout ça … » Finis-tu par dire laissant la nostalgie s’installer dans tes propos. Ces années te paraissaient aujourd’hui si loin. Il s’était passé tellement de choses depuis, de belles choses comme des choses dont tu étais moins fier mais toutes ces expériences t’avaient fait évoluer. Le sujet de ton expatriation en France vint sur le tapis et tu confiais à Justine avoir été professeur à l’école des Beaux Arts, un lieu qui te manquait aujourd’hui mais tu savais que ta place était bel et bien à Brisbane. « Ouah c’est impressionnant, c’est assez réputé comme école non ? » Tellement habitué à parler avec des initiés, tu oubliais que tout le monde ne connaissait pas les classements des écoles d’art mais surtout, tu n’avais pas donné cette information à la jolie blonde pour te vanter. « C’est très réputé dans le milieu et en France en effet. J’ai beaucoup aimé cette expérience, j’ai de la chance que des collègues aient eu confiance en moi. » Enfin, surtout d’anciennes connaissances de l’année que tu avais passé à Paris quand tu étais doctorant. Tes séjours en France avaient toujours été des moments particuliers de ta vie que tu aimais te rappeler avec joie. Pourtant, tu n’avais plus envie de partir désormais. Tes envies d’ailleurs semblaient s’être envolées comme ton besoin de fuir. Il était temps que tu affrontes tous tes démons et même si cela était difficile, tu continuais sans relâche. « Oui je comprends, je ne me vois pas vivre ailleurs qu’ici non plus, mais contrairement à toi je crois que je n’aurai pas le cran de partir à l’étranger aussi longtemps ! » Ce n’était pas fait pour tout le monde mais tu étais persuadé que n’importe qui pouvait se trouver la force nécessaire si le besoin de quitter la vielle était pressant. Tu ne t’étais pas vu repartir à l’étranger non plus à cette époque mais quand Tommy était revenu, tout avait changé. « Quand on a besoin de fuir, on se découvre un certain nombre de forces insoupçonnées. Mais il ne faut pas se forcer c’est évident. » Ajoutas-tu pour ne pas rester sur un aveu que tu regrettais presque d’avoir fait. Vu la manière dont tu étais parti, tes proches n’avaient pas eu besoin que tu leur expliques que tu avais pris la fuite, ils l’avaient compris. Mais ce n’était pas l’image que tu aimais renvoyer à des personnes qui ne te connaissaient pas très bien. Tu confiais ensuite à Justine te promener souvent dans les galeries d’art où tu n’exposais rien cependant, tu n’étais qu’un spectateur. « Tu sais pour moi toute personne qui a dépassé le stade du bonhomme bâton est un artiste alors… Mais oui, je trouve que l’enseignement te correspond bien. » Tu souris amusé car c’était en effet une manière comme une autre de voir les choses. Mais tu n’aimais pas être considéré comme un artiste, tu préférais être un enseignant avec un passe-temps qu’autre chose. « Tout comme tu étais née pour être infirmière. Je n’ai jamais croisé ton équivalent. » Lui dis-tu sincèrement car même si tu n’avais pas souvent été dans les services de pédiatrie ces dernières années, tu y avais mis les pieds notamment en France quand la fille de Margot était malade et puis tu avais eu à te rendre à l’hôpital quelques fois et la gentillesse et le sourire de Justine étaient devenus des marques d’attention que tu avais encore plus appréciées ensuite. Vu qu’elle ne demandait, tu donnais à Justine des nouvelles de Moïra expliquant le plus vaguement possible pourquoi tu n’en avais plus la garde aujourd’hui. « D’accord je vois… Ça a du te faire bizarre de passer du tout au rien j’imagine… Onze ans, c’est fou ce que le temps passe vite. » C’était le moins que l’on puisse dire mais tu préférais ne pas en rajouter sur ce sujet, ton amertume serait bien trop présente dans ta réponse. Mais Justine avait raison, tu avais du mal à te dire que Moïra avait déjà onze ans. « Non je n’ai pas d’enfants, j’aimerai en avoir un jour… Mais pour l’instant je n’ai trouvé personne pour ça ! Je ne me suis même pas posé la question parce que je n’ai vu que Moïra, mais tu en as toi ? » Ah … La bonne personne … Tu espérais sincèrement que Justine trouverait cette personne et pourrait réaliser ce désir car il était évident pour toi qu’elle était née pour avoir des enfants. Toi tu avais juste abandonné ce rêve, l’enfermant dans une boîte et ne cherchant plus à le réaliser. Car la bonne personne en avait choisi un autre et cela semblait le cas de toutes les femmes que tu laissais entrer dans ton coeur. « Non je n’en ai pas, au plus grand désespoir de ma mère. Elle continue d’espérer alors que je me suis résigné. Ma carrière est en quelque sorte un substitut de l'enfant que je n'aurai jamais je suppose. » Dis-tu en haussant les épaules. « Je te souhaite de trouver cette bonne personne et de pouvoir réaliser ce rêve, tes enfants auront de la chance. » Bien plus que les tiens n’en auraient eu si tu en avais eu un jour.
« Tu as sans doute raison. J’avais tellement à apprendre et je n’avais pas pu me préparer. C’était un autre temps tout ça … ». Elle hocha la tête, repensant à cette époque où elle avait été là pour le duo improbable. Elle avait rapidement senti beaucoup d’amour entre ces deux-là, et c’est pour cette raison qu’elle pouvait comprendre qu’il avait été difficile pour Marius de renoncer à cette complicité. Il y avait une grande différence entre voir une enfant tous les jours, s’en occuper comme de sa propre fille, et ne la voir que très occasionnellement. Elle espérait quand même qu’il avait l’occasion de passer du temps avec elle « C’est très réputé dans le milieu et en France en effet. J’ai beaucoup aimé cette expérience, j’ai de la chance que des collègues aient eu confiance en moi. ». L’art n’est pas un domaine dans lequel l’infirmière excellait, et si ses questions pouvaient paraître débiles aux yeux de Marius, elle était vraiment perdue sur le sujet « Oui, tu m’étonnes. Tu en as tiré du positif malgré tout et c’est une bonne chose. ». Elle était comme ça la blonde, toujours à tirer le positif de chaque situation, à voir le soleil là où les autres voyaient une averse. Une éternelle optimiste qui ne laissait que très rarement la négativité entrer dans sa vie « Quand on a besoin de fuir, on se découvre un certain nombre de forces insoupçonnées. Mais il ne faut pas se forcer c’est évident. ». La blonde souleva un sourcil curieux, interpellée par sa façon de formuler les choses. Une fuite c’est quelque chose de plus grave qu’une simple envie d’ailleurs. Elle n’avait pas envie de forcer les choses, de le pousser à parler ou autre. Elle avait vu comment il s’était renfermé par le passé et préférait éviter de se retrouver dans une situation embarrassante pour tous les deux, s’il voulait lui parler, il savait qu’elle était là « Oui tu as sans doute raison ! ». Elle n’alla pas plus loin, lui adressant un sourire compatissant « Tout comme tu étais née pour être infirmière. Je n’ai jamais croisé ton équivalent. ». Elle ne put s’empêcher de rougir légèrement, touchée par ce compliment. Il est vrai qu’elle avait toujours su qu’elle voulait être infirmière, et elle n’avait jamais changé de voie, malgré la difficulté du cursus, et ses problèmes personnels qui lui avaient fait perdre pied « Merci Marius, en tout cas tu sais que si tu as besoin tu as une infirmière dans tes contacts ! ». C’était toujours pratique d’avoir le numéro d’une infirmière quand on avait un doute sur un symptôme, des pansements à changer ou encore un conseil sur un traitement. Elle avait beau s’être spécialisée en pédiatrie, la blonde avait étudié le tronc commun comme tout le monde et pouvait se débrouiller avec des adultes également. Ils évoquèrent le sujet des enfants, sujet que la blonde affectionnait particulièrement, sans pour autant en avoir « Non je n’en ai pas, au plus grand désespoir de ma mère. Elle continue d’espérer alors que je me suis résigné. Ma carrière est en quelque sorte un substitut de l'enfant que je n'aurai jamais je suppose. ». Elle ne pouvait que comprendre ce qu’il voulait dire « Je comprends. Je remercie mon frère d’avoir fait un enfant, sinon ma mère serait encore en train d’essayer de me marier à tous les fils de ses amies ! ». Elle leva les yeux au ciel, dépitée par la manie de sa mère à vouloir la voir en couple. Au fond cette pression qu’elle lui avait mis ces dernières années avait fini par déteindre sur elle, et elle-même finissait par avoir peur de ne jamais se caser « Je te souhaite de trouver cette bonne personne et de pouvoir réaliser ce rêve, tes enfants auront de la chance. ». Elle lui répondit d’un sourire, encore une fois touchée par ses paroles « Merci Marius, on en reparle peut-être dans quelques années écoute. ». Elle ajusta la lanière de son sac à main sur son épaule et consulta l’heure sur sa montre au poignet « Je vais devoir te laisser, mon chat va finir par penser que je l’ai abandonné ! Il est au taquet sur l’heure de son repas ! ». Elle lui sourit et se penche vers lui pour lui faire la bise « Maintenant que tu es vraiment de retour, on devrait essayer de se revoir si tu en as envie, je n’ai pas changé de numéro. ».
( feat. Marius )
@Marius Warren je sais pas si tu veux répondre une dernière fois ou l'archiver maintenant ?