| | | (#)Sam 2 Nov - 0:04 | |
| Il regarde son téléphone, s’assure qu’il n’a pas de nouvelles de dernière minute qui l’empêcheraient de frapper trois petits coups à la porte de l’appartement de Deborah. Mais, devant celle-ci, il attend tout de même. Il a tenu sa promesse, jusqu’à présent, et elle le sait. Jamais il n’a trempé son propre doigt dans un sachet de poudre depuis la journée de la montgolfière. Pourtant, il ne s’est jamais trimbalé avec une aussi grande quantité de cocaïne sur lui depuis qu’un policier l’a plaqué au sol et a maintenu sa tête contre le béton chaud. De la cocaïne qu’il ne consomme pas, certes, mais qu’il vend aux personnes qui semblent assez manipulables : et il se déteste, oui, il se déteste. L’argent ne l’a jamais intéressé. Jamais il n’aurait accepté l’offre de Lou pour enfin avoir assez de billets verts pour se bourrer les poches jusqu’à ce que son jean déchire. Il a accepté pour à nouveau se sentir chez lui, sans comprendre que ce n’est pas le marché noir qui l’a toujours réconforté mais bien la sensation de faire partie d’un groupe. Mais, ce n’est pas Joseph qui s’inscrira à un cours de cuisine ou de danse classique. Et puis, lorsqu’il vend sa marchandise, son cœur bat plus vite et ses yeux brillent naturellement. Il a toujours eu un don pour convaincre l’homme le plus sain de se laisser aller pour une seule soirée, ou deux, ou trois, ou quatre. Parce que ça fait du bien, de briller, quelques fois.
Ses phalanges font résonner le battant de la porte. Il reprend rapidement sa main pour l’enfoncer dans sa poche, comme il le fait toujours. C’est cette manie qu’il a de cacher le plus de peau possible, comme s’il était plus difficile de l’atteindre de cette façon. Ce soir, il est chaussé de nouvelles chaussures sport : il faut dire que sa dernière balade dans les bars lui a ramené assez pour qu’il se gâte un peu. Ses vieux souliers percés, il les a balancés à la poubelle comme s’il ne les avait jamais appréciés. Peut-être pensait-il que de nouvelles semelles signifiaient un nouveau chemin, une seconde chance.
La porte s’ouvre et, aussitôt, Joseph se redresse en esquissant un sourire. Ce sont d’abord les yeux noisette de son amie Deborah qu’il capte, et il s’accroche à leur profondeur. « Toujours pile à l’heure. T’as vu ? » Peut-être même quelques minutes en avance. Il a toujours été comme ça, Joseph. Malgré son apparence négligée, la ponctualité a toujours figuré dans le top de ses qualités. Même s’il arrive moins facilement à gérer son temps depuis quelques semaines, à jongler entre Gabriel, Lou et Deborah, il ne manque pas l’occasion de prouver qu’il ne laissera jamais les aiguilles d’une horloge le battre dans sa course. |
| | | | (#)Dim 17 Nov - 18:44 | |
| Il parait que les opposés s’attirent. Joseph et Deborah étaient les preuves vivantes de ce dicton. L(‘)e(x) criminel et la fille à la vie banale. L’introverti et l’extroverti. Celui qui recherche la stabilité et celle qui la fuit. Il parait que ceux qui se ressemblent s’assemblent. Ils étaient un peu ça aussi. Deux âmes-sœurs, dans deux mondes forts différents certes, mais qui étaient parvenues à avoir un petit monde en commun, rien qu’à eux. L’évidence quand leurs caractères trop forts se confrontent, quand les rires sont partagés sans avoir besoin d’échanger un mot, quand les cœurs battent à l’unisson parce qu’il ne s’agit pas d’amour mais de quelque chose de bien plus profond. Ils étaient tout ça, Joseph et Deborah. Des aimants à la même polarité qui défient toutes les lois de la physique tant ils sont collés. Qui d’autre qu’eux-mêmes aurait pu les séparer ? Qui d’autre qu’eux-mêmes pourrait les rassembler ? Personne. C’est ce qu’ils tentaient de faire dans leurs différences : se retrouver.
Et ça commençait chez Deborah. Revenir à la base, à cet endroit où Joseph avait passé quelques nuits avant de s’envoler de ses propres ailes. Quand lui était en avance, elle était en retard, pour ne pas changer, finissant maladroitement d’enfiler un haut avant d’ouvrir la porte, les cheveux encore humides de sa douche récente. « J’ai vu. La prochaine fois je te dirais 15h30 pour 15h, je serais sûre d’être prête comme ça. » Et encore, c’était presque trop facile de deviner qu’elle serait encore foutue d’être en retard. « Entre. Tu veux boire quelque chose ? » lançait-elle dans un sourire qui ne la quittait pas depuis que ses iris avaient trouvé les siens tandis qu’elle se dirigeait vers la cuisine. C’était banal mais le voir dans son appartement n’avait pourtant (plus) rien de banal. La dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés entre ces murs, ces derniers s’étaient imprégnés de toute la souffrance des protagonistes. Un souvenir pas forcément agréable à se rappeler et qui poussait maladroitement Debbie à regarder Joseph plus en détails. Il avait maigri, son teint était davantage blanc, ses traits creusés, comme fatigués. « Comment tu vas ? » Ça lui brûlait la langue d’entrer dans le vif du sujet, de lui demander comment il gérait le manque (encore plus avec de la drogue sous le nez en permanence mais ça, bien entendu, elle l’ignorait, une fois de plus), si ce n’était pas trop compliqué, s’il avait besoin d’aide peu importe sous quelle forme. Mais elle ne voulait pas non plus le forcer à en parler. Bien entendu, il semblait fatigué de se battre contre lui-même, elle se doutait que ça ne devait pas être une partie de plaisir tous les jours mais il semblait tenir le coup et elle ne voulait pas lui rappeler qu’il était en plein combat. Il était, potentiellement, bien dans ses pompes à l’instant et elle ne tenait pas à lui rappeler le manque qui doit creuser sa chaire dès lors qu’il y pense ou que la discussion est abordée.
« J’ai pensé à toi, comme promis. » disait-elle en poussant une boite hermétique vers lui. Les fameux lamingtons. Depuis qu’elle lui avait proposé de venir les goûter et qu’il n’avait pas pu se libérer pour ça, elle avait profité d’être au courant de la date à laquelle il venait la voir pour en refaire. Ce n’était pas plus mal, finalement, de savoir quand ils allaient se voir. « Tu n’es pas obligé de les manger tout de suite, tu peux emmener la boite et les partager avec Gabriel si tu veux, j’en ai fait beaucoup trop pour moi toute seule. » Est-ce qu’elle allait lui dire qu’elle avait pris des cours de cuisine exprès pour connaître la recette et ne pas foirer les étapes ? Qu’elle avait acheté des moules à gâteau juste pour ça ? Certainement pas. C’était un geste qui lui faisait plaisir, elle ne cherchait pas à être mise sur un piédestal et à se vanter, le sourire de Joseph était suffisant. « Et avant que tu te poses la question, non, je compte pas en donner à Austin. Il s’est trouvé un petit appart et du coup, il est parti. » Un bon moyen de lui faire savoir qu’il pouvait de nouveau entrer chez elle comme dans un moulin, quand bon lui semble sans se soucier de son ancien colocataire mais aussi un moyen pour elle d’entrer lentement dans une conversation qu’elle voulait avoir avec lui. |
| | | | (#)Ven 22 Nov - 19:19 | |
| Il se cache derrière un sourire, comme toujours. C’est la seule arme qu’il possède, ou la seule qu’il accepte d’utiliser. Parce qu’il a la force de broyer les os – ou, du moins, il l’avait, parce qu’il a bien maigri dans les dernières semaines, faute d’appétit – il l’a constaté en posant ses doigts tremblant dans le cou d’Alfie pour s’assurer qu’il ne lui avait pas volé la vie. Il s’est surpris à utiliser pour la première fois la force brute, celle qu’il a longuement réfutée en considérant que la violence ne règle jamais les problèmes. Et ça n’avait pas réglé son problème. Plus de nouvelles de son meilleur ami depuis cette journée-là, seulement des remords qui parasitent son esprit et qui nuisent encore plus à sa tentative de ne plus consommer. Oui, il a craqué quelques fois, il ne suffit pas de claquer les doigts pour guérir comme par magie, et il le sait. Il faudrait qu’on l’enferme pour que plus jamais il ne se laisse tenter par les promesses empoisonnées de la seringue. Mais il s’améliore, il le sent, il le croit. S’il a perdu plusieurs kilos et son teint sain, les marques de piqûre sur son bras se sont aussi atténuées. « J’ai pas l’impression qu’t’es pas prête. Tu m’ouvrirais la porte nue et ça n’me dérangerait pas. » Évidemment, c’est Joseph, et c’est Deborah. Les deux idiots qui s’empêchent de succomber au charme de l’autre, bien qu’une tension charnelle se soit érigée entre eux depuis qu’il est sorti de prison – et même avant, il faut dire que les photos de la jeune femme étaient… convaincantes. « Si t’as du jus, j’suis preneur. J’sais pas, j’ai envie de jus. » qu’il marmonne en entrant dans l’appartement, incertain de comprendre la raison de cette soudaine envie. C’est peut-être la petite voix au fond de sa tête qui arrive à le convaincre que ce n’est pas la vodka qui lui apportera les vitamines dont il a besoin. « Ça va. » Parce que ça va toujours, si on se fie à ses paroles. Mais il est bas, très bas, et jamais il ne voudra inquiéter sa meilleure amie. De toute façon, elle est futée, intelligente, et elle comprendra qu’il lutte pour elle parce qu’il lui a fait une promesse puis forte que ce silence qu’il lui a imposé alors qu’il se piquait encore en cachette. « Et toi ? » Il pourrait l’interroger quant à son boulot (même s’il sait qu’elle le déteste) ou quant à sa famille mais, au fond, il sait qu’il poserait sur la table les sujets inutiles dont tout le monde se fiche et que ces derniers grugeraient le peu de temps qu’ils peuvent passer ensemble – seulement parce que Joseph a encore décidé de faire des mauvais choix et qu’il n’est plus aussi libre qu’il l’était.
Il la suit jusqu’à la cuisine et un sourire satisfait étire la commissure de ses lèvres lorsque Deborah lui tend un plat en plastique. Il soulève le couvercle, curieux, pour finalement glousser en découvrant les pâtisseries dont elle lui a tant parlé. « C’est gentil, Deb. Je les garderai pour plus tard, j’ai trop mangé. J’te dirai ce que pense Gabriel de tes talents culinaires. » Non, il n’a pas mangé, mais il n’a pas faim. Il repose le couvercle en prenant soin de le fermer hermétiquement et il tapote doucement le plat avec la main pour remercier son amie. Il aurait aimé avoir l’appétit pour les déguster immédiatement : elle voulait tant les lui offrir et il a repoussé à plusieurs reprises la date où elle pourrait enfin lui faire goûter sa concoction sucrée. Le jeune homme observe ensuite les alentours pour effectivement constater l’état légèrement plus désertique du salon, lui qui avait l’habitude d’y retrouver un Austin étalé sur le canapé. « Tu es toute seule, maintenant ? Ça te cause pas d‘problème pour le loyer ? » Qu’est-ce qu’il en sait, ce petit imbécile qui n’a pas payé de propriétaire depuis vingt ans. Et, conscient qu’il vient de lancer la première pierre en direction des sujets ennuyants, il continue avec une plaisanterie : « Ça veut dire que je peux lui voler sa chambre ! » Une plaisanterie qu’il regrette, parce qu’il ne veut pas donner de faux espoirs à celle qui lui offrirait une maison si elle le pouvait. Elle serait la première à lui tendre des liasses de billets si elle en possédait assez et il le sait et ne l’oubliera jamais. |
| | | | (#)Mer 4 Déc - 4:46 | |
| Il lui arrachait un rire nasal, l’air de dire que ses mots ne l’étonnaient pas. Evidemment que ça ne le gênerait pas le moins du monde, il en profiterait même sûrement pour poser ses yeux sur sa peau en résistant furieusement à y poser les mains. Un stupide contrat entre eux mais qui prenait maintenant tout son sens quand on savait ce que le désir pouvait faire à Joseph. Elle ne tenait plus à être responsable de ça alors même si elle en riait, pour sûr que non, elle ne lui ouvrirait pas nue, grand minimum en serviette de bain. Mais elle n’allait pas le souligner, elle ne voulait pas le lui rappeler. Ce n’était pas nécessaire, ils le savaient tous les deux, autant ne pas remuer le couteau dans la plaie qu’ils s’étaient infligés. Alors elle se contentait de se diriger vers le frigo, attrapant une bouteille de multifruits, celle qui est sûrement plus bourrée de vitamines rajoutées que de celles des fruits mais bon, elle n’avait que ça sous la main, ce n’était pas avec la pauvre orange qui restait dans la corbeille à fruits qu’elle allait lui faire un jus digne de ce nom. Elle attrapait un verre au passage dans l’égouttoir de l’évier et posait le tout sur le petit comptoir qui séparait la partie cuisine du salon, laissant son ami se servir comme bon lui semblait. « Oui, ça va. La vie suit son cours quoi. » Rien de fou, rien de bien marquant, les jours défilaient et se ressemblaient un peu, pas de quoi en faire une conversation à rebondissement. En revanche, elle profitait de leur proximité pour laisser ses iris l’observer davantage. Il avait maigri, furieusement. Assez pour flotter un peu dans ses vêtements. Ses traits s’étaient naturellement creusés en plus de la fatigue plus marquée, son teint avait perdu de son éclat et ses cheveux de leur brillance et de leur volume. On pourrait le croire malade quand il était, en réalité, en pleine guérison. Elle le savait, c’était pour cette raison qu’elle ne s’inquiétait pas (trop) et qu’elle n’appuyait pas la discussion sur ce « ça va » de façade dont elle se doutait.
Elle préférait emboiter le pas sur une conversation qu’elle trouvait davantage importante, utilisant les lamingtons comme un bon prétexte à cela – même si elle lui aurait donné quoi qu’il en soit. De façon peu subtile, elle lui annonçait qu’Austin était parti faire sa vie, se trouvant son propre appartement de petit étudiant. Secouant doucement la tête négativement, elle répondait rapidement à ses questions. « Non, ça me pose pas de souci sinon j’aurais pris un autre coloc... » Ce qui était vrai et elle aurait aimé continuer sur sa lancée si le brun ne lui avait pas coupé l’herbe sous le pied. Ça la faisait rire sur le moment parce que Joseph était sûrement loin de s’imaginer qu’il était dans le vrai plus que jamais. « Bah à vrai dire, ouais, tu peux. » Ignorant totalement comment il allait le prendre, puisque lui en avait clairement parlé comme d’une plaisanterie, elle préférait prendre les choses en main et expliquer davantage cette idée qui sonnait davantage comme une envie dans son esprit. « J’ai un nouveau boulot... » En plus du premier mais est-ce qu’il est obligé de le savoir ? Certainement pas. « Et du coup j’ai un peu plus d’argent maintenant. » Elle haussait un peu les épaules comme si c’était une évidence. « Je sais que tu aimes pas vivre au crochet des gens mais je me dis que tu as été un peu chez moi, pas mal chez Alfie, maintenant chez ton patron... ça sonne trop comme une évidence pour moi que tu reviennes ici maintenant qu’il y a la place. Tu aurais ton espace à toi en plus et pas juste un canapé dans un salon. » C’était idiot mais le stress, elle le sentait monter, comme si elle appréhendait sa réponse et la déception qui arriverait avec alors elle continuait d’enfoncer le clou comme pour convaincre Jo du bien-fondé de sa demande. « J’ai vraiment envie de t’aider et à part ça, je sais pas comment. » Et bien qu’elle gagnait un peu plus d’argent aujourd’hui, elle savait que pour le moment, elle ne serait pas encore capable de lui payer un séjour en cure, s’il le souhaitait évidemment. Prochainement, peut-être, si elle acceptait la proposition de Camil. « Je veux pas te forcer, tu seras libre d’aller et venir comme bon te semble. Je veux juste que tu n’aies à te soucier de rien à part toi-même. » Un sourire malicieux venait alors illuminer son visage. « Je suis même prête à te mettre un verrou sur la porte de la chambre dont toi seul aura la clé pour pas que j’aille fouiner dans tes fringues pour refaire ta garde-robe. » |
| | | | (#)Lun 9 Déc - 4:26 | |
| Il a peur de la revoir. La dernière fois qu’ils se sont vus, c’était à cent mètres au-dessus du sol et leur visage était plus humide que les nuages – et je vous le rappelle, les nuages ne sont que des boules de vapeur. Ils s’étaient fait une promesse aussi forte que le diamant, à cette hauteur étourdissante. Il allait essayer, et c’est ce qu’il fait depuis qu’il a soufflé les mots. Mais, il ne suffit pas d’un coup de baguette magique pour que tous les problèmes se règlent. Certes, il refuse de consommer de la cocaïne seulement par plaisir mais, lorsque son corps le réclame, il n’a pas encore la force de ne pas lui fournir sa drogue. Il essaye, vraiment, mais, comme il l’avait deviné, ce n’est pas aussi facile que d’apprendre une formule mathématique par cœur. Ça fait mal et aucun être humain n’apprécie de se laisser souffrir alors qu’une solution repose juste sous ses yeux. Comme il l’avait prévu, la discussion ne vient pas aussi naturellement que d’habitude et Joseph fait de son mieux pour ne pas se lancer dans les sujets ennuyeux qui sont utilisés par les gens qui ne sont pas vraiment amis mais qui souhaitent éviter le malaise. Pourtant, lorsque son amie l’informe qu’Austin ne partage plus l’appartement avec elle, il ne peut s’empêcher de l’interroger quant au loyer et son salaire qu’il ne pense pas incroyable. En s’approchant du comptoir pour se servir un verre de jus, il l’écoute d’une oreille et il ne peut s’empêcher de se pincer les lèvres lorsqu’elle l’invite clairement à prendre la chambre du disparu. Il porte son verre à ses lèvres pour s’empêcher de répondre : évidemment qu’il adorerait rester avec Deborah, elle est sa meilleure amie. Le problème c’est qu’il craint encore et toujours de la rendre témoin de sa dépendance qu’il lui a toujours caché, comme si tout cela ne resterait que faux potin tant qu’elle n’a pas vu de ses propres yeux les tremblements dans ses membres et son front couvert de sueur. « Ah, c’est vrai ? Un boulot qui t’plaît davantage, j’espère ? » Elle et lui savent que ce n’est pas que le salaire qui compte. Ils ont besoin de quelque chose de plus pour s’accrocher à un boulot : un intérêt, une passion, même. Mais ce ne sont que les chanceux qui arrivent à apprécier la mélodie du réveille-matin à sept heures.
Le sujet de la colocation revient et Joseph décide de noyer ses yeux dans son jus pour s’empêcher de regarder son amie alors qu’elle lui explique qu’il aurait toute la place dont il a besoin ici. « Je suis même prête à te mettre un verrou sur la porte de la chambre dont toi seul aura la clé pour pas que j’aille fouiner dans tes fringues pour refaire ta garde-robe. » Il esquisse un sourire, tout de même heureux de l’attention qu’elle lui offre, mais, au fond, il sait que ce ne seraient pas ses vêtements qui l’intéresseraient dans sa chambre. Il n’est pas stupide : il lui a menti une fois et il serait normal pour elle de douter de sa seconde promesse. Malgré tout, le jeune homme soupire discrètement et décide de se balader un peu dans l’appartement minuscule pour se laisser réfléchir, accompagné de son précieux verre de jus tant désiré. « Non. J’ai pas besoin d’verrou. » qu’il commence, sachant qu’il regrettera cette décision qu’il vient de prendre à la va vite. Incapable de donner une réponse à voix haute – l’orgueil mal placé, comme d’habitude – il se dirige vers la chambre vide et se mord la lèvre inférieure en observant le lit fait. Après avoir réfléchit quelques secondes, il se débarrasse de son sac et le balance sur le matelas : il s’écrase lourdement et les quelques livres et objets de toutes sortes claquent ensemble. Il se tourne ensuite vers son amie et plonge ses yeux dans les yeux en faisant tourner sa langue dans sa bouche pour s’assurer qu’il dira la bonne chose : « Et t’as le droit de fouiner dans mes trucs, si ça peut me convaincre de rien ramener ici. » Sa mâchoire se serre et il finit par admettre, à contre cœur : « J’y arriverai pas seul. Gabriel ne s’interposera jamais et Alfie… Alfie… Vaut mieux que j’évite de lui parler de ça. » Il se mord le bout de la langue, passe sa main dans ses cheveux et fixe le sol. « Merci pour la chambre. J’viendrai ici quand j’en ai besoin. » |
| | | | (#)Lun 9 Déc - 23:42 | |
| Elle haussait un peu les épaules. Deborah n’avait pas les diplômes nécessaires pour faire un travail plus passionnant qu’alimentaire. Elle se contentait de faire ce qu’elle pouvait, elle prenait ce qu’on lui donnait et elle s’adaptait à ça, elle prenait le pli. Parfois ça fonctionnait et d’autres fois, pas du tout. Elle ne comptait même plus le nombre de boulots où elle a juste arrêté d’aller parce qu’elle n’en avait plus envie ou qu’elle ne supportait finalement pas cela. Et puis étonnamment, il y en avait d’autres où elle était persuadée qu’elle n’allait pas rester et puis ça matchait finalement bien, comme son poste à la mairie qu’elle tenait depuis presque un an déjà. Même si ce n’était pas l’idéal pour elle, elle n’en restait pas moins fière de savoir le tenir, quant bien même elle allait potentiellement l’arrêter bientôt, tout allait dépendre de sa décision. Quant à son second et nouveau boulot… « C’est pas hyper important comme poste, je vais seulement faire de l’accueil dans une salle de boxe et la gestion d’emploi du temps mais c’est pour un ami d’enfance alors ça me fait plaisir de le faire. » Et puis ce n’était qu’un mi-temps qui lui permettait de cumuler les boulots mais elle n’allait sûrement pas lui dire que c’était en partie pour lui qu’elle faisait ça, qu’elle avait des projets pour l’aider et ça commençait par être capable de payer son loyer toute seule et la nourriture sans rien lui demander pour qu’il n’ait pas besoin de se soucier et qu’il puisse venir se poser ici sans se poser de question.
Alors oui, elle lui avait naturellement proposé d’acquérir la chambre dorénavant vide. La chance avait souri à Deborah quand Austin lui avait dit qu’il lui laissait le lit parce qu’il s’en était racheté un neuf. Connaissant la demoiselle, il s’attendait sûrement à ce qu’elle le vende pour investir de nouveau les lieux et remettre la chambre comme avant : en bureau. Mais l’occasion était trop belle et elle avait sauté dessus. Elle avançait tous les arguments du monde pour le faire craquer, pour le faire rester. Elle ne s’attendait pas spécialement à ce qu’il reste ce soir, ni même à ce qu’il rentre tous les soirs, elle le connaissait bien assez pour savoir qu’il était un oiseau de nuit quant bien même c’était un contexte plus enclin à le renvoyer vers ses vieux démons pas si anciens. Elle avait un doute pendant un instant. Parce qu’il se baladait dans l’appartement sans lui répondre, parce qu’il ne la regardait plus dans les yeux et parce que, évidemment, elle comprendrait aussi qu’il refuse après la discussion de la dernière fois.
C’était le poids du soulagement qu’elle sentait s’échapper de son cœur quand le brun faisait enfin entendre sa voix. Il ne le disait pas vraiment mais les mots qu’il employait et ce sac qu’il posait comme si le lit était déjà sien voulait tout dire : il acceptait sa proposition. « Je vais regarder deux fois par semaine, aléatoirement, méfies-toi. » Elle en riait parce qu’elle ne comptait pas fouiller ses affaires – hormis pour Noël parce qu’elle avait un projet mais ça concernait les papiers du garçon bien plus que ses objets a proprement parlé. « De toute façon je sais que c’est pas un miracle, que tu ne peux pas t’en passer en claquant des doigts et que tu en as peut-être en ce moment même dans ton sac mais c’est pas grave. Je ne vais pas t’engueuler comme un gamin qui a caché une barre de chocolat, je sais que c’est plus compliqué que ça. Je veux juste t’aider à t’en débarrasser au fur et à mesure, je sais que ça prendra du temps et de l’énergie. Mais si l’idée que tu sois ici et que je peux te pseudo surveiller peut t’empêcher de consommer, tant mieux. » Parce qu’elle se souvenait de ce que Raelyn lui avait dit : il ne pourrait s’en sortir qu’en étant enfermé de force dans un appartement et si Deborah ne comptait pas le séquestrer, elle comptait bien sur l’idée qu’il réduise sa consommation grâce à sa promesse et à son désir de rester sobre face à elle.
« Attends deux petites minutes. » De l’entrée de la chambre, elle disparaissait et le laissait seul dans la pièce. Elle revenait quelques instants plus tard et s’approchait de lui, un trousseau de clé en mains, qu’elle glissait dans l’une de ses paumes, non sans un sourire ravi de lui donner ces clés. « Tu vas en avoir besoin pour circuler librement. Tu peux venir quand tu veux, même en plein milieu de la nuit, je saurais que c’est toi. » Parce qu’ils sont pas quinze à avoir les clés de l’appartement de toute façon, seul lui et son frère en sont dotés désormais. « La clé avec le dessin d’immeubles, c’est la porte d’accès au bâtiment et les petites maisons c’est la clé de la porte de l’appart. » Elle avait envie de le prendre dans ses bras mais elle savait que Jo et les élans d’affection, c’était pas trop son truc en général alors elle évitait mais ça ne l’empêchait de sourire, tendrement et sincèrement. « Rebienvenue à la maison, il était temps que tu rentres, tu manquais à ces murs et le canapé se demandait quand il sentirait de nouveau ton fessier. » C’était à elle, surtout, qu’il avait terriblement manqué. « Il y a juste deux petites règles à respecter. La première : quand tu ne rentres pas, tu m’envoies un message. Je ne veux pas te fliquer, je veux juste que tu me dises que tu vas bien et que je n’ai pas à m’inquiéter. Et la second : interdit de pisser dans l’évier. Je sais que des mecs font ça quand leur coloc a pris les toilettes et qu’ils sont pressés mais c’est immonde. J’espère que je suis bien claire. » |
| | | | (#)Ven 20 Déc - 20:15 | |
| Tous les deux se ressemblent, au fond. Deborah et Joseph zigzaguent dans Brisbane à la recherche d’une recette magique qui leur permettrait de trouver enfin un peu de stabilité financière et mentale. Mais le garçon a espoir que sa meilleure amie trouve quelque chose pour arriver à ses fins un jour ou l’autre : elle a l’intelligence et le physique qui vient avec. Il ne serait pas surpris d’apprendre demain matin qu’elle a déniché un contrat important auprès du président des États-Unis – bien qu’il serait surpris de la voir partir dans ce pays immense, comme elle ne semble attachée qu’à l’Australie et l’Irlande. « Dans une salle de boxe ? Tu fais vraiment tout, toi. » Il glousse en passant sa main dans ses cheveux trop longs tout en hochant la tête, très peu étonné d’entendre ces mots sortir de sa bouche. Elle a touché à tout, la belle. La caisse enregistreuse et le balai ont probablement passé dans ses mains tous les deux. Malgré tout, il espère qu’elle trouvera enfin un poste dont elle sera fière et qu’elle ne décrira pas comme « pas hyper important ».
Apeuré à l’idée d’avoir le regard de son amie posé sur lui plus souvent qu’il ne le faut, il s’encourage lui-même à passer outre cet inconfort constant qu’il ressentira à chaque fois qu’il pensera à la cocaïne en dormant sous le même toit que Deborah et il accepte sa proposition d’habiter ici sans trop y réfléchir – parce qu’il pourrait très rapidement changer d’avis. Il y a toujours cette boule de honte au fond de sa poitrine qui lui rappelle la promesse qu’il lui a fait sans avoir la capacité de la respecter. Il n’était pas prêt à guérir et il ne sait pas s’il l’est réellement aujourd’hui mais il est plus confiant qu’avant : il n’y a pas seulement la jeune femme qui veut qu’il renonce à sa dépendance mais il doit aussi le faire pour son meilleur ami, celui qui lui a prouvé qu’il est possible de tourner la page. Il faut dire que de s’être vu transformé en homme violent l’encourage tout autant à se battre pour sa liberté. Il n’avait jamais levé les poings auparavant. « Je vais regarder deux fois par semaine, aléatoirement, méfie-toi. » Il comprend qu’elle plaisante car un rire accompagne sa fausse menace. Pourtant, il sait que de savoir ses mains curieuses pourrait l’empêcher de ramener le poison dans l’appartement – même si c’est plutôt compliqué avec la marchandise dédiée à la vente qu’il trimbale dans sa petite boîte métallique. Deborah tente de le rassurer et il l’écoute attentivement en gardant ses deux yeux rivés sur le lit, incapable de supporter les faits qu’elle étale. Effectivement, il ne suffit pas d’une formule magique pour effacer les méfaits. « Merci Deb. » Il hoche doucement la tête en la lorgnant et il ajoute, pour détendre l’atmosphère : « Si tu me fournis en lamingtons, peut-être que j’oublierai qu’il existe d’autres choses. » Ce n’est évidemment pas si simple que ça, mais Joseph ne peut s’empêcher de plaisanter pour balayer les sujets sérieux du revers de la main, comme un enfant qu’on puni pour ne pas faire ses devoirs de mathématiques et qui tente de rappeler qu’il a fait ceux de géographie.
Deborah tourne des talons et disparaît le temps d’aller chercher quelque chose. Trop curieux, Joseph s’approche du cadre de la porte pour l’espionner du coin de l’œil. Lorsqu’elle revient, il tend la main devant lui pour accueillir son cadeau. Un sourire timide soulève le coin de ses lèvres et il serre la clé dans sa paume pour marquer la forme dans sa peau : c’est sa clé. À lui. « J’espère que le canapé ne m’a pas trompé avec un autre entre temps. » Il dit n’importe quoi parce qu’il est gêné de se faire offrir cet hébergement gratuit comme s’il le méritait. Les discussions d’adultes ne s’accordent pas à son teint. « Même si je le lave après ? » qu’il demande à propos de la seconde règle qui lui interdit de pisser dans l’évier. « J’plaisante… Ou peut-être pas… » Une lumière de malice traverse sa pupille et il revient à la règle numéro un : « On est comme un couple, alors ? On ne peut s’endormir que lorsque l’autre a signalé qu’il est en vie ? Ça va me faire bizarre mais je pourrai peut-être m’y habituer. »
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| | | | (#)Jeu 2 Jan - 20:33 | |
| « Commence par les goûter avant de dire que tu veux que je t’en fournisse. » Si ça se trouve, ces lamingtons, ils n’étaient même pas bons. Elle n’imaginait pas la tête qu’il ferait à l’idée de devoir s’en coltiner plusieurs fois parce qu’il l’avait demandé, cherchant toujours des excuses pour ne pas les manger immédiatement et trouver différentes façons de s’en débarrasser discrètement. Bon, heureusement pour lui, elle les savait au moins mangeables parce qu’elle les avait elle-même goûté. Clairement pas de quoi regretter ses paroles. Et puis il y avait mieux à penser dorénavant. « Que des copines ou copains plus ou moins défaits par une soirée. » Le pseudo (ré)aménagement de Joseph entre les murs de l’appartement. Depuis la dernière fois qu’il avait posé ses fesses ici, les choses avaient beaucoup évolués, autant pour l’un que pour l’autre. Leur relation aussi avait évolué. L’amitié sans nuage avait traversé un gros orage dont elle avait du mal à se remettre parce qu’il avait laissé des traces, parce qu’il avait de gros dégâts. Elle reprenait doucement du poil de la bête, ils retrouvaient lentement leur complicité d’avant et elle espérait que tout aille dans le bon sens désormais. Néanmoins, elle ne se faisait d’illusion. Elle savait que Joseph n’allait pas passer toutes ses nuits ici et qu’elle ne serait pas toujours au courant de là où il était et à quelle heure (ou quel jour) il comptait rentrer. Finalement, il restait aussi libre qu’il l’était déjà, il avait juste une option en plus, une carte chance dans son jeu qu’il pouvait dégainer à tout moment. « Oui, même si tu le laves. » qu’elle disait en lui donnant un petit coup dans l’épaule, pour lui retirer ne serait-ce que l’idée de la tête.
« Si ça peut t’aider à penser à me prévenir, ouais, on peut dire ça comme ça. » qu’ils étaient comme un couple. Ça la faisait sourire parce que leur entourage ne serait probablement pas étonné par ce pseudo statut. C’était les concernés à qui ça ferait bizarre, bien plus qu’à leurs proches qui les avait déjà shippé depuis fort lurette. Combien de fois est-ce que son frère l’avait chambré là-dessus ? Elle ne les comptait plus. « D’ailleurs, quitte à paraitre pour un couple jusqu’au bout... » Malicieusement, elle laissait le mystère plané un instant, juste de quoi assurer un sourire amusé. « Ça te dirait de fêter noël avec moi ? Enfin avec mon frère, son fils et moi, au minimum. Mes parents ne viennent pas cette année et Benjamin n’a pas spécialement envie de se faire le voyage. On sera en petite communauté du coup donc si ça te tente, on a encore de la place autour de la table. » Ouais, « encore de la place » parce qu’elle n’excluait pas l’idée que son frère serait tout aussi capable qu’elle d’inviter des amis. Et parce que ça restait noël, elle refusait de laisser Jo tout seul pendant ce temps de fête si jamais sa propre sœur ne l’avait pas encore invité à festoyer. « Promis, c’est pas moi qui cuisine. » Benjamin non plus d’ailleurs. Ils allaient farouchement profiter des menus spécial noël que les traiteurs proposaient. |
| | | | (#)Ven 10 Jan - 20:05 | |
| Joseph serait le dernier à se plaindre de la saveur d’une pâtisserie. Il n’a pas les papilles gustatives bien développées comme il s’est contenté toute sa vie de manger les aliments qui tombaient entre ses mains. Il a d’ailleurs été surpris d’apprendre que le petit gâteau que lui avait offert Deborah en prison datait de plusieurs jours. Il ne connait pas la qualité et apprécie tout ce qu’on lui offre. « Je sais déjà qu’ils seront bons. Je te rappelle que j’avais pas capté que ceux qu’tu m’avais donnés derrière les barreaux avaient eu le temps de sécher. » Il hausse les épaules, conscient qu’il n’est pas celui qui pourra féliciter le talent de Deborah s’il advenait qu’elle était une excellente cuisinière. Cependant, il préfère glisser un compliment dans son commentaire pour ne pas désespérer son amie : « Mais ceux-là seront bons parce qu’ils le sont réellement. » Il fronce les sourcils. « Ça fait pas d’sens, mais j’me comprends. » Il balaie l’air du revers de la main afin de changer de sujet. Un gloussement soulève sa poitrine lorsqu’il apprend que le canapé a accueilli des corps meurtris par l’alcool. Il n’accorde pas plus d’attention à ce détail parce que ça ne l’aurait jamais dérangé d’apprendre bien pire. Il se permet de plaisanter quant au seul et unique règlement que Deborah instaure mais il reprend rapidement son sérieux : « Promis, j’ferai pas ça. » La générosité de la jeune femme mérite de se faire remercier et ce n’est pas en pissant dans l’évier que Joseph fera honneur à son geste.
« J’y penserai, couple ou pas. » Parce qu’elle compte pour lui et, s’il oublie quelques fois de lui prévenir d’un retard ou d’une absence totale, ce ne sera pas volontaire. Joseph a beaucoup de choses à gérer en ce moment mais il fera de son mieux pour ne pas oublier l’essentiel. « D’ailleurs, quitte à paraître pour un couple jusqu’au bout… » Intrigué, il la fixe, les bras croisés sur sa poitrine et le regard insistant. Pendant un moment, son esprit divague un peu trop et il se met à espérer qu'elle s'approche de lui pour coller ses lèvres aux siennes. Cependant, son imagination ne devient pas réalité: elle libère finalement le fond de sa pensée et les lèvres du garçon se pincent pour contenir la surprise. Un léger sourire éclaire son visage et il hoche doucement la tête, les yeux brillants de reconnaissance. « Ouais... Ouais… Ça m’ferait plaisir. J’avais pas de plan, alors… » Ça, c’est la vérité. Il savait déjà qu’il n’aurait aucune nouvelle de Lily pendant le temps des fêtes parce que ce n’est pas en décembre qu’elle se rappellera qu’elle a un frère même si Noël est synonyme de famille. « Et je ne le répéterai jamais assez : tu pourrais me cuisiner n’importe quoi, j’le mangerais sans soucis. » Sur ces paroles, il tourne des talons et se dirige vers sa nouvelle chambre. « C’est pas tout, mais j’dois décorer ma chambre, moi ! » Il a surtout envie de s’écraser dans son lit parce que ça fait longtemps qu’il n’a pas su un matelas sien.
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