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crédit/ CRÉDIT(tumblr) ✰ w/ @Evelyn Pearson

"... Oh qu'est-ce que tu fais par ici ? Ça va bientôt commencer... Et en plus on a déjà du retard!"
Tu ne peux pas t'empêcher de rouler des yeux en entendant la voix, masculine bien entendu, de cet assistant lamda et tu choisis de l'ignorer et de continuer de fixer la petite foule qui s'est formée devant la scène de fortune et la boutique, fermée pour le moment. Tu cherches toujours des yeux Evelyn, te disant qu'elle doit bien être là quelque part, parmi les curieux, les gens qui ont déjà sorti leur téléphone portable et ceux qui sont déjà au courant de la petite attraction locale. C'est un samedi après-midi typique pour toi, le jour est là, tu n'es donc pas au Candy Club et tu es habillée... Enfin si on peut le dire, oui, le rose est ta couleur de prédilection, il suffit de voir la couleur qui se perd dans tes mèches brunes qui elles sont plus naturelles que le reste, mais pas pour tes vêtements et pourtant tu es bien affublée d'un short rose et du t-shirt assorti, sans oublier les talons aiguilles qui sont un peu trop haut à ton goût. Ta limite c'est 14 centimètres, pas plus...
Mais c'est pour la bonne cause, c'est ce que tu aimes te dire, tandis que ton regard parcours toujours la foule. Encore une de ces missions ridicules que tu n'es pas la seule danseuse de la ville à trouver vu que vous êtes une dizaine aujourd'hui, il s'agit d'un simple spectacle de danse monter à la va-vite, quinze jours pour être plus précis, pour marquer le coup de l'ouverture d'une nouvelle boutique de maquillage. Le nom de la boutique ? Tu n'en as absolument aucune idée, tu as seulement été séduite par la possibilité de danser une dizaine de minutes, bien accompagnée et dans un endroit un peu plus recommandable que le Candy Club. Et tu n'as rien contre le dernier lieu, tu le défendras envers et contre tous, probablement autant que ton patron Artémis, c'est simplement que tu cherches depuis des semaines un endroit où inviter Evie pour qu'elle puisse te voir à l'oeuvre et décider par elle-même si tu as pris la bonne voie. Et non, tu ne te vois définitivement pas inviter cette dernière au club et lui proposer un lap dance, oui tu as dit à Artémis que tu voulais grimper sur l'échelle des danseuses qui se font plus d'argent, et cela inclus également des danses privées, mais pas avec ta cousine, définitivement pas. Pas besoin de vous marquer toutes les deux à vie. Certes, Evie a l'esprit ouvert, mais autant la laisser avec une bonne impression de ta personne, n'est-ce pas ?
Au moment où tu songes à cela, tu finis par la repérer et tu lui adresses un signe de la main et un sourire depuis les coulisses, une fois que cela est fait tu te retournes vers celui qui essaye de te faire trouver ta place parmi les autres danseuses. "On se détend, j'y allais, et puis on ne peut décemment pas commencer sans moi n'est-ce pas ?" Assurée, tu lui lances un clin d'oeil, une parfaite réponse à sa mine excédée, autant dire que la semaine a été longue pour lui et tu vas prendre ta place derrière le rideau de fortune, le coeur battant. La chorégraphie n'a rien de difficile et tes performances au Candy Club sont beaucoup plus éreintantes, autant sur le plan professionnel que sur le plan physique, mais c'est bien l'une des rares fois où quelqu'un dans le public sait qui tu es. Alors oui, tu as déjà invité tes amis et autres connaissances à venir te voir par le passé, sauf qu'Evelyn et toi, vous portez le même nom de famille alors non, ce n'est pas pareil. Tu ne sais pas ce que ton père ou même ta mère ont dit au reste des Pearson pour expliquer le fait que tu décides d'abandonner l'université du jour au lendeman, tu sais en revanche que tes parents n'ont jamais considéré la danse comme un métier sérieux. Pour eux, ça a toujours été une distraction, un simple hobby pour briller davantage en soirée et l'ajouter sur ton CV, mais pas une carrière et encore moins la carrière de leur précieuse fille unique.
Tu prends une profonde inspiration tandis que le rideau se dresse et que les premières notes de musique se font entendre et tu décides d'oublier tout ça et faire ce que tu sais faire de mieux. Evie ou pas, l'aval de ta famille ou non, personne ne peut t'enlever ça et quand le projecteur se retrouve braqué sur toi, tu connais les mouvements et les effectues avec une aisance certaine, comme si tu avais fait ça toute ta vie. Peu importe que la chanson soit trop pop à ton goût ou que les chaussures soient inconfortables à souhait, tu attendais ce moment-là toute la journée et tu bouges avec le reste des danseuses comme si vous ne formiez qu'un, ravie d'entendre les exclamations de la foule. C'est assez pour que ton sourire soit naturel et que tu termines sur un grand écart parfait... Comme si de rien était. Les applaudissements arrivent vite et tu remercies la danseuse sur ta droite qui t'aide à te relever et tu laisses l'annonceur et le DJ présent prendre la suite des événements; le magasin est rapidement ouvert pour les premiers clients, mais toi tu t'en fiches. Tu n'écoutes déjà plus l'assistant qui vous remercie toutes, récupère ton propre sac à dos et piques sans aucun scrupule des sacs cadeaux réservés aux premiers clients, te dirigeant déjà vers Evie, tout sourire. "Tu es venue ! Je ne savais pas si tu allais réussir à te libérer, qu'est-ce que tu en as pensé ? Bon j'ai failli avoir un temps de retard sur la fin mais je me suis plutôt bien rattrapée et en plus..." Si tu étais une personne un peu plus tactile, peut-être que tu aurais offert à Evelyn un câlin, une accolade, un geste particulier, au lieu de tout cela, tu te contente de placer les produits de beauté entre ses mains à elle, se disant que ça lui fera davantage plaisir à elle qu'à toi. "On a du maquillage gratuit." Et, parce que tu peux déjà la voir objecter tu ajoutes rapidement: "Les deux sacs sont pour toi hein, je me suis déjà chargée de piquer le tube de gloss que je voulais." tout en te délestant déjà de cette immonde paire de talons, à la recherche de tes Doc Martens dans ton sac à toi.
Toi, incapable de rester en place ? C'est un peu ça.

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Chacun a sa vision de la famille. Avec le temps, celle d'Evelyn avait évoluée. Elle avait tendance à penser qu'une famille n'est pas forcément le regroupement de personnes dans lequel on a atterri de force. Elle, par exemple, à l'exception de son illustre nom et de quelques caractéristiques physiques et génétiques, elle ne partageait pas grand-chose avec sa mère et ses sœurs… si ce n'étaient quelques brouilles qui mettaient l'ambiance lors des grandes réceptions ; d'après ses beaux-frères qui n'en loupaient pas une pour boulotter des hors-d'œuvre à même le buffet en prenant des allures de spectateurs assistants à un match de tennis très serré entre Nadal et Federer. Ca faisait surtout mauvais genre quand à côté, la matriarche s'échinait à montrer un semblant d'unité face aux médias qui la suivaient de près, mais c'était tant mieux – les faux-semblants n'avaient jamais été le fort de la quatrième fille Pearson.
Elle s'y était faite avec le temps, à ce petit sentiment étrange de ne pas savoir ce qu'elle loupait en s'étant très rapidement dressée contre l'entreprise familiale. Mais c'était ainsi. Exilée, elle avait pourtant cherché à peaufiner sa propre définition de la famille, et elle en était venue tout instinctivement à se dire qu'au final, il valait mieux choisir de s'insérer dans un groupe correspondant à ses propres attentes, plutôt que de le subir et d'en souffrir. Neal avait été sa seule famille pendant longtemps ; il lui avait appris certaines notions propres à la famille, la vraie, histoire qu'elle se fasse enfin une idée précise de cette normalité à laquelle elle avait échappée – à laquelle elle avait été soustraite en réalité, puisqu'avant le décès de Kai, il lui avait semblé, et ce malgré son jeune âge à cette époque particulièrement, que tout avait des airs de vraie famille sous le toit des Pearson. Aussi, intégrée dans les rangs de la famille de son cher associé et plus si affinités, elle avait pris sens d'un concept étrange à ses yeux : celui de sacrifice familial. Toujours très peu encline à démontrer un semblant d'intérêt à l'égard de celles qui l'avaient fustigée tout au long de ses années, le sacrifice familial n'était pas quelque chose qui lui venait naturellement. Encore que, elle avait mis quinze ans de vie à l'étranger de côté dans l'unique but de satisfaire les désirs de sa petite sœur… si ça n'était pas du sacrifice familial, qu'est-ce qui l'était de fait ?
Depuis sa rencontre avec Lara cependant, elle devait admettre que la donne avait changée. Si elle était du genre à ne pas hésiter éconduire les demandes vindicatives d'Ester à propos de sa présence exigée lors des galas pompeux de La Fondation, prenant des rendez-vous en plus pour mieux justifier sa décision de ne plus jamais mettre les pieds dans une sauterie à quelques centaines de milliers de dollars sous le prétexte que ça polissait la conscience bancale de sa mère, elle avait toutefois fait des pieds et des mains pour se libérer sitôt que sa cousine l'avait informée d'une mission à laquelle elle participerait comme intermittente. Laissant son agenda de côté, Evie avait annulé un déjeuner avec des clients potentiels en leur promettant de se racheter dès le lendemain, leur expliquant que sa famille avait besoin d'elle et qu'elle ne lésinerait pas sur les ristournes qui plus est – un argument de choc, les familles des futurs mariés étaient souvent pingres. Oui, sa famille avait besoin d'elle ; une excuse qu'elle n'avait jamais utilisée de sa vie et qui reflétait une certaine réalité au demeurant… même si personne n'était en danger de mort, et que ce fût avec un large sourire aux lèvres qu'elle se rendit sur le lieu du rendez-vous, partagée entre l'excitation et la curiosité d'enfin découvrir le talent qu'avait Lara pour la danse.

Se faufilant le plus discrètement possible dans la foule du centre-commercial, elle accepta les excuses confondues d'une toute jeune fille qui marcha sur le bout de ses talons de marque dénichés à moindre coût dans une friperie londonienne, et leva doucement le menton dans l'espoir d'entrapercevoir sa cousine. Le signe qu'elle lui renvoya en croisant son regard à distance se voulait encourageant, même si elle doutait qu'elle eut besoin d'un quelconque regain de confiance en elle, surtout venant de la part de quelqu'un qu'elle ne connaissait pas tellement au fond ; Lara lui paraissait plutôt sûre de ses atouts et de son talent. Un talent manifeste, constata Evelyn, ébahit devant la prestation qui se déroula devant ses grands yeux chocolat et qui confirma intérieurement ce qu'elle avait déjà dit à la jeune femme lors de leur première prise de contacts : elle avait bien fait de s'extirper des griffes de La Fondation pour poursuivre son rêve de spectacle.
Elle était douée, elle le savait. Elle se démarquait des autres participantes, et pas seulement grâce à la couleur de ses cheveux. Quelque chose se dégageait de sa petite silhouette, c'était suffisamment évident pour que la foule se mette à applaudir devant la tableau qu'elle menait sans le moindre contre-temps, rompue à l'exercice de la routine pour terminer son tour à la seconde même où la musique s'amenuit et que l'effervescence générale la propulsa légèrement en avant. Remontant son sac sur son épaule, Evie attendit un instant avant de bouger de l'endroit où elle s'était posée, n'ayant jamais été très à l'aise dans ce genre de foule surexcitée. Lara la rejoindrait sans doute quelques instants après ; le temps de reprendre son souffle, et par la même, de la laisser se rejouer mentalement ce à quoi elle venait d'assister.
Perdue dans ses pensées, elle fût surprise par le rapide retour de la jeune femme dans son champ de vision. Les bras légèrement écartés pour l'accueillir sans pour autant lui sauter au cou, pas très partisane des câlins ou des accolades, elle répondit à son entame "Bien sûr que je suis venue, je n'ai qu'une parole." Elle avait eu si hâte de la voir, toute prête à lui donner son avis sur qui était à sa portée. C'est-à-dire pas grand-chose en termes de danse si on considérait que ses leçons de ballet s'étaient arrêtées aussi vite que ses leçons de piano – c'était à l'époque où sa mère pensait encore pouvoir faire d'elle la parfaite fille de bonne famille. Autant dire qu'elle avait déchanté lorsqu'elle avait préféré le dessin au reste des activités qu'elle lui avait proposée "C'était génial, où est-ce que tu as appris à danser comme ça ?" Elle ne se souvenait plus si, quand elle était plus petite, elle dansait déjà. C'était le désavantage de leur reprises de contacts… elles étaient censées avoir partagé des moments lorsqu'elles étaient plus jeunes, mais Evelyn avait bien du mal à se les remémorer – ils avaient à peine existé à ses yeux.
Elle faisait tout pour se rattraper néanmoins, s'étant étonnamment pris d'affection pour la jeune femme avec laquelle elle échangeait régulièrement des petits messages "C'était pas la peine...." commença-t-elle à objecter, n'étant venue voir sa cousine danser que parce que ça lui faisait réellement plaisir, pas pour être récompensée. Tout de même, elle se retrouva les mains chargées de paquets remplis de goodies et de produits cosmétiques. Elle jeta un œil à l'intérieur des sacs, déterminant rapidement qu'elle en ferait cadeaux aux grandes filles d'Enola qui étaient très portées sur tout ça. Elle glissa les ficelles des sacs autour de son poignet, puis s'asseyant sur le banc non loin d'elles, elle attendit que Lara se départissent de ses talons en ajoutant "Tu es vraiment douée. Je n'en doutais pas, c'est juste que ça me fait quelque chose de t'avoir vue en vrai." Un peu comme quand on voit son artiste préféré en concert pour la première fois finalement : ça dépasse souvent toujours toutes les espérances. Tout de suite après ce petit aveu, elle se risqua à lui demander "Et ils t'ont déjà vue danser, Trevante et Cassandra ?"

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Monter sur scène, juste quelques minutes, devant un public, est toujours une sensation un peu particulière que tu ne saurais pas décrire. Qu'il s'agisse de dix personnes ou encore une centaine, tu prends toujours les missions très au sérieux et tu t'appliques sur chacun de tes mouvements, soucieuse de rendre justice aux chorégraphies que tu apprends. Tu n'es certainement pas de ceux qui prennent leur art à la légère, surtout que tu estimes que tu as encore beaucoup à apprendre, tu t'es lancée dans tout ça, le monde du spectacle, depuis seulement huit mots alors non, tu ne te considères pas encore comme une professionnelle. Une amatrice qui a été chanceuse jusqu'ici, c'est ainsi que tu te qualifies pour le moment. En n'oubliant pas les heures de répétitions, que ce soit dans ta chambre, sur la scène du club une fois que ce dernier est fermé ou encore les différents studios de danse de la ville qui t’accueillent depuis des années. Quand il s'agit de la danse, tu es une véritable pile électrique, passionnée jusqu'au bout et il suffit juste de te voir sur scène, pour comprendre à quel point, tu es dans ton élément et qu'il y a quelque chose. Assez pour que tu laisses tomber l'université et que tu t'y consacres à temps plein, chose que très peu de personnes dans ton entourage ont approuvé.
Et maintenant que tu as repris le contact avec Evelyn, il te semblait très important qu'elle soit là et puisse te voir à l'action, plus qu'une reprise de contact, il s'agit d'apprendre à connaitre cette personne qui partage le même nom de famille que toi et qui jusqu'à il y a quelques semaines était une parfaite étrangère. Plus maintenant, enfin moins en tout cas, le sourire que tu as sur le visage alors que tu peux déjà l'entendre protester - alors qu'il s'agit de cadeaux gratuits- comme tu l'avais si bien prédit. Si tu ne peux même pas en profiter pour t'attirer les faveurs de ta nouvelle cousine préférée... Okay, Evie gagne par défaut, car tu n'as jamais vraiment essayé de reprendre contact avec le reste du clan, mais ça compte pas vrai ? Une fois tes chaussures changées, tu fouilles dans ton sac pour dénicher un t-shirt qui n'est pas rose et tu es contente de trouver un t-shirt, un peu délavé certes, à l'effigie de Metallica. Tu éclates de rire en entendant la question, tout à fait légitime d'Evelyn au sujet de tes parents et plutôt que d'y répondre, tu préfères changer de haut, juste là, au milieu des passants et autres, ne te souciant pas le moindre du monde d’exposer tes sous-vêtements à une partie de la population de Brisbane.
Une fois changée dans des vêtements qui te correspondent un peu plus, tu ranges l'abominable t-shirt rose dans le fond de ton sac, te relevant en considérant la question d'Evie. "Merci... J'accepte humblement tous les compliments qui sont lancés dans ma direction.... Okay c'est un énorme mensonge, mais merci." Que tu réponds premièrement, balançant négligemment ton sac sur les épaules, comme si de rien était, quand on l'habitude de courir partout comme toi, se changer n'importe où devient un peu une nécessité... Et il ne faut pas oublier le fait que ton métier nocturne implique de te déshabiller devant de parfaits inconnus alors, un de plus ou un de moins... ? Mais les compliements d'Evelyn sont sincères et te vont droit au cœur, d'autant plus qu'il y a peu, tu devais plus ou moins te cacher pour faire ce que tu aimes. Du temps de l'université, tu acceptais également de te produire en public, sauf que c'était beaucoup moins fréquent et que les conditions étaient différentes. Tu avais presque honte d'aimer autant la danse à l'époque, coupable de ne pas te soumettre à l'image propre et lisse des Pearson, depuis que tu peux faire ce que tu aimes, et librement, tout est tout de suite beaucoup plus simple.
"Oui et non, j'ai commencé assez tôt avec des cours de danse classique, ils ont dit oui tout simplement parce que ça faisait classe et distingué, je suppose... ? J'ai continué pendant des années de prendre des cours de danse, de danse contemporaine, de jazz, de hip hop et même de la danse de salon... Pour eux ça toujours été un hobby mais pas pour moi." Ton expression se durcit légèrement quand tu parles de tout ça, tes mains se perdant déjà dans les mèches rosées, histoire de t'occuper et de paraître complètement détachée. Oui, pour prétendre que tout ceci ne t'a pas marquée et que tu peux en parler comme si de rien était. Il s'agit cependant d'Evie, tu sais qu'elle comprendra, ta tante a été toute aussi exigeante avec elle, si ce n'est même plus, donc elle pourra s'identifier dans ton récit. Tu as envie de lui demander si elle aussi elle a été paradée comme un petit trophée, soit à cause de ses notes, le fait qu'elle sache danser, ou encore jouer du piano ou encore sa ressemblance frappante avec un autre Pearson. Quoi qu'il en soit, Cassandra et Trevante n'ont plus leur mot à dire sur ta vie maintenant.
"Maintenant je m'en sers pour vivre et ... Ugh. Tu veux qu'on parte d'ici, ça commence à être un peu trop bondé pour moi." Evie manque de se faire bousculer au moment où tu termines ta phrase et tu lances un regard noir suivi d'un "regardez où vous allez mon dieu" à deux adolescentes qui se précipitent vers la boutique nouvellement ouverte. "Je t'inviterais bien chez moi, mais je suis toujours entre deux logements en ce moment donc..." Et puis cela serait faire un pas en avant supplémentaire, et pas qu'un petit pas et tu n'as pas encore exposé Evie à ta peur de l'engagement et tout ce qui va avec. Autant ne pas la faire fuir tout de suite n'est-ce pas...? "Mais je meurs de faim, ce qui est toujours vrai tu t'en rendras vite compte.... Suis-moi." Tu ouvres la marche pour vous deux, guidant ta cousine vers un autre endroit du centre, moins bondé et avec si possible des snacks et des boissons sucrées au possible. Evie apprendra rapidement que tu es un ventre sur pattes, chose plus qu'apparente pour toute personne qui t'a côtoyée plus de dix minutes. "Et toi, tu m'as parlé de ton coloc... Chad c'est ça ?" Tu tentes de te rappeler des quelques informations révélées dans vos messages échangés.
"Comment ça va avec le boulot d'ailleurs ? D'autres couples sont venus planifier la journée de leurs rêves tout en sollicitant tes services ? D'ailleurs, j'exige d'être présente à un mariage un jour, juste histoire de faire des commentaires sarcastiques et de corrompre quelques demoiselles d'honneur avec mon charme plus que naturel." Et la dernière partie de ta phrase n'est même pas ironique. Pas du tout.

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Les Pearson – même Evie, mais dans une certaine mesure seulement – ne brillaient pas par leur humilité. Kai lui-même était parfois considéré comme un homme fort imbu de sa personne. C'était seulement pour faire le spectacle, tout le monde le savait ; son caractère bien trempé avait fait les affaires des médias à une époque où il ne suffisait pas de publier une photo retouchée sur les réseaux sociaux pour faire parler les gens. Il avait toujours eu ça dans le sang, et ce sens de l'exhibition en conférence de presse, lorsqu'il se laissait parfois aller à exploser face aux questions stupides des journalistes sportifs, ça faisait entièrement partie de sa légende lui donnant même des allures de boxeur prêt à en découdre. Étrangement, Evelyn aimait se souvenir de lui de cette façon. Ça l'avait toujours beaucoup amusé de le voir capable d'endosser deux casquettes ; le voir s'agiter partout en vociférant sur les paris fait à la volée par les amateurs, relever des incohérences dans les faits annoncés par les médias, ne les lâchant jusqu'à ce qu'ils s'excusent de ne pas avoir bien fait leur travail dans les règles… pour lui-même s'excuser ensuite d'avoir été trop brute de décoffrage et lançant des invitations à dîner au domaine pour apaiser les esprits. Ça prouvait à quel point il ne considérait pas les choses d'un point de vue aussi sérieux que Celie aimait tant le faire croire en le portant ainsi au statut d'icône intouchable. Il était bon acteur, et chaque fois un peu plus, il se préparait à jouer ce personnage qu'il avait monté de toute pièce pour se faire un nom.
Mais à la maison, il n'avait rien du sportif bourru à la punchline facile. Kai était simplement un père et un mari aimant qui avait su inculquer de bonnes valeurs à ses filles dont il était complètement fou. Et ça voulait dire tellement de choses sur lui… beaucoup plus que ses records impressionnants, et l'image de grande-gueule qu'il traînait volontairement derrière lui. Alors ici, ça l'attendrit presque d'entendre Lara récolter ses compliments avec une fausse modestie. Ça lui rappelait un peu cette époque lointaine durant laquelle elle avait vu son père se rengorger d'assurance pour récolter son titre de mastodonte, et davantage encore que la dernière fois qu'elle s'étaient vues toutes les deux, elle songea à quel point Lara avait en elle ce petit quelque chose qui faisait définitivement d'elle une Pearson.

"Celie m'a obligée à tester la danse classique quand j'étais petite, j'ai très vite arrêté, alors je t'admire." avoua-t-elle dans un rire contenu tandis qu'elle questionnait la jeune femme, s'asseyant sur le premier banc qu'elle trouva et opinant du chef en prenant sens de la liste des styles de danse que sa cousine avait expérimenté pour en arriver au niveau incroyable qu'elle avait aujourd'hui ; elle l'impressionnait, vraiment. Et ça lui fit de la peine d'avoir la confirmation à la supposition qui lui avait frôlé l'esprit en lui demandant si ses parents l'avaient déjà vu danser. Ça la propulsa à des kilomètres de là, lui permettant par la même de ne pas s'offusquer que la jeune femme se change ainsi devant des dizaines de paires d'yeux sans démontrer la moindre gêne. Mais pourquoi était-ce toujours difficile pour les parents de considérer les choix de leurs enfants comme étant les meilleurs pour eux ? Elle soupira un peu, détournant pudiquement le visage lorsqu'elle s'aperçut que sa curiosité mettait un mal à l'aise Lara – cette main qui se perdit dans ses mèches colorées ? Elle ne la trompait pas, c'était une manie familiale, une démonstration de détachement feint dont elle usait depuis des années, elle aussi.
Comme c'en était une aussi de détourner le sujet lorsque l'on s'approchait de trop près d'un sujet épineux à aborder. Evelyn saisissait et de fait, elle n'insista pas ; elle aussi faisait en sorte de se parer d'un masque de dignité pour ne pas laisser penser à quiconque que la façon dont sa mère l'avait traitée l'avait détruite à bien des niveaux. Indubitablement, elle faisait partie de la même cargaison que sa cousine ; elles préféraient se tasser dans leur coquille plutôt que de s'étendre sur leurs traumatismes d'enfance. D'une certaine façon, ça rendait service à tout le monde – ça évitait les silences lourds, les démonstrations écœurantes et malvenues de compassion, et tout ce qui allait avec. Elle retourna résolument la tête vers Lara qui proposait de bouger de là "Pour moi aussi, on y va." affirma-t-elle à sa suite, puis elle se leva à son tour, remettant convenablement les sacs-cadeaux offerts pas Lara autour de son poignet et remontant son propre sac à main sur son épaule. Elle jeta un regard furtif à la nouvelle tenue de la jeune femme, eut un sourire qui disparut tout à coup lorsqu'elle fût surprise par une bousculade qu'elle évita de justesse, et finit par refaire le point sur son environnement pour reposer son attention sur Lara qui mentionna son chez-elle. Ou ce qui y ressemblait vaguement. Manifestement, elle n'avait pas encore décidé de se poser concrètement dans un endroit qu'elle pourrait enfin appeler sa maison.

Les sourcils d'Evelyn se froncèrent imperceptiblement. Elle songea à sa propre envie de changement "On va se trouver un endroit plus tranquille. C'est moi qui régale cette fois, c'était le deal." rappela-t-elle en pointant brièvement son doigt sur la poitrine de Lara, puis elle lui fit un signe de tête pour qu'elle la suive pendant qu'elle enchaînait sur le ton de la conversation, saisissant la perche qu'elle lui tendit – qu'elle se souvienne des détails qu'elle avait mentionné dans les textos qu'elles s'étaient récemment envoyés lui fit plaisir, et un sourire fendit son visage "Chad, c'est ça. Ça va bientôt faire deux ans qu'on vit ensemble. En fait, ça fait plusieurs mois que je me dis que je devrais envisager de trouver moi aussi un endroit où déposer définitivement mes valises… c'était supposé être temporaire tout ça, le temps de retrouver mes marques et de lancer mon business en ville. Je crois que je m'en suis plutôt bien sortie, alors…" Elle haussa les épaules, poursuivant son chemin avec Lara à ses côtés, un air de dire qu'il n'y avait plus à hésiter, qu'elle avait eu ce qu'elle voulait… alors pourquoi autant stagner sur un terrain qu'elle avait foulé il y avait bien des années ; vivre seule ne lui avait jamais fait peur, Evie aimait la solitude. Elle anticipa les questions de sa cousine à ce sujet en reprenant doucement, un autre sourire en biais remontant l'une de ses pommettes "Je repousse à chaque fois. Mais tu vois, il a vécu une période difficile ces derniers mois. Je m'en voudrais de le laisser seul alors qu'il a toujours été la pour moi, qu'il m'a accueilli chez lui sans aucun jugement…" Ils avaient trouvé un équilibre parfait, ils aimaient vivre ensemble… mais il fallait aussi admettre que la colocation à cet âge en particulier, ça avait ses désavantages et que couper le cordon serait bientôt nécessaire, pour lui comme pour elle.
Elle surprit le regard interrogatif de Lara, et rapidement, elle lui expliqua, faisant s'agiter sa main et bringuebaler les sacs qu'elle avait au poignet par la même occasion "Coming-out sur le tard, une très longue histoire. Mais je sais qu'il finira par trouver un équilibre, c'est quelqu'un de génial." conclut-elle, et elle s'arrêta au milieu du centre-commercial pour faire un léger tour sur elle-même et se réorienter, avant de sourire à la suite des interrogations que Lara laissa échapper. Se calant sur le pas pressé de la jeune femme, ses talons claquant sur le sol dallé qu'elles foulaient, elle lui répondit "Le mariage fait encore rêver certaines personnes, je n'ai pas à me plaindre. Je prospecte à la recherche d'un ou d'une assistante, c'est que j'ai espoir que l'agence prenne un peu plus d'essor encore… j'avoue que ça a été plus facile, je redoutais un peu les premiers mois. Mais tout se passe bien, je suis aux anges." Elle n'avouerait pas qu'elle soupçonnait la curiosité de certains de ses clients d'être pris en charge par une des filles Pearson. Mais si à une époque elle se serait sentie mal de jouer les opportunistes de service, elle devait admettre que ça la réconfortait aussi beaucoup d'avoir si vite réussi à se réimplanter – l'effet Pearson avait encore de beaux jours devant lui, apparemment. Elle secoua la tête, riant brièvement à propos de ce que Lara lui dit. Evelyn battit ses cils, rentrant le menton en prenant un ton faussement distingué pour faire la blague "Et je serais ravie de te compter parmi mes invités de marque. Même si entre nous, tu mérites mieux qu'une demoiselle d'honneur boursouflée de jalousie face au bonheur de sa meilleure amie – tu as envie de sucré, ou de salé ?" pépia-t-elle alors tout en arquant un sourcil bien dessiné, se renseignant tout en avançant un peu à l'aveuglette sur les envies d'encas de la jeune femme.

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L'avantage de tes missions de jour, c'est que tu peux avoir un semblant de vie après et que tout Brisbane n'est pas endormi. Non pas que cela te dérange particulièrement de vivre en décalé et d'avoir ton propre rythme, mais les rues et là les allées du centre commercial, sont toute de suite plus animées et c'est une toute autre ambiance. Si tu venais de finir un shift au Candy Club, tu serais très certainement beaucoup plus fatiguée qu'à l'heure actuelle et les seuls magasins ouverts seraient probablement des superettes aux stocks limités, ou encore des bars qui finissent par dire adieu à leurs alcooliques notoires, tout simplement pour les relâcher dans les rues. Non pas que tu ne trouves pas ta place dans ce genre d'ambiance, tu la trouves justement, beaucoup plus facilement et habilement que ce qu'il n'y parait et même aux premières lueurs du jour, il ne faut pas se laisser marcher dessus.
C'est une règle qui s'applique tout le temps, que même toi tu appliques dans la vie de tous les jours et encore plus maintenant que tu es indépendante et que tu vis uniquement grâce à tes propres moyens. Certes, ton sac à dos est beaucoup plus lourd que d'ordinaire, il faut bien vu que tu transportes quelques paires de chaussures, un quart de ta garde de robe et probablement tous les tubes de gloss roses que tu possèdes, et quand on te connait, cela veut dire beaucoup. Oui, pour toi être indépendante est synonyme de bougeotte, depuis que tu as quitté le luxeux penthouse payé par Trevante et Cassandra, tu ne restes jamais plus de trois semaines au même endroit. Tu finis par te lasser de tout, la couleur du papier peint, l'emplacement de la salle de bain, le matelas trop mou et tu pars sans jamais demander ton reste ou insister plus que cela. Pourquoi ? C'est une excellente question, que tu ne te poseras pas tant qu'il y aura toujours quelqu'un pour t'accueillir sous son toit. "Encore une fois ça ne me dérange pas de payer..." Que tu finis par répondre à Evie, réajustant ton sac à dos sur ton épaule droite et vous guidant parmi les autres habitants de sortie cette après-midi là. Tu as presque envie de rire quand ta cousine te confie ses propres déboires en matière d'immobilier, à croire que vous êtes bien synchrones sur bien des points. Toi, tu n'as aucune idée de comment s'y prendre, est-ce qu'il faut regarder des annonces sur internet ? Aller dans une agence ? Attendre de trouver la propriété parfaite, ou tout simplement jeter son dévolu sur le premier truc qui n'est pas cher... ?
C'est beaucoup trop de responsabilité d'un coup et il semble bien que tu es parti pour quelques années à vivre de canapés en canapés. La seule personne avec qui tu aurais pu vivre n'est plus dans ta vie, il y a bien Itziar mais... Cela ne serait pas trop compatible avec votre amitié, vous finiriez très certainement par vous disputer au bout de quelques semaines, et par règler ça sous les draps, ce qui est déjà un jeu très dangeureux entre amis, mais entre colocataire ? Pas de doute que cela complique bien les choses. Tu n'as décidément pas la maturité d'Evelyn, pas assez pour vivre avec quelqu'un aussi longtemps. "Deux ans et tout le monde est encore en vie ? Respect. Deux ans à vivre avec un mec et je crois que j'aurais déjà commis un meutre ou deux... Mais on est toutes différentes hmm ?" Non, tu n'es pas une colocataire parfaite, ton rythme est effrené et tu ranges uniquement quand l'envie t'y prend, mais tu sais déjà que si tu devais vivre pendant deux ans avec quelqu'un, cela ne serait très certainement pas pour un homme. Déjà, car tu en respectes peu, on peut mettre ça sur le compte de beaucoup de choses : ta relation plus que bancale avec ton père, ta sexualité ou encore le métier que tu fais, sauf que ça date d'avant tout ça, cette profonde aversion et quasi méfiance dès que le sexe opposé est concerné. Tu es généralement sur tes gardes et il en faut beaucoup pour te faire penser le contraire, ou alors se montrer totalement désintéressé. Tu ne peux pas juger pour le colocataire de ta cousine, tu ne l'as jamais rencontré, mais au mot coming-out, tu as un léger froncement de sourcil, suivi d'une grimace, ce passage à vif n'est malheureusement jamais facile, qu'on soit un homme ou une femme d'ailleurs. "... Je suis déjà passé par là. Le coming-out plus ou moins raté. On s'en remet et on en vit plutôt bien. Bon certains pourraient se lancer dans une analyse foireuse et dire que je fais ce que je fais car mes parents ne m'ont jamais acceptée pour ce que je suis ... Mais nan, c'est juste que j'aime enlever mes fringues et dire que cela va me rapporter de l'argent."
Tu ne te lanceras pas dans une psychoanalyse de ta propre personne, déjà cela prendrait beaucoup trop de temps, et ensuite tu ne vois pas en quoi ce métier dérange tant que ça, cela ne t'a jamais dérangé, tu es toujours aussi toi et cela n'a jamais changé et cela ne changera jamais. Il en faudrait beaucoup plus que ça, c'est certain. Tes yeux se promènent quelques instants sur le food hall du centre commercial, et toutes les options très diététiques qui vous sont proposés, et tu roules des yeux, vraiment, en voyant un bar à salade et retenant l'envie de lâche un non très audible. "Et au cas où tu te poses la question, sache que je ne me marierai jamais donc... Faut bien que j'essaye l'expérience mais d'un point de vue externe quoi." Histoire de te faire une idée, que tu te retiens d'ajouter la seconde d'après, car si tu as du mal à envisager de te poser pour un appartement, ce n'est certainement pas pour le faire pour toute une vie et ce avec une autre personne, oh que non, très peu pour toi. Tu n'as jamais compris comment les gens pouvaient faire ça d'ailleurs, décider de passer toute leur vie avec quelqu'un ou non, de s'unir de cette façon-là, pour le meilleur ou pour le pire, envers et contre tous, tout ça pour quoi au final ? "Je vois ce que tu veux dire sinon, pour la recherche d'appartements. Sauf que moi, je cherche depuis moins longtemps que toi. Enfin quand je dis que je cherche...  pas vraiment, pour le moment les logements temporaires et les auberges de jeunesses sont mes meilleures amies, même si les gens peuvent s'avérer plus que susceptible dès fois. Genre si tu laisses trainer ta brosse à dents dans la salle de bain ou tes chaussures dans l'entrée... Ridicule non ?" Complètement ridicule selon toi, tu es à l'aise n'importe où, dans n'importe quelle contexte et ce sans forcément avoir l'espace adéquate, il suffit juste que tu puisses poser ton sac dans un endroit sur et mettre un de tes écouteurs sur les oreilles, c'est tout ce qu'il te faut pour te sentir chez toi. "Mais un jour, je signerai un vrai contrat et tout." Un souhait certes un peu stupide, réaliste cependant, tu n'es pas encore prête pour te lancer là dedans.
"Et pff... Mon régime alimentaire est des plus foireux, je crois qu'il ne faut pas que je sois en charge. Sinon tu vas te retrouver à manger un hot dog couvert de sirop d'érable et ... Oh un stand de barbe à papa ..." Tu préfères la prevenir dès maintenant, cependant tu es très vite distraite, trop vite et tu vous guides déjà vers la file pour le dit stand, principalement composé de parents et d'enfants en très bas âge. "... Ça compte comme entrée non? J'en veux une soudainement, allez on commence par le dessert." Toi, logique ? Absolument pas. Tu es presque pensive, les yeux rivés sur la barbe à papa et le sucre de la même couleur que tes cheveux et tu laisses échapper un rire avant d'ajouter: "Ça m'étonne que tante Célie te laisse vivre si loin du domicile familial... Je me demande ce qu'elle dirait si elle savait qu'on a repris le contact... Ou pire, imagine qu'on unisse nos forces et qu'on trouve un appartement pour nous deux... Nos parents auraient de quoi parler pendant les prochaines fêtes." Une idée complètement folle ? Pas de doute là dessus.  

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Chad et Evie travaillaient beaucoup et se voyaient assez peu. Elle avait beau avoir un bon feeling avec les hommes, son tempérament lui permettant de leur tenir tête sans craindre les insultes et les regards de travers, rompue à cet exercice depuis tellement longtemps qu'elle avait cessé de faire le décompte des fois où ils avaient essayé pour finalement se casser lamentablement les dents sur la répartie de la femme sûre d'elle et charismatique qui leur faisait face, il restait toutefois que Lara n'avait pas tort sur l'idée qu'il s'agissait d'un exploit qu'elle ne soit pas là à déblatérer sa rancune à propos des habitudes insupportables de son colocataire. Elle ne le ferait jamais, non seulement parce que Chad en avait peu, cultivant l'air de rien des allures de gendre parfait tant grâce à son physique de jeune premier que grâce à ses petites manies d'ex-époux enthousiasmé par le partage des taches au sein du foyer, mais surtout parce qu'elle avait trop de respect pour lui pour le ranger dans la même case que les autres hommes qu'elle avait connus et qui ne lui arrivaient tout bonnement pas à la cheville.
Elle se contenta donc de hocher la tête pour affirmer les propos de sa cousine, poursuivant sur sa lancée en retenant une longue mèche de cheveux derrière son oreille bardée de brillants de bonne qualité.

"Il a été marié à une femme pendant une dizaine d'années. Je ne sais pas s'il l'a mise au courant aujourd'hui, mais la dernière fois qu'on en a discuté, c'était dans ses projets." Ça paraissait même très important pour lui de le faire maintenant. Elle ne pouvait pas se mettre à la place du jeune homme à ce sujet, pourtant elle comprenait ses craintes de franchir le pas du coming-out face à la femme qu'il avait l'impression d'avoir grugé pendant tellement d'années. Elle repensa brièvement à la conversation qu'ils avaient eu lorsqu'il lui avait révélé son secret de polichinelle, et son visage marqué par la tristesse s'imposa à elle comme un flash déplaisant tant ça lui avait fendu le cœur de constater à quel point il souffrait de cette situation. Evelyn aurait aimé faire davantage pour l'aider. Seulement, elle savait que c'était une démarche qu'il devait accomplir seul, tout juste soutenu par ceux qui ne jugeraient pas le temps qu'il avait mis à se dévoiler totalement. Et ils avaient beau ne pas se connaître depuis très longtemps, leur relation s'étant tout doucement affirmée au cours des mois passés sous le même toit, Evie pouvait cependant lui promettre qu'elle ne le laisserait pas tomber. C'était d'ailleurs ce qu'elle avait fait en mettant ses projets de déménagement de côté pour s'assurer qu'il réussisse à mieux gérer l'après-coup de cette révélation chamboule-tout.
Elle soupira très discrètement "C'est un poids qu'il porte depuis longtemps. Enfin, c'est comme pour les relations homme-femme, tout le monde vit les choses différemment, tu as raison." conclut-elle à la suite de Lara qui d'une certaine façon était la plus à même de donner son avis sur le sujet, plus qu'elle en tout cas. Pendant une fraction de secondes, elle s'imagina la mettre sur le chemin de Chad. A ses yeux, Lara était la définition même de l'acceptation, aussi peut-être pourrait-elle forcer un peu le Destin pour que le jeune homme trouve une alliée dans ce nouveau monde de possibilités qui s'ouvrait à lui ? Mais elle n'était pas très bonne pour ces choses-là, Evelyn… tandis qu'elles bifurquaient sur son métier, elle se promit tout de même de l'inviter à la maison pour les présenter.

En attendant, elle consentit à dire à sa cousine, qui entre temps lui apprit que le mariage ne faisait pas partie de ses grandes résolutions pour mener une vie prospère "Encore un point commun. Prépare-toi à supporter toute ta vie le regard outré des autres quand tu leur apprendras que l'engagement ne fait pas partie de tes priorités. Crois-en mon expérience, ça fait de nous une espèce totalement à part." Mais puisqu'elles en étaient déjà une, était-ce vraiment une épreuve insupportable que de vivre encore un peu plus avec l'impression d'être hors des codes, d'être différentes ? Comme tout le reste, et parce que l'instinct de survie est un mécanisme particulièrement bien rôdé, on finissait toujours par s'y faire, même si la normalité jouait parfois les tentatrices et qu'à plusieurs reprises déjà, Evelyn s'y était essayée avec une maîtrise dont elle ne se savait pas détentrice.
Depuis qu'elle était de retour à Brisbane, elle s'était effritée puisqu'elle avait de nouveau mis un pied dans l'environnement qu'elle avait tant voulu éviter. Peut-être était-ce parce qu'elle avait pris de l'âge, mais elle réussissait davantage à graviter autour de tout ça que lorsqu'elle était adolescente. Aujourd'hui, elle était maîtresse de ses émotions, et de plus en plus consciente que sa mère n'avait aucun droit sur elle, elle avait acquis une certaine sagesse à propos de tout ça… elle aurait aimé que ses sœurs en fassent de même, un peu comme Lara qui était sur la bonne voie et qui, malgré les difficultés et les sacrifices, semblait déterminée à se faire un nom sans user du patrimoine de leur famille. Chaque fois, ça la réconfortait de penser qu'il y avait désormais quelqu'un qui avait la même vision qu'elle. Ça lui laissait croire qu'elle n'était plus seule, et que si jamais des représailles venaient à être lancées dans sa direction, elle pourrait davantage faire front avec une guerrière comme Lara Pearson à ses côtés.

"Le jour où tu signeras un contrat immobilier sera le jour où tu deviendras une vraie adulte, baby Pearson." Ça sonnait un peu solennelle, mais le grand sourire qui fendit son visage n'avait rien d'angoissant au contraire. Elle haussa les sourcils, se laissant distraire par l'expression qu'emprunta sa cousine lorsqu'un stand de barbes à papa se dressa sur leur chemin incertain. Piétinant à droite et à gauche, Evelyn n'était pas venue ici depuis longtemps. Elle avait oublié à quel point c'était immense, sans parler des extensions mises sur pied ces quinze dernières années. Enfin, elle pointa du doigt le stand désigné par Lara, et la tête très légèrement penchée sur le côté, elle plissa son œil gauche avec la même intention "OK, ton grand débarquement dans le monde des adultes ne sera pas pour tout de suite. Tu pars sur une petite ou sur une grande ?" lui demanda-t-elle en finissant par se hisser sur la pointe des pieds pour consulter la carte affichée sur la devanture et prendre place dans la file d'attente. Elle évita de faire savoir à la jeune femme qu'elle avait une passion secrète pour le sucre elle aussi, par crainte de forcer le trait de la ressemblance de plus en plus évidente entre elles ; une passion pour le sucre qu'elle partageait avec sa plus petite nièce, leur session dégustation de pâtisseries après l'école ne s'étant pas tarit bien qu'Ester réprouvait toujours autant le temps que sa fille passait avec sa traîtresse de sœur.
A croire que ses pensées étaient directement connectées à celles de Lara qui mentionna Celie à cet instant précis ; parce qu'Ester n'était rien d'autre que la version low-cost de sa mère, n'en déplaise à la principale intéressée qui se pensait tout droit sortie de la cuisse de Jupiter. Intérieurement, elle roula des yeux "Oh, elle a tenté de me faire occuper la poolhouse du domaine en déroulant la liste des avantages dont je bénéficierais si je décidais de devenir sa locataire permanente. J'ai préféré l'hôtel les premiers temps." Inutile d'en expliquer les raisons. Elle s'y était plus senti chez elle que dans la maison dans laquelle elle avait passé son enfance. En vérité, elle aurait pu consentir à faire un effort si Celie lui avait proposé les clefs de leur résidence secondaire sur la Gold Coast, mais elle n'avait pas eu ce grand privilège – privilège exclusivement réservé à ses filles préférées ; pas à elle donc, alors qu'elle n'était pas sans savoir que c'était là-bas qu'Evelyn s'était toujours senti le mieux. Elle ravala cet épisode en même temps que sa rancœur pour mieux ajouter "Ce n'était pas prévu que je reste, c'est Ettie qui m'a convaincue. C'est une sorcière, il ne m'a pas fallu très longtemps pour accepter, à ma plus grande surprise d'ailleurs." Elle lança un regard à sa cousine, puis elle continua sur lancée, non sans laisser un rire lui échapper en l'entendant parler de leurs parents "Je crois qu'ils n'ont pas besoin de savoir qu'on a repris contacts pour faire de nous leur sujet de conversation préféré." Ça aurait pu être très flatteur si elle n'avait pas su que les fois où sa mère la mentionnait dans ses discussions n'étaient là uniquement pour la fourvoyer davantage aux yeux de ceux qui au sein de La Fondation avaient toujours de l'affection pour elle. Elle arqua un sourcil, son regard se fit soudainement un peu vague, presque rêveur "Je dois quand même avouer que j'aimerais beaucoup être là le jour où ils l'apprendront." Ça ne tarderait pas, l'échéance approchait dangereusement, elle le sentait. Le côté le moins raisonnable d'elle, celui qui l'avait vaguement mise sur un mauvais chemin à l'époque de son adolescence, celui qu'elle tentait tant de laisser endormi en sachant qu'il ne lui ferait prendre que de mauvaises décisions crevait littéralement d'envie à cette idée. Si bien que, tout en se tournant tout doucement vers Lara, Evelyn lui dit avec une lueur d'innocence un peu feinte dans le fond de ses iris foncées, appuyées par le filet de voix qu'elle laissa filer lorsqu'elle reprit la parole "Ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée. La colocation, je veux dire… c'est bien de ça dont tu parles, hum ?"

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Il faut l'avouer, tu es bien contente de te découvrir un certain nombre de points communs avec Evie, qui est en train de devenir, et rapidement il faut l'avouer, ta cousine préférée, certes ce n'est pas une compétition... Et tu n'as jamais fait aucun effort pour aller vers les autres membres de la famille Pearson mais voilà, il suffisait que tu te décides à couper les ponts avec tes parents, te rendant presque orpheline, pour avoir envie de faire un effort et de voir si tu n'étais pas la seule à avoir envie d'envoyer valser votre foutu nom de famille et uniquement avancer sans te soucier du reste. Le sentiment est partagé et il faut avouer que la vie est suffisamment stressante comme ça, toi, en tant que pile électrique, tu en as plus que conscience et non, grandir ou devenir une adulte, comme le dit si bien ton aînée, n'a jamais fait parti de tes plans. Tu as décidé, au moment où tu as dit adieu à la fac, de laisser tomber les grands plans avec de grandes majuscules toutes aussi importantes et toute aussi pompeuses.
Cela ne sert strictement à rien de se projeter, de prévoir sur un an ou dix, cela ouvre seulement la porte à des déceptions et uniquement des déceptions. On ne peut pas vivre en suivant un chemin tout tracé ou une simple liste, c'est encore pire quand le chemin a été tracé par d'autre et qu'on avance sans vraiment y mettre du sien ou sans que cela nous tienne réellement à coeur. Et ça, qu'on se le dise, tu l'as vécu, de manière silencieuse, en renvoyant une image parfaite du contrôle et d'un semblant de stabilité et de bonheur, mais ça n'était pas toi. Ça, ça n'a jamais été Lara, non, tu le sais très bien. Lara c'est celle qui se tient juste là, à renvoyer un sourire à Evelyn tandis que cette dernière te demande de quelle taille tu veux ta montagne de sucre.
Tu manques de rouler des yeux car pour toi, la réponse est plus qu'évidente et tu déclares un simple : "Une grande bien entendu. Le sucre et moi... C'est tout une histoire d'amour." avec le sourire aux lèvres. Ce qui constitue tout à fait un repas pour toi, et oui, c'est un miracle que tu tiennes encore debout, avec cette ligne-là et que tu ne prennes pas un seul gramme à chaque fois que tu décides de te rendre dans le fast-food le plus proche ou de tout simplement acheter ton poids en paquet de Dorito. Pas un régime alimentaire des plus stables ou viable, décidément pas quelque chose que ferait un adulte responsable. "Et qu'on se le dise je ne suis pas du tout prête à rentrer dans le monde des adultes, payer des factures et ce genre de responsabilités, ça ne me ressemble pas du tout. Tu parles à quelqu'un qui vit un peu au jour le jour, plutôt de semaine en semaine ces temps-ci mais tu vois ce que je veux dire..." Ce qui te va très bien, te retiens-tu d'ajouter, mais la légèreté de ton ton est sans équivoque, certains seraient effrayés de ne pas savoir s'ils vont avoir un toit sur leur tête la semaine prochaine, où s'ils auront de quoi finir le mois, pas toi, tes préoccupations ne se trouvent pas là et le stress ne t'habite pas pour ce genre de raisons. Tu es stressée quand tu ne peux pas trouver ta paire de chaussures préférée pour un casting ou quand tu réalises que l'audition se fera entre toi et une dizaine de filles beaucoup plus talentueuse que toi... Pas pour tes lendemains.
"J'ai considéré l'hôtel pendant un moment mais c'est un peu trop froid pour moi." Ce qui est la raison de ton départ de ton magnifique penthouse payé par tes parents, trop grand, trop froid, trop impersonnel. Un bien immobilier d'une excellente qualité pour Trevante et Cassandra, mais définitivement pas un endroit que tu pouvais qualifier de chez-toi. C'est bien plus que des murs ou une magnifique vue, de ton expérience, il en faut peu pour être à l'aise et ce n'est définitivement pas une question d'argent. Ton regard finit par croiser celui d'Evie et il faut avouer que même toi, tu es surprise de ton initiative. Oui, quand il s'agit d'aller à l'encontre des souhaits de tes parents, tu es devenue une championne et ce, en très peu de temps. Reprendre le contact avec Evelyn est une chose, habiter avec elle... c'est totalement différent. Mais pourquoi pas ? Tu vis avec de parfaits inconnus depuis des mois, est-ce que cela serait si terrible que ça d'habiter avec ta cousine ? "Oui je parle d'une colocation, je veux dire, on pourrait essayer Je cherche un endroit où vivre et tu pourrais délaisser le canapé de Chad. Enfin de façon métaphorique... mais pas que..." Tu hausses les épaules, et feins une certaine nonchalance, mais c'est tout le contraire et tu regrettes presque ta soudaine bravoure et le fait que tu ne réfléchisses pas avant de parler. Tu ne sais pas où en sont les recherches immobilières de la jeune femme ou si elle cherche encore, ou si après sa dernière colocation elle n'a pas tout simplement envie de vivre seule. "On dit qu'il faut rester soudé quand on a le même nom de famille quelque chose comme ça." Que tu ajoutes et tu te trouves soudainement tellement ridicule que tu te donnes une petite gifle mentale avant d'avancer dans la file.
Tu es bien contente que votre tour arrive enfin et tu commandes ta barbe à papa et laisse Evelyn payer pour ta friandise que tu récupères la seconde suivante. "Merci." murmures-tu avant de délaisser la file, tu pointes du doigt un des bancs libres avant de mordre dans le nuage de sucre dont la couleur ne fait que te rappeler celle de tes propres cheveux. Le goût du sucre est familier et suffisant pour te distraire quelques secondes et pour te calmer. Tu n'es pas du genre à proposer quoi que ce soit si tu n'en as pas un minimum envie, qu'on se le dise, personne ne peut te faire changer d'avis ou au contraire essayer de capter ton attention, grande gueule ou pas, tu es toujours aux commandes. Et après seulement quelques semaines à côtoyer Evie, qu'on se le dise, quelque part, entre les quelques messages échangés, tu as pris ta décision et t'es dit que cela serait une bonne idée. Tu finis par tourner la tête vers Evelyn, une expression un peu plus déterminée sur le visage. "Ce n'est pas la pire idée que j'ai eue aujourd'hui. En dehors de mes horaires quelques peu irrégulières, j'estime être facile à vivre. Je ne fais pas le ménage tous les jours, mais je nettoie derrière moi, surtout quand il s'agit de la salle de bain, avoir cette couleur de cheveux ne se fait pas sans aucun dégât. Je ne cuisinerai pas par contre, mes amis sont tout aussi propres que moi et ma vie sentimentale est.... inexistante donc pas besoin de faire du café pour une étrangère après une longue nuit." Toi une très mauvaise vendeuse ? Oui la pire du monde, tes arguments sont plus que maigre mais tu hausses de nouveau les épaules, mangeant un peu plus de sucre.
"Ça serait pratique." Ce qui est encore une fois vrai. "Oh et ça embêterait tellement mon père." La cerise sur le gâteau ? Certainement.

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Quitter une colocation pour en rejoindre une autre ne faisait pas partie des plans d'Evelyn. Dans l'idéal, elle aurait aimé se trouver un appartement comme celui qu'elle occupait à Londres afin d'asseoir le statut de femme indépendante qu'elle était. Elle avait déjà tout prévu, faisant partie de ceux qui avaient des idées bien arrêtées, même un peu trop d'ailleurs. Ainsi, elle misait sur un bien au charme désuet qu'elle arrangerait à son image et dans lequel elle se sentirait en sécurité. En d'autres termes, une copie conforme de celui qu'elle avait mis tant de temps à trouver lorsqu'elle avait rejoint l'Angleterre. Là-bas, et ce pendant une quinzaine d'années, elle avait joui joyeusement de sa solitude, chérissant ses longues nuits passées à peaufiner les derniers détails des premiers contrats qu'elle avait débauché. A genoux devant la table basse, chinée au rabais et customisée pour faire bonne mesure, la langue coincée entre les dents tandis qu'elle repassait soigneusement à l'encre de Chine les contours des invitations calligraphiées qui faisaient partie des prestations plutôt onéreuses qu'elle proposait, elle se laissait bercer par les bruits de la ville. Un verre de vin à portée, elle ne devait rien à personne, et personne ne lui devait rien.
S'installer seule, retrouver la sérénité d'une demeure qu'elle aurait véritablement choisie, il s'agissait d'un projet qu'elle mûrissait depuis un certain temps. Elle avait beau s'être sentie très bien accueillie lorsqu'elle avait rejoint la maison de son colocataire actuel, l'aura de la précédente femme qui avait occupé les lieux dix années durant était toutefois présent dans chaque choix de peinture, chaque choix de motifs et chaque choix de vaisselle… Evie, qui était très portée sur l'aspect personnalisation de tout, s'était vite sentie frustrée de ne pas pouvoir apporter sa touche personnelle à l'ensemble de la décoration. Sans pour autant s'y sentir mal à l'aise non plus, seulement il était temps qu'elle laisse sa créativité s'exprimer pour la cause de sa future maisonnée. Oui, elle y songeait de plus en plus, admettant volontiers qu'elle avait su trouver la paix sur sa terre natale malgré l'épée de Damoclès que Celie s'obstinait à faire danser au-dessus de sa tête. Presque deux ans après son retour, Evelyn se sentait bien mieux en Australie qu'à l'époque où elle l'avait quittée.

Elle ne s'installerait sans doute pas loin de son lieu de travail, le quartier dans lequel son agence était située représentant tout ce qu'elle aimait dans l'immobilier. Les briques rouges et les escaliers de secours donnant à l'ensemble un petit air New-Yorkais qui ne lui déplaisait pas… tout était esquissé dans son esprit, à l'image des croquis abstraits qu'elle griffonnait sur ces carnets qu'elle gardait constamment sur elle. Mais en l'espace de quelques mots seulement, Lara venait de donner un grand coup de gomme à cette ébauche détaillée. L'attrait certain qu'elle trouvait à la situation, davantage porté sur l'idée de contrarier un peu le reste du clan Pearson qu'autre chose, la fit réfléchir un petit moment. Que devraient-elle faire pour mettre à bien ce dont elles discutaient désormais ? Rien de plus que ce à quoi elle s'était préparée à prochainement faire toute seule : écumer les annonces dans l'espoir de trouver la perle rare, partir en expédition pour relever les biens mis en location sur le territoire qui les intéressait, prospecter elles-mêmes dans l'idée d'intéresser les propriétaires qui recherchaient des profils comme le leur et qui ne prendraient pas peur lorsqu'ils s'apercevraient qu'elles sont toutes les deux des Pearson… ce n'était pas bien compliqué. A dire vrai, c'était davantage l'aspect colocation en famille qui la fit plisser les paupières, plutôt que celui de précipiter son départ de la maison de Chad.
Il fallait l'avouer, Evie n'était pas la femme la plus portée sur les liens familiaux qui puisse exister. Mais Lara avait le mérite de ne pas être une de ses sœurs, ce qui rasséréna ses préoccupations immédiates lorsqu'elle réalisa qu'elles étaient en train de faire des plans sur la comète. Le fait qu'elles se ressemblent autant l'obligeait à la considérer d'un point de vue plutôt positif, et sans doute que ça manquait cruellement d'objectivité, mais la question n'était pas celle-ci à cet instant précis. Et si elles se précipitaient, poussées par leur esprit de contradiction, et que ça ne fonctionnait pas entre elles finalement ?

Evelyn se hâta de faire un pas en avant, passant commande pour Lara à qui elle tendit sa barbe à papa géante sans demander son reste. Elle, elle se contenta d'une eau aromatisée qu'elle but à petites gorgées, suivant d'un pas vif sa cousine, le bras s'ankylosant doucement sous le poids des sacs qu'elle portait au poignet. Elle s'assit à côté d'elle, posa ses sacs dans l'espace qui les séparait, et puis elle resta silencieuse un instant. Elle ne prenait pas des décisions impulsives, elle était réfléchie et méthodique ; un fait qui forçait Neal à l'appeler Robocop tant elle paraissait programmé pour l'impartialité mûrement contrôlée, rapide et sans appel, restant consciente de tout un tas de choses qu'elle voulait éviter, comme les mauvaises surprises dont elle avait été la victime tout au long de son adolescence, souffrant de l'opportunisme comme d'une maladie qui l'avait contrainte à se montrer pointilleuse dans le choix de son entourage. Mais Lara était une Pearson… et justement, n'était-ce pas un détail à prendre en compte, le genre d'alarme impossible à ignorer lorsqu'elle se mettait à sonner, toutes sirènes rugissantes, pour prévenir d'un danger imminent ?  
Ne pouvant s'empêcher de sourire en entendant la jeune femme se vendre comme si sa vie en dépendait, Evie décida subitement de ne pas laisser ses craintes la consumer, et préféra se référer aux bonnes impressions que Lara lui laissait à chaque fois. Tout bas, s'approchant un peu pour qu'elle l'entende mieux dans la cohue de cet après-midi-là, elle lui dit "J'ai l'impression que tu as l'habitude de faire ce genre de choses. Mais passons sur tes références, Mary Poppins." Elle se redressa en dégageant son visage de ses cheveux, les calant d'une main à l'arrière de sa tête lorsqu'elle reprit la parole "Je ne cuisine pas non plus, je n'ai pas le temps pour ça. Mais j'ai un partenariat avec l'un des meilleurs chefs de la ville, il me fait souvent livrer des plats qui te donneront envie d'abandonner la barbe à papa." Un petit regard en coin pendant qu'elle continuait "C'est une garantie non négligeable dont je tiens à te faire profiter. Ça, et les échantillons de wedding cakes que je ramène en masse au moins une fois par semaine. Je ne supporte pas le gâchis." Et accessoirement, elle considérait ça comme étant son dû. Si on s'arrêtait sur le plaisir non dissimulé qu'elle lisait sur le visage de la jeune femme qui savourait son petit encas sucré, Evelyn savait que ça pèserait lourd dans la balance, cette promesse de crème et de fleurs en sucre à presque volonté. Elle finit par lui piquer un petit nuage de sucre du bout des doigts, et l'engloutissant rapidement, elle le fit passer avec une autre gorgée d'eau avant de reprendre "Je ne suis quasiment jamais présente les weekends. C'est là que se concentre le plus gros de mon travail, alors tu seras souvent seule à la maison à ces moments-là. Et tant que tout est en ordre quand je pousse la porte, je n'ai pas besoin de savoir ce qui s'est passé ou non pendant mon absence… colocation ne veut pas dire espionnage, on est adultes." Ou plus ou moins, quand on pensait au fait que cette idée leur venait d'une envie brusque d'ennuyer leurs parents respectifs…
Evie marqua une pause, laissant son regard vadrouiller de part et d'autre de l'allée du centre-commercial. Après un soupir, elle tourna la tête vers Lara, mettant fin au suspense inutile "Ça me plairait de vivre avec toi." Pas seulement pour agacer Celie et les autres au demeurant. Mais au Diable les grandes envolées de sentiments et autres pactes de sang pour confirmer leur soudaine alliance. Elle se contenta simplement d'un autre sourire presque pudique et d'un clin d'œil lorsqu'elle poussa la jeune femme de la pointe de l'index en lui soufflant "Tu peux te détendre maintenant." Parce qu'elle l'avait senti, ce condensé de doutes qui avait soudain rendu silencieuse sa cousine. Dans la foulée, elle lui chipa un second nuage de barbe à papa.

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crédit/ CRÉDIT(tumblr) ✰ w/ @Evelyn Pearson

Tu as toujours été un peu impulsive. Toujours. Trevante et Cassandra aiment probablement se dire qu'ils ont élevé un petit modèle de perfection, que tu ne commets aucun faux pas et que ton éducation a été des plus parfaites ... Mais ce n'est pas vraiment comme ça que tu as vécu les choses. Ou que tu les vis présentement, tous les jours. Quelque part, tu en as toujours voulu plus, tu t'es toujours posée la question et demandée ce qui arriverait si tu en demandais plus justement et que tu poussais la curiosité un peu plus loin, que tu décidais de dire non, et d'explorer et te faire ta propre opinion. Et plus jeune, cela t'a facilement valu l'étiquette de difficile à vivre, si bien que tu as fait de ton mieux pour paraître lisse devant tes parents et explorer à ta guise de ton côté.
Ce qui s'est passé avec ta sexualité, si beaucoup t'ont vue comme une fille sage et un modèle de vertu, c'est tout simplement car cet aspect de ta vie eh bien... Tu t'es toujours efforcée de le garder privé et de ne pas afficher avec le même entrain que tes camarades tes petites amourettes de lycée ou autres. Cela a été la même chose avec la danse, tu as pris ton temps, pour tester et pour te lancer, pour t'assurer que c'était vraiment ce que voulait ton cœur avant de prendre ta décision et d'abandonner la fac. Si bien que pour tes parents, tous ces revirements de situations sont arrivés de manière brutale et qu'ils ont eu l'impression de faire face à une toute nouvelle personne, avec bien des années de retard. Mais pour toi, toutes ces choses-là ont toujours fait partie intégrante de toi, de Lara, tes propres introspections et tes propres doutes... Tu les as tout simplement gardés pour toi. Donc oui, c'est bien la première fois que tu vocalises une tentative, aussi ratée soit-elle à voix haute et la première fois que tu envisages d'entraîner quelqu'un dans tes envies de folie et de grandeur. Bon... Il s'agit d'une envie qui n'est pas si folle que ça, il s'agit tout simplement de vivre avec ta cousine, pas de décider d'un autre changement de carrière ou une autre couleur de cheveux.
Tu as un léger rire, un brin sincère et un peu nerveux lorsqu'Evie remarque que tu as l'habitude de te présenter et d'expliquer quel genre de colocataire tu es, et ce, en très peu de temps. "Oui, disons que je sais quoi dire pour me faire héberger pour quelques nuits, j'ai dû le faire souvent au cours de ces dernières semaines, histoire de ne pas finir à la rue... J'ai mon petit discours bien mémorisé." Trop mémorisé au final, un peu trop. Depuis le mois de mars dernier, tu n'as fait que bouger en fait, il n'y a eu aucun moment de pause. Que ce soit pour aller à un casting, pour échapper aux appels incessants de ton père ou alors pour trouver un logement pour une nuit ou deux et ne pas te réfugier dans un endroit aussi impersonnel que partout... Tu cours depuis des mois, sans reprendre ton souffle, en te disant qu'il n'y a pas meilleure façon de vivre, mais qu'on se le dise, tu risques de fatiguer à un moment donné. Tu es humaine après tout et si tu adores prétendre que tu n'as pas de limites, te pousser à bout physiquement pourrait être dangereux, que ce soit pour ta santé ou même ton art, la dernière chose que tu veux, c’est louper une audition, car tu n’as pas assez dormi ou que tu n’es tout simplement pas assez reposé. Mais tu peux le sentir, tu arrives petit à petit au bout et comme tu l’as fait remarquer à Itziar il y a quelques jours de cela, ce n’est pas ce que tu recherches. Tu ne veux pas être celle qui fonce droit dans un mur et prends des décisions stupides.
Arrêter tes études n’était pas stupide, décider de vivre avec Evie ne l’est pas non plus. C’est même logique maintenant que tu y penses. Maintenant que tu l’écoutes énoncer ses arguments à elle et ses propres limites. "Je suis détendue." Tu lances automatiquement la phrase, un brin sur la défensive, confirmant très certainement ce qu’Evie a déjà détecté chez toi, les conversations aussi franches sont ta spécialité, mais il est rare que quelqu’un se prête également au jeu, d’ordinaire, les gens préfèrent fuir dans l’autre direction et tu ne pousses pas plus loin. Tu préfères te reprendre la seconde d’après et mordre avec une certaine véhémence dans ta barbe à papa, histoire d’avoir un minimum le contrôle de la sit/uation et de t’assurer que cette conversation est bien réelle en fait. "Bon okay, je ne l'étais pas vraiment... Mais oui. Ça serait sympa de vivre ensemble. Et de me dire que je ne dois pas chercher un endroit où vivre dans deux semaines ou dans trois." C’est plus qu’évident qu’il n’y a que des avantages à cette colocation… pour le moins improvisée. "Et tu es la personne la plus responsable que je connaisse et je me dis que ça ne peut que bien se passer." Dans ton esprit, il s’agit d’un compliment bien entendu, un véritable éloge pour Evelyn qui a réussit en quelques semaines à se faire une véritable place dans ta vie et ce bien mieux que n’importe quel autre Pearson avant elle.
En parlant des Pearson d’ailleurs, tes pensées dérivent ailleurs pendant quelques secondes, vers un autre type de colocation, plutôt forcée et auquel tu n’as pas pu échapper pendant très longtemps. "Mais si je fais quoi que ce soit qui t'irrite ou qui te déplaît, n'hésite pas à me le dire hein ? Je ne dis pas que je réagirais bien sur le moment hein... Au moins, on pourra en parler et tu ne te sentiras pas obligée de l'utiliser contre moi pendant une de nos conversations ou dans un moment qui n'a absolument rien avoir." Tu hausses les épaules à ces mots-là, tu essayes de feindre la nonchalance et tu as plus que conscience que l’effet est complétement raté. Tu parles, encore une fois en connaissance de cause, tu sais très bien qu’Evie ne va pas tenter de te faire culpabiliser pour obtenir quoi que ce soit de ta part… Mais on ne peut pas te reprocher d’être prudente, malheureusement pour ta cousine, tes parents sont passés par là avant et ils ont laissé leurs propres marques.
En dehors de cela, tu sais très bien que tu n’as rien à craindre. "But yeah, let's live together." Que tu ajoutes la seconde d’après, avec un véritable sourire sur le visage cette fois-ci.