sometimes the greatest adventure is simply a conversation

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Je n’avais pas prévu que Noah dise à son professeur que je suis son père. Je n’avais pas prévu de me faire convoquer pour discuter de son comportement à l’école. J’avais encore moins prévu de me prendre la tête avec Ginny à propos de l’éducation du petit garçon. Rien ne, c’était passer comme prévu et depuis, je ne cesse de ruminer dans mon coin. Une habitude pour moi. Pourtant, cela faisait un moment que je n’avais pas ruminé au sujet de mon ex-femme et de notre fils. Je ne cesse de penser au changement radical de comportement de la part de Noah. Il a toujours eu un sacré caractère et ne se laissait jamais marcher sur les pieds, mais jamais il n’avait répondu de cette manière à des adultes. Je sais que mes absences répétées ont eu un impact sur sa vie quotidienne et je compte bien changer cela très rapidement. Cependant, je me demande si la présence nouvelle d’Isaac dans la vie de Gin n’y est pas pour quelque chose également. Je me pose beaucoup de questions comme toujours. C’est pour cela que j’ai fini par envoyer un message à Isy pour que l’on puisse se voir rien que tous les deux. Je crois qu’il est grand temps que l’on est une discussion entre hommes. Lorsque Gin a voulu mettre les choses officielles entre eux, le brunch a tourné à l’enfer et la dernière fois il a, encore, dû m’aider à gérer une crise d’angoisse. Cette après-midi, il n’y aura pas de crises de panique ou d’angoisse, juste une conversation qui deviens de plus en plus nécessaire, je le crois.

Nerveux comme jamais, j’arrive avec dix minutes d’avance au petit Starbucks au coin de ma rue. Lieu de rendez-vous donné à Isy. Je ne veux pas paraître agressif, je suis persuadé que l’infirmier est un homme bien, mais j’ai besoin de savoir ce qui se passe avec Noah et Ginny. J’ai besoin de me rassurer. Peut-être qu’il n’en saura pas plus que moi, peut-être que je vais devoir avoir une nouvelle conversation avec Noah, bien plus sérieuse cette fois. Je n’en sais trop rien. On verra bien. Je me dis que tout va bien se passer. Après tout, c’est juste une conversation entre deux hommes adultes. En attendant le brun, je me commande un grand café et un muffin. Je patiente en tapotant une mélodie avec mes doigts sur le bois brut de la table. Perdu dans mes pensées, je ne le vois pas arriver et sursaute lorsque le jeune homme s’adresse à moi. « Oh, je ne t’ai pas vu arriver. » Je me lève précipitamment et lui tends la main pour qu’il la serre. « Je suis content que tu sois venu, merci. » Je lui fais signe de prendre place en face de moi. « Tu veux un café quelque chose, j’offre. » C’est la moindre des choses après tout, c’est moi qui lui ai demander de se déplacer. Je lève les yeux vers Isaac et lui adresse un sourire comme pour le rassurer. « T’en fais pas, je vais pas te hurler dessus ou quoique ce soit. Comme je disais dans mon message, j’aimerais juste que l’on discute un peu tous les deux si ça te va bien sûr. » Enfin, s’il est venu jusqu’ici, c’est que ça lui va non ? Je n’en sais trop rien.        

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Je m'en voulais terriblement de devoir écourter des conversations parce que mes horaires changeantes de travail me sommaient au centre hospitalier. J'en voulais à ma vocation, à mon choix de carrière, à mes collègues, à mon cadre de santé, de m'arracher à mes proches lorsque je savais que ma présence leur serait utile. J'étais immensément déçu de ne pouvoir épauler Ginny davantage, même si je la croyais quand elle m'assurait qu'elle gérait. Sa force et son courage n'avaient jamais été à prouver à mes yeux, mais c'est le cœur en peine et à reculons que je remettais mon uniforme de soignant en sachant que tout ne tournait pas comme sur des roulettes à la maison. J'aurais aimé être plus, faire plus ; mais me sentais indéniablement lié par ces obligations professionnelles et ces malades qui attendent.

J'entendais, impitoyable disque rayé, les interminables reproches que me dilapidait Chloe, mon ex fiancée. Rengaine du passé, souvenirs empoisonnés, qui tonnaient, crissaient, que ma vie professionnelle comptait davantage que le volet personnel de mon histoire, que je relayais mon amoureuse au dernier rang de mes priorités. Ces arguments massues que j'ignorais contrecarrer tournaient en boucle dans ma tête, m'étourdissaient d'accablements, quand une partie de moi lui accordait raison. Oui, j'étais appelé en pleine nuit. Oui, je n'étais pas toujours fiable. Oui, si un jour j'ai des enfants, peut-être devrais-je les confier à une nounou parce que je devrais aller prendre soins de ceux d'inconnus. Peut-être que je louperais des spectacles de fin d'année, des départs en colonie de vacances, des remises de prix, des fins d'anniversaire. Je ne pouvais rien promettre, si ce n'est que de faire de mon mieux ; et ça, bien vite, elle m'avait fait comprendre que ça ne lui serait jamais suffisant. Parce que faire de mon mieux ne va pas à l'encontre de ma profession et de toutes les mauvaises surprises qu'elle invoque.
J'étais terrifié que ces reproches-là, Ginny me les adresse.
J'étais terrorisé qu'elle réalise, maintenant que les difficultés s'enchaînaient à plus grande vitesse, que je ne serai jamais un bon allié.
Je redoutais férocement qu'elle me quitte pour les mêmes motifs et que finalement, les jours de chance en banque que je pensais posséder n'étaient que douloureux leurres.

J'étais de congé, aujourd'hui. Joy était à Laidley, Noah avec Ginny, Oakley rencontrait un ami. Les rénovations de ma propriété arrivaient à leur terme, j'étais plutôt satisfait du résultat, même si je restais toujours critique envers mon ouvrage. Au moins, le souvenir de Chloe ne perdurait plus dans aucune des pièces de la maisonnée. J'étais même parvenu à transformer de fond en comble la chambre qui me faisait le plus de mal, tant qu'elle était méconnaissable jusque dans mes souvenirs.

Les 15 heures 30 sonnées, je me préparais afin de retrouver Bailey au point de rendez-vous qu'il m'avait fixé. Lorsque je pénétrais le café, le blond était installé à une table, le regard fixe. Je le devinais plongé dans ses pensées et doucement, j'attirais son attention en tentant de ne pas le surprendre. Échec, le britannique sursaute et se lève derechef. « Oh, je ne t’ai pas vu arriver. » Je lui serre naturellement la main qu'il me tend, enchaîne : « Excuse-moi pour le sursaut. » « Je suis content que tu sois venu, merci. » Un sourire amical étire mes lippes, je hoche la tête pour lui signifier que ce n'est rien. « Tu veux un café, quelque chose, j’offre. » Mon regard passe du garçon au comptoir où aucun client n'attend d'être servi. « T'inquiète, je m'en charge. Mais merci. » Avant de me distancer, le directeur artiste clarifie : « T’en fais pas, je vais pas te hurler dessus ou quoique ce soit. Comme je disais dans mon message, j’aimerais juste que l’on discute un peu tous les deux si ça te va bien sûr. » Je fronce doucement les sourcils, interrogatif. Je n'avais pas spécialement imaginé récolter d'éventuelles foudres de la part de Bailey ; cependant, le fait qu'il use ce lexique augurait bizarrement sur la suite de notre discussion. « Ça me va, laisse-moi juste deux minutes. » Je vais commander un large café noir et reviens peu de temps après vers le Fitzgerald. Je m'installe sur la chaise en face de lui puis, conciliant et attentif, le questionne : « De quoi voulais-tu parler ? » Vu nos éléments en commun, je soupçonnais qu'il évoque du McGrath, mais peut-être me trompais-je.

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Assis à cette table de café, je me refais le film de ma vie ces dernières années. Notamment depuis notre arrivée en Australie. Jamais je n’aurais imaginé venir vivre ici. Je l’ai fait uniquement pour Ginny et pour Noah. On se devait de tout tenter pour sauver le petit garçon. À l’époque, c’est tout ce qui comptait. On ne pensait à rien d’autres. Notre monde ne cessait de s’écrouler au fur et à mesure que les médecins nous donnaient de mauvaises nouvelles sur l’état de santé de Noah. On était à court d’idées, il fallait tenter le tout pour le tout avec le père biologique du petit garçon. On a emballé nos affaires dans quelques valises et nous sommes parti dans l’urgence, sans jamais réellement se retourner. Pas une fois on, c’est demander ce que ça allait avoir comme conséquence sur Noah justement. Puis une fois le petit garçon sorti d’affaire, on s’est senti poussé des ailes. On venait d’assister à un miracle, on pensait enfin pouvoir échapper à nos parents. On en a longuement parlé entre nous, entre adultes, sans jamais demander à Noah ce qu’il en pensait. On pensait bien faire et on en a oublié l’un de principaux intéresser. Il était trop petit pour dire quoique ce soit, mais ces derniers temps Noah a trouver sa voie, il a gagner en assurance et il ne veut plus se taire. Il nous fait savoir que la situation actuelle ne lui plaît pas réellement voire pas du tout. À sa manière, il demande qu’on s’intéresse encore à lui, il me demande de rester dans sa vie. Et tout cela m’inquiète. Je ne vais pas l’abandonner, j’en serais tout simplement incapable. Il a dit tout ce qu’il avait dire l’autre soir, mais j’ai besoin de m’assurer que tout va bien autour de lui. J’ai besoin de parler avec Isaac, celui qui depuis peu à obtenu le titre de beau-père auprès de Noah. Des changements qui bouleversent la vie du petit garçon. On n’a jamais vraiment eu le temps de discuter rien que tous les deux avec Isy et je pense qu’il est sincèrement temps qu’on le fasse en toute bienveillance bien entendu.

Ponctuel, Isy arrive pile à l’heure du rendez-vous donner et me surprends dans mes pensées. Je lui souris et le remercie d’être venu. Je le trouve nerveux ou si c’est moi qui suis vraiment trop nerveux, je n’en sais trop rien. Je tente de le rassurer, mais doué comme je suis avec les mots, j’ai l’impression de clairement mettre les pieds dans le plat. Je secoue la tête, prêt à m’excuser une énième fois, mais le jeune homme part se chercher une tasse de café, ce qui me permet de remettre les idées en place. Je ne suis pas là pour effrayer Isaac, encore moins pour le menacer ou je ne sais quoi. Je suis vraiment heureux que Ginny refasse sa vie, encore plus avec un homme comme l’infirmier. Il semble droit dans ses bottes, la tête sur les épaules. Quelqu’un de sûr, de bon et de profondément gentil. Tout ce dont Gin a besoin dernièrement. J’aimerais juste avoir une conversation avec lui. Passer le flambeau en quelques sortes. « De quoi voulais-tu parler ? » Il s’installe en face de moi et je lui souris à nouveau comme pour tenter de le rassurer. « Rien de grave, je t’assure. » Il faut que j’arrête de dire cela sinon je vais vraiment finir par lui faire peur, je crois. Je soupire et passe les doigts autour de ma tasse de café chaud. « J’aimerais juste discuter un peu de Gin et Noah. » Je ne sais pas réellement comment amener la chose. Je ne veux pas qu’il croie que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. « Tu dois savoir que Noah… Il a des petits soucis de comportement à l’école en ce moment et… Je voulais savoir si enfin… Si c’était pareil à la maison ? » Est-ce que Noah mène la vie dure à Gin ? C’est tout ce que je me demande. « On a eu une discussion avec lui et… Enfin, j’ai clairement mes torts dans tout ce qui se passe, mais je crois que c’est aussi difficile pour lui de voir un autre homme prendre un rôle auprès de sa mère, tu vois ? » Et j’ai l’impression de tout faire de travers d’un coup. « Enfin, il t’adore hein ! » Je m’empresse d’ajouter en souriant un peu. « Mais… Je suis pas son père, j’ai tenté de l’être. Puis j’ai disparu de son quotidien, maintenant il y a toi. Je crois qu’il est perdu et je dois t’avouer que moi aussi. J’aime ce petit bonhomme plus que tout, tu sais, je le considère comme mon fils, mais je veux pas qu’il souffre… » Je soupire longuement et bois une gorgée de ma boisson. « Mon dieu, c’est tellement brouillon, je suis pas doué pour parler de ce qui me tient à cœur, tu sais. Je… Je veux juste que tout le monde aille bien et que personne ne souffre de toute cette histoire de fou entre Gin et moi. Que ce soit Noah ou même toi Isy. »         

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Mes tracas, mes doutes, mes craintes, m'accompagnent jusqu'au comptoir où je commande un large café noir. Machinalement, mes doigts se perdent sur le couvercle du gobelet, s'assure qu'il soit bien fermé quand dans quelques secondes, je l'ôterai afin de m'abreuver plus rapidement d'une de mes boissons favorites - devenues aussi essentielles que salutaires au fil des années.

Mes propres démons, issus du passé comme innovant du présent, me traquent jusqu'à ce que je prenne officiellement place devant le britannique et que celui-ci m'adresse un : « Rien de grave, je t’assure. » Sa langue articule quand tout en lui hurle le contraire. Il me paraît évident qu'il n'évoquera pas une urgence vitale, mais le sujet que souhaite aborder Bailey lui tient supposément énormément à cœur. Et face au sérieux grandissant et aux multiples émotions que je lis dans le regard du garçon, mes craintes s'échappent, se mettent en sourdine, car je ne suis plus que dédié qu'à l'aider, l'écouter, traverser cette conversation si importante pour lui à ses côtés.

« J’aimerais juste discuter un peu de Gin et Noah. » Mon visage demeure impassible, j'analyse la situation, je me rends à peine compte que je traite Bailey comme un patient plutôt qu'un éventuel ami, une connaissance. C'est plus fort que moi, je sais qu'il ne va pas bien, qu'il est tourmenté - à des niveaux que je n'oserais jamais jauger - et c'est Isy l'infirmier qui couve son gobelet de ses doigts plutôt que l'amant de Ginny. « Tu dois savoir que Noah… Il a des petits soucis de comportement à l’école en ce moment et… Je voulais savoir si enfin… Si c’était pareil à la maison ? » Mon regard l'étudie, mon portrait demeurant de marbre. Je me retiens de froncer doucement les sourcils. La vérité, c'est que je n'apprécie pas cette question. Je ne me sens pas légitime à y répondre et je n'estime pas devoir rendre des comptes au Fitzgerald. Certes, Ginny fut son ex-femme et il considère Noah comme son fils. Néanmoins, ce qu'il souhaite savoir quant au comportement du petit à la maison n'est pas à moi de divulguer. C'est une question pour Ginny et Noah.

« On a eu une discussion avec lui et… Enfin, j’ai clairement mes torts dans tout ce qui se passe, mais je crois que c’est aussi difficile pour lui de voir un autre homme prendre un rôle auprès de sa mère, tu vois ? » Cette fois-ci, mes sourcils ne manquent pas de discrètement se froncer. Je maintiens mon regard dans celui du trentenaire, encaissant toute la sémantique que peut disposer ses paroles. Bailey m'accuse-t-il réellement d'être en partie responsable du mal-être de Noah ? Bien sûr que je sais aller au-delà de ce constat, bien sûr que j'ai conscience que les circonstances ne sont pas les plus simples pour un garçonnet qui n'est toujours pas passé aux décimales, bien sûr que je sais pertinemment que même si j'étais le meilleur des hommes, il n'en change que le théâtre de sa vie est un peu bancal et ma présence en est notamment l'une des raisons. Alors, plutôt que de m'attarder sur les reproches pressentis, je laisse le blond poursuivre. « Enfin, il t’adore hein ! » Il ajoute en souriant, mon expression de nouveau impassible alors que mon regard lui assure que mon attention lui est entièrement dévolue. J'écoute, j'analyse ; on palliera la situation une fois tous les symptômes récoltés.

« Mais… Je suis pas son père, j’ai tenté de l’être. Puis j’ai disparu de son quotidien, maintenant il y a toi. Je crois qu’il est perdu et je dois t’avouer que moi aussi. J’aime ce petit bonhomme plus que tout, tu sais, je le considère comme mon fils, mais je veux pas qu’il souffre… » Et il y a tellement de propos qui me dérangent. Bien sûr que Noah n'a qu'un géniteur, mais celui-ci est-il réellement le seul à pouvoir prétendre au rôle de père ? Bailey n'a-t-il pas porté davantage attention à Noah dans le cours de sa vie qu'Ezra ? Même s'il a décidé de prendre de la distance avec les McGrath, cela réduit-il à néant tous ses efforts et son affection pour l'écolier ? Je ne connais pas l’entièreté de l'histoire McGrath, mais de mon rôle hospitalier, j'ai su constater que le Fitzgerald était bien plus au chevet que le mécanicien. Pourquoi faut-il tant mettre des gens dans les boîtes, leur étiqueter des rôles exclusifs quand vraiment, le résultat demeure le même : une quantité phénoménale de gens ne désirant que le bonheur de Noah. Est-ce si important de savoir qui est quoi quand chacun apporte sa pierre à l'édifice formant l'épanouissement du garçonnet ? J'ai l'impression que Bailey souhaite en quelque sorte me laisser le soin d'occuper son rôle quand il n'y a que lui, et jamais que lui, pour l'endosser ; et ça, peut-être ne le reconnait-il pas, si bien qu'il est perdu ? « Mon dieu, c’est tellement brouillon, je suis pas doué pour parler de ce qui me tient à cœur, tu sais. Je… Je veux juste que tout le monde aille bien et que personne ne souffre de toute cette histoire de fou entre Gin et moi. Que ce soit Noah ou même toi Isy. »

Le silence s'impose entre nous. Les minutes se faufilent, assez pour que j'en déduise que Bailey a dit tout ce qu'il avait à dire pour l'instant. Je prends une gorgée de café, l'esprit clair, le cœur en vrac. « On veut tous que tout le monde aille bien. On a tous le même but, Bailey. » Je certifie sur un ton catégorique. C'est non négligeable, personne autour de notre entourage respectif n'a de fond foncièrement méchant. « Ce qui se passe entre toi et Ginny ne tient qu'à toi et Ginny. Tout comme ce qui se passe sous mon toit ne tient qu'à moi et elle. » Parce que même si Bailey ne m'accuse pas directement de mal me comporter vis-à-vis de Noah quand il est chez moi, je préfère adresser la cause et anéantir tout doute dès aujourd'hui. « Bien sûr que Noah n'est pas insensible à tout ce qui se passe autour de lui et que ça le perturbe. Bien sûr qu'il est un enfant et qu'il a vécu un tas de trucs qu'on aurait tous aimé qu'il ne vive pas. Bien sûr qu'il y a des gens qui sont dans son cœur et qu'il voit pas assez et que ça lui fait de la peine. Mais tu sais, si on s'appuie que sur le négatif, on s'en sortira jamais. » Je marque une pause, noue mes mains. « Noah est en santé et a plein de gens qui l'aime autour de lui. Des gens qui ne veulent que son bien et qui œuvrent pour qu'il aille bien. Y'a des gens qui s'y prennent péniblement, forcément, mais leurs intentions restent les mêmes, et ça, peut-être qu'il le comprend pas aujourd'hui, mais il finira par le voir aussi. Et on ne comprend pas toujours forcément ses besoins non plus, mais on finira par les comprendre aussi. On fait tous des erreurs. L'important reste qu'on veut son bien et qu'on travaille tous pour. » Mes doigts glissent sur le gobelet puis j'interroge, nébuleux : « Je ne comprends pas trop où tu veux en venir, Bailey. Tu aimes Noah, Noah t'aime. Tu ne veux pas qu'il souffre et personne ne veut ça. L'équation me semble assez simple : t'as ta place bien à toi dans la vie de Noah et personne ne pourra jamais te remplacer. Pas moi, ni Ezra, ni qui que ce soit d'autre, peu importe quel statut officiel on a. T'es unique et les relations qu'a Ginny avec les hommes ne changent pas l'affection que Noah leur voue. Et jamais Ginny n'a empêché Noah de passer du temps avec les personnes importantes dans sa vie. Tu refuses que ton histoire avec Ginny se répercute sur Noah, mais elle n'a pas besoin de se répercuter sur lui. T'as toujours été le bienvenue dans sa vie et je doute que ça change. Et si toi t'as besoin de temps de ton côté, je pense qu'il est en mesure de comprendre si tu le lui expliques. »

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Tout ce que je voulais, c’est avoir une conversation avec Isaac. Je ne voulais pas porter de jugement. Je ne cherchais pas à montrer une quelconque supériorité ou possession. Je voulais tout simplement discuter. Je ne suis pas là pour le provoquer, pour lui dire d’agir d’une manière ou d’une autre avec Noah ou même Gin. Je voulais avoir une conversation sérieuse et posée pour mieux comprendre, pour mieux aborder la situation avec le petit garçon, mais également dans nos vies respectives. Toute cette histoire impact bien trop de monde. Je ne sais pas réellement ce que je cherchais à faire, mais je déteste perdre le contrôle. Je crois quand demande à Isaac de venir ici, je voulais assurer et me rassurer surtout. Pourtant, il faut croire que je suis incapable de faire une chose aussi simple. Je bégaye. Je m’emmêle les pinceaux. Je suis bien trop nerveux et Isy semble soudainement si froid que je ne sais plus vraiment comment agir avec lui. Dans le fond, on ne se connaît pas vraiment. C’est bien pour cela que je lui avais proposé ce rendez-vous. Je voulais parler de Noah, mais également apprendre à le connaître un peu plus. J’estime que c’est important. Ou tout du moins, j’estimais. Je ne suis plus sûr de rien désormais. Plus je parle, plus il semble distant, plus je perds le contrôle. Je me retrouve dans une situation que je déteste par-dessus tout. Je me sens faible, au bord de l’implosion, incapable d’en dire plus. Tout va de travers comme avec Gin. T’es tellement con Bailey que tu sais pas entretenir une conversation simple et normale. Freak. Je secoue la tête essayant de ne pas laisser mes émotions prendre le dessus. Mes doigts dansent nerveusement autour de ma tasse de café, je suis incapable de croiser le regard de l’infirmier assis en face de moi.  

Le silence entre nous me fait perdre mes moyens. Je déteste le silence et encore plus le calme qui habite Isaac. Il semble tellement en contrôle de lui-même. J’en serais presque jaloux. Je suis incapable de gérer quoique ce soit, mes émotions partent de tous les côtés. Il est serein alors que je perds le contrôle. « Ce qui se passe entre toi et Ginny ne tient qu'à toi et Ginny. Tout comme ce qui se passe sous mon toit ne tient qu'à moi et elle. » Il a le mérite d’être clair. Il me prend pour un intrusif. Celui qui veux tout savoir, tout contrôler alors que c’est tout le contraire. Je ne veux pas me mêler de leur vie privée, jamais. Ils font ce qu’ils veulent lorsqu’ils sont ensemble. Je voulais juste tenter de comprendre la situation avec Noah. Il faut croire que je n’en saurais pas plus. De toute façon, je ne suis personne dans la vie de Noah. Une ancienne présence masculine, le fantôme d’un père qui n’en a jamais réellement été un. Ginny me l’a fait comprendre et désormais, c’est le tour d’Isaac. Et l’infirmier ne s’arrête pas là. Il n’est pas aussi direct que sa petite amie, mais le reproche est là. Je ne suis pas assez présent dans la vie de Noah. C’est un fait. Simple et immuable. J’ai failli dans mon rôle auprès du petit garçon et il semblerait que tout le monde soit de concert pour me le rappeler. T’es qu’une merde Bailey. Je me sens comme un incapable et les paroles d’Isaac ne cesse de me déstabiliser. « Clairement, tu ne connais pas vraiment les McGrath. » Il pense que tout est beau, tout est rose. Que l’on ne devrait jamais rester concentré sur le négatif. C’est me demander l’impossible. Je ne sais pas faire autrement. Mon esprit se doit d’envisager toutes les situations possibles et imaginables. Surtout le pire. McGrath s’associe forcément à un malheur, des sentiments négatifs, une bataille interne qui n’en finit pas. J’aime Gin, plus que tout, mais notre dernière conversation m’a laissé blesser comme jamais. Tout semble aller bien avec Jill, mais je ne peux m’empêcher d’attendre la prochaine dispute, l’embûche qui mettra notre couple à mal. Je ne sais pas gérer ma vie sans penser au pire. J’en suis incapable. C’est bien pour cela que je voulais parler à Isaac, pour réduire les chances que le pire arrive. Je voulais qu’il me rassure, pas que tout parte en vrille. Je sens que tout va trop vite et comme pour cacher mes émotions, je me cache derrière mon café. J’ai besoin de temps tandis que l’infirmier abat ses dernières cartes, ce qui devrait réellement me rassurer dans le fond. « L'équation me semble assez simple : t'as ta place bien à toi dans la vie de Noah et personne ne pourra jamais te remplacer. Pas moi, ni Ezra, ni qui que ce soit d'autre, peu importe quel statut officiel on a. » Les battements de mon cœur s’apaisent quelque peu tandis qu’un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres. À croire que personne ne pourra jamais réellement comprendre ce qui se passe chez moi dans ce genre de situation. À croire que je serais toujours seule face à mes émotions. Je lève les yeux au ciel et retiens une remarque sarcastique. « Tu vois, c’est un peu ça mon problème, j’ai pas vraiment la sensation d’avoir ma place dans l’équation. » dis-je dans un murmure en baissant les yeux. Je ne me sens pas capable de croiser son regard, de voir le jugement ou les reproches. Si je m’écoutais, je serais déjà en train de fuir. Pourtant, je ne veux pas entretenir un quelconque conflit avec lui. Absolument pas. Je serre la mâchoire ne voulant pas laisser les larmes gagner le coin de mes yeux. Je me sens mal et pourtant les paroles du jeune homme ne cesse de tourner en boucle dans mon esprit. À une vitesse vertigineuse.

Je me racle la gorge et finis par croiser le regard d’Isaac. « Tu sais… Je… Il y avait aucun jugement à ton sujet dans mon discours. » Je joue nerveusement avec mes doigts tandis que ma jambe ne cesse de trembler. J’ai la sensation d’être redevenu le petit garçon qui devait toujours se justifier et s’expliquer auprès de son père. « Je… Je veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Absolument pas. Ta vie avec Ginny, c’est ta vie avec Gin. Tout ce que je voulais, c’est… » C’est quoi en réalité ? Je ne sais plus vraiment… J’ai la sensation d’avoir la tête qui tourne. Tout cela était vraiment une mauvaise idée. « Je sais pas en fait… Je voulais qu’on parle tous les deux, parce que j’ai la sensation de pas te connaître et que… J’aimerais juste qu’on puisse bien s’entendre toi et moi. Puis… Je me la joue protecteur avec Noah alors que je suis celui qui lui fait le plus de mal. » Le dire à haute voix me brise le cœur et mes doigts serre l’angle de la table. « Gin m’a bien fait comprendre que je suis responsable. Je… Je sais juste plus comment expliquer que ce qui semble si logique et si évident pour vous tous ne l’ai pas forcément pour moi. J’ai pas la sensation d’avoir une place dans sa vie. Je l’ai eu fut un temps et j’ai tout perdu. Ou tout du moins, je crois. » Et sans réellement m’en rendre compte, je commence à faire le geste qu’Isaac lui-même m’avais enseigné il y a de cela quelques semaines à l’hôpital. Il faut que je me calme. « Tout doit avoir une logique et je dois avoir le contrôle dessus. La logique est que Noah a un père, je ne suis pas cet homme-là. » Il va me prendre pour un fou. « Il ne faut pas se concentrer sur le négatif, mais je suis incapable de ne pas l’envisager, de ne pas le prendre en compte. Je n’ai jamais été aussi heureux avec Jill et pourtant tous les soirs avant de m’endormir à côté d’elle, je me demande quand tout va partir en vrille, parce que pour moi, ça va forcément arriver. » Je soupire tandis que mon doigt ne cesse de se balader sur le dos de ma main. « Et tous les jours, je redoute le moment ou dans un acte de rébellion Noah me dira que je n’ai jamais été son père. » Je soupire et lève les yeux vers Isaac, cette fois, je ne baisserai pas la tête. « C’est ma vérité ça… Mon quotidien. Je… Je voulais juste que tu me dises que cette petite rébellion de sa part n’allait pas briser Gin, que… Que tu savais comment gérer, toi… Je sais pas. Pas que tu me fasses la leçon. » Je soupire une nouvelle fois et tente de lui sourire un peu. « Je t’en veux pas… Je crois que ce rendez-vous était peut-être une mauvaise idée. »          

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Et j’arrive en trombe, la porte qui grince atrocement sur elle-même, ou alors c’est ma silhouette entière qui craque, qui casse. Isy m’avait dit qu’il venait prendre un café avec Bailey, et jamais je n'aurais osé poser la moindre question supplémentaire au sujet de cette entrevue inopinée. Leurs affaires, leurs histoires, leurs conversations, je me gardais bien de me mettre le nez dans quoi que ce soit concernant le Fitzgerald depuis nos derniers échanges – depuis l'instant même où il m’avait fait comprendre qu’il avait besoin de temps. Ce dont je ne le blâmerai jamais.

« Je t’en veux pas… Je crois que ce rendez-vous était peut-être une mauvaise idée. » j’entends rien de ce qu’ils se disent, j’entends juste la voix de Bailey, ses doutes qui me font mal sans même que je ne les comprenne, que je les cerne. Mes pas se chargent de me précipiter vers eux, l'urgence qui se lit dans chacun de mes traits, la lutte de tout cacher que j'ai abandonnée il y a un monde déjà. Malgré la distance que j’avais mise volontairement entre leur rendez-vous et ma tête qui déborde de scénarios le justifiant, là, dans l’instant, ils sont ma seule et unique chance.

« C’est Noah. » que je justifie d’emblée, sachant que Bailey aurait toutes les raisons du monde de partir vu mon arrivée, de fuir le nuage de tourment que je semble lui provoquer depuis trop longtemps pour que je l'assume sainement. Alors j’abats ma seule et unique carte, mes yeux voilés, mon visage tiré, il saura que je ne mens pas, que je ne mentirais jamais à ce sujet. « Il est pas avec Ezra, ni avec Auden, il était avec les autres élèves, ils sont sortis au parc et- et… ils le trouvent plus. » mes mots se bousculent et dans ma tête et dans ma gorge, ma gorge qui se serre, qui se contracte, brûle. J’ai oublié de respirer je crois, à un moment. J’ai tout oublié sauf ça, sauf le fait que mon fils a disparu, qu’il est introuvable. Et ses paroles qui résonnent dans ma tête, son besoin d’être seul, sa nécessité de s’isoler lorsqu’il ne va pas. J’ai les pensées en bouillie, le cœur en berne, l’attention qui se diffuse entre les deux hommes et l’impression, mauvaise, que tout ceci n’est qu’un retour d’ascenseur, n’est qu’une évidence.

C’est ma faute. C’est ma faute, c’est la mienne, et c’est celle de personne d’autre. C’est moi qui l’aie poussé à bout, c’est moi qui a provoqué le tout, c’est moi, rien que moi, et ma poitrine m’étouffe, et mon regard se brouille, et rien n’est calme, rien du tout, tout tambourine sur mes tempes, tout menace d’exploser une bonne fois pour toute. « Je sais pas où il est, je sais pas ce qu’il a fait… je… »

Mon téléphone duquel j’ai multiplié les appels entre l’école et le café, portable que je serrais si fort entre mes mains, auquel je me rattachais stupidement qui tombe bruyamment au sol. Les conversations ambiantes auraient pu m’empêcher de le remarquer, pourtant le son est décuplé. Tout est décuplé, tout fait mal, trop.

Les doigts du britannique tapotent nerveusement, distraitement, la surface métallique de la table du café. Son regard me semble parfois fuyant, j'ai l'impression que la pression le happe plus sévèrement à mesure des termes sur lesquels ils butent, les sons qu'il peine à articuler, laisser filer. Je me refuse d'effectuer quelconque transfert, mais souvent, j'ai l'impression que Bailey se prend la tête comme il m'arrive de le faire. Quand je me voue dans ces torts-là, le monde devient horriblement obscur et mon futur impétueusement vain. Je me convaincs de n'être bon à rien et que tout ce que j'entreprends est indéniablement voué à l'échec ou à la souffrance. Je ne connais pas le Fitzgerald et ne cherche pas à savoir des élément sur lui par le biais de Ginny ou Noah. Si je suis amené un jour à en découvrir davantage sur le blond, je désire que ces renseignements proviennent de lui et uniquement de lui ; car j'estime que la personne qu'il compose relève de son histoire et lui seul est autorisé à la raconter.

« Clairement, tu ne connais pas vraiment les McGrath. » Qu'il lance, interdit. Je l'étudie, impassible, ne cherchant pas à élucider tous les messages cachés dans ce constat sans appel. M'adresser catégoriquement mon ignorance des McGrath me heurte forcément, puisque cela revient à annoncer haut et fort que je n'ai strictement aucune idée de qui est la femme que j'aime éperdument. Cela correspond à proclamer que j'ai aucune connaissance de son fils, malgré le fait que je l'ai suivi pendant les longues années de sa maladie. Bien sûr, encore une fois, jamais je n'aurais l'orgueil ni l'arrogance de déclarer connaître les McGrath assez pour les prévoir. Cependant, je ne les considère pas non plus comme de parfaits inconnus.

Mais c'est le mal-être de Bailey que je priorise. J'étouffe la potentielle attaque, la prends des circonstances desquelles elle est tirée. J'inspire doucement et tente, déterminé, de réorienter la conversation sur ce qui me semble constituer l'essentiel : le bonheur de ces McGrath et des personnes qui gravitent autour d'eux. Noah paraît se trouver au cœur des préoccupations du directeur artistique et je dois avouer que je peine à saisir l'entièreté de la réflexion du trentenaire. De plus, quand je lui rappelle qu'il a une place immuable dans la vie du petit garçon, c'est un rire que je ne sais totalement interpréter qui s'extirpe des lèvres du blond. « Tu vois, c’est un peu ça mon problème, j’ai pas vraiment la sensation d’avoir ma place dans l’équation. » Il murmure en baissant les yeux, me faisant mal au cœur au passage. Je fronce doucement les sourcils, compatissant, observe sa mâchoire qui se contracte. « Tu l'as, je peux te l'assurer. » Je tranche, aussi catégorique que lorsqu'il m'avait annoncé ne pas connaître les McGrath. « Peu importe ce que tu feras, tu auras toujours ta place à toi dans leur vie. Peu importe ce que tu fais, ça ne retire jamais tout le bien que tu as fait. » Et même si le Fitzgerald compte se métamorphoser en une ordure de la pire espèce, il jouira toujours de longs chapitres de l'existence de Ginny et Noah tracés à l'encre de sa présence. « Et cela même si tu décides de couper les ponts avec eux ou prendre tes distances temporairement. Bien que nos actes ne sont jamais sans conséquence, mais je t'apprends rien ici. » Je précise.

Mon interlocuteur racle sa gorge, lève enfin son regard vers moi. « Tu sais… Je… Il y avait aucun jugement à ton sujet dans mon discours. » Mes yeux se posent sur ses doigts qu'il triture sans merci. Les mots ne sortent pas de nulle part à mon sens, même quand on ne veut que blesser. Peut-être que certaines paroles ne relèvent que du quiproquo, mais à mes yeux, Bailey juge ; et je ne lui en veux pas parce qu'il ne le fait que par amour pour Ginny et son fils. D'autre part, je le juge également, en vue de l'aider. « Je… Je veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Absolument pas. Ta vie avec Ginny, c’est ta vie avec Gin. Tout ce que je voulais, c’est… Je sais pas en fait… Je voulais qu’on parle tous les deux, parce que j’ai la sensation de pas te connaître et que… J’aimerais juste qu’on puisse bien s’entendre toi et moi. Puis… Je me la joue protecteur avec Noah alors que je suis celui qui lui fait le plus de mal. » J'expire doucement à défaut d'autoriser un soupir.  « Gin m’a bien fait comprendre que je suis responsable. Je… Je sais juste plus comment expliquer que ce qui semble si logique et si évident pour vous tous ne l’ai pas forcément pour moi. J’ai pas la sensation d’avoir une place dans sa vie. Je l’ai eu fut un temps et j’ai tout perdu. Ou tout du moins, je crois. » Ses doigts s'attardent sur sa paume, au rythme d'une respiration normale, méthode universelle pour contrer les crises d'angoisse. « Tout doit avoir une logique et je dois avoir le contrôle dessus. La logique est que Noah a un père, je ne suis pas cet homme-là. Il ne faut pas se concentrer sur le négatif, mais je suis incapable de ne pas l’envisager, de ne pas le prendre en compte. Je n’ai jamais été aussi heureux avec Jill et pourtant tous les soirs avant de m’endormir à côté d’elle, je me demande quand tout va partir en vrille, parce que pour moi, ça va forcément arriver. » Mon cœur se serre à ces aveux, à cette peau dans laquelle je l'imagine pris au piège qui doit tant l'étouffer, l'éreinter.  « Et tous les jours, je redoute le moment ou dans un acte de rébellion Noah me dira que je n’ai jamais été son père. C’est ma vérité ça… Mon quotidien. Je… Je voulais juste que tu me dises que cette petite rébellion de sa part n’allait pas briser Gin, que… Que tu savais comment gérer, toi… Je sais pas. Pas que tu me fasses la leçon. » Je fronce doucement les sourcils, désapprouvant. « Je t’en veux pas… Je crois que ce rendez-vous était peut-être une mauvaise idée. » J'étudie le garçon, quelques secondes de silence se glissant entre nous deux, me laissant préjuger que je peux prendre la parole. « Si tu veux mon avis, j'ai l'impression que tu te fais trop de mal, Bailey, quand toi et Noah vous aimez autant l'un que l'autre. On ne peut pas refaire le passé, mais le futur n'est pas acté. T'as pas perdu définitivement ta place, on ne perd pas sa place dans la vie de quelqu'un aussi facilement, crois-moi. » Je certifie. « C'est vrai, Noah a qu'un seul père biologique, mais il a aussi plusieurs pères. C'est toi qui l'a élevé une bonne partie de sa vie avec Ginny. C'est toi qui lui a donné un toit. C'est toi qui l'épaulait quand il était malade. Ezra était là aussi, mais ça minimise certainement pas ton rôle et tout ce que t'as fait. Et tout ce que t'as fait pour Noah, c'est digne du grade de père. » Je marque une pause avant de signaler : « Peut-être que oui, un jour, Noah sera en désaccord avec toi et argumentera haut et fort que t'es pas son père. Mais ça ne réduira jamais tout ce que t'as fait pour lui ni le rôle que t'as eu dans sa vie. T'as vraiment besoin d'une étiquette ou d'avoir participé à sa création pour te sentir légitime dans sa vie ? T'as pas eu besoin de tout ça pour être là pour lui toutes ces années, pour t'investir sans compter et encore aujourd'hui veiller à ce qu'il aille bien. Je ne pense pas que tu aies besoin de figurer sur son acte de naissance pour être important pour lui et d'avoir ta place. » Mon intonation est calme mais aussi compréhensive, ouverte au débat. Je m'adosse doucement au dossier de mon siège et souligne : « J'veux pas te faire la leçon, Bailey. J'veux juste te dire ce que je pense et essayer éventuellement de t'aider. Parce que personnellement, j'ai rien contre le fait d'apprendre à te connaître et je ne vois pas pourquoi on ne s'entendrait pas non plus. » Pour ce qui était de Ginny, je priais autant que lui que tous ces déboires avec Noah ne la brise pas.

Puis la porte du café s'ouvre avec grand tumulte. J'ai à peine le temps de me retourner pour déterminer l'origine de cette agitation que je reconnais Ginny. « C’est Noah. » Elle commence, visage fermé, yeux voilés. Mon cœur se serre immédiatement, je me lève pour réduire la distance entre son corps et le mien, pour agir derechef si besoin est. « Il est pas avec Ezra, ni avec Auden, il était avec les autres élèves, ils sont sortis au parc et- et… ils le trouvent plus. » Ses yeux noisette passent rapidement de ma personne à celle de Bailey. Sa poitrine se soulève rapidement, je devine son rythme cardiaque accéléré par l'angoisse d'ignorer où se trouve son fils, terreur qu'elle verbalise après quelques secondes : « Je sais pas où il est, je sais pas ce qu’il a fait… je… » Son téléphone tombe bruyamment au sol, je le récupère avant de poser une main délicatement dans son dos. « On va le trouver. » J'affirme, bafouant à nouveau tous mes principes de ne promettre l'incertain. « On va le chercher et on va le trouver. » J'annonce, le sang-froid méthodique des urgences déployant déjà les moyens nécessaires à résoudre les problèmes. Je me tourne vers Bailey, suggère : « Je propose que tu ailles voir dans les endroits que tu connais où qui t'appartiennes, les endroits où tu vas avec lui. Et on fait de même de notre côté. » Je pense au renfort, à solliciter l'aide de Noa et Justine pour retrouver le garçonnet, à défaut de savoir m'avancer pour Matt, Levi et Jillian, bien que je me doute que ceux-ci n'hésiteront pas à abandonner leur planning de la journée pour retrouver leur neveu ou petit cousin. « Je vais voir du côté de Justine et des hôpitaux. » J'ajoute, téléphone déjà en main. Je ne veux pas alarmer encore plus les deux adultes, mais je préfère rayer cette alternative de suite. Puis, Noah connaît assez bien les centres hospitaliers pour y traîner plutôt que de s'en effarer. De plus, dans les circonstances, on ne peut savoir précisément ce pour quoi Noah est introuvable - bien que l'on puisse émettre des conjectures. « C'était il y a combien de temps, son absence de la sortie au parc ? » Je questionne d'une voix calme et douce Ginny, jugeant cet élément non-négligeable pour démarrer les recherches.  

sometimes the greatest adventure is simply a conversation

bailisy

Je n’avais pas prévu que la conversation soit aussi profonde. Je n’avais pas anticipé que cela allait tout remuer au plus profond de moi. J’avais oublié, le temps de quelques paroles, à quel point Isaac sait parfaitement bien analyser les situations, a quel point, il est capable de garder son calme dans n’importe quelles circonstances. Une force de la nature. Mon opposé. Tout s’enchaîne et rien ne reste véritablement secret. On abat toutes nos cartes sur la table. Jeu, set et match. Il prend les coups, les accuse sans broncher, ne montre aucune animosité. Patiemment, il m’écoute. Il hoche la tête face à mes doutes, les analyses et m’en propose une toute autre lecture. Un nouveau spectre que l’on ne m’avait jamais réellement présenté. Jusqu’à présent, je n’avais parlé de tout cela qu’avec Ginny ou Jill, personne d’autre, personne d’extérieur à toute cette histoire. Isaac est là depuis longtemps, dans l’ombre. Il nous a connus comme deux parents perdus, à bout de souffle, plus inquiet que jamais. Déjà à l’époque, il était celui qui nous ramenait sur terre lorsque nos angoisses prenaient le dessus. Aujourd’hui, il devient le témoin de l’ombre, celui qui a une vue d’ensemble, qui est capable de juger de manière objective. « Peu importe ce que tu feras, tu auras toujours ta place à toi dans leur vie. Peu importe ce que tu fais, ça ne retire jamais tout le bien que tu as fait. Et cela, même si tu décides de couper les ponts avec eux ou prendre tes distances temporairement. » Immédiatement, je secoue la tête. Mon geste est si vif que je manque de renverser ma tasse de café. « Je ne ferais jamais ça ! » J’en suis bien trop incapable. J’ai souvent voulu m’éloigner de la famille McGrath de mon divorce, je l’ai encore annoncé il y a peu, mais il faut que je me rende à l’évidence… Je ne sais tout simplement plus vivre sans eux. J’en suis complètement incapable. Je ne sais plus faire… J’ai besoin d’eux dans mon quotidien même si parfois tout va de travers, même si on se fait du mal, même si on ne sait plus comment faire pour prouver que l’on s’aime et surtout même si tout sera toujours un peu bancal. Comme nous.

Je n’en prends pas réellement conscience, mais sans rien dire, sans jugement, juste d’un regard, Isaac me laisse le champ libre pour tout sortir, tout exorciser. Je sais parfaitement que mon discours est loin d’être clair et précis. Je me perds dans ma propre tête, il est clair que je suis incapable de clairement exprimer tout ce qui se passe là-bas, dedans. Pourtant, j’essaye, je fais de mon mieux et je vois dans son regard qu’il essaye lui aussi. On tente et après un instant de silence, Isy reprends la parole. Je l’écoute avec attention, je me perds dans son regard, sur le mouvement de ses lèvres. « Si tu veux mon avis, j'ai l'impression que tu te fais trop de mal, Bailey. » Un rire s’échappe d’entre mes lèvres. « On est au moins d’accord là-dessus. » Le constat est triste à mourir, mais il a raison. Je me fais du mal, constamment. Je suis bien trop souvent responsable de mon propre malheur. Ce n’est pas comme si je le faisais exprès, comme si je cherchais à ce que l’on s’apitoie sur mon sort. Je crois que c’est tout simplement plus fort que moi… Je ne sais plus faire autrement.

« C'est vrai, Noah a qu'un seul père biologique, mais il a aussi plusieurs pères. C'est toi qui l'a élevé une bonne partie de sa vie avec Ginny. C'est toi qui lui a donné un toit. C'est toi qui l'épaulait quand il était malade. Ezra était là aussi, mais ça minimise certainement pas ton rôle et tout ce que t'as fait. Et tout ce que t'as fait pour Noah, c'est digne du grade de père. Peut-être que oui, un jour, Noah sera en désaccord avec toi et argumentera haut et fort que t'es pas son père. Mais ça ne réduira jamais tout ce que t'as fait pour lui ni le rôle que t'as eu dans sa vie. T'as vraiment besoin d'une étiquette ou d'avoir participé à sa création pour te sentir légitime dans sa vie ? T'as pas eu besoin de tout ça pour être là pour lui toutes ces années, pour t'investir sans compter et encore aujourd'hui veiller à ce qu'il aille bien. Je ne pense pas que tu aies besoin de figurer sur son acte de naissance pour être important pour lui et d'avoir ta place. » Chacun de ses mots se grave doucement, mais sûrement dans mon esprit. Un par un. Et ils prennent doucement un sens. Digne du grade de père. Je me prends ses paroles comme une voiture irait se prendre un mur de plein fouet. C’est comme si soudainement, on venait m’ouvrir les yeux sur tout ce qui se trouvait sous mon nez depuis si longtemps. Je ne sais plus quoi dire tant, je me sens idiot. Il a raison et je n’en prends conscience que maintenant… Il a vu, il a su analyser, il a compris. Si Isaac me voit comme un père pour Noah, c’est que cela doit bien être vrai dans le fond… Une nouvelle fois, tout va bien trop vite dans ma tête, mais d’une manière bien différente. « Je… » J’ai peur de bégayer. J’ai besoin de temps, besoin de retourner tout cela dans tous les sens. Pourtant, au plus profond de moi, je sais que ce que viens de me dire Isaac ne me quittera jamais. Quelque chose vient de changer, je dois juste en prendre pleinement conscience.

Les secondes défilent dans le silence tandis que je tente de trouver mes mots. Trouver des mots adéquats. Un simple : « Merci. » glisse entre mes lèvres. Je n’aurais pas le temps d’en dire plus. Sans que je ne comprenne réellement le pourquoi du comment, Ginny débarque en trombe dans le café. L’espace d’un instant, je fronce les sourcils, me questionnant sur les raisons de sa présence ici. Puis la bombe éclate férocement, terrassant tout sur son passage. « C’est Noah. Il est pas avec Ezra, ni avec Auden, il était avec les autres élèves, ils sont sortis au parc et- et… ils le trouvent plus. Je sais pas où il est, je sais pas ce qu’il a fait… je… » Court circuit. J’ai la sensation que mon corps tout entier cesse de fonctionner durant un dixième de secondes avant que tout ne s’accélère brutalement. Je me lève si précipitamment que cette fois ma tasse vol sur la table. En un pas, je suis près de Gin tandis qu’Isaac est déjà en train de prendre le contrôle de la situation et de nos émotions. Je hoche la tête face à ses paroles. Il a raison. On doit se séparer pour mieux chercher de partout, pour trouver Noah. « On va le trouver ! » Je répète juste après lui. Déjà, mes doigts glissent dans la poche arrière de mon jean à la recherche de mon téléphone. « Je vais appeler Jill. » Peut-être que Noah est avec elle, qu’il est allé la retrouver au travail. Je n’en sais rien. Toutes les possibilités sont en train de se dessiner dans mon esprit. Déjà un itinéraire précis se trace derrière mes rétines. « Je vais retourner la ville s’il faut, mais on va le trouver, je te le promets. » dis-je à Ginny en plantant mon regard dans le sien. Et l’espace d’un instant, on se perd dans notre bulle tous les deux. Comme avant. J’en oublie Isaac sans jamais vouloir le mettre de côté. C’est juste comme cela, c’est cette connexion entre Ginny et moi que personne ne pourra jamais comprendre. Sans geste brusque, dans un faible mouvement, j’entrouvre mes bras pour elle. Je la serre contre moi et embrasse son front. « Je vais partir voir à la maison, Logan est là-bas. Puis au studio aussi ! » J’affirme tout en me tournant vers Isaac. Je me redresse face à lui et on échange un simple regard. On se comprend. On le trouvera et on va se tenir au courant l’un et l’autre.        

take me far from streets and roads. lead me out in the night, don't show me the way back home. because i'm craving, craving, craving something i can feel. where do i go, what do i need, is it ecstasy or is it fear? am i on my own, am i even close? because i'm still craving something i can feel