J’ai la sensation de tourner en rond depuis des jours. Je ne sais plus quels jours nous sommes, ce que je fais sur cette route ou même dans quelle direction je me dirige. Il y a de cela trois jours, je suis sorti de la maison pour tenter de trouver des vivres. Lorsque je suis revenu des heures et des heures plus tard, la maison avait été pillée, Jill, Ginny et Noah n’était plus là. J’ai retourné la maison, fouiller tous les recoins du quartier en tentant de ne pas me faire repérer, mais ils avaient disparu sans laisser de traces. Même pas de sang dans la maison, rien… Les filles ont dû fuir avec Noah pour se préserver. Je n’en sais rien. Je ne pourrais jamais le savoir. L’électricité a été coupée, il y a de plusieurs semaines, on n’a plus aucun moyen de communication. La seule chose qui me rassure, c’est que la voiture de Jill a disparu aussi. Elles ont dû prendre peur ou quelques choses comme cela. Je n’en sais rien. On avait réussi à rester ensemble quand le monde est devenu fou. Après avoir perdu Isy lorsque l’on a voulu échapper à une horde, il était hors de questions que Gin et Noah reste seuls. On avait trouvé un petit équilibre, on restait reclus chez moi, tout allait bien. Puis on a commencé à manquer de nourriture et il a fallu que je parte. Et me voilà seul depuis des jours, plus perdus que jamais. Je survis simplement par instinct, rien de plus. Les zombies sont de plus en plus présents en ville et il va falloir que je prenne la fuite en campagne. Pourtant, j’ai besoin d’aller vérifier une chose. Je me rends dans l’ancienne maison des McGrath. Les parents sont morts depuis des années, mais ils avaient voulu garder la maison. Les filles auraient pu venir ici. Le quartier est infesté de rampants, mais j’arrive à me faufiler dans la vieille bâtisse sans me faire repérer.

L’endroit semble désert jusqu’à ce que j’entende des hurlements qui me glace le sang. Sans réfléchir, je cours en direction des cris et tombe sur une horde de mochetés qui s’en prenne à quelqu’un. J’attrape un pied de biche qui traînait par là et commence à frapper sur tout ce qui bouge en hurlant pour attirer l’attention sur moi. Après quelques minutes de bagarre, je me retrouve nez à nez avec Matthew. « Matt ?! » L’espace de quelques secondes, je suis réellement tenté de le laisser se faire bouffer par les puants. Je sais que Jill ne voudra plus me parler si je laisse son frère mourir et finis par tirer Matt de là. « COURS IDIOT ! » Et on se met à courir comme jamais tentant de mettre une certaine distance entre nous et les rampants. Je finis par grimper sur le toit et l’attire avec moi. On sera tranquille un instant là-haut. « Où sont les filles ? » Il me regarde incrédule et j’ai envie de pousser dans le vide. « Tes sœurs, elles sont où ?! » Je soupire longuement tentant de trouver mon calme. La fin du monde m’a changé du tout au tout. Finis le Bailey qui panique pour un rien, qui a peur de tout. Je suis passé en mode survie il y a longtemps pour protéger les miens. Je me bats sans réfléchir pour protéger ceux que j’aime et je compte bien trouver les femmes de ma vie avec l’aide de Matt même si on se déteste depuis des années. « Tu sais te battre ? »

Putain.

J'essayais juste de dormir - c'est pas compliqué. J'essayais juste de gratter à peine 5 minutes, pas grand chose, de sommeil. J'ai marché des journées entières, des nuits à me planquer dans les bennes à ordures qui sentent comme si elles sortaient de l'an 40. J'étais dégueulasse, puant au possible, les vêtements déchirés, la peau pareil. Le visage bariolé de boue, de sang, de whatever may have crossed my path. Je voulais juste reprendre des forces, pas grand chose, je demande vraiment rien, juste la foutue tranquillité d'esprit de fermer l'oeil dans ma planque. Dans un truc qui pue presque autant que moi, faut dire, c'est bas.

Ça crie, ça gueule, ça me réveille à peine j'ai allongé ma silhouette désarticulée dans la baignoire poisseuse. Et ça frappe à la porte, ça cogne, j'attrape mon shot gun, j'en peux plus de ces zombies de merde qui choisissent toujours le pire moment pour nous, le meilleur pour eux, pour débarquer. Et comme si ça pouvait pas être pire, y'a l'autre racaille de Bailey qui se la joue réunion de famille. Je recharge d'un coup d'un seul mon gun, son « Matt ?! » auquel je réponds la seconde d'après d'un blasé « Bailey, ouais, ouais, ça va, tu sais toujours différencier un McGrath d'un autre. »

Et il me traite d'idiot. Et j'y peux rien si je laisse le viseur de Kick Ass passer très proche de sa gueule de merde avant que je l'imite, à courir. Ça me fait chier, qu'il soit pas plus viril que ça. On est deux, il sont quatre fois plus, mais on aurait pu au moins cogner un peu, on aurait pu se défendre et pas juste fuir comme deux larbins.  « Où sont les filles ? Tes sœurs, elles sont où ?! »  « À Bali! Y'avait un deal de l'enfer sur les vols, du coup elles ont pris Noah avec. » je suis peut-être à bout de souffle de parler autant, mais sa connerie le mérite.  « Elles sont en sécurité, concentre-toi sur survivre. » quel idiot, j'ai rien d'autre à dire que ça.

Et on est rattrapés, et le combat reprend, et je suis heureux, mais alors là particulièrement flottant sur l'allégresse, de pouvoir cogner de la crosse de mon arme, de tirer dans le tas aussi. « Tu sais te battre ? » ouais, regarde mec, apprends. Y'a des grognements de zombies que j'entends plus tellement ils sont devenus acouphènes. Y'a mon coeur qui bat contre mes tempes, et y'a mes poings qui nous évitent quelques attaques. Ouais, j'ai dit nous, je le défend à un moment. Vrai héros que je suis.

J’aurais dû le laisser crever. C’est la première pensée qui me traverse l’esprit lorsque le jeune homme ouvre la bouche. « T’es le seul idiot du clan, facile à reconnaître. » J’ai été marié à Gin sept ans, je suis actuellement marié à Jill depuis cinq. Il est donc mon beau-frère depuis… Bien trop longtemps. Et durant toutes ces années, on a été obligé de se supporter. À la mort des parents McGrath, j’ai compris que Matt ne leur avait pas parler depuis des années et qu’il n’était en fait pas le traître que je pensais. Pourtant, nous n’avons jamais trouvé un terrain d’entente. Et même si le monde est devenu fou, il faut croire que l’on est incapable de s’entendre. On est entouré de rampants et il arrive encore à faire des blagues. Je vais vraiment finir par lui mettre un coup de pied de biche de la tronche. Il va voir flou. « Elles sont en sécurité, concentre-toi sur survivre. » Je relève la tête pour croiser son regard. « Tu les as vus ?! » Je me fiche complètement que les zombies sont en train de gagner du terrain, que l’on va probablement avoir des problèmes dans moins de deux minutes. Je m’en fiche complètement. Je veux savoir ou elles sont. « MATT ! »

On n’aura pas le temps de discuter bien plus longtemps. On doit se battre si on compte survivre un peu plus longtemps. Et voilà qu’il fait le malin. Je n’ai pas le temps de l’observer se battre, il faut que je m’y mette aussi. Je frappe tout ce qui s’approche de moi. J’y mets toutes mes forces. Je n’ai jamais aimé me battre, mais les choses ont changé. Je ne me pose plus de questions désormais, ces créatures ne sont plus vivantes. Alors je frappe, je swing et les monstres tombent les uns après les autres. On est dos à dos avec Matt. À un moment donner je vois un zombie attraper son tee-shirt et ne réfléchis pas avant de le planter dans l’œil. Je viens de sauver la vie de Matt et il tue le dernier des rampants. « Me remercie pas. » Un rire s’échappe d’entre mes lèvres tandis que je ramasse une deuxième barre de fer. Sait-on jamais. « On ne devrait pas rester ici. » Parce que l’idée de se séparer ne me traverse même pas l’idée. « Chez moi, c’est pas vraiment safe. » Je regarde autour de nous. Je n’ai aucunement envie de l’emmener avec moi, mais je dois ça aux filles. « Et on doit trouver tes sœurs et Noah ! »

Je sais que ça l'exaspère que je fasse le con, je sais que ça l'enrage. Et ça tombe bien, prenez-le comme ma bonne action du jour, c'est probablement ce qui le sauve.

Il transpose son éternelle haine de ma belle et glorieuse (aheum) personne en défonçant chaque zombie qui s'aligne devant lui. Additionnez à ses coups les miens, et on arrive assez rapidement à se débarrasser de la premier salve. C'est rapide ouais, mais c'est pas facile. Y'a mon t-shirt déjà dans un piteux état qu'ils déchirent, y'a de leurs liquides aussi dégueulasses que puants qui volent sur mon jeans, je les hais, je les déteste, je rage, et j'en perds le nord à un moment, tellement que Bailey doit rattraper le tir avant que je perde la tête - et devienne l'un d'eux.

« Me remercie pas. » « Ça enlève toute la beauté de la chose si tu te la joues faussement humble. » je jure que dans ma tête je le remerciais pour vrai, je jure que j'étais prêt à la faire parce que c'est vrai, il venait de me sauver la vie. Mais j'encouragerai pas l'ego mal placé - lol.  « On ne devrait pas rester ici. » no shit Sherlock. « Chez moi, c’est pas vraiment safe. Et on doit trouver tes sœurs et Noah ! » ah oui, c'est vrai, il est pas dans le secret.

« Ils sont en sécurité à la maison de campagne. » celles que Bailey et Gin avaient, jadis. Celle qu'ils ont laissée abandonnée en fin fond de forêt y'a des années quand le monde a commencé à s'auto-détruire. Celle bien trop isolée pour avoir été trouvée ou pillée par qui que ce soit. « Ariane est avec eux. Ça va, ils gèrent. » on peut enfin prendre un rythme de marche normal. « Je suis le pauvre con qui a perdu à la courte paille avec Levi. On devait aller chercher de quoi manger, mais on a dû se séparer. C'est lui qu'il faut retrouver d'abord avant de retourner là-bas. »

Il faut croire qu’ensemble, on se découvre une force surestimée pour combattre les monstres qui désormais envahissent la ville. Je ne réfléchis plus lorsque je me retrouve face à ces atrocités. Tout ce qui me vient en tête, c’est de les défoncer sans pitié. Ils sont nombreux et tout ce qu’ils cherchent, c’est nous mordre le mollet ou pire. Ils veulent que l’on devienne l’un des leurs. Plutôt crever. Alors on frappe à tout va, on ne s’arrête pas. Ils agrippent nos fringues tente de se jeter sur notre dos. Ils sont de partout, mais à deux ont fini par en arriver à bout. Je sauve même les fesses de mon beau-frère. Qui aurait pu imaginer cela un jour ? Je voudrais en rire, mais bien entendu Matt ne ce gêne pas pour placer une petite remarque. Il est véritablement doué pour ça, il faut croire. « Restons humble alors. » Je ris un peu en levant les yeux au ciel. On ne va pas se prendre la tête pour quelque chose d’aussi futile, ce n’est clairement pas le moment.

J’essaye de trouver une solution, ne serait-ce qu’une ébauche de plan afin de ne pas rester à découvert, mais Matt me lance des regards comme si je n’étais que le dernier des idiots. Honnêtement, qui sera le meilleur à ce jeu-là ? Surtout, je veux savoir ou sont les filles, j’ai besoin de savoir pour ne pas devenir fou. « Ils sont en sécurité à la maison de campagne. » Je me retourne subitement vers lui pour croiser son regard. Il ne me ment pas. « Mais… Je suis juste parti une journée. Il s’est passé quoi ? » Au moins, je sais qu’elles vont bien. C’est tout ce que je demandais. « Ariane est avec eux. Ça va, ils gèrent. » Et je me sens mieux. Parce qu'Ariane est devenue un symbole de résistance dans cette ville avec son ami Cian. Ils n’ont clairement peur de rien les deux. Ils savent se défendre, savent monter des stratégies, savent ne pas se faire prendre. Un long soupir de soulagement s’échappe d’entre mes lèvres. « Thank god. » Maintenant, je peux me concentrer sur le reste. Maintenant, je sais que mon prochain but est de les retrouver.

Matt m’apprend que le cousin McGrath est porté disparu et je hoche la tête. « Tu as une idée d’où il aurait pu aller ? » En attendant sa réponse, je continue à regarder tout autour de moi pour tenter de nous trouver un véhicule ou n’importe quoi. Mon regard tombé sur une rangée de voiture et pour finir sur un camion de convoyeur de fonds, ce serait parfait pour se protéger. Je fais signe à Matt et me dirige vers le camion pour tenter de trouver des clés, rien… « Fait chier. » Je trouve une arme et la glisse dans mon dos derrière la ceinture de mon jean. On pourra toujours s’en servir plus tard. « Bon, t’as un plan smart ass ? » J’ai la sensation de devoir me débrouiller un peu seul d’un coup et Matt papillonne, sa spécialité après tout. « On ne se sépare pas, okay ?! »

Les pas qu’on multiplie, les coups d’œil par-dessus l’épaule qui sont nécessaires. « Mais… Je suis juste parti une journée. Il s’est passé quoi ? » « On a été attaqués. Mais elles vont bien, tout le monde va bien. » j’ai pas l’insolence de jouer quand il pose des questions sur elles, je sais autant que lui que je serais prêt à tuer quiconque ne me donne pas d’information essentielle et vitale sur mes soeurs et mon neveu à la seconde où je le demande. Au moins un point en commun.

Je précise aussi, d’emblée, qu’Ari est restée là-bas. Cian est parti de son côté, il avait l’air d’avoir un truc précis à faire, il nous en a pas parlé mais Parker doit tout savoir sur tout, je lui demanderai quand on sera de retour auprès des filles. Eux deux avaient réussi à se monter tout un arsenal d’armes et de ruses depuis qu’on se coltinait des zombies de merde sur notre chemin partout où on posait le pied ; les avoir dans notre équipe même momentanément relevait du miracle à mon sens (et à celui de mon orgueil que je gardais bien de passer le moindre commentaire).

« Tu as une idée d’où il aurait pu aller ? » il parle de Levi, tout de suite j’ai une mauvaise impression, et je me déteste d’emblée. « Pas la moindre, quand il était avec moi à un moment y’a fallu se lâcher et il a dû aller de son côté, moi du mien. » on se faisait confiance l’un l’autre, je savais que Levi avait tout pour survivre et moi pareil, mais je détestais pas savoir exactement où il était à cause d’une attaque de merde à laquelle on avait répliqué en se séparent pour diviser les forces et les assaillants. J’étais pas inquiet qu’il ait survécu – il était bien plus sadique que moi au combat – mais j’aimais pas le savoir seul non plus. « J’espère juste qu’il va retourner à la maison entre temps. » c'est un secret pour personne que mon cousin est un loup solitaire. Levi qui depuis que les zombies sont là fait pas mal qu'à sa tête, Levi qui reviendra quand il voudra, après avoir passé ses nerfs et sa rage sur qui que ce soit étant sur son passage. Il m’effrayait parfois mon cousin, faut dire. « Je pensais qu’on pourrait courir les alentours un peu, il doit pas être bien loin, il était à pied comme moi. » une esquisse de plan, et une.

Bailey repère des convoyeurs, je suis au taquet, il trouve pas de clés mais se coltine une arme alors que je m’assure que la mienne est chargée au cas où on nous surprenne à nouveau. « On ne se sépare pas, okay ?! » « J’te ferai pas ce plaisir. » mes paupières qui battent la mesure, notre haine commune qu’on met en berne le temps d’échapper à l’apocalypse. Ses recherches de véhicules finissent bredouilles, les miennes par contre, m’arrachent un sourire en coin quand je trouve et un trousseau de clés, et le moyen de se déplacer auquel elles sont rattachées. « J’ai de quoi aller plus vite, mais tu vas pas aimer. » je chante, je m’amuse, je rigole des détails ouais, il le faut de nos jours. J’attends que Bailey s’approche aussi, et dès qu’il est à mes côtés, je pointe du menton la moto que je démarre la seconde suivante. Elle a pas des masses d’essence, mais si on coupe dans les diagonales on devrait être ok pour n’avoir qu’une poignée de kilomètres à faire à la marche avant de rejoindre Ginny, Jill et Noah.

« Je conduis. » évidemment que je conduis, et que je lui tapote effrontément la place derrière moi, le sourire à deux balles fendu d’un côté à l’autre de mon visage. « Accroche-toi mon beau. » dès que je sens le poids de sa silhouette posé derrière, j’engage la bécane sur la route de terre devant nous.

« On a été attaqués. Mais elles vont bien, tout le monde va bien. » Il essaye de me rassurer, mais cela ne fonctionne pas réellement. Ils ont été attaqués. Je suis parti une demie journée. C’est tout ce qu’il a suffi pour que les monstres puants trouvent la maison et attaque mes proches. Je ne demande même pas ce que Matt foutait chez moi, il savait que ses sœurs étaient là. Au moins, il a pu les protéger. C’est le plus important pour moi. Pourtant, je déteste avoir cette sensation d’être séparé des filles. Je vais avoir besoin de les voir rapidement, mais pour le moment, il faut s’occuper des zombies qui nous encercle. On se bat, on se protège l’un et l’autre. À bat les rancœurs et la pseudo haine entre nous. Personne ne va mourir aujourd’hui et on finit par vaincre ceux qui nous entouraient. On se retrouve entourer de cadavre et nous avons besoin de penser vite pour agir et pour mettre le plus de distance entre nous les morts-vivants.

Matt a perdu Levi. Mon instinct me crie de ne pas s’attarder, de ne pas rester dans le coin et de partir. Pourtant, je sais que le clan tout entier me tournera le dos si je laisse l’un d’entre eux derrière. Il faut qu’on le retrouve. Ils ont été séparés dans leurs recherches. Le cousin est à pied. Il ne doit pas être loin. On essaye de se rassurer avec cela. Je hoche la tête lorsque Matt m’évoque son plan. Simple, net et précis. Pas besoin de partir dans des élaborations de plan gigantesque. Il faut le retrouver. « On fait comme ça ! » J’approuve de la tête également. Je fouille les alentours du regard. À défaut de nous trouver un véhicule, je reviens avec une arme feu chargé à bloc. Cela pourra toujours être utile.

« J’ai de quoi aller plus vite, mais tu vas pas aimer. » Il ricane et soudainement, je crains le pire. Il me montre une moto du bout du doigt et la démarre dans un bruit sourd. « C’est tellement discret. » Je lève les yeux au ciel en soupirant. « Comme toi remarque. » Il est fier le McGrath, il m’ordonne de monter à l’arrière. Je n’ai pas trop le choix même si je n’ai jamais été fan des deux-roues. Il démarre en trombe et je jure qu’il a rameuté tous les rampants des kilomètres alentours. On ne part pas très loin, on cherche Levi du regard. On ne trouve rien. « Il a dû retourner à la maison. » Je n’en sais rien, mais au loin, on entend une horde qui se rapproche et cela n’annonce rien de bon. « On devrait y aller aussi. » Je serre mon arme entre mes mains. « Hors de questions qu’on les guide vers la maison ! Tu vas abandonner ton jouet. » Je lui fais un grand sourire un brin narquois. « On va courir un peu. » Courir, semer les monstres et brouillé les pistes. « On se séparera un peu avant la maison. Juste pour être sûr. Faut que les filles et Noah soit à l’abri encore un petit moment. »

« C’est tellement discret. Comme toi remarque. » il pique Bailey mais j'en ai rien à faire, au fil du temps et des années j'ai appris à filtrer ses paroles pour n'en écouter qu'une infime partie, rien de ce qu'il n'articule ne passe vraiment beaucoup de temps à s'accrocher à ma mémoire et à mon attention faut dire. « C’est peut-être pas discret mais ça va vite. Sauf si tu voulais traîner dans le coin plus longtemps, j't'en prie, apprécie le quartier te force pas à rentrer si vite. » que je renchéris, sur le même ton que lui, désignant l'endroit de la main en insistant sur les cadavres de zombies jonchés au sol, les bâtiments en ruines. S'il veut s'éterniser, qu'il s'éternise.

Mais je fais vrombir le moteur, et on est partis. Le tour du quartier qu'on étire, Levi est nulle part, on le voit pas, et j'aime pas ça. « Il a dû retourner à la maison. » ouais, peut-être. Peut-être pas aussi. Peut-être qu'il se bat là, peut-être qu'il est en danger. Peut-être qu'il est à la maison, mais peut-être qu'il lutte pour sa vie. On en sait rien et je déteste ça, encore plus que je déteste la proximité de Bailey dans mon dos. « On devrait y aller aussi. » « T'es sérieux? » je réagis au quart de tour, coupe le contact, me tourne vers lui en espérant avoir mal entendu. « Hors de questions qu’on les guide vers la maison ! Tu vas abandonner ton jouet. On se séparera un peu avant la maison. Juste pour être sûr. Faut que les filles et Noah soit à l’abri encore un petit moment. » « Okay, ouais, t'es sérieux. »

Au fil des kilomètres parcourus, j'ai pas aimé ce que j'ai vu. Et si d'emblée j'avais prévu faire confiance à la vie et me dire que tout irait bien pour mon cousin, là, je suis pas du tout convaincu. « On se sépare ici, donc. » je conclus, déjà prêt à le lisser sur le bas-côté s'il se la joue sacrifice avec Levi. Qu'il y aille à pied à être discret, qu'il pratique son cardio vers la maison s'il est si bon que ça. « Pars, vole de tes ailes. Je gère les recherches. »

Même dans ce genre de situation, même lorsque la fin du monde s'est abattue sur nous, on arrive encore à s’envoyer des piques avec Matt. Je crois que c’est tout simplement plus fort que nous. On ne sait pas faire autrement. Pendant des années, je l’ai détesté de manière presque infondée. Il était l’ennemi pour moi, le rat de la famille… Il m’a fallu de nombreuses années et l’insistance de Jill et Ginny pour que les choses finissent par s’améliorer entre nous, mais rien n’est parfait. La preuve. Même au milieu des zombies, on arrive encore à ne pas être d’accord et à presque se prendre la tête. « Bien sûr que je suis sérieux. » Je sais que Levi est son cousin. Je comprends qu’il veut le trouver, mais il commence à être tard, la nuit va tomber assez rapidement et on est encore loin de la maison. Je me dis que Levi est peut-être déjà très loin. Ou peut-être déjà mort. J’aimerais le trouver aussi, mais je ne sais pas où chercher et il faut croire que Matt non plus. Je me dis juste que Levi a probablement eu la même idée que nous et qu’il est actuellement en chemin pour la maison. On doit voir cela comme un point de ralliement. Évidemment, l’autre fait la gueule.

On avance en silence, on parcourt la ville en tentant de s’éloigner le plus possible des meutes de rampants. Plus on met des kilomètres entre nous et la ville plus je sens que Matt devient tendu. Finalement, il me dit de partir et qu’il va gérer ses recherches seul. L’espace d’un instant, je suis vraiment tenté de le laisser seul et de partir de mon côté. Puis je me retourne et le vois seul avec son sac à dos et son pauvre couteau. Je soupire longuement et finis par rebrousser chemin pour aller avec lui. « On va tenter de le trouver. » dis-je en soupirant. Je prends quelques secondes pour tenter de me repérer dans l’espace, mais je dois avouer que je suis complètement perdu. « Tu sais vraiment pas où il a pu partir ? Vous vous êtes pas donné un point de rendez-vous ? » C’est la première fois qu’il part depuis la fin du monde ou quoi ? On doit faire cela de manière organisée si on veut rester en vie. « Faut pas partir tête baissée. » Et je sens qu’il va me tuer juste parce que je remets en question sa façon de faire. « T’as des armes à part ton couteau ? » Réfléchi Bailey, il faut le retrouver sinon Matt va finir par faire n’importe quoi. « J’aimerais juste te ramener vivant en fait. »

C'était un monde vache dans lequel on vivait désormais. C'était pas un monde facile, y'avait plus rien de facile en vrai si vous me demandiez. Entre la survie qui était devenue une priorité, et les attaques qui étaient devenues notre réalité, c'était pas simple de faire autrement que d'être toujours, toujours, foutument toujours sur le qui vive. Un simple tour de ville en moto devient une épreuve, parce qu'il faut regarder partout, parce qu'il faut trouver les chemins les moins susceptibles d'être des pièges à zombies, et encore moins d'humains prêts à nous sauter dessus pour nous voler nos vivres. On s'était adaptés parce qu'on avait pas eu le choix, on avait survécu pour les mêmes raisons, mais nous voilà en rebord de route, à se séparer. Bailey veut pas aider à trouver Levi, il veut filer rejoindre les filles, bah, qu'il y aille.

« On va tenter de le trouver. Tu sais vraiment pas où il a pu partir ? Vous vous êtes pas donné un point de rendez-vous ? » je soupire, par chance je suis dos à lui, il verra pas l'énième roulement d'yeux dont je le gratifie. « Si je savais on serait pas là, si on s'était donné un point de repère pareil. » que je grommelle dans ma barbe pas taillée depuis des jours, faisant gaffe à ce qu'il entende pas. Mais c'est pas le temps de faire dans la rhétorique, on s'en sortira pas vivants parce qu'on risque de s'entretuer si on fait ça. Moi envers lui, du moins. « Faut pas partir tête baissée. » no shit Sherlock. Et je glisse mon couteau dans la manche de ma veste, et je file à l'arrière de la moto pour attraper mon shot gun qui y est bien rangé.

« T’as des armes à part ton couteau ? » shot gun que je recharge en plongeant mon regard dans le sien pour simple et unique réponse. « J’aimerais juste te ramener vivant en fait. » « C'est une promesse que t'as faite aux filles? » parce que moi aussi, je leur ai assuré que peu importe la situation, si on en venait à ça, je ferais tout pour sauver Bailey, pour jamais le laisser crever. Malgré notre rage partagée, malgré nos dizaines de démons qui n'en finissent plus de remonter. Mais je le fixe pas si longtemps que je l'aurais voulu pour le cerner, parce qu'un mouvement par-dessus son épaule me fait remarquer une silhouette que je reconnais, silhouette qui ressemble vachement à celle de Levi même si je suis pas à 100% sûr que ce soit le cas.

Du menton, je pointe la direction que l'ombre a prise à Bailey, me mouvant rapidement et silencieusement pour la suivre à pied à travers les bâtiments déserts, la route poussiéreuse. Y'a des cris qui résonnent dans notre dos à un moment, beaucoup trop agressifs et charognards pour en être de détresse. Et c'est reparti pour une autre attaque, quand on réalise qu'un groupe d'une dizaine de zombies nous entourent, bloquant toutes issues possible.

À cet instant précis, je suis prêt à laisser Matt seul dans la nature. Il me tape sur le système à vouloir jouer au héros. Je comprends qu’il souhaite retrouver son cousin, mais ce n’est pas en courant de partout et en braillant que l’on va pouvoir le retrouver. Je suis prêt à les abandonner pour retrouver les filles, pour me sentir un peu plus en sécurité. Depuis que le monde est devenu fou, je supporte de moins en moins de me retrouver à l’extérieur. Surtout dans des endroits comme celui-ci. On est au milieu de nulle part, il y a pratiquement aucun bâtiment qui pourrait nous abriter, aucun endroit sur lequel on pourrait grimper pour se mettre à l’abri. Alors, j’envisage de le laisser seul. Il est tellement nerveux qu’il pourrait s’en sortir non ? J’aurais qu’à prétendre que je ne l’ai pas vu. Je pourrais, mais j’ai promis aux filles que je ferais toujours tout pour protéger leur famille. Malheureusement, Matt fait parti de la famille.

Je vois bien que je le gonfle avec mes questions et le ton qu’il emploie pour me répondre me met sur les nerfs. Qu’il ne joue pas trop au malin celui-là. Je ne vais pas commencer à me prendre la tête avec lui. Il faut chercher et tenter de trouver Levi. Au moins, lui, je l’aime bien. Voilà que Matt joue au gros dur avec son shotgun et je lève les yeux au ciel. Je n’ai pas de véhicule et pourtant, je pense avoir plus d’armes sur moi que lui. Je sors le flingue à ma ceinture et vérifie le chargeur. Ça devrait le faire pour le moment. Il vaut mieux partir armer, on ne sait jamais. « Oui, j’ai promis à tes sœurs et crois moi, je le regrette déjà. » Mais je ne sais pas dire non aux sœurs McGrath et je le paie depuis plus de vingt ans.

Matt semble avoir une idée en tête et je finis par le suivre. C’est comme s’il avait vu quelque chose. Je suis sur les nerfs. J’ai un mauvais pressentiment. Je ne cesse de regarder autour de nous et accélère le pas pour me retrouver au même niveau que Matt. Et avant que je n’aie le temps de dire quoique ce soit, on se retrouve entourer par une masse de zombies qui arrive de tous les côtés. « Parfait… » Non vraiment, il ne manquait plus que cela. Je charge mon flingue et attrape rapidement le couteau qui traîne toujours dans ma boot droite. « Essaye de rester en vie. » Je n’aurais pas le temps d’en dire plus que les premiers rampants se jette sur nous.

Je ne sais combien de temps, on passe à se battre, j’ai conscience que Matt m’a sauvé la vie quelques fois, je sais que j’ai abattu un zombie juste avant qu’il ne morde la cheville de mon beau-frère, mais je ne calcule plus rien. Mes gestes se font de plus en plus rapide. Tellement que je finis par assommer le McGrath en voulant mettre un coup à un zombie. J’ai laissé mon bras si fort en arrière que le brun s'est pris mon coude en plein dans le nez et il s’écroule. Merde… Je m’empresse de repousser les derniers monstres avant de me tourner vers Matt. « Ça va ? » Il saigne du nez et ça… C’est vraiment la merde… Je ne réfléchis même pas et déchire mon tee-shirt avec mon poignard. « Tiens… » Faut qu’on bouge. Vite. Mais Matt à l’air de bouder comme un gosse. « Tu me hurles dessus après. Faut qu’on bouge. »