JILLIAN & FINNLEY ⊹⊹⊹ Is there so much hate for the ones we love? Tell me, we both matter, don't we? You, it's you and me, It's you and me, won't be unhappy.

(TOOWONG, ST-VINCENT HOSPITAL). Jill a fait une overdose. Ce serait mentir que de dire qu’il est réellement surpris par cette annonce, tant il est habitué au fait que Jill outrepasse toutes les limites établies par la collectivité, par les autres, et même les siennes. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Jillian McGrath a toujours été la personnification de l’expression « jouer avec le feu », et c’est d’ailleurs pour cela qu’il a toujours porté un regard brillant sur elle, à la limite de la fascination, et ce dès qu’ils se sont rencontrés. Les années ont passé, mais le magnétisme que le comportement de Jill a exercé sur lui n’a jamais cessé, pire, il a fini par déborder et bientôt il l’a rejointe dans certaines de ses idées folles. Il a toujours su que c’était une mauvaise idée, mais il ne pouvait pas s’en empêcher dès lors qu’elle lui proposait de se joindre à elle. Parce que Jill est son exact opposé, a ce caractère je m’en foutiste qu’il a toujours rêvé de posséder, et qu’il a trop souvent vécu par procuration à travers les autres. Alors dès qu’elle lui offrait une chance de se sentir différent, meilleur, Finn n’a jamais hésité à la saisir. Et il le fait encore, parfois, lorsqu’elle autorise sa présence à ses côtés pour une soirée qui, le plus souvent, s’avère mémorable. Jill lui a toujours insufflé ce qui lui a manqué cruellement durant toute sa vie : une envie de vivre les choses et pas seulement de les supporter. Autant dire que l’affection – jamais réellement exprimée – qu’il peut avoir pour la brune lui est chère, et qu’il l’a toujours admirée, même aujourd’hui, du haut de ses trente ans passé. Ou plutôt, jusqu’à aujourd’hui. Car Jill a fait une putain d’overdose. Et Finnley ne juge pas ce qui l’a poussée à en arriver-là, tout comme il n’a jamais jugé la consommation d’autrui (d’autant qu’il serait très mal placé pour le faire compte tenu de l’addiction qu’est la sienne sans qu’il ne veuille l’admettre). Il a toujours su que Jill ne buvait pas que de l’eau, ne se soignait pas que par du sirop pour la toux ; et qu’elle avait élaboré son propre mélange pour aller mieux. Il lui réussissait, alors il n’a jamais rien dit, parce qu’elle ne l’a jamais forcé à le partager, elle n’a jamais été véritablement changée par ce qu’elle pouvait ingérer, et parce qu’il a toujours été partisan du « chacun fait ce qu’il veut » couplé au « les gens sont assez grands pour savoir ce qu’ils font ». Pourtant, aujourd’hui, Finn n’arrive pas à se vouloir aussi neutre qu’il l’est d’ordinaire quand il s’agit de prendre connaissance de certaines décisions d’autrui ; mais encore une fois ce n’est pas le fait qu’elle se soit droguée qui habite ses pensées ; c’est le fait qu’elle aurait pu y rester. Elle n’en était – il lui semble – jamais arrivée jusqu’à cette issue, alors que s’est-il passé ? Il se questionne, comme il le fait souvent parce qu’il est curieux de nature, et parce que toutes ses interrogations ne pourront pas franchir la barrière de ses lèvres ; autant qu’elles puissent être formulées dans les limites de son esprit. Mais Jill a fait une overdose, et Finn a besoin de s’assurer qu’elle va bien. Parce qu’il considère la brune comme sa meilleure amie, et qu’il s’en fiche bien que la réciproque soit vraie ou non : elle est foutrement importante pour lui, et il n’aurait pas supporté qu’on lui annonce une issue plus tragique à ses actions. Elle aurait pu y rester. Finnley n’est pas d’un naturel optimiste et même l’assurance que la McGrath se remet de sa rude soirée ne l’aide pas à relativiser sur la situation. Il a besoin d’en avoir la certitude de ses propres yeux, raison pour laquelle il a filé au centre-ville durant sa pause déjeuner pour faire un achat, avant de revenir entre ces murs pour prendre la direction de la chambre de son amie. Frappant doucement à la porte, il attend quelques secondes l’autorisation de venir perturber sa convalescence et pousse un bref soupir de soulagement en réalisant qu’il est le seul visiteur. Pas qu’il désire l’exclusivité sur Jill, mais la famille McGrath est quelque peu compliquée par moment, et de plus, il ne se serait pas senti le bienvenu s’il venait à interrompre des retrouvailles familiales. « Salut. » Qu’il débute, avec un léger signe de main et un sourire pincé. « Est-ce que je te dérange ? Sinon, je repasse plus tard… ou jamais. » Il précise, des fois qu’elle voudrait ne voir personne dans ce contexte. Il n’en sait rien, il ne sait pas vraiment comment tout cela se passe. Parce qu’il a beau avoir plus de trente ans et une dépendance à l’alcool, il reste encore bien naïf sur des sujets, dont l’usage de drogues. Qu’est-ce qu’on est censé dire à quelqu’un qui vient de faire une overdose ? Lui faire un high-five et le féliciter de ne pas s’être étouffé avec son vomi ? « Comment tu te sens ? » Il finit par demander, parce que c’est ce qui lui paraît le plus essentiel. Finalement, il lui tend le sachet de la pâtisserie dans laquelle il s’est rendue quelques dizaines de minutes plus tôt et hausse furtivement les épaules. « J’voulais pas me ramener les mains vides, mais à la boutique de l’hôpital il n’y avait que des « rétablis-toi bien », t’admettras que c’est pas super original. Sinon, j’avais pensé à griffonner un « félicitations pour ta survie » sur une pilule, mais je me suis dit qu’il y avait une période à respecter avant d’utiliser de l’humour noir. Et puis, j’aurais manqué de place, de toute façon. » Il précise, parce qu’évidemment que l’idée lui a traversé l’esprit, oui, à lui, le type le moins créatif qui puisse exister. « À défaut, j’ai opté pour un muffin, c’est pas super original non plus, mais ça fonctionne toujours quand ça touche à l’estomac. » Une valeur sûre, merci les muffins, vous êtes des vrais. « Et puis, au besoin, tu peux le réduire en miettes et me le jeter dessus pour que je me la ferme. » Il conclut, un bref rire qui s’échappe d’entre ses lèvres, tandis que son regard ne quitte plus celui de Jill, le temps de prendre la température quant à savoir s’il vaut mieux qu’il dégage tout de suite ou s’il a quelques minutes de sursis avant de dire, ou faire, quelque chose qui sera susceptible de réellement l’agacer. Parce qu’il la connait, et c’est exactement pour ça qu’il l’adore.  

Les incertitudes qui sont les siennes quant à savoir s’il ose ou non déranger la convalescence de Jillian ne sont que de fausses hésitations ; au fond de lui, Finn sait très bien qu’il n’arriverait pas à s’empêcher de venir la voir. Il ne se sent pas pour autant légitime, car même s’il a beaucoup d’affection pour la brune, il n’oublie pas qu’il n’a pas vraiment fait beaucoup d’efforts pour passer du temps avec elle depuis son retour à Brisbane. Pourtant, elle lui a manqué durant toutes ses années d’éloignement forcé, mais Finn a désormais d’autres priorités ; et renouer des amitiés n’en fait pas partie. Que Jill se rassure, ce n’est pas tant qu’il a changé et qu’il se pense au-dessus des autres, bien au contraire, c’est parce qu’il persiste à se perdre dans cette nouvelle addiction qu’il en oublie le reste. Il n’est alors pas illogique qu’il ait cette mauvaise impression d’imposer sa présence après des semaines de quasi silence, mais dans de telles conditions, il lui paraît aussi logique de venir s’assurer de l’état de santé de son amie. Il se veut hésitant alors qu’il frappe à la porte, passant la tête comme un enfant qui aurait peur de déranger, et un sourire finit par apparaître sur ses lèvres alors qu’elle l’invite à entrer, avant qu’il n’observe ladite télévision d’un air sceptique avant de se reposer son regard sur Jillian. « Euh, attends, ça veut dire que tu comptes sur moi pour faire l’animation ? » Il questionne alors qu’il s’approche un peu plus. « Mauvaise idée, McGrath, très mauvaise idée, t’auras même pas besoin de morphine pour tomber dans les vapes. » Et là, il esquisse une petite moue alors qu’il se plonge dans le silence. Elle n’a pas pris de la morphine, hein ? Parce qu’il se sent déjà assez maladroit ainsi, il ne faudrait pas en plus qu’il plaisante sur ce qui aurait pu la tuer. « J’avais peur de te déranger. » Il avoue ensuite, alors qu’elle lui assure qu’il peut passer quand il veut. Mais c’est un fait ; Finn a toujours l’impression de déranger, et encore plus si Jill a besoin de repos. Mais il est néanmoins ravi de pouvoir rester, parce qu’il aurait malgré tout mal vécu le fait d’être mis à la porte (quand bien même il aurait tendu le bâton pour se faire battre). Il esquisse un léger rire alors qu’elle s’empare du sachet, et il ne peut s’empêcher de faire remarquer : « dis, tes autres visiteurs t’ont pas apporté de cadeaux ? Je vais leur dire deux mots. » Oui, parce qu’il est très crédible, et il baisse légèrement la tête sur sa silhouette avant de relever les yeux vers Jill. « Enfin, je vais te souffler ce que je veux leur dire, et tu t’en chargeras, tu seras plus crédible. » Oui, bon, tais-toi, maintenant. Et non, il s’emmêle dans des explications et affiche un sourire à la réflexion de Jill. « Ah, bien, je saurai pour la prochaine fois ! » Pardon ? « Enfin, pas que je te souhaite de prochaine fois, hein. J’adapterai à la situation, genre « félicitations pour ton appendicectomie » ou « c’est un lupus ! ». » La ferme. Il affiche une mine outrée alors qu’elle se plaint de la nourriture servie entre ces murs. « Hé ! Tu insultes mon employeur, là, je te rappelle. » Il est véritablement offusqué, il va sans dire. « J’en suis rassuré, je t’avoue que c’est pas l’option que je préférais. » Il n’est pas mécontent d’éviter la pluie de miettes. Le rouquin finit par s’asseoir sur la chaise au pied du lit de la jeune femme, l’observant un instant alors qu’elle semble effectivement redécouvrir le goût de la nourriture. « Mais je prends note, je viendrai te refiler de vrais repas en douce durant mes pauses pour le temps que tu es ici. » Ce ne sera pas difficile, et il n’aura en réalité même pas besoin de se cacher. « Tu restes combien de temps, d’ailleurs ? » Il questionne, parce que dans les faits, il n’en sait rien. Peut-être qu’il s’agit seulement d’une hospitalisation le temps de s’assurer qu’elle se remette, peut-être qu’il sera question d’enchaîner sur une cure comme cela avait pu être le cas avec Lou. « Dans tous les cas, je suis surpris. Je t’imaginais plutôt du genre à déguerpir en insultant tout le monde et en arrachant tes perfusions. Tu t’assagis. » Il dit, l’air de rien, un sourire amusé sur les lèvres, faisant fi du contexte pour se concentrer sur l’essentiel ; retrouver cette amie qui lui a tant manqué, même si les conditions ne sont pas optimales.

« Pourquoi t'as quoi à proposer pour m'aider à faire passer le temps ? » Finnley se pince la lèvre alors qu’il écarquille les yeux ; traduisant ainsi d’une certaine gêne un poil surjouée. Il n’a pas grand-chose à lui proposer, à vrai dire, comme il le souligne, il n’est pas réputé pour être le roi de l’ambiance, bien au contraire. Finn, c’est le petit fantôme qui traîne au coin d’une pièce, qui a toujours peur de déranger les autres et qui jamais, jamais, ne prend la parole si on ne l’invite pas à le faire. Autant dire qu’on ne peut s’attendre à grand-chose venant de sa part ; surtout avec une personnalité aussi conformiste et respectueuse des règles – tout l’opposé de Jill, au fond, autant dire qu’elle ne peut pas trouver son bonheur grâce à lui. « Euuuuh. » Qu’il débute avec un léger rire en regardant autour de lui. « Je t’aurais bien proposé une course en fauteuil dans les couloirs, mais j’en vois pas. » Bien-sûr. Comme s’il oserait voler un fauteuil pour cela. Loin d’être un leader, c’est un véritable suiveur et le seul cas de figure où cela serait envisageable, c’est que Jill soit celle qui lance l’idée. « Ou piquer en douce dans les chariots, mais hé, j’aime bien le fait d’avoir un toit et de pouvoir payer mes factures. » Qu’il ajoute, avec un léger rire. Ce serait le comble, lui qui travaille ici, qui se fait arrêter pour avoir volé du matériel médical. « Mais aussi, tu m’aides pas, qu’est-ce que tu veux qu’on fasse dans un hôpital à part jouer aux cartes et regarder la télé. » Il l’accuse, avec un fin sourire, alors qu’il émet un rire à sa prochaine réflexion. C’est bon à savoir ; le sujet n’est pas aussi sensible qu’on pourrait le croire. « Hm, oui, reste-en aux bruits de couloir. » Qu’il s’assure bien qu’il ait saisi l’humour de la jeune femme. On est jamais trop prudent, hein. Affichant un léger sourire alors qu’elle précise qu’il ne la dérange pas, c’est un nouveau rire qui s’échappe d’entre ses lèvres lorsqu’elle évoque le rôle qui pourrait être le sien. « C’est sûr que vu ma carrure, je vais assurer. » Autant confier le rôle à une passoire, donc. « Non, c’est surtout que je l’ai tellement fait que j’ai plus personne à terroriser, tu comprends. » Il souligne, avec une fausse modestie et en haussant les épaules, comme si c’était l’évidence. Ce qui est moins évident, par contre, c’est de parvenir à trouver les bons mots, comme il le constate alors qu’il ne cesse de mettre les pieds dans le plat. Il ne sait pas exactement quel crédit accorder aux propos de Jill qui explique vouloir éviter une prochaine fois, non pas parce qu’il ne lui fait pas confiance, mais parce qu’il s’agit du genre de certitude qu’aucun être humain ne peut avoir. « Oui, mais il en a des bons en matière d’employés, c’est l’essentiel. » Bien-sûr. Comme s’il avait le profil pour être employé du mois. M’enfin, il est toujours là après tant d’années, c’est qu’il doit pas être si terrible. « Je prends note. » Même s’il aimerait autant savoir si la livraison de muffins restante se compte en jours ou en semaines. C’est donc la première option qui est privilégiée. Une semaine encore, si tout va bien, si Jill reste à sa place comme il est nécessaire qu’elle le fasse dans ce genre d’endroit. « Je te proposerais bien qu’on fête ça à ta sortie, mais je suis pas sûr que ce soit très approprié. » À peine sortie, et déjà bourrée ? Car c’est ce qu’il entend par fête, et il sait que lorsqu’ils se mettent à boire avec Jill, il est difficile de les arrêter. Mais est-ce vraiment un problème ? Il faut qu’il se persuade que oui, et seulement à cause de la situation de Jill.

Finn propose des options qui n’en sont pas vraiment, alors qu’il est évident que, même pour faire plaisir à Jill, il ne se sent pas capable de voler deux fauteuils pour se lancer dans une folle course à travers les couloirs. Ce n’est pourtant pas un horrible crime, mais Finn est celui qu’il est, restant sagement en retrait à la moindre occasion et pour lui cela équivaut à transgresser les règles. Alors si Jill veut s’occuper entre ces murs, il faut qu’il trouve autre chose – lui qui n’est déjà pas particulièrement créatif de base. Il met ses neurones à contribution, mais les seules options qu’il propose sont irréalisables, ce qu’il précise rapidement à la jeune femme. « Merci, je te revaudrai ça. » Qu’il souligne avec un léger sourire alors que Jill lui assure qu’il va pouvoir garder son travail, et qu’il finit par rire légèrement à l’hypothèse qu’elle propose. « Bien essayé, mais j’en doute fort. Je savais bien que ne pas vouloir être l’employé du mois finirait tôt ou tard par me porter préjudice. Désolé. » Qu’il soupire exagérément, haussant les épaules en surjouant sa déception. Mais il est vrai qu’il n’est pas vraiment en mesure de lui offrir le moindre passe-droit de par son statut d’employé, que ce soit pour une idée utopique comme celle-ci ou une proposition plus réaliste comme le simple fait de prolonger exceptionnellement les heures de visite pour elle. Finn n’est personne dans cet hôpital, même s’il tient à conserver son travail. « Ce que tu veux, suffit que je fasse un tour au service de gériatrie. Je suis devenu imbattable au bridge. » La joie du bénévolat auprès des personnes âgées. Mais s’il use de l’humour, il n’en demeure pas moins qu’il adore ce rôle et qu’il ne l’échangerait pour rien au monde – même si ses heures se font de plus en plus rares depuis quelques mois. « Ou en pédiatrie, il doit bien y avoir un uno qui traîne, faudrait pas que je te fatigue trop non plus. » Il s’amuse, bien que même alitée, Jill serait parfaitement capable de lui botter les fesses – et pas seulement au cours d’une partie de cartes. Quoi que, les rôles sont redistribués alors qu’il est bien celui qui prétend terroriser les autres, ce qui n’est absolument pas crédible si on jette un coup d’œil à sa silhouette. Il a mangé sa soupe ; il a oublié le gras qui aurait pu lui permettre d’avoir une dégaine qui ne lui donne pas des allures de Slender Man, à laquelle s’ajoute un fond de gentillesse qui ne lui permet pas de s’opposer à qui que ce soit. Ou presque, quand il le veut Finn sait très bien faire le ménage autour de lui, mais il est peu probable qu’il soit crédible pour surveiller les visites de Jillian. « J’y penserai si les fins de mois deviennent difficiles. » Il précise, alors qu’en réalité elles le sont déjà – la faute à une consommation abusive d’alcool. « Un peu d’autocongratulation de temps à autre ne fait pas de mal, tu devrais essayer. » Il ajoute, lui qui est pourtant particulièrement doué pour se dénigrer – ce qui rend ses propos très peu crédibles. Riant légèrement alors que l’emballage de muffin vient l’attaquer, Finn attrape aussitôt celui-ci à terre pour renvoyer la balle à son amie, il finit par secouer légèrement les épaules. « Brrr, j’ai peur. » C’est presque vrai, il sait surtout que si Jill a envie de le rendre fou, elle en sera parfaitement capable. Car même s’il l’adore, le temps lui a prouvé qu’elle pouvait également être parfaitement insupportable et qu’ils s’apportaient parfois autant de bons que de mauvais. « Vendu. Je vais peut-être tenter de toucher un mot à mes supérieurs, dans ce cas. » Et peut-être qu’il ne devrait pas faire cette promesse ; mais Finn part du principe que surprotéger quelqu’un ne mène à rien et il ne veut pas changer son attitude envers Jill. « Parce qu’on a une éternité à rattraper, toi et moi, j’ai l’impression. » Qu’il conclut, comme une excuse mal formulée de cet éloignement et de ces retrouvailles qu’il n’a pas cherché à précipiter avant aujourd’hui.

Le constat est égoïste et Finn peut se permettre de l’être de temps à autre, lui qui d’ordinaire fait toujours passer les autres avant lui-même. Mais il est vrai que les rôles se sont inversés, et si on aurait pu attendre de lui qu’il change les idées de Jill et la divertisse (bien que comme il l’ait mentionné, il n’est pas vraiment des plus adéquats dans ce rôle), c’est finalement l’inverse qui se produit, et lui qui savoure cet instant passé avec sa plus vieille amie. C’est un fait, même si les années ont fait leur travail et ont su les tenir éloignés, la jeune femme demeure l’une des seules personnes qui a toujours gravité autour de lui, de près ou de loin, et la retrouver – même dans ces circonstances dramatiques – lui fait un bien fou, au point où il s’en veut de ne pas avoir fait cet effort plus tôt. Il en avait presque oublié la manière dont il se sent en compagnie de Jill, et cette détente qui ne le caractérise pas en temps normal et qu’il peut presque prétendre à ses côtés. La manière dont ils plaisantent est anodine, mais suffisamment rare du côté de Finnley pour être soulignée, même s’il s’en voudrait presque de ne pas être d’une grande aide pour son amie alors que celle-ci souhaite quitter ces murs le plus vite possible. « Pardonne-moi si je m’étouffe. » Il renchérit aux propos de Jillian. Pourtant, de son côté, il l’a toujours connue gentille, mais il n’est pas sans savoir que ce n’est pas vraiment la réputation qui l’entoure de manière générale. Pas qu’il y prête attention, du moment qu’il y trouve son compte dans cette amitié et Jill ne lui a jamais laissé croire qu’il devait remettre celle-ci en question. Il affiche un sourire et acquiesce d’un signe de la tête alors qu’elle se félicite d’avoir essayé, qui fait vite place à un sourire pincé qui vise à s’excuser de ne pas être beaucoup plus utile. Et c’est bientôt une mine outrée qui s’affiche sur son visage à l’entente du surnom dont elle l’affuble. « Papyroux. » Qu’il répète, incrédule, parce qu’il n’a rien entendu de tel depuis longtemps (puisque seule Jill a le don de lui coller des surnoms détestables auxquels il ne cherche pourtant pas à s’opposer) avant de laisser échapper un rire. « Au moins, cette fois, c’est sûr, ma crédibilité est enterrée. » Pas qu’elle ait déjà existé, mais soit. « Fais la maligne, mais si tu traînes assez avec moi, tu vas les atteindre, tes 100 ans. » Oh, pour la peine, il se fera un plaisir de s’assurer qu’elle puisse participer au mercredi bridge à l’état du dessous et qu’on lui serve une tisane tous les soirs jusqu’à la fin de son hospitalisation. Il n’a peut-être pas assez de poids pour précipiter sa sortie, mais il a quelques contacts parmi les infirmiers qui pourraient lui servir pour ce genre de vengeance de bas étage. « Mais j’en prends note, j’irai faire pleurer quelques petits en leur piquant leur jeux de cartes, juste pour tes beaux yeux. » Privilégiée ? À peine.

Et privilégié à son tour, alors qu’elle serait capable de dépenser son argent pour le voir jouer au vigile ? À peine, oui. « Il ne me reste plus qu’à donner ma démission, dans ce cas. » Il s’amuse avec un fin sourire, Jill protégeant toujours ses arrières. Comme quoi, les années passent, mais dans le fond, il n’y a pas grand-chose qui change. Tandis que l’emballage fait des allers-retours entre eux et qu’il a cette fois-ci su stopper sa course, il sourit à nouveau lorsqu’elle précise que les murs d’un hôpital ne sauront pas l’arrêter dans son optique de le terroriser. « T’en fais pas, t’as rien besoin d’autre que ton regard fourbe, là, exactement celui-là ! » Qu’il s’exclame alors que le papier lui revient en figure. Sa bonne humeur se retrouve toutefois légèrement malmenée par sa faute ; parce que c’est bien lui qui a souligné qu’ils avaient une éternité à rattraper, et qu’il ne peut s’offusquer de la question de Jill. « Ça va. » Qu’il répond dans un premier temps en triturant le papier avant de le renvoyer vers la jeune femme. « Ma petite sœur me donne pas trop de nouvelles, j’imagine qu’elle est occupée à devenir une grande star du surf. » Peut-être qu’elle a arrêté d’en donner parce qu’il n’était pas assez disponible pour les recevoir, mais il se garde bien de préciser cela. « J’espère juste qu’elle va bien. » Il conclut tandis qu’il affiche un sourire, anticipant son changement de sujet. « Tiens, et puisqu’on a un peu de temps devant nous, tu m’as jamais raconté Londres. Fais-moi voyager, tu sais qu’en dehors des récits des autres, je quitte jamais le pays. » Tandis que Bryn est à l’autre bout du monde, en train de vivre sa meilleure vie. C’est stupide qu’elle lui manque autant, autant ne pas le verbaliser et ne pas être plus ridicule qu’il ne l’est déjà.  

Jill est toujours posée dans son lit. Elle est encore assez faible, cette overdose lui a pompé toute l’énergie qu’elle pouvait avoir. Mais elle s’amuse, elle est heureuse de voir son ami proche d’elle. C’est pas le meilleur endroit pour se retrouver, mais ils passent un bon moment, tranquille tous les deux. “Eeeeh je suis super gentille.” Elle fait la moue mais ne garde son air sérieux pendant près de 5 secondes avant de rire de nouveau. Il la taquine et elle fait la même chose, elle lui donne un surnom qui l’a fait beaucoup rire. Papyroux, il risque de rester un bout de temps celui-là. “Oh si tu l’aimes tant et que tu veux perdre ta crédibilité à vie je peux te renommer comme ça dans mon téléphone.” Elle hoche la tête, elle va sûrement le faire maintenant qu’elle se dit que cette idée est absolument géniale. Il est vieux dans sa tête, il l’a toujours été et ça n’a jamais gêné Jill. Bien au contraire, des fois il est la seule personne capable de la calmer et l’aider à passer une soirée tranquille. “J’accepte d’avoir 100 ans seulement si on s’enferme dans la même maison de retraite.” Elle hoche la tête, elle aimerait se lever pour aller l’embêter mais elle n’a pas assez de force dans les jambes pour lui sauter dessus. “Ooooh tu ferais ça pour moi ?” Elle est flattée, et ses yeux papillonnent alors qu’elle se retient encore un peu de rire.

Le temps passe bien plus vite quand Finn est dans les parages. Ils s’amusent avec un bout de papier roulé en boule et se le renvoient. “Je te prendrai comme garde du corps personnel.” C’est à se demander qui garderait le corps de qui mais passons les détails. Jill a toujours protégé Finn quand il a eu des problèmes et ce n’est certainement pas près de changer. “Juste un regard te terrifie je vois que t’as pas changé depuis l’adolescence.” Et elle l’accentue son regard fourbe, elle lui lance un faux regard noir parce qu’elle adore le terroriser et qu’elle adore jouer avec lui aussi. Entre deux lancés elle continue de le fixer avec ce regard fourbe. Mais elle arrête de jouer une seconde pour lui demander comme il va vraiment, parce que c’est important pas vrai ? Et parce qu’il sait qu’il n’a pas besoin de lui mentir. Il parle de sa petite soeur, lui aussi fait partie des grand-frère protecteurs de ce monde et elle sourit Jill. Il l’aime sa petite soeur, certainement autant que Jill aime sa famille alors elle sait que ça peut être difficile à gérer. “Elle a besoin d’espace, mais elle reviendra.” Parce qu’il a toujours été là pour elle et qu’elle aussi elle l’aime. Et il lui parle de Londres, ce n’est pas vraiment un sujet qui la met de bonne humeur mais elle reste calme en face de Finn. “Londres c’est pluvieux, il fait tout le temps gris et souvent froid.” Et elle lui fait signe de venir s’asseoir à côté d’elle. “Y’a de beaux monuments, mais j’ai surtout vu la ville de nuit.” Et bourré, ou défoncée, ou les deux en même temps. “J’ai eu mon diplôme d’architecture.” Et c’était par obligation au début, mais elle a vraiment aimé ces études. “La mer m’a manqué là-bas, mais c’est arrivé que j’aime bien cette ville.” Malgré tout ce qui l’entourait, tous les souvenirs. Les mauvais souvenirs. “Mais je préfère Brisbane.”

“Eeeeh je suis super gentille.” Il esquisse un sourire qui s’accompagne d’une légère moue pour traduire de son scepticisme, la réputation de la jeune femme la précédant. Mais il ne peut pas s’en offusquer ; l’une des raisons pour lesquelles il l’apprécie autant, c’est qu’elle n’a jamais pris de pincettes avec lui, à une période où il avait besoin d’être secoué. Elle a été dure parfois, jamais cruelle et c’est pour cette raison que la réputation qui entoure la tornade McGrath lui semble injustifiée à ses yeux – même s’il a conscience qu’elle l’est parfaitement aux yeux d’autres et il n’est pas suffisamment naïf pour penser que Jill s’est comportée avec d’autres de la même manière qu’elle se comporte avec lui. « Je suis surpris que tu l’aies pas déjà fait. » Il précise avec un léger sourire, conscient qu’il ne s’agit pas de provoquer Jillian : de toute manière, elle fait ce qu’elle veut et ce n’est pas parce qu’il pourrait être tenté de la défier qu’elle le fera, mais bien parce qu’elle l’a décidé. « Ouais, alors là je pense qu’on les atteint plus, les 100 ans. » Qu’il poursuit en grimaçant légèrement, parce qu’il est certain que même si ses articulations ne lui permettront plus d’être aussi réactive qu’aujourd’hui, ses idées farfelues, elles, ne l’abandonneront probablement jamais et qu’il rit à l’image d’une Jill centenaire, devant s’expliquer devant le directeur de la fameuse maison de retraite pour justifier le vol de dentier dont elle s’est rendue coupable pour se venger auprès d’un autre résident qu’elle n’aime pas. Finn, lui, serait dans le coin de la pièce, témoin et complice du méfait en ayant distrait le principal concerné, mais toujours dans son rôle de suiveur qui lui correspond parfaitement. « Faut croire que oui et que t’es une privilégiée. » Il rétorque par la suite en haussant les épaules, même si dans le fond elle autant que lui savent qu’il n’ira jamais faire pleurer des petits. Par contre, il n’est pas impossible qu’il pique un jeu de cartes dans un autre service où les conséquences ne lui pèseront pas sur la conscience, mais chaque chose en son temps. « J’espère que tu paies bien, que je sois pas perdant dans l’histoire. » Car il est évident qu’il s’agit du seul facteur à prendre en compte et non le fait qu’il n’a absolument pas la carrure et l’expérience requise pour un tel travail, d’autant plus qu’entre eux, celui qui est le plus à même de protéger l’autre n’est pas roux. « Et toi t’en profites toujours autant, je te confirme que rien n’a changé. » Il s’en amuse, le cœur plus léger à l’idée que malgré la distance et le temps qui a fait son œuvre, ils sont en mesure de se retrouver comme les deux vieux amis qu’ils sont. Il grimace légèrement comme pour lui dire que son regard assassin ne fonctionne plus sur lui (c’est faux), avant de se montrer plus sérieux pour répondre à sa question. Il se garde bien d’ajouter un « peut-être » de circonstance quant à savoir si Bryn reviendra ou non, Finn penchant de plus en plus pour la seconde option, mais demeurant incapable de le verbaliser. À défaut, il préfère reporter l’attention sur elle, qui a vécu mille vies, à des années-lumière du quotidien de Finn. Alors qu’elle le berce d’histoires qu’il ne vivra jamais de son côté. Un rire s’échappe d’entre ses lèvres lorsqu’elle décrit Londres comme pluvieux, se permettant de commenter « c’est donc vrai » rapport au cliché qui entoure cette ville. « Ah, félicitations ! » Qu’il s’exclame, même si le ton de Jill lui laisse penser que ce n’est pas une aussi bonne nouvelle qu’il semblerait. Il faut dire qu’elle n’a jamais été passionnée par les études dans ses souvenirs, mais cela remonte à trop loin pour qu’il en soit certain. « C’est égoïste si je te dis que je suis content que t’en arrives à ce constat ? » Qu’elle préfère Brisbane et que son retour puisse être à durée indéterminée. Parce qu’il se rend compte au fil de la conversation à quel point elle lui a manqué et à quel point il a besoin d’elle. Raison pour laquelle il se permettra de squatter la chambre et de monopoliser l’attention de son amie jusqu’à ce que l’heure tardive le pousse vers la sortie.