| I’ve got shackles on my feet - Allie&Molly |
| | (#)Mar 12 Nov 2019 - 11:21 | |
| I’ve got shackles on my feet
J'ai fini les cours plus tôt aujourd'hui. Je rentre directement à mon appartement pour travailler, je me réfugie dans mes cours depuis qu'elle est partie. Depuis qu'Allie a décidé de disparaître, plus la moindre nouvelle. Pas un seul appel ni un seul texto. Depuis des mois. J'ai menti à nos parents pendant quelques semaines, mais je suis très mauvaise menteuse. Je voulais juste pas qu'ils souffrent, ni qu'ils s'inquiètent. J'ai passé des soirées entière à la chercher partout, une photo d'elle à la main. J'ai fait le tour des boites et des bars, je suis même allé voir dans des clubs et strip-tease, mais rien, personne ne l'avait vu. Elle c'était comme volatilisée en quelques secondes. Et je me dis que c'est certainement à cause de Matt, je la connais Allie, je sais qu'elle l'aime de tout son cœur. Et je sens qu'elle ne va pas bien, c'est la première fois que je ne la vois pas pendant aussi longtemps. Et je suis si perdue dans cette grande ville, seule, et sans vraiment trop d'amis. Je passais mon temps avec Allie, Matt et Pete. Allie voulait que je m'amuse, alors elle me trainait à toutes ces soirées. J'adorais ma vie depuis que j'étais arrivée ici, j'étais un peu plus indépendante, plus personne ne me harcelait et je voyais tout le temps ma sœur. Je pouvais pas rêver mieux. Mais depuis qu'elle est partie, j'ai l'impression de me retrouver au lycée, seule et totalement perdue au milieu de la foule. Mes livres et mes cours me tiennent toujours compagnie, mes plus fidèles alliés depuis toujours. J'appelle de moins en moins Tristan et nos parents, ça me rend un peu plus triste à chaque fois. J'ai hésité à rentrer chez moi à plusieurs reprises, mais je ne voulais pas les décevoir, je ne voulais décevoir personne. Et puis, qui serait là pour Allie si elle finissait par réapparaître ? Elle aurait besoin de son soutient, alors je me raccrochais tous les jours à l'espoir de la revoir.
J'ai été invité à une soirée étudiante ce soir, je ne pensais pas finir par y aller, mais pour une fois, je décidais de sortir m'aérer l'esprit. Et puis on sait jamais, peut-être que je verrais Pete, ou que Allie y sera. Je rentre dans une grande maison de fraternité que je ne connais que trop bien, Allie m'emmenait souvent ici. Et j'ai un léger pincement au cœur. Je baisse mes yeux sur mes doigts. Attendant patiemment que quelqu'un décide de venir me parler. Après de longues minutes à rester immobile, je sors, et je m'assoie sur un muret en jouant avec mon téléphone. Je finis par lever les yeux pour croiser un visage familier au loin. Mon regard se bloque sur elle de longues secondes. Est ce que c'était possible que ce soit elle ? |
| | | | (#)Mar 12 Nov 2019 - 19:19 | |
| Fréquemment, Allie explose. Comme si la vie lui en avait fait bien trop baver pour qu'elle supporte la moindre nouvelle petite contrariété, comme si elle était conditionnée à s'imaginer la pire des finalités à chaque fois que quelque chose ne tourne pas rond, comme si elle avait atteint saturation totale. Elle panique, elle hurle, elle pleure parfois même, elle violente, elle angoisse ; et Michael est là. Il la traite comme la poupée brisée, désarticulée, qu'il a rencontrée au détour du destin, muni d'une patience d'ange, d'une tolérance indéfectible. Elle ne comprend pas pourquoi il s'acharne, pourquoi il reste, pourquoi il lui accorde tant d'énergie quand elle, elle est incapable de voir le bout du tunnel.
Chaque jour, elle songe à tout ce qui a vacillé, tout ce qui l'a démolie. Le départ de Matt, le bébé, la drogue pour tout oublier. Les junkies si malveillants à son égard qu'elle est totalement dégoûtée des corps masculins. Elle dresse la liste des gens qui lui manquent continuellement, sa famille avec qui elle a coupé les ponts parce que sa seule manière de retrouver une place dans la société a été de faire du porno avec Michael. Le webcamming et les petits films amateurs qui font des vues et leur apportent du pain sur la table, pain qu'elle volatilise encore parfois en poudre illicite. Jamais ses parents ne lui pardonneraient, elle est la honte comme la risée des Oakheart, l'échec flagrant, la faible, la minable. Elle ne peut pas les approcher de nouveau, elle ne les mérite aucunement. Et même si Michael lui promet que ça ira mieux, qu'elle pourra reconstruire sa vie et qu'il sera toujours là pour l'épauler, elle est incapable d'y croire. Qui voudrait d'un débris comme elle ? On le lui a bien prouvé, qu'on pouvait se passer d'elle. Elle l'a bien prouvé aux autres aussi, quitte à briser des cœurs.
Ses nerfs sont à vif, elle a décidé de sortir du studio miteux qu'elle loue avec Michael pour prendre l'air, marcher à la vitesse des battements furieux de son cœur contre sa boîte thoracique. Elle ne sait pas où elle va, ses jambes la guident machinalement ; puis s'immobilisent dès qu'elle se retrouve à quelques mètres d'un visage familier. Son cœur s'arrête dramatiquement, son souffle se coupe. Elle en étoufferait presque et happée par la vision de sa sœur qui lui est si précieuse mais qu'elle a tant bafouée, elle est incapable de réagir. Elle est partie telle une voleuse, l'a lâchement abandonnée, parce qu'elle refusait d'attirer Molly dans ses propres problèmes, parce qu'elle craignait l'englober dans la spirale nocive vers laquelle elle plongeait tête première et qu'elle sait sa mère a connu. Elle a rompu les ponts pour tant de motifs qui la persécutent cependant perpétuellement. Et ce soir, Allie est incapable de dévier son regard du minois de sa sœur, tout comme elle est inapte à émettre le moindre son. Elle la fixe, la scrute, comme si Molly constituait un mirage, elle est anesthésiée par la douleur du manque et la peine incommensurable qu'elle traîne depuis des mois. |
| | | | (#)Mar 12 Nov 2019 - 20:05 | |
| I’ve got shackles on my feet
Je suis allée faire une fête de fraternité, pourquoi j'ai fait ça ? Je me le demande bien. Je suis toute seule, assise dans le noir, à observer les étudiants bourrés qui titubaient dans la rue. Je regardais et je riais. Je ne savais pas vraiment m'amuser quand j'étais toute seule, quand je n'avais pas mes amis avec moi. Et j'étais bien trop timide et pas assez sociable pour aller m'incruster dans un groupe qui était déjà formé. Personne ne voulait de moi dans un groupe en soirée, j'étais loin d'être assez fun. Et puis j'aime pas être le centre de l'attention, je préfère rester dans mon coin, hésitant quelques instants à renvoyer un message à Pete, ou à Allie. Même si aucun des deux ne me répond depuis de longs mois.
Je m'apprête à partie, ou juste à marcher dans les rues de Brisbane de nuit le temps de rentrer chez moi. Peut-être qu'il y aura de petits animaux perdus dans les ruelles que je pourrais sauver, j'aimais beaucoup ça. Sauver des petites bêtes innocentes. Mais quand je commence à me lever je repère une silhouette et un visage familier au loin, elle m'observe aussi intensément que je peux la regarder. Je ne peux plus bouger pendant une bonne minute, me demandant si j'étais en train de rêver ou si j'avais des hallucinations. Sans réfléchir je me mets à courir vers elle, espérant que je n'étais pas en train de devenir complètement folle. « Allie ? Allie c'est toi ? » Bien sûr que c'est elle, je la reconnais ma sœur. Elle m'a l'air d'avoir beaucoup changé. « Tu vas bien ? T'as l'air toute pâle ! C'est bien toi ? Je rêve pas hein ? » J'ai les larmes aux yeux, même si elle ne m'a pas répondu pendant des mois, je l'aime, et je sais que je n'arriverais pas à lui en vouloir. « T'es toute seule ? T'étais où ? Tu peux pas savoir comme je me suis inquiétée ! » je la prends dans mes bras en la bombardant de questions, je ne risquais pas de la laisser repartir. |
| | | | (#)Lun 18 Nov 2019 - 18:26 | |
| Elle ne bouge pas, ne réagit pas, totalement transie par des déferlantes d'émotions qui la secouent sans merci. Elle est terrifiée à l'idée que Molly la rejette, elle est tétanisée à l'idée de lui être nocive. Elle haït sa vie, méprise ses choix, regrette amèrement la tournure des événements ; pourtant, elle sait pertinemment que si c'était à refaire, elle agirait de la même manière. Alors, le cœur brisé, l'âme en peine, anéantie par la fatalité, Allie scrute sa cadette. Elle la dévisagerait presque, nargue l'obscurité de voiler certains des traits de la brune qui se met désormais à courir vers elle, réduire la distance sans hésitation, reformer le pont qu'Allie avait elle-même brûlé entre elles. « Allie ? Allie c'est toi ? » Elle est incapable de répondre, elle ne se sent que l'ombre d'elle-même, elle ne sait plus qui elle est. Elle ne compte que ses erreurs, ses fautes, ses torts, ses malheurs, ses maux. Elle n'est plus Allie, elle est une jeune femme bien pire qui risque de détruire sa sœur malgré elle. Elle n'est qu'un amas de débris tranchants, coupants, piquants. « Tu vas bien ? T'as l'air toute pâle ! C'est bien toi ? Je rêve pas hein ? » Molly a les larmes aux yeux, Allie est incapable de contrôler quoi que ce soit. Il lui semble que son organisme tout entier a capitulé et elle reste plantée là, passive, alors que le chaos règne au fond de son être. « T'es toute seule ? T'étais où ? Tu peux pas savoir comme je me suis inquiétée ! » Et Molly soude leur lien, reconstruit ce qu'Allie avait voulu bafouer pour des motifs excentriques. Elle renoue tout en la serrant dans ses bras et enfin, Allie a le sentiment de pouvoir respirer. Enfin, ses muscles réagissent et elle resserre l'étreinte contre sa sœur. Elle s'attache, elle s'accroche, elle refuse de la laisser filer, redoute d'être extirpée d'un éventuel cruel rêve qu'elle ferait dans son lit ou au milieu d'une overdose. Son cœur bat si fort qu'il raisonne jusque dans ses tympans ; elle a l'impression que c'est réel, que cette scène se déroule bien. Le parfum de Molly l'envahit, sa chaleur la réchauffe, Allie lutte pour qu'aucun minable centimètre ne s'impose entre elles. Elle a besoin de sa sœur. Elle a tant besoin d'elle.
« J'ai tout foiré, j'ai tout loupé, j'ai tout brisé. » Allie parvient finalement à articuler, de longues minutes plus tard. Son corps tout entier tremble, ses jambes menacent de crouler sous son poids plume, sa voix se brise sur chaque syllabe, rétorquant contre son cœur en éclats. Le désarroi la malmène de soubresauts et elle refuse toujours de lâcher l'emprise sur Molly. Puis elle hoche la tête à la négative, se ressassant les interrogations que son interlocutrice lui avait adressées. Non, elle n'allait pas bien. Elle hoche la tête à la négative comme pour rejeter tout ce qu'elle regrette, tout ce qu'elle désirerait tant répéter. Non, elle n'a pas souhaité que Molly s'inquiète, même si c'était inévitable, même si elle savait pertinemment qu'en disparaissant, elle faisait du mal à ses proches. « Ça va pas, ça va tellement pas. » Elle avoue, elle lâche, elle confie à la seule envers qui elle s'est toujours autorisée à se montrer vulnérable. « J'suis désolée. J'suis désolée. » Elle répète, s'étouffe contre ses mots, s'étrangle entre ses maux. |
| | | | (#)Mer 20 Nov 2019 - 13:32 | |
| I’ve got shackles on my feet
Je me retrouve devant Allie, et je ne peux pas vraiment en croire mes yeux. Elle est bien là, elle est en vie et toujours à Brisbane. Je l'enlace, je sais pas si je serai capable de la lâcher un jour. Je pense que je vais rester accrochée à elle pour toujours, pour être sûre que tout ça est réel. Je pleure, je ne m'en rends même pas compte, je suis totalement incapable de les retenir. « J'ai tout foiré, j'ai tout loupé, j'ai tout brisé. » Son discours me brise le cœur. Je ne l'ai jamais connu aussi mal, autant au fond du trou. Je m'accroche à elle pour lui servir de bouée de sauvetage, je vais la faire remonter, la ramener avec moi. Je ne veux plus jamais la perdre, c'était bien trop compliqué, tout était si vide sans elle dans les parages. « Chuuuut.... ça va aller... ». Je passe ma main dans son dos pour la calmer. « Je suis là, je serai toujours là... » Je pourrais lui en vouloir, mais non, je l'aime beaucoup trop pour ça.
On reste enlacé, je ne l'ai même pas vraiment regardé dans les yeux, j'avais trop besoin de la sentir proche de moi, de la retrouver après tant de mois d'absence. « ça va pas, ça va tellement pas. » Mon cœur tombe en mille morceaux à nouveau. Et je la serre un peu plus fort, comme si mon étreinte pouvait la réparer, ou pouvait la protéger de tout ce qui pourrait lui faire mal. Je continue de pleurer, de joie et de tristesse certainement. Trop d'émotions contradictoires. « ça va aller d'accord ? Ça va aller mieux je te le promets, je te laisse pas... » Je me détache un peu d'elle pour observer son visage, je pose mes mains de chaque côté de son visage, et je souris. « J'suis désolée. J'suis désolée. » Je secoue la tête en gardant mes mains sur son visage, et je lui fais le sourire le plus rassurant possible. « C'est rien, sois pas désolée, t'es là maintenant, c'est le principal. » Je la prends une nouvelle fois dans mes bras. « Tu m'as tellement manqué ». |
| | | | (#)Lun 9 Déc 2019 - 18:20 | |
| Elle a l'impression d'être inconsolable, Allie. Son corps frêle, amaigrit et exténué est tributaire de son incommensurable chagrin ; et c'est ce soir, dans les bras de sa sœur, que celui-ci explose. Elle n'est plus capable de retenir la moindre larme, son désarroi doublé de désespoir la traversent sans cérémonie pour épouser leur exhibitionnisme. Elle n'a plus de contrôle sur son corps, son cœur, son âme. Tout lui semble brisé, démoli, et voler en éclats maintenant qu'elle se trouve dans l'un des rares endroits où elle se sent en sécurité : dans les bras de Molly. Elle se sent tel un animal blessé qui a trouvé son refuge pour aller mal, pour tout terminer.
Molly la rassure, sa main caresse affectueusement son dos, sa voix douce tente de la réconforter, de l'apaiser. Des gestes qui ne font que maximiser la démonstration de ses tourments puisqu'ils l'encouragent à excommunier ses démons, puisqu'ils l'autorisent à lâcher enfin prise de ce qui la range depuis des semaines. Allie loge son front contre le cou de sa cadette, elle se sent fébrile, elle est persuadée qu'elle pourrait pleurer des heures durant tant elle va mal, ce qu'elle divulgue en partie à son interlocutrice. Les larmes des sœurs s'entrechoquent, Molly resserre cette étreinte qui est indispensable à Allie. « Ça va aller d'accord ? Ça va aller mieux je te le promets, je te laisse pas... » Elle a tant envie d'y croire, de se laisser bercer par ses paroles d'espoir, d'optimisme. Cependant, tout lui semble condamné, fichu, vain. Elle ne voit pas de sortie à son enfer, elle ignore comment elle pourrait aller mieux. Les épreuves qu'elle a traversées l'ont anéantie, annihilée. Elle n'est plus qu'un pantin qui essaie de poursuivre son histoire sur pilote automatique, une vulgaire marionnette qui ce soir est si accablée qu'elle ne trouve plus moyen de stopper les pulsions de malheurs qui la secouent sauvagement.
Molly se détache légèrement pour l'observer, poser ses mains fraîches sur les joues humides de son aînée. Des excuses sincères sont prononcées, répétées, pour tout, pour tant. « C'est rien, sois pas désolée, t'es là maintenant, c'est le principal. » Allie retrouve la chaleur salutaire de l'étreinte de la jeune femme qui complète en lui avouant qu'elle lui a manquée. « Toi aussi... » elle assure, voix tremblotante. « Toi aussi. » Elle était tant convaincue qu'il était mieux pour elle de prendre ses distances avec Molly pour le bien de sa sœur, maintenant qu'Allie ne trouvait la paix qu'en absorbant des quantités effarantes de drogues et ne pensait plus qu'à perdre conscience parce que ses souvenirs et l'état de son présent lui étaient beaucoup trop douloureux. Allie refuse catégoriquement de faire vivre son addiction à Molly, elle qui a déjà subi inconsciemment les déboires de sa mère ; Allie redoute beaucoup trop que ses propres problématiques vis-à-vis de la drogue ranime les tortueux souvenirs de sa cadette. « Je pense pas que ça pourra aller, Molly... J'ai tout cassé. » Son cœur, sa vie, son destin, sa santé. Elle n'a plus rien, Allie, que ses larmes qui continuent sans relâche de creuser des sillons sur ses joues livides. Ses rêves se sont envolés, sa vie personnelle et professionnelle ne sont dotées d'aucun dessein. Elle n'a plus de place, elle n'est qu'un puzzle explosé qui ignore se reconstruire. « J'ai quasiment plus rien. » Sa voix se casse. Elle se sent tellement dépossédée de ce qui jadis la faisait vibrer, de tout le soutien qu'elle avait pour accomplir ses rêves et toutes ses ambitions qui l'animaient. Elle se sent vidée et remplit de traumatismes qu'elle ne sait faire cesser de saigner. Elle a Molly, peut-être, si elle lui pardonne, la raison même de son quasiment articulé. |
| | | | (#)Ven 20 Déc 2019 - 7:03 | |
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Elle m'a manqué, elle m'a tellement manqué. J'ai envie de m'effondrer avec elle, mais j'essaie de rester forte. Elle a l'air brisé, complètement détruite et mon cœur se brise en mille morceaux quand je la vois comme ça. Je remuerai ciel et terre pour elle, et pour qu'elle soit aussi heureuse qu'elle le mérite. « Je t'aime Allie... J'étais perdue sans toi... Je veux plus jamais te perdre d'accord ? » J'ai une larme au coin de l'oeil qui finit par rouler sur ma joue sans que je puisse la retenir. Je lui ai manqué aussi, et je ne peux pas m'empêcher de laisser un soupir s'échapper d'entre mes lèvres. Un soupir de soulagement. Même si je sais qu'on est fusionnelle, qu'on s'aime, elle a quand même disparu sans plus donner de nouvelles. Et, bien évidemment, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est en partie de ma faute. Que j'ai fait quelque chose qui l'a fait fuir.
« Je pense pas que ça pourra aller, Molly... J'ai tout cassé. » Les larmes coulent sans que je puise les retenir. Je veux pas qu'elle dise ça, c'est beaucoup trop violent pour elle, et pour moi. Je ne veux pas qu'elle ressente ça. Je veux la réparer, je pourrais lui donner tout ce que j'ai d'amour en moi jusqu'à la fin des temps. « ça va aller, je vais t'aider d'accord ? Je te laisse pas... Jamais... » Je secoue la tête en la regardant dans les yeux. Je veux qu'elle voit à quel point je suis sincère. A quel point je veux la retrouver et plus jamais la lâcher. « T'as rien cassé ! Je suis toujours là moi, t'as rien cassé du tout... » Je la prends dans mes bras et je la serre de toute mes forces. Je veux former un cocon autour d'elle, elle en a besoin. Elle a besoin de toute la tendresse du monde. « J'ai quasiment plus rien. » Je pose un bisous sur sa joue en essuyant les larmes qui coulent sur nos deux visages. « Tu m'auras toujours ! Je resterai collé à toi pour toujours, tu pourras jamais te débarrasser de moi je te le promet ! » |
| | | | (#)Mer 1 Jan 2020 - 13:31 | |
| Autant je m'étais persuadée que je ne méritais plus le soutien de mes proches, autant j'étais convaincue que je nuirai à leur bonheur et serai toxique à leur futur, autant je suis incapable de me détacher de ma sœur. Je m'accroche à cette étreinte comme si ma vie en dépendait, comme si ce n'était que dans ses bras que j'étais enfin capable de respirer, de sentir mon cœur battre. J'ai conscience que je lui fais du mal comme je lui en ai affligé en rompant brutalement tout contact avec elle et les autres Oakheart, que mes propos sont difficiles à entendre, pourtant, je suis incapable de stopper ce flot de paroles révélant tout mon désarroi. C'est comme si je pouvais enfin exorciser une partie du poison qui m'assassinait lentement grâce à Molly. « Je t'aime Allie... J'étais perdue sans toi... Je veux plus jamais te perdre d'accord ? » Je hoche la tête à l'affirmative, esprit lourd, cœur brisé. « Je suis désolée d'être partie. Je... J'suis désolée, Molly. » Je répète, inlassablement, comme si mes excuses n'étaient jamais assez articulées, comme si ces mots n'étaient tout simplement pas assez forts pour que l'on me pardonne - et que je me pardonne. « Je... Je pensais que... » Le chagrin rend la communication difficile et ma gorge sinueuse, invoque soubresauts. « En restant avec vous... Je vous ferais plus de mal. » Et les larmes ne cessent de creuser des sillons sur mon visage blême, je suis incapable de les freiner. C'est comme si tout ce que j'avais retenu des mois durant disparaissaient en chute libre et il était impossible d'inhiber ce processus.
« Je pense pas que ça pourra aller, Molly... J'ai tout cassé. » Il n'y a pas de machine à remonter le temps, pas de remède miracle. On ne refait pas le passé, et le mien, je me juge inapte à le surmonter, à surpasser le déchirement qu'il me provoque. Je ne sais pas comment je tiens debout, comment je poursuis ma route quand j'ai le sentiment de n'être qu'innombrables éclats et bris. Je me réfugie dans la drogue, dans l'alcool, parce que seulement ces états seconds parviennent à me réconforter, à me procurer une carotte pour rester en vie. Et même si je réalise que je me fais du mal en me traitant ainsi, il m'est aussi impossible de commettre mieux comme pire. « Ca va aller, je vais t'aider d'accord ? Je te laisse pas... Jamais... » Un nouveau hochement de tête de ma part. J'y crois péniblement, mais j'ai besoin de son aide, je ne veux pas qu'elle me laisse. J'ai besoin de ma sœur. Bien que l'ouvrage de réparer les faits me paraisse inexécutable. « T'as rien cassé ! Je suis toujours là moi, t'as rien cassé du tout... » Molly me serre de toutes ses forces et peut-être que sa positivité m'atteint, peut-être que je perçois davantage de lumière, même s'il n'en demeure que selon moi, « J'ai quasiment plus rien. ». C'est égoïste de le clamer, quand mon interlocutrice se dévoue totalement à me tendre la main et me sortir de la noirceur dans laquelle je me suis tapie. « Tu m'auras toujours ! Je resterai collée à toi pour toujours, tu pourras jamais te débarrasser de moi je te le promets ! » Le silence s'installe entre nous, rythmé par ma respiration discontinue, par les véhémences de nos peines respectives. Je les laisse filer, durant lesquelles j'autorise les paroles de ma cadette à s'imprégner en mon être, à m'insuffler espérance. Ma main glisse de son épaule à son avant-bras, je me détache de quelques centimètres de manière à lui faire face.
Elle mérite de savoir, elle mérite de comprendre. Je lui proposerais bien que l'on rentre à la maison pour que je lui fasse part des éléments qui expliquent mon comportement, toutefois, à mes yeux, je n'ai plus de maison. J'ai bien des endroits où je squatte, mais je ne me sens chez moi nulle part. C'est comme si je n'appartenais plus à cette planète, qu'il n'y avait pas d'endroit où je me sentais paisible ou en sécurité. Comment pouvais-je l'être avec les déferlantes de détresse, d'ire et de chagrin qui me happaient incessamment ? « Matt. » Je commence, ce son brûlant mon cœur en franchissant mes lèvres pâles. « Je suis tombée enceinte de lui. » Mon regard lui en hurle tant à défaut de mes mots, mon cœur fracasse sans vergogne ma cage thoracique. Puis je baisse le regard, abattue, accablée, exténuée - et cruellement vide, désarméee, dénuée. « Elle... » Je commence, laborieusement, gorge si étroite qu'elle me procure la sensation que je vais suffoquer. « Elle... » Et les mots se perdent momentanément, effarée de rendre cet événement encore plus réel, puis puissant, en le confiant à Molly. « Il ne sait pas. » Je reprends, voix tremblante. « Personne sait. » Je croise le regard de ma sœur. Personne ne sait de mon vrai entourage, de mon ancien entourage. « Sauf toi. » Parce que je lui dirai tout, même si ça me prend du temps, même si c'est rude et esquintant. Molly saura tout. |
| | | | (#)Mar 7 Jan 2020 - 12:29 | |
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J'ai l'impression d'être dans un rêve. Que tout ça n'est pas réel. Mais pourtant ça l'est. Elle serre sa grande sœur dans ses bras. Elle a la même odeur quand je pose ma tête au creux de son cou. C'est comme si je me retrouvais propulsée des années en arrière. Quand tout allait bien. Quand on était toutes les deux étudiantes à Brisbane. Qu'on sortait tous les soirs ensemble. Qu'elle était amoureuse et heureuse et que je l'étais aussi. Tout était tellement bien et tout a changé rapidement. Mais j'ai relativisé quand elle est partie, je me suis dit qu'elle en avait besoin. Mais ma vie sans Pete, Allie et Matt et tous ses amis avait été compliqué. J'étais restée enfermé chez moi à réviser et à lire quand je n'étais pas en train de la chercher dans toute la ville. Je pense qu'on s'est toutes les deux mise à pleurer plus ou moins en même temps. Tout ça c'était bien trop fort. J'avais attendu ces retrouvailles pendant tellement longtemps. « Tu peux pas me faire de mal Allie, je le sais, tu pourrais jamais faire ça. » Je l'aurais aidé. J'aurais tout fait pour qu'elle s'en sorte. « T'as pas besoin de t'excuser, t'es déjà toute pardonnée... »
Et je lui demande ce qu'il a bien pu se passer. Pourquoi elle a décidé de partir d'un coup. Je ne comprends pas, je n'ai jamais réussi à comprendre. Je la connais et je sais qu'elle n'aurait pas disparu si ça avait été juste à cause du départ de Matt. Elle aurait déprimé, oui, mais elle serait restée auprès de moi. Il y a quelque chose de plus profond, quelque chose qui l'a détruite bien trop rapidement. « Matt. Je suis tombée enceinte de lui. » Mon souffle se coupe. C'est ce qu'on appelle une bombe. Celle qui vous empêche de réfléchir correctement pendant de très longues secondes, je ne sais pas vraiment quoi répondre. Je la laisse parler, elle sanglote. Et je comprends tout maintenant. Pourquoi elle a eu envie de partir. Mais je me pose aussi des tonnes de questions. Je la laisse parler, il ne faut pas que je la coupe je le sais. « ça date de quand ? » Je suis la seule à savoir. Les larmes continuent de rouler sur mes joues alors que j'essaie d'imaginer la douleur qu'elle a pu ressentir. Elle a répété de nombreuses fois elle, mais je n'ose pas poser les questions, je ne veux pas la brusquer. « Tu veux en parler ? » Si elle ne veut pas on en parlera pas, mais je sens qu'elle en aurait terriblement besoin. |
| | | | (#)Ven 14 Fév 2020 - 21:09 | |
| « Tu peux pas me faire de mal Allie, je le sais, tu pourrais jamais faire ça. » Mon souffle se rompt, mes muscles se contractent sans merci. Ce fichu myocarde fracasse ma cage thoracique, j'ai le sentiment que mes organes vitaux sont devenus beaucoup trop lourds, beaucoup trop costauds ; qu'ils ne sont plus faits pour l'étroit, le diminué, le faillible de mon être. Le céruléen de mes iris se love dans les prunelles avenants de Molly : j'aimerais m'y noyer, oublier la vie, mon passé, pour me reconstruire en paix dans les bras de la Oakheart. « T'as pas besoin de t'excuser, t'es déjà toute pardonnée... » Mais jamais je ne saurais, ni désirerais réellement, tirer un trait sur la source de ma détresse, de ma douleur.
Les mots s'évaporent ainsi, glissent sur mes lèvres sèches, éraillent ma voix brisée. La houle d'émotions, le cocktail périlleux de souvenirs ardents par leur intensité, forgent une bulle entre ma sœur et moi, instaurent un lien indéniable où je sais pertinemment qu'elle saura tout parce que je refuse désormais de mener un avenir sans ma cadette à mes côtés, ma plus fidèle alliée. Mes mains tremblent, mon épiderme est gelée. J'ai cru être forte, mais j'ai besoin d'elle. J'ai voulu protéger les autres en les rejetant de ma vie, me jugeant néfaste, mais je ne peux plus continuer sans au moins Angie. Des sillons de chagrin et désespoir se creusent sur mes joues livides, faisant écho à toute l'empathie qui se heurte au minois de mon interlocutrice.
« Ça date de quand ? » Les horloges du passé remontent, les aiguilles intransigeantes, imposantes, qui tournent et tournent à m'en étourdir. Elles écorchent mon âme à mesure des semaines rembobinées, pourtant, c'est du début qu'il faut commencer, c'est en rejouant la mélodie au final tragique que je saurais battre une nouvelle mesure, et c'est pour cette même raison que j'acquiesce lorsque ma jeune sœur me demande si je veux en parler. Mes yeux la prie de l'excuser de ne peut-être pas être en mesure de tout lui dire, mais la volonté de me confier à elle s'érige. Je me laisse mollement tomber sur le muret, assise, rejointe quelques secondes plus tard par Molly à qui je prends la main. « Je suis tombée enceinte en avril, » j'explique, mes doigts se nouant aux siens, comme si je m'apprêtais à passer un examen douloureux et qu'il me fallait son soutien. « Je lui ai caché parce que pour Matt, c'était la chose à faire de partir à Londres. C'était sa place, ce qui était juste, son évidence. J'ai jamais voulu changer Matt. » Car je l'aime ainsi et que je ne désirais pas contrecarrer ce qui était juste à ses yeux. J'avais refusé qu'il parte torturé davantage, je m'étais convaincue que s'il pouvait me laisser derrière, il n'avait pas à savoir qu'il se distançait d'une future paternité, et que lorsqu'il reviendrait à Brisbane, il pourrait endosser ce rôle. Mais tout ceci devrait venir de lui et seulement lui, car son naturel, son authenticité, m'étaient précieux.
J'inspire fébrilement, poursuivant avec autant de détermination que de souffrances. « Je sais que j'aurais pas dû tomber enceinte. Que c'était pas l'ordre des choses. » Elle n'avait pas voulu être la disgrâce de la famille ni subir les réprimandes ou reproches de ses parents. Elle n'avait pas voulu défendre ce petit être qui croissait sous son nombril parce qu'elle et Matt s'étaient aimés trop fort - et qu'elle adorait de tout son cœur. Elle n'avait pas voulu composer un mauvais exemple pour sa sœur, créer des tensions entre Oakheart voire des fossés. « J'ai pas voulu vous mettre dans cette situation. » Je n'ose pas la regarder, éprise par la honte comme les remords. Je suis perdue, jadis si persuadée de mes choix pour aujourd'hui être submergée d'horribles doutes. « J'voulais pas décevoir et être rejetée. » Alors j'avais coupé les ponts à défaut de laisser les miens m'expulser ou les voir se blesser les uns les autres en divergeant sur ma situation. Avec le recul, je réalisais à quel point j'avais décidé pour tout le monde et sans doute n'en avais-je pas eu le droit. « Je pensais bien faire. » Je m'excuse, sincèrement, mes doigts serrant davantage ceux de Molly, la suppliant silencieusement de me pardonner. |
| | | | (#)Dim 16 Fév 2020 - 17:01 | |
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Elle est là. Elle est vraiment là, dans mes bras. Et je ne sais pas si je réalise vraiment. Parce que j'ai tellement rêvé de ce moment depuis des mois, que je ne peux pas croire que je l'ai enfin retrouvé. Je ne me dis qu'une seule chose à ce moment là : je ne veux plus jamais la perdre, plus jamais la savoir loin de moi. Parce que je ne le supporterais pas. Mais ça, je le garde pour moi, parce que c'est Allie qui a besoin de moi. Elle a besoin de mon soutien et de mon écoute. Elle a juste besoin que je sois là pour elle, et je le serai toujours. Elle m'a tant manqué que je la serre, je l'étouffe presque entre mes bras. Et j'écoute chacun des mots qui sort de sa bouche, je ne loupe rien. Et je comprends pourquoi elle a eu besoin de s'isoler un peu, de se retrouver seule.
Cette histoire me brise le cœur, qu'elle ait eu à subir tout ça toute seule me rend encore plus triste. Elle parle et je la laisse faire, parce que je ne veux pas la brusquer, je veux qu'elle me parle de tout ce dont elle a envie. Parce qu'elle sait que je ne la jugerai pas, et que je ferai absolument tout pour qu'elle soit heureuse de nouveau. Parce que je suis persuadée que c'est toujours possible. Je la garde dans mes bras, je garde toujours un contact physique avec elle. Toujours. Elle arrive à parler et ça me rassure, ça me montre qu'elle me fait toujours confiance, et qu'on est toujours ce duo d'inséparables qui peuvent discuter d'absolument tout. Je hoche la tête. Je l'écoute.
« C'est beau ce que tu dis Allie, et tu comptes pas lui en parler ? » Elle l'aimait tellement, elle aurait tout fait pour lui. Et ça, je le sais. Elle a été capable de se rendre terriblement triste pour qu'il soit heureux, et je ne la blâmerai pas pour ça. Parce que je suis capable de faire la même chose pour les gens que j'aime, ça doit être un trait de famille. « Je suis tellement désolée que tu ais dû supporter tout ça seule, je suis désolée. » C'était pas de ma faute, je le savais. Mais je ne peux pas m'empêcher d'essayer de m'imaginer tout ce qu'elle a pu ressentir. Et je suis sûre que je suis bien loin de pouvoir le faire. « C'est pas ta faute, c'est pas arrivé à cause de toi. » Je la regarde dans les yeux, parce que je veux qu'elle accepte ça. Je veux qu'elle me croit et qu'elle s'aime autant que je l'aime. « Tu pars plus jamais Allie d'accord ? Je te rejetterai jamais, tu es ma sœur et je t'aime plus que tout ! » Elle est assise sur le muret et je prends ses deux mains dans les miennes. « Je ne t'en veux pas Allie, personne ne t'en veux. Tu es là maintenant, et c'est le principal. » Mais une question reste en suspend. Est ce qu'elle a gardé ce bébé, qu'est ce qu'elle a fait pendant tous ces longs mois loin de moi ? « Tu vas parler du bébé ? Je t'obliges à rien, on parlera de ce que tu veux, quand tu le veux d'accord ? »
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| | | | (#)Sam 27 Juin 2020 - 17:26 | |
| Un infernal frisson court le long de mon échine, glace mon sang sans cérémonie, fige mon cœur dans le sein d'une souffrance lancinante aux nuances d'infinitude. Les confidences s'extirpent douloureusement de ma mémoire, heurtent les cicatrices béantes et ouvertes de mon âme. Les traumatismes sont révélés, décelés et à mesure que je dévoile la tragédie de mon passé, le cauchemar se rejoue, ces scènes qui me hantent encore le jour comme la nuit, ces images qui sont gravées à même mes prunelles et que je refuse de gommer, d'apaiser, car elles me semblent représenter tout ce qu'il me reste de lui, d'elle, d'eux.
Longuement, faiblement, désespérément, mes doigts fins, froids, rêches, s'accrochent à ceux de ma sœur, désormais refuge dans les pénombres qui me suffoquent. Je lui expose ma grossesse et comment je l'ai gérée à l'égard de Matt dont la destinée paraissait assurée en Grande-Bretagne. Cette croisade que j'ai endossée seule, pour des motifs que j'avoue certes à demi-mots mais munis d'une indéniable franchise. « Je pensais bien faire, » le souffle épouse mes émotions, les excuses timorées échos de la foudre accablant mon histoire. Mes poumons s'atrophient, je pensais tellement bien faire car mes torts étaient aussi immenses que multiples et menaçant des conséquences que je ne savais essuyer directement.
« C'est beau ce que tu dis Allie, et tu comptes pas lui en parler ? » Ma main libre glisse inconsciemment sur mon bas-ventre, jadis arrondie, havre révolu de mon plus précieux. Évoquer Flavie à Matt signifie lui imposer un fardeau sous l'ultime prétexte qu'il fut le père de cet enfant et surtout, requiert de l'affubler d'un deuil. Mérite-t-il ces circonstances, ce cauchemardesque chapitre et tout ce qu'il est susceptible d'invoquer ? Et surtout, saurais-je un jour la partager avec lui ? « Je ne sais pas, » je murmure, frôlant l'inaudible, voix blanche, regard vitreux. Le ciel de mes yeux s'est métamorphosé en océan éclatant sous mille feux mes peines et mes chagrins, mes amers et mes terreurs. Ciller reviendrait à faire rouler les perles de ma destruction sur mes joues creusées par le tragique. Même si j'ai conscience que Matt dispose du droit de posséder la vérité, je suis incapable aujourd'hui de la lui livrer. Je n'ai confiance qu'en Molly pour l'abriter « Je suis tellement désolée que tu aies dû supporter tout ça seule, je suis désolée. » « C'est de ma faute, Angie. » Je refuse que ma cadette culpabilise et qu'elle s'enfonce dans l'intransigeant jeu du conditionnel auquel je suis fidèle : il n'y a rien de bon à imaginer ce qui aurait pu, ces songes ne forment que des échappatoires assassines. J'avais coupé les ponts avec mes proches en pleine âme et conscience, j'étais la fautive de l'histoire, malgré mes arguments, malgré mes intentions. « C'est pas ta faute, c'est pas arrivé à cause de toi. » Les noisettes de la brune attrapent au vol mon regard fuyant, l'accaparent à la vérité de ses paroles. « Alors pourquoi ? » Pourquoi c'est arrivé ? Mon intonation questionne, cassée, éraillée. Si ce n'était pas de ma faute, de qui était-elle ? Si je n'avais pas été responsable de ces péripéties, pourquoi toute mon histoire était telle que je la connaissais ? Méritais-je vraiment le couperet de la fatalité ? Une abduction de tous mes péchés ? Une autre chance à la vie, au bonheur, de mes proches ? « Tu pars plus jamais Allie d'accord ? Je te rejetterai jamais, tu es ma sœur et je t'aime plus que tout ! » Elles s'échappent finalement, ces graines salées de futur, ces larmes nouées de bris. Elles s'effondrent sur mon visage pâle, se taisent sous l'impact de la gravité, s'éparpillent sur mes lèvres, nos mains, mes genoux écorchés par mes déboires. « Je ne t'en veux pas Allie, personne ne t'en veux. Tu es là maintenant, et c'est le principal. » Je me détourne de façon à retrouver la zone de confort que créent instantanément les bras de ma sœur. Le pardon est salutaire et s'interprète à mes sens telle une promesse de futur moins sombre, supportable.
« Tu vas parler du bébé ? Je t'oblige à rien, on parlera de ce que tu veux, quand tu le veux d'accord ? » Je déglutis difficilement, ferme avec violence mes paupières contre mes yeux, contre mes drames, contre mon réel. Elle ne m'abandonne jamais, Flavie, elle fait partie de moi, dans un savant délice mêlant début et fin, un cœur gonflé au maximum d'amour, mais brisé en d'infinis morceaux. « Est-ce que tu peux venir chez moi ? » Je sollicite, incapable de parler d'elle avec des mots, dans cette ruelle humide, mais désireuse de présenter, appuyée des souvenirs matériels et ses traces dans ce monde, mon enfant à sa tante. |
| | | | | | | | I’ve got shackles on my feet - Allie&Molly |
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